ANALISE APPLIQUÉE.
Problème général des engrenages à axes fixes ;
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Je me propose de montrer ici comment le problème des engrenages
à axes fixes peut être facilement ramené aux procédés généraux de
l’analise mathématique. Je pourrais aborder immédiatement le cas
le plus général de ce problème ; mais, pour en rendre la solution
plus facile à saisir, je pense qu’il ne sera pas hors de propos de
traiter d’abord un cas beaucoup plus simple : c’est celui où l’axe
du pignon ou de la lanterne étant parallèle à celui de la roue,
toutes les sections faites dans l’un et l’autre corps par des plans
perpendiculaires à la direction commune de leurs axes sont des
courbes égales, semblablement situées, et ayant pour points homologues les points où leurs plans sont rencontrés par leurs axes ;
c’est-à-dire, en d’autres termes, le cas où la roue et le pignon ou
lanterne sont des surfaces cylindriques, ayant leurs élémens rectilignes parallèles à la direction commune de leurs axes. Tout se
réduit alors, en effet, à remplir les conditions qui doivent être
satisfaites, pour l’un quelconque des plans perpendiculaires aux
axes ; et on a alors à résoudre simplement un problème de géométrie
plane qui peut être énoncé comme il suit :
PROBLÈME, Deux surfaces planes situées dans un même plan, où elles doivent demeurer constamment, ne peuvent prendre d’autre mouvement qu’un mouvement de rotation autour de deux points fixes du plan où elles sont situées. La courbe qui termine la surface étant donnée, on demande par quelle courbe doit être terminée la surface pour que ces deux courbes, tournant librement autour de leurs centres de rotation respectifs, avec des vitesses données quelconques, constantes ou variables, les courbes qui les terminent se trouvent continuellement tangentes l’une à l’autre ?
Solution, De quelque manière que soient mus les différens corps
d’un système, lorsqu’on n’a à s’occuper que de leur mouvement
relatif, il est toujours permis de supposer l’un d’eux immobile,
pourvu que l’on transporte aux autres son mouvement en sens
contraire. On peut, en effet, imaginer tout le système renfermé
dans un espace clos que l’on fait mouvoir dans l’espace indéfini,
de telle sorte que le corps que l’on veut supposer immobile le
soit en effet, dans ce dernier espace ; d’où l’on voit qu’alors les
autres corps du système, outre le mouvement qu’on avait d’abord
attribué à chacun d’eux, auront encore un mouvement commun,
égal à celui de l’espace clos, et par conséquent contraire au mouvement effectif du corps que l’on suppose immobile.
Pour appliquer ces considérations au problème qui nous occupe,
supposons que la surface soit immobile ; il nous faudra, pour
légitimer cette supposition, attribuer au point un mouvement
circulaire autour du point et alors notre problème se trouvera
simplement réduit au suivant :
Pendant qu’une surface plane terminée par une courbe donnée, tourne sur un plan, autour de l’un quelconque de ses points, avec une vitesse donnée quelconque, constante ou variable, le point décrit, dans le même plan, une circonférence d’un rayon donné, ayant pour centre un autre point de ce plan, avec une vitesse constante ou variable, également donnée et quelconque ; on demande quelle est la courbe à laquelle, dans ce mouvement, la courbe est continuellement tangente ?
Or, le problème, ainsi envisagé, n’est qu’un cas particulier du
problème des enveloppes planes, et peut être facilement résolu
comme il suit.
Soit la distance constante entre les deux points
Soit rapportée la courbe fixe cherchée à des coordonnées rectangulaires
fixes sur le plan des deux courbes, et dont, pour plus
de simplicité, nous supposerons l’origine en
Soit rapportée la courbe mobile donnée à des coordonnées
fixes sur cette courbe, mais mobiles avec elle sur le plan
des deux surfaces, tant autour du point qu’autour du point
en prenant encore, pour plus de simplicité, le point pour origine.
