Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 04/Optique pratique, article 1

OPTIQUE.

Note sur la construction des miroirs concaves de grandes
dimensions ;
Par M. A.***, abonné.
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On sait que la construction des miroirs concaves, de grandes dimensions, présente des difficultés considérables, soit pour obtenir l’uniformité de courbure, soit pour donner au poli la perfection nécessaire. On surmonte, en partie, ces difficultés, avec du temps, du travail et du soin ; mais les opérations sont toujours très-longues et très-coûteuses. Si donc il était possible de ramener la fabrication des instrumens de cette espèce aux procédés qu’on emploie, ou du moins qu’on peut employer, pour celle des miroirs plans, il n’est pas douteux qu’il n’en résultât beaucoup d’économie et de facilité, et par suite un perfectionnement sensible, dans cette partie intéressante de l’art de l’opticien.

Le moyen dont on va parler paraît tendre à ce but ; mais on ne devrait penser à le mettre en pratique qu’après s’être préalablement assuré, par la théorie ; du résultat qu’on pourrait en espérer ; abstraction faite des différences inévitables entre le calcul et l’exécution. Les questions dont il provoque l’examen sont d’ailleurs de nature à mériter l’attention des géomètres. Par ce double motif, on croit pouvoir entrer dans quelques détails sur le procédé dont il s’agit.

On rappellera d’abord celui qui a été mis en usage par Buffon, il y a environ soixante ans, pour se procurer des miroirs ardens.

Il consiste à couper une glace circulairement, à l’astreindre par son bord, et à la rendre concave, par une pression appliquée au centre, d’une manière permanente (Mémoires de l’académie des sciences, pour 1754). Prenons, au lieu d’une glace, une plaque métallique, convenablement préparée ; et imaginons que sa convexité se forme du côté qu’on destine à la face antérieure du miroir. Supposons, de plus, qu’il soit possible de soumettre cette face convexe aux opérations par lesquelles on applanit et polit une grande pièce de métal ; on enlèvera ainsi la calotte très-mince qu’intercepterait un plan passant par l’arête de cette même face. Si l’on supprime ensuite la force comprimante, la plaque reprendra son état primitif ; et la face sur laquelle on aura opéré deviendra concave, avec une courbure sensiblement pareille à celle qu’elle avait dans son état de convexité.

Deux questions se présentent d’abord, relativement a ce procédé. La première de pratique : comment obtenir la condition absolument nécessaire pour que l’opération proposée soit praticable, savoir, que toutes les parties de la machine soient situées du même côté, par rapport au plan indéfini qui passe par la surface à polir, La seconde de théorie : quelle est la courbe que forme un diamètre de la plaque, dans son état de compression ; et, plus particulièrement, quelle est la portion de cette courbe qui peut, sans erreur sensible, relativement à sa destination, être prise pour une parabole,

On ne croit pas devoir entrer ici, sur la première question, dans un discussion qui ne pourrait qu’être prématurée ; et il conviendra seulement d’observer que les difficultés, peut-être insurmontables en opérant sur le verre, disparaissent, lorsqu’il s’agit d’une matière aussi facile à travailler qu’une substance métallique. La seconde question, indépendamment même de toute application, paraît digne d’exercer la sagacité des géomètres. Il conviendrait peut-être de l’étendre au cas où la pression aurait lieu ; non sur le centre, mais sur tous les points d’un cercle concentrique à la circonférence de la plaque, et même sur plusieurs cercles de cette espèce, à la fois ; et, pour ce dernier cas, on pourrait rechercher quels seraient les rayons des cercles et les forces à appliquer qui produiraient la courbure la plus approchante de la parabole.[1]

Comme, à l’exécution, il se trouve nécessairement des défauts d’exactitude dont on fait abstraction en théorie, il ne serait point inutile de rechercher les anomalies que produiraient, dans l’effet cherché, des irrégularités dont l’ordre pourrait être supposé très-petit par rapport aux dimensions du miroir ; comme, par exemple, si les deux faces n’étaient pas exactement parallèles ; si, au lieu d’être planes, elles étaient des portions de cylindres, de cônes ou d’ellipsoïdes très-grands ; si la plaque et le support nécessaires à l’opération ne se touchaient pas complètement par tous les points, etc. Ce contact exact est vraisemblablement une condition très-importante ; mais on aurait des moyens assez faciles de l’obtenir, avec toute la précision désirable.

Paris, le 23 octobre 1813.

  1. Un problème beaucoup plus général serait le suivant : Une surface courbe rigide et élastique, d’une forme connue et d’une épaisseur constante, ou cariant suivant une loi donnée, est invariablement fixée dans l’espace, par plusieurs de ses points, ou même par une ou plusieurs courbes continues tracées sur elle. On a appliqué des pressions constantes, données d’intensité et de direction, en divers autres points de cette surface, ou même suivant d’autres courbes continues tracées sur elle. On propose d’assigner la nouvelle courbure qu’affectera cette surface ?

    On pourrait aussi renverser le problème, et demander quels devraient être les points d’application, directions et intensités des pressions, ainsi que la situation des points fixes, pour produire une courbure donnée.

    Pour préparer, par un problème plus simple, à un autre plus compliqué, on pourrait d’abord se proposer celui-ci : Une verge courbe, rigide et élastique, d’une courbure connue, et d’une épaisseur constante, ou variant suivant une loi donnée, est invariablement fixée dans l’espace, par plusieurs de ses points. On a appliqué des pressions constantes, données d’intensité et de direction, en divers autres points de cette verge. On propose d’assigner la nouvelle courbure qu’elle affectera, par l’effet de ces diverses pressions ?

    Ce problème est susceptible du même renversement que le précédent ; c’est-à-dire, qu’on peut demander quels sont les points fixes et les pressions qui produiront une courbure donnée ?

    Ces problèmes paraissent avoir beaucoup d’analogie avec celui de la courbe élastique ; le premier suppose nécessairement dans la surface une certaine extensibilité et contractibilité, sans laquelle on ne pourrait obtenir que des surfaces développables.

    J. D. G.