Anecdotes pour servir à l’histoire secrète des Ebugors. Statuts des sodomites au XVIIe siècle./III/00-2
AVANT-PROPOS
’est aux villes assiégées que
nous sommes redevables des
plus beaux ouvrages que puisse
enfanter l’esprit humain ; Troie
a fourni la matière de l’Iliade, et les suites
de ce fameux siège ont donné naissance à
l’Enéide. Le Tasse a chanté la délivrance
de Jérusalem, et c’est au siège de Paris
que nous devons la Henriade. On aurait
aussi pu trouver le sujet d’un excellent
poème épique dans Cythère assiégée ; on
s’est contenté d’en faire un opéra-comique.
Un pareil ouvrage ne doit être regardé tout
au plus que comme une miniature : peut-être
nous donnera-t-on quelque jour un
plus noble tableau. En attendant qu’on
puisse employer les brillantes couleurs de
la poésie, j’aurai recours à la simplicité de
la prose ; il m’est plus facile de parler le
langage des hommes que celui des dieux.
Au lieu d’un poème, je vais donc composer
une histoire. Tous les faits que j’avancerai
sont incontestables ; je ne travaille point
sur des mémoires. Tout ce que je vais
raconter s’est passé sous mes yeux. J’ai eu
l’honneur de servir pendant cette guerre,
Et militavi non sine gloria.
Je ne suis pas de ces écrivains qui ont passé leur vie dans l’obscurité d’un cabinet et qui viennent nous parler d’opérations militaires dont ils n’ont que des idées très imparfaites. Pour bien traiter une matière, il faut la connaître à fond. Or dans la profession des armes, je ne crois pas qu’on puisse me taxer d’ignorance. Aux lumières que je puis avoir là-dessus, je joins encore une qualité bien essentielle à un historien, c’est l’impartialité. Ainsi, si cet ouvrage ne plaît pas par la beauté du style, il sera du goût de ceux qui aiment mieux la Vérité toute nue que des Fables embellies.