Allumez vos lampes, s’il vous plaît !!!/28

Texte établi par Association de La Salle, Éditeurs Dussault & Proulx (p. 82-90).

UN PRÉCURSEUR EN PAYS INCONNU


Le cas du Révérend Père Adelard Dugré, par Jean Godefroy

— I —


« L’Action Française » du mois d’août 1919 publiait un article signé par le R. P. Adélard Dugré, et intitulé : « QUESTION DE PÉDAGOGIE. — « L’Enseignement du Français. » Plusieurs ont vu là l’origine des accusations gratuites et des insinuations malveillantes lancées, dans ces derniers temps, contre les Frères, les collèges commerciaux et les primaires en général.

En effet, la prose du R. Père, étant alors demeurée sans réponse, d’aucuns ont pu croire que les éducateurs de nos collèges commerciaux admettaient avoir « résolument sacrifié, par inconscience ou parti pris, une part considérable de la tradition française. » Nos Frères enseignants, qui dirigent le plus grand nombre de ces collèges auraient dû, il nous semble, protester contre cette gratuite accusation. Ils nous auraient probablement épargné le spectacle déplorable de soi-disant « purs patriotes, » accablant nos communautés de Frères et nos professeurs catholiques des inculpations les plus imméritées.

Semez les idées fausses parmi le peuple, et fatalement comme pour le mensonge il en restera quelque chose. En l’occurence, ce « quelque chose » paraît avoir pris corps dans les six articles de Mgr Ross, le Mémoire de « L’Action Française, » la bamboula de M. Asselin et les acquiescements de leurs approbateurs quand même.

La plupart des erreurs répandues à profusion dans cette littérature, ont été victorieusement réfutées par les diverses répliques de MM. A. Monet, M. P. P., J.-Ed. Mignault, J.-Hector Hamel, Art. Drolet, Pierre Mathieu et Joseph Breton.

Nous allons à notre tour, sur l’invitation de M. Henri Myrand, président de l’ « Association de La Salle » montrer ce que nous croyons être la genèse de la querelle d’Allemand que l’on fait à nos instituteurs primaires depuis quelque temps.

Ouvrons « L’Action Française » (1919) page 350. Le Rév. Père remarque d’abord qu’on veut améliorer. « C’est déjà signe,  » dit-il, qu’on avance. Mais pour aller droit au but qui est de faire de « purs » Canadiens français, il y a un obstacle à surmonter : « Un grand nombre d’éducateurs, surtout dans les collèges commerciaux, ont résolument sacrifié, par inconscience ou parti pris, une part considérable de la tradition française. »

« La question n’est pas de savoir si, de nos jours, il faut mieux savoir les mathématiques, l’anglais ou la tenue des livres »… « Les Français, un moment hésitants, reviennent avec une ferveur de convertis sur les erreurs qui les avaient d’abord égarés. »

Et le bon Père termine son plaidoyer « pro domo » en signalant de nouveau la faiblesse, pour le français, des jeunes gens des classes commerciales, et en adjurant les éducateurs de n’avoir plus « cet empressement maladif à spécialiser dans le commerce tous les enfants, même les fils de cultivateurs. »

On le voit, il ne manque guère que « la poussée bovine, » de M. Asselin pour que le thème soit au complet.


— II —


Analysons, maintenant, les plus gros « bouquets. »

« Le but devrait être de faire de nous les Canadiens français les plus accomplis qu’on puisse imaginer, mais pas autre chose que des Canadiens français »… (page 350)

Le type se précise quatre pages plus loin. « Nous serons des français du Canada… à deux mille lieues de la France et parmi cent millions d’Anglo-Saxons. Certains détails de notre caractère en seront fatalement altérés : nous perdrons d’un côté, nous gagnerons de l’autre. » (page 354).

