Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 12/Géométrie, article 1

GÉOMÉTRIE.

Démonstration géométrique de diverses propriétés de
l’ellipse et de l’ellipsoïde ;

Par M. J. B. Durrande, professeur de physique
au collège royal de Cahors.
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THÉORÈME I. Parmi tous les quadrilatères inscrits à une même ellipse, le parallélogramme conjugué, c’est à dire, le quadrilatère inscrit dont les sommets sont aux extrémités de deux diamètres conjugués, est celui dont l’aire est un maximum ; et, parmi tous les quadrilatères circonscrits, le parallélogramme conjugué, c’est-à-dire, le quadrilatère dont les points de contact sont aux extrémités de deux diamètres conjugués, est celui dont l’aire est un minimum.

Démonstration. Soit projetée orthogonalement l’ellipse, sur un plan parallèle à son petit axe, et tellement incliné, par rapport au sien, que les projections de ses deux axes soient de même longueur ; la projection sera dès-lors un cercle ; et la projection de tout quadrilatère inscrit ou circonscrit sera un quadrilatère inscrit ou circonscrit au cercle ; de plus, les aires de deux quadrilatères quelconques, inscrits ou circonscrits à l’ellipse seront entre elles dans le même rapport que celles de leurs projections. Donc, le plus grand quadrilatère inscrit et le plus petit quadrilatère circonscrit à l’ellipse seront ceux dont les projections seront le plus grand quadrilatère inscrit et le plus petit quadrilatère circonscrit au cercle ; or, il est connu, et il est d’ailleurs très-facile de démontrer que ces derniers sont des quarrés ; et comme d’ailleurs, dans le cas actuel, les parallélogrammes conjugués, inscrits et circonscrits, sont les seuls dont les projections puissent être telles, il en résulte qu’eux seuls peuvent être maximums et minimums.

Corollaire. Il suit de là, entre autres conséquences, que, parmi toutes les ellipses circonscrites ou inscrites à un même parallélogramme, l’ellipse circonscrite de telle sorte qu’elle ait pour diamètres conjugués les deux diagonales du parallélogramme, et l’ellipse inscrite de manière qu’elle ait pour diamètres conjugués les droites qui joignent les milieux de ses côtés opposés sont, la première minimum et la seconde maximum.

THÉORÈME II. Parmi tous les octaèdres hexagones inscrits à un même ellipsoïde, de telle sorte que leurs sommets soient les extrémités de trois diamètres de l’ellipsoïde, l’octaèdre conjugué, c’est-à-dire, l’octaèdre inscrit dont les sommets sont les extrémités de trois diamètres conjugués, est celui dont le volume est un maximum ; et, parmi tous les hexaèdres octogones circonscrits, de telle sorte que leurs points de contact soient les extrémités de trois diamètres de l’ellipsoïde, l’hexaèdre conjugué, c’est-à-dire, l’hexaèdre circonscrit dont les points de contact sont les extrémités de trois diamètres conjugués, est celui dont le volume est un minimum.

Démonstration. 1.o Si, parmi les octaèdres hexagones inscrits, dont les sommets sont les extrémités de trois diamètres de l’ellipsoïde, l’octaèdre conjugué n’était pas le plus grand, il faudrait que, dans l’octaèdre maximum inscrit, deux au moins des diagonales ne fussent pas conjuguées l’une à l’autre, et ne fussent pas conséquemment des diamètres conjugués de la section elliptique qui les contient. Or, le plan de cette section divise l’octaèdre en deux pyramides quadrangulaires de même hauteur, ayant base commune, laquelle ne serait pas (Théorème I.) le plus grand quadrilatère inscrit à l’ellipse ; en lui substituant donc ce plus grand quadrilatère inscrit, et en conservant d’ailleurs-les mêmes sommets, on obtiendrait un nouvel octaèdre inscrit, composé de deux pyramides de même hauteur que les premières, mais d’une plus grande base, et conséquemment d’un plus grand volume ; cet octaèdre serait donc plus grand que le premier, qui par conséquent ne saurait être l’octaèdre maximum.

