ANALISE INDÉTERMINÉE.
Méthode générale pour former les valeurs des inconnues,
dans les problèmes indéterminés du premier degré ;
quels que soient d’ailleurs et le nombre de ces inconnues
et celui des équations établies entre elles ;
Par M. Gergonne.
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Le problème général de l’analise indéterminée est celui-ci : Étant données, entre des inconnues, des équations, en moindre nombre
quelles, sans radicaux ni dénominateurs ; trouver pour ces inconnues les valeurs entières et rationnelles les plus générales qui puissent satisfaire aux équations proposées ?
Pour que les valeurs qu’on attribuera à ces inconnues puissent
être réputées exactes, il suffit évidemment que ces valeurs, substituées dans les équations proposées, rendent ces équations identiques ;
pour que ces mêmes valeurs soient réputées complettes, il est nécessaire qu’elles soient fonctions d’autant de nouvelles indéterminées,
au moins, qu’il y a d’inconnues au-delà du nombre des équations
à résoudre, et que ces indéterminées ne puissent être réduites à un
moindre nombre d’autres indéterminées, fonctions de celles-là.
Les équations proposées doivent, en effet, être considérées comme le
résultat de l’élimination, entre les valeurs des inconnues, des indéterminées dont ces valeurs sont fonctions. Or, si ces valeurs étaient fonctions
de moins d’indéterminées qu’il n’y a d’inconnues au-delà du nombre des
équations ; en éliminant ces indéterminées entre elles, on obtiendrait,
outre les équations proposées, d’autres équations auxquelles les valeurs
des inconnues satisferaient également ; on se trouverait donc avoir
assujetti ces inconnues à des conditions étrangères à celles de la
question proposée ; les valeurs trouvées n’auraient donc pas toute la
latitude d’indétermination comportée par cette question.
J’ai dit que les valeurs des inconnues devaient être fonctions
d’autant d’indéterminées distinctes, au moins, qu’il y avait d’inconnues
au-delà du nombre des équations à résoudre ; et c’est qu’en effet
rien ne s’oppose à ce que ces indéterminées soient en plus grand
nombre. L’essentiel étant uniquement que les indéterminées puissent
être éliminées, entre les valeurs des inconnues, et que de leur
élimination résultent seulement les équations proposées et point d’autres :
on conçoit que ces indéterminées, quelque nombreuses qu’elles soient
d’ailleurs, peuvent être tellement combinées, dans les valeurs des
inconnues, que l’élimination d’un certain nombre d’entre elles fasse disparaître toutes les autres. Leur nombre peut donc fort bien
excéder celui que semblerait comporter, en général, le nombre des valeurs entre lesquelles elles doivent être éliminées, et celui des
équations qui doivent résulter de leur élimination.
C’est sans doute pour n’avoir pas fait cette observation qu’on n’a
pu, jusqu’ici, dans le premier degré, construire des formules générales que pour le seul cas où le nombre des inconnues surpasse d’une
unité celui des équations. Il arrive, en effet, dans les autres cas,
que, si l’on n’admet, dans les valeurs des inconnues, qu’autant
d’indéterminées qu’il y a de ces inconnues au-delà du nombre des
équations du problème, les coefficiens qui devront affecter ces indéterminées, dépendant des valeurs numériques des coefficiens des
équations proposées, ne pourront être assignés que dans chaque cas
particulier, et ne pourront être exprimés sous une forme générale,
tandis qu’ils deviendront exprimables sous une telle forme, et même
d’une manière très-régulière et très-symétrique, du moment qu’on
voudra admettre un plus grand nombre de ces indéterminées.
Il ne faudrait pas croire cependant que, par cela seul que les valeurs
des inconnues sont fonction d’autant d’indéterminées ou même de plus
d’indéterminées qu’il y a d’inconnues au-delà du nombre des équations,
ces valeurs doivent être réputées complètes ; puisqu’il pourrait se faire, comme je l’ai déjà remarqué, que, par l’élimination de quelques-unes de ces indéterminées, les autres disparussent d’elles-mêmes, sans faire parvenir à toutes les équations du problème.
