Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 05/Optique, article 2

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Solutions de deux des problèmes d’optique proposés à la
page 196 de ce volume ;
Par un Abonné.
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Problème I. Sur une table rectangulaire donnée doivent être placées deux lumières de même intensité, élevées au-dessus de cette table d’une même quantité donnée, et qui doivent y être tellement posées que leurs projections tombent sur la droite qui joint les milieux des deux petits côtés de cette table, et soient également distantes de part et d’autre du milieu de cette droite. On demande de quelle manière ces deux lumières doivent être placées ; 1.o pour que le point le moins éclairé du bord de la table le soit le plus possible ? 2.o pour que le point le plus éclairé du bord de la table le soit le moins possible ?

Solution. Soient l’un des longs côtés, l’un des petits côtés de la table, la hauteur commune des deux lumières au-dessus de son plan, et la distance commune de Leurs projections au centre de la table. Pour plus de simplicité, prenons pour unité d’intensité l’intensité commune de nos deux lumières et pour unité d’illumination la clarté que donne l’une d’elles à une distance égale à l’unité de longueur, et rappelons-nous que la lumière se propage en raison inverse du quarré des distances.

Examinons, en premier lieu, ce qui se passe le long de l’un des petits côtés de la table. Il est d’abord évident que son milieu en sera le point le plus éclairé, puisque chacune des deux lumières sera plus voisine de ce milieu que de tout autre point du même bord, il est clair en outre que l’illumination de ce même bord ira sans cesse en décroissant continuellement, de part et d’autre de ce milieu ; de manière que les deux extrémités de l’un des petits côtés, en seront les points les moins éclairés.

L’illumination du milieu de l’un des petits côtés sera

et celle de l’une de ses extrémités sera.

Supposons actuellement que varie et voyons ce qui en devra résulter. Si d’abord on avait il est évident que le milieu du petit côté serait infiniment peu éclairé, et qu’il en serait de même de ses deux extrémités ; mais, à mesure que diminuera l’illumination deviendra plus vive ; cependant, comme cette illumination redeviendra de nouveau infiniment petite, lorsqu’on aura il s’ensuit qu’entre ces deux valeurs il doit s’en trouver une qui donne pour le milieu du petit côté, et conséquemment aussi pour ses extrémités, un maximum d’illumination ; et l’on voit même que ce maximum répondrait à si l’on avait puisqu’alors l’une des lumières se confondrait avec le milieu du petit côté.

Pour savoir à quelle valeur de répond le maximum dont il s’agit, lorsque n’est point nul, différencions la formule (1) par rapport à cette variable en divisant par nous trouverons ainsi

d’où, en égalant à zéro,

ou

En rejetant tout emploi de signes qui rendrait inévitablement imaginaire, ainsi que le double signe de la seconde équation donne simplement

et encore, pour que cette valeur puisse être admise, faudra-t-il qu’on n’ait pas Ainsi, en élevant au milieu de la table une perpendiculaire à son plan égale à la hauteur commune des deux lumières, il faudra que la distance de l’extrémité de cette perpendiculaire au milieu du petit côté n’excède pas la longueur totale de la table, pour que cette valeur de puisse être admise.

Pour savoir présentement laquelle de cette valeur ou de la valeur répond au maximum, passons à la différentielle seconde, que nous trouverons être, en la divisant par

En posant la seconde fraction s’évanouit et la première devient

quantité négative ou positive, suivant que sera moindre ou plus grand que ainsi, la valeur répondra à un maximum, si la valeur

est imaginaire ; et cette valeur répondra à un minimun, si, au contraire, l’autre valeur de est réelle.

Si ensuite on pose

ou, ce qui revient au même,

c’est au contraire, la première fraction qui s’évanouit, tandis que la seconde devient

quantité négative ou positive, suivant que sera plus grand ou plus petit que et comme, dans le dernier de ces deux cas, la valeur de devient imaginaire, il s’ensuit que, lorsque cette valeur

est possible, elle répond toujours à un maximum.

