Adieux de Mme Arnould-Plessy à la Comédie Française
La douleur de l’adieu m’est par vous embellie,
Mais, en abandonnant cette scène à jamais,
Pourrais-je déserter comme un toit qu’on oublie,
Sans un mot de tendresse et de mélancolie,
Sans filial soupir, la maison que j’aimais ?
Nous avons tant de fois fêté Molière ensemble,
Tant de fois vos regards cléments m’ont fait oser
Quand j’épelais ses vers comme un écho qui tremble ;
Je vous ai tant montré mon âme, qu’il me semble
N’avoir plus, en partant, de masque à déposer !
Les heures d’idéal, les seules fortunées,
Je vous les dois ; j’aurais à renaître aujourd’hui.
Je choisirais encore entre les destinées
Celle où les visions peuvent être incarnées,
Où le cœur bat toujours avec le cœur d’autrui.
Tout le deuil est pour moi qui m’en vais solitaire.
Pour vous, les soirs passés auront des lendemains.
Le temps ne force pas les chefs-d’œuvre à se taire,
Des flambeaux du génie humble dépositaire
Ma main lasse les cède à de plus jeunes mains.
Du moins je viendrai voir, au travers de mon voile,
Si l’ancien feu sacré luit toujours sur l’autel,
Et, palpitante encore aux frissons de la toile,
Applaudir avec vous plus d’un lever d’étoile,
Car la France est féconde et l’art est immortel.