Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 08/Astronomie, article 2

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Calcul de l’occultation d’Antarès, annoncée pour le
13 d’avril 1819, au soir ;

Par M. Gergonne.
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Je vais essayer de me constituer arbitre entre M. le professeur Kramp et le Bureau des Longitudes, en calculant de nouveau les circonstances de l’occultation d’Antarès dont il est question dans le précédent mémoire. La méthode de M. Kramp est sous les yeux du lecteur ; et j’ignore celle qui a été employée par les Rédacteurs du volume de la Connaissance des temps pour 1819 ; mais, en employant l’une ou l’autre, comme moyen de vérification, on courrait le risque de rencontrer de nouveau les mêmes causes d’erreur ; et il me paraît conséquemment plus sûr de tenter de parvenir au but par des procédés différens de ceux qui ont conduit aux résultats qui viennent d’être comparés. Je vais donc faire usage de la méthode que j’emploie depuis long-temps pour le calcul des éclipses de soleil. Comme j’ai trop peu de mémoire pour retenir les divers procédés que l’on rencontre dans les traités d’astronomie ; et comme j’éprouve même une sorte de dégoût à suivre les détails, j’ai la mauvaise coutume, lorsque quelque problème relatif à cette science vient s’offrir à moi, de ne tenir aucun compte de ce qui a pu avoir été fait pour en obtenir la solution, et de tâcher de la tirer de mes propres réflexions. Je ne saurai donc dire si la méthode que je vais suivre a été employée par quelque autre avant moi ; et tout ce que je puis affirmer avec certitude, c’est que je n’en dois l’idée à personne, On pourra la trouver un peu laborieuse ; mais elle a l’avantage de ne reposer que sur les notions les plus élémentaires de l’astronomie et de la trigonométrie ; de ne laisser jamais perdre de vue le but où l’on tend, et d’être enfin susceptible d’une grande précision, attendu qu’on peut y tenir compte de l’applatissement de la terre et qu’on peut en outre y avoir égard à la réfraction, ce qui me paraît indispensable, lorsque les éclipses, passages ou occultations ont lieu dans les basses régions du ciel.

1. Je prends d’abord dans la connaissance des temps les données suivantes, répondant au mois d’avril 1819.


2. Au moyen de ces données, en comptant le temps du 12 à minuit, prenant le demi-jour pour unité et faisant usage de la méthode de M. Kramp (Annales, tom. VI, pag. 153), on trouve

Long. de la lune
Lat. aust. de la lune

Et de là on déduit ensuite

3. Avec ces nouvelles données et l’obliquité de l’écliptique on trouve, par les méthodes connues,

4. Au moyen des distances du soleil à l’équinoxe, prises dans la Connaissance des temps, je trouve

d’où je conclus

5. Je fais un semblable calcul pour Antarès, dont les ascension droite et déclinaison australe, corrigées de la variation annuelle, sont, pour cette époque,

Ascens. droite Décl. aust.

et je trouve

6. Soient présentement le zénith, le pôle boréal, le lieu vrai de la lune, son lieu apparent, le lieu vrai d’Antarès, son lieu apparent. Dans le triangle sphèrique on connaît complément de la hauteur du pôle pour Paris distance de la lune au pôle, et enfin l’angle égal à l’angle horaire de la lune. On pourra donc calculer distance zénithale vraie, et l’angle dont le supplément sera l’azimuth. Dans le triangle sphérique où les mêmes choses sont connues, on pourra également calculer la distance zénithale vraie et l’azimuth, supplément de l’angle On trouvera ainsi

7. Cherchant ensuite, pour la latitude de Paris, la parallaxe de hauteur de la lune, ainsi que sa réfraction, et prenant la différence de l’une à l’autre, on aura ; toujours pour les mêmes époques,

Nous aurons aussi, pour les réfractions correspondantes d’Antarès,

Ajoutant donc à la distance zénithale vraie de la lune l’excès de sa parallaxe sur sa réfraction, et retranchant au contraire la réfraction de la distance zénithale vraie d’Antarès, nous aurons, toujours pour les mêmes heures,

Nous aurons ensuite pour les différences d’azimuth

8. Présentement, dans le triangle sphérique , on connaît et distances zénithales apparentes, ainsi que l’angle différence d’azimuth. On peut donc calculer la distance apparente d’Antarès au centre de la lune ; on trouve ainsi

En prenant donc l’heure pour unité, et comptant le temps de heures, on trouve, par les formules de M. Kramp, déjà citées,

D’où on conclut, en observant d’ailleurs qu’alors le demi-diamètre de la lune est

On a ensuite, pour l’immersion, le quart d’heure étant l’unité, et le temps étant compté de heures

Et pour l’émersion, le quart d’heure étant également l’unité, mais le temps étant compté de

On a aussi l’époque de la plus courte distance des centres en égalant à zéro la différentielle de la formule ci-dessus en ce qui donne

Tout cela donne définitivement

Ceci suppose, au surplus, que je n’ai point commis d’erreur, et que les données que j’ai puisées dans la Connaissance des temps ne sont point fautives, deux hypothèses que je ne voudrais pas garantir. En particulier, il arrive rarement que, dans cet ouvrage, les longitudes et latitudes de la lune concordent avec ses ascensions droites et ses déclinaisons ; ce qui m’a fait soupçonner que peut-être les premières répondaient au temps vrai et les autres au temps moyen, ce dont alors il serait bon d’être prévenu.

J’aurais pu, à la vérité, calculer immédiatement les lieux de la lune par les tables ; mais, outre la longueur du travail, les tables ; comme les éphémérides, peuvent être fautives, et cette possibilité n’est point très-encourageante pour l’astronome calculateur.