Administration financière des États-Unis


ADMINISTRATION
FINANCIÈRE
DES ÉTATS-UNIS.

Un recueil périodique qui jouit d’une certaine réputation, la Revue britannique, a publié récemment sur les dépenses des États-Unis comparées avec celles de la France un long article, dans lequel elle n’hésite pas à faire pencher la balance en faveur de notre système de gouvernement qu’elle s’efforce de représenter comme plus économique. C’est à cet article que M. Fenimore Cooper a voulu répondre. Sa lettre est adressée au général Lafayette, qui l’avait engagé à signaler les erreurs de l’écrivain français[1] ; elle trouvait naturellement place dans notre Revue, et contribuera à répandre en France de justes notions sur l’administration intérieure de l’Union américaine.


LETTRE
AU GÉNÉRAL LAFAYETTE
SUR
LES DÉPENSES DES ÉTATS-UNIS.

J’ai reçu hier soir, général, votre lettre, et le numéro de la Revue britannique du mois de juin. J’ai lu l’article qui établit une comparaison entre les dépenses du gouvernement des États-Unis et celles de la France, et je me hâte de céder à votre prière. Je comprends que votre désir est que, dans une réponse écrite, je donne mon opinion sur le mérite de cet article, surtout en ce qui concerne les finances de mon pays.

Aucun Américain ne peut, sans blesser les convenances, vous refuser aucune des informations de cette nature qui se trouvent à sa disposition ; car vos droits à sa reconnaissance sont trop clairs et trop durables pour permettre des sentimens d’hésitation d’intervenir dans l’exécution de ce qui est juste en soi, quand il vous plaît de le prier d’agir pour cette grande cause, à laquelle vous avez dévoué une vie longue et utile. Je regrette seulement que mes habitudes antérieures et la difficulté d’obtenir les renseignemens nécessaires à Paris m’empêchent de traiter complètement le sujet ; mais, quant aux opinions qui me sont suggérés par la lecture de la Revue britannique, et aux faits que j’ai sous la main, je les mets entièrement à votre disposition. Vous en ferez l’usage que vous indiqueront votre expérience et votre sagesse.

Ce qui me frappe d’abord, c’est que l’article en question est un argument et non pas un jugement. Par suite de ce caractère partial, toutes les propositions et toutes les déductions peuvent être accusées d’inexactitude et quelquefois de contradiction. Je ne sais pas dans quel intérêt il a été écrit, mais je pense qu’il n’y a pas grand risque à dire qu’il ne l’a pas été dans l’intérêt du contribuable. Outre ces fautes, qui sont inséparables de la logique des partis, le rédacteur est tombé dans de graves erreurs de faits.

Le rédacteur de la Revue britannique commence ses remarques sur les finances des États-Unis, page 287, en disant : « Le budget fédéral des États-Unis, que l’on pourrait aussi appeler leur budget politique, ne s’est élevé, en 1829, qu’à 24,767,119 dollars (131,265,729 francs) ; mais en temps de paix il s’élève à plus du double ». Je présume que c’est une erreur d’impression, et que son intention était de dire, « en temps de guerre ». En admettant que cette assertion soit vraie, cela ne prouve-t-il pas que les États-Unis ont tellement borné leurs dépenses, qu’en temps de paix elles ne dépassent pas les dépenses additionnelles nécessitées par la guerre ? Une nation, en temps de paix, est maîtresse de ses dépenses civiles ordinaires, tandis que celles que nécessite l’état de guerre dépendent de la politique des autres puissances, et c’est précisément les dépenses de paix qui peuvent servir à constater le caractère économique d’un gouvernement, car celles-ci seulement sont soumises à sa volonté. L’assertion qu’en temps de guerre la dépense des États-Unis est doublée, est vague et sans valeur, puisqu’une guerre coûte plus qu’une autre. En 1799, les États-Unis étaient en guerre avec la France, et la dépense totale de l’année fut de 11,077,043 dollars, c’est-à-dire moins de la moitié de ce que le rédacteur de la Revue britannique donne pour la dépense de 1829, dans un temps de paix profonde ! En 1803, les États-unis ont eu la guerre avec Tripoli, et la dépense totale fut de 11,258,983 dollars. En 1813, l’une des années les plus dispendieuses que la république ait jamais connues, les États-Unis eurent la guerre avec l’Angleterre, et la dépense totale fut de 39,190,520 dollars. Une guerre d’existence pourrait nous coûter le pays lui-même. Ainsi le rédacteur de la Revue britannique commence par une lourde méprise en ce qui concerne les faits, et par une évidente mauvaise foi.

Les écrivains de presque toutes les nations étrangères font un singulier usage de la position géographique et des institutions politiques des États-Unis. En ce qui concerne l’Europe, ces deux points présentent un caractère particulier, et l’on éprouve le besoin de rapporter toutes les singularités de physionomie, d’usages ou de résultats à l’une ou l’autre de ces causes, selon que cela s’accorde avec les vues de celui qui tient la plume. De cette manière, la violence, qui est quelquefois le fruit d’une vie de frontières et d’une société mal organisée parce qu’elle est jeune, est représentée comme la conséquence du républicanisme, tandis que la prospérité et le progrès, qui résultent des institutions, sont attribuées à l’enfance de la société. Le rédacteur de la Revue britannique n’a pas échappé à cette confusion de la cause et de l’effet. Je ne sache pas un seul grand résultat, dans l’histoire du système des États-Unis, qui tôt ou tard, n’ait été attribué à quelque avantage de caractère purement fortuit. Heureusement il y a des faits éloquens pour réfuter ces théories. De quoi jouissent, en particulier, les États-Unis, si ce n’est des avantages immédiatement attachés au caractère de la nation et aux institutions d’où ce caractère dérive ? Quel privilége ont-ils à l’exclusion des autres contrées de l’hémisphère occidental ? Que sert de souffler le chaud et le froid, de dire que les États-Unis sont prospères parce qu’ils sont jeunes, et que le Mexique, le Chili et le Pérou sont dans l’état contraire parce qu’ils ne sont pas vieux ? Nous sommes entourés de sociétés plus jeunes et plus vieilles que la nôtre, et nous possédons au sein de notre Union presque chaque forme de société, depuis celle où tous les arts sont cultivés jusqu’à celle où l’arbre n’est pas encore abattu. Nous occupons vingt degrés de latitude et la même étendue de longitude ; toutes les religions coexistent dans le pays, et nous possédons encore le fléau de l’esclavage domestique dans plusieurs des États, pour compléter le parallèle.

Dans ce tableau populaire des avantages du pays, la Revue britannique attribue la rareté des dépenses militaires, aux États-Unis, à leur position géographique. Il y a certainement quelque vérité dans cette opinion, mais les conséquences qu’on en déduit sont exagérées. S’il y a des avantages locaux de cette nature, il y a aussi de grands désavantages de même nature. L’étendue du pays comprend de lourdes dépenses, dont la France est plus ou moins exempte. Le poste militaire le plus éloigné est aussi loin de Washington que Saint-Pétersbourg l’est de Paris. Les troupes et les provisions doivent être transportées là périodiquement, fréquemment, à grands frais, à travers un désert. De plus, une large portion des dépenses annuelles du département de la guerre est consacrée à bâtir des forteresses, nécessité onéreuse à laquelle de vieilles nations échappent entièrement, ou du moins plus rare chez elles. L’Amérique doit son exemption des charges militaires surtout à ce fait, que les institutions étant fondées seulement dans l’intérêt des masses, la nation n’a pas besoin du secours de la force pour maintenir l’ordre. Mais pourquoi établir la moindre comparaison entre ces parties de dépenses nationales, qui dépendent de causes flottantes, et d’intérêts qui ne peuvent pas être les mêmes chez différentes nations ? Il y a des intérêts évidemment communs à tous les peuples civilisés, qui fournissent des preuves moins équivoques du caractère économique ou extravagant d’un gouvernement, qu’aucune de celles qui se rapportent à des causes si incertaines. Examinons ce sujet de plus près.

Le rédacteur de la Revue britannique donne la dépense des États-Unis pour l’année 1829, ainsi qu’il suit :

dollars
Liste civile 
1,323,966 [2]
Relations extérieures 
207,060
Dépenses diverses 
1,570,656
Dette publique 
12,383,800
Marine 
3,312,931
Département de la guerre 
4,730,605
Pensions 
952,836
Indiens 
589,159
25,071,013


J’admets que cette somme a été dépensée sous le gouvernement fédéral dans l’année citée. Mais sur cette somme, près de la moitié, c’est-à-dire 12,383,800 dollars, doit être portée au compte de la dette publique, non pas uniquement pour acquitter l’intérêt, car 9,841,024 dollars ont été payés en principal. Vous savez que la totalité de la dette des États-Unis sera complètement éteinte dans l’année 1835. Cette dette provient de l’emprunt contracté pour la guerre de l’indépendance. La France n’a aucune charge de cette espèce, mais elle en a d’autres beaucoup plus douloureuses qui remontent à l’invasion de 1814. Ces faits montrent l’erreur qu’il y a à vouloir établir des comparaisons entre des dépenses qui ne sont pas communes aux deux nations. Pour instituer une enquête qui puisse démontrer les frais réels du gouvernement dans chacun des deux pays, j’établirai les faits aussi précisément que mes connaissances me le permettront en ce qui concerne les États-Unis, laissant à ceux qui sont mieux informés, l’accomplissement d’une semblable tâche à l’égard de la France, si toutefois la comparaison peut avoir quelque utilité.

