Annales de mathématiques pures et appliquées/Tome 01/Géométrie, article 11

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Solution du premier des deux problèmes proposés à
la page 259 de ce volume, et du problème proposé
à la page 126 du même volume ;
Par M. Servois, professeur de mathématiques à l’école d’artillerie
de Lafère.
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Une droite et une ligne du second ordre étant assignées, j’appelle pôle de la droite, le point du plan de cette droite et de la courbe autour duquel tournent toutes les cordes des points de contact des paires de tangentes à la courbe issues des différens points de la droite : tels sont, par exemple, les points désignés par et (page 127).

Il est aisé de voir qu’avec la règle seule on peut facilement trouver le pôle d’une droite. Soit en effet (fig. 2) une droite située sur le plan de la ligne du second degré  ; par un quelconque des points de soient menées les deux sécantes et  ; soit le point de concours de et  ; soit celui de et et soit menée En variant la position du point sur , et répétant la même construction, on obtiendra une nouvelle droite dont l’intersection avec la première sera le pôle cherché.

On sait d’ailleurs, avec la règle seulement, mener à une courbe du second degré une tangente, soit par un point extérieur, soit par un point pris sur la courbe[1].

Il s’agit, d’après cela, de résoudre le problème suivant :

Trois droites indéfinies étant données de position par rapport à une courbe quelconque du second degré, et dans un même plan avec elles ; on propose de construire, en n’employant que la règle seulement, un triangle dont les trois côtés soient des tangentes à la courbe, et dont les sommets se trouvent sur les trois droites données ?

La solution de ce problème repose sur les considérations qui vont être développées.

1.o Soit inscrit, à une ligne du second ordre (fig. 5), l’hexagone . Je prolonge les côtés jusqu’à ce qu’ils se rencontrent deux à deux, et qu’ils forment le triangle . Je mène les diagonales qui se coupent, savoir : les deux premières en , les deux suivantes en et les deux dernières en  ; je tire les indéfinies qui vont concourir, savoir : la première avec en , la seconde avec en , et la troisième avec en  ; je mène qui, par leur rencontre, forment le triangle  ; enfin je tire

2.o Il est d’abord évident que le point est le pôle de  ; car est la corde des tangentes issues du point , et serait celle des tangentes issues du point  ; par de semblables considérations, on s’assurera que et sont respectivement les pôles de et .

3.o Par une propriété connue de l’hexagone inscrit à une courbe du second degré, les trois points sont sur une même ligne droite[2] ; mais sont évidemment les cordes de contact des paires de tangentes issues des points , respectivement ; donc ces trois droites se coupent en un point unique , pôle de la droite .

4.o Dans le quadrilatère , la diagonale doit être divisée par les droites en segmens proportionnels[3], ou, en d’autres termes harmoniquement, donc les quatre droites sont des droites harmoniques qui conséquemment doivent couper harmoniquement toute droite qui ne passe pas par leur point de concours [4]. Pour de semblables raisons, le système des droites et le système des droites sont des systèmes de droites harmoniques.

5.o Soit l’intersection de avec , et soient désignées respectivement par les intersections de la même droite avec et [5]. D’abord (4.o) sera divisée harmoniquement en , par les harmoniques  ; ensuite la même droite se trouvera encore harmoniquement divisée en , par les harmoniques or quand, sur une même droite, deux systèmes de points harmoniques ont trois points qui coïncident, le quatrième point d’un système doit nécessairement coïncider avec le quatrième point de l’autre système[6] ; donc les points et coïncident et, d’autant que le premier doit être sur et le dernier sur , ils se confondent l’un et l’autre avec l’intersection de ces deux droites. La droite passe donc par et, pour des raisons semblables ; les droites doivent passer respectivement par et

6.o Par l’un quelconque des sommets de l’hexagone, je mène à la courbe une tangente se terminant en et sur et  ; je mène qui se termine à en  ; enfin je mène . D’autant que est une tangente issue du point de , dont le pôle est , l’autre tangente issue du même point devra toucher la courbe au point extrémité de la corde  ; est donc cette autre tangente ; et, en la considérant comme issue du point de , dont le pôle est , on voit que l’autre tangente issue du même point doit toucher la courbe en , extrémité de la corde  ; est donc cette autre tangente, et conséquemment et sont des tangentes aux extrémités de la corde passant par , pôle de  ; elles doivent donc concourir en un même point de cette droite, et par conséquent prolongée doit se terminer en sur . Ainsi les tangentes aux points forment un triangle dont les sommets sont sur les côtés du triangle  ; et il est clair que le triangle formé par les tangentes aux points jouirait de la même propriété.

