Texte établi par Claude-Bernard Petitot (p. 68-90).


De la cérémonie qui se fit en l’hôtel de Saint Paul, à Paris, par Charles le Sage, roy de France, en donnant l’épée de connétable à Bertrand, qui sous cette qualité, donna le rendez-vous à touttes ses troupes dans la ville de Caën pour combattre les Anglois.


Bertrand sçachant que les Anglois, jaloux de sa gloire et de sa valeur, le faisoient épier sur le chemin pour le surprendre, arriva seulement luy douzième à Paris, vêtu d’un gros drap gris, afin d’être moins reconnu sur sa route. Cette nouvelle engagea le roy Charles à luy envoyer son grand chambellan, qui s’appelloit Hureau de la Riviere, pour luy faire honneur et venir au devant de luy. Ce seigneur s’y fit accompagner de beaucoup de chevaliers de marque, pour rendre la ceremonie plus illustre, et comme il avoit un grand talent dans la science du monde, il s’aquita très-dignement de sa commission, faisant à Bertrand touttes les honnêtetés imaginables, et luy rendant par avance tout les respects qui sont attachez à la dignité de connétable, qu’il alloit posséder. Toutes les avenües de Paris, touttes les rues et touttes les fenêtres de cette grande ville, regorgoient de monde qui vouloit voir ce fameux Bertrand Du Guesclin, dont la réputation s’étoit répanduë dans toutte l’Europe. Il alla descendre à l’hôtel de Saint Paul, où le Roy l’attendoit, assis sur un fauteuil, au milieu de ses courtisans. Aussitôt qu’il fut entré dans sa chambre, Bertrand fléchit le genou devant son souverain, qui, ne le voulant pas souffrir dans cette posture, luy commanda de se relever, et le prenant par la main, luy dit qu’il étoit le bien venu ; qu’il y avoit longtemps qu’il l’attendoit avec impatience, ayant une extreme besoin de sa tête et de son épée, pour repousser les Anglois, qui faisoient d’étranges ravages par tout son royaume et même dans son voisinage, dont on pouvoit voir les tristes effets en montant au clocher de Sainte Geneviefve, devant Paris ; que sçachant sa bravoure, son bonheur et son expérience dans la guerre, il avoit jetté les yeux sur luy pour luy confier le commandement de ses troupes, et que pour luy donner plus de courage à s’en bien aquiter, il avoit résolu de l’honorer de la plus eminente dignité de son royaume, en luy donnant l’épée de connétable.

Bertrand, qui n’étoit pas homme à se laisser éblouïr d’une vaine esperance, prit la liberté de demander au Roy si le seigneur de Fiennes n’étoit pas encore en possession de cette grande charge. Sa Majesté luy répondit que son cousin de Fiennes l’avoit fort bien servy, mais que sa caducité ne luy permettant plus de soutenir les fatigues de ce glorieux et penible employ, il luy avoit rendu l’épée de connétable en luy disant qu’il ne pouroit jamais trouver personne plus capable de luy succeder que Bertrand. Celuy cy fit voir son grand sens et son jugement dans la repartie qu’il fit à son souverain, car quoy qu’il ne doutât pas qu’il n’en pût disposer independamment de tout autre, cependant comme il prévoyoit que cette eminente dignité luy alloit attirer des jaloux, il fut bien aise que le choix que Sa Majesté faisoit de sa personne fût autorisé de son conseil même, composé des premières têtes de tout son royaume. C’est la grace qu’il prit la liberté de luy demander en la suppliant d’en faire le lendemain la proposition devant ceux qu’elle avoit accoutumé d’appeller auprés de sa personne, pour prendre leurs avis dans les affaires les plus importantes. Ce sage prince, bien loin de se choquer d’une condition qui luy devoit sembler inutile, puisque tout dépendoit absolument de luy, voulut bien par condescendance deferer à l’avis de Bertrand, qu’il emljrassa d’une maniere fort sincère, et qui marquoit le fonds de bienveillance qu’il avoit pour ce general. Il eut la bonté de le faire souper à sa table et de luy donner un appartement dans son hôtel, où l’on avoit fait tendre une chambre pour luy, fort richement tapissée d’un drap tout semé de fleurs de lys d’or.