Avant de commencer cette statistique, il sera nécessaire d’émettre, en forme de prémisses, un petit nombre de faits. La dette des États-Unis s’est accrue principalement par deux grandes causes : savoir, la guerre de l’indépendance, et la guerre avec l’Angleterre en 1812. En 1790, ou lors de l’organisation de l’Union, la dette fondée se trouva monter à 79,124,464 dollars. En 1812, elle fut réduite à 45,209,737 dollars, quoique trois guerres, celle avec la France, celle avec Alger et celle avec Tripoli, outre plusieurs luttes rudes et dispendieuses avec les Indiens, fussent intervenues. La guerre de 1812 augmenta tellement la dette, qu’elle se trouva être de 127,334,933 dollars en 1816. Le 1er janvier 1831, elle fut de nouveau réduite à 39,123,191 dollars. Le 1er janvier 1832, elle sera de 25 à 30 millions de dollars, mais je ne saurais en déterminer la quotité précise. 10 millions de dollars sont consacrés annuellement par une loi actuellement en vigueur à l’acquittement de la dette publique, et, comme l’intérêt ne peut pas, à présent, s’élever au-dessus de 1,500,000 dollars, il y a naturellement 8,500,000 dollars applicables, chaque année, à l’extinction du principal. Les remboursemens du principal sont nécessairement soumis aux conditions des différens emprunts, et il est arrivé que, dans quelques années, comme il n’y avait pas un nombre suffisant d’actions immédiatement rachetables (excepté du trois pour cent), les paiemens ont été différés jusqu’à ce que les termes des emprunts permissent le rachat. Cette circonstance a occasionné une irrégularité apparente dans la réduction réelle de la dette, dans différentes années. Le rédacteur de la Revue britannique donne les recettes des États-Unis en 1829 et les fixe à 24,766,119 dollars, et il fait monter la dépense à 25,071,013 dollars ; il établit ainsi un excédant apparent de la dépense sur les recettes, de 303,894 dollars, ce qui donnerait à penser à un lecteur ignorant que les besoins réels du pays ont dépassé la totalité de son revenu. Mais, en examinant les calculs même du rédacteur, on s’aperçoit qu’en 1829, 12,383,800 dollars ont été effectivement payés pour le compte de la dette publique. C’est 2,383,800 dollars au-delà des exigences régulières de l’année pour cet objet, qui étaient de 10,000,000 de dollars, comme nous l’avions établi précédemment. L’excédant de paiement provenait de ce que la quotité nécessaire de la dette n’était pas rachetable l’année précédente (aux conditions convenables). Il peut être bon d’ajouter que, malgré cet excédant de paiement, il restait dans le trésor, le 1er janvier 1830, 5,755,704 dollars. Mais le sommaire vous montrera la manière dont la dette a été payée pendant les dix dernières années.

PAIEMENT DE LA DETTE DES ÉTATS-UNIS.
Payé en principal. Payé en intérêts. Total.
1821 3,279,821 5,087,282 8,367,093
1822 2,675,987 5,172,961 7,848,948
1823 607,331 4,922,684 16,568,393
1824 11,574,532 4,993,861 16,568,393
1825 7,725,034 4,370,309 12,095,343
1826 7,706,601 3,977,864 11,684,465
1827 6,515,514 3,486,071 10,001,585
1828 9,064,637 3,098,867 12,163,504
1829 9,841,024 2,542,776 12,383,800
1830 9,443,173 1,912,574 11,355,747


De 1821 à 1824, malgré les remboursemens partiels du capital, la dette s’accrut réellement par l’achat des Florides, comme elle s’était accrue en 1804, par l’achat de la Louisiane. Or ces deux acquisitions sont considérées comme lucratives, même dans le sens pécuniaire. Vous voyez qu’en 1824 16,568,393 dollars ont été payés pour l’acquittement de la dette. Les dépenses ordinaires et extraordinaires de la même année (en y comprenant les sommes payées à ceux qui avaient prêté pour l’achat de la Floride) se sont élevées à 15,390,145 dollars, ce qui, ajouté au paiement de la dette, donne un total de 31,958,538 dollars, pour les paiemens de l’année 1824. Les recettes de la même année ont été seulement de 20,540,666 dollars ! Si le rédacteur de la Revue britannique était tombé sur cette année pour établir ses calculs, quelles dépenses ne nous aurait-il pas données, surtout en suivant son principe dévorant, en doublant toutes les dépenses en temps de guerre ! Malgré cette lourde dépense, je trouve qu’à la fin de cette année, où les paiemens excédaient en apparence les recettes de plus de 11,000,000 de dollars, il restait au trésor 1,946,579 dollars ! Il n’y a qu’une méthode raisonnable pour déterminer le caractère d’un gouvernement, en ce qui concerne l’économie, et c’est de trouver la somme totale de ses dépenses courantes, en mettant toujours la dette en dehors de la question. Mais cette méthode même n’est pas infaillible, puisqu’un pays qui a trop d’argent, peut, comme un individu, être amené à le dépenser pour des objets que dans d’autres circonstances il négligerait. Le gouvernement fédéral a employé des sommes considérables d’après ce principe. En 1817, il y avait une dette assez forte, c’est-à-dire de 123,491,965 dollars ; de tous ceux qui avaient porté les armes dans la révolution, les blessés seulement recevaient une pension, comme cela se pratique chez les autres nations ; des terres et des indemnités avaient été accordées long-temps avant, à tous ceux qui avaient servi régulièrement. En 1818, la dette étant réduite à 103,466,663 dollars, un secours fut alloué à tous les soldats de la révolution qui déclarèrent se trouver dans le besoin. En 1819, ce secours s’élevait à 1,847,900 dollars. En 1829, il n’était plus que de 689,384 dollars. Mais la certitude que la dette serait acquittée complètement en 1835, et l’excédant du revenu, ont décidé le pays à pensionner, sans réserve, tous ceux qui ont servi dans la révolution. Chaque particulier reçoit maintenant 8 dollars par mois, et ceci sans préjudicier à ce qu’on donne pour les blessures ou les infirmités. Ainsi, quoique nous ne tenions sur pied qu’une armée de six mille hommes pour nous défendre contre nos ennemis, nous payons réellement une armée de vétérans qui compte plus de seize mille hommes. On voudra bien se rappeler plus tard que toutes ces charges sont mentionnées au budget.

Ainsi que l’a remarqué justement le rédacteur de la Revue britannique, la plus grande partie de l’argent des États-Unis provient des recettes des douanes. On dit que ces recettes seules, vu la prospérité extraordinaire du pays, dépasseront cette année la totalité des dépenses projetées. La Revue britannique pense que cette manière de lever l’impôt est inférieure à la méthode française, parce qu’elle est sujette à varier. Est-ce que la France ne tire pas des douanes tout ce qu’elle peut convenablement tirer ? Si les États-Unis peuvent faire face à toutes leurs dépenses par cette seule imposition, c’est un avantage qui résulte d’un double fait, à savoir, l’étendue de leur commerce et la limitation de leurs dépenses. Qu’est-ce qui empêche les États-Unis d’établir des taxes directes, l’excise ou tout autre espèce d’impôt connu, en exceptant celui sur l’exportation, si ce n’est l’absence de volonté ou de nécessité à cet égard ?

Les recettes considérables des douanes des États-Unis, prélevées sur la consommation, et qui équivalent presque au double de la dépense courante du pays, en y comprenant l’intérêt, mais en excluant le principal de la dette publique, doivent être attribuées à une cause particulière. La situation des États-Unis, en ce qui concerne le commerce et l’industrie, vous est bien connue. Tant que les guerres d’Europe nous ont donné un débouché pour les produits de la terre, nous avons été essentiellement une nation d’agriculteurs ; les facteurs n’étant qu’une classe insignifiante, quant au nombre, comparativement aux producteurs. Mais quand la paix générale a eu réduit les prix en Europe, nous nous sommes trouvés dans la nécessité de chercher un nouvel emploi de nos facultés. Le pays avait depuis long-temps produit par l’agriculture au-delà de ses besoins, et il y avait nécessité de tourner son attention vers les arts de la vie, ou de ne rien faire. Dans cette situation, deux avis se présentèrent naturellement. Ceux qui vivaient dans les états les plus populeux et fertiles en blés demandèrent protection pour leur industrie, au moyen de droits sur les importations, tandis que ceux qui vivaient dans les états qui possédaient déjà des monopoles, par la nature particulière de leurs produits, protestèrent contre cette mesure, en se fondant sur l’inopportunité et l’illégalité des monopoles en général. Une immense majorité de la nation se prononça en faveur des droits de protection, et le tarif s’est élevé, à différentes époques depuis la paix, dans ce dessein qu’on ne désavoue pas. On en voit le résultat dans le revenu. Cependant le moment approche où la dette sera payée, et probablement les recettes des douanes diminueront, par l’admission de plusieurs articles, tels que le thé, le café, les fruits secs, et même des objets fabriqués qui ne sortent pas de nos manufactures, à des conditions douces, ou même sans aucun droit absolument. Le pays s’occupe sérieusement de cette mesure, car il n’est pas dans la nature de ses institutions d’imposer long-temps des droits qui ne seraient pas suffisamment justifiés. Tant qu’il restait une dette à payer, le revenu devait être toléré ; mais, en réservant la sécurité des manufactures, il sera probablement réduit aussitôt que cette dette aura été payée.