2.o Si, parmi les hexaèdres octogones circonscrits, dont les points de contact sont les extrémités de trois diamètres de l’ellipsoïde, l’hexaèdre conjugué n’était pas le plus petit, il faudrait que dans l’hexaèdre minimum circonscrit, deux au moins des droites qui joignent les points de contact opposés ne fussent pas conjuguées l’une à l’autre, et ne fussent pas conséquemment deux diamètres conjugués de la section elliptique qui les contient. Or, le plan de cette section divise l’hexaèdre total en deux hexaèdres partiels de même hauteur, ayant base commune ; laquelle ne serait pas (Théorème I) le plus petit quadrilatère circonscrit à l’ellipse ; en lui substituant donc ce plus petit quadrilatère circonscrit, et en conservant d’ailleurs, les plans des deux faces de l’hexaèdre total qui lui sont parallèles, on obtiendrait un nouvel hexaèdre circonscrit, composé de deux hexaèdres partiels de même hauteur que les premiers, mais d’une moindre base, et conséquemment d’un moindre volume. ; cet hexaèdre serait donc moindre que le premier, qui par conséquent ne saurait être l’hexaèdre minimum.

Corollaire. Il résulte de là, 1.o qu’entre tous les ellipsoïdes circonscrits à un même hexaèdre octogone, dans lequel les trois diagonales se coupent au même point par leurs milieux, le plus petit est celui qui a ces trois diagonales pour diamètres conjugués ; 2.o qu’entre tous les ellipsoïdes inscrits à un même hexaèdre octogone, à faces parallèles, le plus grand est celui qui a pour diamètres conjugués les droites qui joignent les centres des faces opposées de cet hexaèdre.

THÉORÈME III. Il y a toujours une infinité de triangles, soit inscrits, soit circonscrits à une même ellipse, tous équivalens entre eux, tels que le centre de gravité de leur surface coïncide avec le centre de l’ellipse. Les inscrits sont maximums et les circonscrits minimums, entre tous les triangles inscrits et circonscrits à cette même ellipse.

Démonstration. Soit encore projetée orthogonalement l’ellipse, de telle sorte que sa projection soit un cercle ; le centre de ce cercle sera la projection de son centre ; et la projection de tout triangle inscrit ou circonscrit à l’ellipse sera un triangle inscrit ou circonscrit au cercle, en outre, le rapport des aires de deux triangles inscrits ou circonscrits à l’ellipse sera le même que celui des aires de leurs projections ; enfin, la projection du centre de gravité de l’aire de chacun de ces triangles sera le centre de gravité de l’aire de sa projection.

Cela posé, soient inscrits ou circonscrits au cercle, projection de l’ellipse, tant de triangles équilatéraux qu’on voudra, ils seront tous égaux, et auront tous pour centre commun de gravité le centre même de ce cercle ; les triangles inscrits ou circonscrits à l’ellipse dont ils seront la projection seront donc tous équivalens et auront aussi leur centre commun de gravité au centre même de cette ellipse ; ce qui démontre déjà la première partie du théorème. En outre, comme il est connu et d’ailleurs facile de démontrer que le triangle équilatéral est à la fois le plus grand de tous les triangles inscrits et le plus petit de tous les triangles circonscrits à un même cercle ; il s’ensuit que nos triangles inscrits et circonscrits à l’ellipse, dont ceux-ci seront les projections, seront les premiers maximums et les derniers minimums, entre tous les triangles inscrits ou circonscrits à la même courbe.

Corollaire. Il résulte de là que, parmi toutes les ellipses circonscrites et inscrites à un même triangle, celles dont le centre coïncide avec le centre de gravité de l’aire du triangle sont, les premières minimums. et les dernières maximums[1].

Remarques I. Lorsqu’on veut construire un triangle inscrit maximum, on peut prendre un de ses sommets en un point quelconque de la courbe ; et alors il suffit de prendre, pour le côté opposé, la corde qui, coupant le diamètre qui part de ce sommet aux trois quarts de sa longueur, est parallèle au conjugué de ce diamètre ; d’où l’on voit que la tangente menée à la courbe par chacun des sommets d’un tel triangle est parallèle au côté opposé.

II. Lorsqu’on veut construire un triangle circonscrit minimum, on peut prendre pour direction de l’un des côtés une tangente quelconque à la courbe ; et alors il suffit de prendre pour sommet opposé l’extrémité du diamètre qui part du point de contact, prolongé hors de l’ellipse d’une quantité égale à la moitié de sa longueur ; d’où l’on voit que la corde de contact de l’un des angles d’un tel triangle est parallèle au côté qui lui est opposé.

