Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 05/Analise transcendante, article 2

ANALISE ALGÉBRIQUE.

Recherches sur le développement numérique des fonctions
que M. Kramp a dénotées par et dans son
Arithmétique universelle ;
Par M. Argand.
≈≈≈≈≈≈≈≈≈

1. L’emploi fréquent dont les fonctions désignées par M. Kramp par et sont susceptibles, est sans doute un motif pour chercher à en étendre la théorie. L’objet particulier de cet écrit est de recueillir quelques résultats tendant à faciliter la détermination numérique de la valeur de ces fonctions, lorsque la variable est donnée.

2. La fonction désignée par (Arith. univ. n.o 560) est

(A)

étant les nombres de Bernouilli ; et on a le théorème suivant (ibid. n.o 573)

faisant on obtient

(B)

On tire de cette dernière équation, en faisant

(C)

Mettons pour dans l’équation (B), et nous aurons, en isolant

(D)

or,

donc, en employant la valeur de (C),

Réduisant les fractions de (D) en séries, procédant suivant les puissances positives de et substituant la valeur que nous venons de trouver pour nous aurons

étant arbitraire, faisons-le infini ; et disparaîtront, et il restera

équation que nous écrirons ainsi :

(E)

3. Or, si l’on fait

étant employé comme indice général, on trouvera

(F)

or, les séries sont sommables (Introd. d’Euler. Arith. univ. n.o 599) ; on peut donc déterminer les valeurs numériques des coefficiens

On tire des équations précédentes

formules qu’on peut employer à vérifier le calcul fait par ïea équations (F).

Observons que, si l’on fait, en général, on pourra substituer à dans les équations (F), excepté dans la première.

4. Quant à on peut le calculer par la formule (C), en prenant pour un nombrcr assez grand pour qu’en développant par la formule primitive (A), on n’ait pas à craindre l’effet de l’augmentation progressive des nombres de Bernouilli.

On peut aussi faire dans (E), ce qui donne

(G)

enfin, on peut encore employer la formule

(H)

pour vérifier les résultats précédens. Leur conformité servira d’ailleurs à garantir la justesse des valeurs employées pour

Cette dernière équation se tire de la formule (B) qui donne, en faisant

(I)

d’où l’on tire, en mettant pour

Faisons successivement il viendra

d’où résultera, en prenant la somme de ces équations,

et en développant les logarithmes, excepté celui de 2,

en sommant les séries verticales, on obtient l’équation (H).

5. Or, les valeurs de présentent la série suivante, singulière par son irrégularité, tant dans la succession des valeurs absolues, que dans celles des signes :

Faisons ce qui revient à changer les signes des indices impairs ; nous aurons, par les formules (F),

Or, la série entre les accolades est toujours positive ; car, en la désignant par et en développant les pour lesquels on peut prendre les (n.o 3), on aura

et, en sommant verticalement

(I)

On voit que les valeurs de vont toujours en diminuant, et on peut même déterminer un indice tel que soit plus petit qu’une limite donnée Pour cela, soit partagée cette limite en deux parties arbitraires Un terme quelconque de (I) est plus petit que le terme correspondant de la série mais la somme de celle-ci est finie, donc on peut prendre dans (I) un terme tel que la somme de tous les termes suivans soit plus petite que quel que soit Le quantième étant ainsi déterminé, on pourra prendre de manière que la somme des premiers termes

soit plus petite que car il est visible que, augmentant, cette somme décroit plus rapidement que celle des termes d’une progression géométrique qui aurait pour raison.

On peut conclure de là que la série des ou des est convergente, mais la convergence est bien plus rapide qu’elle ne paraîtrait devoir l’être en raison des considérations sur lesquelles la démonstration précédente est appuyée.

Les signes de présentent cette succession :

Or, les valeurs absolues de décroissant beaucoup plus rapidement que celles de il paraît que la valeur de oscille, pour ainsi dire, autour de celle de en la serrant toujours de plus près, et qu’il y a quelque chose de circulaire dans le caractère des coefficiens considérés comme fonctions de leurs indices. Observons qu’il y a augmentation dans la valeur de deux consécutifs, aux endroits marqués ★ ; savoir, à l’exception de et aux deux premiers termes qui suivent chaque changement de signe. Nous retrouverons cette même circonstance dans le développement de la fonction  ; et ce qui confirmerait le soupçon que nous élevons ici sur la nature des coefficiens c’est la possibilité de trouver des fonctions circulaires qui présentent le même genre d’irrégularité dans la succession des valeurs et des signes. Soit, par exemple,

En faisant successivement on trouvera pour les valeurs suivantes :

série qui offre des particularités analogues à celle de la série des

6. La formule primitive (A) donne, en vertu de ,

ou

Faisant cette substitution dans (I), il vient

Mettant pour et transposant, on obtient

(K)

et, en développant par la formule (E)

au moyen de quoi on peut avoir promptement la fonction d’un nombre négatif très-grand.

