Texte établi par Henri d’Arles, J.-A. K.-Laflamme (Tome 2p. 1-37).

CHAPITRE TREIZIÈME



Signature de la paix à Aix-la Chapelle. — Le Cap Breton est rendu à la France. — Les Français continuent à occuper la partie nord de la Baie de Fundy. — Fondation d’Halifax en juin 1749. — Proclamation du nouveau gouverneur de la Nouvelle Écosse, Edward Cornwallis. — On exige des Acadiens un serment sans réserve ou leur départ dans les trois mois. — La population refuse unanimement. — Embarras de Cornwallis. — Temporisation. — Fondation de Beauséjour par les Français. — Efforts de ces derniers pour gagner les Acadiens à leur cause.


La paix entre la France et l’Angleterre fut conclue et signée à Aix-la-Chapelle, en octobre 1748. Le traité remettait ces deux nations dans la situation respective où elles se trouvaient avant la guerre. Les provinces ou villes conquises étaient restituées à leurs anciens maîtres. L’Île Royale (Cap Breton) revenait donc à la France[1].

Cette restitution chagrina particulièrement, et à bon droit, les anglo-américains. C’était à eux, en effet, qu’était due la prise de Louisbourg, où leurs milices avaient fait preuve de beaucoup de courage et d’habileté. Cette forteresse, qui avait coûté tant d’argent à la France, avait été une menace constante pour les possessions britanniques. Aussi, la nouvelle de sa chute avait-elle été saluée par de grandes réjouissances. Quand l’on apprit qu’elle était sitôt rendue à ses anciens maîtres, l’on en conçût d’amers regrets[2]

Près de quarante années s’étaient écoulées depuis la signature du traité d’Utrecht. Il avait été stipulé, par une clause de ce traité, que la France cédait l’Acadie à l’Angleterre. Mais, ce que comprenait exactement ce terme d’Acadie n’avait jamais été exactement précisé. Les frontières de cette province, ainsi que celles du Canada tout entier, devaient être délimitées ultérieurement par une commission nommée à cette fin. En sorte que rien n’était réglé sur ce point au moment de la Paix d’Aix-la-Chapelle, et aucun article de ce dernier traité n’allait résoudre cette épineuse question. Ce fut un malheur, pour la France en particulier. De là allaient en effet sortir pour elle des difficultés de toute nature dont le terme serait, avec son humiliation, l’échec le plus gros de conséquences qu’elle eût encore éprouvé.

Jusqu’ici, la France et l’Angleterre avaient paru lutter, à chances à peu près égales, à qui aurait l’empire des mers, car l’Espagne n’entrait plus en ligne de compte à ce sujet ; elle s’était laissée depuis longtemps distancer par ces deux nations. La guerre de Sept ans allait décider laquelle, des deux puissances rivales, occuperait définitivement la première place. Et le sort devait être favorable à l’Angleterre. À partir de cette époque, la langue, la civilisation, les institutions britanniques vont s’étendre à des colonies disséminées par le monde entier, occuper tous les points stratégiques du globe ; le commerce et l’industrie prendront un essor magnifique, et feront affluer en Angleterre la richesse du monde ; les produits et les capitaux anglais inondant tous les marchés de l’univers, assureront à la Grande Bretagne un rôle prépondérant dans le conseil des nations[3].

Les revendications anglaises au sujet des frontières de l’Acadie ne manquaient pas d’ampleur, ainsi qu’on va le voir : elles embrassaient, en effet, outre la péninsule proprement dite, tout la partie qui forme aujourd’hui le Nouveau-Brunswick. Les Français, de leur côté, réclamaient toute la partie est de la péninsule acadienne. De part et d’autre, l’on croyait avoir de bonnes raisons pour appuyer ses réclamations : les droits que l’on invoquait reposaient sur des chartes d’une teneur imprécise ou contradictoire, octroyées plus d’un siècle auparavant. Il semble que, dans les deux camps, et pour des motifs analogues, l’on demandât plus que l’on n’espérait vraiment obtenir.

Entre temps, le capitaine Marin occupa, après le traité d’Aix-la-Chapelle, tout le pays situé au nord de la Baie de Fundy, savoir la province actuelle du Nouveau-Brunswick, laissant aux Anglais, en attendant la décision de la commission qui serait chargée de régler la question des frontières, le territoire qui compose la Nouvelle-Écosse, moins le Cap Breton. Ce dernier domaine comprenait les établissements acadiens de Rivière Saint-Jean, Chipody, Memramcook et Petitcodiac. Beaubassin se trouvait situé, partie du côté français, partie dans la péninsule. Cet état de chose réveilla, dans l’esprit des autorités anglaises, l’idée souvent émise par Philipps, et surtout Shirley, d’implanter des colons britanniques dans la Nouvelle-Écosse. Philipps, et après lui Mascarène, avaient proposé l’établissement d’un fort à Beauséjour, et la colonisation de l’isthme depuis l’extrémité est de la Baie de Fundy jusqu’à Baie Verte. Shirley, comme nous l’avons vu dans notre chapitre douzième, avait suggéré en outre d’enlever aux Acadiens une partie de leurs terres pour les donner à des colons de la Nouvelle Angleterre : dans sa pensée, une pareille mesure aurait pour effet d’amener les gens du pays à s’anglifier et à passer au protestantisme. Toutefois, soit par incurie, soit à cause des dangers de la situation ou de l’hostilité des sauvages, soit encore que ces projets demandassent des sacrifices pécuniaires trop considérables, ou que les colons du Massachusetts inspirassent déjà des craintes à la Métropole, rien n’avait été fait ni dans un sens ni dans l’autre.

Le premier de ces projets était devenu d’une application malaisée, à raison de la grande expansion de la population acadienne dans ces régions ; d’autre part, le plan de Shirley comportait la plus injuste spoliation et un odieux attentat à la liberté religieuse, laquelle avait été garantie par un traité : il ne faut donc pas s’étonner de voir qu’il n’ait pas rencontré de faveur auprès du gouvernement anglais, toujours plus équitable et plus humain que ne l’étaient les autorités coloniales[4].

La population acadienne s’était accrue, en effet, avec une rapidité extraordinaire. Et nous prions le lecteur de se reporter, à ce sujet, aux diverses statistiques que nous avons données dans notre tome premier. Nous rappellerons seulement ici que, des cent-soixante-quinze chefs de famille qui s’étaient établis en Acadie, au cours d’un siècle, avait surgi un petit peuple, comptant, lors de la cession du pays, environ 2,500 âmes, 7,114 en 1739, et à peu près 12,500 en 1749. De ce nombre, près de 3,500 habitaient au nord des frontières actuelles de la Nouvelle-Écosse, territoire alors occupé par les Français.

La position de ces derniers Acadiens allait devenir extrêmement délicate et embrouillée. Jusque-là, cette partie du pays n’avait, pour ainsi dire, été officiellement revendiquée ni par la France ni par l’Angleterre. Les habitants qui l’occupaient, particulièrement ceux de Rivière Saint-Jean, de Chipody, de Memramcook et de Petitcodiac, s’étaient gouvernés eux-mêmes, ou plutôt avaient vécu sans aucune forme de gouvernement, sans contrôle ni intervention de la part d’une autorité quelconque. Cependant, comme la France avait cédé l’Acadie, et qu’ils étaient eux-mêmes les fils et descendants des Acadiens, établis dans la péninsule, ils ne firent jamais aucune difficulté de se considérer comme sujets anglais, et en 1730, on les vit prêter le serment de fidélité à la couronne Britannique.

Ces empiétements de la France, avant la décision de la Commission nommée pour fixer les limites exactes de l’Acadie[5], déterminèrent l’Angleterre à fonder une colonie anglaise et une place forte pouvant faire contrepoids à Louisbourg. La Baie de Chibouctou fut choisie à cet effet, et, en mars 1749, l’on jetait les bases de la fondation de Halifax. Quatorze navires portant 2,576 personnes avec les approvisionnements nécessaires et une organisation civile toute préparée, comprenant un conseil d’administration, des magistrats, un maître d’école, un ministre, en plus des négociants, des artisans, des commis, firent voile vers leur destination le quatorze de mai et entrèrent dans le port de Chibouctou le vingt-sept juin suivant. Halifax était fondée, avec Edward Cornwallis pour premier gouverneur[6].

Le choix d’un pareil site était très judicieux. Les Français avaient eu le tort de ne pas reconnaître les avantages naturels de ce port ; et quant aux anglais, peut-être avaient-ils trop tardé à l’occuper. Il y avait déjà quarante ans que l’Acadie leur appartenait ; et cependant, en 1748, la province ne comptait pas encore une demi-douzaine de colons de leur nationalité. En conséquence, la garnison d’Annapolis dépendait, pour sa subsistance, des Acadiens ; et cette sujétion nécessaire fut en grande partie la cause de toutes les entreprises ouvertes ou déguisées, de la part des gouverneurs, pour retenir dans leurs filets une population qui depuis longtemps voulait à toute force sortir du pays.

La fondation d’Halifax, bien qu’exécutée à la onzième heure, réparait, dans une certaine mesure, l’erreur commise par les Anglais, erreur qui n’eût pas pour eux de conséquences fâcheuses, grâce aux mœurs paisibles des Acadiens : ces derniers seuls eurent à en souffrir, et au delà de toute expression. À raison de ce retard, retenus contre leur gré dans la province, sous un prétexte ou sous un autre, ils durent y attendre l’heure néfaste ou un gouverneur sans âme et sans entrailles les broya sous sa botte et dispersa leurs débris aux quatre vents de l’exil[7].