III. Il résulte de là que si deux triangles sont, l’un inscrit et l’autre circonscrit à une même ellipse, de telle sorte que les sommets de l’inscrit soient les points de contact du circonscrit ; si l’inscrit est maximum, le circonscrit sera minimum, et réciproquement ; et les côtés de ces deux triangles seront parallèles chacun à chacun, de manière qu’ils seront semblables.

THÉORÈME IV. Il y a toujours une infinité de tétraèdres, soit inscrits, soit circonscrits à un même ellipsoïde, tous équivalens entre eux, tels que le centre de gravité de leur volume coïncide avec le centre de l’ellipsoïde. Les inscrits sont maximums et les circonscrits minimums, entre tous les tétraèdres inscrits et circonscrits à ce même ellipsoïde.

Démonstration. 1.o Soit pris pour l’un des sommets d’un tétraèdre inscrit à l’ellipsoïde un quelconque des points, de celle surface. Soit déterminé le plan de la face opposée de telle sorte que, coupant le diamètre qui part de ce sommet aux deux tiers de sa longueur, il soit parallèle au plan, conjugué à ce diamètre. Soit inscrit à la section elliptique déterminée par ce plan dans l’ellipsoïde un triangle tel que le centre de gravité de sa surface coïncide avec le centre de l’ellipse ; ce qui se pourra (Théorème III) d’une infinité de manières différentes ; en considérant ce triangle comme la face opposée du tétraèdre, il est visible que le centre de l’ellipsoïde se trouvera aux trois quarts de la droite menée d’un sommet de ce tétraèdre au centre de gravité de l’aire de la face opposée ; c’est-à-dire, au centre de gravité même du volume du tétraèdre ; et comme, dans cette construction, l’un des sommets est arbitraire, et qu’en outre le triangle qui forme la face opposée peut être construit d’une infinité de manières différentes ; il s’ensuit qu’en effet il existe, une infinité de tétraèdres inscrits ; tels que le centre de gravité de leur volume coïncide avec le centre de l’ellipsoïde.

2.o Il est facile de se convaincre, en second lieu, que tous ces tétraèdres sont équivalens. En effet, si l’on en considère deux quelconques, ils auront ou n’auront pas un sommet commun. Dans le premier cas, leurs bases seront deux triangles inscrits à une même ellipse, ayant pour centre commun de gravité le centre-même de cette courbe ; ces triangles seront donc équivalens (Théor. III) ; les deux tétraèdres auront donc même hauteur et bases équivalentes, et par conséquent ils seront eux-mêmes équivalens.

Si les deux tétraèdres n’ont aucun sommet commun, ils n’auront pas non plus deux faces situées dans un même plan, et conséquemment les plans des faces opposées à deux sommets quelconques se couperont ; les sections elliptiques déterminées par ces plans auront donc deux points communs ; on pourra donc prendre l’un de ces points pour sommet commun de deux triangles inscrits à ces ellipses de telle sorte que leurs centres de gravité respectifs coïncident avec les centres des deux courbes. Ces triangles étant (Théorème I) équivalens aux deux faces que nous considérions d’abord, ils pourront leur être substitués, sans qu’il en résulte aucun changement dans les volumes des deux tétraèdres ; mais les deux tétraèdres résultans, se trouvant alors avoir un sommet commun, à l’intersection des deux ellipses, devront, parce qui précède, être équivalens ; d’où il suit que les premiers devaient l’être également.

3.o Enfin, chacun de ces tétraèdres est un maximum, entre tous ceux que l’on peut inscrire à l’ellipsoïde. Si, en effet, on prétendait nier cette proposition, il faudrait admettre que, dans le tétraèdre maximum il y a au moins un sommet tel que le plan tangent à l’ellipsoïde qu’on y fait passer n’est point parallèle à la face opposée ; or, dans ce cas, en menant à l’ellipsoïde un plan tangent parallèle à cette face, et en transportant à son point de contact le sommet du tétraèdre, on formerait un nouveau tétraèdre inscrit de même base que le premier, mais d’une plus grande hauteur, et par conséquent d’un plus grand volume ; celui-là ne saurait donc être le tétraèdre maximum, comme on le suppose.

