Œuvres de Saint-Amant/Epistre à M. le baron de Melay
EPISTRE[1]
À Monsieur le baron de Melay[2], gouverneur du Chasteau-Trompette[3], à Bordeaux.
rand chastelain de qui la preud’homie
Excite au los ma haute chalemie,
Amy sans fard, cher et noble Melay,
Point je ne veux t’escrire un piteux lay,
Ny te dépeindre, avecque des fleurettes,
D’un vieux ribaut les tendres amourettes,
D’un jeune fou l’agreable langueur,
Ny d’un bel œil l’innocente rigueur.
Ma Melpomene, en verve sans pareille,
Ne veut non plus lanterner ton oreille
De graves traits, de sublimes discours,
De la morale utile à mon secours,
Des elemens, de leur paisible guerre,
Du bransle rond qu’avec nous fait la terre,
Du flux marin, des orbes empennez,
Des noirs porreaux qu’on leur voit sur le nez,
Si l’on en croit nos derniers telescopes,
De leurs aspects, de leurs tristes sincopes,
De leur pouvoir sur un moment natal,
Des biens certains, de l’arbitre fatal,
Des faux honneurs, du benest qui s’y fie,
Des loix, des arts, de la géografie,
Ny du mestier où les durs matelots
Par les Tritons sont bernez sur les flots,
Qui, leur servant de castelongne bleue
Pour s’en jouer à tremoussante queue,
Servent aussi, selon nos beaux abbus,
De courte-pointe au grand lit de Phebus.
Point je ne t’offre, en de funestes cannes
Rudes conflits, effroyables vacarmes,
Sieges, estours[4], meurtres, ny horions
Drû descochez sur tests[5] à morions,
Quand de Henry[6] l’intrépide alumelle
Brillant dans l’air en foudre qui grommelle
Rosse, chamaille, et pourfend jusqu’aux dents
Soudarts et chefs au choq les plus ardents :
Tesmoin les coups qu’en Sainte Marguerite
Ce branc[7] d’acier, qui des vertus herite
De Durandal, et de Flamberge[8] encor
Par des exploits digne de vivre en or,
Fit ressentir à la gent bazanée,
Du sort des lys ores si mal-menée,
Que son lion, perturbé du cerveau,
Changeant de notte, en mugit comme un veau :
Tesmoin de Quiers la fameuse retraite[9]
Qu’avec du sang le Vieux[10] nous a portraite
Le rare Vieux, nostre cher et feal.
Qui point n’en conte en hableur ideal,
Mais en vray sire, en homme qu’on peut croire,
Lorsque d’un cas il debite l’histoire,
Et qu’il fait voir que l’esprit de Faret
À d’autres soins que ceux du cabaret :
Tesmoin, enfin, tant de fieres merveilles.
Tant de sujets de nos illustres veilles,
Qu’ont admirez et Casal et Turin,
Et que l’effort du plus hardy burin
Entre les doigts de la plus noble Muse
Qui sur Parnasse aux eloges s’amuse,
Qui les cizelle et nous fait renommer,
Au gré de Mars ne sçauroit exprimer.
Je laisse à part, pour reprendre mon stile,
Tant d’autres faits de ce second Achile,
Dont les bons dieux, ô mon brave baron !
Pour nostre bien te firent le Chyron,
Comme, peut-estre, ils m’en feront l’Homère.,
Si la vertu, ma fidelle commere,
Ne me trahit, ou si dame Atropos
Ne rafle en bref ma vie entre les pots.
Retournant donc sur mes premieres erres,
Je te diray, sans plus parler de guerres,
Qu’en ce papier barbouillé plaisamment,
Pour t’ebaudir en ton esloignement,
Tes yeux vitrez n’apprendront point les choses
Qui font en cour tant de metamorphoses.
