Album des missions catholiques, tome IV, Océanie et Amérique/Australie

Collectif
Société de Saint-Augustin (p. 36-39).

AUSTRALIE

Sydney. Melbourne. Perth. La Nouvelle-Nursie.


RAVERSONS rapidement la grande île de l’hémisphère austral, véritable continent dont la civilisation européenne a déjà transformé toute la côte sud-est et où s'ouvrent devant la hache de l'explorateur et la pioche du colon des millions d'acres de terres fertiles et de forêts mystérieuses.

Les brillantes métropoles australiennes ne nous arrêteront qu'un instant. Sydney est devenue en quelques années une ville de premier ordre. C'est là qu'ont successivement régné sur le troupeau fidèle les grands évêques englais dont le dernier vient d'être revêtu de la pourpre : NN. SS. Polding, Vaughan, Moran. L'émigration qui pousse sur ces rives brillantes d'avenir une foule d'Irlandais, de Belges et d'Italiens catholiques accroît incessamment le bercail du divin Maître dans ces contrées lointaines.

Sydney. — Placé sur le 34° de latitude et le 150° de longitude, Sydney jouit d'une température moyenne de 20° Réaumur en été, et de 10° en hiver. Aussi l'olivier de Provence, comme le pommier de Normandie, l'oranger de Sicile, le poirier de l'Anjou, y croissent admirablement, avec tous les arbres fruitiers du nord et du midi ; les vignes de tous les climats, les légumes de toutes les zones, les fleurs de toutes les latitudes en font vraiment un paradis terrestre. Les anglais, si grands amis du confortable, y mènent le hight-life comme dans les cités les plus aristocratiques de leur patrie. Par leurs soins, des


NOUVELLE-NURSIE. — Jean DIRIMERA, BÉNÉDICTIN AUSTRALIEN ; BAPTISÉ, CIVILISÉ ET ÉLEVÉ AU SACERDOCE PAR MGR SALVADO.


rues larges et bien percées, des maisons luxueuses, de splendides hôtels et des monuments remarquables ont fait de Syndey la rivale des capitales de l'Europe. Un parlement autonome la régit sous l'autorité du gouverneur général. Son port de Jackson est comme le rendez-vous de l'univers ; on y voit tous les costumes et des visages de toutes les couleurs, on y entend presque toutes les langues du monde ; enfin son commerce l'a rendue la métropole de l'hémisphère austral. De nombreuses cités, Paramatta, New-Castle, Brisbane, Maitland, Bathurst, lui forment une riche couronne.

Les RR. -PP. Maristes ont acquis près de Sydney ) Hunter's-Hill une propriété à laquelle ils ont donné le nom de Villa Maria. C'est la procure de leurs importantes missions d'Océanie. L'église, sous le vocable de la saint Vierge, a été bénite en 1871 par Mgr Elloy.

Melbourne. — Distante de 600 milles de Syndey, cette superbe cité a son gouverneur et son parlement particuliers et se glorifie d'être la capitale de l'Australie heureuse, l'une des provinces les plus importantes des futurs États-Unis de l'hémisphère austral.

En 1885 un événement d'une importance capitale permit de mesurer l'étendue des progrès de la vraie foi dans l’hémisphère austral.

Le premier concile général australien s'ouvrit le 15 novembre, dans la cathédrale de Sydney, avec une grande pompe sous la présidence de S. Ém. le cardinal Moran, archevêque de Sydney. Tous les évêques du continent australien et de la Nouvelle-Zélande


COLLÈGE SAINT-STANISLAS, A BATHURST. (Voir p. 34.)


ÉGLISE DE VILLA-MARIA, PRÈS DE SYDNEY (Voir p. 34.)


étaient présents ou représentés à cette imposante cérémonie. Mgr Redwood, l'éloquent archevêque mariste de Wellington, prononça à la messe d'inauguration un sermon remarquable.

« Il y a cinquante ans, remarquait dernièrement le Freeman's Journal de Sidney, quelques prêtres consolant quelques prisonniers, c'était tout le personnel catholique... Aujourd'hui vingt évêques, quatre archevêques, un cardinal, assistés d'une nombreuse pléiade d'apôtres, forment la hiérarchie sainte, et six cent mille fidèles les entourent de vénération. »

Perth. — Cette capitale de l'Australie occidentale, n'a pas atteint la splendeur de Sydney et de Melbourne ;


NOUVELLE-NURSIE. — INDIGÈNES AUSTRALIENS ET MISSIONNAIRE BÉNÉDICTIN, d'après une photographie.


elle offre néanmoins un aspect monumental et l'avenir lui réserve de brillantes destinées. C'est dans cette partie du continent que nous allons saisir sur le vif l'indigène australien ; car c'est là que les missionnaire bénédictins ont réalisé une merveille qui renouvelle les merveilles légendaires des âges de foi : nous voulons parler de la Nouvelle-Nursie, dans contredit l’œuvre la plus admirable, la création la plus originale des apôtres de notre époque.