Le lendemain ce prince, après avoir entendu la messe, assembla son conseil où se rendirent plusieurs ducs, comtes, barons et chevaliers, le prevôt de Paris et des marchands, et grande partie des plus notables bourgeois de cette capitale. Il leur representa les hostilitez que les Anglois faisoient dans ses États, et le besoin pressant dans lequel on étoit d’y apporter un prompt remede ; qu’il n’en avoit point imaginé de plus souverain, pour arréter le cours de tant de malheurs, que de choisir au plûtôt un connétable qui pût, par sa valeur et son expérience, rétablir les affaires de son royaume ; qu’ils n’étoient tous que trop persuadez qu’il n’avoit pas besoin de leur consentement pour disposer de cette charge, puis qu’il le pouvoit faire de sa pleine puissance et autorité royale ; mais qu’il avoit bien voulu faire ce connétable de concert avec eux ; que le seigneur de Fiennes n’en pouvant plus faire les fonctions, à cause de son grand âge, luy en avoit fait une abdication fort sincere, en presence des premiers seigneurs de sa cour, en luy témoignant que, dans le pitoyable état où la France etoit réduite alors, il n’y avoit personne plus capable de la relever de son accablement que Bertrand Du Guesclin. Ce prince n’eut pas plûtôt prononcé son nom, que tout son conseil opina comme luy, mais avec une si grande predilection pour Bertrand, que le choix de sa personne fut fait tout d’une voix. Le Roy le fit donc venir en leur presence, et luy présenta devant cette illustre assemblée l’épée de connétable. Bertrand la reçut avec beaucoup de soûmission ; mais il protesta que c’étoit à condition que si aucun traître en son absence, par trahison ou loberie, rapportait aucun mal de luy, il ne croiroit point le rapport ; ne jà ne luy en feroit pis, jusqu’à ce que les paroles fussent relatées en sa présence. Le Roy luy promit qu’il luy reserveroit toûjours une oreille pour entendre ses justifications contre les calomnies qu’on voudroit intenter contre luy.

Bertrand, satisfait de touttes les honnétetez de Sa Majesté, ne songea plus qu’à remplir dignement les devoirs de sa charge. Tous les officiers de l’armée vinrent luy rendre leurs respects et le salüer sous cette nouvelle qualité de connétable ; et comme l’argent est le nerf de la guerre, il commença par demander au Roy dequoy payer la montre de quinze cens hommes d’armes pour deux mois, luy remontrant qu’il étoit necessaire d’ouvrir ses coffres pour lever incessamment beaucoup de troupes, capables de tenir tête à plus de trente mille Anglois, et que quand elles étoient mal payées, non seulement elles avoient beaucoup de tiedeur pour le service, mais ne songeoient qu’à piller, et ruïnoient tout le plat-païs sous le spécieux prétexte de n’avoir point reçu leur solde, Ce brave general ayant ainsi disposé l’esprit de son maître à ne rien épargner pour la conservation de sa couronne et de ses États, s’en alla droit à Caën, comme au rendez-vous qu’il avoit marqué pour y assembler un gros corps de troupes. Chacun courut en foule pour le joindre, tant on avoit d’empressement de servir sous un si fameux capitaine. Il tendoit les bras à tous ceux qui vouloient s’engager ; et, bien que Sa Majesté luy eût donné peu d’argent pour faire des levées, quand il en eut employé les deniers, il vendit sa vaisselle et tous les bijoux et joyaux d’or et d’argent qu’il avoit apporté d’Espagne, pour soutenir la dépense qu’il falloit faire pour enrôler beaucoup de soldats.

Tous les generaux les plus distinguez se rendirent auprés de luy comme à l’envy les uns des autres. Les comtes du Perche, d’Alençon, le maréchal d’Andreghem, Olivier de Clisson, dont le bras étoit si fort redouté des Anglois qu’ils l’appelloient le boucher de Clisson, messire Jean de Vienne, amiral, Jean et Alain de Beaumont et Olivier Du Guesclin, frère du connétable, vinrent tous à Caën pour recevoir ses ordres et conférer avec luy sur l’état present des affaires. Il les regala magnifiquement, et ce qui rendit encore le festin plus agréable, ce fut la presence de sa femme, qui se trouva là, dont tout le monde admira la sagesse, la beauté, les reparties judicieuses et spirituelles, étant, comme nous avons dit, universelle en toutte sorte de sciences, et même elle avoit une connoissance presque infallible de l’avenir, dont elle donna quelques preuves, quand elle avertit son mary que le jour de la bataille d’Aüray, dans laquelle il fut pris, devoit être malheureux pour luy. Bertrand donna le lendemain les ordres a ce que chacun se tint prêt pour venir dans trois jours à Vire avec luy, pour une prompte expedition qu’il avoit dans l’esprit. Tout le monde se mit en état de le suivre, et se prepara de son mieux, afin que le service se fît au gré de ce nouveau connétable, dont les preliminaires étoient si beaux, et qui promettoit de fort grands progrés dans la suite. Étant sur le point de monter à cheval, il prit congé de la dame sa femme, à laquelle il donna le choix ou de rester à Caën, ou de s’aller retirer en Bretagne a sa seigneurie de la Roche d’Arien, la conjurant de se souvenir de luy dans ses prieres, et de recommander à Dieu sa personne et la justice de la cause pour laquelle il alloit combattre. La dame le supplia de ne se point commettre dans les jours ausquels elle luy avoit témoigné qu’il y avoit quelque fatalité attachée. Guesclin luy promit d’y faire les reflexions nécessaires, plûtôt par la complaisance qu’il avoit pour elle, que pour la foy qu’il eût pour touttes ces sortes de prédictions. Il partit de Caën à la tête de beaucoup de troupes fort lestes et dans une fort belle ordonnance ; et le soleil, dardant sur leurs casques et leurs cuirasses, causoit une reverberation qui faisoit un fort bel effet à la veüe.

