Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 13/Analise transcendante, article 6

ANALISE TRANSCENDANTE.

Extension et démonstration nouvelle du théorème
de M. de Stainville, présentée à la page 
229
du IX.e volume du présent recueil ;

Par M. Gergonne.
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L’importance du beau théorème démontré par M. de Stainville à la page 229 du IX.e volume de ce recueil peut en faire désirer une démonstration sinon plus simple, du moins qui exige assez peu d’écriture pour pouvoir non seulement être introduite dans les traités élémentaires, mais encore être présentée dans une leçon publique, sur un tableau d’une médiocre étendue. On peut remarquer en effet que, puisque l’un des principaux avantages de la langue algébrique sur la langue vulgaire consiste dans la brièveté de ses notations, une démonstration écrite dans cette langue doit être d’autant plus claire et plus facile à suivre qu’elle est exprimée en termes plus concis.

En nous occupant des moyens de parvenir à ce but, relativement au théorème dont il s’agit, nous sommes tombés sur un théorème un peu plus général qui se démontre avec la plus grande facilité, et duquel l’autre se déduit ensuite immédiatement. C’est à exposer le résultat de nos recherches sur ce sujet, que nous destinons, le présent article.

Soit une série

(1)

dans laquelle nous supposons le premier terme une fonction tout-à-fait arbitraire de et de tant d’autres quantités différentes de qu’on voudra, et où tous les autres coefficiens se trouvent définis par l’équation

(2)

de telle sorte qu’en changeant, dans le coefficient de l’un quelconque de ses termes en et multipliant ensuite le résultat par on obtient le coefficient du terme qui suit immédiatement.

Si, dans cette série, nous changeons simplement en nous aurons cette autre série

(3)

dans laquelle ne différera de la fonction arbitraire qu’en ce que y sera changé en et où les coefficiens des autres termes se trouveront définis par l’équation

(4)

de sorte qu’en changeant, dans le coefficient de l’un quelconque des termes, en et multipliant ensuite le résultat par on obtiendra le coefficient du terme qui suit immédiatement.

Si l’on fait le produit de ces deux séries, on pourra l’ordonner par rapport à et les coefficiens de ses différens termes seront des fonctions de et de sorte qu’on pourra écrire

série dans laquelle on aura évidemment

(6)

Or ce que nous nous proposons de démontrer, c’est que les coefficiens de tous les autres termes de cette série seront définis par l’équation

(7)

c’est-à-dire, en d’autres termes, que, si dans le coefficient de l’un quelconque des termes, on change d’abord en en multipliant le résultat par puis en en multipliant le résultat par la somme des deux produits sera le coefficient du terme qui suivra immédiatement.

Pour y parvenir, faisons d’abord les premiers termes du produit effectifs de nos deux séries ; nous trouverons ainsi

il est facile de s’assurer que la loi annoncée a lieu dans ces premiers termes ; en effet, si nous exécutons les opérations qu’elle prescrit sur son premier terme, nous aurons pour résultat

mais, par les définitions (2 et 4) ; on a

donc cette quantité revient à

qui est bien, en effet, le coefficient du second terme.

Si l’on fait les mêmes opérations sur ce coefficient, le résultat sera

mais, par les définitions (2 et 4)

substituant donc et réduisant, il viendra

qui est bien, en effet, le coefficient du troisième terme.

Nous étant ainsi assurés de la vérité de cette loi pour les premiers termes du développement du produit de nos deux séries, il ne nous reste plus qu’à démontrer qu’elle a lieu pour deux termes consécutifs quelconques. Prenons ceux qui sont affectés de et il est aisé de voir que ces deux termes sont

opérant sur le premier de ces deux termes comme nous l’avons fait ci-dessus, nous aurons, pour résultat

mais, en vertu de nos définitions (2 et 4), on a

substituant donc, il viendra

observant alors que


 

et réduisant, il viendra

qui est précisément le coefficient de notre loi est donc générale.

Il sera donc facile, dans tous les cas, de déterminer le produit de nos deux séries, sans exécuter la multiplication, puisqu’on connaît le premier terme de ce produit, et qu’on sait en déduire un terme quelconque de celui qui le précède immédiatement.

Supposons, par exemple, que les deux fonctions semblables soient l’une et l’autre égales à l’unité ; d’après les définitions (2 et 4), et en observant que reste toujours soit qu’on change en ou en il est clair que nos deux séries deviendront

(9)
(10)

puis donc qu’alors le premier terme de leur produit est on aura suivant la définition (7) que nous avons démontrée être une suite nécessaire des définitions (2 et 4),


on voit que ces premiers termes ne sont autre chose que les termes correspondans de l’une ou l’autre des deux séries multipliées, dans lesquels on aurait changé ou en Or il est aisé de voir que cette loi s’étendra à toute la série, quelque loin qu’on la prolonge ; car, si l’on suppose que le coefficient de soit soumis à la loi dont il s’agit, ce coefficient devra être

celui de devra donc être (7)

c’est-à-dire

c’est-à-dire, tel que l’exige cette loi, qui se trouve ainsi généralement démontrée : on aura donc, d’après cela,

c’est-à-dire, que le produit des deux séries (9 et 10) est une série qui ne diffère de l’une ou de l’autre qu’en ce que ou s’y trouve changé en et c’est précisément en cela que consiste le théorème de M. de Stainville.

Nous renvoyons à l’endroit cité ainsi qu’à la page 261 du même volume, pour les nombreuses et importantes conséquences du même théorème.