Œuvres de La Rochefoucauld
Texte établi par J. Gourdault, Librairie Hachette et Cie (Tome secondp. 49-129).

II.[1]


[1643-1649.]


J’arrivai à Paris aussitôt après la mort du cardinal de Richelieu. La mauvaise santé du Roi et le peu de disposition[2] où il était de confier ses enfants et le gouvernement du Royaume à la Reine me firent espérer de trouver bientôt des occasions considérables de la servir[3]. Je trouvai la cour pleine d’agitation[4], étonnée de la mort du cardinal de Richelieu, et respectant encore son autorité[5] ; ses parents et ses créatures y avaient les mêmes avantages qu’il leur avait procurés, et le Roi, qui le haïssait, n’osait cesser de suivre ses volontés. Il consentit que ce ministre disposât par son testament des principales charges et des plus importantes places du Royaume, et qu’il établît le cardinal Mazarin, chef du conseil et premier ministre[6].

Cependant la santé du Roi diminuait tous les jours ; on prévoyait de grandes persécutions contre les parents et les créatures du cardinal de Richelieu, soit que la Reine eût seule la régence[7], ou que Monsieur la partageât avec elle. Le cardinal Mazarin, M. de Chavigny et M. des Noyers avaient alors toute la part aux affaires, et se trouvaient, par cette raison, exposés dans un changement. M. des Noyers avait pensé le premier à se garantir, et il avait donné des espérances à la Reine de disposer le Roi, par le moyen de son confesseur[8], à l’établir régente. Le cardinal Mazarin et M. de Chavigny, qui avaient pris d’autres mesures pour plaire au Roi, et dans la vue qu’il pourrait guérir, lui avaient proposé de donner une déclaration qui établît un conseil nécessaire à la Reine pour borner l’autorité de sa régence et exclure[9] des affaires toutes les personnes suspectes. Bien que cette proposition parût contraire aux intérêts de la Reine, et qu’elle fût faite sans sa participation, néanmoins le Roi ne pouvait y consentir : il ne pouvait se résoudre à la déclarer régente, et moins encore à partager l’autorité entre elle et Monsieur. Il l’avait toujours soupçonnée d’avoir une liaison[10] avec les Espagnols[11], et il ne doutait pas qu’elle ne fût encore fomentée par Mme de Chevreuse, qui était passée alors d’Angleterre à Bruxelles[12]. D’un autre côté, le pardon qu’il venait d’accorder à Monsieur pour le traité d’Espagne[13] et l’aversion naturelle qu’il avait toujours eue pour ce prince le tenaient dans une irrésolution qu’il n’aurait peut-être pas surmontée, si les conditions de la déclaration[14] que le cardinal de Mazarin et M. de Chavigny lui proposèrent ne lui eussent fourni l’expédient qu’il désirait pour restreindre la puissance de la Reine et la rendre dépendante d’un conseil nécessaire.

Ce conseil devait être composé de Monsieur, de Monsieur le Prince[15], du cardinal Mazarin, du Chancelier, de M. des Noyers et de M. de Chavigny, et la déclaration portait que la Reine ne pourrait rien résoudre sans leur avis[16]. Cependant le cardinal Mazarin et M. de Chavigny cachaient soigneusement ce projet à la Reine ; mais l’ayant communiqué à M. des Noyers, il s’y opposa, et leur fit trop connaître qu’il ne pouvait jamais y consentir. Cette sincérité causa sa perte bientôt après : ils ne doutèrent point qu’il ne voulût s’établir, à leurs dépens, auprès de la Reine, et qu’il ne lui rendît compte de ce qu’ils lui avaient[17] proposé ; ils résolurent de l’éloigner des affaires, de peur qu’il ne se mît en état de les en éloigner eux-mêmes, quand la Reine serait régente. M. des Noyers apprit à la Reine, comme ils l’avaient prévu, le dessein de la déclaration, et ce qui se faisait contre son service[18]. Elle en fut vivement touchée ; elle s’en plaignit à ses serviteurs particuliers, comme d’un outrage qu’elle ne pouvait jamais pardonner ; et ce fut lui faire sa cour que de n’aller plus chez le cardinal Mazarin et chez M. de Chavigny.

Les choses étaient en ces termes lorsque M. des Noyers, qui croyait les avoir ruinés auprès de la Reine, se trouva ruiné lui-même auprès du Roi. Ces deux ministres lui persuadèrent que M. des Noyers prenait des mesures avec la Reine, et qu’il n’était contraire à la déclaration que pour se rendre maître de son esprit, quand toute l’autorité serait entre ses mains ; ils lui firent remarquer aussi[19] que le confesseur[20], créature de M. des Noyers, agissait en toutes choses de concert avec lui, et appuyait les intérêts de la Reine. Ces apparences firent toute l’impression qu’ils désiraient sur l’esprit du Roi, naturellement soupçonneux, et affaibli encore par la longueur et par l’extrémité de sa maladie : le confesseur fut chassé, et M. des Noyers, qui vit le changement du Roi, demanda de se retirer[21], et il eut ordre de traiter de sa charge de secrétaire d’État. M. le Tellier[22] en fut pourvu ; le cardinal Mazarin, qui l’avait connu en Piedmont, où il servait d’intendant, le proposa au Roi. Il a l’esprit net, facile et capable d’affaires ; personne n’a su avec plus d’adresse se maintenir dans les diverses agitations de la cour, sous des apparences de modération ; il n’a jamais prétendu à la première place dans le ministère, pour occuper plus sûrement la seconde.

Il me parut que ce changement de M. des Noyers n’avait rien diminué des espérances de la Reine, et qu’elle était moins aigrie contre les deux ministres qui restaient. Le cardinal Mazarin avait eu le temps de se justifier auprès d’elle par ses amis, qui le servaient utilement, et par des conversations secrètes qu’il avait avec elle, dont elle ne donnait point de part à ses anciens serviteurs[23] ; il justifia même en quelque sorte cette déclaration injurieuse dont je viens de parler ; il la fit passer comme un service important qu’il rendait à la Reine, et comme le seul moyen qui pouvait faire consentir le Roi à lui donner la Régence. Il lui fit voir qu’il lui importait peu à quelles conditions elle la reçût, pourvu que ce fût du consentement du Roi, et qu’elle ne manquerait pas de moyens dans la suite pour affermir son pouvoir et pour gouverner seule. Ces raisons, appuyées de quelques apparences et de toute l’industrie du Cardinal[24], étaient reçues de la Reine avec d’autant plus de facilité, que celui qui les disait commençait à ne lui être pas désagréable[25] ; et M. de Chavigny lui parut même alors moins coupable, parce que le Cardinal avait part à sa faute ; la Reine cachait néanmoins ce sentiment avec beaucoup de soin.

La maladie du Roi augmenta cependant à un point qu’il ne lui resta plus d’apparence de guérison, et le Cardinal, rassuré par ses[26] nouvelles espérances, proposa plus hardiment au Roi de donner cette déclaration dans les termes qui pourraient le plus assurer le repos de l’État ; le Roi s’y résolut enfin, et y fit ajouter un article particulier contre le retour de Mme de Chevreuse[27].

Cependant[28] la Reine et Monsieur, après avoir eu tant de marques de l’aversion du Roi, cherchaient, chacun de leur côté, toutes sortes de voies pour effacer les impressions qu’il avait de leur conduite. J’ai su de M. de Chavigny même qu’étant allé trouver le Roi, de la part de la Reine, pour lui demander pardon de tout ce qui lui avait pu déplaire[29], elle le chargea particulièrement de le supplier de ne point croire qu’elle fût entrée dans l’affaire de Chalais, ni qu’elle eût jamais trempé dans le dessein d’épouser Monsieur après que Chalais aurait exécuté la conjuration qu’il avait faite contre la personne du Roi[30]. Il répondit à M. de Chavigny sans s’émouvoir : « En l’état où je suis, je lui dois pardonner[31] ; mais je ne suis pas obligé de la croire. » La Reine et Monsieur croyaient séparément avoir droit à la Régence, à l’exclusion l’un de l’autre. Monsieur ne demeura pas longtemps dans cette pensée ; mais il crut devoir au moins être déclaré régent avec la Reine.

Tous ceux qui avaient souffert sous le cardinal de Richelieu attendaient avec impatience un changement, dont chaque particulier espérait de profiter. Les intérêts différents des principaux du Royaume et des plus considérables du Parlement les obligèrent bientôt à prendre parti entre la Reine et Monsieur, et, si les brigues qu’on faisait n’éclataient pas davantage, c’est que la santé du Roi, qui semblait quelquefois se rétablir, leur faisait craindre qu’il ne fût averti de leurs pratiques, et qu’il ne fît passer pour un crime toutes les mesures que l’on prenait sur sa mort[32].