7.o La courbe et le triangle étant donnés, si l’on demande de construire le triangle , on voit que tout se réduira à construire le triangle , et pour cela il est clair qu’il faudra 1.o déterminer deux quelconques et des trois pôles 2.o mener et qui donneront respectivement (5.o) les deux points 3.o mener qui, en général, donnera sur la courbe les deux points 4.o mener par l’un quelconque de ces deux points une tangente se terminant en et sur et , puis deux autres tangentes par les points et , lesquelles concourront d’elles-mêmes en sur . On aura ainsi une première solution du problème, et on aura la seconde en opérant sur le point comme il vient d’être dit pour le point .

peut être tangente à la courbe ou ne pas la rencontrer ; dans le premier cas le problème n’admet qu’une solution, dans le second il est impossible.

Dans le cas où les trois données concourent en un même point, la construction qui vient d’être indiquée devient illusoire, parce qu’alors les points se trouvent en ligne droite ; mais on sait d’ailleurs résoudre le problème pour ce cas[7].

  1. Soit 1.o (fig. 3) une courbe du second degré à laquelle il faille mener une tangente, par un point extérieur , en n’employant que la règle seulement.

    Soient menées, par ce point , les deux sécantes arbitraires et  ; soit le point de concours de et , et soit le point de concours de et  ; en menant , coupant la courbe en et , ces deux points seront les points de contact de la courbe avec les tangentes issues du point .

    Soit 2.o (fig. 4) une courbe du second degré à laquelle il faille mener une tangente par un point, de son périmètre, en n’employant que la règle seulement.

    Soient pris arbitrairement les trois points  ; soit le point de concours de et  ; soit le point de concours de et , et soit menée . En variant la situation de l’un ou de l’autre des deux points et ou de tous les deux, à la fois, et répétant la même construction, on obtiendra une nouvelle droite dont l’intersection avec la première sera un des points de la tangente cherchée. (Voyez un mémoire de M. Brianchon dans le XIII.e cahier du Journal de l’école polytechnique).

    (Note des éditeurs.)

  2. Voyez, ci-dessus, la note qui termine la première solution du second problème (pag. 335).
  3. Voyez l’essai sur la théorie des transversales, à la suite du beau mémoire de Carnot sur la relation entre cinq points dans l’espace, Théorème vi.
  4. Voyez le même ouvrage, Théorème vii.
  5. On n’a point dû, dans la figure, désigner ces points que l’on va prouver n’être autres que le point .
  6. Si, en effet, l’on a, à la fois,

    on en conclura

    ou

    d’où

    (Note des éditeurs.)
  7. On peut remarquer que la construction qui vient d’être indiquée est exactement celle qu’on trouve pour le cas particulier du cercle à la page 127 de ce volume, et qu’ainsi cette construction se trouve démontrée par ce qui précède.

    On a vu (pag. 123) que le problème où l’on propose d’inscrire à un cercle un triangle dont les côtés passent par trois points donnés el celui où l’on propose de circonscrire à un cercle un triangle dont les sommets soient sur trois droites données, sont tellement liés entre eux que la résolution de chacun d’eux entraîne nécessairement celle de l’autre ; et il est aisé de voir qu’il en est encore de même lorsqu’on substitue au cercle une courbe quelconque du second degré.

    La solution précédente renferme donc aussi implicitement celle de cet autre problème : Construire, en n’employant que la règle seulement, un triangle dont les côtés passent par trois points donnés et dont les sommets soient sur une courbe donnée du second degré ; problème dont la solution, pour le cas particulier du cercle, et sans interdire l’usage du compas, a occupé plusieurs illustres géomètres.

    La construction qui répond à ce dernier problème devient illusoire, lorsque les trois points donnés sont en ligne droite, parce qu’alors les droites dont ils sont les pôles se coupent au même point. Si alors on suppose que la courbe est un cercle, on tombe sur le problème de Pappus. (Voyez ses collections mathématiques, livre VII, Prop. CXVII, Prob. XI).

    (Note des éditeurs.)