Toutte cette armée vint camper tout auprés de Vire, où les generaux se logerent. Tandis que Bertrand faisoit alte là, les Anglois étoient à Ponvallain, commandez par Thomas de Granson, lieutenant du connétable d’Angleterre. Il avoit dans son armée beaucoup de chevaliers qui s’étoient aquis une grande reputation dans la guerre. Hugues de Caurelay, Cressonval, Gilbert Guiffard, David Hollegrave, Hennequin, Acquet, Geoffroy Ourselay, Thomelin Folisset, Richard de Rennes, Eme, Nocolon de Bordeaux, Alain de Bouchen, et Mathieu de Rademain, tenoient les premiers rangs sous ce general, qui, n’osant pas rien entreprendre à leur insçu, trouva bon de les consulter sur ce qu’il avoit à faire, leur temoignant que quoy qu’il eût le commandement sur eux, il étoit persuadé qu’ils avoient tous incomparablement plus d’experience que luy dans la guerre, et que c’étoit dans cet esprit qu’il les avoit tous assemblez pour prendre leurs avis sur l’état présent de leurs affaires, ayans à combattre le fameux Bertrand Du Guesclin, qui s’étoit rendu la terreur de toutte l’Europe par les mémorables expeditions qu’il y avoit faites, et dont le nom seul étoit si redoutable, qu’il jettoit toûjours la frayeur et la crainte dans l’ame de ses ennemis. 11 ajouta qu’il avoit appris de bonne part qu’Olivier de Clisson marchoit avec luy pour leur donner combat, et que ce dernier étoit un autre Bertrand en valeur, et qu’on n’appelloit pas sans raison le boucher de Clisson, parce que c’étoit un capitaine qui faisoit un étrange carnage quand il étoit aux mains dans une mêlée ; qu’il avoit abandonné le party du prince de Galles, dont il s’étoit auparavant reconnu vassal par l’hommage qu’il luy avoit fait, et que cette perfide defection diminuoit beaucoup les forces de leur party, où la présence de Clisson avoit toûjours été d’un grand poids.

Hugues de Caurelay prenant le premier la parole, avoüa que Bertrand étoit le premier capitaine de son siecle, dont il avoit éprouvé cent fois la valeur et l’experience pour avoir souvent partagé les perils de la guerre avec luy ; qu’ils avoient toûjours eu, durant tout ce temps, de grandes liaisons d’intelligence et d’amitié ; mais que les interests de son prince luy devans être plus chers que ceux de son amy particulier, il falloit songer aux moyens de vaincre un ennemy si redoutable ; et que, pour y parvenir, il croyoit qu’il étoit important de tirer de touttes les garnisons voisines le plus qu’ils pouroient de soldats pour renforcer leurs troupes, afin de se mettre en état de faire un plus grand effort contre les François ; et que Cressonval et luy pouroient fort bien faire cette manœuvre tandis qu’on envoyeroit un trompette à Bertrand pour luy demander bataille, et marquer un jour de concert avec luy dans lequel les deux armées en viendroient aux mains. Cet avis étoit si judicieux et si sensé, qu’il fut universellement reçu de tout le monde. Thomas de Granson fut le premier à le goûter, et tous les seigneurs y donnèrent ensuite les mains. Cressonval avec Hugues de Caurelay, furent secrettement détachez pour aller dans les places, assembler le plus qu’ils pouroient de monde et l’en tirer pour grossir leur armée qui étoit aux champs. Hugues de Caurelay, pour amuser Bertrand, cependant qu’il feroit de son côté touttes les diligences nécessaires pour amasser tout ce secours et ce renfort, envoya l’un de ses gardes à Vire, avec ses dépêches pour demander bataille à Bertrand, et convenir avec luy d’un jour pour cet effet. Le garde arriva bientôt devant cette place, qu’il vit environnée d’enseignes, de tentes et de hutes touttes couvertes de feüillées. Tout y retentissoit du bruit des trompettes, et le camp luy paroissoit remply de tant de soldats, qu’il ne croyoit pas que les Anglois fussent en assez grand nombre pour mesurer leurs forces avec celles des François.

