L’action paroissiale (p. 174-176).
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XXIV


Les journaux du soir à Capetown étaient remplis de mes démêlés avec la justice. Ma photographie était publiée à côté de celle du juge de Villiers. J’étais, par conséquent, déjà populaire.

En arrivant à mon hôtel, trois reporters m’attendaient et m’assaillirent de questions. Je me hâtai de les satisfaire, pour rentrer le plus tôt possible dans ma chambre, où je trouvai une pile de journaux canadiens. Ces derniers m’avaient été expédiés régulièrement, après ma capture, et on les avait gardés au bureau de poste.

J’essayai de les classer par ordre de dates, afin de me mettre au courant des événements successifs qui s’étaient passés depuis mon départ, mais je trouvai vite la tâche un peu fastidieuse. D’ailleurs, j’étais encore trop absorbé par la pensée de Mlle de Villiers pour pouvoir m’astreindre longtemps à un travail aussi monotone. Je saisis un numéro au hasard. Un gros titre, dans la page des mondanités, attira mon attention. C’étaient les détails de la cérémonie de ton mariage, Allie !

À ce moment de mon récit, un sanglot faillit m’étouffer, et je dus m’interrompre un instant. Marie, Olive et Jacques me regardèrent avec des yeux pleins de curiosité enfantine. Que voulait dire cette émotion de ma part et cette gêne apparente de la part d’Allie ? Celle-ci sauva la situation.

— Il est assez tard pour les enfants, dit-elle. Faites votre prière et allez vous coucher.

Ils vinrent, chacun leur tour, embrasser leur mère et se retirèrent.

— Ai-je commis une bévue ? dis-je à Allie, quand les enfants furent partis.

— Non, Olivier. C’est aussi dans le journal que j’ai appris ta supposée mort, et j’ai été, moi aussi,… impressionnée… Tu comprends mon émotion ?

— Je la comprends d’autant mieux que je la partage. Que les desseins de Celui qui préside à la destinée des hommes sont donc mystérieux !

— Tu parles toujours de destinée, comme autrefois, tout en affectant de n’y pas croire ! Pourquoi cela ?

— Il y a des choses si étranges qui arrivent !

— Tu comprends, Olivier, que je te croyais mort quand j’ai accepté la main de M. Montreuil ?

— Et moi, que je te savais mariée, quand… ?

Je ne pus achever ma phrase. Un silence de mort glaça la pièce pour quelques minutes. J’essuyai mes yeux. Allie replaça son mouchoir dans son corsage. Nous avions pleuré tous les deux ! Pourquoi ?