Eu égard au temps, les Acadiens avaient été, jusque-là, administrés avec une bonté relative ; il en fut tout autrement à partir de cette époque : ce qui prouve bien que la modération avec laquelle on les avait traités n’avait d’autre mobile que l’impuissance des autorités et leur crainte de voir s’éloigner une population qu’il fallait garder à tout prix. Comment eut-il été possible de se montrer rigoureux à leur égard lorsqu’il n’y avait à Annapolis que cent-cinquante soldats ? Quand le gros de la population se trouvait à de longues distances de cette place fortifiée, la seule qu’il y eût dans tout le pays ? Et au contraire, que, dans de pareilles conditions, les Acadiens ne se soient jamais révoltés, et n’aient pas renversé un pouvoir trop faible pour s’opposer à leur résistance, montre à quel point ils étaient paisibles et soumis. Ils n’ont parfois accepté qu’avec répugnance et lenteur les ordres qui leur étaient donnés, mais leur indocilité, plus apparente que réelle, n’a donné lieu qu’à des mutineries insignifiantes, lesquelles ne mériteraient même pas d’être mentionnées, si elles n’étaient les seules que les annales aient enregistrées, et si la déportation ne leur avait donné un certain intérêt rétrospectif. Même quand, sous le régime d’Armstrong, des prêtres furent arrêtés et rudoyés, et que des chapelles furent fermées au culte divin, nous ne voyons pas pour cela que ces bonnes gens aient proféré de menaces ni qu’ils aient tenté de se révolter. Il n’en fut pas autrement dans la suite, malgré une oppression toujours grandissante, et malgré d’odieuses provocations, dont le dessein secret était d’exaspérer leur bonne volonté trop patiente, et de les pousser à des actes de nature à justifier leur expulsion.

Comme bien l’on pense, la fondation d’Halifax dut jeter l’inquiétude dans les centres acadiens. Un événement de cette importance ne pouvait manquer d’avoir pour eux, un jour ou l’autre, des conséquences sérieuses, et rien d’étonnant qu’ils l’aient envisagé sous toutes ses faces et longuement commenté. Évidemment, il s’agissait cette fois d’une entreprise préparée avec soin, d’une colonisation qui allait être menée avec vigueur. Qu’allait-il en découler pour eux ? Leur état actuel en serait-il changé ? Est-ce que cela finirait par troubler leur propre existence ? Qu’adviendrait-il dans l’avenir du libre exercice de leur religion ? Et n’irait-on pas jusqu’à confisquer tout ou partie de leurs terres ? Il est certes tout naturel de supposer que semblables questions, et d’autres encore, furent soulevées et discutées en petits comités, ou au sein des familles, dans les réunions du soir. Dans cette supputation des chances que pouvait leur réserver le sort, il nous paraît probable que les opinions pessimistes durent avoir le dessus généralement.

Donc, le 27 juin 1749, les treize vaisseaux portant la nouvelle colonie étaient entrés dans le port de Chibouctou. Or, quelque temps après, à savoir le 14 juillet, se passait la scène suivante telle que relatée dans un document officiel :

« Conseil tenu à bord du transport Le Beaufort, le vendredi 14 juillet 1749[8]

« Présents : Son Excellence le Gouverneur, Paul Mascarène, Edward Howe, etc.

« Son Excellence ouvrit le conseil et lut la commission et les Instructions de Sa Majesté — particulièrement les Instructions concernant les sujets français de Sa Majesté — et la déclaration qui devait être faite conformément à ses ordres.

« Le colonel Mascarène lut le serment que les habitants français avaient déjà prêté, copie duquel, portant la signature des habitants français, fut remise à son Excellence :

« Je — promets et Jure sincèrement, en foi de Chrétien, que Je serai entièrement fidèle et obérai (sic) vraiment Sa Majesté Le Roi George le Second que Je reconnois pour Le Souverain Seigneur de l’Acadie ou nouvelle Écosse

Ainsi Dieu me Soit en Aide. »

« Le colonel Mascarène informa le conseil que les Français prétendaient que lorsqu’ils avaient prêté ce serment, ç’avait été sous la condition bien entendue qu’ils fussent à jamais exempts de prendre les armes — that when they took this oath, it was upon condition that it should he understood that they should always be exempted from bearing arms. Alors quelqu’un proposa d’ajouter au serment cette clause — therefore it was moved ta add to the oath this clause : « et ce serment je prens (sic) sans réserve[9] ». Mais le conseil fut d’opinion que, aucune condition ni aucune réserve n’apparaissant dans le serment qu’ils (les français) avaient déjà prêté et au bas duquel ils avaient apposé leur signature, ce serment était aussi absolu qu’aucun serment d’allégeance peut être, et que par conséquent il suffisait de laisser savoir aux Français qu’ils devaient prêter le serment sans clauses conditionnelles ni réserve quelconque. — À ce moment, trois députés français, — à savoir, Jean Melançon, de la Rivière aux-Canards, Claude LeBlanc, de Le Grand-Pré, Phillipe (sic) Melançon, de Piziquid, — lesquels étaient venus pour rencontrer son Excellence, furent appelés dans le conseil ; et Son Excellence, après leur avoir lu la Déclaration de sa Majesté les concernant, et le serment susdit, les assura de toute sa protection et de tous ses encouragements, mais les informa qu’elle s’attendait à ce que tous les habitants prêtassent serment d’allégeance à Sa Majesté dans la manière que font tous les sujets britanniques. Interrogés à l’effet de savoir s’ils avaient quelque requête à présenter de la part de leurs commettants, les députés répondirent qu’ils avaient été envoyés à seule fin de présenter leurs respects à Son Excellence, et de savoir quelle serait leur situation désormais, et en particulier s’il leur serait permis de garder leurs prêtres.

« Son Excellence leur donna l’assurance qu’ils auraient toujours avec eux leurs prêtres, pourvu qu’aucun de ceux-ci ne se permit d’exercer son ministère dans les limites de la province, sans en avoir obtenu du gouverneur l’autorisation expresse.

« Copies de la Déclaration de Sa Majesté[10] et de la formule de serment furent remises aux députés pour être distribuées à tous les habitants, et injonction leur fut faite de revenir dans les quinze jours pour donner (au gouverneur) connaissance des résolutions prises par leur divers départements. Ils reçurent en même temps l’ordre de se mettre en communication avec tous les autres établissements français et de leur laisser savoir que c’était le désir de son Excellence de rencontrer, le plus tôt possible, des envoyés de leur choix. »

Ed. Cornwallis.

Hugh Davidson[11].

Le 29 juillet, c’est-à-dire dans le délai fixé par les ordres impérieux de Cornwallis, et malgré les longues distances à parcourir, les députés acadiens de tous les districts, y compris ceux du nord de la Baie de Fundy, arrivaient au rendez-vous assigné. C’étaient :

« Alexandre Habert et Joseph Dugad, d’Annapolis, Claude LeBlanc, de Grand-Pré, Jean Melançon, de Rivièreaux-Canards, Baptiste Gaillard et Pierre Landry, de Piziquid, Pierre Gotrau et Pierre Doucet, de Cobequid, François Bourg, de Chinecto, Alexr. Brossart, de Chippodie. »

Le lundi 31 juillet, tous ces messieurs « furent appelés à comparaître devant le Conseil (lequel se tenait également à bord du Beaufort), et interrogés à l’effet de savoir la nature des résolutions que les habitants français avaient prises conséquemment à la Déclaration de Sa Majesté.

« Jean Melançon remit à son Excellence une lettre censée contenir la réponse demandée. Après que la dite lettre eût été lue en français et en anglais, le Conseil émit l’opinion que, pour ce qui concernait leurs prêtres et leur religion, ils pouvaient être assurés de l’exercice libre et public de leur culte, comme aussi d’avoir à leur service un nombre suffisant de prêtres, à la condition qu’aucun de ces missionnaires ne prit sur lui d’en remplir les fonctions sans en avoir au préalable obtenu la permission du gouverneur ou Commandant en chef de la Province et sans avoir prêté serment d’allégeance à Sa Majesté. Quant au second point de la lettre, à savoir l’exemption sollicitée de porter les armes en temps de guerre, l’avis unanime fut qu’aucune dispense ne devrait leur être accordée à ce sujet, mais qu’au contraire ordre péremptoire devrait leur être signifié d’avoir à prêter serment dans les termes qu’on leur offrait, et que Sa Majesté ne permettrait jamais à aucun de ceux sur la loyauté et l’assistance desquels Elle ne pourrait pas compter en cas de besoin, de posséder des terres en ses domaines ; que tous ceux qui se conduiraient comme de vrais sujets devraient avoir tout l’appui, l’encouragement et la protection accordés aux autres sujets de sa Majesté.

« Il fut aussi convenu que son Excellence envoyât aussitôt que possible dans les districts français, à savoir Rivière Annapolis, Grand-Pré et Chinecto, des agents chargés de faire prêter aux habitants le serment d’allégeance ; il fut de plus résolu que tous ceux qui voulaient continuer à posséder leurs terres etc., et à être de fidèles sujets de sa Majesté, dussent comparaître en personne et prêter serment avant le 15/26 octobre suivant, jour où expirerait le délai fixé à cet effet ; qu’entre temps son Excellence nommât deux membres du conseil pour aller à Chebouctou faire prêter le serment à toutes les personnes qui s’y présenteraient, et donnât une commission semblable au lieutenant-gouverneur ou commandant d’Annapolis pour tous ceux qui choisiraient ce dernier endroit. »

« Résolu que teneur de cette Déclaration soit rédigée et présentée au Conseil, demain. »

Éd. Cornwallis.

