Texte établi par Henri d’Arles, J.-A. K.-Laflamme (Tome 2p. 191-202).

CHAPITRE VINGTIÈME



Considérations générales. — La France et l’Angleterre.


C’est à regret que nous nous séparons d’un homme du mérite de Hopson, si bien doué des qualités que requérait la situation difficile dans laquelle se trouvait la province. Il n’en avait administré les affaires que pendant quinze mois. En ce court espace de temps, sans ordres violents, sans menaces, sans efforts apparents, par le seul effet de l’aménité de son caractère et de ses bons procédés, il avait restauré la confiance dans les esprits, au point d’amener les Acadiens à délibérer, de leur propre mouvement, sur la question de prêter un serment sans réserve. Cette question allait être résolue dans un sens favorable, n’eût été la crainte d’avoir à subir des hostilités de la part des sauvages. Telle était la sympathie qu’inspirait ce gouverneur que ceux des Français qui avaient passé la frontière demandèrent à retourner sur leurs terres.

Pendant la trop courte durée du règne de Hopson, nonobstant les représailles exercées par les Indiens pour se venger d’un fait malheureux dans lequel ce gouverneur n’avait été pour rien, la plus grande tranquillité régna dans la province ; nulle part n’est mentionné un indice de mécontentement ni un acte d’insoumission. N’est-ce pas là une nouvelle preuve du caractère doux et paisible des Acadiens ? Quelque bienveillance de la part de l’autorité, quelques égards pour leur situation difficile, trève de mesures rudes ou arbitraires, propres à leur faire redouter que l’exercice de leur religion ne fût entravé, et, avec cela, protection efficace contre les Indiens, — voilà tout ce qui était nécessaire pour en obtenir ce que l’on désirait[1].

N’a-t-on pas là également la preuve évidente que, dans les petits gouvernements absolus, tant vaut l’homme et tant valent les administrés ? La conduite de ces derniers est bonne ou mauvaise, selon ce que la font leurs chefs, sur qui pèse toute la responsabilité. Il semble étrange que ceux qui ont écrit sur les événements qui nous occupent ne paraissent, pour la plupart, avoir tenu aucun compte du caractère respectif des différents gouverneurs qui se sont succédés en Acadie. Ce point était pourtant, ici, essentiel à l’intelligence des faits. Pareille étude serait de médiocre importance dans le cas d’un gouvernement représentatif ; mais, en Acadie, l’autorité s’incarnait en un chef absolu, qui plus est, en un militaire dont la volonté était la loi, les désirs des ordres. Or, là où l’autorité est despotique, les bons gouverneurs font les bons sujets. Que les chefs soient équitables, justes, humains, soucieux des intérêts de tous : et la paix, le contentement découleront de leurs vertus aussi naturellement que l’eau jaillit de la source. Qu’ils se montrent, au contraire, hautains, arbitraires ou cruels, les discordes, les soulèvements peut-être se produiront avec la même certitude. Au fond, le peuple en général sera resté le même ; ce qui aura changé, c’est la tête, le gouvernant. Cela est tellement vrai que ceux de qui ces gouverneurs relèvent pourraient leur dire avec raison : « il y a eu beaucoup de troubles et de mécontentements sous votre règne ; donc vous avez mal gouverné ; » et vice versa.

C’est donc le caractère de ces gouverneurs qu’il faut étudier et analyser. Quand ce travail a été bien fait, il devient ensuite facile de porter un jugement sur les événements de leur administration. Celui qui n’est pas capable de s’y livrer, ou qui ne veut pas s’en donner la peine, ne doit pas se mêler d’écrire l’histoire. Bien que parfois malaisée, et particulièrement ici, cette étude est cependant possible, même sans autre secours que les documents officiels.

L’on ne peut s’attendre à ce qu’un gouverneur autocrate, s’adressant à ses supérieurs, leur dévoile ses desseins ou leur expose sa conduite dans une pleine lumière. Loin de là. Il a tout intérêt à se montrer sous le meilleur jour, à taire des faits importants, à se donner raison envers et contre tous, à mettre les torts du côté de ceux qui traversent ses projets, on gênent ses goûts et ses caprices. Néanmoins, pour l’observateur attentif, il y a presque toujours quelque chose, soit dans l’ensemble, soit dans les détails, qui permet de pénétrer sous la surface, pour y lire le caractère du personnage et y découvrir les motifs cachés de ses actions.

