Amours et Haines (1869)/Vertige
VERTIGE.
Ô triple ivresse
Du vin, de l’amour et de la jeunesse !
Je sens
Mes sens
Flamber à vos flammes,
Et je crois
Qu’en mon sein puissant palpitent trois âmes
À la fois !…
Oh ! qui dira ce que je rêve,
Et les désirs monstrueux
Qui sans trêve,
Comme des flots tumultueux,
S’agitent en démence,
Terribles à la fois et plus doux que le miel,
Dans mon âme immense
Comme le ciel ?
Ô portiques
Antiques,
Que le ciel bleu
Découpe !
Coupe
D’un vin de feu
Pleine !
Haleine
Ardente, brûlant
L’épaule charnue,
Frémissante et nue,
Et s’exhalant
Avec les blasphèmes,
Avec les serments
Et les hurlements
Des ivrognes béats et blêmes !
Festins, Priapées,
Épopées !
Musique lointaine, aux airs caressants,
Qui semble au convive
Une main lascive !
Baisers retentissants !
Et, sur les roses de sa couche,
Les cheveux d’or
Qu’à pleine bouche
On mord !
Ô voluptés aux bouches torses !
Torses
Plus blancs que le lis !
Lumière qui rayonne et glisse
De l’urne lisse
Aux seins polis !
Ô fleurs ! baisers ! chansons ! lumière !
Arrière !
Que me veux-tu ?
Reste, et cache dans tes bouges
Tes bas noirs et tes mains rouges,
Vertu !