Et que ta voix, en voulant estre aussy,
D’un ton nazard ne lira point icy,
Sous la faveur de tes bezicles vertes,
Par quels moyens on les a decouvertes ;
Quel soin il faut à regir les estats,
À les sauver des lasches attantats,
Si de Themis la juste diligence
En un tel fait peut user d’indulgence,
Ou si la mort douce comme un chardon,
Doit bien-tost dire : lngrat, point de pardon.
Cela n’est point du gibier de ma rime :
Le blanc outil dont mon pouce s’escrime
N’ouvre le bec, n’en crache rien de noir,
Que pour t’offrir en ton vaste manoir,
En ton antique et fort Chasteau-Trompette,
Où pend au croc mainte vieille escopette,
Cent grand-mercis de la part de mon goust
Pour un present cher et de peu de coust,
Pour un morceau l’effroy des sinagogues[11],
Pour un jambon que d’une ame en ses gogues,
D’une main franche et d’un cœur deployé,
Jusqu’à Paris tu nous as envoyé.
Je dis nous as, car l’auguste princesse[12],
Que d’exalter tout le monde ne cesse,
Le doux soucy de nostre grand heros
Qui des neuf preux fait autant de zeros,
Le saint miroir des vertus et des graves,
L’objet qui rend mes hyperboles basses,
Le rare honneur du sexe feminin,
La gloire mesme, au front chaste et benin,
Ayant receu sous un daiz venerable,
Ce Basque lourd, chose assez admirable,
Daigna soudain par un Suisse leger.
D’un Normand rond la chambre en obliger.
De quels cadeaux te pourrois-je decrire
L’aise que j’eus, lorsqu’en me venant dire :
« Pon chour, Mansieur[13] », ce franc Colintampon
Me dit encor : « Fous mon tame un champon
T’enfoye icy, dasticot pour ton foire ;
Ché suis grand chaut, paille à moy rien[14] pour boire ? »
Le bon Hardot suoit dessous le faix,
Comme en jouant au trique-trac tu fais,
Quand contre moy quelque traistre de sesnes[15]
D’un pesant coup te donne mille gesnes,
Te fait pester, brouille ton jugement,
Et sans mercy t’enfile nettement.
Si tost, enfin, que son eschine large
Eut jetté là sa monstrueuse charge,
Qui de son poids estonnant le plancher
Fit plus de bruit qu’un flot contre un rocher,
Ou qu’une horrible et foudroyante bombe
Quand sur un toit il avient qu’elle tombe ;
Si tost qu’il eut, s’essuyant d’une main,
Harpé de l’autre, avec un ris humain,
La piece blanche, en nouvelle monnoye,
Dont mon gousset voulut faire sa joye,
Je me levay, fis trembler tout le lieu,
Et m’habillant receus son bel : Atieu.
Or, cher Melay, voy comme la fortune,
Que de mes vœux gueres je n’importune,
Toute bizarre et farouche qu’elle est,
À m’obliger par fois songe et se plaist ;
Voy comme au monde où cette aveugle roule,
Par fois les biens nous arrivent en foule,
Et comme l’heur les voulant departir
Parfois encor tasche à les assortir :
Mon drosle à peine estoit hors de ma chambre,
À peine avois-je admiré ce grand membre,
Ce mont de chair, ce prodige de lard,
À qui la suye avoit servi de fard,
Qu’un crocheteur courbé sous vingt bouteilles,
Grosses du jus des plus exquises treilles
Dont la Cioutat porte sa gloire aux cieux,
Avec ahan[16] vint s’offrir à mes yeux,
Et qu’un laquais, d’une belle entre-suite,
Chantant : Lampons[17], à gueule mal instruite,
Vint sur ses pas me presenter au nez
Un roquefort, mais des plus raffinez.
Si tu sçavois les carresses muettes
Que ces amours des friandes luettes
Se firent lors, ou qu’on eust dit au moins
Qu’ils se faisoient, ravissant les temoins ;
Si tu sçavois leurs agreables signes,
Leurs longs regars, les uns des autres dignes,
Ton cœur, emeu de leur pronte amitié,
Se trouverait plus gay de la moitié.
