Anglophilie gouvernementale/Annexes

Chamuel (p. 41-48).


ANNEXES




ANNEXE N° I


Bulletin officiel des Établissements français de l’Océanie et du Protectorat des Îles de la Société et dépendances. — Année 1879, page 156.

N° 283. — Dépêche ministérielle au sujet des modifications à apporter dans le service de l’Instruction publique.


(Direction des Colonies, 2e bureau.)
Paris, le 14 mai 1879.


Monsieur le Commandant,

Par lettre du 12 février dernier, vous m’avez rendu compte qu’à l’occasion de la discussion du budget local, le Conseil d’administration de Tahiti avait désiré être éclairé sur la nature et la durée des contrats pouvant exister avec les congrégations religieuses chargées de l’instruction publique dans l’île. Par suite, vous me demandez à connaître si ces contrats sont exclusifs et peuvent être résiliés.

J’ai l’honneur de vous informer que le Département n’est lié avec l’Institut des Frères de Ploërmel et la congrégation des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny, dont les membres exercent dans la colonie, par aucune clause qui puisse empêcher d’employer un autre personnel pour diriger les écoles.

Rien ne s’oppose donc à la modification de l’état de choses actuel dans la limite des crédits que le budget local peut permettre de consacrer au service de l’enseignement.

Dans ma dépêche du 28 février dernier, portant envoi d’un projet de réorganisation des Églises thahitiennes, j’ai appelé votre attention sur la nécessité, indiquée dans ce travail, de remanier le budget de l’instruction publique de telle sorte que la répartition des ressources locales fût faite, autant que possible, au prorata du nombre des élèves qui appartiennent à chaque religion (?)[1].

Ces vues impliquent nécessairement l’OPPORTUNITÉ de diriger l’instruction conformément aux idées religieuses de la majorité de la population de la colonie. Cette manière d’agir me semble d’ailleurs la plus conforme aux intérêts de notre politique et semble tout particulièrement indiquée par la préoccupation du Conseil d’administration dont vous me faites part.

Je recevrai, avec intérêt, les communications que vous m’adresserez au sujet de cette importante question.

Recevez, etc.

Le Vice-Amiral,
Ministre de la Marine et des Colonies,
Signé : JAURÉGUIBERRY.




ANNEXE N° 2


CONSEIL COLONIAL, SÉANCE nu 17 OCTOBRE 1883.
Recueil des procès verbaux, p. 200.

« Monsieur le Directeur de l’Intérieur… C’est qu’à côté de cette question de l’instruction publique, se trouve celle aussi grave des cultes, qui, dans ce pays, vous ne l’ignorez pas, Messieurs, a une très grande importance. L’Administration s’est demandé si les mesures qu’elle allait prendre n’allaient pas occasionner des froissements. Obligée de choisir entre des instituteurs, rares et fort chers, et des congréganistes moins coûteux, mais discutés par les membres de la religion protestante, les difficultés avec lesquelles elle s’est trouvée aux prises ont pesé sur ses résolutions qu’elle tient encore en suspens.

« Cependant, je dois vous faire connaître, Messieurs, qu’au cours de ma dernière tournée, j’ai recueilli des vœux bien significatifs. Ainsi, dans plusieurs districts, on m’a réclamé à grands cris des instituteurs, en ajoutant qu’on recevrait avec plaisir des congréganistes, si les laïques faisaient défaut. »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .



ANNEXE N° 3


CONSEIL COLONIAL, SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1883.
Recueil des procès verbaux, p. 82.


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

M. P... dit que si, dans la dernière séance, il a parlé d’appréhensions et de rivalités religieuses, ce n’est pas sans motifs. Il avait connaissance de faits tout récents, qui viennent confirmer ces appréhensions. M. l’évêque d’Axiéré aurait, a-t-il entendu dire dernièrement, fermé les écoles des Frères aux enfants de plusieurs familles protestantes…

M. R… demande la parole.

Il veut d’abord renseigner M. P… sur les faits que ce dernier vient de signaler et qui ont été, d’après lui, singulièrement grossis. M. P… ne paraît pas savoir exactement ce qui s’est passé.