Si l’on met pour dans (I) on obtiendra

et, par le développement de

formule propre à calculer la fonction d’un très-grand nombre positif.

7. Si l’on développe dans la formule (E), on aura

En mettant pour on tirera de cette équation

et, en faisant négatif,

La différence de ces deux équations donne

Mais on sait d’ailleurs (Introd. d’Euler, n.o 179) que le second membre de cette dernière équation est la valeur de donc

On peut réunir et dans une seule fonction en posant généralement

l’équation précédente prend alors la forme plus simple

On aura d’ailleurs, en reprenant l’expression de (n.o 5),

8. La fonction est (Arith. univ. n.o 601)

et on a (Ibid. n.o 603) le théorème général

(L)

En faisant

(M)

on pourrait, au moyen du théorème précédent, déterminer les coefficiens par une méthode analogue à celle du n.o 2 ; mais le calcul est prolixe, et il est plus simple de les faire dépendre des coefficiens en employant la relation

qui existe entre ces fonctions. On trouve alors

(N)

La méthode directe du n.o 2 donnerait

formules moins simples, mais qui dépendent immédiatement des  ; on pourrait d’ailleurs les tirer des précédentes, par le développement des

On aurait encore

Ces formules se tirent des équations (N), en partant de la troisième, par des substitutions successives. On peut aussi les en faire dériver comme il suit.

L’équation (K) donne

(O)

d’où

Nous remarquerons, en passant, que le développement de se fait ici suivant les puissances entières de sous une forme très-simple quoique peu usitée ; et c’est un fait d’analise assez singulier que les coefficiens d’un tel développement, pour une fonction qui doit également être regardée comme fort simple, soit soumis à une marche aussi irrégulière que celle des

Soit fait, dans l’équation précédente, n=1+i d’où on aura

La comparaison des termes qui multiplient les différentes puissances de fournira des équations dont les deux premières donneront également

Or, on a, par exemple

donc

et, en général,

Nous pouvons remarquer que l’équation (O) donne, en vertu de (n.o 6)

mais

donc

ou, en reprenant l’expression de M,

9. M. Kramp a fait voir que (Annales, tom. 3, pag. 11). On pourra encore calculer ce même nombre en faisant dans l’équation (M), ce qui donnera

10. La suite présente les mêmes irrégularités que celle des coefficiens , comme les valeurs suivantes le font voir

Si on change le signe des à indices impairs, on aura cette succession

Le signe ★ indique qu’il y a augmentation dans la valeur absolue de deux consécutifs. Cette circonstance a lieu, comme pour les aux deux premiers termes qui suivent chaque changement de signe.

11. En faisant dans l’équation (L), on en tirera

et, en mettant pour

puis, développant par la formule (M),

expression au moyen de laquelle on pourra calculer facilement la fonction d’un très-grand nombre.

12. Une observation qui se présente naturellement est que les équations précédentes, qui contiennent des logarithmes, donnent des résultats absurdes, lorsque les nombres de ces logarithmes sont négatifs ; ce qui tient sans doute aux mêmes causes qui ont conduit M. Kramp à des conclusions paradoxales (Annales, tom. 3, pag. 3 et 343). Il a donné à ses lecteurs (Ibid. pag. 344) l’espoir d’une solution satisfaisante de ces difficultés. Les géomètres ne peuvent que désirer avec un vif intérêt les éclaircissemens promis par ce célèbre professeur. Ils seront d’ailleurs une sorte de mémoire justificatif en faveur de l’algèbre qui, à cet égard, se trouve en quelque sorte in reatu.

13. Nous rapporterons ici, par occasion, des formules analogues à celles de la page 118 (Annales, tom. 3)

(Q)
(R)
(S)

En faisant dans (Q), on a la secondée des séries de la page 118, dont les autres sont tirées. Nous démontrerons ces formules comme il suit.

En faisant on a

d’où on conclut qu’on peut supposer

étant des constantes.

En effet, différenciant et comparant aux valeurs précédentes ; on trouve

(T)

D’un autre côté, si l’on applique à et (ou seulement à la première de ces deux fonctions, car elles conduisent toutes deux au même résultat) la formule d’intégration

on obtient un résultat de la forme

et étant les séries (Q-) et (R). Ainsi, ces valeurs peuvent être égalées aux valeurs (T).

Dans les valeurs (Q) nous avons fait passer la fraction dans le premier membre, pour plus de symétrie, ce qui a donné, pour ce premier membre,

La formule (S) dérive de l’une des deux premières, en y mettant pour

Observons que les coefficiens de dans les expressions de la somme des séries de la page 118, peuvent se déterminer d’une manière indépendante par les formules

Ainsi, dans l’exemple de la page 119. on aurait

Au reste, la suite des coefficiens étant symétrique, il suffit de calculer la moitié des termes.