Il est bien vray que l’aspre jalousie
Sema soudain devant la malvoizie
Quelque grabuge entre les deux amans
Qui se montroient si doux et si charmans,
Et qu’à l’aspect de ces vingt belles fées
Beaucoup plus d’eux que d’estoupes coiffées[18],
Peu s’en falut qu’on ne vist ces rivaux
Prests à monter dessus leurs grands chevaux ;
Mais d’un glou-glou, l’une des mieux aprises,
Craignant enfin qu’ils n’en vinssent aux prises,
Semble crier : Tout beau, vieux Roquefort !
Contente-toy que l’on t’estime fort ;
Et toy, l’espoir d’une superbe table
Où se doit faire un banquet delectable,
Puissant ragoust, héroïque jambon,
Sois asseuré qu’on te tient bel et bon.
Refrenez donc vos injustes coleres,
Embrassez-vous, aimez-vous comme freres ;
Et vostre sel, tant chery de mes sœurs,
Sera conjoint à nos pures douceurs[19].
À ces beaux mots, qui d’un goulet sortirent,
Mes champions leur fureur amortirent ;
La paix fut faite, et moy, de tous accords,
Je resolus de m’en traiter le corps.
Sur ce dessein je commanday qu’en haste
On fist bastir un grand palais de paste,
Pour avec l’ail, l’anchoye au teint vermeil,
Le poivre blanc et le clou nompareil,
Loger en roy ce jambon que je prosne,
Ce digne mets qui des mets tient le trosne,
Et par qui seul, les juifs estant morguez,
Les bons chrestiens des Turcs sont distinguez :
Car, quand au jus que l’Alcoran prohibe,
Des moins nigaux la lippe s’en imbibe ;
Ils en sont fous, et n’observent ce poinct
Qu’en leur dormir ou lors qu’ils n’en ont point.
Dès que le four eut accompli l’ouvrage,
Dès que chés moy, tout chaud et sans naufrage,
Ce beau jambon, cet illustre pasté[20],
Couronne en chef, fut en pompe apporté,
J’en fus ravy, j’en admiray la gloire,
Et, retrouvant au sein de ma memoire
L’humide oracle issu du long gozier
De la Sibille à la robbe d’osier[21],
Je connu bien par la table predite
Que du joyau sur lequel je medite
Il convenoit enrichir les treteaux
Du magnifique et grand Des-Yveteaux[22],
De ce demon qui, dans la solitude,
Gouste en repos tous les fruits de l’estude,
Et dont le cœur abandonne les sens
Aux doux excez des plaisirs innocens.
Pour mettre fin, tu sçauras donc en somme
Qu’au beau sejour de ce rare et digne homme[23],
Je fis marcher en pas de pain benit
Ce don royal que de fleurs on garnit,
Faisant, de plus, cheminer à ses ailes
En bel arroy les mistes demoiselles,
Que le fromage accompagnoit de près
Comme feru[24] de leurs liquides traits,
Et que si tost qu’on l’eut mis en posture
D’en faire aux yeux la celebre ouverture,
Ma grosse main si bien s’en acquitta,
Qu’un prompt essay ma bouche en merita.
J’entreprendrois de supputer le nombre
Des cloux de feu qui dorent la nuit sombre,
J’entreprendrois, en un temps chaud et clair
Les vains calculs des freluches[25] de l’air,
Si maintenant je voulois faire dire
Aux nerfs fameux de ma grotesque lyre
Tous les transports, les cris admirateurs,
Les mots goulus et les gestes flateurs
Dont on forma les insignes louanges
De ce jambon, de ses charmes estranges,
De son beau teint, de son goust, de l’apprest
Et du parfum qui me tue et me plaist.
L’un proferoit d’une voix aiguisée :
Il est, parbleu ! tendre comme rosée ;
L’autre, coulant un long trait de muscat
Sur le morceau friand et delicat,
Faisoit ouïr : Ha ! qu’ils sont doux ensemble !
Que leur vertu s’accorde et se ressemble !