Hugh Davidson[12]. »

Le lendemain, 1er  août, nouvelle séance du Conseil :

« La Déclaration passée au Conseil hier est lue et approuvée ; résolu d’en donner lecture aux députés français, et d’en distribuer une copie à chacun d’entre eux pour leurs districts respectifs.

« En suite de quoi les députés entrèrent et lecture de la Déclaration leur fut faite. Ils demandèrent si, au cas où ils auraient l’intention de quitter leurs terres, il leur serait permis de les vendre, ainsi que leurs biens meubles. Son Excellence leur répondit que, aux tenues du traité d’Utrecht, une année avait été accordée, à partir de la reddition de la Province, au cours de laquelle les habitants français auraient pu vendre leurs effets ; mais qu’à présent ceux qui choisiraient de s’en aller plutôt que de devenir loyaux sujets du Roi n’auraient l’autorisation ni de vendre ni d’emporter avec eux quoi que ce soit.

« Les députés demandèrent à s’en retourner dans leurs districts pour aller consulter les habitants. Sur quoi on les prévint que quiconque n’aurait pas prêté le serment d’allégeance avant le 15/26 octobre suivant, perdrait toutes ses possessions et tous ses droits dans la Province. Ils prièrent alors qu’on les laissât se rendre auprès des Gouverneurs français pour savoir les conditions auxquelles ceux-ci les recevraient dans leur juridiction. La réponse de son Excellence fut que quiconque quitterait la Province sans avoir prêté le serment d’allégeance perdrait par le fait même tous ses droits.

« Le Conseil proposa à son Excellence d’intimer à tous les prêtres l’ordre de venir à Chebucto aussi tôt que possible. En conséquence, le Secrétaire fut prié d’écrire à MM. Desenclaves, Chevreuil (sic) et Gérard, de se présenter sans tarder. »

Éd. Cornwallis.

Hugh Davidson[13].

Une Proclamation, conforme à la réponse du Gouverneur fut remise entre les mains des députés pour être publiée dans leurs départements respectifs. Nous la donnons ci-après[14]  :

Seconde Déclaration de Cornwallis aux Acadiens.

« Ordonnance de Son Excellence Edward Cornwallis capitaine Général Gouverneur en Chef & Vice Amiral dans la Province du Roy, de la Nouvelle-Écosse ou l’Acadie Colonel au Service de sa Majesté, & Gentilhomme de Sa Chambre.

De par le Roy.

« Ayant reçu par les Députés une lettre des Habitans François de cette Province datée le 1er  d’Aoust N. S. dans laquelle ils demandent que nous voulions leur accorder des Prêtres & l’exercice libre & public de leur religion & aussi qu’ils ne soient pas obligés de porter les armes en cas de guerre, & quand même la province seroit attaquée Nous Édward Cornwallis Capitaine Général &c ; avec & par l’Avis du Conseil Faisons Scavoir & déclarons que pourvu que les dits Habitans soient & contiennent Fidèles sujets du Roi de la Grande Bretagne Nous leur Accordons des Prêtres & l’exercice libre et public de leur religion, bien entendu qu’aucun Prêtre ne présumera d’officier sans avoir obtenu la permission du Gouverneur ou Commandant en Chef de la province & sans avoir prêté le serment de fidélité au Roi.

« Nous Faisons scavoir par ordre & au nom du Roi que Sa Majesté ne veut point qu’aucuns de ses sujets qui jouissent des privilèges & avantages de son Gouvernement, & qui possèdent des Habitations & des Terres dans cette province soient exceptés d’une entière Fidélité, ni qu’ils soient exemptés de l’obligation naturelle de se deffendre eux-mêmes, leurs Habitations leurs Terres & le Gouvernement sous lequel ils jouissent de tant d’avantages — À ces Causes & pour exécuter les ordres de Sa Majesté Nous devons envoyer au plustot des officiers du Roi aux Établissements François savoir à la Rivière d’Annapolis, à la Grande pré & à Chinecto pour faire prêter le serment de Fidélité avant le 15-26 d’Octobre lequel jour sera le dernier que nous accordons.

« En attendant que nous puissions envoyer des personnes à ces établissements nous avons nommé deux Membres de Conseil à Chebucto et Le Lieutenant Gouverneur ou officier Commandant à Annapolis Royale, pour faire prêter le Serment aux Habitans qui auront envie de se présenter en ces Endroits.

« Nous déclarons en même tems & promettons, par ordre et au Nom de Sa Majesté que tous ceux qui auront prêté le Serment de Fidélité & qui en Conséquence de cela continueront Fidèles & Bons Sujets du Roi de la Grande Bretagne seront aidés assistés & protégés contre ceux qui pourront les molester & auront les mêmes privilèges également avec les autres sujets de Sa Majesté.

« Donnée dans le Port de Chebucto le 23me Année du Règne de S. M. le 1er  d’Aoust 1749 V. S. C. S. »

s. Éd. Cornwallis.

« C’est l’ordre de Son Excellence que cette ordonnance soit publiée dans chaque Département, au plutôt afin que personne ne puisse prétendre cause de Ignorance. »

Le 6 septembre, un mercredi, au cours d’une séance du Conseil tenue également à bord du Beaufort, les mêmes députés présentèrent à Cornwallis, au nom des habitants français, la lettre qui suit[15] :


« À Son Excellence Édward Cornwallis, Capitaine Général, Gouverneur-en-Chef, etc., etc.

« Nous ne savons assez remercier votre Excellence de toute la bonté qu’elle a bien voulu nous manifester dès son arrivée, soit dans la réception gracieuse qu’elle a faite à nos députés, soit dans le délai de trois mois qu’elle nous a accordé, pour nous permettre de considérer la ligne de conduite à suivre touchant le serment que Sa Majesté exige de nous.

« Nous sommes dans un grand embarras d’esprit, quand nous réfléchissons aux privilèges que nous a concédés le Général Philipps, après que nous eûmes prêté serment d’allégeance à Sa Majesté : le dit M. Philips nous accorda alors en effet pleine jouissance de nos biens et le libre exercice de notre religion, en nous laissant avoir tous les prêtres dont nous avons besoin.

« Également, Sa Majesté a bien voulu nous envoyer, il y a deux ans, des lettres par lesquelles Elle nous accordait jouissance pleine et entière de nos propriétés. Nous avons accueilli toutes ces promesses comme venant de Sa Majesté et avons mis en elles notre confiance, nous avons rendu des services au gouvernement du Roi, sans que jamais il nous soit venu à la pensée de violer notre serment. Nous croyons, Excellence, que si Sa Majesté était bien informée de notre attitude à l’égard de son gouvernement, elle se garderait de nous imposer une formule de serment qui nous exposerait à tout moment à subir de grands dangers de la part des tribus sauvages, lesquelles nous ont déjà reproché, et d’une façon inquiétante, le serment que nous avons prêté. Le nouveau serment que l’on nous propose devant nous lier plus étroitement encore, il est sûr que nous deviendrons les victimes de leur cruauté.


[Monseigneur, Les Habitans en general de toute l’étendue de ce païs sont entièrement resous de ne point prendre le serment que V. E. exige de nous, mais si V. E. veut nous accorder notre ancien serment qui a été donné dans le Mines à M. Richard Philips avec une exemption d’armes à nous et nos hoirs, nous l’accepterons. Mais si V. E. n’est point dans la résolution de nous accorder ce que nous prenons la liberté de demander, nous sommes tous en général dans la résolution de nous retirer du pais. Monseigneur nous prenons la liberté tous en général de supplier V. E. de nous dire si S. M. a annullé notre serment que nous avons donné à Gén. Philips. Ce qui fait peine à tout le monde c’est d’apprendre que les Anglais veulent s’habituer parmi nous. Sentiment général de tous les Habitans sous signes.]


« C’est pourquoi nous espérons, Monseigneur, que vous tiendrez compte de nos humbles supplications, et que Votre Excellence se laissera toucher par nos misères. Et nous, de notre côté, nous prierons Dieu avec ferveur pour la conservation de votre personne. »

Cette lettre portait mille signatures.

Comme on l’a vu, Cornwallis avait déjà fait savoir aux Acadiens qu’ils pouvaient, s’ils le voulaient, quitter le pays, mais que ce serait sans rien emporter avec eux. Il avait donc commis la même bévue que ses devanciers. Ainsi qu’eux, il s’imaginait que ces paysans étaient trop attachés à leurs biens pour sacrifier le fruit de leurs patients travaux. Mais il se trompait étrangement, tout comme Philipps, Armstrong, et les autres. Sa psychologie était en défaut. Il ne s’en rendit peut-être pas compte tout d’abord, mais il n’allait pas tarder à s’en convaincre.

À la lettre-requête que nous venons de citer, ce Gouverneur fit une longue et dure réponse, laquelle nous donnons in-extenso[16] :


« Messieurs, — Nous avons raison d’être bien étonné de votre conduite. Voicy la troisième fois que vous êtes venus icy de vos départements et vous ne faites que répéter les mêmes choses sans le moindre changement. Aujourd’huy vous nous présentés une lettre signée de mille personnes où vous déclarés ouvertement que vous ne voulez être sujets de Sa Majesté Britannique qu’à telles et telles conditions.

« À ce qui paroit, vous vous croyez indépendant de tout gouvernement et vous voudrez traiter avec le Roy sur ce pied-là, mais vous devez sçavoir que depuis la fin de l’an stipulé dans le traité d’Utrecht pour l’évacuation du païs ceux qui ont choisi de rester dans la province devinrent sujets du Roy de la Grande Bretagne le traité les déclare tels. Le Roy de France déclare dans le traité que tous les françois qui resteroient dans ces provinces seroient sujets de Sa Majesté Britannique.