Tandis que ce cavalier avançoit chemin, il apperçut un autre trompette qui portoit les armes de Guesclin sur sa casaque, et qui revenoit du Mans, où son maître l’avoit envoyé. Celuy-cy voyant que l’Anglois avoit aussi sur sa cotte d’armes celles de Thomas Granson, general des ennemis, la curiosité luy fit naître l’envie de l’approcher pour sçavoir quel étoit le motif qui l’amenoit en ces quartiers. L’autre luy répondit qu’il luy donnoit à deviner quel étoit le sujet de son message. « c’est apparemment pour demander bataille, luy dit le garde de Guesclin, comptez que vous l’aurez ; » ajoûtant dans son patois : Car je connois Monseigneur a tel qu’il ne vous en faudra, ne que mars en carême. Ces deux hommes s’étans ainsi joints, continuerent leur route devisans toûjours ensemble sur la valeur et le courage de leurs maîtres. Ils arriverent enfin jusqu’à Vire, dont on leur ouvrit le château pour les faire parler à Bertrand, qu’ils trouverent se promenant dans la cour de ce lieu, s’entretenant avec tous les chefs et les principaux seigneurs de l’armée, dont étoient le comte de Saint Paul et son fils, le seigneur de Raineval et Roulequin, son fils, Oudard de Renty, le maréchal d’Andreghem, Olivier de Clisson, Jean de Vienne et les deux Mauny. Le trompette de Bertrand presenta celuy de Thomas de Granson, disant à son maître qu’en revenant du Mans, où il luy avoit commandé d’aller, il avoit rencontré dans son chemin ce garde, dont il avoit appris que le general anglois l’envoyoit auprés de luy pour quelque affaire d’importance qu’il avoit à luy communiquer de sa part, et qu’il l’avoit prié de le luy présenter.

Bertrand se disposant à l’écouter, le trompette anglois luy fit son compliment avec beaucoup de respect et de soumission, commençant par le loüer de sa valeur et de la reputation qu’il avoit aquise dans les armes, dont le bruit étoit répandu dans toutte l’Europe. Après qu’il eut étably ces beaux préliminaires, il luy témoigna qu’il se presentoit une belle occasion de couronner touttes les grandes actions qu’il avoit faites, en acceptant le défy qu’il venoit luy faire de la part de Thomas Granson, qui luy demandoit qu’il luy marquât un jour auquel les deux armées pouroient en venir aux mains en bataille rangée ; que s’il refusoit de prendre ce party, l’intention de son maître étoit de l’attaquer de nuit ou de jour, sans garder aucunes mesures avec luy. Le trompette ayant achevé ces paroles, luy mit entre les mains la dépêche[1] de Thomas de Granson, qui ne chantoit que la même chose. Quand Bertrand en eut entendu la lecture, il en fut piqué jusqu’au vif, et jura qu’il ne mangeroit qu’une fois jusqu’à ce qu’il eût veu les Anglois. Il s’informa du trompette en quel endroit ils étoient campez. Il luy répondit que c’étoit auprés de Ponvallain ; qu’ils étoient déjà bien quatre mille hommes d’armes, sans un grand renfort qu’ils attendoient, et que Cressonval étoit allé tirer des garnisons voisines, et qu’avec ce secours les Anglois avoient grand désir de le voir en bataille. Par Dieu, dit Bertrand, ils me verront plûtôt que besoin ne leur fut. Et pour témoigner la joye que luy donnoit cette nouvelle, il fit une largesse de quatorze marcs d’argent au trompette anglois, et commanda qu’on le fît bien boire et bien manger, et qu’on luy donnât ensuite un bon lit pour reposer jusqu’au lendemain qu’il le vouloit renvoyer aux Anglois, pour leur annoncer dé sa part qu’il feroit plus de la moitié du chemin pour les aller voir au plûtôt. On régala tant le trompette durant toutte la nuit, qu’au lieu de partir à la pointe du jour, il luy fallut dormir pour cuver son vin.

Bertrand se servit de cette favorable occasion pour surprendre les Anglois qui n’avoient point encore reçu de nouvelles de leur messager, qu’ils attendoient avec impatience. Il commanda secrettement que chacun s’armât et montât à cheval, et que qui l’aimeroit le suivît sans perdre de temps, parce qu’il ne vouloit reposer ny jour ny nuit, jusqu’à ce qu’il eût combattu les Anglois. On eut beau luy remontrer qu’il alloit faire un contretemps, et qu’il prenoit mal ses mesures, puis qu’il vouloit partir à l’entrée de la nuit au travers des vents et de la pluye qui devoient beaucoup fatiguer ses troupes, et les mettre hors d’œuvre quand il faudroit combattre ; qu’il valoit mieux attendre au lendemain, que de s’engager si precipitammant dans l’execution d’un dessein qui, mal entendu et mal entrepris, pouroit traîner après soy de fâcheuses suites. Il ne se paya point de touttes ces raisons dans lesquelles il ne voulut point entrer, jurant qu’il ne descendroit point de cheval jusqu’à ce qu’il eût trouvé les Anglois, ausquels il mouroit d’envie de donner bataille ; et que ceux qui ne le suivroient pas seroient reputez pour traîtres et pour infemes auprés de Sa Majesté, qui leur feroit sentir toutte son indignation. Il n’eut pas plûtôt fait ce serment, qu’il se mit en devoir de partir sur l’heure, n’ayant d’abord que cinq cens hommes d’armes à sa suite. Il faisoit si noir et si sombre, qu’on ne pouvoit pas voir cinq pieds devant soy, ny sçavoir quelle route il falloit prendre pour se bien conduire ; et d’ailleurs une grosse pluye, secondée d’un vent froid et piquant, les mettoit tous dans un desordre étrange. Jean de Beaumont prit la liberté de representer à Bertrand qu’il falloit au moins sonner la trompette pour s’assembler, et prendre des flambeaux pour s’éclairer au milieu des tenebres ; mais Guesclin ne goûtant point cet expédient, insista que c’étoit donner aux Anglois des nouvelles du mouvement qu’ils alloient faire, et que le bruit des trompettes et la clarté des flambeaux alloient tout révéler à leurs ennemis, que quelque espion ne manqueroit pas d’informer de tout.

