(p. 20-24).
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AVRIL




Les épingles des houx cinglants et fous
crèvent le doux manteau du vent.

Le vent, il est tissé de laine
et le houx vert darde la haine
comme un casque parmi la plaine.

Le vent, il est de gaieté fière,
il court, avec des sonnettes de clarté,
ventre à terre, sur la rivière.

Le houx, il est la rage de la terre.

Les mains du vent dans les cheveux des herbes
se parfument d’odeurs acerbes,
le front du vent paraît
comme une aube dans la forêt.



Le houx, il est de fer
tenacement comme l’hiver.

Avec ses dards, avec ses pointes,
il sépare les clartés jointes
du jour éclos avec douceur ;
il est comme un blasphème
de sécheresse et de fureur
qui se crispe contre lui-même.

Le vent jeune, c’est le printemps,
avec ses baisers d’or aux lèvres de la terre ;
le vent lisse, le vent sincère,
c’est le printemps.

Le houx, il est l’audace
du froid stérile et de la glace.

Le vent babille
dans le lacis d’un chant d’oiseau
que soie à soie il enrubanne,
ainsi que des lianes,

aux torsades des bois et des rameaux ;
le vent léger, le vent, il brille !
le vent s’ébroue
sur les gazons luisants
où les pommiers, ainsi que des paons blancs,
nacre et soleil, lui font la roue.

Le houx, taciturne et jaloux,
dans les vallons, sur les sablons,
ciselle et pointe de la colère
foliolaire.

Le vent roule en boule, le vent joufflu,
comme un gamin sur les talus ;
le vent donne l’essor
aux papillons pliés en billets d’or ;
le vent s’attarde en des voyages
et joue avec les copeaux blancs
et les ourlets étincelants,
là-haut, des grands nuages.



Le houx se plisse en rides,
crispe ses ongles vers le vide
et semble un obstiné tourment
qui se tairait, sauvagement.

Le vent, toute la joie et toute la folie
qui tinteront dans les prochains lilas,
il les appelle et les rallie
et les essaime au canevas
des champs et des enclos rectangulaires.
Le luxe frais des bijoux d’eau,
il en orne des fleurs perlaires
sur les berges où le troupeau
verse en cascades ses toisons ;
il court autour des toits et des maisons,
ouvre l’ampleur des espaliers
et jusqu’au ciel construit les escaliers
par où descend la vie.
Il prend d’assaut la campagne asservie,
monte, descend, s’en va, revient,
éveillant tout, n’oubliant rien,

le houx lui-même est assailli,
en chaque feuille, en chaque pli,
et courbe enfin jusques à terre
sa rancune protestataire.

Et le printemps oriflamme de vent,
avec des insectes rouges et bleus
en aigrettes dans ses cheveux,
avec, sur le vol clair de ses ailes solaires,
le feu mouillé des diamants auréolaires,
entre vainqueur dans la lumière en fleur.