Quels détails de notre caractère seront fatalement altérés, Père, si ce n’est « cette sorte d’horreur et de mépris quasi fanatique que l’on éprouvait autrefois pour l’idiome des vainqueurs ?[1] Et que gagnerons-nous, si ce n’est une meilleure connaissance du parler des cent millions qui nous entourent ? Du reste, lors même que nos « purs » réussiraient à immuniser tous les Canadiens français contre toute adoption des idées, des mœurs et du langage des cent millions, ce serait un malheur. « L’Histoire, » dit Mgr  Paquet, « a retenu cette parole d’un saint qui fut aussi un grand monarque (saint Étienne de Hongrie) « Faible est l’État qui n’a qu’une langue et des mœurs uniformes. »

Vouloir entraver l’élan des nôtres vers une meilleure connaissance de la langue anglaise ne serait ni sage ni patriotique. Comme l’a fait remarquer dernièrement M. J.-Ed. Mignault, ce serait s’opposer à un vœu du Premier Congrès de la Langue Française au Canada, en même temps qu’au désir formel du Pape. Les esprits clairvoyants comme Mgr Paquet, Paul-Emile Lamarche, l’Honorable Taschereau, Athanase David, Madeleine et une foule d’autres ont compris qu’il ne faut pas endiguer ce mouvement, mais s’en emparer et le diriger.

Le distingué député de Napierville remarque justement : « Je ne crois pas que la formation française d’un enfant de sept ans soit compromise par vingt minutes d’anglais tous les jours, si on se sert, pour cela, du procédé direct et oral, parce qu’alors on ne fait nullement appel au vocabulaire français de l’enfant, mais au jeu de ses facultés par l’intermédiaire des sens. »

« N’est-il pas étrange que ces données de bon sens soient déjà si méconnues (page 359)… à « L’Action française » ?


« La première qualité d’un enseignement rationnel, c’est de s’adapter, non pas aux systèmes à la mode, non pas aux ambitions des « papas, » mais au génie du peuple qu’il faut instruire. » (page 351.)

Et faudrait-il faire fi des ambitions des “ papas ” ? Le R. Père aurait-il voulu, par hasard, lancer « L’Action Française » dans un mouvement opposé au magistère des parents dans l’éducation de leurs enfants ?

En demandant à nos éducateurs d’enseigner l’anglais à leurs enfants, les “ papas ” sont très raisonnables, et personne n’a le droit de les en blâmer. Ils savent, par ailleurs, quel culte nos instituteurs primaires ont toujours voué à la belle langue française. Il n’y a qu’une certaine classe de soi-disant intellectuels pour s’imaginer, et pour affirmer ensuite sans autre preuve, que les précepteurs de nos enfants veulent reléguer la langue française au second rang, et M. J.-Hector Hamel a fait bonne justice de cette fable, dans « La Presse » du 9 octobre dernier.

« La question qui se pose, pour nous Canadiens français, est donc de savoir si nous devons nous attacher aux traditions de la pédagogie française, ou si nous devons en sacrifier quelque chose pour mieux nous adapter au milieu où nous vivons. Resterons-nous délibérément latins ou nous ferons-nous saxons parlant français ? (page 353). Bien sûr, Père, il faudra sacrifier quelque chose… Rien de désirable ne s’obtient sans sacrifice ici-bas : et vous résolvez vous-même la question en ce sens quand vous dites ce que nous citions tantôt : « Nous serons des français du Canada… à deux mille lieues de la France… nous perdrons d’un côté, nous gagnerons de l’autre »…

Il ne faut pas s’imaginer, par exemple, que, pour apaiser les clameurs de certains anglophobes, notre haute finance deviendra française sans coup férir. Quand nos trois millions de Canadiens français de l’Amérique du Nord, répondant au désir présumé de nos « zélés », feraient tous vœu, pour conserver leur caractère ethnique, de ne plus apprendre l’anglais, ou de le parler le plus mal possible, empêcheraient-ils par là les cent quinze autres millions de continuer à ne parler que l’anglais ? Et si nous voulons, dans cette immense communauté, prendre une place qui nous convienne, ne nous faut-il pas être bilingues ? Et donc, il faut que la très nombreuse génération de nos enfants qui ne fréquente nos écoles que jusqu’à quatorze ou quinze ans, soit, autant que faire se peut, en état de « se défendre » en anglais.

Ce résultat peut s’obtenir sans faire de nos enfants de « simples imitations d’anglais ou d’américains ; mais pour y réussir, il faut d’abord que les partisans de l’Action Française » cessent de mépriser nos meilleures écoles primaires en parlant continuellement des sujets inférieurs qui en sortent. Si nous voulons sincèrement le bien des nôtres, il nous faut encourager nos éducateurs et leur aider à parfaire leur œuvre déjà si ingrate, afin que nous ne soyons pas dans la nécessité d’envoyer nos enfants aux « business colleges » pour leur procurer la connaissance de l’anglais dont ils ont un indispensable besoin.