La Nouvelle-Nursie. — Essayons de décrire l'aspect que présente ce monastère, cette Thébaïde des forêts australiennes. Au milieu d'un vaste domaine couvrant une superficie de douze kilomètres carrés, domaine encore entouré de grands bois qui le couvraient entièrement, il y vingt ans à peine, s'élève l’église dont le style italien ne manque pas d'élégance. A peu de distance, dans la partie inférieure du coteau, se dresse le monastère, qui est en même temps une ferme-école. A gauche de l'église, espacées par de petits jardinets bien entretenus, se voient plusieurs cabanes recouvertes de feuilles d'eucalyptus en guise de chaume, où les indigènes baptisés habitent avec leurs familles. Sur la hauteur, on a construit les ateliers des forgerons et des menuisiers, assez loin pour que le bruit des marteaux et des scies


NOUVELLE-NURSIE. — BIGLIAGORO, PREMIER SAUVAGE AUSTRALIEN BAPTISÉ PAR MGR SALVADO.


ne vienne pas troubler les religieux pendant l'office divin. Plus bas, près de la route qui longe le vaste enclos de la Nouvelle-Nursie, l'on aperçoit l'hôpital de la colonie où sont reçus indistinctement les indigènes et les colons européens, les pauvres et les voyageurs malades. De l'autre côté de la route est l'hôtellerie. Là encore, comme jadis au Mont-Cassin et à Solesmes, « les visiteurs ne manquent jamais », selon la parole de saint Benoît dans sa Règle. A la droit du monastère, les Bénédictins ont construit leurs granges, leurs écuries, leurs moulins, leurs celliers et leurs étables. Dans la plaine, de grandes et fortes palissades, formées de troncs d'arbres, ferment les différents parcs pour les grands bestiaux, pour les brebis et pour les chevaux. Enfin tout au haut de la charmante colline où s'étagent ces bâtiments de formes et de destinations si diverses, l'on distingue à travers les acajous et les eucalyptus un petit ermitage dédié à la Reine du Ciel, et dont le léger campanile surmonté d'une crois domine toute la contrée.

Les sauvages australiens, habitués à la vie de chasse dans les bois immenses de leurs pays, ne pouvaient être assujettis, après leur baptême, à une vie trop sédentaire. La sollicitude paternelle du fondateur de la Nouvelle-Nursie a su y pourvoir. « De temps à autre, écrit Mgr Salvado, j’envoie les nouveaux convertis et les jeunes gens de la mission passer une semaine ou deux dans les vois, sans autres provisions qu'une peu de farine dans un sac. Ils doivent se procurer le reste de leur nourriture par la chasse et coucher sur la terre dans de petites huttes, construites de leurs propres mains avec des branchages. j'obtiens, par ces petites excursions, deux excellents résultats : je fortifie leur tempérament, qu'une vie trop renfermée aurait, pour cette première génération, promptement épuisé, et je leur fais comprendre, par le contraste, tous les avantages de la vie de famille que l'on mène à la Nouvelle-Nursie. »


NOUVELLE-NURSIE. — BATTEUSE A VAPEUR SERVIE ET DIRIGÉE PAR LES AUSTRALIENS, d'après une photographie.


Mais il y a aussi des expéditions forcées qui ne leur sont pas moins utiles. Dans les mois des grandes chaleurs, il faut parfois aller chercher assez loin des pâturages pour la subsistance des brebis. Ce sont des migrations nécessaires, comme pour les troupeaux transhumant de la Provence. On choisit alors dans les bergeries des brebis bien vigoureuses, que l'on envoie en avant. Peu après, arrivent en longues files les grands troupeaux de la mission ; mais tout est préparé par les recevoir et les parquer, et pour que les bergers et leurs familles puissent passer le temps de l'estivage sans trop de fatigues. On le voit, c'est le mode primitif de vivre et de voyager, employé, il y a près de quatre mille ans, par les patriarches Abraham, Isaac et Jacob, dans les plaines du pays de Chanaan.

Ce mélange de vie nomade, pastorale et agricole, maintient très heureusement la santé générale des Australiens de la mission et les habitue doucement aux mœurs des pays civilisés.

La Nouvelle-Nursie est déjà une petit cité et, un jour peut-être, elle deviendra un grand centre de population, comme beaucoup de nos ville d'Occident qui ont commencé par un monastère. Les résultats obtenus paraîtront d'autant plus admirables, que l'on sait dans quel état de dégradation se trouvaient les Australiens avant l'arrivée des moines espagnols.