Académie des sciences – Séance hebdomadaire/17
10 novembre 1873
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ACADÉMIE DES SCIENCES
Séance du 17 novembre 1873. — Présidence de M. de Quatrefages.
M. Burdin. — La section de mécanique vient de perdre le doyen de ses correspondants, M. Burdin, ingénieur en chef des mines, mort à Clermont-Ferrand, dans sa quatre-vingt-sixième année, le 12 de ce mois. Le nom de M. Burdin est attaché à plusieurs grands progrès des sciences. C’est à lui qu’on doit la première turbine, dont l’invention ne lui a rapporté que de l’honneur, tandis que d’autres, plus heureux, grâce à certaines améliorations de détail, en ont tiré, en outre, de grands profits. Bien avant Poncelet et Coriolis, M. Burdin avait dans une quarantaine de pages remarquables déposé le germe de la théorie si féconde du travail. Enfin, il a l’antériorité sur M. Ericson, relativement à l’application de l’air chaud dans l’industrie : encore ici, comme pour les turbines, il n’a pas pu arriver à un résultat pratique, mais ses recherches n’en ont pas moins été de la plus haute utilité pour la solution définitive du problème.
Fabrication de la bière. — Pour beaucoup de personnes, l’événement de la séance a été la communication par M. Pasteur, d’un procédé de fabrication de la bière, par lequel ce liquide serait soustrait à toute chance d’altération. Ce procédé est fondé, comme celui du même auteur relatif au vin, sur la doctrine maintenant célèbre sous le nom de panspermie et d’après laquelle la décomposition et la putréfaction des substances organiques sont causées par des germes organisés arrivant par l’air. Nous n’entrons pas dans la description des méthodes indiquées par l’auteur, parce que nous ne pouvons être convaincus de l’exactitude de son point de départ. En effet, M. Pasteur pose en fait qu’une décoction de levure de bière, abandonnée dans un ballon ouvert, mais dont le col étiré a été contourné, peut subsister indéfiniment sans altération. Or, on nous a fait assister à des expériences faites rigoureusement suivant les indications de M. Pasteur, et dans lesquelles la levure devenait le siège de végétations abondantes. Celles-ci n’apparaissent d’ailleurs pas tout de suite ; il faut d’ordinaire plusieurs mois pour qu’elles prennent naissance, et quelquefois même plusieurs années ; mais leur possibilité met à néant le point de départ de M. Pasteur, et ruine par conséquent tout l’édifice qu’il construit sur cette base.
Un fer météorique. — Au nom de M. Lawrence Smith, professeur à l’université de Louisville (Kentucky), M. Dumas met sous les yeux de l’Académie une grande lame polie de fer météorique. Elle provient d’une masse volumineuse, découverte à Howord, dans l’Indiana, en creusant un fossé de 60 centimètres de profondeur. C’est un métal analogue à l’acier, et renfermant de gros rognons de ce sulfure particulier de fer et de nickel qu’on appelle troïlite. Ces rognons sont comme encadrés de phosphure, dit schreiberite. M. Smith, en terminant son mémoire, se livre à certaines considérations relatives à l’influence du phosphore sur la solubilité du fer, qui pourrait devenir peut-être le point de départ d’applications industrielles, mais qu’il faudrait, au préalable, soumettre à des études spéciales.
Le phylloxéra plus fort que les botanistes. — Pendant très-longtemps les botanistes ont confondu ensemble les végétaux, d’ailleurs fort voisins, qui constituent maintenant les genres vitis (vigne), ampelopsis (vigne-vierge) et cissus. Or, il résulte des recherches de M. Maxime Cornu que le phylloxéra, beaucoup plus avisé, ne commet pas la même confusion. Si on le place sur une vigne, quelle que soit son espèce, il s’y fixe et produit ses ravages, mais il respecte les ampelopsis et les cissus.
Dosage de l’ammoniaque dans l’air. — Déjà nous avons signalé un très-intéressant travail de M. Truchot, sur la proportion d’acide carbonique contenu dans l’air à différentes altitudes. Le même auteur a fait une étude analogue au sujet de l’ammoniaque. Il trouve que Clermont-Ferrand donnant, par mètre cube d’air, de 1 à 2 milligrammes d’ammoniaque, le sommet du Puy-de-Dôme en fournit 3 milligrammes, et le sommet du pic de Sancy 5,5. Le résultat reste le même, que le temps soit beau, ou couvert, ou pluvieux. C’est un résultat tout à fait imprévu et bien de nature à engager les chimistes à persévérer dans l’étude approfondie de l’atmosphère. Comme le fait remarquer M. Elie de Beaumont, les faits de cette nature montrent toute l’importance des observatoires établis dans les montagnes. Les résultats qu’ils fournissent constituent comme le cadre fixe où viendront se ranger les données procurées par les observatoires mobiles des aérostats.
Le maximum de densité de l’eau. — Un ingénieur très-distingué, M. Piarron de Mondésir, adresse une explication, toute mécanique, du phénomène connu sous le nom de maximum de densité de l’eau. Nous craindrions, sur une simple audition, de ne pas rapporter exactement ce raisonnement, forcément très-délicat, mais le nom de l’auteur nous faisait un devoir de signaler ce travail à l’attention de nos lecteurs.
Évaporation du sulfure de carbone. — Revenant sur le travail analysé en son nom la dernière fois, M. Decharme émet des doutes quant à la composition des stalactites blanches produites sur le papier poreux sur lequel s’évapore le sulfure de carbone. On avait admis qu’elles consistent dans l’hydrate de ce corps, mais l’auteur incline plutôt à penser qu’elles sont purement et simplement formées de givre. En même temps il annonce avoir reproduit son expérience avec le chloroforme et même avec l’éther sulfurique quoique plus difficilement.