Supprimez l’anglais des basses classes de toutes nos écoles ; que les parents constatent qu’à treize ou à quatorze ans les enfants n’en savent pas assez, et vous aurez le beau résultat suivant : un grand nombre d’élèves canadiens-français aux écoles anglaises et souvent protestantes des États-Unis et d’ailleurs — la belle victoire pour la mentalité française de ces enfants, et quel gain pour la race !

— III —

« Resterons-nous délibérément latins », dit le R. Père Adélard Dugré, « ou nous ferons-nous saxons parlant français… Question d’une importance primordiale et diversement résolue jusqu’ici. »

Nous en sommes donc au point culminant de son article, et voici ce qu’il y fait éclater : « Un grand nombre d’éducateurs, surtout dans les collèges commerciaux, ont résolument sacrifié, par inconscience ou parti pris, une part considérable de la tradition française. Seuls, les tenants irréductibles de la vieille culture classique ont voulu faire de notre peuple, d’abord un peuple d’esprit français, un peuple de commerçants ensuite. On le leur reproche assez vertement. Qui a raison, qui a tort ? (page 353).

Ceux qui ont tort, mon R. Père, sont ceux qui oublient trop facilement ce précepte de la divine Sagesse : « Ne blâmez personne avant de vous être informés s’il est coupable, et alors seulement reprenez-le avec équité s’il y a lieu » (Ecel. XI. 7). Lisez les articles de M. J.-Ed. Mignault, de J.-Hector Kamel, celui de Madeleine, dans la Revue Moderne du 15 novembre, et si vous n’êtes point d’esprit opiniâtre, vous regretterez certainement cette accusation mal fondée, vous ferez bien. Et vous ferez encore mieux si vous présentez de loyales excuses à ceux que vous avez lésés. Peut-être votre édifiant exemple engagera-t-il votre collaborateur d’occasion à « L’Action Française, » M. le Chanoine D. Gosselin, à se renseigner avant d’accuser les instituteurs primaires de vouloir mettre la langue anglaise sur un pied d’égalité avec la langue française ? Que de pareilles inexactitudes — pour employer un euphémisme — aient été publiées avant les réponses de MM. Monet, Mignault et Hamel, cela pouvait peut-être se faire avec un certain degré de bonne foi ; mais aujourd’hui, de telles accusations ne peuvent que déshonorer ceux qui se les permettent.

« Nous nous devons à nous-mêmes, nous devons à nos ancêtres, nous devons à toute la race française d’être fiers de ce que nous sommes et de garder intact le fond de notre caractère ethnique »… (page 354.) Il ne faut pas oublier, non plus, que suivant un savant philosophe français[2] « les influences morales et sociales sont supérieures aux influences ethniques, » et que l’enseignement bilingue n’offre aucun danger sérieux quand il est donné par des patriotes éclairés, comme sont les professeurs de notre enseignement primaire.

« Nous n’aurons pas deux castes parmi nous, la caste des lettrés gardant l’esprit français et la caste des primaires à mentalité commerciale… L’effort du maître doit tendre à rendre l’élève capable de juger sainement, d’avoir un goût sûr, de critiquer avec discernement, d’admirer ce qui est admirable, de rire de ce qui est ridicule. Pour cela, le procédé qui a fait ses preuves, c’est d’étudier longuement, patiemment, passionnément, la langue dont nous nous servons pour exprimer nos pensées. »

C’est une belle découverte, ça, Père, elle fait penser à la « Femme Savante » de Molière disant :

« Nul n’aura de l’esprit hors nous et nos amis. »

Connaissez-vous, mon R. Père, les manuels dont se servent les Frères enseignants ? Avez-vous jamais lu, par exemple, les cinquièmes leçons des cours élémentaire, moyen et supérieur des « Leçons de Langue Française, » éditées par les Frères des Écoles Chrétiennes ? Tous leurs collèges commerciaux voient ces trois cours en entier. De plus, un « Cours Complémentaire » très en faveur dans plusieurs établissements d’enseignement secondaire, est à la disposition des élèves qui poursuivent leurs études au-delà de la septième année. Nous mentionnons ces ouvrages parce que nous les connaissons mieux. Les autres congrégations enseignantes et nos professeurs laïques sont sans doute pourvus d’aussi bons manuels, la culture générale donnée par ces éducateurs s’attache beaucoup plus à développer l’esprit français qu’à donner une mentalité commerciale. Tant vaut le maître, tant vaut l’école, et il y a moyen d’enseigner le commerce, même en anglais, sans matérialiser les esprits, sans désaffectionner de la belle langue française, et sans faire de nos enfants « des saxons parlant français ; » comme il y a moyen d’enseigner le latin et le grec sans faire des païens.