Ce fut dans cette conjoncture que je crus qu’il était très important à la Reine d’être assurée de M. le duc d’Enghien[33]. Elle me pressa avec instance d’en chercher les moyens. J’étais particulièrement ami de Coligny[34], en qui le duc d’Enghien avait une entière confiance : je lui représentai les avantages que Monsieur le Duc pourrait trouver dans cette union, et qu’outre l’intérêt que la maison de Condé avait de s’opposer à l’autorité de Monsieur, celui de l’État l’y obligeait encore. Cette proposition fut reçue de M. le duc d’Enghien comme je le désirais : il me témoigna une extrême reconnaissance de l’avoir imaginée, et me laissa le soin de la faire réussir ; mais, comme le commerce que j’avais avec lui eût pu aisément devenir suspect au Roi dans le temps qu’il venait de lui donner le commandement de l’armée de Flandres, il désira que ce fût à Coligny seul à qui je rendisse les réponses de la Reine, et que lui et moi fussions uniquement témoins de leur intelligence. Il n’y eut aucune condition par écrit ; nous fûmes dépositaires, Coligny et moi, de la parole que la Reine donnait[35] au duc d’Enghien de le préférer à Monsieur, non seulement par les marques[36] d’estime et de confiance, mais aussi par tous les emplois dont elle pourrait exclure Monsieur, sans le porter à une rupture ouverte. Le duc d’Enghien promettait, de son côté, d’être inséparablement attaché aux intérêts de la Reine, et de ne prétendre que par elle toutes les grâces qu’il désirerait de la cour. Il partit peu de temps après pour aller commander l’armée de Flandres, et donner commencement aux grandes choses qu’il a depuis si glorieusement exécutées.

Le Roi voulut donner, dans la fin de sa vie, quelques marques de clémence, par un sentiment de piété ou pour témoigner que le cardinal de Richelieu avait eu plus de part que lui aux violences qui s’étaient faites depuis l’éloignement de la Reine mère. Il consentit[37] de faire revenir à la cour le duc de Vendôme[38] et ses deux fils[39] ; les ducs d’Elbeuf[40] et de Bellegarde[41], le maréchal de Bassompierre et le comte de Cramail, M. de Châteauneuf, le commandeur de Jars[42], Vautier, et plusieurs autres, furent mis en liberté. Les ministres voulurent avoir part[43] à cette grâce, pour se faire un mérite vers tant de personnes de qualité et pour en être appuyés dans le changement[44] qu’on prévoyait.

La cour fut bientôt remplie de tous ceux qui avaient[45] souffert sous le cardinal de Richelieu[46] ; la plupart avaient pris des liaisons avec la Reine dans[47] diverses rencontres de leur fortune, et chacun croyait qu’elle conserverait dans sa prospérité les mêmes sentiments qu’elle leur avait témoignés durant[48] ses malheurs.

Le duc de Beaufort[49] était celui qui avait conçu de plus grandes espérances : il avait été, depuis longtemps, particulièrement attaché à la Reine ; elle venait de lui donner une marque publique de son estime, en lui confiant Monsieur le Dauphin[50] et M. le duc d’Anjou[51], un jour que le Roi avait reçu l’extrême-onction[52]. Le duc de Beaufort, de son côté, se servait utilement de cette distinction et de ses autres avantages, pour établir[53] sa faveur, par l’opinion qu’il affectait de donner qu’elle était déjà tout établie[54]. Il a eu part à tant de choses et la fortune l’a montré par des côtés si différents que je ne puis m’empêcher de dire ici ce que j’ai connu de ses qualités, ayant été témoin des plus considérables actions de sa vie, souvent comme son ami, et souvent[55] comme son ennemi. Le duc de Beaufort était bien fait de sa personne, grand, adroit aux exercices et infatigable ; il avait de l’audace et de l’élévation ; mais il était artificieux en tout, et peu véritable ; son esprit était pesant et mal poli ; il allait néanmoins assez habilement à ses fins par des manières grossières ; il avait beaucoup d’envie et de malignité ; sa valeur était grande, mais inégale ; il était toujours brave en public, et souvent il se ménageait trop dans des occasions[56] particulières ; nul homme que lui[57], avec si peu de qualités aimables, n’a jamais été si généralement aimé qu’il le fut dans le commencement de la Régence, et depuis, dans la première guerre de Paris[58]. Il se lia particulièrement avec l’évêque de Beauvais[59], qui était le seul des serviteurs de la Reine que le cardinal de Richelieu n’avait pas[60] jugé digne d’en être éloigné. Sa longue assiduité auprès d’elle lui avait acquis beaucoup de crédit, et lui avait fait trouver des occasions de détruire presque tous ceux qu’elle avait considérés. Il ne s’opposa point à la faveur du duc de Beaufort, dans la vue de ruiner de concert le cardinal Mazarin, qui faisait beaucoup de progrès dans l’esprit de cette princesse[61]. L’évêque de Beauvais crut réussir sans peine dans son dessein : il savait avec quelle facilité il avait fait changer de sentiments[62] à la Reine pour ceux à qui il avait voulu nuire ; il voyait encore qu’elle avait condamné trop publiquement la conduite du cardinal de Richelieu, pour conserver dans les affaires un homme qui y était mis de sa main, et qu’elle accusait d’avoir porté le Roi à la déclaration dont j’ai parlé.

Cette confiance fit négliger au duc de Beaufort et à l’évêque de Beauvais beaucoup de précautions durant la vie du Roi, qui leur eussent été utiles après sa mort ; et, s’ils eussent fait alors tout ce qu’ils pouvaient faire contre le Cardinal[63], la Reine était[64] encore assez irrésolue pour recevoir les impressions qu’on eût pu lui donner. Elle me cachait moins qu’aux autres l’état de son esprit, parce que, n’ayant point eu d’intérêts[65] que les siens, elle ne doutait pas que je ne suivisse ses sentiments. Elle souhaita même que je fusse ami du duc de Beaufort et que je me déclarasse pour lui contre le maréchal de la Meilleraye[66], bien qu’il fût des amis de mon père et le mien. Elle voulut aussi que je visse le cardinal Mazarin, ce que j’avais évité de faire depuis la déclaration ; elle ne m’en pressait d’abord que sous le prétexte de me faire faire ma cour auprès du Roi et pour l’empêcher de remarquer qu’elle défendait à ses serviteurs de voir son premier ministre. Je devais soupçonner qu’elle ne me disait pas les plus véritables raisons ; mais peut-être aussi qu’elle ne les connaissait pas assez elle-même alors[67] pour me les pouvoir dire.

Cependant le cardinal Mazarin s’établissait tous les jours auprès de la Reine, par sa propre industrie et par celle de ses amis. Ses bonnes et ses mauvaises qualités ont été assez connues et assez publiées, pendant qu’il a vécu et après sa mort, pour me dispenser de les écrire : je ne parlerai que de celles que j’ai remarquées dans les occasions où j’ai eu quelque chose à traiter avec lui. Son esprit était grand, laborieux, insinuant et plein d’artifice ; son humeur était souple ; on peut dire même qu’il n’en avait point, et que, selon son utilité, il savait feindre toutes sortes[68] de personnages. Il savait éluder les prétentions de ceux qui lui demandaient des grâces, en leur en faisant espérer de plus grandes[69], et il leur accordait souvent par faiblesse ce qu’il n’avait jamais eu l’intention de leur donner. Il avait de petites vues, même dans ses plus grands projets ; et, au contraire du cardinal de Richelieu, qui avait l’esprit hardi et le cœur timide[70], le cardinal Mazarin avait plus de hardiesse dans le cœur que dans l’esprit. Il cachait son ambition et son avarice sous une modération affectée[71] : il déclarait qu’il ne désirait[72] rien pour lui, et que toute sa famille étant en Italie, il voulait adopter pour ses parents tous les serviteurs de la Reine, et chercher également sa sûreté et sa grandeur à les combler de biens[73].

Je voyais diminuer la confiance que la Reine avait eue pour le duc de Beaufort et pour l’évêque de Beauvais. Elle commençait à craindre l’humeur rude et altière du duc de Beaufort. Il ne se contentait pas d’appuyer les prétentions du duc de Vendôme contre le maréchal de la Meilleraye pour le gouvernement de Bretagne ; il appuyait[74] encore les espérances, quelque mal fondées qu’elles pussent être, de tous ceux qui s’attachaient à lui, et il se vantait même de son crédit aux dépens de la réputation de la Reine. Elle savait cette conduite et elle en était vivement aigrie[75] ; mais elle ménageait encore le duc de Beaufort, et ne pouvait se résoudre de[76] l’abandonner si peu de temps après qu’elle lui avait confié ses enfants[77]. Le cardinal Mazarin profitait avec habileté[78] des fautes de ses ennemis ; la Reine balançait néanmoins, et ne pouvait se déterminer encore à déclarer ses sentiments.