Il y a une autre espèce particulière de revenu qui, bien que d’une médiocre importance en lui-même, équivaut cependant au neuvième de la dépense totale du gouvernement fédéral, la dette exceptée : je veux parler de la vente des terres de l’état. S’opposer à ces ventes serait retarder l’amélioration du pays, et il est très clair que, si elles se font, elles doivent être productives. Ces produits ne sont pas des taxes, quoique je veuille les comprendre dans l’estimation des contributions personnelles, puisque celui qui paie obtient une ferme en retour. À cette somme, il faut en ajouter d’autres provenant de différentes espèces de propriété. Près d’un vingt-cinquième de la dépense courante est comblée par les dividendes de la banque.

En portant votre attention sur les circonstances mentionnées précédemment, vous verrez que ces détails étaient nécessaires à l’intelligence du sujet. Je suis porté à croire que la loi qui accorde une pension à ceux qui ont porté les armes dans la révolution résulte en grande partie de l’excès de recettes sur les dépenses nécessaires, sous l’empire des circonstances que j’ai énumérées.

Il y a d’autres faits également liés à la situation particulière des États-Unis, même relativement à ces dépenses courantes, et qui ont besoin d’être exposés. La malle-poste effectue les transports, et à un taux de poste inconnu en Europe, et dans plusieurs cas gratis[3], dans un pays dont la surface égale celle de la France, des deux péninsules, de l’Allemagne, de l’Autriche et de la Turquie d’Europe, quoique soutenue seulement par la correspondance d’une population égale environ à celle de la Prusse, et chargée littéralement du transport d’un millier de journaux. Une lettre parcourt une distance aussi grande que celle de Naples à Saint-Pétersbourg, pour 26 sols ; un journal, d’un format double de celui d’un journal ordinaire de Paris, pour moins de 2 sous, et cela dans un pays où plusieurs routes sont nécessairement nouvelles, et où le travail est nécessairement cher.

Les États-Unis ont, en effet, trois mille milles de côte atlantique, et presque autant de côtes de lac ; sur la totalité de la première côte, et sur une grande partie des secondes, on est obligé d’entretenir des maisons éclairées, des fanaux, des lumières flottantes, des gardiens, de construire des jetées, et de prendre d’autres précautions nécessaires à la sécurité de la navigation. Toutes ces dépenses, ainsi que les souscriptions destinées à encourager des améliorations d’une utilité nationale, sont portées au budget. Avant d’aller plus loin, vous me permettrez de vous donner l’extrait suivant de la Revue britannique.

« On ne manquera pas, sans doute, de se récrier sur la modération de ce budget, et de le comparer à l’énormité du nôtre. On enviera le bonheur d’une nation étrangère à la diversité de nos perceptions fiscales, et qui ne connaît, pour ainsi dire, qu’un seul genre de recettes, celui des douanes. On calculera qu’alors même que notre armée serait sur le petit pied de paix, notre budget serait encore de près d’un milliard. D’où il résulterait qu’en France la moyenne des charges publiques est de 31 fr. par individu, tandis qu’aux États-Unis elle n’est que de 13 fr. Mais c’est là une pure déception. On ne réfléchit pas que les vingt-quatre états qui composent l’Union américaine ne sont pas des provinces ou des départemens ; mais des états indépendans qui ont chacun leur budget à part comme ils ont leur constitution spéciale. Ainsi donc, pour connaître les dépenses publiques des États-Unis, il est nécessaire d’additionner les budgets spéciaux de chaque état avec le budget fédéral qui ne contient que les dépenses collectives de l’Union. Il faudrait aussi mettre en ligne de compte les dépenses des divers comtés qui ne figurent ni dans le budget fédéral ni dans celui des États. Ajoutons que sur aucune de nos routes il n’est perçu de péage, et que les dépenses, pour leur entretien, sont toutes comprises au budget de l’état. Aux États-Unis, au contraire, un grand nombre de routes sont des routes à barrières sur lesquelles on ne circule qu’en payant. Il faudrait donc aussi cumuler, s’il était connu, le produit de ces péages avec les autres dépenses publiques. Avant de parler des budgets spéciaux, décomposons quelques articles du budget fédéral, et nous verrons que les traitemens qu’il supporte, loin d’être réglés avec économie, sont presque toujours supérieurs à ceux des fonctions analogues en France.

« Les sociétés politiques qui, en Europe se sont récemment reconstituées sur de nouvelles bases, ont toutes jugé indispensable au maintien de leur repos de placer un roi au haut de leur hiérarchie sociale. Elles ont dû en même temps se résigner à supporter une assez forte dépense pour environner d’une splendeur nécessaire la famille investie de l’hérédité du pouvoir suprême. Le génie américain, qui a en quelque sorte l’espace pour exercer son ardeur, ne paraît pas jusqu’à ce jour avoir besoin de cette condition pour ne pas être turbulent et inquiet. Il à des pans de forêts à abattre, des tribus sauvages à dompter, des champs immenses, innombrables à mettre en culture. Aucune dépense analogue à celle que nous nommons liste civile ne figure donc dans le budget fédéral, quoiqu’il y en ait une qui porte le même nom, mais qui désigne des dépenses d’une autre nature. Comme on l’a dit, un roi constitutionnel, dont aucun acte n’est valide sans le contre-seing d’un ministre responsable, règne et ne gouverne pas. Le président des États-Unis, qui gouverne, ne trouve donc d’analogue en France que dans le président du conseil, placé comme lui à la tête des affaires. Son traitement est de 25,000 doll. (132,500 fr.) ; celui du président du conseil, en France, est fixé à 120,000 fr. dans le budget de l’état. Le président des États-Unis a en outre un hôtel magnifique dans Washington, et une maison de plaisance dans le voisinage de cette ville. Toutefois il paraît que son traitement est insuffisant pour couvrir les dépenses auxquelles l’usage l’assujétit. Un de ces usages dispendieux, c’est qu’il donne par semaine, pendant la session, deux grands dîners qui sont loin de se faire remarquer par la simplicité que nous attribuons aux habitudes républicaines. Ces dîners et les autres frais de la représentation du président ont dérangé la fortune de plusieurs de ceux qui ont exercé cette haute magistrature ; M. Jefferson et M. Monroe sont même morts à-peu-près insolvables. »

Ici nous pouvons apprécier le jugement de la Revue britannique. Que les États-Unis aient une double forme de gouvernement, c’est ce qu’on ne peut nier, et ceux qui sont familiarisés avec son action considèrent le fait comme d’une très grande importance pour leur tranquillité et l’amélioration du pays. Je ne puis pas entrer dans l’analyse minutieuse des lois et dépenses des vingt-quatre états. Eussé-je même les informations nécessaires, la tâche dévorerait un mois, et peu de personnes auraient la patience de me suivre dans les détails. Je me bornerai donc à mettre sous vos yeux le résultat général, en essayant de prévenir toute chicane.

Comme remarque générale et directement applicable au sujet, j’observerai d’abord, que la nécessité de maintenir un gouvernement sur une si vaste surface, donne un caractère particulier à la question. Le calcul devrait être fait relativement à la superficie plutôt qu’au nombre, puisque l’organisation est partout complète ; et le maintien de l’ordre, l’administration de la justice, dans un tel système, ne coûteraient pas matériellement plus pour cent millions d’âmes qu’ils ne coûtent aujourd’hui pour moins de quatorze millions. Aucun service n’est double, et conséquemment, dans l’état du pays, aucun ne pourrait être omis sans préjudice pour les habitans. Ainsi, il est nécessaire de conserver trente cours de districts pour une population de quatorze millions, tandis que, si la surface du pays n’excédait pas celle de la France, comparativement au nombre des habitans, trois ou quatre suffiraient. En outre, quoique les États-Unis tiennent sur pied une si petite armée active, ils donnent solde entière aux officiers nécessaires pour avoir à terre ou sur mer une grande armée ou une flotte imposante. Il faut encore ajouter les tributs payés aux Indiens, charge absolument inconnue en Europe, mais qui figure dans le budget américain pour la vingtième partie à-peu-près de ses dépenses ordinaires.

Je suis, vous le savez, citoyen de l’état de New-York. Comme je suis familiarisé avec les intérêts de la communauté à laquelle j’appartiens, et comme cette communauté se trouve être la plus étendue et la plus importante de toutes celles de l’Union américaine, ce sera un excellent exemple pour le sujet que nous traitons. En déterminant la contribution payée par un citoyen de New-York aux gouvernemens de l’Union et de l’État, nous ne serons pas loin de connaître celui de la plupart de ses concitoyens.