Que l’on parcoure les ouvrages de ceux qui ont écrit sur ces événements, et l’on se rendra compte qu’il n’y a rien ou presque rien qui nous éclaire sur la mentalité des divers gouverneurs de l’Acadie. L’on passe d’Armstrong à Mascarène, de Mascarène à Cornwallis, de Cornwallis à Hopson, de Hopson à Lawrence, comme si aucun changement n’avait eu lieu ; comme si l’on se trouvait tout le temps en présence d’un être impersonnel, n’ayant ni passions, ni intérêts, ni caprices, ni préjugés, ni défauts. Et pourtant, quelle énorme distance entre un esprit inquiet, fantasque, mal équilibré, tour à tour bénévole et tyran, comme Armstrong, et Mascarène, exigeant et méticuleux peut-être, mais toujours paternel et bienveillant ! Et quel contraste saisissant, entre Hopson, si droit, si conciliant, si humain, et Lawrence si faux, si tyrannique, si dur !

Après avoir bien considéré la question, et sans nous demander si les bonnes intentions de Hopson n’auraient pas pu aboutir à un échec, de par le fait de ses successeurs, nous penchons à croire qu’en peu d’années ce gouverneur eût, à force de bienveillance, obtenu des Acadiens un serment sans réserve. L’attachement de ces derniers à la France était grand sans doute ; mais, lorsque Parkman et autres écrivains attribuent leur refus de prêter serment à ce seul motif, ils font erreur. Les Acadiens n’avaient pas de répugnance à demeurer sujets anglais. Nous irons même plus loin, et nous dirons que si la réserve mise à leur serment eût été maintenue, qu’on leur eût accordé des concessions de terres pour répondre à leur expansion et à leurs besoins, et qu’on ne leur eût inspiré aucune crainte concernant le libre exercice de leur religion, ils eussent probablement préféré voir l’Acadie rester sous la domination anglaise, afin de jouir de leur neutralité. Tant que la réserve subsistait, ils se trouvaient sous la protection d’un contrat qui leur donnait le droit indiscutable de quitter la Province, au cas où ses clauses eussent été annulées ou violées. Tandis qu’en prêtant un serment sans condition, ils perdaient ce droit. C’est ce qu’ils durent comprendre.

Ils avaient une profonde répugnance à prendre les armes contre les Français. Cette action leur paraissait monstrueuse, contre nature. Cependant leur situation était telle que, vu les mauvais procédés des Français à leur égard, ils eussent peut-être, à cette époque, sacrifié la question de sentiment avec le vague espoir que leurs services ne seraient ni nécessaires ni exigés. Mais ce qu’ils n’eussent jamais sacrifié, — et là était pour eux le point essentiel, — c’était leurs intérêts religieux qu’ils croyaient menacés irrémédiablement par l’abandon de ce contrat de neutralité ; et, effectivement, des restrictions dangereuses et des projets que les Acadiens ne pouvaient ignorer, prouvaient que ces intérêts spirituels couraient de très grands périls.

Jamais population ne se trouva dans une situation aussi désespérément critique. Les Français et les Anglais étaient trop engagés dans le conflit qui se préparait pour se préoccuper sérieusement des sentiments des Acadiens et les prendre en pitié. En sorte que ceux-ci, étant donné leur esprit de soumission, n’avaient de ressource que dans la force de leur droit. Naïvement, ils devaient croire que la justice finirait par prévaloir. Mais l’audacieux intrigant qui succédait à Hopson allait cruellement les désabuser.

Cette répugnance invincible à porter les armes contre les Français, nous pouvons, nous, Canadiens-Français et Acadiens, l’apprécier et en parler avec autorité, car, pour le faire, nous n’avons qu’à consulter nos propres sentiments.

Nous estimons l’Angleterre, et ses institutions, desquelles nous bénéficions ; nous admirons son génie créateur, la sagesse de ses hommes d’État, la clairvoyance de ses desseins et la constance qu’elle met à en poursuivre l’exécution. Nous l’avons servie avec fidélité ; nous le ferions encore. Nous avons joui, sous sa loi, de plus de liberté que nous n’en eussions eue en restant sous la domination de la France[2]. Nous sommes satisfaits ; notre sort est à peu près ce que nous voulons le faire nous-mêmes. Cependant, après cent quarante ans, nous aimons la France comme au jour de la séparation d’avec elle. Formons-nous exception à la règle ? Les Anglais éprouveraient-ils les mêmes sentiments s’ils étaient dans une situation analogue à la nôtre ! À peu de chose de près, la nature humaine, dans ses grandes lignes, est la même partout. L’Angleterre, qu’elle qu’en soit la cause, a toujours su ménager ses ressources et rester maîtresse de ses conquêtes ; et surtout, elle n’a jamais été dans la triste nécessité d’abandonner ses enfants à l’ennemi.

