Œuvres de Vadé/Le singe, le lapin et le mouton

Garnier (p. 132-133).

V

LE SINGE, LE LAPIN ET LE MOUTON.

 
Le bon cœur à l’esprit fut toujours préférable,
L’un a nombre d’amis, et l’autre presque point :
Quand l’esprit au bon cœur se joint
C’est encor mieux, on en est plus aimable.
Maître Bertrand, singe adroit et malin,
Singe à bons mots, fit un jour connaissance
Avec Robin mouton, ami de Jean Lapin.
Les voilà donc tous trois en bonne intelligence.
De son métier, Bertrand drôle de corps,
Les faisait étouffer de rire.
Et devant lui les plus retors
Admiraient, et n’osaient rien dire.
C’était un petit Despréaux,
Il avait fait une satire,
Contre de certains animaux
Qui se croyaient bien fins et n’étaient que des sots.
Écoutez, je vais vous la lire,
Leur dit-il, en s’applaudissant.
On écoute… Après la lecture,
— Comment la trouvez-vous ?… — Cela n’est pas plaisant,

Dit le lapin, craintif de sa nature.
Vous drapez le lion, le loup et le renard
Qui près de nous sont tous gens d’importance,
Ainsi nous aurons bientôt part
Aux traits mordants de votre médisance.
— Bon ! dit Bertrand, n’ayez pas peur. Fi donc !
Et qu’en pense Robin mouton ?
— Ah ! dit Robin, je ne suis qu’une bête,
Car je n’aime que la bonté.
Peut-être suis-je malhonnête
De fuir aussi votre société ;
Mais Jean Lapin et moi ne faisons point de fête
À qui doit son esprit à la méchanceté. »