Amélioration et développement de l’éducation physique/V

Imp. de la Société suisse de Publicité (p. 30-35).

v. Inspection et encouragement.




Le principe de l’inspection en une matière comme celle que nous traitons est à la fois indispensable et inquiétant. Une telle inspection doit demeurer absolument indépendante et être, en même temps, assurée d’une compétence active que seuls des praticiens possèdent. D’autre part, en ce qui concerne notre pays et considérant les charges énormes qui pèsent sur le budget de l’Instruction publique, il y a lieu d’éviter toute création d’une catégorie nouvelle de fonctionnaires, création qui est précisément désirée par certains groupements professionnels, d’ailleurs peu qualifiés et contre les ambitions desquels on ne saurait trop se garder.


Les Comités académiques d’Éducation physique.

C’est à ces comités, déjà formés pour la plupart, que nous proposons de confier l’inspection.

Les Comités académiques doivent avoir pour clef de voûte le Rectorat. C’est le recteur qui les préside directement ou par délégation et doit les former librement. Il parait opportun qu’ils ne comptent pas trop de membres et surtout qu’on ne les soumette pas à une réglementation uniforme et minutieuse. Chaque Académie présente au point de vue de l’esprit provincial, telles mœurs traditionnelles, telles particularités géographiques et autres dont il est bon que le Comité ait à tenir compte dans une certaine mesure.

En plus des membres de l’université appelés par le recteur à en faire partie, celui-ci s’adressera tout naturellement non pas à tous les présidents des sociétés, ce qui créerait une sorte de mécanisme fédéral peu apte à la mission incombant au Comité, mais les personnalités que leur compétence, leur activité, leur dévouement à la cause des exercices physiques, aussi bien que leur situation en dehors des querelles de parti et des dissensions locales désigneront plus particulièrement à son choix.

Le Comité pourra s’il le juge utile, créer des sous-comités ou avoir des délégués dans les chefs-lieux et les principales sous-préfectures des départements du ressort académique, mais il importe que toute cette organisation n’échappe point à son rôle et ne substitue en aucune manière son action à celles des fédérations ou comités fédéraux qui régissent la région au point de vue technique.

Il importe de bien comprendre que le rôle exclusif du Comité est de surveiller et d’encourager l’éducation physique universitaire et que ses membres n’ont pas à prendre l’initiative de créer par exemple des concours ou d’organiser des réunions. S’ils jugent que dans une circonstance donnée une telle organisation est utile, ils s’adresseront aux fédérations qualifiées, mais je crois que les Comités académiques auront tout avantage à s’abstenir complètement de pareilles initiatives qui ne pourraient que diminuer l’importance de leur rôle d’inspection.

Cette inspection réunira précisément les qualités précitées ; elle sera indépendante et compétente. Elle sera de plus inattendue, de fonctionnement rapide et peu coûteux. Les rapports auxquels elle donnera lieu n’iront pas surtout s’enfermer dans le grand dortoir central, où on doit reconnaitre que le ministre et ses collaborateurs ont autre chose à faire que d’aller les éveiller. Les progrès de l’éducation physique universitaire dépendent des rouages académiques décentralisateurs qui seuls lui communiqueront la vitalité.


La fiche individuelle.

L’usage des fiches — et des courbes qui les résument — s’est beaucoup répandu de nos jours. Dans l’application de sa méthode, le lieutenant de vaisseau Hébert a, pourrait-on dire, révolutionné l’art des fiches en y introduisant le 0°, le point de dégel musculaire au-dessous duquel il vous estime propre à… pas grand’chose. Sa fiche est divisée en performances : nulles ou insuffisantes côtées de — 5 à — 1 ; moyennes (+ 1 et + 2) ; supérieures (+ 3 et + 4) ; exceptionnelles (de + 5 à + 10) ; enfin voisines des limites de la puissance humaine (+ 11 à + 15) ; au-delà il n’y a plus que les records officiellement contrôlés.