Les dépenses ordinaires et extraordinaires de l’état de New-York, ou ce que la Revue britannique affecte d’appeler son budget, quoique pendant les cinq dernières années ce budget n’ait rien eu à faire avec aucune taxe, peuvent s’élever à la somme moyenne de 350,000 dollars. Si je vous donnais les dépenses d’une année quelconque, je pourrais vous tromper ; aussi ai-je essayé d’obtenir une moyenne. Je crois que la somme ci-dessus excède un peu la vérité, mais je désire avoir raison sans la torturer. Les dépenses ordinaires sont habituellement estimées à 300,000 dollars environ, et des besoins particuliers peuvent même quelquefois les élever jusqu’à 400,000. Mais je suis sûr que 350,000 dépassent la dépense des cinq dernières années. La Revue britannique a extrait du Registre annuel de New-York, par Williams, une longue liste de fonctionnaires, et leur salaire, dans l’intention de montrer que les Américains paient plus que les Français pour certains services. Je suis bien aise que ce fait ait été publié, puisqu’il peut aider à relever une erreur très générale. Les gouvernemens américains sont beaucoup moins onéreux que ceux d’Europe, en ce qui concerne les impositions ; c’est ce que savent toutes les personnes familiarisées avec la connaissance de ces deux parties du monde. Jusqu’à présent on s’est habitué à expliquer cette économie par la petitesse des moyens, et cette accusation a été si souvent, si long-temps, si hardiement soutenue, que mille, dix mille personnes, même en Amérique, y ajoutent foi. En fait, le gouvernement des États-Unis, sauf un petit nombre d’exceptions, paie ses employés mieux qu’aucun autre gouvernement de la chrétienté : cependant, considéré par rapport aux résultats, et si l’on tient compte de toutes les circonstances qui peuvent et doivent modifier la question, je crois qu’on trouvera que c’est encore, et de beaucoup, le moins cher de tous les gouvernemens connus. C’est dans ces deux vérités, financièrement parlant, que consiste, selon moi, son excellence. La Revue britannique a raison dans ses citations. Nous payons les sommes qu’elle dit, aux officiers de l’armée et de la marine, aux commis des bureaux, aux juges, aux membres du congrès, et à tous les autres. La conséquence est que ceux qui travaillent sont honnêtement récompensés ; qu’ils sont placés au-dessus de la tentation de mal faire, de recevoir des présens, ou d’abuser autrement de leur situation, pour vivre ; et en même temps que j’admets que l’homme n’est pas parfait en Amérique, pas plus qu’ailleurs, j’ajoute que cette politique produit d’excellens fruits. Mais à quoi sert d’établir les salaires particuliers de certains officiers, si l’on n’ajoute que, malgré leur taux élevé, ils sont tous compris dans le budget ? Le Registre de Williams pour 1831 donne la dépense totale du gouvernement fédéral dans le courant de l’année, et la fixe à 13,228,065 dollars, non compris la dette publique. Ce n’est pas tout-à-fait un dollar par personne dans le pays, et cependant, vous le voyez, nous trouvons moyen de donner à Walter Lowrie (secrétaire du sénat) 15,900 francs de salaire ! La même chose est vraie relativement à l’état de New-York. Les salaires mentionnés par la Revue britannique sont compris dans le budget de 350,000 dollars, jusqu’aux salaires des législateurs eux-mêmes. Comme le service n’est pas seulement fait, mais en général bien fait, il doit y avoir quelque principe important qui concilie cette contradiction apparente.

Mais, il est temps de vous donner quelques calculs de ma façon. Je les ai faits pour l’année courante et d’après l’autorité du Registre de Williams, soumis lui-même à la chance de quelques estimations additionnelles, comme je l’expliquerai.


Dollars
Dépenses ordinaires et extraordinaires du gouvernement fédéral 
13,228,065
Intérêt de la dette 
1,500,000
Population le 1er juill. 1831, 13,250,000 
 )
14,728,065

Le quotient est exprimé en cents.

Dollars
Dépenses ordinaires et extraordinaires du gouvernement fédéral 
13,228,065
Dette, principal et intérêt, en vertu d’une loi 
10,000,000
Populat. 13,250,000 
 )
23.228.065

Le quotient est exprimé en cents.

Un cent, vous le savez, est la centième partie d’un dollar, ou, comparé au sou, comme 100 est à 93. j’ai omis tous les chiffres qui n’étaient pas absolument nécessaires pour les demandes et les réponses.

Comme la quotité de la population et l’estimation de la dépense sont presque équivalentes, nous supposerons que chaque habitant paie un dollar, cette année, pour les dépenses ordinaires et extraordinaires du gouvernement fédéral, non compris la dette. Ainsi nous aurons :

CONTRIBUTION DE CHAQUE HABITANT POUR LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL EN 1831.
Dépenses ordinaires et extraordinaires, comprenant le principal et l’intérêt de la dette 
 175 1/3 cents, ou 9 fr. 9 s.
Dépenses ordinaires et extraordinaires, sans le principal, mais avec l’intérêt de la dette 
 111 1/6 cents, ou 6 fr.
Dépenses ordinaires et extraordinaires, la dette exceptée
 
 100 cents, ou 5 fr. 7 s.

Dans ces calculs, je donne la différence fractionnelle du cent et du sou, différence en faveur du sou. Nous allons maintenant tourner notre attention sur la dépense de l’état.

Dépenses ordinaires et extraordinaires de New-York, pour 1831
 
 350,000 dollars.
Population de l’état, 1erjuillet 1831 :
 
 2,000,000 ) 350,000,00 ( 17 1/2 valeur en cents, ou 19 s.

Nous aurons alors ce qui suit :

CONTRIBUTION D’UN CITOYEN DE NEW-YORK, PAYÉE À L’ÉTAT ET AU BUDGET DE L’UNION.
À l’Union, y compris l’intérêt et le principal de la dette 
9 fr. 9 s.
À l’état 
19 s.
10 fr. 8 s.
À l’Union, y compris l’intérêt de la dette 
6 fr.
À l’état 
19 s.
6 fr. 19 s.

À l’Union, la dette exceptée 
5 fr. 7 s.
À l’état 
19 s.
6 fr. 6 s.


Je ne prétends pas dire que ces résultats sont à l’abri de toute critique, car je n’ai pas le moyen d’atteindre à cette exactitude littérale. Mais pour tous les besoins d’un calcul général, ils sont aussi près de la vérité qu’on peut l’exiger. Mon estimation de la quotité de la population est faite d’après des principes connus. L’Union a gagné 3,218,366 âmes de juillet 1820 à juillet 1830, c’est-à-dire annuellement un peu plus de 320,000 âmes. Il est très évident que l’accroissement dans un pays nouveau comme l’Amérique est proportionnel à la population primitive et il est probable que, tandis que le chiffre d’accroissement était inférieur à 320,000 âmes dans les premières dix années, ce même chiffre était d’autant supérieur dans les dernières. En mettant l’accroissement annuel aujourd’hui à 400,000, je ne crois pas sortir des bornes de la vérité. Le recensement réel de juillet 1830 était de

12,856,497
Ajoutez 400,000
Ce qui donne 13,256,497
pour la population des États-Unis en juillet 1831.

Mes calculs sont faits sur une population moindre de 6,497. En ce qui concerne New-York, il y eut un recensement de l’état en 1825. Le résultat fut de 1,616,458. Le recensement de 1830 donna à New-York une population de 1,913,503.

1,913,503
1,616,458
297,045 , accroissement de cinq années.

C’est un accroissement annuel de 59,409. D’après le même principe, nous pouvons supposer que l’augmentation annuelle de la population de l’état suffirait pour nous donner 2,000,000 en juillet 1831.

Le rédacteur de la Revue britannique donne pour l’état de New-York un budget très différent du mien, quoiqu’il cite la même autorité. Il s’est évidemment trompé. Il a pris les comptes généraux de l’état pour sa dépense. L’état a plusieurs fonds, qui sont réellement sa propriété ; il a une ressource spéciale, un fonds qui suffit presque à la moitié de ses besoins. Il y a environ dix ans, l’état commença une grande entreprise, qui, bien que suivie d’immenses avantages politiques et sociaux présentait le caractère d’une spéculation d’argent. On traça le plan d’un système de canalisation, qui depuis a été réalisé. On emprunta de l’argent sur la foi de l’état, en donnant des sécurités particulière, telles que les revenus des sources salées, les droits d’enchère, et les recettes prélevées sur les canaux eux-mêmes. Sans ces gages donnés sur sa propriété, New-York n’aurait besoin d’imposer aucune taxe ni droit pour soutenir son gouvernement. Toutefois il n’y a eu aucune taxe à cet effet depuis 1826, à moins qu’on n’en ait établi une l’hiver dernier ; car le reste de la propriété suffisait pour faire face à la plupart des besoins de l’état.

La dernière taxe directe, avant que je ne quittasse l’état, fut établie au taux d’un demi-millième de dollar. Vous savez que l’évaluation d’une propriété pour l’assiette d’un impôt chez nous se fait toujours pour une vente forcée, ce qui réellement réduit l’impôt de près de moitié. L’impôt de l’état, étant fixé au taux de deux-millième de dollar, ne pouvait certainement pas être de plus d’un trois-millième, eu égard à la valeur réelle de la propriété, si même il atteignait si haut. En calculant la quotité des impôts de l’état de New-York pour les dix dernières années, pendant lesquelles il y a eu des impôts d’un millième, d’un demi-millième, puis pas d’impôt du tout, je suis porté à penser que le citoyen n’a pas réellement payé annuellement plus de la dix-millième partie de sa propriété à cet effet.

Quant aux entreprises que j’ai mentionnées, elles ont très bien réussi, et si bien que, lorsque les conditions de l’emprunt permettront de rembourser la dette des canaux, New-York tirera de ses canaux seuls un revenu qui excèdera quatre fois ses dépenses ordinaires. En outre, elle pourra de nouveau disposer de ses rentes sur les sources salées, c’est-à-dire qu’elle aura en propriété un revenu cinq fois égal à celui nécessaire pour l’entretien du gouvernement de l’état.

Mais la Revue britannique fait grand bruit des charges du comté, de l’entretien du clergé, de la perte de temps par le service de la milice, des péages des routes à tourniquets. On ne peut que donner une idée générale de ces sortes de dépenses, puisque aucune localité n’est précisément soumise aux mêmes charges qu’une autre. La plupart de nos charges locales sont comme celles qu’on paie dans d’autres pays, bien que quelques-unes ne soient certainement pas de la même nature. Les exceptions pour ou contre nous se balancent. Ainsi nous n’avons pas d’octrois en Amérique. Il n’y a pas un officier salarié qui ne soit porté sur le budget ou sur la liste civile de l’état, excepté dans les cités et dans les grandes villes, et tous les salaires exceptés ne sont qu’une bagatelle. Les juges de comté ne sont pas payés, ou ne touchent que de très faibles gratifications. Les shérifs, les clercs, les coroners, les juges de paix, et autres fonctionnaires de même sorte, ne sont payés qu’en gratifications, selon les emplois qu’ils remplissent. Je crois que la même chose se pratique chez la plupart des nations, et probablement nos gratification sont inférieures à celles usitées dans d’autres pays.