« Aussy seroit-il contraire au sens commun de supposer que demeurans dans la province et y possédans des terres et des maisons vous ne seriez pas sujets au Souverain de cette Province.

« Ainsy, Messieurs, vous vous trompés si vous croyez d’être en liberté de choisir si vous voulez être sujets du Roy ou non. Depuis l’année 1714 cela n’a plus dépendu de vous, dès ce moment vous devîntes sujets aux loix de la Grande Bretagne, et précisément sur le même pied que les autres sujets catholiques de Sa Majesté.

« Étant donc indubitablement sujets de Sa Majesté Britannique, vous deviez avoir prêté serment de fidélité à Votre Roy, le moment qu’on l’a exigé.

« Voilà, Messieurs, où vous avez toujours manqué à votre devoir ; vous avouez que vous avez toujours refusé de prêter ce serment sans une réserve sous-entendue. Vous me dites que Monsieur Le Général Philipp vous a accordé la réserve que vous demandiez et je vous dis. Messieurs, que le général qui vous accorda de telles réserves, n’a point fait son devoir, je vous dis plus, que ce serment n’a jamais rien diminué de vos obligations d’agir toujours et en toutes circonstances comme un sujet doit agir selon les loix de Dieu et de votre Roy.

« Messieurs, vous vous laissés mener par des gens dont l’intérêt est de vous faire égarer. On vous a fait imaginer qu’il n’y a que votre serment qui vous lie aux Anglois, ou vous trompe ; ce n’est pas le serment qu’un Eoy fait prêter à ses sujets qui les rend sujets, le serment suppose qu’on l’est déjà, le serment est un gage ou lien des plus sacrés de la fidélité de ceux qui le prêtent.

« Ce n’est que par pitié de votre scituation et de votre inexpérience dans les affaires du gouvernement qu’on descend à raisonner avec vous, autrement. Messieurs, il ne s’agit point de raisonner, il s’agit de commander et d’être obéi.

« Sa Majesté elle-même dans sa déclaration imprimée vous assure vos possessions et votre religion. Songez un pou à ce que vous avez fait de votre part. Vous me parlez beaucoup de vos services rendus au Gouvernement, depuis mon arrivée dans la province quelles preuves m’avez vous donnez de votre attachement à votre Roy ?

« Je serois charmé de pouvoir dire à Sa Majesté que vous vous comportiés en bons sujets et que vous aviés fait tout ce qui dépendoit de vous pour assister cette colonie. « Au lieu de vos consultations fréquentes ensemble, au lieu de messages au Gouvernement françois, au lieu de vos lettres signées de mille personnes, si vous m’aviez envoyez une centaine d’hommes pour travailler au service de Sa Majesté vous auriez mieux fait et vous y auriez trouvé votre compte.

« Voilà, Messieurs, plus de trente quatre ans passés, depuis que vous êtes sujets de la Grande Bretagne et que vous avés jouis en entier de vos possessions et de votre religion. Faites-nous voir à présent que vous êtes reconnoissants et prests à servir votre Roy quand vos services sont demandés.

« À votre retour, vous trouverés des troupes de Sa Majesté aux Mines, je les ai envoyez pour votre protection, quand j’aurai de leur nouvelle que j’entende que vous les avez aidé et assistés autant que vous pouviez, je les ai ordonné de payer leurs provisions et ceux qui travaillent pour eux en argent comptant ou de vous donner des certificats que d’abord vu je paierez sur le champ.

« Faites en sortes que je voye icy en dix jours cinquante de vos habitants que j’emploierai à assister les pauvres, à bâtir leur maison pour les mettre à l’abry du mauvais tems, ils seront payés en argent comptant et nourris des provisions du Roy[17] »


Sur ce, les députés furent congédiés, sans que le Gouverneur eût touché aux ordres contenus dans sa Proclamation, et sans qu’il eût communiqué une réponse écrite que ceux-ci attendaient pour la communiquer aux habitants. Cinq jours après, c’est-à-dire le 11 septembre, Cornwallis écrivait aux Lords du Commerce une lettre qui nous révèle assez l’état de son esprit et le cours de ses pensées. Nous en donnerons le passage suivant[18] « … Les délégués français sont venus ici cette semaine et ont déclaré qu’ils avaient apporté une réponse finale. Par la copie ci-incluse d’une lettre signée par mille habitants, qu’ils m’ont remise, Vos Seigneuries constateront qu’ils sont décidés, du moins ils le disent, de quitter la province plutôt que de prêter le serment d’allégeance. Comme je suis convaincu qu’ils n’abandonneront pas leurs habitations durant la présente saison, j’ai répété, après la lecture de cette lettre devant le Conseil et en présence des délégués, sans rien y changer, ce que j’avais déjà dit dans ma première déclaration et sans faire à celle-ci la moindre allusion. Mon intention est qu’ils se rendent utiles autant que possible à Sa Majesté pendant leur séjour dans cette province. Si par la suite, ils persistent dans leur entêtement et refusent de prêter le serment, j’aurai pour me guider les instructions de Sa Majesté que je dois recevoir le printemps prochain par l’intermédiaire de Vos Seigneuries. Dans l’après-midi j’ai eu une entrevue avec les délégués qui sont restés pour obtenir ma réponse par écrit ; j’ai essayé de les persuader qu’il était de leur intérêt commun d’être fidèles à Sa Majesté, de rompre leurs relations avec la France et de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour le progrès de cette colonie. Ils s’en allèrent de fort bonne humeur et firent beaucoup de promesses. »

Cornwallis semble déjà douter du résultat qu’il avait espéré atteindre. S’il eût connu l’attitude constante des Acadiens, dans le passé, ainsi que l’histoire des rapports que ses prédécesseurs avaient eus avec eux, il eut tout de suite compris que ses manières hautaines, son arrogance attardée de proconsul romain, devaient, en les alarmant, produire un effet tout-à-fait opposé à celui qu’il en attendait. Il s’était flatté qu’en débitant sur un ton doctoral à de pauvres paysans des niaiseries faussement subtiles, il leur en imposerait et briserait par là leur résistance. C’était par trop manquer de psychologie, et c’était bien mal débuter dans la carrière de gouvernant. Cet homme s’était engagé dans une voie au bout de laquelle il n’allait rencontrer que déceptions et humiliations. Et quand enfin, s’apercevant de sa méprise, il voudra changer de tactique, user de conciliation et de douceur, le moment n’en sera plus : il se heurtera à son tour à tous les obstacles contre lesquels Philipps et Armstrong étaient restés impuissants.

D’autres députations suivirent celles dont nous avons parlé. Des mémoires furent présentés où l’on faisait le récit des faits se rapportant au séjour des Acadiens dans le pays et au serment qu’ils avaient prêté. On y rappelait les clauses du traité d’Utrecht, donnant à ceux qui ne voulaient pas devenir sujets anglais le droit de partir dans l’espace d’un an, en emportant leurs biens meubles ; mention y était faite aussi de la Lettre de la Reine Anne élargissant les privilèges du Traité. L’on y insistait sur la résolution générale où l’on était venu de quitter la Province, résolution qui avait échoué, grâce aux empêchements de toutes sortes que les autorités y avaient mis.


« En présence de tant d’obstacles, disaient-ils, nous avons prêté plusieurs serments, tous étaient basés sur cette promesse de l’exemption des faits de guerre ; si nous sommes restés en ce pays, c’est sur cette réserve expresse ; et les plus belles phrases du monde ne prouveront pas que l’on ne cherche à nous tromper[19]  »

« Vos serments sont illégaux, inacceptables, répliquait Cornwallis, et si les précédents gouverneurs y ont adhéré par leurs promesses, ils ont créé des titres nuls et sans valeur ; vous êtes ici sujets du Roi d’Angleterre sans avoir prêté le serment d’allégeance ; vous avez donc perdu tous vos droits, et c’est une grâce qu’il vous fait en consentant à vous admettre encore à la faveur de son allégeance. » Et les Acadiens répondaient que leurs réclamations étaient fondées sur des actes authentiques que l’on ne pouvait pas répudier ni dénaturer légèrement par de simples paroles. « Plusieurs de vos prédécesseurs ont commencé comme vous par nier nos prétentions, puis, après examen, ils ont reconnu notre bon droit, et ils ont consenti à nous accorder cette réserve de ne point porter les armes ; ils nous ont assuré qu’ils avaient toute autorité pour cela. Si nous avons été trompés, le Roi ne saurait retourner contre nous une telle supercherie. »

Puis, ces infortunés qui croyaient très naïvement à la justice, apportaient la copie des actes qu’ils avaient signés, des conventions qui avaient été dressées. « Voilà quarante ans que nous vivons sur la foi jurée, sans que personne nous ait jamais dit que ces conventions fussent nulles[20]. » Mais Cornwallis et ses officiers les repoussaient en raillant ; ils se moquaient de leur peine. » « Tant pis pour vous si vous ne connaissiez pas l’invalidité de ces conventions, il allait vous en informer ; aujourd’hui vous n’avez plus qu’à vous soumettre à merci, ou vous serez dépouillés de tout ce que vous possédez. » « Tel est à peu près, dit Rameau que nous citons, le sens de ces négociations interminables, de ces controverses agrémentées par les grossières plaisanteries de Cornwallis. »

Obligés, devant la quasi-majesté de ce gouverneur, à n’employer que les termes du plus profond respect, et devant se garder de montrer l’apparence même d’une résistance à ses ordres, les Acadiens étaient condamnés d’avance à avoir tort. Leur position critique rappelait la fable du pot de terre et du pot de fer. « Cependant, dit Beamish Murdoch[21], les mémoires que ces Acadiens envoyaient au conseil, étaient tous empreints d’une respectueuse modération et en même temps d’une conviction profonde. Tous s’appuyaient sur ce point fondamental, d’un serment d’allégeance prêté sous toutes réserves, dont les Acadiens n’avaient jamais voulu se départir depuis la conquête ; il est certain, en effet, que, malgré les réclamations réitérées qui leur furent faites à ce sujet, on les avait laissés paisibles dans leurs héritages pendant quarante-cinq ans, sur ce pied de neutralité, qu’ils durent croire comme un droit consacré par un long usage. »

Les Acadiens assuraient invariablement qu’ils se reconnaissaient comme sujets fidèles du roi d’Angleterre ; mais que l’obligation de porter les armes contre leurs compatriotes répugnait à leurs plus légitimes sentiments ; que, si l’on consentait à accepter un serment semblable à celui qu’ils avaient prêté, ils seraient heureux de rester dans le pays, et de garder en toute circonstance une conduite qui fût conforme à leurs engagements.