Soit, pour une époque quelconque, l’angle variable que fait
la droite mobile avec l’axe des les équations du point
par rapport au premier système de coordonnées, seront ainsi,
pour la même époque,
Si, dans la vue d’obtenir la courbe, lieu du point dans toutes ses positions autour du point on élimine, entre ces deux équations, il viendra
équation d’un cercle, comme on pouvait bien s’y attendre.
À la même époque, l’axe des qui varie sans cesse de
position, fera, avec la droite mobile un angle fonction de
l’angle dont la grandeur dépendra du rapport des vitesses de
rotation des deux surfaces ; nous représenterons cet angle par
d’où l’on voit que l’angle des axes des et des sera
Par les formules connues à l’aide desquelles on passe, sur un
plan, d’un système rectangulaire à un autre système qui l’est
également, on aura
ou, en développant et réduisant,
Cela posé, soit
l’équation de la courbe rapportée à ses propres axes, et que l’on suppose donnée, dans l’énoncé du problème, en y substituant pour les valeurs que nous venons de trouver en l’équation résultante, de la forme
sera celle de cette même courbe dans toutes les positions
qu’elle peut prendre par rapport à la courbe ou, ce qui revient
même, cette équation sera l’équation commune à une infinité de
courbes, dont chacune sera une des positions de la courbe par
rapport à la courbe et qu’on en déduirait en faisant varier la
valeur du paramètre Puis donc que, dans toutes ces positions,
la courbe doit continuellement être tangente à la courbe, cette
dernière ne sera autre chose que l’enveloppe de l’espace parcouru
par la première. En conséquence, et d’après la théorie connue des
enveloppes[1], si l’on élimine entre cette dernière équation et sa différentielle prise par rapport à ce paramètre, l’équation résultante, de la forme
sera l’équation demandée de la courbe inconnue Venons présentement à quelques applications.
Supposons, en premier lieu, que la courbe donnée soit un
cercle ayant le point pour centre et un rayon égal à son
équation, par rapport à ses propres axes ; sera
en y substituant pour leurs valeurs en elle deviendra
ou, plus simplement,
équation qu’on peut encore mettre sous cette forme
Il ne s’agit donc plus présentement que d’éliminer entre cette
équation et sa différentielle, prise uniquement par rapport à cette
lettre ; or, cette différentielle est
ou, plus simplement,
combinant cette équation avec il viendra
ce qui donnera, en substituant dans l’équation, chassant les dénominateurs et réduisant,
d’où
et, en transposant et quarrant,
équation commune à deux cercles concentriques, ayant le point pour centre commun, et ayant pour rayons la distance augmentée ou diminuée du rayon du cercle dont le centre est ; et cela quelque fonction d’ailleurs que soit de C’est, au surplus, un résultat qu’il était facile de prévoir ; il justifie complètement l’exactitude de notre procédé.
Pour second exemple, admettons que soit une droite telle que
les coordonnées du pied de la perpendiculaire abaissée sur elle de
l’origine soient et son équation sera
en y mettant pour leurs valeurs en elle deviendra
Supposons présentement que le rapport des vitesses de rotation
soit tel qu’en supposant celle de uniforme, celle de le soit
aussi, mais fois plus rapide ; nous aurons alors d’où
notre équation deviendra donc
sa différentielle, par rapport à sera
en joignant ces deux équations, les équations
on en déduira les valeurs de
et par suite celles de
En supposant donc qu’on trouve
ou en conclura
d’où, en multipliant en croix
Ce calcul ne présente rien de difficile, mais il conduit des formules finales extrêmement compliquées.
Pour troisième exemple, supposons que la courbe soit un
cercle, ayant pour les coordonnées de son centre ; en
posant toujours l’origine en son équation sera
en y mettant pour leurs valeurs en elle deviendra
Faisant, dans cet exemple, comme dans le précédent elle deviendra
La différentielle de cette équation, par rapport à sera
Il s’agira donc d’éliminer entre cette équation et la précédente. Pour cela, on en éliminera d’abord et au moyen des formules
ces équations ne renfermant plus alors que en leur joignant les deux équation.
on parviendra aux valeurs de ces quatre quantités, et l’on achèvera comme il a été dit ci-dessus.