Le service de la milice est infiniment moins pénible qu’en France. La Revue britannique n’a nulle part commis d’aussi graves erreurs que dans ce qu’elle dit du service de la milice. Comme chaque état règle sa propre milice, en se conformant à quelques exigences générales, je ne puis pas entrer dans le détail des lois relatives à ce sujet. À New-York, le service ne comprend pas même la moitié du temps (cinq jours) mentionné par la Revue britannique, et la valeur du temps n’égale pas à beaucoup près le prix qu’elle y met. Elle a probablement pris quelques exceptions pour la règle. Si l’Américain pouvait demander pour son temps autant que le suppose la Revue britannique, alors les 13,500,000 habitans de l’Amérique pourraient payer plus que les 32,000,000 de la France ; or il est certain que le temps n’a pas le tiers de la valeur qu’elle lui attribue en France. Mais le rédacteur est entièrement dans l’erreur. Il faut une milice mieux disciplinée dans les cités qu’à la campagne, pour les besoins de la police, surtout à New-York, où il y a toujours un grand nombre d’étrangers, et pour faire face à tous les accidens qui pourraient survenir du dehors. Dans ce dessein, on a formé des corps qui sont appelés à la parade, je crois, pendant la durée du temps mentionné par la Revue britannique, ou plutôt à cinq jours différens dans l’année ; cependant la plupart de ces jours ne sont que des demi-journées. Ces corps sont obligés de s’équiper eux-mêmes, et de plus sont soumis à un service beaucoup plus onéreux que celui du reste de leurs frères, quoique cependant leur service soit bien léger, comparé à celui de la garde nationale de France. Ils ne montent aucune garde, et ne font aucun service ordinaire quel qu’il soit. Hors des garnisons, des vaisseaux de guerre, des prisons, il n’y a pas dans tout l’état de New-York quelque chose qui ressemble à une sentinelle. Ces corps uniformes sont composés de volontaires ; aucun homme n’est obligé d’y entrer, et ceux qui y entrent, outre qu’ils satisfont leur orgueil militaire, ce qui est habituellement leur motif déterminant, après un service de quelques années, sont, comme cela arrive pour les autres exemptions, déchargés pour le reste de leur vie, excepté dans les cas d’invasion ou d’insurrection, de tout service dans la milice. Le milicien ordinaire ne va à la parade, à ma connaissance, que deux jours de l’année, et il n’est obligé de s’équiper de quoi que ce soit. Il est vrai qu’il doit paraître armé ; mais dans un pays comme l’Amérique, ce n’est pas une grande charge, et rien n’est plus commun que de voir un homme, trop pauvre pour conserver des armes, en emprunter à celui qui en a plus qu’il ne lui en faut. Les armes ne sont exigées que pour l’exercice, et le gouvernement fournit tout ce qui est nécessaire au service réel. Il y a des arsenaux appartenant à l’état et aux États-Unis, dans différentes parties du pays, et l’argent nécessaire pour les construire et les remplir figure dans nos deux budgets. L’état de New-York à lui seul possède un train de 320 pièces de canon, et 11 arsenaux. La Revue britannique se trompe lorsqu’elle dit que le milicien n’est pas payé par le gouvernement pendant son service actif. Non-seulement il est payé, mais il l’est beaucoup mieux qu’aucun soldat du monde. Le grand principe du gouvernement, qui est de ne rien donner à une vaine pompe ou à l’oisiveté, mais de payer justement l’homme qui rend des services réels à son pays, est aussi bien pratiqué dans ce cas-ci que lorsqu’il nous fait donner 15,900 fr. à Walter Lowrie, secrétaire du sénat. Le soldat des États-Unis, outre qu’il est bien vêtu, bien nourri, est pourvu de tout, reçoit 5 dollars par mois, c’est-à-dire, près de 18 sous par jour. Aussitôt qu’un milicien est appelé sur le champ de bataille il devient soldat, il est armé, nourri et payé comme un soldat[4], l’intention de la loi étant de donner à celui qui sert, la compensation des travaux d’agriculture, ou de le mettre à même d’obtenir un remplaçant à des conditions raisonnables. Sans cette circonstance, la dette des États-Unis serait depuis long-temps éteinte, et nous n’en trouverions plus maintenant aucune trace dans le budget. Comme il n’y a rien de particulier dans la milice américaine, si ce n’est la légèreté du service, il est inutile d’en dire davantage.

Il est certain que l’état ne contribue en rien à soutenir la religion à New-York, ou du moins il ne la soutient pas dans le sens ordinaire qu’on donne à ce mot. Les salaires du clergé dérivent de deux sources : les revenus de propriétés appartenant à certaines corporations ecclésiastiques, et les contributions volontaires. La plupart des hauts salaires (je veux parler de ceux qui s’élèvent de 1,500 à 4,000 dollars, et ils sont en très petit nombre) proviennent ou d’une propriété, ou de la location des bancs fermés dans les églises, tandis que les salaires moins élevés dérivent de souscriptions directes. Selon Williams, il y avait 1382 prêtres établis à New-York en 1830. Nous dépasserons probablement la vérité en chargeant le peuple d’un impôt de 400 dollars pour le soutien de chaque prêtre. Sur la totalité, près de 400 sont méthodistes, et reçoivent, à ce que j’ai su, 100 dollars seulement chacun. Les mieux payés sont dotés. Les baptistes reçoivent rarement un salaire au-dessus de 300 dollars, et 600 dollars sont regardés comme un salaire respectable dans un village de quelque étendue. Je me rappelle que le principal prêtre de Cooperstown, qui est une ville de comté, recevait 600 dollars. Cet argent provenait uniquement du revenu des bancs fermés. En un mot, je crois qu’en accordant une moyenne de 400 dollars, comme venant du peuple, je vais trop loin. Voici le calcul :

1,382
400
552,800 dollars.

Nous chargerons donc la nation d’un impôt de 552,800 dollars, pour le soutien du clergé. Les enterremens n’entraînent aucuns frais : les prières pour les vivans ou les morts (vous savez que les protestans ne prient jamais pour les derniers) sont gratuites, ainsi que les baptêmes : on ne paie rien pour le mariage. Le prêtre qui refuserait de remplir gratuitement une de ces fonctions pour un paroissien serait en grand danger de perdre sa place. Il est d’usage de faire un cadeau pour un mariage, mais c’est absolument volontaire. Un très petit nombre de gens riches font aussi un présent au baptême ; mais le plus grand nombre des Américains regardent une donation à l’occasion d’un baptême avec une religieuse horreur. Il leur semble que c’est acheter le ciel. Aux funérailles dans les villes, un petit nombre de familles donnent des gants et une écharpe au prêtre, ainsi qu’aux médecins et aux porteurs du drap mortuaire ; mais loin de payer un prêtre pour accomplir le devoir funèbre, cet usage excite une vive aversion, même chez moi, accoutumé comme je le suis aux autres pays. En un mot, un prêtre est considéré comme un ministre de Dieu, et on le paie pour qu’il puisse vivre ; mais personne ne pense que celui qui ne paie pas n’ait pas autant de droit à son ministère que celui qui paie. Vous verrez que ces faits ont une haute portée dans la discussion qui nous occupe.

L’entretien des pauvres est une des charges locales les plus sérieuses. Il est très vrai que la France échappe à cette charge, légalement imposée ; mais les pauvres existent. À New-York, les pauvres consistent en étrangers jetés sur nos côtes ignorans du pays, et ne voulant ou ne pouvant pas travailler ; en orphelins demeurés sans moyens d’existence ; en veuves chargées d’une nombreuse famille ; en malades, en infirmes et en vicieux. La dernière classe n’est pas nombreuse. Le nombre entier des pauvres stationnaires, pour tout l’état, est fixé par Williams à 5,790. À ceux-ci il ajoute des pauvres d’occasion, qui traversent l’état, ou ceux qui demandent un secours momentané, et il les évalue à 12,348. Il donne la totalité de la dépense annuelle pour les pauvres de l’état, et la fait monter à 246,752 dollars. Il y a, vous le voyez, moins d’un pauvre pour cent habitans, quoique New-York ait plus que sa part de pauvres étrangers.

L’entretien des écoles publiques est une autre charge importante, ou plutôt c’est la plus lourde de toutes. 497,503 enfans ont été instruits dans les écoles de New-York durant l’année 1830. 580,520 dollars ont été payés pour les honoraires des professeurs ; car, vu la disproportion de la population et de la surface, il n’y a pas moins de 9,062 écoles publiques pour une population de 1,913,503. Outre le nombre que j’ai énoncé, il y avait assez d’enfans dans les écoles privées pour faire un total de 550,000. Il est certain que près de 1,3 50/100 de la population de New-York est aujourd’hui dans les écoles. Les professeurs des écoles publiques, à elles seules, reçoivent cinquante pour cent de plus en honoraires que toute organisation du gouvernement de l’état ne coûte, en y comprenant les salaires du gouverneur, des juges, des législateurs, des secrétaires, etc.

