Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 08/Géométrie des courbes, article 3

GÉOMETRIE TRANSCENDANTE.

De la Loxodromie, sur une surface de révolution,
et, en particulier, sur un sphéroïde elliptique ;

Par M. Gergonne.
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On a appelé Loxodromie[1] la courbe qui coupe tous les méridiens d’une surface quelconque de révolution sous un même angle donné. Le problème de la recherche de cette courbe est, comme l’on voit, un cas particulier du problème général des trajectoires aux fonctions égales. Je vais d’abord le traiter pour une surface de révolution quelconque : je considérerai ensuite, en particulier, le cas où cette surface est celle d’un sphéroïde elliptique.

I. En supposant les coordonnées rectangulaires, et prenant l’axe des pour axe de révolution, toutes les surfaces de révolution peuvent être comprises dans l’équation générale

désignant une fonction quelconque, dont la forme caractérise dans chaque cas particulier, la surface dont il s’agit.

Considérons, en particulier, sur cette surface, un point nous aurons d’abord, pour ce point,

(1)

Nous aurons ensuite, en différentiant,

en conséquence, l’équation du plan tangent an ce point sera

(4)

mais l’équation du plan du méridien, pour ce même point, est

(5)

le système de ces deux équations appartient donc à la tangente au méridien au point de sorte qu’en éliminant successivement entre elles et on pourra prendre pour les équations de cette tangente


ou encore, en vertu de l’équation (1)

Supposons présentement que le point soit un de ceux de la trajectoire cherchée ; les équations de la tangente à cette trajectoire en ce point seront de la forme

(7)

les deux coefficiens différentiels devant être déterminés par ces conditions, 1.o que cette tangente soit sur le plan tangent (4) ; 2.o qu’elle fasse avec l’autre tangente (6) un angle constant que nous représenterons par

Pour exprimer que la première de ces deux conditions est satisfaite, il ne s’agit que d’admettre que les équations (4, 7) ont lieu en même temps ; ce qui donne, par l’élimination de et et la division par

(8)

équation qui n’est, au surplus, que la différentielle de l’équation (1) prise par rapport à

Quant à la seconde condition, elle se déduit de l’inspection des équations (4, 7) et de la formule connue qui donne le cosinus de l’angle de deux droites. On obtient ainsi

ou encore

ou bien, en vertu des équations (1, 8)

ou, en réduisant et multipliant par

ou enfin, en quarrant et chassant le dénominateur

(9)

La trajectoire cherchée sera donc déterminée par cette dernière équation, jointe aux équations (1, 8).

Mais présentement, que les coordonnées courantes ont totalement disparu, nous pouvons nous délivrer des accens ; en remplaçant en outre par le coefficient différentiel nous aurons finalement, pour les équations du problème

La trajectoire cherchée devant être sur la surface de révolution qui est supposée connue, cette trajectoire se trouvera tout-à-fait déterminée, si l’on connaît seulement sa projection sur le plan des On en obtiendra l’équation différentielle en éliminant et entre les trois équations ci-dessus, L’élimination de entre les deux dernières donne


(IV)

mais il est impossible d’éliminer tant qu’on n’a pas statué sur la nature de la fonction du moins en se bornant à des équations du premier ordre.

Il est facile de pressentir que cette équation doit se simplifier en passant aux coordonnées polaires. Soient donc le rayon vecteur, et son inclinaison sur l’axe des nous aurons

d’où nous conclurons successivement



substituant donc dans l’équation (IV), elle deviendra, toutes réductions faites,

(V)

et l’équation polaire de la courbe sera le résultat de l’élimination de entre cette équation et l’équation

(VI)

Sortons présentement de ces généralités, et supposons que la surface de révolution dont il s’agit est celle d’un sphéroïde elliptique, engendré par une ellipse dont les deux diamètres principaux sont et dont le centre soit à l’origine et dont le diamètre soit dans l’axe de révolution ; l’équation de ce sphéroïde sera

nous aurons donc ici

(VII)

donc

d’où (VIII)

en conséquence, l’équation (V) deviendra, en réduisant

quarrant et éliminant au moyen de l’équation (VII), il viendra enfin

d’où on tire

(IX)

équation séparée, qu’il s’agit présentement d’intégrer.

Pour faire disparaître le radical du numérateur, posons d’abord

ce qui donnera, en quarrant et réduisant

d’où on tirera

donc



Substituant ces valeurs dans l’équation (IX), elle pourra être mise alors sous la forme

posant ensuite d’où elle se réduira à

(X)

Pour rendre cette dernière formule rationnelle, nous poserons

d’où en quarrant et réduisant

ce qui donne

donc





Substituant toutes ces valeurs dans la formule (X), elle deviendra

(XI)

formule entièrement rationnelle.

En décomposant d’abord la fraction qui compose le second membre en trois autres, on aura


En décomposant ultérieurement les deux premières fractions, il vient


ce qui donne, en intégrant,


ou encore

Présentement, pour effectuer l’intégration indiquée dans le dernier terme, sans tomber dans les imaginaires, il est nécessaire de distinguer deux cas ; savoir : celui où le sphéroïde est alongé et celui où il est aplati ; c’est-à-dire, celui où l’on a et celui où l’on a, au contraire,

I.er Cas. Sphéroïde alongé. Dans ce cas, on a


en sorte que l’intégrale totale est, pour ce cas


II.me Cas. Sphéroïde aplati. Dans ce cas, on a

en sorte que l’intégrale totale est, pour ce cas,

III.me Cas. Sphère. Si, dans l’une ou dans l’autre formule, on suppose on aura le résultat qui convient à la sphère. On obtiendra ainsi

Il ne s’agit plus présentement que de repasser de à de à et de à On tire des relations précédemment établies

mais on a aussi

Substituant donc cette valeur dans celle de elle deviendra telle qu’elle doit être substituée dans nos formules, pour qu’elles deviennent les équations de projections de la loxodromie sur le plan de l’équateur.

La valeur de devenant nulle lorsque ce qui rend la valeur de infinie et imaginaire ; il nous faut, pour éviter cet inconvénient, reprendre en particulier le cas de la sphère. Nous avons obtenu l’équation différentielle générale

(IX)

en y faisant de suite elle devient, toutes réductions faites,

ce qui donne en intégrant

étant une constante que l’on déterminera, en assujettissant la courbe à passer par un point donné arbitrairement sur la sphère.

Si l’on demandait que la courbe coupât tous les méridiens perpendiculairement, on devrait avoir  ; l’équation (IX) se réduirait donc à

d’où

la projection de la loxodromie serait donc un cercle ayant son centre à l’origine ; cette loxodromie serait donc elle-même un parallèle quelconque.

Si, au contraire, on supposait l’équation (IX) deviendrait simplement

d’où

la projection de la loxodromie serait donc une droite quelconque passant par l’origine ; cette loxodromie serait donc elle-même un méridien quelconque.

Si, dans cette même équation (IX), on suppose ce qui revient à supposer que le sphéroïde se réduit au plan de l’équateur, elle deviendra simplement

d’où

équation de la spirale logarithmique, ainsi que cela doit être.

  1. De λόξοϛ (oblique.) et δρόμοϛ (course). Il suivrait de là que toute courbe tracée au hasard sur une surface pourrait être appelée Loxodromie ; ce qui montre combien la connaissance des étymologies est loin de pouvoir suppléer les définitions.
    J. D. G.