Personne n’ignore, dit M. R…, que le nombre d’élèves qui suivent les cours des Frères augmente tous les jours. Or, il est arrivé, il y a quelque temps, que l’affluence était tellement considérable que l’évêque a dû, en considération du peu de ressources de l’établissement, réduit à se suffire, prendre une mesure qui a écarté des bancs de l’école quelques enfants, le trop plein, que, malgré la meilleure volonté du monde, il a été reconnu impossible d’admettre. Ces enfants, à la vérité, étaient de famille protestante. Mais il serait injuste d’oublier, ajoute-t-il, qu’ils se présentaient à une école libre et, qui plus est, catholique…




ANNEXE N° 4


CIRCULAIRE DE M. CHARLES VIÉNOT


Président du Conseil supérieur

des Églises thaitiennes,

au sujet des Élections au Conseil général.


TEXTE TAHITIEN


Papeete, te 28 no Titepa 1893.
Na te mau Orom etua e te mau Diatono no Tahiti.
E hoa ino e
Ia ora na outou i te atua

Tou manao i teie i maiti raâ i mua nei ra maori ra ho ia te faaca roa. — Teie ra te faaroo nei au e, te rave hia nei tou ioa, ei taparahi i tou mau hoa !

No taua vahi ra, te faaite papu atu nei au ia outou ahiri au i faao i roto i teie nei tatau raa tera ra ia tau mau feia e tona atu maori ra to tatou mau hoa tahito e teienei a Arioi, Tematahi, Temarii, Tenahe.

Eiaha e vare e te tahi e atu

to outou hoa
CH. VIÉNOT


TEXTE FRANÇAIS


Papeete, le 28 Septembre 1893.
Aux pasteurs et aux diacres de Tahiti.
Chers amis,
Salut à vous de par Dieu !

Ma pensée aux prochaines élections est de rester neutre. Mais j’apprends que l’on doit se servir de mon nom pour combattre mes amis !

À cet égard, je vous déclare franchement que si j’avais à intervenir dans cette lutte, les personnes que je vous recommanderais ne seraient autres que nos anciens amis qui sont encore aujourd’hui : Arioi, Tematahi, Temarii, Tenahe.

N’écoutez pas les autres !

Votre ami,
Signé : CH. VIÉNOT


ANNEXE N° 5


CONSEIL GÉNÉRAL, SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1886.
Recueil des procès verbaux, p. 466 et suivantes.


Élection du délégué au Conseil supérieur des Colonies.


« Je ne parlerai pas des prêches dans les temples où la bénédiction du Très-Haut était appelée sur le candidat mystérieux, ni des voitures en or et autres amorces du même genre offertes à ces bons Tahitiens.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Monsieur X… est d’avis de remanier l’ordre du jour proposé dans le sens d’une transmission au Ministre par l’intermédiaire du Président du Conseil général, avec cette modification que l’élection de Monsieur N… est due à une violation de la loi.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

N.B. — Rien ne paraît changé, d’ailleurs, à ce sujet depuis mon départ de la colonie, puisque je trouve dans une publication protestante, l’Église Libre, n° du 22 décembre 1893, l’entrefilet suivant :

« Un décret a nommé M. N., membre du Conseil supérieur des Colonies ; on sait que notre ami, délégué de Tahiti à ce Conseil, n’avait pas été réélu à l’expiration de son mandat, grâce aux efforts de tous les adversaires de l’influence protestante et à l’incroyable manœuvre d’un personnage que nous ne voulons pas nommer.