Quant à ce que la Revue britannique dit des routes, je ne le trouve pas juste. Les routes à barrières ne sont qu’une petite portion des routes, et sont de la même nature que toute autre amélioration liée au progrès de la société. Si l’on établissait une balance entre les routes de New-York et toutes les routes de France, je suis persuadé que l’avantage serait en faveur des premières, même pour les résultats pécuniaires. Il n’y a rien qui subisse des modifications aussi sûres et aussi promptes dans un pays nouveau qu’une route. La plupart des routes à barrières de New-York ont été établies par de grands propriétaires pour ouvrir des communications avec leurs biens, et il y en a très peu qui donnent l’intérêt légal. Les canaux, les rivières, les routes à rainures, les autres améliorations, les déprécient. Quant aux routes de campagne, qui sont nombreuses, elles sont entretenues comme ailleurs par des contributions locales. La Pennsylvanie, citée par la Revue britannique, est précisément l’état où les barrières sont les plus nombreuses, les plus vieilles et les plus lucratives ; mais les canaux et les chemins de fer les déprécient tous les jours. Une route à barrières est comme un pont à péage, un établissement conçu dans l’intérêt réciproque du capitaliste et de la société. La France a plusieurs ponts de cette nature. Il y en a trois qui servent de communication à deux quartiers de Paris, et l’on en construit un quatrième.

Ici les charges particulières au citoyen de New-York, distinctes de celles du Français, cessent, et les autres charges locales sont communes à tous les peuples civilisés. La supposition faite par la Revue britannique que ces charges locales excèdent celles de la France, ne me paraît pas juste ; au contraire, à en juger par mon expérience personnelle des deux pays, je les crois matériellement inférieures. Que le citoyen de New-York consacre annuellement plus d’argent aux améliorations que le citoyen de France, c’est ce qui est probable ; mais c’est une conséquence d’une nécessité plus impérieuse, et peut-être d’une plus grande richesse.

Récapitulons maintenant et additionnons :

Dollars.
Budget de New-York 
350,000
Frais du clergé 
552,800
Salaires des maîtres d’école 
580,520
Pauvres 
246,752
1,730,072

Population2,000,000 ) 1,730,072,00 ( 86 ½

le quotient étant exprimé en cents,ou 4 fr. 12 s.

Nous pouvons maintenant donner un résultat plus général. Le citoyen de New-York paie aux budgets de l’Union et de l’État, et pour différens objets d’un intérêt général, ce qui suit :

Au gouvernement de l’Union, y compris l’intérêt et le principal de la dette 
9 fr. 9 s.
Au budget de l’état, dépense des écoles publiques, du clergé et des pauvres 
4 fr. 12 s.
14 fr. 1 s.


Ainsi, pour environ 14 francs par tête, les citoyens de New-York ont le bénéfice du gouvernement de l’Union et de l’état, paient annuellement un quart de leur dette nationale, soutiennent le clergé, soulagent les pauvres et ont la faculté d’envoyer leurs enfans à l’école. Dans ces calculs, je n’ai pas compris les frais de perception. Je n’ai aucun moyen positif d’en connaître la quotité, qui probablement augmenterait de quelques sous la contribution personnelle d’un citoyen de New-York ; mais comme j’ai assimilé à des impôts des sommes provenant d’établissemens qui sont des propriétés réelles, en fait, je suis persuadé que, par cette raison, et aussi à cause de la libéralité de mes calculs, le citoyen de New-York jouit de tous ces avantages pour une somme réellement moindre que celle que j’ai énoncée, même en y comprenant les frais de perception. Je répète, comme un principe, que les autres charges locales sont les mêmes que celles connues ailleurs, qu’elles varient selon les circonstances, et qu’elles sont en général moindres qu’en Europe. La Revue britannique dit : « Les fonctions de maire ne sont pas, comme en France, toujours gratuites. Le traitement du maire de New-York figure au budget de cette ville pour une somme de 5,000 dollars (26,500 fr.). » Il n’y a en Amérique rien qui ressemble à un maire français. Le chef de la police dans chaque cité (aucune ville ne prend le nom de cité en Amérique, sans avoir une charte spéciale) s’appelle mayor, et reçoit un salaire. Ces salaires sont généralement très minimes. Celui de New-York, à coup sûr la plus grande ville de l’Union, n’a pas 5,000, mais 3,000 dollars. Ceux des autres cités de l’état sont à peine rétribués. Il n’y a que cinq cités dans l’état, et par conséquent il n’y a que cinq mayors, et tous leurs salaires réunis ne dépassent pas la somme attribuée par la Revue britannique au mayor de New-York.

Toutes les comparaisons qu’on peut établir entre les impositions de cette nature, pour en apprécier le caractère plus ou moins onéreux, sont nécessairement relatives. Il y a telle communauté qui paie plus facilement qu’une autre les charges publiques, et après l’acquittement de l’impôt, il y a tel pays où les institutions assurent à l’argent un meilleur emploi que dans un autre.

Permettez-moi maintenant de porter votre attention vers l’extrait que j’ai fait de la Revue britannique. Le rédacteur paraît croire que, lorsque la population des États-Unis sera devenue aussi serrée qu’en France, les citoyens seront obligés de supporter une liste civile très différente de celle qui est maintenant portée sur leur budget. Cette idée a long-temps prévalu chez les publicistes d’Europe. Quant à moi, je pense que cent millions d’hommes seront plus capables de défendre leurs libertés et conséquemment leurs droits naturels que treize millions. Qu’une nation comprenne profondément ses privilèges, et il ne sera pas facile de l’en priver. L’expérience montre qu’il n’y a aucune règle absolue à ce sujet. La Belgique, le pays le plus populeux d’Europe a maintenant la constitution la plus libérale qui existe, la Suisse exceptée ; et les cantons de Zurich, d’Argovie, et en partie de Saint-Gall, sont au nombre des portions les plus populeuses de la chrétienté. La Hollande, lorsqu’elle était république, était extrêmement peuplée, et l’Espagne aujourd’hui n’a pas une population aussi serrée que la plupart des états américains. En un mot, il est à peine possible d’imaginer dans un gouvernement paternel un état de choses tel que la masse ne soit pas intéressée à maintenir l’ordre. Tous les argumens tirés des excès d’une population européenne, qui se trouve tout-à-coup souveraine, ne me paraissent pas mériter d’être pris en considération. Si la réaction produite par la révolution de 1830 n’a pas été si violente que celle de 1789, c’est tout simplement parce que les abus à réformer étaient moindres, et on ne devrait pas oublier que la constitution américaine est déjà tout entière dans l’intérêt de la nation. S’il y a la moindre déception à cet égard, c’est le résultat d’une erreur et non d’une volonté réfléchie.

Il n’y a aucune extravagance à supposer qu’en 1861 la population de New-York sera de 4,000,000, ce qui donnera proportionnellement une population presque égale à celle de la France. Mais je crois qu’on ne peut sans extravagance prévoir une liste civile onéreuse. Quant aux forêts à abattre, et à l’espace que nous possédons, si le rédacteur croit que ces deux circonstances ont une si grande influence sur notre économie, il doit bien se réjouir de l’acquisition d’Alger, puisqu’il est à coup sûr plus facile de passer le bras de mer qui sépare cette colonie de la France, que de traverser un désert, pour profiter de ces avantages.

Le rédacteur s’est trompé sur plusieurs faits, comme vous avez eu probablement occasion de l’observer. C’est presque perdre notre temps que de dire comment ces faits, qu’il y ajoute foi ou non, sont interprétés. De quelle importance est-il pour la question d’économie que le président ait dix maisons de campagne ou une, ou pas du tout (comme cela est véritablement), quand le budget donne la somme totale de la dépense ? Je ne pense pas qu’aucun président des États-Unis ait jamais perdu un dollar dans l’exercice de ses fonctions, et il est très probable que si l’un d’eux avait exclusivement tourné son attention vers l’accumulation de l’argent, il se serait enrichi. On peut juger la teneur de l’article entier par les deux conclusions qui terminent l’extrait.

« Ces dîners et les autres frais de la représentation du président ont dérangé la fortune de plusieurs de ceux qui ont exercé cette haute magistrature. M. Jefferson et M. Monroe sont même morts à-peu-près insolvables. »

Nous avons eu sept présidens, Washington est mort riche, Adams dans l’aisance ; M. Madison est connu pour jouir d’une belle fortune ; M. Quincy Adams est dans le même cas ; le général Jackson passe aussi pour riche. Ainsi l’expression : « plusieurs de ceux » se réduit littéralement aux deux présidens nommés. Les embarras de M. Monroe et de M. Jefferson ne sont pas généralement attribués à l’exercice de la présidence. Tous deux, pendant une absence prolongée hors de leur pays, avaient probablement négligé leurs affaires. Je n’ai pas la moindre idée qu’un président ait jamais dépensé au-delà de son salaire pendant le cours de ses fonctions, et je ne pense pas qu’il soit du tout nécessaire qu’il dépense la totalité.

La Revue britannique pense qu’il n’y a aucune analogie entre le président des États-Unis et un roi ; elle le compare plus volontiers à un président du conseil. À la vérité M. Andrew Jackson n’est pas roi, il n’y a pas un fait plus certain que celui-là. Je suis également sûr qu’il ne deviendra jamais roi. Mais l’objection posée par la Revue est-elle bien juste ? Les Américains ne croient pas à la doctrine des pouvoirs séparés dans un gouvernement. Leur théorie dit que des forces opposées possédant une égale puissance ne peuvent pas coexister au sein d’une même communauté. Ils admettent qu’une société civilisée a plusieurs sortes d’intérêts majeurs, avec une infinité de nuances destinées à les réunir, à moins qu’ils ne soient séparés artificiellement ; et ils soutiennent que le moyen le plus sûr d’empêcher la prédominance illégitime de l’un quelconque de ces intérêts est de remettre le pouvoir aux mains de tous, avec la certitude que les parties respectives feront, de bon accord, des combinaisons telles que l’harmonie nécessaire sera conservée.