« La question n’est pas de savoir si, de nos jours, il faut mieux savoir les mathématiques, l’anglais ou la tenue des livres : la question qui domine, tout le débat c’est de savoir si cet enseignement est le plus apte à développer les qualités propres de notre race. Or, il ne l’est pas. Les Français, un moment hésitants, reviennent avec une ferveur de convertis sur les erreurs qui les avaient d’abord égarés. » (page 357).

Il est évident qu’une race éprise d’art et de poésie est plus à l’aise dans le spéculatif et dans les lettres que dans les sciences appliquées ; mais laisser entendre que les Français se détournent aujourd’hui de l’utilitarisme, c’est tout bonnement induire ses lecteurs en erreur. Tous les bibliophiles savent qu’avant la guerre il était difficile de trouver de bons manuels français de comptabilité, de commerce, de science financière, de méthodes en affaires, de méthodes de dactylographie, etc., tandis que maintenant les catalogues des librairies en annoncent de nouveaux tous les jours.

Dans un ouvrage récent, M. Victor Cambon, celui que les Français ont surnommé le maître-ouvrier de la reconstruction de l’édifice national, avertit ses compatriotes (La France au travail, page 7) que « nous marchons vers une époque où les puissances d’argent gouverneront les peuples, » et dans son livre « États-Unis-France » il leur montre les Yankees créant de toutes pièces des écoles professionnelles où l’enseignement technique est largement dispensé avec « cette précision et cette ingéniosité qui les caractérisent ». « En matière d’organisation commerciale, ajoute-t-il, les Américains du Nord ont été des précurseurs et des initiateurs. »

Mais les déclarations les plus précises et les plus instructives à ce sujet, sont celles de MM. Jules Lepain et Jacques Grandville, deux français très avertis, dans leur ouvrage « Les Méthodes Modernes en Affaires » (1919). Ils disent, page 20 :

À une époque glorieuse où l’ordre et la méthode étaient la règle de conduite à tous les degrés de la hiérarchie sociale, où le sens de l’organisation pénétrait et vivifiait tous les rouages des entreprises publiques ou privées, notre pays, maître des Indes, du Canada, de la Louisiane, des petites et des grandes Antilles, était devenu, sans conteste, « le centre commercial du monde. » C’était l’époque où nos marchands couraient les mers du globe pour inonder de nos produits nationaux, naturels ou manufacturés, les marchés exotiques les plus lointains, l’époque où, sous l’intelligente et méthodique administration d’un Colbert, nos industries les plus diverses prenaient un magnifique essor et assuraient les fournitures du monde civilisé. »

« Pourquoi avons-nous perdu depuis cette suprématie commerciale ? Pourquoi nous sommes-nous laissé distancer sur tous les marchés du monde par les Anglo-Saxons et en particulier par les Allemands ? C’est assurément, pour une large part, parce que depuis trop longtemps nous sommes mal gouvernés, mais aussi et surtout parce qu’avec nos merveilleuses ressources et nos solides qualités, il nous a manqué d’étudier et de réfléchir ; de nous rendre un compte exact de l’évolution économique qui se produisait autour de nous et qui faisait subir une transformation profonde aux manières de concevoir et de traiter les affaires. Avec notre nonchalance latine, nous avons fermé trop longtemps les yeux à cette évidence que les Américains ont été les premiers à percevoir nettement et à mettre à profit. »...

Les deux auteurs que nous venons de citer déplorent que leur pays ait perdu son prestige, et c’est dans le but d’aider leurs compatriotes à reconquérir les avantages économiques d’autrefois, qu’ils sont venus en Amérique chercher « le plan et les méthodes à la fois scientifiques et pratiques auprès desquelles les écoles de commerce françaises font piètre figure. » (page 14).

Oui, Père, « les Français, un moment hésitants, reviennent avec une ferveur de convertis sur les erreurs qui les avaient d’abord égarés..... loin des sciences utilitaires. »


« C’est limiter d’avance le développement intellectuel d’un enfant que de lui imposer, dès le début, l’étude simultanée de deux langues différentes. » (page 357.)