« Cette injustice est réparée dans la mesure du possible et nous nous en félicitons, car la présence de M. N… dans le Conseil des Colonies est une garantie pour les droits de nos missionnaires. »

Cela a été, entre parenthèses, non seulement un acte « confessionnel » de la part du ministère, non seulement aussi un acte anticonstitutionnel puisqu’il redresse les « injustices » du suffrage universel, mais encore une violation flagrante des dispositions du décret du 29 mai 1890, réorganisant le Conseil supérieur des Colonies.

« Art. 2. — Le Conseil supérieur des Colonies… comprend :

« 4° Des membres désignés à raison de leur connaissance spéciale des questions coloniales, choisis parmi les membres du Parlement, les fonctionnaires ou anciens fonctionnaires des colonies et protectorats, et les personnes ayant séjourné dans nos possessions d’outre-mer. »

À quelle catégorie appartient Monsieur N… ?


ANNEXE N° 6


DÉCRET DU 23 JANVIER 1884
portant organisation des Églises tahitiennes.

« Art. 21. — Le Conseil supérieur ne doit traiter dans ses délibérations ou décisions d’aucune matière politique, ou d’aucune matière administrative qui soient étrangères aux questions religieuses et ecclésiastiques.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Art. 22. — Les décisions prises dans le Conseil supérieur sont immédiatement communiquées au Gouvernement… et rendues exécutoires, si dans le délai de huit jours, le Gouvernement n’a pas fait opposition.

« En cas d’opposition, le Conseil supérieur doit être convoqué… pour délibérer de nouveau en présence d’un délégué du gouvernement qui a voix consultative.

« Si le Conseil supérieur maintient sa première décision et si le Gouvernement persiste dans son opposition, l’affaire est portée… devant un Conseil spécial désigné chaque année… composé du Directeur de l’intérieur, etc…

« Les décisions de ce conseil spécial sont définitives. »

N. B. — Ce qui fait entrer le gouvernement et l’administration dans la responsabilité des actes d’Église, et ce qui autorise les pasteurs à dire : C’est l’ordre du Gouvernement !




CONSEIL GÉNÉRAL, SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1886.
Recueil des procès verbaux, p. 485 et suivantes.


Vœu relatif à l’abrogation du décret du 23 janvier 1884.


« Monsieur le Président donne lecture de la motion suivante, sur laquelle il appelle le Conseil à se prononcer :

« Le Conseil général émet le vœu que le décret du 23 janvier 1884 organisant les Églises tahitiennes protestantes dans les établissements français de l’Océanie, soit rapporté, et que l’on en revienne purement et simplement à la loi du 18 germinal an X, promulguée dans la colonie depuis 1874.

Signé : Martiny, Lentzen, Raoulx, Wilmot.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Grâce à ce décret, on a pu mettre à terre toutes les Églises qui avaient jusqu’alors conservé une certaine indépendance, l’administration s’étant faite la complice de la secte envahissante ? Et pour être plus sur de venir à bout de certaines résistances, l’imagination aidant, on a trouvé l’ingénieux moyen, en remaniant habilement le texte primitif, de faire entrer au grand Conseil, à côté du pasteur anglais de la Société des Missions de Londres, les directeurs d’écoles françaises indigènes, parmi lesquels se trouvaient, comme par hasard, M. Viénot.

« On s’imagine là-bas (au Ministère) être en présence d’intérêts élevés alors qu’il ne s’agit que de réalités mesquines qui n’acquièrent d’importance que par l’immixtion même du pouvoir

« D’ailleurs ce décret qui ne devait être à l’origine qu’un règlement religieux est devenu, dans les mains de ceux qui l’appliquent, une arme politique dont ils ne font usage que pour combattre les vrais intérêts du pays. L’élection de M. N… en est une preuve, car elle a démontré jusqu’à l’évidence, ce que du reste on savait déjà, que les Églises ne sont, en fait, que des circonscriptions de vote, et les temples, des locaux affectés à la distribution des bulletins.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Le Conseil répond affirmativement. »




  1. Voir la statistique relative à l’école des Frères.