Passons présentement au problème général, que nous pouvons
énoncer comme il suit.
PROBLÈME. Deux corps ne pouvant prendre d’autre mouvement qu’un mouvement de rotation autour de deux axes respectifs fixes dans chacun d’eux, ainsi que dans l’espace, et situés ou non dans un même plan ; on suppose que la surface de est donnée, et on demande quelle doit être la surface de pour que, ces deux corps tournant librement autour de leurs axes respectifs, avec des vitesses angulaires données quelconques, constantes ou variables, leurs surfaces soient continuellement tangentes l’une à l’autre ?
Solution, ici encore, comme dans le premier problème, il nous
sera permis de supposer que le corps est immobile, pourvu que
nous transportions au corps dont l’axe est supposé invariablement lié au sien, un mouvement de rotation autour de ce dernier
axe, égal et contraire à celui du corps autour de ce même axe.
Le problème se trouvera ainsi réduit au suivant :
Pendant qu’un corps terminé par une surface donnée, tourne autour d’un axe fixe dans ce corps, mais mobile dans l’espace, avec une vitesse donnée quelconque, constante ou variable, cet axe lui-même tourne autour d’un autre axe absolument fixe dans l’espace, situé ou non dans le même plan avec lui, et auquel on le suppose invariablement lié, avec une autre vitesse donnée quelconque, également constante ou variable ; on demande quelle est la surface à laquelle, dans ce double mouvement, la surface sera continuellement tangente ?
Or, le problème, ainsi envisagé, n’est plus qu’un cas particulier
du problème général des surfaces enveloppes, et peut se traiter
comme il suit.
Soit la longueur de la perpendiculaire commune aux deux
axes et soient respectivement, les points de ces
axes où elle se termine. Soit, de plus, l’angle des deux axes.
Rapportons la surface fixe cherchée à des coordonnées rectangulaires, immobiles dans l’espace ; en prenant, pour
plus de simplicité ; l’axe pour l’axe des et le point pour
origine ; sans rien statuer d’ailleurs sur la direction des deux autres
axes.
Dans le mouvement de l’axe autour de l’axe le point
décrira, sur le plan des un cercle ayant l’origine pour
centre et la longueur pour rayon. Il percera constamment le
plan des en quelque point de cette circonférence ; et si l’on
désigne par l’angle que fait avec l’axe des la perpendiculaire
commune pour une époque quelconque, les équations du point seront, pour cette époque,
Quant à l’axe puisqu’il passe par ce point, qu’il est constamment perpendiculaire à et qu’il fait continuellement un angle avec l’axe ou l’axe des ses équations, pour la même époque, seront,
Si, dans la vue d’obtenir la surface courbe, lieu de l’axe dans toutes ses positions autour de l’axe on élimine entre ces deux équations, il viendra
équation d’une hyperboloïde de révolution à une nappe, ainsi cela doit être.