Ils disent que ce qu’on appelle l’équilibre des pouvoirs ou des trois formes de la souveraineté devient dans la pratique tout au plus un système d’obstacles, et ils ne croient pas à l’opportunité de faire indirectement ce qui peut être fait directement et mieux. Avec ces idées politiques, ils ont cherché à donner à leur gouvernement un ensemble sans lequel, à ce qu’ils croient, il ne peut y avoir aucune paix intérieure. Ils disent que les gouvernemens ont trois formes, la monarchie, l’aristocratie et la démocratie, et que ces formes comme les intérêts de la société elle-même, admettent un millier de gradations. La monarchie est un gouvernement où prédomine l’autorité d’un seul ; l’aristocratie, celui où une minorité exerce la puissance ; et la démocratie enfin prend la majorité pour volonté déterminante. Quant à supposer que la monarchie, l’aristocratie et la démocratie puissent coexister avec une puissance égale, ou avec quoi que ce soit qui ressemble à une puissance égale en dernière analyse, paisiblement et au sein de la même communauté, ils croient que c’est une chimère. Il est facile d’avoir les noms de ces trois formes ; mais ils pensent qu’en réalité ils se détruiraient mutuellement. Ils ont préféré une démocratie, parce que tel était véritablement le gouvernement fondé par leurs pères. Ils ont opposé plusieurs obstacles à la précipitation ou à la corruption de la législature ; ils ont imaginé des moyens pour empêcher ceux qui sont chargés de l’exécution des lois, de prétendre les faire. Leurs institutions sont pleines d’obstacles ; mais ils ont évité la balance des pouvoirs, comme un moyen certain de multiplier des contestations dangereuses. Dans toutes les circonstances, ils ont pris le peuple comme arbitre en dernier ressort. Ils ont créé un président, auquel ils ont confié le commandement de leurs armées et de leurs flottes, l’exécution des lois, et en même temps la faculté de s’opposer à la volonté législative, selon les conseils de son expérience et de sa sagacité. Mais ils l’ont placé lui et sa magistrature également à la disposition du peuple. Le président des États-Unis peut user, et a récemment usé de son veto ; car personne n’est jaloux de son application. Mais il y a bien long-temps qu’un roi d’Angleterre n’a osé exercer sa prérogative, car la conséquence inévitable serait un changement de ministère, ce qui équivaut quelquefois à un changement de roi. Les Américains peuvent réélire M. Jackson à la présidence, l’automne prochain, si cela leur plaît ; et avant l’automne prochain, ils peuvent constitutionnellement détruire entièrement sa magistrature. Ils ont des sénateurs, des représentans, des juges, pour faire aller la machine du gouvernement ; mais tous ces pouvoirs délégués sont à la disposition de la nation, en tant qu’elle représente les intérêts assemblés. Il en résulte définitivement la plus tranquille communauté que j’aie jamais visitée. Il est d’usage de dire que l’Amérique fait maintenant une grande expérience politique. Si le sentiment ordinaire de l’Europe à l’égard de la nouveauté de notre démocratie est vrai, l’Amérique fait maintenant deux grandes expériences à-la-fois, celle de la démocratie elle-même dans de grandes communautés, et celle de la réunion intime de plusieurs communautés en une seule. Si l’Union américaine devait se dissoudre demain, cela ne prouverait rien contre la démocratie, car la révolution de 1776 a suffisamment montré qu’une aristocratie ne pourrait pas conserver un pays si étendu, et celles du Mexique et de l’Amérique du sud ont prouvé qu’une monarchie est également insuffisante. Mais la démocratie n’est pas une expérience en Amérique ; elle a réellement passé par une épreuve de deux siècles. N’ayant aucune foi dans la doctrine des trois pouvoirs, les Américains n’ont cependant pas reconnu la nécessité de se priver d’un agent aussi utile qu’un officier exécutif. Ils ont donc créé un président, en prenant soin qu’il fît peu de mal. Il est responsable, il est vrai, comme le président du conseil ; mais chaque huissier de la chambre des députés est aussi responsable que le président du conseil. La vraie manière de considérer cette partie de la question, c’est de se demander qui est chargé de soutenir l’état officiel des deux pays, qui reçoit les ministres étrangers, qui représente la dignité de chaque nation, autant qu’on le juge nécessaire, au moyen du cérémonial et de la dépense. En Amérique, ce devoir est, par la constitution, expressément attribué au président. Il serait aisé de montrer la différence très réelle qui existe entre le président du conseil et le président des États-Unis sur des points plus matériels ; mais, comme la question présente est seulement une question de dépenses, il suffit de savoir qu’il n’y a aucun état officiel, aucune cérémonie en Amérique qui ne rentre dans les devoirs légaux du dernier fonctionnaire.

Votre lettre m’a trouvé sérieusement occupé d’un travail qui ne s’accorde guère avec les calculs arides de cette discussion, et il est très probable que, pour faire droit à une requête si soudaine, mes facultés ont été insuffisantes. Mes calculs, je le répète, ne sont pas d’une exactitude littérale ; mais j’ai pris soin de me tenir plutôt en deçà qu’au delà de la vérité. Je ne crois pas que les salaires du clergé, dans l’état de New-York, reçus directement des congrégations, s’élèvent à 400 dollars, quoique les salaires eux-mêmes égalent peut-être cette somme. L’usage de payer le clergé sur les revenus des bancs est très général, et, le plus souvent, remplit l’objet qu’on se propose. Une centaine de bancs à 5 dollars forment un salaire de campagne très raisonnable. Chaque banc peut contenir six places. Ceci donnerait 12 cents par jour, au prix des chaises dans une église de France, c’est-à-dire tous les ans beaucoup plus que le prix du banc, sans compter les fêtes extraordinaires. Vous verrez, général, par cette simple explication, la difficulté de comprendre tous les détails des habitudes et des opinions d’une nation étrangère, et le danger d’écrire sur ce sujet sans l’avoir personnellement étudié de près.

Pour être juste, je dois ajouter que les calculs de la Revue britannique sont faits sur les chiffres de 1829 (quoique ces chiffres eux-mêmes soient quelquefois inexacts, comme pour la population), tandis que les miens sont faits sur les chiffres de l’année courante. Je m’en serais tenu à l’année 1829 si je l’avais pu ; mais je ne le pouvais pas, et je me trouvais posséder le Registre de Williams pour 1831.

Dans un très petit nombre d’années, la dette des États-Unis sera payée, et New-York rentrera en possession de tous les fonds mis dans ses canaux. L’état pourra faire face à toutes ses dépenses ordinaires et extraordinaires, entretenir des écoles publiques, et distribuer au peuple assez d’argent pour payer son clergé, sans toucher à autre chose qu’à sa propriété. Il n’est aucunement probable qu’on suive une marche pareille, surtout à l’égard du clergé ; mais, si cela était, le citoyen de New-York jouirait de tous les avantages que j’ai mentionnés, en échange d’une contribution de moins de 5 francs. Il n’y a qu’un abus insensé de ses avantages présens qui puisse empêcher New-York de posséder bientôt un revenu très supérieur à ses besoins, sans avoir à payer aucune taxe. Ce résultat doit se réaliser avant l’année 1840. À cette époque, la population des États-Unis dépassera probablement 17,000,000, et comme les pensionnaires de la révolution seront nécessairement morts, et que les ventes de terre doivent se multiplier en proportion de la population, tout porte à croire que la contribution réelle sera réduite à 2 ou 3 francs par tête, à moins que des améliorations qui promettraient un immense bénéfice, ne décident la nation à l’adoption d’un système qui entraînerait une dépense immédiate. Les États-Unis possèdent 7,000,000 de dollars en actions de banque, ce qui donne un intérêt de 490,000 dollars. Si une bonne administration produisait un revenu supérieur aux besoins, après l’acquittement de la dette, l’excédant pourrait être appliqué au même emploi. Il n’y a rien de visionnaire à supposer, dans de telles circonstances, avec l’accroissement de la population et de la richesse publique, que dans vingt ans on pourrait avoir un fonds dont le revenu, réuni à la vente des terres, pourrait faire face à toutes les dépenses de la nation. Alors le citoyen de New-York ne sera plus forcé de rien payer pour le gouvernement, si ce n’est les charges de ville. Déjà même plusieurs de ces charges de ville sont payées par des fonds locaux. Il a aussi des fonds pour la plupart des grandes charges du gouvernement à New-York. Le fonds général est pour les charges générales telles que la liste civile, etc. ; le fonds des écoles est pour les écoles publiques, et le fonds des canaux, engagé maintenant pour payer la dette des canaux, produit un excédant de près d’un million, au-delà de l’intérêt et des charges. Mais à l’exception du fonds des canaux, qui est un accident pécuniaire, et qui n’appartient pas proprement au gouvernement, j’ai, dans les calculs précédens, mis à la charge du citoyen les sommes mêmes qui proviennent annuellement de ces fonds. Ainsi le fonds des écoles donne un intérêt de plus de 100,000 dollars, le fonds général qui doit faire face aux dépenses ordinaires, et aux fondations spéciales, donne aussi un revenu de plus de 100,000 dollars. La dernière de ces sommes doit être défalquée des 350,000 dollars du budget, et la première, des 580,520 dollars comptés à la charge du citoyen pour l’entretien des écoles publiques. Mais j’ai traité ce sujet comme une question dont l’objet était de connaître le montant de la dépense, plutôt que les sources d’où l’argent provenait, quoiqu’on ne doive pas oublier que ce qui est libéralité dans un homme riche, serait prodigalité dans un pauvre.