Voici donc de quelle manière variera l’illumination du milieu de l’un des petits côtés de la table, et conséquemment de tous les points de ce petit côté, par suite des variations de la distance commune des projections des deux lumières au centre de celle table. Si l’on a ce milieu sera infiniment peu éclairé lorsqu’on aura la clarté qu’il recevra augmentera ensuite de plus en plus, à mesure que deviendra plus petit ; de manière qu’elle sera à son maximum lorsqu’on aura prenant ensuite des valeurs négatives de plus en plus grandes, cette clarté diminuera de nouveau jusqu’à ce qu’enfin elle deviendra encore infiniment petite lorsqu’on aura

Si, au contraire, on a la clarté reçue par le milieu du petit côté de la table sera toujours la moindre possible ou nulle, lorsqu’on aura elle croitra ensuite de plus en plus à mesure que diminuera, mais de manière qu’elle aura atteint son maximum lorsqu’on aura

elle décroitra ensuite à mesure que diminuera et parviendra à son minimum pour croissant ensuite de nouveau, pour négatif ; elle parviendra à un nouveau maximum, égal au premier, lorsqu’on aura

après quoi elle diminuera de nouveau continuellement pour devenir encore nulle, lorsqu’on aura

Dans le cas particulier où l’on aurait les deux maxima se confondraient avec le minimum de part et d’autre duquel ils se trouvent en général symétriquement situés ; ils répondraient ainsi tous trois à la valeur mais il est clair que, dans la question qui nous occupe, cette valeur devrait être réputée donner un maximum.

D’après les formules (1) et (2), on voit que, lorsque la lumière que reçoit le milieu de l’un des petits côtés de la table est

(3)

tandis que la lumière reçue par l’une des extrémités de ce petit côté est

(4)

Si au contraire on fait

(5)

valeur extrêmement facile à construire ; la lumière reçue par le milieu de l’un des petits côtés de la table sera

(6)

tandis que la lumière reçue par l’une des extrémités de ce petit côté sera

(7)

On voit donc que, si l’on ne voulait avoir égard qu’à l’éclairage des petits côtés de la table, on pourrait établir en principe que plus cette table sera longue relativement à la hauteur commune des deux lumières au-dessus de son plan, et plus aussi il faudra retirer ces lumières vers ses extrémités ; tandis qu’au contraire plus elles seront élevées au-dessus de son plan relativement à sa longueur, et plus aussi il sera nécessaire de les ramener vers son centre.

Mais considérons présentement ce qui se passera sur chacun des longs côtés de la table ; et remarquons d’abord que, si l’on avait c’est-à-dire, si les deux lumières se confondaient, de manière à répondre au milieu de la table, le milieu de chacun de ces longs côtés en serait le point le plus éclairé ; tandis que ses autres points le seraient de moins en moins, à mesure qu’ils en seraient plus distans. Dans cette hypothèse, l’illumination du milieu de l’un des longs côtés serait

(8)

et quant à celle de l’une des extrémités de ce long côté elle serait la même que ci-dessus (4). On sent par là que, tant que les deux lumières demeureront à une certaine proximité l’une de l’autre, ce sera toujours le milieu de chacun des longs côtés qui en sera le point le plus éclairé ; tandis que l’illumination sera la plus faible pour ses extrémités.

Supposons au contraire que étant toujours fini on ait Il est clair qu’alors l’illumination du milieu de l’un des longs côtés sera nulle, tandis qu’il se trouvera, de part et d’autre de ce milieu, deux maxima d’illumination qui répondront directement vis-à-vis de chaque lumière, et auront l’un et l’autre pour expression

et l’on peut inférer de là que tant que les deux lumières se trouveront à une certaine distance l’une de l’autre, il y aura au milieux de chaque long côté un minimum d’illumination, compris entre deux maxima symétriquement situés par rapport à lui, et moins distans de ce milieu que les points du long bord qui répond directement à chaque lumière. Au delà de ces maxima l’illumination décroîtra continuellement, et pourra même devenir moindre que celle du milieu, si la table est suffisamment longue.

