Œuvres de Saint-Amant/Cassation de soudrilles


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CASSATION DE SOUDRILLES.


Porteurs de seringues à feu,
Petits bastards de Salmonée,
Pour Dieu ! retirez-vous un peu,
Puis que la guerre est terminée.

Valets de pique, faites flus :
La France, qui vous congedie,
Veut que vous ne luy serviez plus
Qu’à vendanger en Normandie.

Sergents, qui sous un attelier
Aviez levé tant de pagnottes,
Pendez le glaive au ratelier,
Et chiez dans vos bourguignottes.

Enseignes, pliez vos drapeaux
Sous qui la valeur se gouverne,
Et vous rengez à grands troupeaux
Sous celuy de quelque taverne.

Lieutenans qui craignez le chocq
Plus qu’un muguet ne craint la foule,

Mettez bas vos plumes de coq,
Dont vous avez mangé la poule.

Capitaines, mauvais garçons,
Si l’on en croit vos cadenettes,
Allez sur quelques limaçons
Dépuceler vos daguenettes.

Tambours, les violons de Mars,
Qu’on batte aux champs de mains legeres,
Pour mener tous ces beaux soudars
En garnison droit à Fougeres !

Là, chargez d’un pesant mousquet,
Qu’ils fassent bien soigneuse garde,
Chantans auprès d’un tourniquet
La robinette et la guimbarde.

Là, d’un ventre-bieu ! qui va là ?
Dit d’une trongne Furibonde,
Sans voir ny cecy, ny cela,
Qu’ils fassent trembler tout le monde.

Là, pour faire les vieux routiers,
Et qu’avec crainte ou les entende,
Qu’en bons termes de savetiers
Ils parlent du siege d’Ostande[1].

Là, de maint fascheux horion,
Qu’un caporal nommé la Cocque
Vous leur sangle le morion
Jusques à la nique et la noque.

Là, que d’un maintien importun,
Sur leurs murailles esbrechées,
Ils soufflent au lieu de petun
Des feuilles de choux mal sechées.

Là, dans les affaires d’estat,
Plus avant que porcs dans la boue,
Qu’ils depeignent comme Alberstat
Deconfit le brave Cordoue[2].

Là, qu’un gascon, en exaltant
Son excelence, ou son altesse,
Baille pour bel argent contant
Ses hauts exploits à son hostesse.

Et concluant par un : Et donc !
Ses beaux discours tous pleins d’emphaze,
Qu’il luy montre qu’un pied de long
Le peut faire passer pour aze.

Mais encor, Muse, en nous gaussant
D’une si leste infanterie,
Faut-il dire un mot en passant
À la pauvre gendarmerie.


Chevaliers, l’effroy des poulets,
Faites des broches de vos lames,
Et ne bandez vos pistolets
Que pour descharger sur les dames.


  1. « Ce n’estoit, avant les troubles, qu’une meschante villette, la retraite des pescheurs, mais depuis bien connue par le plus mémorable et fameux siége qui toi jamais. Elle fut investie, autant que faire se pouvoit, l’an 1601, le 5 juillet…, par le comte Frideric Vandemberghe (sic). » Parival, que nous avons cité d’abord (Abrégé de l’hist. de ce siecle de fer, 1654), est moins complet sur ce point que le sieur de Saint-Lazare dans ses Remarques d’histoire, Paris, 1632. Il faut lire dans celui-ci le récit des prodiges accomplis a ce siège, encore fameux au temps où Saint-Amant écrivoit.
  2. Le contraire est vrai. « Le 20 juin 1622, le duc Christian de Brunswick-Alberstadt sortit de Westphalie, venant pour passer la rivière du Mein au dessous de Francfort, pour joindre le Palatin et Mansfeld. Mais Tilly, Cordoüa et d’Anhalt, s’estant joints, l’attendent… Le 27 juin, il est deffait par les Impériaux… Alberstadt se sauva à guay avec cinq cornettes. » (Remarques d’hist. du sieur de Saint-Lazare.)