Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 01/Géométrie, article 2

QUESTIONS RÉSOLUES.


Démonstration du théorème énoncé à la page 62
de ce volume ;
Par un Abonné.
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Pour parvenir au but que je me propose d’atteindre, je vais d’abord établir quelques principes que, pour plus de brièveté, je me contenterai d’énoncer, d’autant que leur démonstration ne saurait souffrir de difficulté.

1. Dans tout tronc de pyramide, à bases parallèles ou non parallèles, le point d’intersection, soit de deux côtés, soit de deux diagonales, soit enfin d’un côté et d’une diagonale de l’une des bases, et le point déterminé par l’intersection des deux lignes correspondantes de l’autre base, sont deux points d’une droite qui passe par le sommet de la pyramide[1].

2. Il en est de même, en général, pour toute droite passant par des points qui, dans les deux bases, sont des intersections de lignes correspondantes.

3. Dans tout tronc de pyramide, à bases non parallèles, les points d’intersection, soit des côtés correspondans, soit des diagonales correspondantes des deux bases, sont tous situés sur une même ligne droite, laquelle n’est autre chose que l’intersection des plans de ces deux bases.

4. En général, des droites qui, dans les deux bases, sont déterminées par des points correspondans, concourent à l’intersection des plans de ces deux bases.

5. De quelque manière que soit situé, par rapport à un plan, un système de droites originales concourant en un même point, et en quelque lieu qu’on suppose l’œil d’un spectateur, autre cependant que le point de concours de ces droites, leur perspective sur ce plan ne pourra être qu’un système de droites parallèles, ou un système de droites concourant en un même point, suivant que le point de concours des droites originales sera sur le plan conduit, parallèlement à celui du tableau, par l’œil du spectateur, ou qu’il sera hors de ce plan.

6. Réciproquement, tout système de droites, parallèles, ou concourant en un même point, tracées sur un même plan, peut être considéré comme la perspective d’un système de droites originales concourant en un même point ; et il est même aisé de voir que cela peut avoir lieu d’une infinité de manières différantes.

7. Les perspectives, sur un plan quelconque, des deux bases d’un tronc de pyramide, à bases parallèles ou non parallèles, sont, deux polygones d’un même nombre de côtés, tels (1 et 2) que les droites qui joignent leurs points correspondans (5) sont parallèles ou concourent en un même point ; en outre, si les côtés de ces polygones ne sont pas parallèles chacun à chacun, les intersections des lignes correspondantes de l’un et de l’autre se trouveront toutes (3 et 4) sur une même ligne droite.

8. Étant données l’une des bases et les grandeurs et directions de trois arêtes latérales d’un tronc de pyramide, ce tronc se trouve entièrement déterminé. Il faut seulement, pour que sa construction soit possible, que les trois arêtes latérales données concourent en un même point ; ce point est alors le sommet de la pyramide ; on connaît donc les directions de toutes les arêtes latérales ; et, comme on connaît aussi trois points du plan de la base inconnue, ce plan est entièrement déterminé, et ses intersections avec les directions des arêtes latérales déterminent les longueurs de ces arêtes, et, en même temps, les sommets de tous les angles de la base inconnue.

9. Un tronc de pyramide étant donné, sa perspective (pour une situation donnée de l’œil et du tableau) est aussi donnée ; donc (8) étant données, sur un plan, la perspective de l’une des bases d’un tronc de pyramide, et les perspectives de trois de ses arêtes latérales, la perspective du tronc se trouve entièrement déterminée, et il doit être possible d’en achever la construction. Voici de quelle manière on peut procéder pour y parvenir :

1.o Soient , … les côtés du polygone, perspective de l’une des bases, que je désignerai par ( ) ; soient , les côtés du polygone, perspective de l’autre base, que je désignerai par  ; soient , … les sommets des angles du polygone () : étant l’intersection de et l’intersection de , et ainsi de suite ; soient, en outre, , … les sommets des angles du polygone  : étant l’intersection de , celle de , et ains de suite ; soient, enfin, , … les perspectives des arêtes latérales : joignant et , joignant et , et ainsi de suite.

2.o On suppose que l’on donne le polygone  ; ce qui entraîne la connaissance des droites , … et celle des points , … ; on suppose, en outre, que l’on donne les grandeurs et directions des droites , ce qui entraîne la détermination des points , et conséquemment celle des droites  ; et il s’agit de déterminer tout le reste.

3.o D’abord, pour que le problème soit possible, il faut (5) que , soient parallèles ou concourent en un même point ; en supposant donc qu’il en soit ainsi, si, par les points , …, on mène des droites parallèles à celles-là, ou concourant au même point qu’elles, il est clair que ces dernières indiqueront les directions de , en sorte qu’il ne s’agira plus que d’assigner les points , … où elles doivent se terminer : attendu que la détermination de ces points entraînera celle des droites , …

4.o Mais il est clair que tout se réduit à donner une méthode pour déterminer . En effet, ce point étant déterminé, on connaîtra toujours le polygone , on connaîtra de plus les grandeurs et direction, de  ; on se trouvera donc, pour la détermination de  ; dans les mêmes circonstances où on s’était trouvé pour la détermination de  ; et par conséquent il suffira, pour obtenir ce point, de répéter le même procédé, lequel conduira, par une suite de semblables opérations, à la détermination des autres points inconnus, en quelque nombre qu’on les suppose. Voyons donc comment nous pourrons déterminer le point .