Confirmons présentement ces aperçus par le calcul. Considérons un point de l’un des longs côtés dont la distance au milieu de ce long côté soit égale à la lumière reçue par ce point sera

(9)

Supposons donné et constant ; la différentielle de cette expression prise par rapport à et divisée par sera

d’où, en égalant à zéro,

ou

En rejetant tout emploi de signes qui rendrait inévitablement imaginaire, ainsi que le double signe de la seconde équation donne simplement

et encore faut-il, pour que cette valeur puisse être admise, que ne soit pas plus grand que c’est-à-dire, en d’autres termes, que la distance de l’une des lumières au milieu de l’un des longs côtés n’excède pas sa distance à l’autre lumière.

Pour savoir présentement laquelle de cette valeur ou de la valeur répond au maximum ou au minimum, passons à la différentielle seconde qui, divisée par est

En posant la seconde fraction s’évanouît, et la première devient

quantité négative ou positive, suivant que sera moindre ou plua grand que ainsi, la valeur répondra à un maximum, si la valeur

est imaginaire ; et cette valeur répondra à un minimum, si au contraire l’autre valeur de est réelle.

Si ensuite on pose

ou, ce qui revient au même,

c’est au contraire la première fraction qui s’évanouit ; tandis que la seconde devient

quantité négative ou positive, suivait que sera plus grand ou plus petit que et comme, dans le dernier de ces deux cas, la valeur de devient imaginaire, il s’ensuit que, lorsque cette valeur

est possible, elle répond toujours à un maximum.

Voici donc quel sera l’état de l’un des longs côtés, suivant la situation des deux lumières. Si d’abord la distance de l’une de ces lumières à l’autre est moindre que la distance de cette même lumière au milieu du long côté ; ou, ce qui revient au même, si les droites menées de ce milieu aux deux lumières forment entre elles un angle moindre que ce même milieu sera le point le plus éclairé du long côté, dont l’illumination diminuera ensuite de plus en plus à droite et à gauche, en allant vers ses extrémités.

Mais si, au contraire, l’angle formé par ces deux droites est plus grand que degrés, le milieu du long côté présentera un minimum d’illumination ; ce minimum se trouvera situé entre deux maxima qui en seront distans de part et d’autre d’une quantité

et à droite et à gauche de ces minima la lumière ne cessera plus de décroitre.

Dans le cas particulier où l’on aurait

c’est-à-dire, dans le cas où le triangle des deux lumières et du milieu du long côté serait équilatéral, le maximum et les deux minima se confondraient en ce milieu ; mais il est clair que, dans la question qui nous occupe, ce milieu doit, alors être considéré comme recevant un maximum de lumière.

Si dans, la formule (9) on fait

quantité très-facile à construire ; lorsque est donné, elle deviendra

(10)

telle est donc l’expression de la lumière reçue par le point le plus éclairé du long côté de la table.

Si l’on veut profiter de l’indétermination de pour rendre cette quantité de lumière maximum ou minimum ; il faudra recourir à sa différentielle prise par rapport à laquelle, en la divisant par est

et ne peut conséquemment devenir nulle. Ainsi, la fonction (10) n’est proprement susceptible ni de maximum ni de minimum.

Mais il est aisé de voir que, étant indéterminé, plus on le prendra petit et plus aussi le point le plus éclairé du plus long bord de la table recevra de lumière : cette lumière étant d’ailleurs toujours comprise entre

et

et il en sera de même de son point du milieu.