L’attachement que nous portons à la France semble étonner nos compatriotes anglais ; ils paraissent croire que l’amour national est comme un meuble que l’on déplace à volonté et qui reste sans lien avec le lieu qu’il a d’abord occupé. Est-ce de leur part irréflexion ou étroitesse d’esprit ? Est-ce parce que l’anglais n’a jamais connu, par son expérience personnelle, la position dans laquelle nous sommes ! Est-ce parce que les délicatesses du sentiment sont moins affinées chez lui que chez nous ?

Que l’on se représente par la pensée la province de Québec redevenue colonie française : la population anglaise qui y réside n’éprouverait-elle pas des scrupules, d’insurmontables répugnances à combattre pour la France contre l’Angleterre, contre les autres provinces anglaises du Canada, et cela même après un siècle d’allégeance à ce régime, et si large et libéral que ce dernier eût pu être ! Nous ne saurions douter de la réponse à cette question. En tout cas, rien ne pourrait nous décider, nous, à combattre contre la France sur des champs de bataille étrangers. Si, à cause de ce refus, nous devions même souffrir ce que les Acadiens ont souffert, notre hésitation ne serait pas longue, avec cette différence toutefois que nous résisterions à la contrainte employée pour nous y forcer. Le raisonnement n’a rien à faire ici ; nous ne sommes pas libres de changer nos sentiments. C’est la nature qui les a implantés dans nos âmes. Si, placé dans les mêmes circonstances, l’anglais agissait différemment, il faudrait en conclure que sa nature est diamétralement opposée à la nôtre. C’est comme un lieu commun de dire que le français se laisse conduire plutôt par les sentiments que . par les intérêts, tandis que l’anglais place ses intérêts à côté, et quelquefois au-dessus de ses sentiments. D’aucuns pensent qu’il y a là une nuance plutôt qu’une différence foncière de tempérament. Tant mieux alors.

Lorsque les colonies anglaises d’Amérique se révoltèrent contre leur mère-patrie, les Acadiens, ne pouvant s’expliquer un tel fait, ne désignèrent jamais cette lutte autrement que par le mot de guerre folle. Au moins, les Américains, en combattant pour leurs intérêts, combattaient en même temps pour un principe, tandis que les Acadiens, en combattant contre la France, n’eussent pas même eu ce motif.

Il y a une distinction importante à établir entre l’immigrant et celui qui se réclame du pays qu’il habite comme étant celui de ses ancêtres. Le premier n’a en vue que le bien de ses affaires ; il a d’avance, et peut-être inconsciemment, décidé dans son esprit de devenir à toutes fins citoyen de son nouveau pays ; ses enfants, sinon lui-même, n’auront guère qu’une patrie, la nouvelle. Quant à l’autre, prenez-y garde, la question est délicate. Il a ses traits distinctifs, ses usages, ses traditions, sa langue, toutes choses qui lui sont chères, et qu’il veut conserver aussi longtemps qu’il le pourra ; toujours même, il l’espère bien. Et alors, il épie le nouveau venu ; il en prendra facilement ombrage. S’il a une fois deviné que celui-ci en veut à son existence, il ne l’oubliera plus ; il lui supposera toujours les mêmes intentions hostiles, se méfiera même de ses actes les plus innocents. Que si ces fils du sol forment un peuple, quelque petit qu’il soit par le nombre, ils se grouperont plus fortement, tiendront leurs rangs compacts ; et si la race à laquelle ils appartiennent est virile et fière et compte un passé glorieux, personne ne peut dire à quelles résolutions extrêmes ils pourront se porter.

Agissez, au contraire, à leur égard avec prudence, douceur et largeur d’esprit, de manière à leur faire croire qu’au lieu de projets funestes à leur intégrité et à leur autonomie, vous voulez maintenir ces choses qui leur sont chères : après quelques générations, ils vous appartiendront ; le procédé de fusion entre les éléments anciens et nouveaux s’accomplira sans heurts, sans tiraillements, sans susciter de révoltes ni de regrets. Adoptez une autre ligne de conduite, et les choses en seront encore au point initial, après des générations. Et si c’est à la race française que l’on a affaire, il faut redoubler de tact et de prudence, étant donnée sa plus grande sensibilité.

