Album des missions catholiques, tome IV, Océanie et Amérique/Archidiocèse de l'est

Collectif
Société de Saint-Augustin (p. 93-97).

ARCHIDIOCÈSES DE L'EST.

New-York. Baltimore. Cincinnati. Philadelphie. Saint-Louis. Chicago. Milwaukee. Boston.


E pouvant, faute de place, consacrer un article à chacun des quatre-vingts diocèses de la grande République d’outre-Atlantique, nous nous bornerons à quelques lignes sur chacune des métropoles.

New-York. — New-York n’est pas la capitale officielle des États de l’Union américaine ; mais sa position privilégiée lui assure à jamais la suprématie sur toutes les autres villes, ses rivales. C’est elle qui reçoit l’immense majorité des immigrants aux États-Unis, car elle entretient des communications régulières, par paquebots, avec Liverpool, Londres et le Hâvre ; elle forme, selon une heureuse expression, la tête du pont qui relie le vieux continent au nouveau.

Bâtie à la pointe méridionale de l’île Manhattan, au confluent de l’Hudson et de la rivière de l’Est, au fond d’une grande baie, elle comprenait, en 1870, 950,000 habitants, et en 1875, plus d’un million, sans parler de Brooklyn, son ancien faubourg qui, à lui tout seul, possède plus de 500,000 âmes. C’est la troisième ville du monde pour ses richesses et sa population. La portion relativement nouvelle de New-York se compose de rues larges, parallèles, coupées perpendiculairement


NEW-YORK. — CATHÉDRALE DE SAINT-PATRICE. (Voir p. 92.)


par de magnifiques avenues. La rue de Broadway qui mesure 4 kilomètres de long et 26 mètres de large, n’a pas sa pareille à Londres, ni à Paris. Près de deux cent cinquante églises, appartenant à différents cultes, sont disséminées dans les nombreux quartiers de la ville. Le port est incessamment sillonné par les navires ; nulle part, si ce n’est à Londres, l’activité commerciale ne se montre d’une façon aussi saisissante.

Les premières fondations de New-York furent jetées en 1621, par des Hollandais qui avaient établi des colonies sur les bords de l’Hudson ; ils lui donnèrent le nom de Nouvelle-Amsterdam : ce n’était qu'un hameau formé d’un petit nombre de cabanes ; notre gravure, p. 92, le représente tel qu’il était à la fin de la domination hollandaise. Dépossédés en 1664, par les troupes du duc d’York, plus tard Jacques II, qui prétendait avoir des droits sur ce territoire, parce que Hudson, navigateur anglais, mort en 1611, l’avait reconnu le premier, ils réussirent à le reconquérir en 1673, mais le perdirent définitivement l’année suivante. New-Amsterdam fut alors appelé New-York, et ce dernier nom est devenu celui de l’État le plus étendu, le plus peuplé, le plus riche de l’Union américaine.

Les premiers évêques de New-York furent NN. SS. Concanen (1808-1810), Connolly (1814-1825), Dubois (1826-1842), Hugues (1842-1864), Mac-Closkey (1864-1885). Quelques notes biographiques sur ce dernier prélat dont le souvenir est encore si vivant aux États-Unis.

A la fin de ses études, qui furent très brillantes Mgr Mac-Closkey se décidait à embrasser la carrière ecclésiastique. Mgr Dubois lui conféra l'ordination sacerdotale en 1834. Le jeune prêtre se rendit alors à Rome où il suivit, deux années durant, les cours de l'Université grégorienne ; il revint ensuite à New-York, où il remplit différentes fonctions avec la plus grande distinction. Il était supérieur du collège de Fordham, aujourd'hui confié aux PP. Jésuites, lorsque son ancien condisciple, Mgr Hughes, évêque de New-York (1842-1864), l'appela à partager les charges de l'administration épiscopale.

Préconisé évêque d'Axieri in partibus, le 23 novembre 1843, il fut sacré le 10 mars 1844. Trois ans plus tard, à la création du diocèse d'Albany, détaché de celui de New-York, Mgr Mac-Closkey était transféré à ce nouveau siège. Pendant dix-sept années, il se dévoua à son troupeau avec un zèle dont le souvenir est toujours vivant. En 1864, Rome le jugea digne de succéder au grand prélat dont un auteur protestant n'a pu s'empêcher de faire ce magnifique éloge : « Si New-York est catholique romaine, c'est le génie et l'énergie de l'archevêque Hughes qui l'ont faite ainsi. » Loin de se montrer inférieur à son illustre prédécesseur, il sut donner une impulsion plus grande à toutes les œuvres établies, en créer de nouvelles et soutenir


VUE DE NEW-YORK EN 1664, d'après une gravure américaine. (Voir. 91.)


le mouvement religieux qui a porté à plus de 600,000 âmes le chiffre de la population catholique de New- York.