Le Roi vécut trois semaines après avoir reçu l’extrême-onction ; cette longue extrémité augmenta les cabales ; sa mort les fit bientôt paraître. Elle arriva le 14 mai de l’année 1643[79], à pareil jour que, trente-trois ans auparavant, il était parvenu à la couronne. La Reine amena le lendemain le Roi son fils à Paris ; deux jours après, elle fut déclarée régente au Parlement[80], du consentement de Monsieur et de Monsieur le Prince, et la déclaration du feu Roi y[81] fut cassée ; le soir même, elle établit le cardinal Mazarin chef du conseil[82], et le parti qui lui était opposé apprit cette nouvelle avec la surprise et l’étonnement qu’on peut aisément s’imaginer. Le premier soin du Cardinal fut de sacrifier M. de Chavigny à la Reine, et de se décharger sur lui du crime de la déclaration, malgré leur ancienne liaison et l’amitié qu’ils s’étaient nouvellement jurée : on lui ordonna de se défaire de sa charge de secrétaire d’État entre les mains de M. de Brienne[83], et on ôta les finances à M. Boutiller[84]. Comme je ne prétends pas écrire particulièrement tout ce qui s’est passé dans un temps[85] si agité, je me contenterai seulement de rapporter ce qui me regarde, ou au moins ce dont j’ai été témoin.

La première grâce que je demandai à la Reine et que j’obtins d’elle après la mort du Roi, ce fut le retour du comte de Miossens[86] à la cour[87], et son abolition[88], pour s’être battu en duel et avoir tué Villandry[89]. La Reine me donnait beaucoup de marques d’amitié et de confiance ; elle m’assura même plusieurs fois qu’il y allait de son honneur que je fusse content d’elle[90], et qu’il n’y avait rien d’assez grand dans le Royaume pour me récompenser de ce que j’avais fait pour son service.

Le duc de Beaufort se soutenait par de vaines apparences[91] de crédit, et plus encore par cette opinion générale et mal fondée de son mérite et de sa vertu. La plupart de ceux qui avaient été attachés à la Reine s’étaient joints à lui ; j’étais de ses amis, mais je le connaissais trop pour l’être particulièrement. La cour était partagée, comme je viens de le dire, entre lui et le Cardinal, et on attendait que le retour de Mme de Chevreuse fît pencher la balance, par l’amitié que la Reine avait toujours eue pour elle ; mais je ne jugeais pas de son crédit si favorablement que les autres[92] : la Reine m’en parla avec froideur[93], et je vis bien qu’elle eût voulu que son retour en France eût été retardé. Elle me fit même beaucoup de difficulté[94] de la laisser revenir à la cour, après l’expresse défense que le Roi lui en avait faite en mourant ; elle me dit qu’elle l’aimait toujours, mais que, n’ayant plus de goût pour les amusements qui avaient fait leur liaison dans leur jeunesse, elle craignait de lui paraître changée ; qu’elle savait par sa propre expérience combien Mme de Chevreuse était capable de troubler par des cabales[95] le repos de sa régence. La Reine ajouta encore qu’elle revenait sans doute avec un esprit aigri de la confiance qu’elle prenait au cardinal Mazarin, et dans le dessein de lui nuire. Je lui parlai peut-être avec plus de liberté que je ne devais : je lui représentai quel trouble et quelle surprise un changement si imprévu allait causer au public et à ses anciens serviteurs, quand on verrait tomber les premières marques de son pouvoir et de sa sévérité sur Mme de Chevreuse ; je lui remis devant les yeux la fidélité de son attachement pour elle, ses longs services et la durée des malheurs[96] qu’elle lui avait attirés ; je la suppliai de considérer de quelle légèreté on la croirait capable, et quelle interprétation on donnerait[97] à cette légèreté, si elle préférait le cardinal Mazarin à Mme de Chevreuse. Cette conversation fut longue et agitée ; je vis bien que je l’aigrissais quelquefois ; mais comme il me restait encore beaucoup de pouvoir sur son esprit, j’obtins ce que je désirais[98]. Elle me chargea même d’aller au-devant de Mme de Chevreuse, qui revenait de Flandres, pour lui faire prendre une conduite qui lui fût agréable.

On gardait encore alors quelque sorte de hauteur avec le cardinal Mazarin. Il se forma une cabale de la plupart de ceux[99] qui avaient été attachés à la Reine pendant la vie du feu Roi, qui fut nommée des Importants[100]. Bien qu’elle fût composée de personnes différentes d’intérêt, de qualité et de profession, tous convenaient d’être ennemis du cardinal Mazarin, de publier les vertus imaginaires du duc de Beaufort, et d’affecter un faux honneur, dont Saint-Ibar, Montrésor, le comte de Béthune et quelques autres s’étaient érigés en dispensateurs. Pour mon malheur, j’étais de leurs amis, sans approuver leur conduite[101]. C’était un crime de voir le cardinal Mazarin[102] ; cependant, comme je dépendais entièrement de la Reine, elle m’avait déjà ordonné une fois de le voir : elle voulut que je le visse encore ; mais, comme je voulais éviter la critique des Importants, je la suppliai d’approuver que les civilités qu’elle m’ordonnait de lui faire fussent limitées[103], et que je pusse lui déclarer que je serais son serviteur et son ami tant qu’il serait véritablement attaché au bien de l’État et au service de la Reine, mais que je cesserais de l’être s’il contrevenait à ce qu’on devait[104] attendre d’un homme de bien et digne de l’emploi qu’elle lui avait confié. Elle loua avec exagération ce que je lui disais ; je le répétai mot à mot au Cardinal, qui apparemment n’en fut pas si content qu’elle, et qui lui fit trouver mauvais ensuite que j’eusse mis tant de conditions à l’amitié que je lui promettais[105]. La Reine ne m’en fit pourtant rien paraître alors, et elle me témoigna d’approuver ce que j’avais fait.

J’allai au-devant de Mme de Chevreuse, et je la trouvai à Roye[106]. Montaigu[107], Anglais, y était arrivé devant moi[108] : il était chargé, de la part du Cardinal, de toutes les avances qui la pouvaient engager dans son amitié et dans ses intérêts. Elle me pria de ne lui point parler devant Montaigu. Je l’informai le plus précisément qu’il me fut possible de l’état des choses ; je lui dis la disposition où la Reine était[109] pour le cardinal Mazarin et pour elle ; je l’avertis de ne juger pas de la cour par ses propres connaissances, et de n’être pas surprise de trouver beaucoup de changement[110] ; je lui conseillai de suivre les goûts de la Reine, puisque apparemment elle ne les ferait pas changer ; je lui représentai que le Cardinal n’était accusé d’aucun crime, qu’il n’avait point eu part aux violences du cardinal de Richelieu, qu’il était presque le seul qui eût connaissance des affaires étrangères, qu’il n’avait point de parents en France, qu’il était trop bon courtisan pour ne faire pas[111] vers elle toutes les avances qu’il devait, mais que, les faisant, je croyais qu’elle les devait recevoir[112], pour le soutenir s’il faisait son devoir, ou pour l’empêcher de manquer à le faire ; j’ajoutai encore qu’il y avait peu de sujets dont la probité et la capacité fussent assez connues pour les devoir préférer au cardinal Mazarin ; je l’exhortai, sur toutes choses, de ne laisser pas imaginer à la Reine qu’elle revînt dans le dessein de la gouverner, puisque c’était le prétexte dont ses ennemis se servaient le plus pour lui nuire ; qu’elle devait uniquement s’appliquer à reprendre dans son esprit et dans son cœur la même place qu’on avait essayé de lui ôter, et se mettre en état de protéger ou de détruire le cardinal Mazarin[113], selon que sa conservation ou sa ruine seraient utiles au public.

