Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 12/Géométrie des courbes, article 10

QUESTIONS RÉSOLUES.

Solution du dernier des cinq problèmes de géométrie
proposés à la page 
108 de ce volume ;

M. Tédenat, ancien recteur, correspondant
de l’académie royale des sciences.
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PROBLÈME. On demande l’équation la plus générale de la courbe qui jouit de cette propriété que si, par chacun de ses points, on lui mène une normale, terminée à l’axe des abscisses, cette normale ait même longueur que l’ordonnée qui a son pied au même point de cet axe ?

Solution. Il est aisé de voir, par la nature du problème, que l’axe des doit être un diamètre de la courbe demandée, dont l’équation ne doit conséquemment renfermer que des puissances paires de En conséquence, nous prendrons, pour cette équation

(1)

de sorte que toute la question se réduira à assigner la forme de la fonction

En différentiant cette équation, il vient.

étant, à l’ordinaire, la dérivée de Or, est, comme l’on sait l’expression de la sousnormale, de sorte que l’abscisse du pied de la normale est et, quant à la longueur de la normale, elle est, comme l’on sait,

et puisque l’ordonnée qui répond à l’abscisse doit être égale à cette normale, il faudra que les valeurs de l’une et l’autre résolvent l’équation (1) ; c’est-à-dire qu’on devra avoir

(2)

Lors donc qu’on voudra savoir si une courbe, dont l’équation ne renferme que des puissances paires de jouit de la propriété dont il s’agit, on résoudra cette équation par rapport à dont on prendra la valeur pour ce qui donnera aussi d’où on conclura Substituant alors les valeurs de et de dans l’équation (2), il faudra que ces valeurs la rendent identique.

Si l’équation proposée ne satisfaisait pas généralement à cette condition, mais qu’elle contînt d’ailleurs des coefficiens indéterminés, on pourrait profiter de leur indétermination pour rendre l’équation (2) identique.

Pour appliquer ceci à un exemple, proposons-nous de chercher si, dans les deux premiers degrés, quelques courbes jouissent de la propriété dont il s’agit. Soit pour cela

dans laquelle sont supposés indéterminés. On en conclura

d’où

et, par suite,

d’où en substituant dans l’équation (2)


En développant, transposant, ordonnant et réduisant, cette équation deviendra

d’où l’on voit que demeure tout-à-fait indéterminé.

Or, il n’y a que deux moyens de rendre cette équation identique ; le premier est de rendre, à la fois, et nuls ; le second est de faire quel que soit donc les deux seules fonctions qui résolvent le problème, dans les deux premiers degrés, sont

ce qui donne les deux équations

donc la première appartient au système de deux parallèles à l’axe des , situées à une même distance quelconque au dessus et au-dessous de cet axe, et dont l’autre est celle d’un cercle de rayon arbitraire, ayant son centre en un point quelconque du même axe. Il est évident, en effet, que ces deux lignes résolvent également le problème[1].

  1. Ce curieux et difficile problème, qui dépend évidemment des équations aux différences mêlées, et qui est dû à Euler, a été traité par M. Babbage qui lui a appliqué une analise qui lui est propre, dans un Mémoire sur le calcul fonctionnel, qui fait partie des Transactions philosophiques pour l’année 1816. MM. Biot et Poisson s’en sont aussi occupés. Ceux qui voudront de plus amples détails sur ce sujet peuvent consulter le III.e volume du Traité de calcul différentiel et de calcul intégral de M. Lacroix, nouvelle édition, page 591.
    J. D. G.