Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 08/Statique, article 4

STATIQUE.

Sur la stabilité de l’équilibre d’un corps pesant, posant
par un seul point sur un plan horizontal ;

Par M. Gergonne.
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Il est connu que, lorsqu’un corps solide pèse moins qu’un pareil volume d’un liquide pesant dans lequel il est abandonné à lui-même, il ne s’y enfonce qu’en partie, et seulement jusqu’à ce qu’un volume du liquide égal à celui de la partie submergée pèse autant que le corps entier.

Il est connu encore que le corps, abandonné à lui-même dans le liquide, ne saurait y demeurer en équilibre que dans des positions telles que le centre de gravité du corps et celui du volume de la partie submergée se trouvent situés dans une même verticale ou, ce qui revient au même, dans une même perpendiculaire au plan de flottaison.

Si l’on conçoit que ce corps soit infiniment peu écarté de l’une de ses positions d’équilibre, le centre de gravité du volume de la partie submergée changera infiniment peu de position, et la perpendiculaire menée par ce point au plan de flottaison changera également ; sa nouvelle direction viendra rencontrer sa direction primitive en un point que Bouguer a nommé le Métacentre ; et il est connu que, suivant que ce métacentre sera au-dessus ou au-dessous du centre de gravité du corps ou coïncidera avec lui ; l’équilibre sera stable, instable ou indéterminé.

Tous ces principes étant indépendans de la densité du liquide, ils devront avoir lieu également lorsque cette densité sera infinie, auquel cas le corps ne s’y enfoncera qu’infiniment peu ; ce qui revient à dire que le plan de flottaison lui sera simplement tangent.

Dans cet état de choses, on pourra donc supposer que le liquide se solidifie, sans qu’il y ait rien de changé dans les résultats, et ce liquide, ainsi solidifié, pourra cesser d’avoir une densité infinie sans que tout cesse de se passer comme auparavant.

Mais, au lieu des conditions d’équilibre d’un corps flottant, il s’agira des conditions d’équilibre d’un corps solide, posant par un seul point sur un plan horizontal ; conditions qui, comme on le voit, ne sont qu’un cas particulier des premières ; il ne s’agira, pour les en déduire, que de remarquer que, dans le cas actuel, 1.° le. volume de la partie submergée et son centre de gravité se réduisent à un point ;2.° que la perpendiculaire au plan de flottaison menée par ce point n’est autre chose que la normale menée, au même point, à la surface par laquelle le corps est terminé ; 3.° qu’enfin le métacentre n’est autre chose que le centre de courbure de la section dont le plan passe par la normale primitive et par le point sur lequel on suppose que le corps touche le plan, dans sa nouvelle position.

De tout cela, et de la théorie connue des centres, rayons et lignes de courbure[1], on pourra tirer les conséquences que voici :

I. Un corps pesant étant terminé par une surface courbe quelconque ; si, par son centre de gravité, on mène des normales à cette surface, ces normales détermineront sur cette même surface un nombre limité de points, lesquels seront les seuls sur lesquels le corps dont il s’agit pourra être tenu en équilibre sur un plan horizontal.

II. Considérons ce corps dans l’une quelconque de ses positions d’équilibre. Il pourra arriver que son centre de gravite soU au-dessus du centre de la moindre de ses deux courbures principales au point où il touche le plan, ou qui coïncide avec ce centre de moindre courbure, ou qu’il soit placé entre ce rentre et celui de plus grande courbure, ou qu’il coïncide avec ce dernier, ou enfin qu’il soit situé au-dessous.

III. Si le centre de gravité est au-dessus du centre de moindre courbure, le corps culbutera dans quelque sens qu’on l’incline et conséquemment l’équilibre sera complètement instable.

IV. Si le centre de gravité coïncide avec le centre de moindre courbure, le corps pourra demeurer incliné, de part ou d’autre, dans le sens de la ligne de moindre courbure ; mais incliné dans toute autre direction il culbutera entièrement. Ce cas est donc la limite de l’équilibre complètement instable.

V. Si le centre de gravité est situé entre les centres de courbure, il y aura deux directions, suivant lesquelles le corps pourra demeurer incliné sans chercher à revenir à sa première situation ni à s’en écarter davantage ; ces deux directions formeront quatre angles opposés deux à deux par le sommet, et tels qu’en inclinant le corps dans deux d’entre eux, il tendra à s’incliner davantage encore, tandis qu’en l’inclinant dans les deux autres, il tendra à revenir dans sa situation primitive : l’équilibre sera donc en partie stable et en partie instable.

VI. Si le centre de gravité coïncide avec le centre de plus grande courbure, le corps pourra demeurer incliné suivant la ligne de cette courbure ; mais incliné dans toute autre direction il reviendra dans sa situation primitive ; ce sera donc là la limite de l’équilibre complètement stable.

VII. Si enfin le centre de gravité est au-dessous du centre de la plus grande courbure, dans quelque direction qu’on incline le corps, il reprendra de lui-même sa position première ; c’est-à-dire qu’alors l’équilibre sera complètement stable.

VIII. Si le point de contact était un ombilic, les cinq cas que nous venons de considérer se réduiraient à trois seulement ; et pour toutes les directions l’équilibre serait complètement instable, stable ou indéterminé, suivant que le centre de gravité serait au-dessus ou au-dessous du centre de courbure de l’ombilic ou coïnciderait avec lui.

IX. La plupart de ces circonstances se rencontrent dans l’ellipsoïde homogène. Aux sommets du grand axe, l’équilibre est complètement instable : il est complètement stable aux sommets du petit ; et il est en partie stable et en partie instable aux sommets de l’axe moyen.

X. Si l’ellipsoïde est de révolution, l’équilibre à ses pôles sera complètement stable ou instable, suivant que cet ellipsoïde sera applati ou alongé ; et pour tous les points de son équateur, l’équilibre sera indéterminé dans le sens de cet équateur, et de nature contraire à celui des pôles, dans toute autre direction.

XI. Si enfin l’ellipsoïde devient une sphère, l’équilibre sera indéterminé, pour tous les points et dans toutes les directions.

XII. Il est entendu que, dans tout ceci, on fait abstraction du frottement.

Ce qui précède peut servir de supplément à l’article inséré à la page 298 de ce volume.


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  1. Voyez notamment la page 368 du IV.e volume de ce recueil.