Mme de Chevreuse me témoigna de vouloir[114] suivre entièrement mes avis[115]. Elle arriva à la cour dans cette résolution ; et bien qu’elle fût reçue de la Reine avec beaucoup de marques d’amitié, je n’eus pas grande peine à remarquer la différence de la joie que la Reine avait de la revoir à celle qu’elle avait eue autrefois de m’en parler[116]. Mme de Chevreuse ne remarqua pas néanmoins cette différence, et elle crut que sa présence détruirait, en un moment, ce que ses ennemis avaient fait contre elle. Le duc de Beaufort et les Importants la fortifièrent encore dans cette pensée, et ils crurent qu’étant unis ils détruiraient facilement le cardinal Mazarin avant qu’il fût entièrement affermi. Cette liaison et quelques marques de tendresse et de confiance que Mme de Chevreuse reçut de la Reine lui firent[117] regarder toutes les avances que lui faisait artificieusement le Cardinal comme des preuves de sa faiblesse ; elle crut que c’était assez y répondre que de ne se déclarer pas ouvertement contre lui et qu’il suffisait, pour le ruiner insensiblement, de faire revenir M. de Châteauneuf[118]. Son bon sens et sa longue expérience dans les affaires étaient connus de la Reine ; il avait souffert une rigoureuse prison pour avoir été dans ses intérêts ; il était ferme, décisif ; il aimait l’État, et il était plus capable que nul autre de rétablir l’ancienne forme du gouvernement, que le cardinal de Richelieu avait commencé de détruire[119] ; il était de plus intimement attaché à Mme de Chevreuse, et elle savait assez les voies les plus certaines de le gouverner ; elle pressa donc son retour avec beaucoup d’instance ; elle en fit aussi pour rétablir le duc de Vendôme dans son gouvernement de Bretagne[120], ou pour l’en faire récompenser par l’amirauté[121]. En ce même temps, pour s’acquitter vers moi de ce qu’elle me croyait devoir[122], et pour donner dans le monde une opinion avantageuse de sa reconnaissance et de son crédit[123], elle proposa avec empressement à la Reine d’ôter le Havre des mains du duc de Richelieu[124], pour me le donner[125], et la Reine y avait consenti. C’était en même temps me faire du bien par un établissement qui était utile à la Reine, et c’était entamer aussi les parents[126] du cardinal de Richelieu. La Reine n’était plus néanmoins en état d’entreprendre une affaire de cette importance sans l’approbation du cardinal Mazarin[127] : il eut dessein de me nuire, et il le fit adroitement, en disant à la Reine qu’il suivrait toujours ses volontés avec soumission, mais qu’il ne pouvait s’empêcher de plaindre les parents du cardinal de Richelieu, et de sentir leur abaissement avec une extrême douleur ; que la Reine me devait trop de reconnaissance pour ne pas faire des choses extraordinaires pour moi, et qu’il n’y avait personne de qui il souhaitât plus véritablement les avantages, tant que je n’en dépouillerais point la maison de Richelieu. De moindres raisons eussent suffi pour arrêter la Reine. Cette affaire l’embarrassait néanmoins : elle n’osait faire voir à Mme de Chevreuse qu’elle lui manquait de parole ; mais elle pouvait encore moins se résoudre à ne suivre pas les volontés du cardinal Mazarin. Mme d’Aiguillon, soutenue du Cardinal, n’oublia rien pour se garantir[128] ; elle me fit offrir la charge de général des galères[129], par Mlle de Rambouillet[130]. Le Cardinal, par un artifice, qu’il a depuis[131] mis en usage en tant d’occasions, voulut me donner d’autres vues en la place de celles[132] que j’avais et me faire abandonner le Havre, qu’on m’avait promis, pour des espérances éloignées dont il aurait pu aisément empêcher le succès. Il savait que j’avais répondu, sur les propositions de Mme d’Aiguillon, que je ne demandais ni le Havre ni les galères[133], que je croyais seulement que la Reine me destinerait à ce qui serait le plus utile à son service, et que c’était ce que j’accepterais par préférence. La Reine témoigna ensuite de vouloir récompenser[134] le maréchal de Gramont[135] de la charge de mestre de camp des Gardes, pour me la donner. On proposa encore de faire rentrer le duc de Bellegarde dans la charge de grand écuyer[136], par des droits qu’il y avait conservés, et de m’en faire avoir la survivance. Tant de diverses espérances, qui m’étaient données presque en même temps, et qui étaient sitôt changées, m’attiraient beaucoup d’envie sans me procurer aucun établissement, et je vis bien que la Reine entrait dans l’esprit du Cardinal pour m’amuser. Elle ne me parlait plus d’affaires ; mais elle s’efforçait néanmoins de me donner toujours des assurances de son amitié. Elle me dit même, une fois que je lui demandais un avis, que pour m’épargner la peine de demander, elle me donnait par avance tous les avis qui me pouvaient être utiles[137]. Je ne profitai point de cette bonté ; car il ne se présenta rien dont je pusse faire usage pendant deux mois que cette bonne volonté lui dura. Dans ce temps, Gassion[138], qui depuis a été maréchal de France, fut dangereusement blessé[139] ; aussitôt la Reine me destina sa charge de mestre de camp de la cavalerie légère, en disant qu’elle ne me la donnait pas comme une récompense, mais seulement pour me faire attendre plus agréablement ce qu’elle voulait faire pour moi. Je sus que Mme de Hautefort prétendait cette charge pour un de ses frères[140] ; je suppliai la Reine de la lui donner, et de ne songer à m’établir[141] que dans ce qui serait utile à son service particulier.

Cependant Mme de Chevreuse commençait à s’impatienter : on ne faisait rien pour elle ni pour ses amis ; le pouvoir du Cardinal augmentait tous les jours ; il l’amusait par des paroles soumises et galantes, et il essayait même quelquefois de lui faire croire qu’elle lui donnait de l’amour[142]. Il lui parut d’abord moins difficile sur le retour de M. de Châteauneuf, qu’elle désirait ardemment : cette facilité venait sans doute de ce qu’il le croyait ruiné dans l’esprit de la Reine, et que Madame la Princesse[143] et la maison de Condé ne pourraient consentir à l’établissement d’un homme qu’ils accusaient de la mort du duc de Montmorency[144]. Il croyait encore qu’il suffisait de laisser agir Monsieur le Chancelier[145], qui était assez obligé pour sa propre conservation d’exclure M. de Châteauneuf, puisqu’il ne pouvait revenir à la cour sans lui ôter les sceaux. Le Chancelier avait pris toutes sortes de précautions auprès de la Reine pour éviter ce déplaisir, et il s’était servi utilement de l’amitié et de la confiance particulière qu’elle avait pour une de ses sœurs, religieuse à Pontoise[146], et pour Montaigu, dont j’ai déjà parlé[147].

Cependant Mme de Chevreuse considérait tous ces retardements comme autant d’artifices du cardinal Mazarin, qui accoutumait insensiblement la Reine à ne lui pas accorder d’abord ce qu’elle désirait, et qui diminuait par cette conduite l’opinion qu’elle voulait donner dans le monde de son crédit. Elle témoignait souvent sa mauvaise satisfaction à la Reine, et dans ses plaintes elle mêlait toujours quelque chose de piquant et de moqueur contre les défauts personnels du cardinal Mazarin. Elle ne pouvait souffrir d’être obligée d’avoir recours à ce ministre pour obtenir ce qu’elle désirait de la Reine, et elle aimait mieux n’en recevoir point de grâces que de les devoir au Cardinal. Lui, au contraire, se servait habilement de cette conduite de Mme de Chevreuse pour persuader de plus en plus à la Reine qu’elle la voulait gouverner[148] : il lui disait que Mme de Chevreuse étant soutenue du duc de Beaufort et de la cabale des Importants, dont l’ambition et le dérèglement étaient si connus[149], toute l’autorité de la Régence passerait en leurs mains, et que la Reine se verrait plus soumise et plus éloignée des affaires que du vivant du feu Roi. Il supposa en même temps des lettres et des avis des alliés, qui demandaient à qui il se fallait adresser[150] désormais pour savoir les intentions de la Reine, et qui menaçaient de se détacher des intérêts de l’État si le duc de Beaufort et les Importants en étaient les maîtres.

Monsieur entrait dans les sentiments du Cardinal pour faire sa cour à la Reine ; il était faible, timide, léger, et tout ensemble familier et glorieux[151]. Le Cardinal fournissait abondamment aux pertes excessives que ce prince faisait dans le jeu ; il le tenait encore par l’intérêt de l’abbé de la Rivière[152], son favori, en lui faisant espérer qu’il aurait la nomination de France pour le chapeau de cardinal. Le prince de Condé, grand politique, bon courtisan, mais plus appliqué à ses affaires domestiques qu’à celles de l’État, bornait toutes ses prétentions à s’enrichir[153]. Le duc d’Enghien, son fils, jeune, bien fait, d’un esprit grand, clair, pénétrant et capable, brillait de toute la gloire que le gain de la bataille de Rocroy[154] et la prise de Thionville[155] pouvaient donner à un prince de vingt ans ; il revenait avec tout l’éclat que méritaient de si grands commencements, et il était avec la Reine dans la même liaison dont j’ai parlé, et que j’avais concertée[156]. Madame la Princesse, sa mère, suivait ses engagements : elle était attachée par elle-même à la Reine, qui lui avait rendu Chantilly et tout ce que le feu Roi avait retenu de la confiscation du duc de Montmorency[157]. Mme la duchesse de Longueville[158], sa fille, suivait les intérêts de sa maison ; elle était trop occupée des charmes de sa beauté, et de l’impression que les grâces de son esprit faisaient sur tout ce qui la voyait[159], pour connaître encore l’ambition ; et elle était bien éloignée de prévoir quelle part elle aurait à tout ce qui a troublé la fin de la Régence et les premières années de la majorité du Roi.