Chacun le suivit donc au travers de l’orage et de la nuit, du mieux qu’il luy fut possible. Les uns tomboient dans des fossez, d’autres s’imaginans aller leur droit chemin, marchoient à travers champs, et leurs chevaux heurtoient souvent les uns contre les autres, en se rencontrant. Le maréchal d’Andreghem vit avec peine partir Bertrand Du Guesclin sans le suivre, et, pour exhorter les autres à l’imiter, il témoigna qu’on ne devoit pas abandonner un general que le ciel leur avoit donné pour retablir les fleurs de lys dans leur premier lustre, et qui n’avoit point son semblable dans toutte l’Europe. Ces paroles furent prononcées avec tant de force et de poids, que chacun se mit aussitôt en devoir de partir. Le maréchal commença le premier à faire un mouvement à la tête de cinq cens hommes d’armes. Le comte du Perche, le maréchal de Blainville, Olivier de Clisson qui fut depuis connétable de France, le vicomte de Rohan, Jean de Vienne, le sire de Rolans depuis amiral, les seigneurs de la Hunaudaye, de Rochefort et de Tournemines, se mirent aussi tous en marche pour seconder Bertrand dans la dangereuse expedition qu’il alloit entreprendre. Mais comme la grande obscurité ne leur permettoit pas de se reconnoitre, ils sortoient de leurs rangs sans s’en appercevoir, et se rencontroient de buissons en buissons, se choquans sans y penser et faisans mille imprecations, et contre la nuit et contre celuy qui leur faisoit faire ce desagreable manège. Il y eut beaucoup de chevaux crevez dans cet embarras, et Bertrand en perdit deux des meilleurs de son écurie dans cette seule nuit. Chacun[2] luy reprochoit le mal qu’il souffroit, et la perte qu’il faisoit de ses gens qui s’égaroient dans toute cette confusion tumultueuse. Il tâcha de consoler tout le monde en disant que les Anglois avoient assez d’or et d’argent pour les dédommager, et qu’après qu’on les auroit battus, on trouveroit dans leurs dépoüilles dequoy se recompenser au centuple de tout ce qu’on auroit perdu dans l’effort qu’on faisoit pour les surprendre.

Il avoit dans ses troupes toute la belle jeunesse de Normandie, de la Bretagne, du Mans et du Poitou, qui ne demandoient qu’à joüer des mains avec les Anglois, et Bertrand les entretenoit toûjours dans cette noble chaleur de combattre ; et tandis qu’il les animoit tous à bien faire, les tenebres se dissiperent, les vents se calmerent, les pluyes cesserent, et le jour parut, qui leur fit connoître qu’ils n’étoient pas loin de Ponvallain. Tous les soldats étoient trempez comme s’ils fussent sortis du bain. Bertrand, pour se delasser avec eux, et les faire un peu respirer, fit faire alte au milieu d’un pré, pour reconnoître tout son monde, et le rassembler. Il ne trouva pas plus de cinq cens hommes qui l’avoient suivy : mais jettant les yeux plus loin, il apperçut sur une chaussée beaucoup d’autres troupes qui filoient et le venoient joindre. Cette découverte releva ses esperances, et l’engagea d’exhorter ses gens à reprendre cœur en leur representant qu’ils alloient tomber sur les Anglois, qui seroient surpris, et ne s’attendoient pas à cette irruption ; qu’il ne s’agissoit seulement que de faire un peu bonne contenance pour vaincre des ennemis, que leur seule présence alloit intimider ; que Dieu qui de tout temps avoit été le protecteur des lys, leur inspireroit le courage et les forces dont ils auroient besoin pour triompher de ces étrangers ; qu’ils ne seroient pas les seuls à les attaquer, puis qu’il voyoit déjà paroître Olivier de Clisson, le vicomte de Rohan, le seigneur de Rochefort, Jean de Vienne et le sire de Trye qui vendent avec le maréchal de Blainville, pour les renforcer. Ils étoient tous si mouillez et si fatiguez, et leurs chevaux si recrus et si las, qu’à peine se pouvoient-t’ils soutenir.