Le but que je me propose ici est d’appliquer ces réflexions à la
résolution générale d’un nombre quelconque d’équations entre un
plus grand nombre d’inconnues.
Soient
équations entre les inconnues étant supposé
plus grand que
et tous les coefficiens étant, supposés entiers.
D’après ce qui a été dit ci-dessus, ces équations seraient complètement résolues, si l’on trouvait, pour les inconnues qu’elles renferment des valeurs de cette forme
étant des indéterminées, au nombre de au
moins ; et étant des fonctions entières des coefficiens des équations (1).
La substitution de ces valeurs, dans les équations (1) donne
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Afin donc que demeurent indéterminées, on devra
avoir les divers groupes d’équations que voici.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
et réciproquement, si sont tels que ces équations aient lieu, les valeurs (2) seront la solution complète des équations (1).
Le groupe (3) prouve que peuvent et doivent
être des nombres quelconques, satisfaisant aux équations (1). Les
groupes suivans prouvent que que que que doivent satisfaire aux mêmes équations, privées de leurs derniers
termes, et ne doivent renfermer conséquemment aucune des quantités
Je m’occuperai uniquement de la recherche de
d’autant que la détermination de ne peut avoir lieu que pour des cas particuliers ; et que la manière d’y procéder est connue.
La recherche des quantités se réduit
évidemment à celle d’une suite de fonctions des coefficiens des premiers membres des équations (1) qui soient toutes nulles d’elles-mêmes,
et qui, en outre, puissent être mises successivement sous les diverses formes qu’affectent les premiers membres des équations (4), (5), (6), (7),… Or, c’est ce à quoi on peut parvenir facilement, à l’aide des
observations présentées, pour la première fois, par M. Bezout, dans
sa Théorie des équations algébriques, page 181, et développées
postérieurement, d’une manière plus générale et plus lumineuse,
par M. Laplace, dans les Mémoires de l’académie des sciences de
Paris, pour 1772, page 294.
En vertu de ces observations, les fonctions cherchées sont 1.o dans le cas d’une équation unique
2.o dans le cas de deux équations
3.o dans le cas de trois équations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
et ainsi de suite.
Ainsi, 1.o dans le cas d’une équation unique, il faudra poser
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.o dans le cas de deux équations, on posera
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3.o dans le cas de trois équations on posera
et ainsi de suite.
Ainsi, 1.o dans le cas d’une équation unique, si l’équation proposée est
les formules résolvantes seront
Si l’équation proposée est
les formules résolvantes seront
si l’équation proposée est
les formules résolvantes seront
Et ainsi de suite.
2.o Dans le cas de deux équations, si les équations proposées sont
les formules résolvantes seront
Si les équations proposées sont
les formules résolvantes seront
Et ainsi de suite.
3.o Dans le cas de trois équations, si les équations proposées
les formules résolvantes seront
et ainsi de suite.
Il est aisé de déduire de cette théorie qu’en général, étant le
nombre des inconnues et le nombre des équations, le nombre des
indéterminées dont les valeurs de ces inconnues devront être fonctions, sera
et que, dans la valeur de chacune des inconnues, il n’en entrera
qu’un nombre
en sorte que chacune de ces indéterminées n’entrera, à son tour, que
dans les valeurs de inconnues seulement.
Si les termes connus des équations proposées
sont tous nuls, on pourra aussi supposer que sont nuls ; et alors ces équations seront susceptibles d’une résolution absolument générale, ce qui peut être précieux dans un grand nombre de recherches analytiques.
Il serait intéressant de voir si, avec des modifications convenables, ce procédé ne pourrait pas être étendu aux équations indéterminées des degrés supérieurs au premier.