Rapportons présentement la surface donnée à un autre système
de coordonnées rectangulaires fixes dans cette surface,
mais mobiles avec elle dans l’espace, tant autour de son axe propre
qu’autour de l’axe fixe mais encore ici, pour plus de simplicité, prenons l’axe de révolution lui-même pour axe des et le point pour origine. Le plan des coupera constamment
celui des suivant la droite mobile et fera avec lui un angle
constamment égal à Quant à l’axe des l’angle qu’il fera avec
cette droite sera un angle variable, fonction de dont la relation
avec cet autre angle dépendra de la nature des deux mouvemens
de rotation. Nous représenterons cet angle par d’après quoi l’axe
des fera avec les un angle pour lequel on aura
Ces choses ainsi entendues, supposons que l’on veuille amener
le système des à coïncider avec celui des on pourra y procéder par degrés, ainsi qu’il suit ; 1.o on fera d’abord
tourner le système autour de l’axe des de la quantité angulaire soient alors les dénominations respectives des nouvelles coordonnées ; l’axe des se trouvera coïncider avec la droite
2.o on fera ensuite tourner le second système autour de l’axe
des de la quantité angulaire soient alors les
dénominations respectives des nouvelles coordonnées ; alors le plan
des coïncidera avec celui des de sorte que, pour compléter
la coïncidence, il ne sera plus question, 3.o que de faire tourner
ce dernier système autour de l’axe des de la quantité angulaire et de transporter ensuite l’origine de en
Donc, par les formules à l’aide desquelles on passe, sur un
plan, d’un système rectangulaire, à un autre qui l’est également,
on aura successivement
substituant donc les valeurs de dans celles de et ensuite celles-ci dans celle de on aura
Cela posé, soit
l’équation de la surface rapportée à ses propres axes, et que l’on suppose donnée dans l’énoncé du problème ; en y substituant pour les valeurs que nous venons de trouver, en l’équation résultante, de la forme
sera celle de cette même surface dans toutes les positions qu’elle peut prendre, par rapport à la surface cherchée ou, ce qui revient au même, cette équation sera l’équation commune à une infinité de surfaces, dont chacune sera une des positions de la surface, par rapport à la surface, et qu’on en déduirait en faisant varier la valeur du paramètre Puis donc que, dans toutes ces positions, la surface doit être continuellement tangente à la surface cette dernière ne sera autre chos»e que l’enveloppe de l’espace parcouru par la première. En conséquence, et d’après la théorie connue des surfaces enveloppes[2], si l’on élimine entre cette dernière équation et sa différentielle prise par rapport à ce paramètre, l’équation résultante, de la forme
sera l’équation demandée de la surface inconnue
Avant de passer aux applications, considérons, en particulier, le
cas où les deux axes sont parallèles ; on a alors
et nos formules deviennent
formules qui coïncident parfaitement avec celle du premier problème, ainsi qu’il doit en effet arriver dans ce cas.
Pour premier exemple, supposons que la surface soit une sphère
dont le centre soit sur l’axe son équation sera de la forme
en y mettant pour leurs valeurs en elle deviendra, toutes réductions faites,
La différentielle de cette équation, prise par rapport à est
si, dans ces deux équations, on considère et comme deux inconnues, on en tirera
prenant la somme des quarrés de ces deux équations, disparaîtra de lui-même, et, en réduisant, on obtiendra, pour l’équation de la surface cherchée,
ou, en chassant les dénominateurs et développant,
équation que l’on reconnaîtra aisément pour être celle d’un canal circulo-cylindrique incliné au plan des
Si l’on suppose le centre de la sphère au point on aura
et l’équation deviendra
équation d’un canal circulo-cylindrique de révolution autour de l’axe des quel que soit d’ailleurs l’angle
Soit, en général, la surface une surface de révolution autour
de l’axe des son équation sera de la forme
ce qui donnera, en substituant,
équation indépendante de comme on pouvait bien s’y attendre.
Si la surface est un cylindre, nous aurons simplement
et l’équation sera
sa différentielle, par rapport à sera
Il ne s’agira donc plus que d’éliminer et entre ces deux équations et l’équation
Ces applications n’ont, comme l’on voit, d’autre difficulté que
la longueur et la complication des calculs ; et, pour cette
raison, nous ne les étendrons pas davantage. Nous terminerons donc
en observant que, communément, le mouvement des pignons et
lanternes étant beaucoup plus rapide que celui des roues ; la
moindre défectuosité dans la construction de leurs ailes ou fuseaux
peut entraîner de graves irrégularités dans la marche des machines ;
c’est donc principalement sur la parfaite exécution de ces ailes ou
fuseaux que l’attention de l’artiste doit se porter ; puis donc que,
d’après la théorie qui vient d’être développée, leur forme est arbitraire, nous conseillerons de tailler les ailes des pignons en
triangles isocèles, ou pour mieux dire en prismes triangulaires
isocèles, et de faire les fuseaux des lanternes cylindriques ; attendu
que, ces formes étant d’une exécution facile, ce doit être aussi
celles qu’on peut se promettre d’exécuter
avec le plus de
perfection.