Après avoir pris un peu de repos, et s’être sechez au soleil, ils mangerent et burent pour avoir plus de force à combattre, et montans sur leurs chevaux qu’ils avoient aussi fait repaître, ils se dirent adieu l’un à l’autre, frappans leurs poitrines dans le souvenir de leurs déreglemens passez, et recommandans le soin de leurs ames à leur créateur, qu’ils esperoient devoir benir la justice de leurs armes. À peine eurent-fils fait une lieüe, qu’ils virent tout à plain les Anglois dispersez ça et là par les champs, sans tenir aucun ordre ny discipline, et ne songeans point à la visite qu’on leur alloit rendre. Bertrand fit remarquer ce desordre à ses troupes, et les encouragea de son mieux à leur aller tomber sur le corps, tandis qu’ils étoient ainsi separez et sans se tenir sur leurs gardes, leur promettant tout l’or, tout l’argent, tous les chevaux et touttes les richesses qu’ils trouveroient dans l’armée des Anglois, sans vouloir aucunement partager avec eux le butin qu’ils y pourroient faire. Il remarqua qu’ils étoient bien deux mille sur les champs qui vivoient avec beaucoup de relachement, et ne se défioient de rien ; que leurs generaux et leurs capitaines étoient logez dans des villages, attendans toûjours quelle nouvelle le trompette de Thomas de Granson leur devoit apporter. D’ailleurs Hugues de Caurelay et Cressonval qui dévoient amener un fort grand renfort n’étoient point encore arrivez ; il ny avoit que Thomas de Granson, leur general, qui se reposant sur le retour de son trompette, demeuroit dans son camp, se divertissant sous sa tente avec une fort grande securité. Bertrand voyant que le coup étoit sûr de les attaquer, il s’approcha d’eux avec tant de précaution, qu’il ne se contenta pas de faire cacher sa bannière et de ne point déployer ses enseignes ; mais il voulut que ses gens cachassent leur cuirasses sous leur habits, et que les trompettes se tussent, afin de surprendre ses ennemis avec plus de succés.

Il leur commanda de mettre pied à terre, aussitôt qu’ils se trouveroient à un demy trait d’arbalète prés des Anglois. Cet ordre fut executé avec tant de secret, que ces derniers ne s’en apperçurent que quand il fallut en venir aux mains avec les François, qui crièrent tout d’un coup Montjoye Saint Denis ! en montrans leurs cuirasses et leurs étendards où les lys étoient arborez, et faisans retentir toutte la campagne du bruit de leurs trompettes. Ils chargerent les Anglois avec tant de furie, qu’ils en abbattoient autant qu’ils en frappoient, et les autres prenans la fuite, jettoient l’épouvente dans toutte leur armée, se plaignans qu’ils étoient trahis. Thomas de Granson, tout consterné de cette camisade qu’on venoit de donner à ses troupes, s’en prit à son trompette, dont il croyoit avoir été mal servy, se persuadant qu’étant de concert avec Bertrand, il n’étoit pas revenu tout exprés, pour luy donner le loisir de faire cette entreprise pendant qu’on attendroit son retour. Il tâcha dans une si grande déroute de r’allier ses gens et de les assembler autour de son drapeau, faisant sonner ses trompettes pour les avertir de se rendre tous à son étendard. Il s’en attroupa prés de mille qui coururent à son enseigne ; mais Bertrand poursuivant toûjours sa pointe avec ses plus braves, se fît jour au travers des Anglois, renversa par terre touttes leurs tentes et leurs logemens. L’execution fut si grande, qu’il en coucha plus de cinq cens sur le pré, de ce premier coup. La bravoure de ce general étonna si fort les Anglois, que se regardans l’un l’autre, ils se disoient reciproquement, que jamais ils n’avoient veu dans la guerre un si redoutable homme, ny qui sçût mieux s’aquiter du devoir de soldat et de capitaine, et qu’on ne pouvoit pas comprendre comment avec une poignée de gens, il faisoit un si grand fracas dans une armée bien plus nombreuse et plus forte que la sienne.

Thomas de Granson voulut avoir recours à un stratageme, en ordonnant à Geoffroy Oursclay d’envelopper Bertrand avec huit cens hommes d’armes, et de l’attaquer par derriere dans la plus grande chaleur du combat et de la mêlée. Ce capitaine se déroba de la bataille avec un pareil nombre de gens, et s’alla poster derrière une montagne pour venir charger Guesclin à dos, quand il en trouveroit l’occasion favorable, se tenant là caché tout exprés pour étudier à loisir le temps et le moment propre pour l’accabler par une irruption subite et impreveüe. Bertrand faisoit toûjours un merveilleux progrés contre les Anglois qui s’éclaircissoient et fuyoient devant luy comme des moutons, quand, voulant achever la victoire qui se declaroit en sa faveur, il apperçut l’étendard de Thomas de Granson. Ce nouvel objet luy fit à l’instant commander à ses gens de passer sur le ventre à tout ce qu’ils rencontreroient pour aller arracher cette enseigne des mains de celuy qui la portoit, les assurant qu’aussitôt qu’elle seroit gagnée, la journée seroit entièrement couronnée. Les François partirent à l’instant de la main pour se faire jour au travers des Anglois qui se defendoient et faisoient les derniers efforts pour les arréter.