La population qui se jetait dans les colonies conquises par l’Angleterre a presque toujours cherché à imposer, par ruse ou par force, sa langue et ses croyances ; et cette tendance subsiste encore plus ou moins de nos jours. L’on veut à tout prix composer un tout homogène, former une masse compacte, inspirer les mêmes idées, les mêmes sentiments, les mêmes goûts, — comme si pareille fin était essentielle au progrès et à la sécurité du pays[3]. L’on oublie que ce zèle intempestif est de nature à produire un résultat tout opposé à celui qu’on en attendait. À vouloir trop demander, l’on obtient moins.

La France, malgré toutes ses fautes, a tenu une politique différente et en a recueilli des fruits abondants. Sa Bretagne, après bien des siècles, parle encore le breton, mais elle n’en est pas moins française de cœur et d’âme. L’Alsace était allemande, elle parlait et parle encore l’allemand ; mais deux siècles de douce domination française l’ont tellement attachée à la France qu’elle se regarde comme exilée, depuis les tragiques événements de 1870 qui l’ont courbée sous le joug allemand ; elle soupire ardemment après son retour à la France, qui demeure sa vraie patrie[4]. La Corse, Nice, la Savoie, traitées comme des sœurs, ne firent jamais entendre un murmure. L’Arabe, réconcilié après une courte résistance, meurt pour la France sur tous les champs de bataille et se dispute l’honneur de défendre son drapeau. Les nationalités que la France s’incorpore deviennent françaises de cœur et d’esprit[5].

Pendant que la France agissait sous le mobile des sentiments, l’Angleterre agissait sous celui des intérêts. Quand l’une travaillait à s’assimiler ses nouveaux sujets en respectant leurs usages et leurs traditions, en les associant aux privilèges et aux droits communs à tous, en se faisant douce et aimable, l’autre cherchait à se les assimiler par la violence ou la ruse. Si, à ses autres qualités si nombreuses et si solides, l’Angleterre eût joint la bonté, elle serait aujourd’hui doublement la maîtresse du monde ; ce continent lui appartiendrait encore en entier ; l’Irlande, au lieu de lui donner tant de fil à retordre, lui serait dévouée et constituerait l’un des plus beaux fleurons de sa couronne. Mais, chez les nations comme chez les individus, il y a des qualités qui sont incompatibles.

À travers toutes les vicissitudes de son histoire, la France est toujours restée une, politiquement et économiquement, avec ses colonies. En guerre ou en paix ou en révolution, sous un roi, un empereur ou une république, sous les Bourbons, les Bonapartes ou les d’Orléans ; sous un tarif ou sous un autre, ses colonies acceptèrent sans une plainte cette fédération et se soumirent à tous les changements de régime. L’Angleterre ne pourra jamais arriver à une telle fin. Le choc des intérêts y fera obstacle[6].



  1. Dans le MS. original — fol. 410 — tout ce paragraphe est biffé. Il figure cependant dans l’édition anglaise, vol. I, p. 333-4. C’est pourquoi nous l’avons conservé.
  2. L’auteur d’Acadie aurait pu ajouter qu’au point de vue de la liberté religieuse, en particulier, nous avons beaucoup gagné à changer d’allégeance. Qui sait le contre-coup que la Révolution Française aurait pu avoir sur nos destinées à cet égard ? Gambetta a bien dit que « l’anticléricalisme n’était pas un article d’exportation ». Toutefois, l’on se demande avec anxiété ce que fut devenue l’Église du Canada, sous un régime tel que celui de la troisième République, par exemple ?

    Voici un passage d’une lettre de notre ami, Monseigneur Mathieu, de Régina (Saskatchewan,) qui confirme ce que Richard dit ici : « Je suis un optimiste et je trouve idéal notre état social. Tout changement, d’après moi, serait un désastre pour nous, canadiens-français. Dans cet immense tout de l’Amérique du Nord, nous serions (avec l’annexion,) nous serions enfouis, engloutis, anéantis. Maintenant, au contraire, nous jouons un rôle au Canada, on est obligé de nous regarder comme un facteur important, nous jouissons d’une liberté parfaite, et notre plus grand défaut, c’est de ne pas comprendre suffisamment notre bonheur. » — (Lettre du 7 novembre 1908).

