Almageste/Livre I/07

Almageste
Traduction par Nicolas Halma.
Librairie scientifique J. Hermann (1p. 107-110).

CHAPITRE  VII.

IL Y A DANS LE CIEL DEUX PREMIERS MOUVEMENS DIFFÉRENS.

Ces hypothèses qu’il nous suffira d’avoir exposées sommairement, étoient un préliminaire indispensable pour les détails où nous allons entrer, et nous serviront pour les conséquences que nous en tirerons. Elles seront d’ailleurs confirmées par leur accord avec les phénomènes qui seront démontrés dans la suite. Il faut pourtant encore poser en principe que le ciel a deux mouvemens différens, l’un par lequel tout est emporté d’orient en occident dans des cercles parallèles entr’eux, décrits semblablement et avec une vitesse égale autour des pôles de la sphère qui fait cette révolution uniformément. Le plus grand de ces cercles est celui qu’on appelle cercle équinoxial (équateur) ; parce qu’il est le seul qui soit coupé en deux moitiés par l’horizon qui est un autre grand cercle de la sphère, et parce qu’il rend sensiblement pour toute la terre le jour égal à la nuit, quand le soleil le parcourt. L’autre mouvement est celui en vertu duquel les sphères des astres font de certaines révolutions en un sens contraire la direction du premier mouvement, autour d’autres poles que ceux de cette première révolution. Nous supposons que cela s’exécute ainsi, parce que d’abord nous voyons chaque jour, tout ce qui est au ciel, sans exception se lever, parvenir au méridien et se coucher en suivant des routes sensiblement conformes et parallèles au cercle équinoxial ; en quoi consiste proprement le premier mouvement. On découvrit ensuite, en observant plus assidûment que, si les distances réciproques des étoiles et leurs autres circonstances, telles que l’identité de leurs lieux dans le premier orbe, ne varient jamais, il n’en est pas de même du soleil, de la lune et des planètes. Car nous voyons ces astres-ci faire des mouvemens divers et inégaux entr’eux mais tous contraires au mouvement du monde, et tous vers l’orient et vers celles d’entre les étoiles fixes qui arrivent plus tard au méridien, en gardant toujours lents mêmes distances réciproques, et tournant comme entraînées par la même sphère.

Si ce mouvement contraire des planètes se faisoit dans des cercles parallèles à l’équateur, c'est-à-dire autour des poles du premier mouvement, il suffiroit d’imaginer pour toutes un seul mouvement qui seroit une conséquence du premier. Il paraîtroit vraisemblable que la différence entre les révolutions des planètes et celle des étoiles vint d’un simple retard, d’un moindre degré de vitesse, et non pas d’un mouvement réellement contraire. Mais en même-temps qu’elles s’avancent vers l’orient, les planètes s’approchent aussi de l’un ou de l’autre pole, d’une quantité qui n’est pas la même en tout temps ni pour toutes, ensorte que ces variations paroîtroient être causées par autant d’impulsions particulières. Au reste, si cette marche paroît inégale quand on la rapporte à l’équateur et à ses poles, elle devient uniforme et régulière quand on la rapporte au cercle oblique qui par là, paroît être proprement le cercle commun des planètes. Dans la réalité pourtant, il n’est le cercle que du soleil qui le décrit par son mouvement annuel mais on peut dire qu’il est aussi celui de la lune et des autres planètes qui ne s’en écartent jamais ni au hasard ni sans règle, mais circulent dans des plans dont les inclinaisons sur le cercle oblique déterminent pour chacune d’une manière uniforme les écarts ou déclinaisons de part et d’autre (de l’équateur). Or ce cercle oblique étant un grand cercle de la sphère, comme cela se voit par les déclinaisons égales du soleil alternativement plus boréal et plus austral que l’équateur ; et les planètes faisant leurs révolutions le long de ce seul et même cercle, comme nous l’avons dit, il falloit nécessairement admettre ce second mouvement différent du mouvement général du monde, en ce qu’il se fait autour des pôles de ce cercle oblique et en sens contraire à ce premier mouvement.

Maintenant, si nous concevrons un grand cercle qui passe par les poles des deux premiers, c’est-à-dire par les pôles de l’équateur et du cercle incliné sur lui, il les coupera en deux également et à angles droits, ce qui marquera quatre points sur ce cercle oblique. Les deux points déterminés par l’équateur seront diamétralement opposés, et s’appelleront équinoxiaux : l’un qui est le passage du midi vers les ourses, s’appelle l’équinoxe du printemps ; le point opposé est l’équinoxe d’automne. Les deux points déterminés par le cercle qui passe par les pôles des deux autres, sont de même opposés diamétralement, et s’appellent tropiques. Celui qui est au midi de l’équateur, est le tropique d’hiver ; celui qui est vers les ourses, est le tropique d’été.

On concevra donc le seul et premier mouvement, celui qui embrasse tous les autres comme circonscrit et limité par le grand cercle (le colure des solstices), qui passe par les poles des deux cercles, emporté et emportant avec lui d’orient en occident dans ce mouvement autour des poles de l’équateur, tout le reste qui marche comme à la suite du cercle qu’on appelle méridien, lequel ne diffère du colure, qu’en ce que tout méridien ne passe pas par les poles du cercle oblique ; et on appelle ce cercle, méridien, parce qu’on le conçoit toujours perpendiculaire à l’horizon et que cette position partageant par moitié l’hémisphère supérieur et inférieur, contient les milieux des temps que durent les nychthémères, Le second mouvement, qui se compose de plusieurs autres est embrassé par le premier et embrasse les sphères de toutes les planètes ; il est emporté par le premier, comme nous avons dit, et en même temps il entraîne les planètes en sens contraire autour des poles du cercle oblique. Ces poles portés eux-mêmes sur le cercle qui opère la première révolution, c’est-à-dire sur le cercle (colure) qui passe par les poles de l’oblique et de l’équateur, tournent avec lui, comme cela doit être et, dans la seconde révolution qui se fait en sens contraire de la première, les poles du grands cercle oblique, selon lequel se fait cette révolution, conservent toujours la même position relativement à l’équateur.