Maison Aubanel père, éditeur (p. 165-166).

XIV


La confirmation de la communauté fut envoyée de Rome par le premier courrier après la réception de la demande, et les préparatifs nécessaires furent commencés pour la cérémonie d’investiture.

Les habitants de Havre-Saint-Pierre firent dignement les choses à l’arrivée du décret, créant la nouvelle communauté de Notre-Dame-de-la-Garde. La fête de l’Assomption revêtit cette année-là une solennité extraordinaire quand le Cardinal-Archevêque de Québec fit son entrée solennelle dans leur église. Malgré son grand âge, il présida à toute cette imposante cérémonie et voulut bien aussi faire le sermon de circonstance. Il prit pour texte les paroles de l’Évangile de saint Matthieu : « Si tu veux être parfait, il ne te manque qu’une chose. Va ! vends ce que tu possèdes sans réserve et donne-le aux pauvres. Tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens et suis-moi. »

Le texte ne pouvait être mieux choisi pour rappeler l’abnégation de Mère Saint-Vincent-de-Paul, qui venait de tout sacrifier : sa vie et sa fortune, pour soulager la misère sur la Côte. Le vénérable Cardinal loua hautement l’œuvre entreprise sur cette terre de désolation, qu’il visitait pour la première fois.

Au banquet qui lui fut offert le soir, auquel la famille Guillou avait été conviée avec les notables de la Côte, le vénérable Archevêque ouvrit tout grand son cœur de Père des fidèles :

Je me sens un peu, dit-il, comme Notre-Seigneur avec ses apôtres ; car comme eux vous êtes tous des pêcheurs. Vous avez pour honneur et privilège de compter celui sur lequel Jésus fonda son Église comme un des vôtres ; tant il est vrai que Dieu se sert souvent des tout petits pour faire de grandes choses : témoin la fondation de cette nouvelle communauté qui soulagera désormais vos douleurs, sur cette terre que vous aimez, parce que vous y êtes nés, que vous l’avez arrosée de vos sueurs et que vous y mourrez. Restez attachés à cette terre inhospitalière et désolée, mais que vous chérissez quand même, car elle est votre petite patrie qu’on aime souvent plus que la grande, parce que les liens qui vous y attachent sont plus intimes.

C’est la main de Dieu qui a conduit vos ancêtres ici après le « grand dérangement » ; et vous avez répondu à son attente, parce que vous descendez de cette race valeureuse de Francs qui ne meurt pas, en dépit des persécutions.

Il rendit un tribut d’hommages particuliers à la famille Guillou qu’il compara aux familles patriarcales d’autrefois.

Le souvenir de cette fête est resté gravé profondément dans la mémoire des habitants de la Côte-Nord et de ceux de Havre-Saint-Pierre en particulier.