Allumez vos lampes, s’il vous plaît !!!/18

Texte établi par Association de La Salle, Éditeurs Dussault & Proulx (p. 54-55).

« LA PATRIE », 10 novembre 1920.


Apprenez l’anglais ; apprenez-le bien ; apprenez-le jeunes.


Dans le discours qu’il a prononcé à l’Académie Commerciale de Québec, l’hon. L.-A. Taschereau a virtuellement pris parti dans la controverse qui s’est engagée récemment au sujet de l’enseignement de l’anglais dans nos écoles publiques :

Apprenez l’anglais, a conseillé le premier ministre aux écoliers ; apprenez-le tandis que vous êtes jeunes afin de l’apprendre bien… Je ne vois pas en quoi la connaissance de la langue de la majorité pourrait constituer une abdication des choses, grandes ou petites, qui forment notre patrimoine et nous donnent le caractère distinctif que nous tenons à conserver. Je ne vois pas comment l’étude de l’anglais à un âge où les organes sont assez plastiques pour acquérir une bonne prononciation peut empêcher la connaissance de la langue que nous avons apprise sur les genoux de nos mères, que nous parlons exclusivement dans nos foyers et dans laquelle nous formulons nos pensées et nos idées.

Est-ce exagérer la pensée du premier ministre que de déduire de ces paroles qu’il diffère d’opinion avec la majorité du Conseil de l’Instruction publique, lequel a décrété que l’enseignement de l’anglais dans les écoles primaires ne devra commencer qu’en troisième année ?

La nécessité pour notre jeunesse de posséder les deux langues s’impose avec une telle évidence que ceux même qui sont préjugés contre l’enseignement de l’anglais dans toutes nos écoles n’osent la contester ouvertement. Or, tous ceux qui ont une conception adéquate de cette nécessité savent que, pour que la connaissance de l’anglais serve comme elle doit dans le “struggle for life,” il faut acquérir une suffisante maîtrise de la langue pour pouvoir la parler comme la parlent nos compatriotes d’origine anglo-saxonne. M. Taschereau avait ainsi bien raison de rappeler aux écoliers de Québec que la bonne prononciation de l’anglais s’acquiert le mieux dans l’extrême jeunesse. L’idéal serait à la vérité de pouvoir faire apprendre les deux langues à nos enfants avant de les envoyer à l’école, résultat qui s’obtient très aisément partout où les tout jeunes enfants ont l’occasion d’entendre couramment parler les deux langues, soit au foyer familial, soit par les contacts quotidiens avec des camarades de jeu.

Différer cependant l’enseignement de l’anglais à l’école jusqu’à ce que les enfants aient jusqu’à un certain degré perfectionné leur connaissance de la langue maternelle, c’est rendre plus difficile la tâche d’acquérir la langue Seconde, parce que, à mesure que l’élève avance dans ses études, les autres matières du cours requerront de son temps et de son énergie.

Quant aux effets préjudiciables que pourrait, produire l’enseignement adéquat de l’anglais à nos enfants, lequel, devrait conserver le plus solide attachement à la langue française, de l’enfant qui possédant, aussi l’anglais, pourra chérir sa langue maternelle et sera aidé par l’autre dans la vie, ou de celui qui, ne connaissant que le français, découvrira que, dans les conditions qui existent en notre pays, le français ne suffit pas à lui obtenir la place qu’il convoite dans la communauté ?