Œuvres de Saint-Amant/Junon à Pâris


JUNON À PARIS.

Pour un ballet.


Équitable berger, gloire du sang de Troye,
Qu’un songe malheureux pensa donner en proye
Aux destins irritez ;
Si l’extrême grandeur dont l’eclat m’environne
Ne m’avoit obtenu la celeste couronne,
Je n’aspireroy point à celle des beautez.

Je preside aux tresors, je fay monter les hommes
Par des degrez d’honneur jusqu’au siege où nous sommes,
Avecques tous les dieux :
C’est de mon seul pouvoir que depend la fortune ;
À quiconque il me plaist sa grace est opportune
Et rend souventesfois la terre égale aux cieux.

Aussi le souverain que l’Olimpe revere
Adoucissant pour moi son visage severe,
Adore mon autel ;
Je suis l’unique objet des pensers de son ame,
Et croy que ma beauté, d’où procede sa flame,
L’eust fait mourir d’amour, s’il eust esté mortel.