L'œuvre qu'il avait le plus à cœur, joie de mener à bonne fin,c'était la cathédrale de Saint-Patrice dont Mgr Hughes avait posé la première pierre en 1858. De style ogival du XIIIe siècle, elle est bâtie en marbre blanc et mesure 111 mètres de long sur 58 de large. Ses deux flèches ont aussi 111 mètres de hauteur. Elle est située dans Fifth avenue, la plus belle rue de New-York. Cette merveille de l'architecture religieuse en Amérique a coûté plus de vingt années de travaux. La consécration donna lieu, en 1879, à une fête telle qu'on n'en avait jamais vu de semblable aux États-Unis. Six archevêques, trente-six évêques, plus de trois cents prêtres, et des représentants de tous les Ordres religieux assistaient à la solennité présidée par S. Ém. le cardinal Mac-Closkey.

L'illustre archevêque avait été, en effet, revêtu de la pourpre romaine quatre ans auparavant. Dans le consistoire du 13 mars 1875, S. S. Pie IX l'avait créé cardinal du titre de Sainte-Marie de la Minerve. Les Américains, honorés eux-mêmes par l'élévation de leur compatriote à cette dignité éminent, lui firent à cette occasion une ovation enthousiaste. C'était la première fois qu'un prélat américain prenait place au Sacré Collège.

Les obligations toujours croissantes de sa charge épiscopale, obligèrent le cardinal à demander un auxiliaire au Saint-Siège. Le nombre des églises et des prêtres en effet, doublé depuis l'arrivée à New-York de Mgr Mac-Closkey ; d'autre part, le chiffre considérable de conversions et le flot continu d'immigrants, qui se dirigent de l'Irlande et du continent européen vers l'embouchure de l'Hudson, ne cessait d'augmenter la population catholique de la grande cité.

Mgr Mac-Closkey s'endormit dormit dans le Seigneur à la fin de l'année 1885 et son coadjuteur, Mgr Corrigan, prit en mains l’administration de l'important archidiocèse.


Baltimore. — Le plus haut personnage de la hiérarchie américaine est actuellement S. Ém. le cardinal Gibbons, archevêque de Baltimore. L'éminent prélat rendait dernièrement hommage aux œuvres catholiques françaises en des termes que nous sommes heureux de reproduire. que nous sommes heureux de reproduire.

« Dernièrement, disait-il, je me suis rendu en France, afin de visiter quelques-unes des maisons-mères


ÉTATS-UNIS. — CINCINNATI EN 1880. (Voir p. 95.)


qui ont des établissements dans notre diocèse. Ceci va peut-être vous causer quelque surprise, mais il n'en est pas moins vrai qu'il existe dans cette ville de Baltimore, quinze institutions dont le berceau est en France. Chère vieille France catholique ! Elle est aujourd'hui ce qu'elle a été pendant des siècles dans le passé, la mère vigilante de fils et filles qui ont répandu partout la semence de la religion.

« Il n'y a peut-être pas un seul États en Amérique, qui n'ait été parcouru par les missionnaires français. Lorsque le vent de la persécution soufflait sur la France, il a poussé sur nos rivages des prêtres et des missionnaires qui ont laissé derrière eux l'empreinte de leur zèle et de leur sainteté. Il n'est que trop vrai que l'impiété triomphe en ce moment en France, mais sous l'écume de la surface, il existe un courant transparent et sain de charité et de religion qui apporte la joie a cœur de la nation. Quant à moi, lorsque je considère les sommes souscrites. chaque année en France pour construire des églises et des écoles ; lorsque je constate que, sur les sept millions de francs donnés annuellement pour l'Œuvre de la Propagation de la Foi, ce noble pays en verse plus


VUE DE NEW-YORK EN 1880, d'après une photographie. (Voir p. 91.)


des deux tiers pour sa part ; lorsque je vois les offrandes magnifiques qu'il dépose aux pieds du Saint-Père ; lorsque je réfléchis qu'il envoie ses fils et ses filles remplir des missions de charité dans toutes les parties du monde ; lorsque je remarque que ses séminaires sont remplies d'une ardente jeunesse attendant avec impatience le jour où elle pourra prêcher l’Évangile ; lorsque je compte le nombre considérable d’hommes et de femmes appartenant aux plus hautes classes de la société qui se consacrent au service des pauvres, je ne puis désespérer de la France, Tant d’héroïsme dans la charité et dans la religion doit plaider pour la France devant le trône de Dieu. »

Cincinnati. — Ce vaste et florissant diocèse créé en 1821 et érigé en métropole en 1850, renferme plus de 200.000 catholiques, confiés aux soins de 220 prêtres. Mgr Purcell, doyen de tous les évêques des États-Unis, mort en 1882, après cinquante ans d’épiscopat, avait succédé au glorieux apôtre des États d’Ohio et du Kentucky, Mgr Fenwick. Mgr Elder gouverne actuellement cette Église.