Les choses étaient en ces termes, et le cardinal Mazarin, d’une part, et Mme de Chevreuse et le duc de Beaufort, de l’autre, songeaient avec beaucoup d’application à se détruire[160]. La bonne fortune du Cardinal et l’imprudence du duc de Beaufort et de Mme de Montbazon[161], dont il était amoureux, fournirent bientôt une occasion, dont le Cardinal sut profiter pour venir à bout de son dessein. Un jour que Mme de Montbazon gardait la chambre, et que beaucoup de personnes de qualité l’allèrent voir, dont Coligny était du nombre, quelqu’un, sans y penser, laissa tomber deux lettres bien écrites, passionnées, et d’un beau caractère de femme[162]. Mme de Montbazon, qui haïssait Mme de Longueville[163], se servit de cette occasion pour lui faire une méchanceté[164]. Elle crut que le style et l’écriture pourraient[165] convenir à Mme de Longueville, bien qu’il y eût peu de rapport et qu’elle n’y eût aucune part[166]. Elle prévint le duc de Beaufort, pour le faire entrer dans ses sentiments ; et tous deux, de concert, firent dessein de répandre dans le monde que Coligny avait perdu des lettres de Mme de Longueville qui prouvaient leur intelligence. Mme de Montbazon me conta cette histoire devant que[167] le bruit en fût répandu : j’en vis d’abord toutes les conséquences et quel usage le cardinal Mazarin en pourrait faire contre le duc de Beaufort et contre tous ses amis. J’avais peu d’habitude alors avec Mme de Longueville ; mais j’étais particulièrement serviteur de M. le duc d’Enghien et ami de Coligny[168]. Je connaissais la malignité du duc de Beaufort et de Mme de Montbazon, et je ne doutai point que ce ne fût une méchanceté qu’ils voulaient faire à Mme de Longueville. Je fis tous mes efforts pour engager Mme de Montbazon, par la crainte des suites, à brûler les lettres[169] devant moi, et à n’en parler jamais ; elle me l’avait promis, mais le duc de Beaufort la fit changer. Elle se repentit bientôt de n’avoir pas suivi mon conseil : cette affaire devint publique, et toute la maison de Condé s’y intéressa comme elle devait. Cependant celui qui avait véritablement perdu les lettres était de mes amis, et il aimait la personne qui les avait écrites[170]. Il voyait que les lettres seraient indubitablement reconnues, puisque Monsieur le Prince, Madame la Princesse et Mme de Longueville voulaient les montrer publiquement pour convaincre Mme de Montbazon d’une noire supposition, par la différence de l’écriture. Dans cet embarras, celui qui avait perdu les lettres souffrit tout ce qu’un honnête homme doit souffrir dans une telle rencontre : il me parla de sa douleur, et me pria de tenter toutes choses pour le tirer de l’extrémité où il se trouvait. Je le servis heureusement ; je portai les lettres à la Reine, à Monsieur le Prince et à Madame la Princesse ; je les fis voir à Mme de Rambouillet[171], à Mme de Sablé[172] et à quelques amies particulières de Mme de Longueville ; et aussitôt que la vérité fut pleinement connue, je les brûlai devant la Reine, et délivrai par là d’une mortelle inquiétude les deux personnes intéressées. Bien que Mme de Longueville fût entièrement justifiée dans le monde, Mme de Montbazon ne lui avait point encore fait les réparations publiques qu’elle lui devait : les conditions en furent longtemps disputées, et tous ces retardements augmentaient l’aigreur.

Le duc d’Enghien venait de prendre Thionville ; il était près de finir la campagne, et il revenait outré de colère et d’indignation de l’injure que Madame sa sœur avait reçue. La crainte de son ressentiment, plus que toute autre raison, fit soumettre Mme de Montbazon à tout ce qu’on lui voulut imposer[173]. Elle alla, à une heure marquée, à l’hôtel de Condé[174], trouver Madame la Princesse, qui n’avait pas voulu que Mme de Longueville y fût présente ; toutes les personnes de la plus grande qualité s’y étaient rendues, pour être témoins d’un discours[175] qu’on avait prescrit à Mme de Montbazon, et qu’elle fit pour excuser sa faute et en demander pardon[176]. Cette satisfaction publique ne finit pas entièrement cette affaire. Un jour que la Reine donnait une collation[177] à Madame la Princesse chez Renard[178], Mme de Montbazon y vint, sans avoir préparé Madame la Princesse à trouver bon qu’elle se présentât devant elle. Ce manque de précautions[179] irrita Madame la Princesse ; elle voulut que Mme de Montbazon sortît, et sur le refus qu’elle en fit, la Reine lui ordonna de le faire, et lui envoya en même temps un ordre de sortir de la cour[180]. Mme de Chevreuse, le duc de Beaufort et les Importants crurent partager cette disgrâce, et que c’était une affaire de parti. Le cardinal Mazarin savait trop bien mettre en usage une telle conjoncture pour ne s’en servir pas dans ses desseins[181]. Il vit qu’il était temps de les faire éclater, et que la Reine était capable de recevoir les impressions qu’il lui voudrait donner contre le duc de Beaufort : il fut arrêté prisonnier[182] et mené au bois de Vincennes. Je ne puis dire si le sujet de cette prison fut supposé ou véritable[183] ; mais le cardinal Mazarin répandit dans le monde qu’il avait découvert une entreprise du duc de Beaufort contre sa personne, et qu’on l’avait attendu en divers lieux où il devait passer, pour le tuer. D’autres ont cru, avec plus de vraisemblance, que le duc de Beaufort, par une fausse finesse, lui fit prendre l’alarme exprès, croyant qu’il suffisait de lui faire peur pour le chasser du Royaume[184], et que ce fut dans cette vue qu’il fit des assemblées secrètes et qu’il leur donna un air de conjuration. Mais, quel que fût le dessein du duc de Beaufort, il en perdit la liberté. La Châtre, colonel général des Suisses[185], eut ordre de se défaire de sa charge ; les Importants furent dispersés, et Mme de Chevreuse fut reléguée à Tours[186].

Le Cardinal se vit alors maître des affaires, et sa faveur ne fut plus douteuse. J’avais trop peu de liaison avec le duc de Beaufort pour avoir part à sa disgrâce ; mais j’étais toujours également des amis de Mme de Chevreuse : j’étais persuadé qu’elle ignorait les desseins du duc de Beaufort, et qu’elle était injustement persécutée. La Reine conservait encore de l’amitié pour moi, et le souvenir de mon attachement pour elle n’était pas entièrement effacé de sa mémoire ; mais elle était trop puissamment entraînée par le cardinal Mazarin pour conserver longtemps des sentiments qui ne lui fussent pas agréables[187].

La cour était soumise, le duc de Beaufort arrêté, Mme de Chevreuse éloignée[188], le duc de Vendôme, le duc de Mercœur[189] et l’évêque de Beauvais exilés, le président Barillon[190] prisonnier à Pignerol, la cabale des Importants détruite et méprisée[191]. J’étais presque le seul des amis de Mme de Chevreuse qui n’eût point encore éprouvé de disgrâce particulière. Le Cardinal ne m’aimait pas. Il voulut me réduire à la nécessité de déplaire à la Reine ou d’abandonner Mme de Chevreuse. Dans cette pensée, il obligea la Reine à me parler avec beaucoup de bonté, et à me dire qu’étant assurée de la fidélité et de l’amitié que j’avais toujours eues[192] pour elle, je ne devais pas lui en refuser une marque qu’elle devait attendre de moi comme mon amie, quand même je ne considérerais pas sa dignité et son pouvoir. Elle s’étendit sur l’ingratitude du duc de Beaufort et des Importants ; et, après m’avoir fait beaucoup de plaintes de Mme de Chevreuse, elle me pressa de n’avoir plus de commerce avec elle, et de cesser d’être de ses amis ; elle désira aussi que je le voulusse être du cardinal Mazarin. Je la remerciai avec respect de la confiance qu’elle avait en ma fidélité ; je l’assurai que je ne balancerais jamais entre ce que je lui devais et l’amitié de Mme de Chevreuse ; que je devais obéir exactement à la défense qu’elle me faisait d’avoir à l’avenir aucun commerce avec elle ; que je serais même son plus grand ennemi quand il me paraîtrait qu’elle eût véritablement manqué à son devoir ; mais que je la suppliais de considérer qu’ayant été uni si longtemps avec Mme de Chevreuse dans tout ce qui regardait le service de la Reine, je ne pouvais avec justice cesser d’être son ami, tant qu’elle n’aurait d’autre crime que de déplaire[193] au cardinal Mazarin[194] ; que je souhaitais d’être ami et serviteur de ce ministre tant qu’elle l’honorerait de sa confiance ; que je serais même dans ses intérêts en d’autres rencontres ; mais que, dans ce qui regardait personnellement Mme de Chevreuse et lui, je demandais en grâce qu’il me fût permis de suivre mes premiers engagements. La Reine ne me parut pas blessée sur l’heure de cette réponse ; mais, comme le Cardinal la trouva trop mesurée, il la lui fit désapprouver, et je reconnus[195], par une longue suite de mauvais traitements, que ce que je lui avais dit m’avait entièrement ruiné auprès d’elle. J’observai, toutefois[196], la conduite qu’elle m’avait prescrite vers Mme de Chevreuse après lui en avoir rendu compte exactement. Je ne trouvai, dans la suite, guère plus de reconnaissance de son côté pour m’être perdu cette seconde fois afin de demeurer son ami, que j’en venais de trouver[197] dans la Reine ; et Mme de Chevreuse oublia, dans son exil, aussi facilement tout ce que j’avais fait pour elle, que la Reine avait oublié mes services quand elle fut en état de les récompenser. qui avait été mêlé dans cette affaire[198]. Coligny était faible, peu adroit[199], et il relevait d’une longue maladie ; il choisit d’Estrades[200], qui depuis a été maréchal de France, pour appeler le duc de Guise, qui se servit de Bridieu[201], et ils prirent leur rendez-vous à la place Royale[202]. Le duc de Guise, en mettant l’épée à la main, dit à Coligny : « Nous allons décider les anciennes querelles de nos deux maisons, et on verra quelle différence on doit mettre entre le sang de Guise et celui de Coligny. » Le combat fut bientôt fini : Coligny tomba, et le duc de Guise, pour l’outrager, lui ôtant[203] son épée, le frappa du plat de la sienne. D’Estrades et Bridieu se blessèrent dangereusement l’un et l’autre, et furent séparés par le duc de Guise[204]. Coligny, accablé de douleur d’avoir si mal soutenu une si belle cause, mourut quatre ou cinq mois après, d’une maladie de langueur.