Et l’echo mesme, au grand mot de jambon,
De tous costez redisoit : Bon, bon, bon.
Là les couteaux, brusques à leur office,
S’entr’enviant l’honneur du sacrifice,
Sembloient debatre à qui le toucheroit,
Ou pour mieux dire, à qui le trencheroit ;
Et toutefois, à le voir sous les playes
Que luy faisaient nos mains libres et gayes,
On auroit creu qu’en ces doux accidens
Sa gentillesse eust dit entre les dents :
Chers ennemis, je benis mes blessures,
Je suis heureux d’eprouver vos morsures,
Puis que le sort m’ordonne noblement
De vous servir d’agreable aliment ;
Ma chair de beste en chair d’homme changée
Sera tantost à vos dents obligée.
Poursuivez donc et ne m’epargnez pas :
En vos fureurs je trouve des appas.
J’ose vous faire une seule demande :
C’est qu’un de vous, d’une plume gourmande,
Et d’une estime à qui l’on preste foy,
En quelque lieu daigne parler de moy,
Afin, au moins, que n’estant plus en estre,
Par son caquet on me puisse connestre,
Non point, Messieurs, non point comme un morceau
Qui soit venu d’un vulgaire pourceau,
Mais, pour certain, comme l’enorme fesse
D’un grand sanglier[26] que Diane confesse
Avoir esté la terreur de ses bois,
Avoir reduit tous ses chiens aux abbois,
Nargué les traits des nimphes ses compagnes,
Couru les monts, arpenté les campagnes,
Et fait fuïr des sauvages destours
Les leopars, les tigres et les ours,
Bref, que le coup d’une balle ramée
Parmy le feu, le bruit et la fumée
Portant la mort, put seul en trahison
Après vingt ans ranger à la raison.
Ces vieux rochers, ces naturelles bornes
Qui jusqu’au ciel osant lever les cornes,
Serveut d’obstacle aux desseins trop hardis,
Me plegeront des choses que je dis.
Ouy ces hauts rocs, ces barres des offences,
L’ont veu cent fois esmoudre ses deffences
Contre leur flanc difficile à gruger,
Pour faire teste au lion estranger,
Et, d’une hure horrible et furieuse,
Faisant paslir sa trongne imperieuse,
Le mettre au poinct de crier, non debout :
Brave Gascon, je me rends, dague et tout.
Ainsi finit sa jactance gaillarde
Le bon muet à l’humeur babillarde ;
Ainsy, Melay, fus-je sans voix requis
De celebrer un morceau tant exquis ;
Mais, cher Baron, pour toute sa harangue
Qu’en un palais on ouyt de la langue
Et que le goust fit comme un president,
Nul n’en perdit le moindre coup de dent.
Ton grand cousin, le genereux Brionne,
Qui de vertu s’arme et se gabionne
Pour soustenir les frasques du malheur,
En cet assaut exhiba sa valeur.
Bien secondé du patron de la case,
Qu’avecque gloire on a veu sur Pegase,
Qui mesme encor monté sur ce destrier
Sans avantage et sans aide d’estrier,
Et dont le corps, en sa vieillesse auguste,
Tesmoigne avoir l’estomac si robuste,
Que, Dieu mercy, quoy que j’œuvre assez bien,
Son appetit a triomfé du mien.
La belle Iris, la reine de la harpe[27],
Jambette au poing franchit la contr’escarpe,
Força les murs, et des dents se fit voir
Une amazone habile à son devoir ;
Bref, nostre ardeur n’auroit fait nulle treve
Entre ce mets, la maschoire et le glaive ;
Nul lendemain n’en eust esté servy,
Si le fromage, honorent à l’envy
La riche nappe aussi blanche que neige,
N’eust dit aux yeux : Et moy, que deviendray-je ?
Mot qui nous plut et qui, bien addressé,
Fut par la trouppe aussi-tost exaucé.