Pendant tout ce fracas de part et d’autre, Thomas de Granson s’avisa de détacher un cavalier pour aller à toutte jambe à Ponvallain, donner avis à David Hollegrave de venir incessamment à son secours avec les cinq cens hommes qu’il commandoit. Celuy-cy, par son arrivée, rétablit un peu le combat et donna quelque exercice à Bertrand, qui fut obligé de renouveller ses premiers efforts pour se soutenir contre un renfort si inopiné. Cependant, comme si la présence de ce peril eût redoublé l’ardeur de son courage, il se lançoit au milieu des Anglois, écumant comme un sanglier, frappoit d’estoc et de taille sur eux, les abbattoit et les renversoit perçant les uns au défaut de la cuirasse, et soulevant le juste au corps des autres, afin que son épee trouvât moins d’obstacle à les tüer, ne voulant faire quartier à pas un ny prendre personne à rançon. Le comte de Saint Paul, et son fils se signalerent dans cette chaude occasion ; le sire de Raineval, Galeran et Roulequin, ses fils, Oudard de Renty, Enguerrand d’Eudin, Alain et Jean de Beaumont, les deux Mauny, et les autres braves François y payerent tout à fait bien de leurs personnes, Thomas de Granson de son côté faisoit de son mieux pour encourager ses Anglois à ne pas reculer, leur promettant que pour peu qu’ils tinssent encore bon, la victoire leur seroit immanquable, parce que Geoffroy Ourselay s’en alloit sortir de son embuscade avec huit cens hommes pour envelopper Bertrand, et le charger à dos, et que si ce capitaine tomboit dans ses mains, comme il l’esperoit, il se feroit un merite de le presenter au roy Edoüard, son maître, qui recevroit avec plaisir un si redoutable prisonnier, qu’il ne rendroit pas pour tout l’or de la France.

Ourselay pensoit faire son coup, et prenoit déjà son tour avec ses gens, à la faveur d’un bois qui l’épauloit et le couvroit ; mais il fut bien surpris quand il se vit coupé par quatorze cens combattans qui luy tomberent sur le corps, et que menoit contr’eux Olivier de Clisson secondé des deux maréchaux d’Andreghem, et de Blainville et de Jean de Vienne. Comme la partie n’étoit pas égale, les Anglois voyans qu’ils alloient être accablez par la multitude, commencèrent à plier. Les François profitans de leur crainte en tüerent grand nombre, et le carnage ne cessa que par la prise d’Ourselay. Clisson luy demanda ce qu’étoit devenu Bertrand, et s’il en sçavoit des nouvelles. Il luy répondit qu’il étoit aux prises avec les Anglois, sur lesquels il avoit déjà remporté de fort grands avantages, et que comme il l’alloit envelopper avec ses huit cens hommes, il en avoit été par eux empêché sur le point qu’il l’alloit charger par derrière ; qu’il ne sçavoit pas au vray s’il étoit mort ou vif depuis que l’on avoit commencé la mêlée. Clisson témoigna qu’il seroit au desespoir, et n’auroit jamais de joye dans sa vie s’il mesarrivoit de Bertrand, et le maréchal d’Andreghem qui ny prenoit pas moins de part que luy, remontra qu’il ny avoit point de temps à perdre, et qu’il falloit incessamment marcher à son secours. En effet, ils ne pouvoient pas le luy donner plus à propos ; car quand ils arriverent à l’endroit où les deux armées étoient encore aux mains, ils trouverent Bertrand fort engagé dans le combat et fort pressé par Thomas de Granson qui, tout fier du renfort qu’il venoit de recevoir de David Hollegrave, et se prévalant du plus grand nombre, comptoit déjà que Guesclin ne lui pouroit jamais échapper. Mais son attente fut bien vaine, car ces quatorze cens combattans commandez par Clisson, vinrent tout à coup se jetter au travers des Anglois avec autant de furie que des loups affamez qui s’élancent dans un bercail pour en faire leur proye. Clisson fit voir en ce rencontre, que ce n’étoit pas sans raison qu’on l’appelloit le boucher de Clisson, car il charpentoit à droit et à gauche tout ce qui se rencontroit sous la force et la pesanteur de son bras. Le carnage fut si grand que David Hollegrave aima mieux se rendre que de se faire tuer. Thomas de Granson voyant touttes ses troupes en desordre et à demy battues, r’allia tout ce qu’il avoit de meilleur pour faire encore bonne contenance, et disputer à ses ennemis le terrain pied à pied. Il avoit encore bien douze cens Anglois dont il se promettoit un assez grand effet, mais il y avoit déjà si longtemps qu’ils étoient aux mains avec Bertrand et ses François, que tous dégouttans de sueur et du sang qui couloit de leurs blessures, ils ne pouvoient presque plus rendre de combat. Clisson, Andreghem et Vienne, voulans achever la journée, crioient pour encourager leurs gens Notre Dame Guesclin ! et l’affaire étoit déjà si fort avancée, que de tous les Anglois il n’en seroit pas échappé seulement un seul, quand Thomelin Folisset, Hennequin, Acquêt et Gilbert Guiffart survinrent avec quelque renfort pour soutenir pendant quelque temps le choc des François. Mais il leur fallut enfin ceder à leurs efforts et à leur valeur, d’autant plus que le comte du Perche, le vicomte de Rohan, les seigneurs de Rochefort et de la Hunaudaye arriverent fort à propos avec des gens tous frais, qui firent une si grande execution, que Granson voyant toutte la campagne jonchée de ses morts, et les François mener battant le reste de ses Anglois qui n’avoit pas encore perdu la vie, tomba dans un si grand desespoir, qu’aimant mieux mourir que de survivre à sa honte et à sa défaite, il prit une hache à deux mains, dont le tranchant étoit d’acier, et la levant bien haut il l’alloit décharger sur la tête de Guesclin, si celuycy, se coulant sous le coup, ne l’eût fait porter à faux, en saisissant Granson par le corps et le colletant avec tant de force, que non seulement il le jetta sous luy, mais luy arracha la hache qu’il tenoit, dont il le pouvoit aisément assommer ; il aima mieux genereusement luy donner la vie, pourveu qu’il se rendît à l’instant à luy. Granson ne balança point à le faire, et cela le mit à couvert d’un autre coup que luy alloit décharger Olivier de Clisson, si Bertrand ne l’eût paré en luy retenant le bras et luy disant que Granson étoit son prisonnier.