Qu’en savez-vous, Père ? Quels principes de philosophie pouvez-vous invoquer d’où découle cette extraordinaire prétention que l’enseignement d’une langue seconde à de jeunes esprits les abêtit ? Ne voit-on pas les fils de rois (et de grandes familles) entourés dès l’éveil de leur raison, et avant, des précepteurs de trois ou quatre langues différentes ? Et l’on ne s’est pas avisé de croire à l’abrutissement de leurs royales méninges !  !

Nous sommes de l’avis des professeurs laïques de Montréal qui ont dit : « Il n’est pas prouvé que l’étude de l’anglais nuise à celle du français. » C’est là une question de psychologie ; très complexe qui ne peut être tranchée « a priori. » Et malgré tout le respect que nous professons pour Mgr Ross, nous ne croyons pas que sa réponse, sur ce point, rehausse sa réputation de pédagogue. Voir, à ce propos, ce que disent M. Hector Hamel dans « Le Soleil » du 15 octobre 1920, M. J.-Ed. Mignault dans « La Patrie » du 13 et du 15 novembre.

« Les études finies, au moment de la spécialisation, quelques mois de pratique dans un milieu exclusivement anglais suffiront à vos enfants pour leur faire connaître suffisamment cet idiome. Ils ne passeront peut-être pas pour des Anglais d’origine » (bien sûr !) « mais ils sauront écrire la langue anglaise, ils la parleront avec facilité. C’est un fait que l’expérience a déjà suffisamment montré. » (page 359.)

Où a eu lieu cette démonstration, s’il vous plaît ? La trouvez-vous dans les paroles de l’honorable Athanase David ? de Madeleine ? ou de Paul-Émile Lamarche ? Ou, avec le R. P. Hudon la baserez-vous sur l’exemple de Laurier et de Henri Bourassa ? (cf. Action Cath. 9 déc. 1920.)

Si votre panacée de « quelques mois dans un milieu exclusivement « anglais » était efficace, elle est si simple, ou simpliste, que nous n’entendrions pas tant de récriminations sur le déficit de nos humanistes au point de vue de la langue anglaise. Demandez à ceux qui parlent et écrivent convenablement l’anglais ce qu’ils pensent de « vos données de bon sens » et vous nous en direz des nouvelles !…

« Sur cinq d’entre eux, (les jeunes gens des classes commerciales) vous en trouverez facilement trois ou quatre que l’anglais n’embarrassera pas longtemps, mais vous n’en trouverez pas deux qui pourraient convenablement correspondre avec des maisons de France. Les Français s’en plaignent assez. Même chez nos illustres avocats et chez nos honorables députés, même chez les protagonistes de l’enseignement moderne et chez nos représentants à l’étranger, combien ne se tirent d’embarras qu’à l’aide d’une secrétaire formée dans quelque pensionnat tenu par des religieuses » (page 360.)

Comme incohérence, c’est un beau modèle. Nos avocats, illustres ou non, nos honorables députés, nos représentants à l’étranger ont généralement reçu leur éducation des « tenants irréductibles de la vieille culture « classique. » et c’est pourquoi quelques-uns, conscients de ce qui leur manque, deviennent des protagonistes de l’enseignement moderne, afin que leurs enfants et leurs successeurs ne soient pas dans l’obligation d’avoir à se servir d’une ou d’un secrétaire formé dans l’enseignement primaire supérieur. La correspondance commerciale (française et anglaise) constitue un art et une science qui ne s’improvisent pas. « La correspondance commerciale, » dit M. Georges Mis (Le Style Commercial, page VIII) « dans les nombreuses affaires d’ordre spécial et particulier qui demandent du doigté, de la science professionnelle et de la psychologie, n’est en somme, qu’une réduction de tout ce travail de diplomatie avisée qu’est la plaidoirie de l’avocat ou le discours du tribun. » Et nous adoptons très volontiers, ici, la conclusion de l’article du Rév. Père : « Les enfants d’aujourd’hui sont comme ceux d’autrefois : ils apprennent lentement ; ils doivent répéter beaucoup : ils ne peuvent pas savoir à quinze ans ce que vous n’avez appris, vous, qu’à trente ou quarante ans. » (page 361.)

Vous parlez d’or, Père, quand vous êtes au point.

Jean Godefroy.

  1. L’abbé A Comtois, professeur de philosophie au Séminaire des Trois-Rivières, cité par le journal « La Croix » de Montréal, le 28 oct. 1905.
  2. A. Fouillée, cité par l’abbé F. Mourret dans « L’Église et le Monde Barbare » (p. 276)