Pendant que toutes ces négociations se poursuivaient, l’on pense bien que l’inquiétude et l’agitation allaient grandissant dans les centres français. Ferait-on justice à leur demande ? Partirait-on ou non ? Beaucoup se préparaient à le faire ; le plus grand nombre ne le voulaient pas sans en avoir reçu l’autorisation expresse du gouverneur. Les Français occupaient toujours la partie nord de la Baie de Fundy ; à un mille et demi du village de Beaubassin, ils érigeaient un Fort qu’ils nommèrent Beauséjour[22]. De grands efforts étaient tentés par l’Abbé Le Loutre et les Français pour induire les colons Acadiens, particulièrement ceux qui étaient établis près de cette frontière, à émigrer de leur côté.

La conduite arrogante et injuste de Cornwallis commençait à donner les résultats qu’il aurait pu prévoir, s’il avait été doué du moindre esprit d’observation et qu’il n’eut pas été aveuglé par sa fatuité. Irrité à la vue du manège des Français pour attirer à leur cause des compatriotes, le Gouverneur signifia au capitaine Silvanus Cobb un ordre draconien, duquel nous extrayons ce qui suit :


« … Tous les habitants de Chinecto, à son instigation, (celle de Le Loutre) ayant donné refuge et assistance aux Indiens, et n’ayant jamais daigné laissé savoir au gouvernement le moindre renseignement au sujet de toutes ses manœuvres, (toujours celles de Le Loutre,) oubliant ainsi tous leurs devoirs à l’égard de leur Souverain, — vous irez à cet endroit saisir et faire prisonniers autant d’habitants que vous pourrez. Partout où les habitants s’enfuiront ou quitteront leurs maisons à votre approche, vous saisirez autant de femmes et d’enfants que vous le jugerez bon, et vous les déposerez dans le premier Fort anglais qui se présentera, où ils resteront comme otages jusqu’à ce que la conduite des parents soit devenue meilleure[23]. »


Cette mesure radicale ne fut cependant pas mise à exécution[24].



  1. « L’opinion publique (en France) réclamait la paix… les Anglais la désiraient aussi… Désignés en janvier 1748, les plénipotentiaires ne se réunirent qu’en avril. C’était, pour la France, le comte de Saint Séverin d’Aragan, pour l’Angleterre, Sandwich… Saint Séverin arriva à Aix-la-Chapelle avec des instructions qui lui recommandaient d’en finir au plus vite. Il était à l’aise, puisqu’il pouvait disposer des conquêtes faites par la France, et ne demandait rien de plus que le rétablissement de l’état avant la guerre… Les conditions consenties entre la France et l’Angleterre étaient la restitution réciproque des conquêtes dans les deux mondes… La France perdait les conquêtes de Maurice de Saxe, et Madras, mais elle récupérait en Amérique le Cap Breton et Louisbourg. »

    H. de France, de Lavisse. Tome VIII. 2e P. Louis XV par H. Carré. Liv. IIe, ch. IIIe, p. 164-5.

    The English ministry of that day was deplorably weak, and French diplomacy scored a brilliant triumph ; Cape Breton, so gallantly won, was sacrificed on the gallic altar.

    Louisbourg, an Historical Sketch, by Joseph Plimsoll Edwards, dans Collections of the N. S. H. S. for the years 1893-95, vol. IX. C’est par l’article 9 du traité d’Aix-la-Chapelle que l’Île Royale était rendue à la France, avec l’artillerie et les munitions qui s’y trouvaient. Cf. Murdoch, vol. 2, ch. IX, p. 123.

    Cf. Arch. Can. 1749, Mai 27. Louisbourg. Hopson to Secr of State Bedford. Has received dispatches with order to restore the Island to the French, and copy of the definite treaty. Am. & W. I. vol. 65, p. 227.

  2. Le lecteur pouvant s’étonner qu’on ne le renseigne pas plus longuement sur le siège et la capture de ce Louisbourg qui vient d’être rendu aux Français, il est bon de lui rappeler que Richard ne fait pas l’histoire entière de l’Acadie, mais plutôt qu’il traite de cette histoire à un point de vue particulier, à savoir que la déportation des Acadiens n’a pas eu sa raison d’être en honneur et en justice, et qu’elle fut proprement une iniquité. C’est là sa thèse, et le pourquoi de la reconstitution de ce « chapitre perdu ». Rien d’étonnant dès lors qu’il néglige ce qui n’entrait pas dans son cadre, et que souvent il ne fasse qu’allusion à des événements importants par eux-mêmes, mais n’ayant pas de relations avec son sujet spécial. Pour plus de détails sur le point touché ici, Cf. Murdoch, vol. 2, ch. V ; Hannay, c. XVIII et Parkman, A Half Century, vol. II, ch. XIX-XX. Ce dernier doit être pris toutefois cum grano salis. Son récit est en effet surtout basé sur la Lettre d’un Habitant de Louisbourg, document curieux, mais dont on peut se demander s’il contient un exposé véridique des faits. Les circonstances qui ont entouré sa publication permettent d’en douter. Et d’abord cette Lettre est anonyme ; l’auteur n’a pas été assez brave pour se montrer. Et puis, la désignation Imprimée à Québec est mensongère, au dire de l’historien américain lui-même. Après s’être servi de cette Lettre pour la rédaction de ses ch. XIX-XX, Parkman, à la fin de ce dernier, met une longue note de laquelle nous détachons ceci : « The most curious French evidence respecting the siege is the Lettre d’un Habitant de Louisbourg contenant une relation exacte et circonstanciée de la Prise de l’Isle Royale par les Anglais. À Québec, chez Guillaume le Sincère, à l’Image de la Vérité, 1745. — This little work of 81 printed pages, is extremely rare. I could study it only by having a literatim transcript made from the copy in the Bibliothèque Nationale, as it was not in the British Museum. It bears the signature B. L. N., and is dated à Québec, etc, ce 28 août 1745. The imprint of Quebec is certainly a mask, the book having no doubt been printed in France. It severely criticises Duchambon, and makes him mainly answerable for the disaster. » Nous avons donc ici un exemple typique des procédés de Parkman en matière d’histoire. Ce qu’il trouve de mieux à faire pour relater le siège de Louisbourg est d’aller dénicher un document qui paraît bien être une charge contre les autorités françaises, une Lettre qui a tous les caractères d’un libelle, à telle enseigne que l’auteur a dissimulé soigneusement sa personnalité, et qu’il a voulu donner le change au public en mettant un faux cachet à son ouvrage. Et c’est cet écrit plus que tendancieux que l’historien américain qualifie de French evidence ! En vérité, ce dernier n’est pas toujours très particulier pour ce qui regarde ses sources d’informations. Qu’elles soient accablantes pour le nom français, il les accepte, fussent-elles d’ailleurs, comme cela paraît bien être ici le cas, le produit de la jalousie et de la vengeance personnelles. Cf. aussi A. C. Île Royale. Corr. gén. 1745-48, vol. 27. M. Bigot, contrôleur, ch. II, août 13, 1745. M. Duchambon, lieutenant du Roi, au Ministre. « Il y dit qu’il n’avait que 1300 hommes à opposer à 13,000. » Folio 34, 2½ pp. Louisbourg capitula après un siège qui dura 47 jours. Le commodore Warren et le Général Pepperell, d’une part, et M. Duchambon, de l’autre, signèrent la capitulation, le 15 juin 1745.
  3. Voici une de ces généralisations dont Richard est coutumier et qu’il ne faut accepter qu’avec réserve. Napoléon disait des Anglais : sonti mercanti, ce sont des marchands. Et nous voulons bien que le négoce et les capitaux de la Grande Bretagne aient assuré à celle-ci une influence considérable dans les affaires du monde. Il ne faut pourtant pas oublier que la France, même après avoir perdu son empire colonial en Amérique, est restée maîtresse des esprits par le monde entier, depuis la fin du 18e siècle jusqu’à nos jours. Elle a continué à régner partout en souveraine de la pensée. Qu’elle ait dû abandonner à sa rivale les conquêtes matérielles, nous le concédons. Mais « l’homme ne vit pas seulement de pain ». Et n’est-il pas plus glorieux pour une nation d’être l’institutrice de l’univers que de porter en tous lieux les produits de son négoce ? Un commerce, même « mondial », suffit-il toujours à assurer au peuple qui s’y livre un rôle prépondérant dans le conseil des nations ? L’Allemagne d’avant la guerre inondait, elle aussi, l’univers de ses capitaux et de sa pacotille made in Germany ? Osera-t-on soutenir cependant qu’elle jouissait d’une influence proportionnée à l’étendue de son commerce ? D’ailleurs, même sur cette question des affaires, est-ce que la France ne rendrait pas des points à toute autre nation ? Peut-être que les entreprises commerciales et industrielles s’y font sur une moins grande échelle qu’ailleurs, mais elles sont généralement à bases plus sûres. La France est le pays du monde où la richesse est le mieux partagée, on a dit de la France qu’elle était le banquier de l’Europe. Et que l’on se rappelle l’invraisemblable rapidité avec laquelle elle a payé à la Prusse les cinq milliards d’indemnité après la guerre de 70. — Toutes ces considérations demanderaient à être développées. Leur brève notation suffit, je crois, à montrer que l’auteur d’Acadie, ici, comme dans sa Préface, comme dans des chapitres précédents où il traite des entreprises coloniales françaises et anglaises, manque de mesure, ne nuance pas sa pensée, et, sans le vouloir sans doute, commet, au détriment du génie de la France, des erreurs qui sautent aux yeux.

