Allumez vos lampes, s’il vous plaît !!!/01

Texte établi par Association de La Salle, Éditeurs Dussault & Proulx (p. 5-7).

RAISONS DE CETTE PUBLICATION


Choix et disposition des documents.

Lorsque, le 23 septembre dernier « L’Association de la Salle » des Anciens Élèves de l’Académie Commerciale de Québéc déposait devant « Le Conseil de l’Instruction publique » sa protestation contre les remarques blessantes et les graves insinuations d’un éminent correspondant du journal « Le Devoir », elle accomplissait un acte de bon sens pratique, de clairvoyance et de justice, encore plus qu’une œuvre de « piété filiale envers ceux qui avaient été les anciens directeurs de ses membres. »

Nous avons été alors, croyons-nous, les interprètes des nombreuses phalanges de Canadiens français qui ont reçu leur éducation des Frères et de nos dévoués professeurs laïques catholiques. La presse, en général, a signalé notre geste avec une satisfaction marquée ; des lettres nous sont venues de toutes parts, nous remerciant, et nous félicitant ; et notre démarche a été, évidemment, très appréciée du public.

La compilation que nous présentons maintenant est comme le corollaire de notre protestation du 23 septembre. Nous disions dans ce document rédigé à la hâte :

« Nous désirons savoir s’il va être interdit aux éducateurs de nos villes de donner un commencement d’anglais à nos fils, dès le bas âge. » En effet, Mgr  Ross s’oppose à l’anglais avant la troisième année du programme primaire, ce qui, pour un grand nombre d’enfants, signifie la quatrième et même la cinquième année de stage scolaire. Or, nous ne sommes pas les seuls à protester ; voici que des citoyens marquants et des éducateurs d’expérience réclament l’enseignement de l’anglais pour nos enfants dès leur entrée à l’école.

Nous disions encore dans notre écrit : « Pourquoi toutes ces insinuations contre les frères enseignants, dans le but évident de les rendre responsables de la désertion du sol ? » Et des observateurs sérieux sont venus faire bonne justice, de cette fable de la désertion des campagnes par les collèges commerciaux.

Enfin, nous protestions contre des remarques blessantes pour nos éducateurs, et ici, encore, notre position a été fièrement appuyée : des plumes bien taillées ont réduit à néant ces accusations, formelles ou déguisées, et ont noblement vengé ces injures. C’était dû, car, sans vouloir poser en victimes, nous ne pouvons ignorer avoir été violemment attaqués, méprisés, nos éducateurs ont été calomniés, insultés, et leur enseignement a été décrié. Afin que l’on ne nous taxe pas d’exagération, relevons immédiatement, quelques-unes des choses regrettables que nous avons pu lire, en ces derniers temps, contre les académies commerciales, les méthodes des Frères et des professeurs laïques, et contre tous les primaires. Oyez, plutôt :

« Des employés de bureaux quoique « gradués » d’académies en renom, ne savent pas écrire une lettre convenablement. Ces jeunes gens ne veulent écrire qu’en anglais parce qu’ils ne connaissent pas leur français. Les classes commerciales façonnent le cerveau des enfants dans ce moule nécessairement aride, entre les bornes étroites de l’anglais et de la comptabilité. »
(Mgr  Ross, lettres au Devoir)


« Tous les primaires se gobent, et croient tout savoir en ignorant tout. »
(Alceste, du Devoir, le 9 octobre 1920.)


« Nous ne croyons pas qu’il y ait jamais eu dans la Province de Québec, de plus puissant agent d’anglicisation et de corruption de notre langue que ces collèges commerciaux. »
(Le Mémoire de l’Action française)


«  Dans les académies commerciales on donne une fausse idée de la vie agricole. »
(Paul-Henri de L’Action Catholique.)


« Un grand nombre d’éducateurs, surtout dans les collèges commerciaux, ont résolument sacrifié, par inconscience ou parti pris, une part considérable de la tradition française. »
(Père Dugré, Action française août 1919)


«  Ces écoles (académies commerciales) sont entre les mains de Frères vertueux et bien intentionnés, sans doute, mais bornés, illettrés… Sous la poussée bovine d’un troupeau maigre fasciné par une maigre pâture, ils font de l’anglais la base de leur enseignement, et ils poursuivent un idéal soit-disant utilitaire qui, dans la pratique, se résume, la plupart du temps, à laver les crachoirs des bureaux anglais. » (Olivar Asselin de « La Rente. » — cité par « Le Bien Public », par « Le Semeur » et par l’Action Catholique.)


Nous en passons, et d’aussi gentilles. Comment rester impassible sous une telle avalanche ? Quel élève jaloux de la gloire de son alma mater ne s’indignerait de la voir ainsi outragée ? Quelle institution laisserait passer de telles avanies sans élever la voix ?

La compilation que nous éditons est donc tout à la fois la justification de notre attitude du 23 septembre et une revendication de notre dignité personnelle. Nous espérons que cette brochure obtiendra la faveur du public.

Nous ne reproduisons pas en entier, ici, tous les articles à réfuter. Nos défenseurs dans cette lutte ont toujours été très fidèles, d’ailleurs, à citer textuellement les passages incriminés. Nous publions, cependant, en appendice, les six articles de Mgr  Ross, tels que parus en premier Montréal du journal « Le Devoir. » du 14 au 20 septembre. Ces écrits méritaient une attention particulière, car ils ont été la cause déterminante du présent débat.

Cette publication n’a d’autre plan que celui de l’ordre chronologique des articles parus.

Pour rendre cette étude aussi complète que possible — sans cependant l’étendre outre mesure — nous y avons inséré la protestation présentée par nous au Conseil de l’Instruction Publique le 23 septembre dernier. De plus, quelques-uns de nos défenseurs ayant insinué que le dénigrement des collèges commerciaux était peut-être imputable d’abord au Père Adélard Dugré, par son article paru dans « L’Action Française » du mois d’août 1919, nous avons prié notre ami Jean Codefroy de vouloir bien analyser cet écrit du Rév. Père.

Avant de signer cette introduction, nous voulons donner aux adversaires tout le crédit auquel ils peuvent avoir droit leurs bonnes intentions, et nous souscrivons sans arrière-pensée à cet hommage rendu par Madeleine à Mgr  le Grand-Vicaire de Rimouski :

« L’auteur de ces articles est sincèrement convaincu que l’enseignement de l’anglais dans les classes primaires, nuit à l’étude du français, et il voudrait que l’anglais ne fut appris que plus tard. Nous sentons que cette opinion est dictée par le plus pur patriotisme. » (La Revue moderne du 15 novembre)

Mais nous ne pouvons, tout de même, admettre que ce qui est blanc soit noir.

Certains de nos défenseurs ont pu, dans la lutte, porter eux aussi, quelques coups qui dépassaient peut-être le but de leur pensée. Que le public indulgent veuille bien leur donner également le bénéfice d’une intention droite.

L’Association des Anciens élèves de l’Académie Commerciale
Henri Myrand, président.