Que veux-tu plus ? Maints confreres notables
Virent ce basque orner diverses tables,
Et c’estoit faire un splendide festin
Que d’en offrir une trenche au matin ;
Mais entre tous, ce franc cœur, ce bon Pitre[28]
Qui de vray gros me ravira le titre,
Et l’effectif, l’aymable Saint-Laurens[29],
Pareils en mœurs, en taille differens,
Que je cheris, que j’estime, que j’ayme,
Et l’un et l’autre, à l’esgal de moy mesme,
Par friandise en lecherent leurs doigts,
Et ta santé s’y but plus d’une fois.
Sois donc soigneux de satisfaire aux masses
Que tes amis font à tes bonnes graces,
En attendant que j’aille quelque jour
Choquer le verre en ton noble sejour ;
Car je veux joindre, auprès de ta cuvette,
Le vin de Grave aux huistres de gravette ;
Je veux enfin voir ton quay spacieux,
Ton large fleuve aux bords delicieux,
Ton beau chasteau, ton grand port de la Lune
Qui pour couronne a mainte riche hune,
Ta belle ville où mon corps ne fut onc,
Tes capdebious[30] qui dardent un : Et donc !
Roullent les yeux, s’embaument les moustaches
D’oignons et d’aux en guise de pistaches,
S’arment le flanc de quinze pieds de fer
À chaque pas font tressaillir l’enfer,
Morguent le ciel et, haussant les espaules,
Semblent tous seuls estre l’appuy des Gaules,
Et d’un regard, d’un penser seulement,
Devoir remplir la mort d’estonnement.
Mais sçais-tu bien, de ces beaux morte-payes
Ne pense pas m’aller faire deux hayes
Pour recevoir mon illustre embonpoint ;
Son gras honneur n’en veut ny peu ny point.
Armes à part, je crains la salve en diable ;
Quelque estourdy, cuidant m’estre agreable,
Pourroit d’un coup me noircir le museau,
Ou de ma vie achever le fuseau,
Et puis après croiroit en estre quitte
Pour s’escrier d’une voix interdite :
Perdon, quauqu’autre a cargat lou mousquet[31] ;
Et cependant j’aurois eu mon paquet.
Fay mieux, Baron, fay que de ta cuisine
La batterie effrayant la lesine,
Sorte en parade au devant du bon Gros ;
Fay qu’un chacun se saisisse de bros,
De poislons clairs, de lechefrites noires,
De pots, de grils, de broches, de lardoires,
Et d’instrumens qui sur un air connu
Chantant tout doux : Tu sois le bien venu !
Ordonne encor, pour accomplir la feste,
Que ton Champagne un tel morceau m’apreste
Qu’estoit celui dont avecques splendeur,
Ma muse a peint et le goust et l’odeur,
Et sur lequel, sous le tan qui la pique,
Elle a pensé faire un poeme epique,
Car, en sa fougue, et qui la pousseroit,
Sur un ciron un livre elle feroit.
C’est trop ; adieu, je te baise les pattes
Dont, plein de soins, bien souvent tu te grattes,
Depuis le jour qu’embrené d’Espagnols,
Mis dans ta cage ainsi que rossignols,
Tu fais le guet et voy ta bource en peine
De leur fournir, non d’eau pure ou de greine,
Mais du meilleur que Bacchus et Cérès
Facent tirer des monts et des guerets,
Souffre qu’icy le cher et gris Poyane[32],
Qui point n’en dort du vespre à la diane,
Soit de ma part salué comme il faut ;
Et si ma plume ose voler plus haut,
Si le bon-heur quelque chemin t’en fraye,
Presente au duc, au noble sainct de Blaye[33],
Pour ton varlet, cent fois plus d’humbles vœux
Que sur ma teste ou ne voit de cheveux ;
Puis à la fin, m’applaudissant en prose,
Dy qu’il fait bon me donner quelque chose ;
Prens en gré l’œuvre, et j’espere qu’en vers
Ton nom, par moy, vivra jusqu’aux pois vers.
- ↑ On remarquera que cette épître est écrite en vieux langage.