    Il ne faudrait pourtant pas oublier que les libertés dont nous jouissons sous la couronne anglaise, et dont Richard entonne ici l’hymne, nous les avons, pour la plupart, conquises de haute lutte. Notre histoire, surtout vers la fin du 18e et pendant la première moitié du 19e siècle, fut une longue suite de débats entre le pouvoir et nos hommes d’État patriotes, dont l’énergie nous a valu nos libertés constitutionnelles. Dans l’Ontario et le Manitoba, les nôtres ont encore à souffrir et à lutter pour leur langue et leur religion. Dans ces provinces à majorité anglaise, le fanatisme est vigoureux ; et nos frères n’y seraient guère en paix qu’à la condition de subir l’étouffement auquel on veut les condamner. Si l’on excepte donc la Province de Québec, l’état social de nos compatriotes au Canada n’est donc pas aussi idéal que l’on voudrait nous le faire croire. L’élément britannique ne s’y gêne pas pour restreindre leurs libertés. Nous ne savons que théoriquement ce qu’est l’anglais chez lui ; mais, dans les colonies, c’est un être hautain, qui veut nous écraser de sa « supériorité ».

  3. À ce propos, nous rappellerons la thèse impérialiste qui fut développée en plein Congrès Eucharistique de Montréal, le samedi, 15 septembre 1910, par Sa Grandeur Mgr l’Évêque de Westminster, et la réponse vraiment inspirée qu’y fit M. Henri Bourassa.

    Cf. xxie Congrès Eucharistique International, Montréal, Tome 1er. Page 150. Discours de Mgr Bourne. Page 160. Discours de M. Henri Bourassa.

  4. C’est par le traité de Westphalie, 24 octobre 1648, que l’Alsace fut cédée à la France, « si l’on peut appliquer la simplicité de ce mot cession à une opération confuse ».

    Cf. Hist. de France, Lavisse. Tome Septième. i. Livre ier, ch. i, p. 17. Cf. L’Alsace à la veille de la Délivrance, par M. l’abbé E. Wetterlé, dans la Revue des Deux Mondes du 1er août 1917.

  5. « C’est un lieu commun de comparer, par exemple, en matière coloniale, l’esprit de synthèse, d’assimilation et de composition qui anime la civilisation latine à l’esprit destructeur ou séparateur des races saxonnes. Le Saxon détruit l’indigène ou l’isole ; le dernier mot de ses concessions est exprimé par le régime contractuel, plus ou moins égalitaire, dans lequel vivent les races soumises à la maison de Habsbourg. Il affronte l’étranger, le heurte et le balance, dans un équilibre immobile qui peut durer éternellement. Mais l’esprit latin est artiste. Il est inventeur et poète. Il ne cesse jamais de faire et de créer. Toujours il s’ingénie, il calcule ou il rêve en vue de préparer ou de combiner des choses nouvelles. De cette race indienne que l’Anglo-Saxon se contenta d’abrutir avant de la massacrer, son industrie tira par alliance et métissage un type humain de grand avenir dans l’Amérique centrale et méridionale. D’ailleurs, n’a-t-il pas extrait la Germanie d’elle-même, c’est-à-dire de la sauvagerie et de la barbarie ? Ne lui a-t-il pas dispensé tous ses biens : religion, institutions, industrie, arts et lois, souvent même langage ? »

    Charles Maurras. Quand les Français ne s’aimaient pas.

    (2e édition. Nouvelle Libr. Nationale. Paris, 1916, page 222, note).

  6. Sur un demi-feuillet, intercalé entre le feuillet 420 qui termine ce chapitre dans le MS. original, et le feuillet 421 où commence le ch. xxi, il y a les lignes suivantes, au crayon, et de la main de l’auteur :

    « L’égoïsme n’est jamais aimable. C’est lui cependant qui a toujours fait le fond de la politique anglaise ; il est même devenu traditionnel, et c’est ce qui explique l’aversion qu’en tout lieu on porte à l’Angleterre. On ne peut se défendre de la haïr, mais en se rendant compte que seule elle savait et seule elle sait encore coloniser, organiser et mettre en valeur. On conçoit combien grande doit être sa tentation de se substituer par la violence ou la ruse aux peuples qui ne savent pas utiliser leurs richesses. L’excuse ne suffit pas, mais il n’en est pas moins vrai qu’il en est fatalement presque toujours ainsi dans les affaires humaines. »

    L’Angleterre seule sait coloniser, — quelle fausseté, j’allais dire quelle balançoire, tant cette affirmation est risible ! Dans ce chapitre même, Richard dit tout le contraire.