    « In the history of the expansion of England, one of the greatest epochs is marked by the treaty of Utrecht. In our survey, this date stands out almost as prominently as the date of the Spanish Armada, for it marks the beginning of the English supremacy… From about 1600 to 1700, France has been the first state in the world beyond all dispute. But the Treaty of Utrecht left England the first state in the world, and she continued for some years to be first without a rival. If ever, it was after this time that she held the same kind of intellectual primacy which France had held before. Much of this splendour was transient… The decisive event of it (the dual of France and England) is the Seven Years war and the new position given to England by the Treaty of Paris in 1762… »

    Cf. J. E. Seeley, The Expansion of England. Lect. VII. Phases of Expansion. Passim.

    M. Étienne Lamy, dans son magnifique article : Choses d’Espagne, (Revue des Deux-Mondes du 15 août 1916) développe précisément cette idée, en l’appliquant à l’Espagne moderne, qu’une nation peut avoir perdu sa puissance matérielle et être restée très grande par son culte de l’éternel et son influence dans l’ordre supérieur de la pensée.

  4. Richard revient ici, incidemment, à son « idée fixe », déjà énoncée dans la Préface, et touchée çà et là, au cours du tome premier : à savoir que la Métropole doit être innocentée de toutes les injustices et de toutes les iniquités qui ont été commises contre les habitants français de la Nouvelle-Écosse. D’après lui, ces iniquités furent uniquement l’œuvre de fonctionnaires qui agissaient à l’insu et même contre les ordres de leurs mandataires. L’auteur d’Acadie dispose ainsi peu à peu ses lecteurs à accepter une opinion qu’il émettra avec force et à laquelle il donnera le plus grand relief, quand il en arrivera au vif de la question, je veux dire la déportation des Acadiens. C’est alors que nous le verrons, dans une antithèse brillante et fragile, ne frapper à coups redoublés sur Lawrence et ses complices que pour mieux exonérer l’Angleterre officielle de toute participation à leur forfait. Mais où donc Richard avait-il puisé une idée si peu vraisemblable en soi, et qui ne résiste pas à l’examen des faits ? C’est là une mauvaise plaisanterie dont nous nous proposons bien de démontrer l’inanité, quand le temps en sera venu, Richard est parti, sur ce point important de son sujet, d’une idée à-priori. Or, en histoire, il n’est reçu de pire que l’apriorisme, que l’inflexible cadre que l’on s’est tracé à l’avance, et dans lequel l’on veut, de gré ou de force, faire tenir les faits,

    « It is useless, at this time of day, to pretend that a few interested and avaricious individuals were alone culpable in the affairs of the Neutral French, for full proof even yet exist, that they did what was done by the authority of the English King, George the Second, and under his hand and seal ; and that when after the deed was completed, and the remuant of those who survived drew up a memorial of their sufferings in the land wither they were banished, and sent it on to his successor, George the Third, it was rejected with cool indifference, and they were left to perish, or exist by the charities of those they were among, as chance might direct. »

    The Neutral French or the Exiles of Nova Scotia, by Mrs. Williams, author of « Religion at Home », etc. (Preface. P. VI, Two vols in one. Second Edition. Providence). Published by the author. Sans date. Mais le droits réservés est de 1841.

    Cet ouvrage, dont nous aurons encore l’occasion de parler, est très rare et extrêmement curieux. C’est le type du « livre de bonne foi ». L’auteur avait une âme droite et honnête, comme cela paraît à chaque page. Avec Haliburton, il aura été le premier à flageller l’iniquité commise envers les Acadiens. Mais tandis que l’historien de la Nouvelle-Écosse cherche au crime des circonstances atténuantes, et en fait tomber toute la responsabilité sur le colonial government, par quoi il veut dire les gouverneurs et les hommes à leurs ordres, Mrs . Williams n’y va pas par quatre chemins pour montrer que la Métropole fut au fond de toute cette affaire, « to wich the history of the civilized world affords no parellel », ainsi qu’elle s’exprime. L’Introduction de cet ouvrage, qui couvre 79 pages, texte fin, en est la partie la plus importante, au point de vue de l’histoire proprement dite… C’est dans l’admirable collection de Canadiana, formée avec tant de soin et de patience par M. Lambert, de Manchester, New-Hampshire, que nous avons trouvé ce volume qui mérite d’être mieux connu, tant l’auteur a prouvé de courage et de jugement. L’éminent historien des États-Unis, George Bancroft, n’a pas été moins affirmatif sur ce point : « No doubt existed of the King’s approbation. The Lords of Trade… wished very much that every one of the Acadians should be driven out ; and, when it seemed that the work was done, congratulated the King that « the zealous endeavours of Lawrence had been crowned with an entire success » . Hist. of U. S., vol. II, ch. VIII, p. 426 & seq. (New-York, Appleton, 1888).

  5. Comment l’auteur peut-il accuser la France d’avoir commis des « empiètements » quand la question des frontières acadiennes n’avait jamais été réglée au juste et que personne ne pouvait dire jusqu’où s’étendait le territoire cédé ? « The boundaries of the English & French provinces were by the terms of this treaty (Utrecht) left unsettled, neither party acknowledging the right of the other. Provision, however, was made for a commission to sit at Paris to settle the dispute… The boundary commissioners, the humpbacked governor of Quebec, the capable Galissonniere, with Silhouette for France, and Shirley with Mildmay for England, — were destined to sit long at Paris… Lord Halifax saw the whole frontier rendered uncertain by the claims of France. The agent of Massachusetts in England found in him a willing and an eager minister in preventing the Canadian French from encroaching on the Bay of Fundy, which was a difficult task, considering that most of the inhabitants of British Acadia were French. Lands were now offered to disbanded officers, soldiers and mariners in N. S. This was in March 1749. In June of the same year, 1400 souls were landed in the harbor of Chebucto, and before a single acre of soil was cleared from the interminable forest growth, and before the approach of the coming winter, 900 houses were inhabited. The menaced encroachments of France upon the English territory of what is now the province of New-Brunswick led thus to the founding of Halifax… The fall of Louisbourg, in 1758, of Quebec the next year, and the capitulation of the French army in Montreal in the year following, brings to the end of the boundary dispute between France and England and to the end of the French rule in Canada. »

    The Acadian Boundory disputes and the Ashburton Treaty, by the Hon. Justice Weatherbe, in Coll. of N. S. Hist. Soc. for the year 1887-88. Vol. VI, pp. 23-4-5, (Cf. A. C. Am. du Nord, Nouv.-Fr. Question des Frontières, 1749-1751, vol. 3, c. II. Paris, sept. 1750).

    « … En 1755, recommencèrent les hostilités (entre la France et l’Angleterre ;) elles s’ouvrirent par le tremblement de terre de Lisbonne, où périt le petit-fils de Racine. Sous prétexte de quelques terrains en litige sur la frontière de l’Acadie, l’Angleterre s’empara sans déclaration de guerre de 300 de nos vaisseaux marchands ; nous perdîmes le Canada, faits immenses par leurs conséquences, sur lesquels surnage la mort de Wolfe et de Montcalm. »

    Chateaubriand. Mémoires d’Outre-Tombe. Vol. VI. Liv. X. Concl. p. 445.

    « Une légère querelle entre la France et l’Angleterre, pour quelques terrains sauvages vers l’Acadie, — (comme Voltaire appréciait mal ces choses et comme il a peu compris, le malheureux, l’importance des possessions coloniales françaises en Amérique. C’est lui encore qui dira, avec son abominable légèreté, à propos de la cession de tout le Canada à l’Angleterre : Ces quinze cents lieues de pays dont les trois quarts étaient des déserts glacés, n’étaient pas peut-être une perte réelle. La suite a assez prouvé l’immensité de la perte qu’avait faite au contraire la France. Pour Voltaire cela ne comptait pas. Il n’y avait pour lui que l’Europe. Mais comment n’a-t-il pas vu précisément que la situation européenne de son pays allait s’abîmer avec la perte de son empire colonial américain ? Voltaire n’avait ni le flair de l’Homme d’État, ni le sens de la grande Histoire, ni même les connaissances géographiques et ethnologiques nécessaires pour se mêler d’écrire l’Histoire extérieure de la France : surtout, il n’avait aucun patriotisme,) — inspira une nouvelle politique à tous les souverains d’Europe. Il est inutile d’observer que cette querelle était le fruit de la négligence de tous les ministres qui travaillèrent en 1712 et 1713 au traité d’Utrecht. La France avait cédé à l’Angleterre, par ce traité, l’Acadie voisine du Canada, avec toute si ses anciennes limites ; mais on n’avait pas spécifié quelles étaient ces limites, on les ignorait ; c’est une faute qu’on n’a jamais commise dans des contrats entre particuliers. Des démêlés ont résulté nécessairement de cette omission… Une pareille dispute élevée entre de simples commerçans aurait été apaisée en deux heures par les arbitres ; mais entre des couronnes il suffit de l’ambition ou de l’humeur d’un simple commissaire pour bouleverser vingt États. »

    Voltaire. Précis du siècle de Louis XV, ch. XXXIe, p. 331-5 et ch. XXXVe, p. 366. Tome 12 de l’édition de Genève. 1769.