- ↑ Le baron de Melay, ami de Saint-Amant, avoit été le Silène du comte d’Harcourt, selon Saint-Amant lui-même.
- ↑ Cette forteresse étoit à l’entrée du quai et commandoit le port. C’étoit une citadelle ancienne qui datoit de 1454. Vauban la répara et l’augmenta. Il y avoit un état-major de place.
- ↑ Choc, combat, attaque.
- ↑ Têtes à casques. — Le test étoit la partie chevelue de la tête ; l’autre partie, c’est la face. — Le morion, c’étoit le casque, le pot, comme dit Furetière, dont les fantassins se couvroient la tête ; les cavaliers avoient le haume.
- ↑ Le comte d’Harcourt, Henri de Lorraine.
- ↑ Branc, épée, de l’ital. branca.
- ↑ Durandal est l’épée de Rolland. — Flamberge est l’épée de Renauld de Montauban, l’aîné des quatre fils Aymon.
- ↑ Le combat de Quiers en Piémont (1639).
- ↑ « Le comte d’Harcourt…, en sa jeunesse, a fait une espèce de vie de filou ou du moins de goinfre. Il avoit fait une confrérie de monosyllabes (c’est ainsi qu’ils l’appeloient) où chacun avoit une épithète, comme lui s’appelait le Rond (il est gros et court) ; Faret, le Vieux. C’est pourquoi Saint-Amant l’appeloit toujours ainsi. Pour lui, il se nommoit le Gros. » (Tallemant des Réaux, édit. in-18, t. 6, p. 157.)
- ↑ On sait que les Juifs évitent de manger la viande de porc.
- ↑ Sans doute la comtesse d’Harcourt. Elle étoit, quand elle
- ↑ Ce langage défiguré est quelquefois employé comme source de comique dans nos comédies. On trouve un curieux exemple d’un « récit à la Suisse » dans les Fleurs, fleurettes et passe-temps d’Alcide de Saint-Maurice, Paris, J. Cottin, 1666. 1 vol. in-12, p. 321. Le Suisse raconte le sacrifice d’Ahraham, et commence on ces termes : « Vou li sabre point conetre ly bon pere Albran… etc. »
- ↑ Quelque chose. — Et ce Suisse parloit bien Rien, qui vient de res, a toujours un sens positif, à moins d’être précédé de la particule ne, qui lui donne le sens négatif.
- ↑ Au jeu de trictrac on connoît le sesne ou senne (double-six).
- ↑ En haletant. Le seizième siècle avoit le verbe ahanner.
Voy. Joachim du Bellay, D’un vanneur de blé, aux Vents :
Ce pendant que j’ahanne
- ↑ C’étoit un refrain alors très connu que celui-ci :
Lampons, camarades, lampons.
- ↑ C’est-à-dire, avec un calembour, beaucoup plus amoureuses, plus coiffées d’eux (du fromage et du jambon), que coiffées (bouchées) d’étoupes. Au lieu de boucher les bouteilles avec du liège, en Italie, on préserve le vin du contact de l’air avec de l’huile qu’on verse dessus, et qui surnage, et avec de l’étoupe.
- ↑ Dans les Jeux de l’inconnu, recueil facétieux attribué au comte de Cramail, on trouve (p. 162, édit. de 1645) une curieuse piece intitulée Nopces, Nopces, Nopces. La est résolue l’alliance du bœuf et de la moutarde, de l’orange et de la perdrix. — « Sçachant avec quelle fidelité le jambon ayme la bouteille, faisons-les coucher ensemble, afin qu’elle puisse soulager le feu de son amant et la soif des beuveurs. » Ce passage se complète par les vers où Saint-Amant parle de leurs « caresses muettes, de leurs agréables signes, de leurs longs regards. » — Voy. aussi les Fleurs, fleurettes et passe-temps, indiqués note 1, p. 342.