4.o Voilà donc notre théorème complètement démontré, en ce qui concerne les tétraèdres inscrits, et il nous sera facile de conclure de là ce qui est relatif aux tétraèdres circonscrits. Remarquons d’abord que du mode de construction du tétraèdre maximum inscrit, il résulte que le plan tangent à l’ellipsoïde, par chacun de ses sommets, est parallèle à la face opposée ; d’un autre côté, les plans tangens à l’ellipsoïde par ses quatre sommets forment un tétraèdre circonscrit à cet ellipsoïde ainsi qu’au tétraèdre inscrit ; or, il est connu que deux tétraèdres circonscrits l’un à l’autre, de telle sorte que les plans des faces correspondantes soient parallèles ont le centre de gravité de leur volume au même point ; puis donc que le centre de gravité de l’inscrit est au centre de l’ellipsoïde celui du circonscrit y sera aussi. Ainsi, la recherche du tétraèdre circonscrit qui ait son centre de gravité au centre de l’ellipsoïde, se réduit à construire un tétraèdre inscrit qui jouisse de cette propriété, et à prendre ensuite les sommets de celui-ci pour points de contact des faces de l’autre ; et il est même aisé de voir que ces points de contact seront en même temps les centres de gravité respectifs des aires des faces auxquelles ils appartiendront. Or, comme le tétraèdre inscrit peut être construit d’une infinité de manières différentes, il doit en être de même du tétraèdre circonscrit.

5.o Il est connu que, lorsque deux tétraèdres sont circonscrits l’un à l’autre, de manière que les faces correspondantes soient parallèles, le volume du circonscrit est fois plus grand que celui de l’inscrit ; donc chacun des tétraèdres circonscrits à l’ellipsoïde de manière que leur centre de gravité coïncide avec le centre de cette surface, est fois plus grand que l’inscrit qui lui correspond ; puis donc que le volume de ce dernier est constant, le volume du premier doit l’être aussi.

6.o Il reste à prouver que le tétraèdre circonscrit dont le centre de gravité coïncide avec le centre de l’ellipsoïde ou, ce qui revient au même, qui touche l’ellipsoïde aux centres de gravité des aires de ses faces, est le tétraèdre minimum, parmi tous ceux qui peuvent être circonscrits à cet ellipsoïde. Supposons, en effet, qu’il n’en soit pas ainsi ; il faudra admettre que, dans le tétraèdre circonscrit minimum, une des faces, au moins, n’a pas son point de contact à son centre de gravité. Or, si l’on circonscrit à l’ellipsoïde une surface conique qui ait pour sommet le sommet opposé, la section de cette surface conique par le plan de la face dont il s’agit sera une ellipse à laquelle cette face sera circonscrite. Il faudra donc que cette même face soit le triangle minimum circonscrit à l’ellipse, puisque, dans le cas contraire, en lui substituant le triangle minimun, on formerait un nouveau tétraèdre circonscrit, de même hauteur que le premier, mais d’une base plus petite, et conséquement d’un moindre volume. Il faut donc que le centre de gravité de l’aire du triangle coïncide avec le centre de l’ellipse, ce qui ne peut avoir lieu à moins que ce centre de gravité ne soit le point de contact du plan de ce même triangle avec l’ellipsoïde.

Corollaire. Il suit de là que, parmi tous les ellipsoïdes circonscrits et inscrits à un même tétraèdre, ceux dont le centre coïncide avec le centre de gravité du volume du tétraèdre sont, les premiers minimums et les derniers maximums[2].

Pour compléter cette théorie, il resterait à assigner, 1.o la plus grande ellipse circonscrite à un quadrilatère quelconque ; 2.o le plus grand ellipsoïde inscrit à un hexaèdre octogone quelconque ; 3.o le plus petit ellipsoïde circonscrit à un octaèdre hexagone quelconque. Si nous sommes assez heureux pour jamais parvenir à ces diverses déterminations, nous nous empresserons de faire connaître les résultats auxquels nous serons parvenus.


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  1. Le Théorème I et celui-ci peuvent servir de complément au Mémoire de M. Ferriot, inséré à la page 240 du II.e volume de ce recueil.
    J. D. G.
  2. Nous croyons devoir rappeler ici que les corollaires des théorèmes III et IV ont déjà été directement démontrés, par l’analise, dans un Mémoire de M. Bérard, inséré à la page 284 du IV.e volume de ce recueil.
    J. D. G.