    « … depuis la conclusion du traité d’Aix-la-Chapelle, en 1748, la France se trouvait dans une situation singulière. Pendant qu’elle et l’Angleterre étaient officiellement en paix sur le continent européen, leurs colons et leurs soldats se battaient aux extrémités du monde… En Amérique, les escarmouches étaient incessantes sur les frontières de l’Acadie… »

    Chapais, Montcalm, ch. II, p. 27. Québec, J. P. Garneau, 1911.

  6. Édward Cornwallis naquît à Londres, au no. 14 Leicester Square, le 22 février 1713. Il était le 6e fils de Charles, 4e baron Cornwallis, par Lady Charlotte Butler, fils du comte d’Arran, et petit-fils du duc d’Ormonde. Edward était frère jumeau de Frédéric qui devint Archevêque de Cantorbery en 1768. Cornwallis fonda Halifax en juin 1749 (juillet n. s.) Il fut relevé de ses fonctions de gouverneur en octobre 1752 et retourna à Londres. En janvier 1753, fut élu député pour le siège de Westminster et réélu l’année suivante. En 1753, épousa à Londres Marie, fille du vicomte Townsend, qui mourût en 1755, sans laisser d’héritier. Cornwallis mourût le 23 janvier 1776, à Gibraltar, dont il avait été gouverneur depuis le 18 mars 1762 au 14 juin 1765 et de 1771 jusqu’à sa mort. Hon. C. Cornwallis, ! founder of Halifax, a Paper read by James S. MacDonald, on June 21, 1899, the 150e ann. of the Settlement of Halifax. Dans Coll. of N. S. H. 8. vol. XII. 1905.
  7. « Lorsque l’on considère la conduite dos deux nations rivales, de 1720 à 1750, on s’aperçoit facilement aujourd’hui qu’elles ont commis l’une et l’autre une faute identique, en négligeant d’occuper en temps utile l’importante situation de Chibouctou : en effectuant cette occupation dès l’année 1700, les Français auraient à jamais consolidé la possession de l’Acadie…, quant aux Anglais, si, au lieu d’attendre jusqu’en 1749, ils eussent fondé Halifax en 1720, avec une colonie anglaise suburbaine, ils eussent tout de suite assuré la subsistance et l’indépendance de leur garnison et créé en même temps une population similaire à eux-mêmes… Pourquoi ont-ils prodigué tant d’efforts pour retenir sous main et malgré elle une population qui voulait émigrer ? Nous le savons aujourd’hui, c’est qu’ils avaient besoin d’elle. Mais ce besoin disparaissait par l’occupation d’Halifax… Les Acadiens fussent restés libres alors… leur départ eut été facile, et sans inconvénients pour personne. Les Anglais se fussent épargné de la sorte ces odieuses violences auxquelles ils se trouvèrent acculés peu à peu en 1755, par les tergiversations et la duplicité de leurs gouverneurs… »

    Rameau. Une Colonie féodale… T. II, ch. XIV, pp. 134-5.

    « The course adopted of founding a place of strength at Chibouctou, on the eastern coast of this province, and making a settlement there of settlers of British origin, was, in these circumstances, a measure of wisdom and forethought. Not only did it strengthen the power of government within the province itself, but it afforded a place suited in every vi’ay for fleets and armies to he afterwards employed in the reduction of Canada. Nova Scotia was no longer to dépend for military support and relief upon New England, but on the

    contrary could at all times supply assistance to the older English colonies in case of attack… Parliament voted £ 40.000 sterling for the expense of this expenditure… »

    B. Murdoch, Hist. of N. S., vol. II, ch. XI, pp. 136-7.

    « Whatever virtue the treaty of Aix-la-Chapelle may have had towards settling the quarrels of European powers concerned in the war, it scarcely interrupted for a moment the conflict between England and France. It scarcely even appeared to do so, for the great question of the boundary of the English and French settlements in America, of the limits of Acadie in Canada, was disputed with just as much heat after the treaty as before it. And not in words only but by arms, just as much as if war were still going on. »

    The Expansion of England, by J. R. Seeley.

    Lecture II. England in the Eighteenth Century, p. 26. Boston, Little, Brown & Co. 1914.

    Cf. A. C. Île Royale. Corr. gén. 1749, vol. 28. M. Desherbiers, gouv., ch. II, Aug. 15, Louisbourg. M. Desherbiers au ministre… « Concernant la colonie que les Anglais ont fondée à Halifax. »

  8. Ici, comme plus haut, dans les considérations au sujet de la fondation d’Halifax, Richard suit de très près Rameau, ch. XIV. L’analyse du fait que nous allons rapporter a passé, de cet auteur dans le MS. original, à peu près dans les mêmes termes. Qu’on en juge :
    Rameau. Richard.
    il n’y avait guère plus d’un mois que la flotte anglaise avait opéré son débarquement, que trois acadiens furent envoyés à Halifax par les habitants des Mines : Jean Melanson, Claude LeBlanc et Philippe Melanson ; ils venaient pour présenter leurs civilités au nouveau gouverneur… Leur visite survenait fort à propos ; Cornwallis venait précisément de ressusciter, dans son épaisse cervelle, la question du serment d’allégeance… déjà il avait rédigé une proclamation suivie d’une formule nouvelle de serment qui devait être imposée aux Acadiensil leur remit une copie de sa proclamation, avec ordre de le faire connaître dans toutes les paroisses. »

    T. II, pp. 136-7-8-9.

    quelques jours après (l’entrée dans le port,) les Acadiens de la Rivière aux Canards, de Grand’Pré et de Pipiquit envoyaient trois députés au nouveau gouverneur pour lui présenter en leur nom leurs civilités et leurs hommages … Les trois députés furent admis devant le gouverneur. Il leur fut demandé s’ils avaient quelque chose à présenter de la part des Acadiens de leurs départements : ils répondirent qu’ils n’étaient venus que pour offrir leurs hommages à son Excellence, et pour savoir si leur condition resterait la même, particulièrement à l’égard de l’exercice de leur religion. Son Excellence, qui venait justement de rédiger une Proclamation enjoignant aux Acadiens de prêter un serment sans réserve, la leur communiqua avec ordre de la répandre, de l’afficher partout…

    (feuillet 289 du MS.)

  9. En français dans le document.
  10. N. S. Doc. P. 165. Archives Canadiennes 1905, vol, II, p, 109. App. C. (Voir aux Appendices pour la Déclaration de Sa Majesté à Cornwallis).

    Première déclaration de Cornwallis aux Acadiens.

    Ordonnance de Son Excellence le Sr. Édward Cornwallis, Capitaine Général et Gouverneur en chef de la Nouvelle-Écosse ou l’Acadie dans la partie Septentrionale de l’Amérique.

    De par le Roy.

    Le Roy ayant voulu faire passer dans cette province de la Nouvelle-Écosse plusieurs de ses sujets naturels de la Grande Bretagne dans le dessein de l’établir de façon à en faire fleurir le commerce et la pêche ; à ces causes et pour porter les Français habitués dans cette province à marquer leur bonne volonté et à donner les secours nécessaires à ces nouvelles colonies, nous déclarons au nom et par ordre de Sa Majesté que quoiqu’elle n’ignore pas qu’au lieu d’avoir reconnu d’une manière convenable les grâces toutes particulières qu’il a plu à Sa Majesté où à ses prédécesseurs d’accorder aux dits Français, en leur permettant l’exercice de leur religion et en leur accordant la possession paisible et tranquille de leurs biens, plusieurs d’entre eux ont ouvertement pris le parti des ennemis déclarés de Sa Majesté et leur ont même donné des secours dans leurs différentes entreprises en fournissant des quartiers et des vivres à leur troupe, en leur donnant avis de tout ce qui se passait, en cachant leur dessein au gouverneur de cette province, de sorte que ceux-ci se sont plus d’une fois trouvés sous les remparts du Fort d’Annapolis Royale, avant même que la garnison fut informée de leur arrivée dans la province. Cependant pour donner des nouvelles marques de sa clémence véritablement royale envers les dits Français, dans l’espérance que s’attachant à leurs devoirs, ils se comporteront à l’avenir en fidèles sujets, il a plu à Sa Majesté de leur accorder de nouveau l’exercice libre de leur religion en tant que le permet les lois de la Grande Bretagne, comme aussi la possession paisible et tranquille des terres qu’ils tiennent actuellement à conditions qu’ils prêteront le serment de fidélité à sa Majesté prescrit par les lois de la Grande Bretagne, et cela dans l’espace de trois mois à compter de la date de la présente déclaration et qu’ils se soumettront d’ailleurs aux Règlements et aux ordonnances nécessaires pour le soutien et le salut du gouvernement de cette province, et qu’enfin ils donneront les secours nécessaires à toute autre colonie qu’il plaira à Sa Majesté d’y établir dans la suite. Nous ordonnons très-expressément au nom et par ordre de Sa Majesté à tous les sujets du Roy de quelque qualité ou condition qu’il soit d’occuper les terres incultes de cette province sans en avoir préalablement obtenu pour cet effet un octroi formel sous le sceau de la province. Enfin leur faisons aussi défense de transporter hors de cette province dans les colonies étrangères ni grains ni bestiaux ni aucune autre sorte de provisions sans en avoir obtenu notre permission pour cet effet.