- ↑ On a vu plus haut Saint-Amant loger son jambon dans un palais de pâte, avec de l’ail… etc. — Voici comment P. de la Varenne comprend le pâté de jambon : « Faites-le bien détremper, et, lorsqu’il sera assez dessalé, faites-le bouillir un bouillon, et ostez la peau d’auteur que vous appellez la coine ; puis le mettez en paste bise, comme la venaison, et l’assaisonnez de poivre, clou et persil. Si vous me croyez, vous le larderez aussi de mesme que la venaison. Faites-le cuire a proportion de sa grosseur : s’il est gros, pendant cinq heures ; s’il est moindre, moins de temps. Estant froid, servez-le par tranches. » Le Cuisinier françois, par le sieur de la Varenne, escuyer de cuisine de M. le marquis d’Uxelles, 2° édit., Paris, P. David, 1652, p. 146.
- ↑ De la bouteille clissée d’osier.
- ↑ Vauquelin Des Yveteaux, dom. les œuvres ont été récemment réunies et publiées, fut successivement précepteur de M. de Vendôme et du Dauphin, depuis Louis XIII. — Il mourut à 90 ans, en 1649. Voy. sa curieuse historiette dans Tallemant des Réaux (t. 2, p. 9, édit. in-18), et les Mémoires anecdotes de Segrais. — Saint-Amant parle, quelques vers plus loin, de la vieillesse auguste, sinon morale, de Des Yveteaux. En effet, le bonhomme avoit bien alors 80 ans.
- ↑ Sa maison étoit située dans la rue des Marais, au faubourg Saint-Germain, vers la rue des Petits-Augustins. Elle confinoit à l’hôtel de Liancourt, et Mme de Liancourt (née Jeanne de Schombert) lui avoit oflert 200,000 livres de cette maison et de ses deux jardins, et encore elle lui en laissait la jouissance sa vie durant.
- ↑ Frappé. — Du vieux verbe férir, latin ferire.
- ↑ Manière de petits fils qui volent en l’air au cœur de l’été. (Richelet.) — Ce mot ne se trouve pas dans Furetière, 1re édition.
- ↑ Ce mot est maintenant de trois syllabes. Voy., au sujet des mots comme bouclier, sanglier, etc., devenus trissyllabes, l’excellent Traité de versific. franç. de Quicherat.
- ↑ Cette femme, que Tallement nomme la Dupuis, « étoit fille d’un homme qui jouoit, et a joué jusqu’à sa mort de la harpe dans les hôtelleries d’Etampes. Elle en jouoit aussi… aussi bien que personne. » Elle devint maîtresse souveraine chez le vieillard.
- ↑ Nous avons déjà vu ce nom :
Plus enfumé qu’un vieux jambon
Ou que le bœuf salé de Pitre.Le marquis de Marigny-Mallenoë se nommoit Pierre. — Peut-être est-ce lui que ce nom désigne.
- ↑ Saint-Laurent a fait précéder d’un avant-propos de 4 pages la première édition des Chevilles de maître Adam, Paris, Quinet, 1644, in-4. — Voy. Daniel de Cosnac, Mémoires, passim.
- ↑ Les vers qui suivent rappellent les matamores si plaisamment mis en scène par Corneille et par Cyrano de Bergerac.
- ↑ Pardon, quelqu’autre a chargé le mousquet.
- ↑ Ce personnage nous est connu par sa mère, sans doute, vrai gendarme, dit Tallemant, qui battit un jour Mlle du Tillet, belle-sœur du président Séguier. Cette lutte a inspiré à Sigogne sa pièce du Combat d’Ursine et Perrette, dans la 2e partie du Cabinet satyrique. Motin a fait à cette pièce une réponse qui figure à la suite.
- ↑ Le duc de Saint-Simon étoit alors gouverneur du château de Blaye. C’est sans doute à lui que Saint-Amant fait présenter ses vœux.
épousa le comte, veuve d’Antoine de l’Age, duc de Puy-Laurens. Elle se nommoit Marguerite-Philippe du Cambout. Elle mourut le 9 décembre 1674. On trouve son éloge dans le Panégyrique du comte d’Harcourt, de François de Meaux. (Voy. ci-dessus.)