Il ne restoit plus qu’à se saisir de Thomelin Folisset, qui se moquoit de tous ceux qui se mettoient en devoir de le prendre, en se défendant avec un bâton à deux bouts, dont il se couvroit tout le corps. Personne n’en approchoit impunément ; il y en eut même qui, pour avoir voulu trop risquer, y laisserent la vie. Régnier de Susanville[3] fut un de ceux là. La mort de ce chevalier, que Clisson consideroit beaucoup, alluma si fort sa colere, que se jettant sur ce Thomelin, il luy fendit en deux, avec sa hache, son bâton à deux bouts. Celuy-cy, se voyant desarmé d’un instrument dont il se sçavoit si bien servir, mit aussitôt l’épée à la main pour en percer Olivier de Clisson ; mais le coup qu’il porta ne fit aucun effet, parce qu’il étoit si bien armé dessous ses habits, que l’épée trouvant une forte resistance se cassa en deux. Ce malheur obligea Thomelin de se jetter aux genoux de Clisson, pour luy demander la vie, le priant de le vouloir prendre pour son prisonnier, Hennequin, Acquêt, Gilbert Guiffart et plusieurs autres, voyans que tout étoit perdu sans aucune ressource, prirent le party de se rendre. Le butin fut grand pour les François : il n’y eut pas jusqu’au moindre palfrenier et goujat qui n’eut son prisonnier, et dont il ne tirât une bonne rançon. Le debris de cette déroute des Anglois s’alla jetter dans les places voisines. Les uns allèrent se réfugier dans la ville de Baux, d’autres cherchèrent leur asyle dans celle de Bressiere, d’autres dans celle de Saint Maur sur Loire, où Cressonval étoit encore, assemblant le plus de gens qu’il pouvoit pour en renforcer l’armée angloise, dont il ne sçavoit pas la défaite. Guesclin voulut les y suivre et les aller dénicher de ses forts en les y assiegeant sans perdre temps.


  1. « Et tenez, (dit le Héraut), vecy la lettre que Thomas de Grançon vous envoyé. » Laquelle Bertran bailla à lire à un sien secretaire, à l’audience des barons, qui la estoient. Et contenoit ladite lettre tout ce que icellui herault avoit devisié. El quant Bertran l’entendi, si jura à Dieu, à basse voix serie, que jamais ne mangeroit, excepté celle nuytée, jucques à tant qu’il aroit veu les Euglois et leurs gens. (Ménard, p. 410.)
  2. Mais ceulx especialment, qui avec Bertran chevauchoient, eurent du mal à foison. Car il chevaucha si fort, que il estancha soubz lui deux bons chevaulx. Dont il fu assez blasmé de ses hommes, qui lui disoient : « Haa ! sire, nous perdons tous noz chevaulx, ne jamaiz ne nous en aiderons à nostre besoing, et aussi avons assez perdu de noz gens, qui se sont esgarez pour l’orage du temps, qui ne pouvoient esploictier. Seigneurs, dist Bertran, je vous en respondray. Il sera tantost jour, que nous verrons entour nous. Se nous trouvons les Engloiz, nous nous bouterons dedens, et seront tantost desconfiz. Car nous les surprendrons. Et se nous n’avons nul cheval, nous en conquesterons assez, ou jamais n’en aurons besoing nul jour. » (Ménard, p. 414.)
  3. Du Chastelet (p. 195) le nomme Cressonnailles.