5.o Soient prolongées jusqu’à leur point de concours , et soit conduit, par ce point , une droite parallèle à , …, ou concourant au même point qu’elles ; cette droite contiendra (7) le point de concours des droites  ; en prolongeant donc , jusqu’à sa rencontre avec , on obtiendra le point a ; et, comme ce point est sur , dont on connaît déjà le point , cette droite , se trouvera déterminée ; on pourra donc la construire, et son intersection avec , dont la direction est déjà connue, déterminera le point cherché . L'inspection des figures 8 et 9 mettra cette construction dans tout son jour,

10. On voit que, pour chaque nouveau point, tel que qu’on veut déterminer, on est obligé d’avoir recours à un point auxiliaire, tel que  ; de manière qu’après la construction achevée, on se trouvera avoir deux fois autant de points qu’on en cherchait ; si donc m exprime le nombre des angles des polygones () et (), comme trois des points de () sont donnés, on aura déterminé ou points de ce polygone, qui, joints aux trois points déjà donnés ou pris arbitrairement, feront en tout ,

11. Ainsi, un polygone de côtés étant donne ou construit arbitrairement sur un plan, il est toujours possible, 1.o de construire, sur ce plan, un autre polygone, aussi de côtés, de manière qu’en joignant deux à deux, par des droites, points du premier avec leurs correspondans dans le second, ces droites soient parallèles ou concourent en un même point ; et, s’il en est ainsi, comme alors la figure qu’on aura construite sera la perspective d’un tronc de pyramide, il arrivera, de soi-même (7) ; 2.o que toutes les autres droites qui joindront des points correspondans des deux polygones, seront parallèles aux premières, ou concourront au même point qu’elle ; et qu’enfin 3.o les intersections des lignes correspondantes, dans les deux polygones, seront toutes situées sur une même ligne droite, si toutefois ces lignes ne sont pas parallèles ; mais on voit que, si seulement quelques-unes de ces lignes étaient parallèles entre elles, elles devraient Fètre aussi à la droite qui contiendrait les intersections de toutes les autres deux à deux.

12. Si l’on fait actuellement attention qu’en général tout système de droites qui se coupent deux à deux, sur un même plan, forme un polygone de côtés, on reconnaîtra sans peine, dans les propositions qui viennent d’être énoncées, celles qui se trouvent à l’endroit déjà cité de ce recueil ; de manière que la démonstration de ces dernières se trouve renfermée dans ce qui précède.

13. La construction que j’ai indiquée (9) était la plus propre à conduire à la démonstration que j’avais principalement en vue ; mais, comme le problème auquel cette construction se rapporte se présente fréquemment dans le tracé des figures de géométrie, on ne sera pas fâché, je pense, d’en trouver ici une solution plus commode que, pour plus de clarté, j’appliquerai à un exemple particulier.

Soit (fig. 10 et 11) la perspective donnée de l’une des bases, soit d’un tronc de pyramide, soit d’un tronc de prisme ; soient les perspectives, aussi données, de trois de ses arêtes latérales consécutives ; et proposons-nous d’achever la construction de la perspective de ce tronc.

Soient d’abord menées et parallèles à (fig. 10), ou concourant au même point qu’elles (fig. 11) ; soient ensuite prolongés et jusqu’à leur point de concours  ; puis et jusqu’à leur point de concours en  ; en menant cette droite sera la perspective de l’intersection des plans des deux bases ; menant donc et prolongeant les diagonales jusqu’à la rencontre de en et si l’on mène ensuite et coupant et en et ces points et seront les sommets d’angles cherchés ; de manière qu’en menant et la construction sera terminée.

Au surplus, l’obligation où sont les côtés correspondans des deux polygones de concourir en un même point de peut fournir, soit une autre construction, soit un moyen de vérifier celle-ci.

14. La construction serait peu différente si, au lieu des trois points situés sur on en donnait trois autres situés sur les perspectives de trois droites quelconques, parallèles aux arêtes (fig. 10), ou concourant au sommet (fig. 11).

15. On pourrait aussi ne donner qu’un seul point de l’une ou de l’autre sorte, et remplacer les deux autres par la perspective de l’intersection des plans des deux bases.

16. Les mêmes constructions peuvent aussi être appliquées à la résolution des deux problèmes suivans :

1.o Étant données la perspective d’un cône ou d’un cylindre, droit ou oblique ; celles de trois droites passant par le sommet du cône, ou parallèles à celle qui joint les centres des deux bases du cylindre ; et enfin, celles de trois points situés sur ces droites ; déterminer tant de points qu’on pourra de la perspective de la section du cône ou du cylindre par un plan passant par les trois points dont les perspectives sont données ?

2.o Étant données la perspective d’un cône ou d’un cylindre, droit ou oblique ; celle de l’intersection d’un plan qui le coupe avec le plan de sa base ; celle d’une droite passant par le sommet du cône, ou parallèle à celle qui joint les centres des deux bases du cylindre ; et enfin celle du point où le plan coupant rencontre cette dernière droite ; déterminer tant de points qu’on voudra de la perspective de la section ?

La solution de ces problèmes, déduite des méthodes exposées ci-dessus, sera incomparablement plus courte et plus simple que celles que fournirait la géométrie descriptive proprement dite.

Séparateur

  1. On ne suppose pas, dans cette proposition et dans les suivantes, que les deux bases du tronc soient essentiellement des polygones convexes ; et on admet même que le sommet de la pyramide peut se trouver compris entre les plans de ces deux bases.