La province ecclésiastique de Cincinnati a sept diocèses suffragants : Louisville, Détroit, Vincennes, Cleveland, Covington, Fort-Wayne et Columbus.

En 1800, Cincinnati, qui existait depuis onze ans et avait déjà le titre de capitale de l’Ohio, ne comptait cependant qu’une population de moins d’un millier d’âmes. Mais le nombre s’est accru avec une étonnante rapidité. Il était de 216,000 en 1870, sans parler de plusieurs faubourgs. Covington et Newport, qui ne sont séparés de Cincinnati que par l’Ohio, et qui appartiennent au Kentucky, réunissent une population de 40,000 âmes.

Philadelphie. — Cette ville, qui fut jusqu’en 1800 la capitale des États-Unis, est le siège d’un archevêché catholique occupé par Mgr Ryan. Les diocèses d’Allegheny, d’Érié, d’Harrisburg, de Pittsburg et de Scranton forment sa province ecclésiastique.

Saint-Louis. — De cette grande cité du Missouri, métropole religieuse du Kansas, du Nébraska, de l’Iowa et du Missouri, relèvent les sièges épiscopaux de Davenport, de Dubuque, de Saint-Joseph, de Leavenworth et d’Omaha. Mgr Kenrick est actuellement archevêque de Saint-Louis.

Chicago. — Célèbre par la merveilleuse rapidité de sa fortune, cette fière capitale commerciale, assise sur le rivage du grand lac Michigan, a vu, il y a quelques années, ériger en archidiocèse sa circonscription spirituelle et a reçu pour suffragants les évêchés d’Alton et de Peoria. Archevêque Mgr Feehan.

Milwaukee. — À cent vingt kilomètres au nord de Chicago, Milwaukee ouvre sur le même lac Michigan son beau port et étend ses docks magnifiques. Les États du Wisconsin, du Minnesota, du Michigan et du Dakota ou plutôt les diocèses de Green Bay, de La Crosse, de Marquette et de Saint-Paul sont sous la juridiction métropolitaine de son archevêque, Mgr Heiss.

Boston. — Cette vieille cité américaine, fondée dès le commencement du XVIIe siècle, est la métropole spirituelle des États de la Nouvelle Angleterre. Autour de son archevêque, Mgr Williams, se groupent les évêques des diocèses de Burlington, de Hartdorf, de Manchester, de Portland, de Providence et de Springfeld.

Dans toutes ces provinces, le catholicisme prend de merveilleux développements. Ses progrès ne sont pas seulement dus à l’immigration et à l’accroissement remarquable des familles catholiques ; il entame constamment la société protestante par des conversions individuelles. Le catholicisme se présente en effet aux États-Unis comme la nécessité religieuse et comme la nécessité sociale... Loin de s’affaiblir avec l’affaissement des sectes protestantes, il a absorbé en lui tout le mouvement chrétien et le meilleur de la vie religieuse de la nation ; aujourd’hui, il est l’un des éléments les plus considérables dans la vie du peuple américain.

Ce n’est donc pas seulement à New-York que le catholicisme progresse avec éclat. Les diocèses du centre et de l’ouest offrent le même spectacle, comme on vient de le voir à Philadelphie, à Saint-Louis, à Chicago, à Milwaukee et à Boston.

La ville de Pittsburg, pour ne citer qu’un exemple, la cité fumante, industrielle entre toutes, au centre du pays de la houille et du pétrole, n’était qu’une petite bourgade en 1816 ; elle ne comptait qu’une douzaine de catholiques, sans chapelle, visitée une fois ou deux par an par un missionnaire. Aujourd’hui, elle a un clergé de 100 prêtres et une population catholique de 95,000 âmes.

Qu’on ne vienne plus dire que le catholicisme est tué par la science et le progrès, qu’il se meurt. Ce qui meurt, c’est la société corrompue de l’Europe ; et si Dieu ne lui insuffle pas une nouvelle vie, elle pourra bien devenir barbare comme celle de l’Afrique et de l’Orient.

Le flambeau change de place, mais il éclaire toujours, et déjà nous pouvons saluer de loin l’heure où le Nouveau-Monde, avec son énergie et ses immenses ressources, sera le plus beau fleuron de l’Église catholique romaine.