Voyons enfin, si, à raison de l’indétermination de la quantité de lumière reçue par les angles, qui sont en général les points les moins éclairés, ne serait point susceptible de devenir un maximum. Cette quantité de lumière est

Sa différentielle, prise par rapport à et divisée par est

d’où l’on tire, en égalant à zéro,

L’analogie de ces résultats avec ceux que nous avons obtenus précédemment, nous autorise à poser sur-le-champ les maximes que voici :

Soit portée une des lumières au centre de la table, si alors la distance de cette lumière à l’un quelconque des angles n’est pas moindre que la longueur de cette table, ce sera en cet endroit que les deux lumières devront être placées pour que les angles soient autant éclairés qu’ils peuvent l’être.

Mais si, comme il arrivera le plus souvent, la distance de cette lumière à l’un des angles est moindre que la longueur de la table ; alors, pour que les angles reçoivent le plus de lumière possible, les deux lumières devront être placées sur la droite qui joint les milieux des petits côtés, de part et d’autre du centre, de manière que les distances de leurs projections à ce centre soient

quantité très-facile à construire.

PROBLÈME II. Résoudre le même problème pour une table elliptique ; les deux lumières devant être placées de telle manière que que leurs projections tombent sur le grand axe, à une même distance de part et d’autre du centre de la table.

Solution. Soient le grand axe et le petit axe de l’ellipse, en sorte que son équation soit

(1)

Soit toujours la hauteur commune des deux lumières au-dessus du plan de la table, et soit enfin la distance de la projection de chacune d’elles au centre de cette table.

D’après cela, la lumière reçue par un point du périmètre de l’ellipse dont les coordonnées sont sera

En y mettant pour sa valeur tirée de l’équation (1) et posant, pour abréger, il vient

(3)

Supposons déterminé, et voyons quelle valeur il faudrait donner à pour que le point que nous considérons fût plus ou moins éclairé que tous les autres. La différentielle de cette expression, prise par rapport à est divisée par est

en l’égalant à zéro, on a

ou

On prouvera, comme ci-dessus, que la valeur est minimum ou maximum suivant que l’autre est réelle ou imaginaire, et que, dans tout le cas où cette dernière est réelle, elle répond à un maximum. En particulier, si l’on a

ou, ce qui revient au même,

le maximum et le minimum se trouvent réunis en un même point qui n’est autre chose que l’extrémité du petit axe, et qui doit être considéré comme présentant un maximum.

Pour la première valeur l’expression (3) devient

c’est donc là la lumière reçue par l’extrémité du petit axe ; si c’est un minimum qui y a lieu, il faudra, suivant les conditions du problème, rendre ce minimum le plus grand possible, ce à quoi on parviendra, en posant si c’est au contraire un maximum, il faudra le rendre le plus petit possible ; en prenant aussi grand qu’il se pourra, sans faire devenir ce point minimum.

Mettons dans la formule (3) la valeur

elle deviendra

Si l’on veut profiter de l’indétermination de pour rendre cette fonction la plus grande ou la moindre possible, il faudra passer à sa différentielle qui, divisée par sera

En égalant tette différentielle à zéro, chassant le radical, et remettant pour sa valeur on obtient l’équation

d’où, en n’admettant que la racine réelle positive, on tirera

valeur que l’on trouvera résoudre complètement la question et qu’il sera facile de construire.

Remarques. I. On résoudrait, par des principes et des méthodes analogues, le cas où il s’agirait de quatre ou même d’un plus grand nombre de lumières à distribuer de la manière la plus convenable sur une table, soit rectangulaire soit elliptique ; mais il paraît qu’alors les calculs se compliqueraient d’une manière notable.

II. Au lieu de demander que l’éclairage du bord de la table soit aussi uniforme que possible, on peut demander que le point le moins éclairé de sa surface soit autant éclairé que faire se pourra.

III. On peut transporter ces sortes de recherches dans l’espace et en faire la base d’une théorie de l’éclairage des galeries ou appartemens rectangulaires ou elliptiques, surmontés d’un plafond, d’une voûte en berceau ou d’un dôme, et éclairés par des lustres ou plaques ; ou même de jour, par des fenêtres ou vitrages supérieurs, dont il s’agirait alors de régler la distribution de la manière la plus avantageuse.


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