Dans tous ces calculs, j’ai supposé que les États-Unis consacrent annuellement à l’acquittement de l’intérêt et du principal de la dette, 10,000,000 de dollars ; mais il est à ma connaissance que, la dernière ou les deux dernières années, vu l’excédant du revenu, on a employé à cette destination une somme plus considérable. Une lettre d’un correspondant d’Amérique, bien informé, à la date du 21 octobre 1831, contient ce paragraphe : « Nous allons ici aussi bien que vous pouvez le désirer. Tout le monde prospère, et notre seule crainte est que bientôt nous n’aurons plus de dette nationale. Au 1er janvier, le gouvernement aura en sa possession assez de billets et d’actions pour payer jusqu’au dernier dollar de la dette, et la banque n’aimerait rien tant que de décompter le tout, et de nous mettre à même de dire que nous ne devons rien. C’est là un terrible tableau pour ceux qui s’inquiètent d’un nouveau tarif. Nous avons eu une assemblée pour la liberté du commerce, et nous en aurons une autre la semaine prochaine pour le maintien du tarif. Entre ces deux avis, je suis porté à croire que nous nous arrêterons au vrai principe, à la réduction graduelle du tarif, jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’un moyen de nous procurer un revenu suffisant pour nos besoins. Ces besoins sont limités, et seront satisfaits avec 12,000,000 (dollars), tandis que le revenu de cette année sera de 30,000,000 ! »

Ainsi vous voyez que mes calculs ne sont en aucune façon trop favorables au pays. J’ai pris 1835 pour l’époque où la dette sera éteinte, parce que les conditions de l’emprunt donnent au créancier le droit de refuser son argent, au moins pour une partie de la dette, jusqu’au 1er janvier de cette année ; mais comme l’indique mon correspondant, il sera facile au gouvernement de se dégager de cette dette, à l’exception de la responsabilité, en prenant des arrangemens avec la banque. Vous comprenez que les frayeurs de mon ami ne sont que des plaisanteries, car peu d’Américains sont assez ignorans en politique pour regarder une dette publique comme un bonheur public. Dans les gouvernemens factices, où l’intérêt de la masse est subordonné à des combinaisons artificielles et étroites, une dette peut être un moyen d’engager celui qui perd au système à endurer un dommage général et peut-être éloigné, pour assurer un intérêt pressant et particulier ; mais dans un gouvernement comme celui des États-Unis, où chaque citoyen a un droit direct et inaliénable dans le pays, il serait aussi faux de dire que l’existence de la dette ne diminue pas sa richesse, qu’il le serait de dire que celui qui donne hypothèque sur son bien, en retire le même intérêt, après qu’il a signé l’acte d’aliénation, qu’avant qu’il ne l’eût engagé.

La fréquence et la quotité des cotisations destinées à des améliorations, dans toute l’étendue des États-Unis, trompent quelquefois les étrangers, en ce qui concerne l’impôt, surtout si leurs recherches sont dirigées dans un esprit d’hostilité, soit contre les institutions, soit contre le pays lui-même. Par ces cotisations, j’entends les sommes prélevées sur un bien réel, pour défrayer les dépenses de l’ouverture et du pavage des nouvelles rues dans les villes ; de l’établissement des routes, de la construction des ponts, et de tous les travaux qui sont nécessaires pour convertir un désert en un pays civilisé.

Vu le progrès de l’Amérique, il est probable que ces cotisations excèdent matériellement celles que paient les autres nations pour le même objet. Mais ces charges sont consenties avec l’idée que la propriété qui se cotise reçoit un équivalent direct et certain dans l’accroissement de la valeur du bien même, idée qui est suffisamment justifiée par l’augmentation de la richesse publique, et la prospérité générale du pays. Vous saisirez promptement la différence qui existe entre New-York, par exemple, et la France, à ce sujet, en portant votre attention sur la proportion de l’accroissement de la population. La population de la ville de New-York a augmenté de la manière suivante : en 1790, elle avait 33,131 âmes ; en 1800, 60,489 ; en 1810, 96,373 ; en 1820, 123,706 ; en 1825, 166,860 ; en 1830, 203,000, non compris le faubourg de Brooklyn, qui contient 13,000 habitans. Outre l’accroissement positif de sa population, la ville de New-York et Brooklyn couvrent autant de terrein que Paris, et, en conséquence, la dépense du pavage, de l’ouverture des rues, etc., s’est trouvée à la charge d’un petit nombre de citoyens, comparativement, quoiqu’elle soit proportionnelle à l’étendue réelle de la ville. La même chose est vraie de toutes les autres cités, villes et villages de l’état, et de l’état lui-même. La population de l’état de New-York a augmenté de la manière suivante : en 1790, il avait 340,130 âmes ; en 1800, 586,050 ; en 1810, 959,049 ; en 1820, 1,372,812 ; et aujourd’hui il a 2,000,000. La population de New-York occupait, en 1790, probablement tout au plus 10,000 milles carrés de territoire, tandis que maintenant elle couvre et améliore un terrain d’environ 35,000 milles. Toute la surface de l’état, non compris l’eau, est estimée à 43,000 milles carrés, et les parties inhabitées ont des routes de communication. C’est seulement en considérant la brièveté du temps durant lequel tant de choses ont été faites, l’accroissement de la population dans cet espace de temps, l’étendue de la surface sur laquelle tant d’améliorations ont été réalisées, qu’on peut se former une idée nette de la nature, des usages et des résultats de ces cotisations. Que ces cotisations réussissent constamment, c’est ce qu’il serait difficile de croire, puisqu’une telle supposition impliquerait l’infaillibilité des intentions et du jugement.

Je terminerai par un sommaire général de ce qu’un citoyen de New-York paie, d’après les calculs précédens, sans oublier que j’ai plutôt augmenté que diminué les charges.


Aux gouvernemens de l’Union et de l’état, y compris l’intérêt et le principal de la dette, les écoles, le clergé et les pauvres 
14 fr. 1 s.
À ditto, ditto, non compris les écoles, le clergé et les pauvres 
10 fr. 8 s.
À ditto, ditto, non compris les écoles, le clergé, les pauvres et le principal de la dette publique 
6 fr. 19 s.
À ditto, ditto, non compris les écoles, le clergé, les pauvres, l’intérêt et le principal de la dette publique 
6 fr. 6 s.

Au budget de l’Union, non compris la dette 
5 fr. 7 s.
Au budget de l’état 
0 fr. 19 s.

J’ajouterai encore un calcul qui pourra servir de comparaison. Le Calendrier national, page 334, donne les estimations de 1831, ainsi qu’il suit :

Liste civile, relations extérieures, dépenses diverses,2,585,182 dollars.

Ceci est la dépense totale du gouvernement de l’Union, non compris toutes les charges militaires, les Indiens, la marine, les pensionnaires, les améliorations intérieures, et la dette.

Population 
13,250,000
Liste civile 
2,585,152

C’est-à-dire pour chaque citoyen : 1 fr. 1 s.

Contribution d’un citoyen de New-York pour la liste civile, les relations extérieures, les charges diverses, ou pour les dépenses civiles courantes des États-Unis, y compris les besoins de tous genres 
1 fr. 1 s.
Ditto, ditto pour la même dans l’état 
0 fr. 19 s.
Contributions d’un citoyen de New-York pour l’Union et l’état, pour les dépenses courantes et diverses 
2 fr. 00 s.

Le dernier résultat ne comprend ni la dette, ni l’armée, ni la marine, ni les pensionnaires, ni les Indiens, ni les travaux militaires, ni le clergé, ni les pauvres, ni les écoles.

Je ne veux en aucune manière comparer ces faits aux charges supportées par la France, car je suis très sincèrement convaincu de l’inaptitude d’un étranger pour de telles investigations, et à défaut de cette conviction, l’exemple de la Revue britannique est encore trop présent à mon esprit pour ne pas me forcer à douter de moi-même pour une pareille tâche.


Je suis, général, etc.


fenimore cooper
1831. Novembre 25.

  1. à monsieur fenimore cooper,

    « Mon cher monsieur, vous avez déjà, dans une admirable publication, signalé les erreurs des voyageurs étrangers relativement aux États-Unis. Il vous appartient pour l’honneur des institutions républicaines, de redresser certaines allusions publiées dans la Revue britannique ci-jointe ; outre notre commun intérêt américain dans cette matière, j’ai à cœur de détromper ceux de mes collègues français qui pourraient, en n’écoutant que leur conscience, s’opposer à des réduction dans le budget de cette année, égarés qu’ils sont par cette fausse idée, que les impôts en France, sont inférieurs à ceux du gouvernement des États-Unis d’Amérique : le temps me manque pour faire de minutieuses investigations, quoique à la première vue, j’aie été frappé de plusieurs méprises plus faciles à découvrir que celle de la belle résidence de campagne allouée au président ! Je prends la liberté de confier la tâche à de meilleures mains, et suis votre ami affectionné.

    « LAFAYETTE.

    « Paris, 22 novembre 1831. »
  2. On entend par liste civile, en Amérique, le salaire de tous les officiers civils, les dépenses du congrès, les bureaux, etc., en un mot, les frais de toute l’organisation civile ordinaire du gouvernement, à l’exception des relations extérieures.
  3. Il y a plus de huit mille maîtres de poste, dont chacun a le privilége de la franchise.
  4. Le milicien n’est pas habillé, son service étant limité à six mois.