Je passai beaucoup de temps à la cour dans un état ennuyeux : mon père y avait des prétentions par lui-même ; on lui faisait quelquefois de petites grâces, en lui disant qu’elles lui étaient faites uniquement à sa considération, et que je n’y avais aucune part. L’amitié que j’avais pour le comte de Montrésor m’exposa encore à de nouveaux embarras. Il avait quitté Monsieur par la haine qu’il portait à l’abbé de la Rivière ; et il s’était fait un honneur à sa mode, non seulement de ne point saluer l’abbé de la Rivière, mais d’exiger de ses amis que pas un d’eux ne le saluât, quelques civilités et quelques avances qu’ils reçussent de lui. J’étais, comme plusieurs autres, dans cette ridicule servitude, et elle m’avait attiré depuis longtemps la haine de Monsieur. Il se plaignit de moi avec aigreur à mon père, et il lui déclara enfin que, puisque je lui manquais de considération dans une chose aussi indifférente que de rendre le salut à l’abbé de la Rivière[205], il se croyait obligé de s’opposer directement à toutes mes prétentions et à tous mes intérêts ; qu’il ne demandait point que je cessasse d’être ami de Montrésor, ni que j’eusse aucune liaison avec l’abbé de la Rivière, mais qu’il recevrait désormais comme un manque de respect à sa propre personne si je continuais à traiter si indignement un homme qu’il aimait. J’avais peu de bonnes raisons à opposer à celles de Monsieur[206] ; je priai néanmoins mon père de lui faire approuver que je ne changeasse point de conduite jusqu’à ce que j’eusse écrit à Montrésor et qu’il m’eût fait réponse. Il reçut ma lettre, et il parut aussi blessé de la permission que je lui demandais de saluer l’abbé de la Rivière, aux conditions que Monsieur avait désirées[207], que si je lui eusse dû toutes choses, et qu’il ne m’eût point eu d’obligation[208]. Je connus bientôt que sa reconnaissance serait pareille à celle de la Reine et de Mme de Chevreuse ; je demeurai toutefois dans les règles que je m’étais imposées, et je me contentai de rendre uniquement le salut à l’abbé de la Rivière, sans avoir aucune sorte[209] de commerce avec lui.

Le cardinal de Mazarin jouissait tranquillement de sa puissance et du plaisir de voir tous ses ennemis abattus ; ma fortune était désagréable, et je portais impatiemment la perte de tant d’espérances ; j’avais voulu m’attacher à la guerre, et la Reine m’y avait refusé les mêmes emplois que, trois ou quatre ans auparavant, elle m’avait empêché de recevoir du cardinal de Richelieu. Tant d’inutilité[210] et tant de dégoûts me donnèrent enfin d’autres pensées, et me firent chercher des voies périlleuses pour témoigner mon ressentiment à la Reine et au cardinal Mazarin[211].

La beauté de Mme de Longueville, son esprit, et tous les charmes de sa personne attachèrent à elle tout ce qui pouvait espérer d’en être souffert. Beaucoup d’hommes et de femmes de qualité essayèrent de lui plaire, et, par-dessus les agréments de cette cour, Mme de Longueville était alors si unie avec toute sa maison et si tendrement aimée du duc d’Enghien son frère, qu’on pouvait se répondre de l’estime et de l’amitié de ce prince quand on était approuvé de Madame sa sœur[212]. Beaucoup de gens tentèrent inutilement cette voie, et mêlèrent d’autres sentiments à ceux de l’ambition[213]. Miossens[214], qui depuis a été maréchal de France, s’y opiniâtra le plus longtemps, et il eut un pareil succès. J’étais de ses amis particuliers, et il me disait ses desseins ; ils se détruisirent bientôt d’eux-mêmes ; il le connut, et il me dit plusieurs fois qu’il était résolu d’y renoncer ; mais la vanité, qui était la plus forte de ses passions, l’empêchait souvent de me dire vrai, et il feignait des espérances qu’il n’avait pas et que je savais bien qu’il ne devait pas avoir. Quelque temps se passa de la sorte, et j’eus enfin sujet de croire que je pourrais faire un usage plus considérable que Miossens de l’amitié et de la confiance de Mme de Longueville[215]. Je l’en fis convenir lui-même ; il savait l’état où j’étais à la cour ; je lui dis mes vues, mais que sa considération me retiendrait toujours, et que je n’essayerais point de prendre[216] des liaisons avec Mme de Longueville, s’il ne m’en laissait la liberté. J’avoue même que je l’aigris exprès contre elle, pour l’obtenir, sans lui rien dire toutefois qui ne fût vrai. Il me la donna toute entière ; mais il se repentit de me l’avoir donnée, quand il vit les suites de cette liaison. Il essaya inutilement de la traverser bientôt après[217] par beaucoup de bruit et par beaucoup d’éclat[218], qui ne changèrent rien[219] à mon dessein. Mme de Longueville partit peu de temps après[220], pour aller à Munster, où le duc de Longueville[221], son mari, était allé traiter la paix[222].

Mon père obtint alors pour moi la permission d’acheter le gouvernement de Poitou[223]. Je suivis M. le duc d’Enghien à l’armée, qu’il commandait sous Monsieur[224]. On attaqua Courtray[225]. Piccolomini[226] et le marquis de Caracène[227] se présentèrent aux lignes avec trente mille hommes ; mais, au lieu d’entreprendre de les forcer, ils se retranchèrent de leur côté, et les deux camps ne furent éloignés que de la portée du mousquet. Les ennemis tentèrent inutilement de jeter quelques secours dans la ville, et ils se retirèrent enfin, trois ou quatre jours avant qu’elle se rendît, pour n’être pas témoins de sa prise. On alla ensuite à Mardic[228]. Ce siège fut difficile et périlleux, par le grand nombre d’hommes qui défendaient la place, et qui étaient relevés tous les jours par des troupes fraîches qui y arrivaient de Dunkerque ; leur défense fut célèbre encore par cette grande sortie dont on a tant parlé, où le duc d’Enghien, suivi de ce que le hasard avait fait trouver auprès de lui d’officiers et de volontaires, arrêta, sous tout le feu de la place, l’effort de deux mille hommes qui venaient attaquer un logement sur la contrescarpe et nettoyer la tranchée. On perdit beaucoup de gens de qualité : le comte de Fleix[229], le comte de La Roche-Guyon[230] et le chevalier de Fiesque[231] y furent tués ; le duc de Nemours[232] et plusieurs autres y furent blessés ; j’y reçus trois coups de mousquet, et je revins ensuite à Paris[233]. Monsieur finit sa campagne par la prise de Mardick[234], et laissa le commandement de l’armée au duc d’Enghien, qui prit Dunkerque[235].