    Donné à Chibouctou le 14 de juillet dix-sept cent quarante-neuf.

    Signé édward cornwallis.


    et plus bas par ordre de Son Excellence

    Signé hugh davidson.


    pour copie.

  11. N. S. Doc. Acad. French, p. 166-7. — Ce document a trop d’importance pour que nous nous soyons contenté d’en reproduire la seule analyse contenue dans le MS. Il valait mieux en donner le texte entier.
  12. N. S. Documents, Minutes of a Council held on hoard the Beaufort, on Monday the 31st of July, 1749, pp. 168-9.

    Le MS. donne, en partie seulement, cette pièce officielle, omettant la réponse du Conseil au premier point de la lettre des Députés, à savoir ce qui concernait les prêtres et le libre exercice de la religion, et d’autres résolutions ayant leur importance. Richard s’en tient aux ordres signifiés sur la question du serment. C’était là, il est vrai, le point capital de l’affaire. Inutile, je crois, de faire remarquer, après ce que nous avons dit dans notre Introduction, que l’auteur d’Acadie ne s’est pas donné la peine de traduire ces documents de source anglaise et qu’il les a insérés tels quels dans sa rédaction. C’était autant de travail de moins pour l’éminent traducteur de son œuvre, mais une charge de plus d’ajoutée à toutes celles qui incombent à l’éditeur du texte original.

  13. N. S. Doc. At a council held on board the Beaufort on tuesday the Ist of August 1749, p. 170.

    Sur les abbés Desenclaves et de Chauvreulx, cf. notre Tome Premier. Nous avons la bonne fortune de posséder, dans notre bibliothèque, un ouvrage provenant de Mr. de Chauvreulx et revêtu de son autographe. C’est un in-folio, marqué au crayon 1650 ? sur la feuille de garde, car la page-titre manque, et contenant le Tractatus de Sacramentis, de Jean Maldonat, S. J. Sur M. Girard, on peut consulter Doc. in. sur l’Acadie publiés par le C. F, pièces I, II, III, IV, V, VI, VII.

    « Sous l’administration de Cornwallis, les missionnaires de l’Acadie Anglaise étaient les abbés Girard, Chevreulx, etc… Il (Cornwallis) avait déjà fait incarcérer à Halifax, l’abbé Girard, curé de Cobequid (Truro), parce que ce dernier avait conseillé à ses paroissiens de ne pas prêter le serment sans réserve qu’on leur demandait… »

    Cf. Les anc. miss, de l’Acadie devant l’Histoire par Ph. F. Bourgeois, pp. 45-G- 7. Cf. N. S. Doc. p. 180 et seq.

  14. Cette pièce ne figure pas dans le MS. où nous croyons qu’elle avait pourtant sa place. Ele se trouve au N. S. Doc. p. 171. Akins a mis entre parenthèses, au-dessus du titre, translated from the French. Cette déclaration avait donc été envoyée aux Acadiens en français. Nous donnons le texte français d’après Archives Canadiennes. Vol. II, app. C. p. 110.) (Série F. 87ter., p. 192.)
  15. Le MS. la donne toute, d’après le texte anglais, sauf les six lignes du commencement, et deux vers la fin. B. Murdocn, vol. II, ch. XII, p. 157, en donne un extrait en français, sûrement d’après le texte original. Nous traduisons cette lettre, mettant seulement entre crochets, la partie qui se trouve dans Murdoch. Nous soulignons d’après Richard.

    Cf. N. S. Doc. pp. 172-3. — Am. & W. I. vol. 595. A. C. pour 1894, p. 145.

  16. N. S. Documents, pp. 174-5. Cette lettre couvre deux pages entières de la compilation de Akins. — Archives Canadiennes pour l’année 1905, (vol. II, 5-6. Édouard VII., A. 1906, pp. 363-4.) Cette réponse est datée du 5 7bre 1749.
  17. Nous ne savons au juste si Cornwallis était bon soldat, encore que sa lettre soit sur un ton qui sente la caserne ; mais il paraît sûr qu’il était pauvre diplomate et bien faible juriste, à en juger par ce document. Où donc le gouverneur avait-il pris cette maxime de droit étonnante, à savoir que le fait d’avoir feu et lieu dans un pays rend sujet du Souverain de ce pays ? Qu’on soit soumis à ses lois, d’accord ; mais que cette soumission entraîne nécessairement l’allégeance, — c’est cela au contraire qui est opposée, non seulement au sens commun, mais encore au droit des gens, tel que reconnu chez toutes les nations. Cornwallis montre la même ignorance juridique quand il affirme que le « serment ne fait pas les sujets, mais suppose que ceux-ci le sont déjà. » Cette conception du serment n’est même pas digne d’un primaire. Mais si le serment était si peu de chose à ses yeux, pourquoi donc insistait-il si fortement pour que les Acadiens le prêtassent dans une forme absolue ? En effet, pour Cornwallis, il n’était pas question de raisonner : il s’y entendait trop peu en logique pour le faire convenablement.
  18. Cf. A. C. pour 1894, p. 145. F. 89. B. T. N. S. vol. 9. Am. & W, I, vol. 595, Nous citons d’après Arch. Can. 1905, vol. II, p. 111.
  19. Richard emprunte ce passage, et les suivants à Rameau. Et ici, l’auteur d’Une Colonie féodale en Amérique analyse les documents cités plus haut dans notre chapitre. Le MS. original, en cet endroit, revient donc sur lui-même au lieu de continuer à exposer la suite des faits.

    Cf. Rameau. Tome II, ch. XIV, pp. 141-2.

  20. À ce texte de Rameau, Richard ajoute : au contraire, elles ont été reconnues et on s’y est conformé pendant la dernière guerre. De notre part, nous avons gardé notre fidélité à ce serment, malgré les séductions et les menaces. (feuillet 297.)
  21. Hist. of N. S., vol. II, ch. XX, p. 286. Murdoch fait ces considérations à . propos des événements de 1755, et c’est Rameau qui lui emprunte ce passage, (T. II, ch. XIV, p. 14.3) et qu’il applique aux faits de 1749. Richard l’ayant vu dans Rameau, le garde. Ce que dit ici Murdoch a un caractère général, il est vrai, et peint bien le style de tous les documents émanés des Acadiens.
  22. Cf. A. C. (1894) Nova Scotia. 1749. Dec. 1. Albany. John II. Lydieus to Corriwallis. « Sur l’ordre de M. de la Jonquière (gouv. du Canada) le chevalier de la Corne s’arrêta à un endroit nommé la Butte à Beauséjour, qui donne sur le fond de la Baie Française, et y bâtit un fort… Ce fort se trouvait sur la partie la plus étroite de l’isthme, qui sépare la Baie Verte de la Baie de Fundy, et qui unit la terre ferme avec la péninsule de la Nouv.-Écosse. »

    Ferland. T. II, ch. 34, p. 498. Garneau II, ch. III, p. 194.

    Cf. A. C. Corr. Gén. 1749, vol. 93. M. de la Jonquière, gouv. M. Bigot, Int. c. II. De la Jonquière au Ministre. Québec, Sept. 9, fol. 130, 4½ pp.

  23. Cf. A. C. pour 1894, p. 151, F. 136, B. T. N. S. vol. 9. Nova Scotia Doc. p. 178-9. — Cet ordre est signé : Given under my Hand and Seal at Halifax the 13th of January 1749.
    Ed. Cornwallis.

    Cf. Rameau, loc. cit. p. 142.

  24. Et voici pour quelles raisons : « J’avais lieu d’espérer que Loutre (sic) au moins serait pris, et au cas où les Indiens auraient marché contre nous, que nous pourrions capturer leurs femmes et leurs enfants, et les députés de Chinecto. Cobb, un colon, familier avec tous les coins de la Baie… me parut tout désigné pour cette entreprise. Je l’envoyai sur son Sloop à Boston, auprès de M. Phips (It.-gouv. du Mass.) pour prier ce dernier d’aider en toute hâte Cobb à armer son bateau. Je pensais que cette affaire pourrait être menée secrètement… mais j’appris bientôt que le bruit s’en était répandu dans tout Boston. Et M. Phips m’envoya une lettre bien étrange à ce sujet… Ainsi mon plan ayant été divulgué ici et en Nouvelle-Angleterre, les Français et les Indiens n’allaient pas tarder à le connaître également. Aussi ai-je jugé prudent de donner un contre-ordre à Cobb… »

    Gouv. Cornwallis au Duc de Bedford. N. S. Halifax. Mars 19, 1749-50 (N. S. Doc. 181-2-3.)

    Cf. A. C. (1894) pp. 154-5, F. 127, B. T. N. S. vol. 9.

    Ce Silvanus Cobb était né à Plymouth (Mass) en 1709. Capitaine dans le régiment de Gorham, il servit dans la première expédition contre Louisbourg. En 1758, prit part au second siège de Louisbourg, et fut chargé par Monckton de conduire Wolfe en reconnaissance de cette forteresse… La campagne finie, Cobb retourna à Plymouth et revint avec sa famille s’établir à Liverpool (N. E.) En 1762, prit part à l’expédition contre la Havane, où il mourût de l’épidémie qui y sévissait. Cf. Russell’s Hist. Plymouth, p. 198.

    Spencer Phips s’appelait originairement Bennett, fils du Dr. David Bennett, de Eovfley (Mass.) Sa mère était une Spencer. Adopté par son oncle, le gouv. Sir William Phips, qui mourût sans enfants, Bennett prit légalement le nom de ce dernier. Fut élu conseiller du Mass. en 1722. Lt. gouv. en 1733, charge qu’il exerça jusqu’à sa mort. (Cf. Minot’s Hist. Mass., vol. I.)