Les épreuves sont les suivantes : course à pied de 100, 500 et 1500 mètres, sauts en hauteur et en longueur avec et sans élan, grimper à la corde lisse, lever de poids, lancer de poids, natation sur 100 mètres et plongée en durée : soit douze épreuves. Supposons qu’on obtienne six fois — 2, deux fois — 3 et quatre fois + 1 ; le total se chiffrera par — 18 + 4 = — 14. Que l’examiné s’entraîne sur ses points faibles et à l’examen suivant s’il a seulement gagné un point par épreuve, il réalisera au total — 10 + 8 = — 2. Le voilà proche du 0° avec l’espoir de le dépasser bientôt.

Il y a là un bel instrument d’émulation. La fiche du Lieutenant Hébert est discutable au point de vue des chiffres adoptés ; elle est à coup sûr incomplète au point de vue du choix des épreuves parce que l’athlète qu’elle évoque n’est pas « complet » et que des épreuves vraiment fondamentales n’y figurent pas mais, techniquement, il serait difficile de la compléter, bien des sports ne pouvant se chiffrer. En attendant, les services qu’elle peut rendre telle quelle, militent en faveur de son adoption.

On dira qu’elle vise les adultes et ne doit donc pas être proposée aux adolescents. C’est en cela précisément que consiste sa plus grande valeur. Car l’émulation dont elle est productive va en quelque sorte se renouvelant. Les jeunes garçons non admis à subir les épreuves qu’elle comporte la regarderont de loin avec une respectueuse envie et se prépareront à l’affronter le jour venu. Quant aux adolescents, condamnés d’abord à l’au-dessous de 0°, ils se trouveront bientôt, en état de franchir cette borne fatidique et d’aspirer à progresser au delà. Pour ces motifs, nous souhaitons que la fiche soit adoptée comme criterium dans les établissements scolaires pour les élèves ayant passé 14 ans et qu’elle donne lieu à un examen semestriel dont les résultats seront communiqués aux parents. Toutefois pour le lever et le lancer du poids, il faudrait se servir d’engins plus en rapport avec les forces des concurrents et des mesures spéciales devraient être prises en vue des épreuves de natation dans les localités dépourvues de piscines ou de rivières utilisables.


La Caisse nationale de l’Éducation physique.

Si la fiche représente pour les élèves le meilleur incitant individuel dans la voie du perfectionnement corporel, il convient de songer aussi à ceux qui les forment et les entraînent. Ils ont également besoin d’encouragements : professeurs dont le zèle et le succès appellent une récompense, sociétés dont le concours désintéressé réclame un témoignage de gratitude. Des médailles et des diplômes, c’est bien. Des gratifications en argent, ce sera mieux, du moins dans la majorité des cas.

Pour répondre à cette obligation et pour assurer en même temps les subventions nécessaires à certains établissements se trouvant dans des conditions défavorables et ayant besoin d’être aidés, il conviendrait de créer une Caisse nationale de l’Éducation physique, garantie et contrôlée par l’État.

Cette caisse serait alimentée : en premier lieu par une contribution annuelle de l’État inscrite au budget ; en second lieu par les dons et legs sollicités des autorités et des particuliers pour une cause intéressant si directement la grandeur nationale — enfin par un tant pour cent prélevé sur les recettes de tous les spectacles et concours sportifs payants.

Il y a beaucoup à dire contre les réunions de ce genre qui vont se multipliant et n’exercent évidemment pas une influence très moralisante sur les milieux sportifs tout en aidant de façon indéniable à la diffusion du goût et de la pratique des exercices physiques. Au lieu de demander aux organisateurs d’un match de football ou d’un championnat de boxe un « droit des pauvres » qui n’est pas tout à fait à sa place dans des réunions de ce genre, on leur demanderait un « droit de l’éducation physique » contre la légitimité duquel personne assurément ne saurait formuler de critique.

La Caisse de l’Éducation physique posséderait de la sorte chaque année des ressources dont la répartition serait opérée par décision ministérielle d’après les propositions formulées par les Comités académiques d’Éducation physique et transmis par les recteurs, présidents de ces comités. Ce point est essentiel, car ce n’est pas de Paris que l’on peut juger et approuver la façon dont il convient de bien employer des crédits destinés à être répartis par petites sommes d’un bout à l’autre du pays.