On commençait à se lasser de la domination du cardinal Mazarin : sa mauvaise foi, sa faiblesse et ses artifices étaient connus ; il accablait les provinces par des impôts, les villes par des taxes, et il avait réduit au désespoir les bourgeois de Paris par la suppression des rentes de l’Hôtel de Ville[236]. Le Parlement portait impatiemment ces désordres ; il essaya d’abord d’y remédier par des remontrances à la Reine et par des voies respectueuses ; mais il se disposait à en prendre d’autres, puisque celles de la douceur étaient inutiles[237]. Le Cardinal n’avait pas ménagé le duc d’Enghien sur la charge d’amiral vacante par la mort du duc de Brezé[238], son beau-frère, qui avait été tué ; le prince de Condé avait fait paraître son mécontentement, et s’était retiré à Valery[239]. Mme de Longueville[240], dont j’avais alors toute la confiance, sentait aussi vivement que je le pouvais désirer la conduite du cardinal Mazarin envers le duc d’Enghien, pour les intérêts de sa maison. Ces commencements d’aigreur furent quelque temps méprisés par le Cardinal : il se fiait à ses artifices et à sa fortune, et plus encore à l’esprit de servitude de la nation. Il haïssait le Parlement, qui s’opposait aux édits par des assemblées et par des remontrances[241], et il attendait une occasion de l’abaisser. Il donnait cependant des espérances au duc d’Enghien pour l’adoucir ; il ménageait même un peu plus les particuliers, et, bien qu’il fût également opposé à ma fortune, je ne lui voyais pas toujours la même dureté pour moi. Il était maître absolu de l’esprit de la Reine et de Monsieur, et plus sa puissance augmentait dans le cabinet, et plus elle était odieuse dans le Royaume ; il en abusait toujours[242] dans la prospérité, et il paraissait toujours faible et timide dans les mauvais succès. Ces défauts, joints à son manque de foi et à son avarice, le firent bientôt haïr et mépriser et disposèrent tous les corps du Royaume et la plus grande partie de la cour à désirer un changement.

Le duc d’Enghien, que je nommerai désormais le prince de Condé par la mort de son père[243], commandait l’armée de Flandres et venait de gagner la bataille de Lens[244]. Le Cardinal. ébloui d’un si grand événement, songea moins à s’en servir contre les ennemis de l’État que contre l’État même, et, au lieu de profiter en Flandres de cette victoire, il tourna toutes ses pensées à se venger du Parlement[245]. Il crut devoir autoriser de la présence du Roi la violence qu’il avait préméditée, et que la prospérité de ses armes retiendrait le peuple et le Parlement dans la soumission et dans la crainte. Il choisit le jour[246] que tous les corps étaient assemblés à Notre-Dame pour assister au Te Deum ; et après que le Roi et la Reine en furent sortis, il fit arrêter le président Blancmesnil[247], Broussel[248] et quelques autres[249], qui s’étaient opposés avec plus de chaleur aux nouveaux édits et à la misère publique. Cette entreprise du Cardinal n’eut pas le succès qu’il en attendait : le peuple prit les armes ; le Chancelier, pour éviter sa fureur, se sauva dans l’hôtel de Luynes[250] ; on le chercha dans la maison pour le mettre en pièces, et le maréchal de la Meilleraye y alla en diligence, avec quelques compagnies du régiment des Gardes, pour le sauver. Il fut en péril lui-même ; on tendit les chaînes des rues ; on fit partout des barricades ; et le Roi et la Reine se virent investis dans le Palais-Royal, et forcés de rendre[251] les prisonniers, que le Parlement leur envoya demander[252]. Dans ce trouble, le coadjuteur de Paris[253], qui jusqu’alors n’avait point encore paru[254] dans les affaires et qui voulait s’y donner part, prit cette occasion pour offrir son service à la Reine et pour s’entremettre d’apaiser la sédition ; mais son zèle fut mal reçu, et on fit même des railleries de son empressement[255].

Je n’étais pas alors à Paris, et j’étais allé par ordre de la Reine dans mon gouvernement[256] ; ma présence même y fut nécessaire pour contenir le Poitou dans son devoir : cette province avait commencé de se soulever, et on y avait pillé quelques bureaux du Roi[257]. Devant que de partir, il me paraissait que le Cardinal voulait quelquefois me ménager, et qu’il feignait de désirer mon amitié ; il savait que la Reine s’était engagée à moi, dans tous les temps, de donner à ma maison les mêmes avantages qu’on accordait à celles de Rohan et de la Trimouille et à quelques autres ; je me voyais si éloigné des grâces solides, que je m’étais arrêté à celle-là. J’en parlai au Cardinal en partant ; il me promit positivement de me l’accorder dans peu de temps[258], mais qu’à mon retour j’aurais les premières lettres de duc qu’on accorderait, afin que ma femme eût cependant le tabouret[259]. J’allai en Poitou, comme j’ai dit, dans cette attente, et j’y pacifiai les désordres[260] ; mais j’appris que bien loin de me tenir les paroles que le Cardinal m’avait données, il avait accordé des lettres de duc à six personnes de qualité sans se souvenir de moi[261]. J’étais dans le premier mouvement qu’un traitement si extraordinaire me devait causer[262], lorsque j’appris par Mme de Longueville que tout le plan de la guerre civile s’était fait et résolu à Noisy[263], entre le prince de Conti[264], le duc de Longueville, le coadjuteur de Paris, et les plus considérables du Parlement[265]. Elle me mandait encore qu’on espérait d’y engager le prince de Condé ; qu’elle ne savait quelle conduite elle devait tenir dans cette rencontre[266], ne sachant pas mes sentiments, et qu’elle me priait de venir en diligence à Paris, pour résoudre ensemble si elle devait avancer ou retarder ce projet. Cette nouvelle me consola de mon chagrin, et je me vis en état de faire sentir à la Reine et au cardinal Mazarin[267] qu’il leur eût été utile de m’avoir ménagé. Je demandai mon congé ; j’eus peine à l’obtenir, et on ne me l’accorda qu’à condition que je ne me plaindrais pas du traitement que j’avais reçu, et que je ne ferais point d’instances nouvelles sur mes prétentions ; je le promis facilement, et j’arrivai à Paris avec tout le ressentiment que je devais avoir[268]. J’y trouvai les choses comme Mme de Longueville m’avait mandé[269] ; mais j’y trouvai moins de chaleur, soit que le premier mouvement fût passé, ou que la diversité des intérêts et la grandeur du dessein eussent ralenti ceux qui l’avaient entrepris. Mme de Longueville même y avait exprès formé[270] des difficultés, pour me donner le temps d’arriver et me rendre plus maître de décider : je ne balançai point à le faire, et je sentis[271] un grand plaisir de voir qu’en quelque état que la dureté de la Reine et la haine du Cardinal eussent pu me réduire, il me restait encore des moyens de me venger d’eux[272].

M. le prince de Conti entrait dans le monde : il voulait réparer, par l’impression qu’il y donnerait de son esprit et de ses sentiments, les avantages que la nature avait refusés à sa personne[273]. Il était faible et léger ; mais il dépendait entièrement de Mme de Longueville[274], et elle me laissait le soin de le conduire[275]. Le duc de Longueville avait de l’esprit et de l’expérience ; il entrait facilement dans les partis opposés à la cour, et en sortait encore avec plus de facilité ; il était faible, irrésolu et soupçonneux[276] ; sa longue autorité en Normandie[277] l’avait rendu maître du parlement de Rouen, de la plus grande partie de la noblesse, et de plusieurs places de cette province[278].

Le coadjuteur de Paris[279], qui était uni à lui par la parenté[280] et par un long attachement d’amitié, avait beaucoup de crédit dans le peuple et dans le parlement de Paris par sa dignité de Coadjuteur, et tous les curés exécutaient ses ordres[281] ; il avait des amis et des partisans à la cour, et entraînait[282] dans ses intérêts Noirmoustier[283], Laigues[284], quelque reste de la cabale des Importants, et d’autres personnes qui cherchaient à se rendre considérables dans le trouble. Il avait de l’élévation et de l’esprit ; son humeur était facile et désintéressée ; mais il cachait souvent ses sentiments à ses amis, et savait feindre des vertus qu’il n’avait pas. Il avait de l’orgueil et de la fierté. Le mépris que la Reine et le Cardinal avaient fait de son entremise pour apaiser le désordre des barricades l’avait mortellement irrité[285]. Le Parlement, piqué[286] de l’injure qu’il croyait avoir reçue en la personne du président de Blancmesnil et de Broussel, était devenu plus fier par leur liberté, que la Reine n’avait osé refuser ; les plus puissants et les plus exposés de ce corps songeaient à se mettre à couvert du ressentiment du Cardinal et à prévenir sa vengeance.

Je trouvai les choses en cet état, et je m’appliquai uniquement à surmonter les craintes et les irrésolutions du prince de Conti et du duc de Longueville, qui devaient donner le branle à un si grand dessein. Le prince de Condé avait changé de sentiment, et avait pris des mesures avec la cour[287]. La liaison que j’avais avec M. le prince de Conti et avec Mme de Longueville ne lui était pas agréable ; mais il ne m’en faisait rien paraître. Les esprits s’aigrissaient de toutes parts, et le cardinal Mazarin, ne trouvant plus sa sûreté à Paris[288], résolut enfin, de concert[289] avec Monsieur et Monsieur le Prince, d’en former le siège, après avoir mené le Roi à Saint-Germain. Cette entreprise ne se pouvait exécuter par les formes ordinaires : les conséquences en étaient trop périlleuses et trop préjudiciables à l’État. Le Roi avait peu de troupes ; mais on crut qu’il en avait assez pour occuper les passages et pour réduire cette grande ville par la faim. On croyait qu’elle serait divisée par les cabales, et que, manquant de chefs, de troupes réglées, et de toutes provisions[290], elle recevrait la loi qu’on lui voudrait imposer. Dans cette espérance, le Roi, suivi de Monsieur, de la Reine, de M. le duc d’Orléans[291], de Monsieur le Prince et du prince de Conti, partit secrètement de Paris à minuit, la veille des Rois de l’année 1649, et alla à Saint-Germain ; toute la cour suivit avec beaucoup de désordre. Madame la Princesse voulut emmener Mme de Longueville, qui était sur le point d’accoucher ; mais elle feignit de se trouver mal, et demeura à Paris[292].

Ce départ du Roi, si précipité[293], mit un trouble et une agitation dans l’esprit du peuple et du Parlement qui ne se peut représenter. Ceux mêmes qui avaient pris le plus de mesures contre la cour furent ébranlés, et le moment de décider leur parut terrible[294]. Le Parlement et le corps de Ville députèrent à Saint-Germain pour témoigner leur crainte et leur soumission. J’y allai le même jour que la cour y arriva[295] ; le duc de Longueville s’y rendit aussi[296] ; je retournai à Paris, une fois ou deux, pour rassurer ceux du parti qui étaient chancelants, et pour concerter avec Mme de Longueville, le Coadjuteur, Longueil[297], et Broussel, le jour que le prince de Conti et le duc de Longueville s’y devaient rendre. Le cardinal Mazarin, sachant que je pouvais y aller et en sortir facilement, bien que les portes fussent soigneusement gardées, me pria de lui apporter de l’argent ; mais je refusai de m’en charger, ne voulant ni lui faire ce plaisir, ni mal user de sa confiance. Cependant toutes choses étant préparées à Paris, je retournai à Saint-Germain, pour en faire partir M. le prince de Conti et le duc de Longueville. Ce dernier faisait naître sans cesse des obstacles et se repentait de s’être engagé. J’appréhendai même qu’il ne passât plus loin et qu’il ne découvrît à Monsieur le Prince ce qu’il savait de l’entreprise. Dans ce doute, je renvoyai Gourville à Paris, pour dire à Mme de Longueville et au Coadjuteur le soupçon qu’on devait avoir du duc de Longueville ; je le chargeai de voir Longueil et Broussel, et de leur faire comprendre quel péril il y avait[298] au retardement. On doit trouver étrange que j’eusse confié une affaire d’un tel poids à Gourville, qui était alors fort jeune et peu connu ; mais, comme j’avais éprouvé sa fidélité en d’autres rencontres, qu’il avait l’esprit avancé et hardi, tous ceux avec qui je traitais prirent créance en lui[299], et ce fut sur les paroles qu’il portait des uns aux autres que l’on agissait[300] de concert. Il revint à Saint-Germain nous presser d’aller promptement à Paris ; mais le duc de Longueville ne s’y pouvait résoudre, et nous fûmes contraints, le marquis de Noirmoustier et moi, de lui dire que nous allions emmener M. le prince de Conti, et que nous déclarerions dans le monde que lui seul manquait de foi et de parole à ses amis, après les avoir engagés dans un parti qu’il abandonnait. Il ne put soutenir ces reproches, et il se laissa entraîner à ce que nous voulions[301]. Je me chargeai de leur faire tenir des chevaux, à une heure après minuit, dans la cour des cuisines ; mais, sans m’avertir, ils en prirent d’autres, et s’en allèrent à Paris[302]. Je les attendais cependant au lieu qu’ils m’avaient marqué, et j’y demeurai jusques à la pointe du jour ; je ne pouvais rentrer dans le château pour savoir de leurs nouvelles, et je jugeais bien à quoi j’étais exposé si l’affaire était découverte, et si on me trouvait leur gardant des chevaux à une heure si suspecte ; mais j’aimais encore mieux me mettre dans ce hasard que de les y exposer par un contre-temps ; enfin je sus qu’ils étaient partis, et je me rendis à Paris longtemps après qu’ils y furent arrivés[303].

Le bruit de leur venue se répandit en peu de temps et fit de différents effets[304] : le peuple les reçut avec joie ; mais ceux du Parlement qui ignoraient le traité de Noisy, fomentés[305] par les partisans de la cour, publiaient que c’était un artifice, et que le prince de Conti et le duc de Longueville, liés au prince de Condé par tant de proximité et par tant d’intérêts, ne se mettaient à la tête d’un parti que pour le sacrifier à la vengeance du cardinal Mazarin. Cette impression, si aisée à recevoir par un peuple timide et par le Parlement étonné, fit douter quelque temps de la sûreté de Mme de Longueville, du prince de Conti et de tout ce qui les avait suivis[306]. Le Parlement rejeta d’abord leurs offres, et il ne les reçut qu’après qu’il fut instruit par le Coadjuteur, Broussel, Longueil, et par ceux qui savaient le traité. M. le prince de Conti et Mme de Longueville, pour donner plus de confiance, logèrent dans l’Hôtel de Ville et se livrèrent entièrement entre les mains du peuple[307].

La cour cependant avait ressenti vivement la retraite du prince de Conti, du duc de Longueville et des autres[308] ; le Cardinal soupçonna qu’elle fût de concert avec Monsieur le Prince[309] ; et, se trouvant trop faible pour soutenir de si grandes affaires, il se préparait à sortir du Royaume ; mais Monsieur le Prince le rassura bientôt, et l’aigreur qu’il fit paraître contre M. le prince de Conti, contre Mme de Longueville et contre moi fut si grande, qu’elle ne laissa pas lieu au Cardinal de douter qu’elle ne fût véritable. On prit de nouvelles mesures pour affamer Paris, et le prince de Condé se chargea de l’événement d’une si grande entreprise. Le parti opposé ne négligeait rien aussi pour sa sûreté. Le duc d’Elbeuf[310], gouverneur de Picardie, s’était offert le premier au Parlement, et il croyait trouver de grands avantages en se mettant à la tête du parti. Il avait de l’esprit et de l’éloquence, mais il était vain, intéressé, et peu sûr[311]. L’arrivée du prince de Conti et du duc de Longueville lui donna de la jalousie ; il n’osa toutefois s’opposer ouvertement à la confiance qu’on devait prendre en eux, mais il la traversait avec beaucoup d’artifice[312]. Le duc de Bouillon[313] se joignit en même temps aux intérêts du Parlement ; j’ai parlé ailleurs[314] de ses grandes qualités et de son mérite. Le vicomte de Turenne[315], son frère, était uni à lui, et il commandait l’armée d’Allemagne. Les vertus de ce grand homme sont plus connues par ses actions que par ce que je pourrais dire ici[316], et ce qu’il a fait depuis pour la gloire du Roi et de l’État doit effacer la faute que l’intérêt du duc de Bouillon et de sa maison et son mécontentement particulier lui firent[317] commettre en cette rencontre. Il entra dans les liaisons de son frère, et voulut employer l’armée qu’il commandait pour soutenir le parti de Paris ; mais ses troupes[318] suivirent leur devoir, et il fut contraint, pour chercher sa sûreté, de se retirer en Hollande[319]. Le maréchal de la Motte-Houdancourt[320] était ennemi particulier du Tellier[321] : il cherchait[322] à se venger du traitement qu’il lui avait procuré en le faisant arrêter prisonnier après lui avoir ôté l’emploi de Catalogne. Il avait de la valeur, de la capacité dans la guerre, un esprit médiocre, du bon sens, et, par un sentiment ordinaire à ceux qui ont fait eux-mêmes leur fortune, il craignait beaucoup de la hasarder[323] ; il prit néanmoins le parti du Parlement. Le duc de Beaufort suivit bientôt cet exemple : il s’était sauvé du donjon de Vincennes[324] avec beaucoup de hardiesse, d’industrie et de bonheur, et il fut reçu du peuple comme son libérateur. Tant de personnes considérables élevèrent les espérances du parti. On leva de grandes sommes d’argent ; on fit des troupes ; le parlement de Paris écrivit aux autres parlements du Royaume[325] ; on envoya des lettres circulaires dans les provinces ; on distribua les charges de la guerre : les ducs de Beaufort, d’Elbeuf, de Bouillon et le maréchal de la Motte furent généraux sous M. le prince de Conti ; le duc de Luynes[326], Noirmoustier et moi fûmes lieutenants généraux ; le duc de Longueville, pour éviter l’embarras que le rang qu’il prétendait[327] lui eût pu donner[328], alla en Normandie, pour maintenir cette province dans ses intérêts[329]. On accepta les offres considérables que l’Archiduc[330] fit d’hommes et d’argent : enfin on se préparait à la guerre civile avec d’autant plus de chaleur que c’était une nouveauté ; mais elle n’avait pour fondement que la haine du cardinal Mazarin, qui était presque également odieux aux deux partis[331].

Le besoin qu’on eut à Paris de faire promptement des troupes en fit lever de mauvaises : on ne put choisir les officiers[332] ni les soldats, et on fut contraint de recevoir indifféremment tout ce qui se présentait[333]. Cependant le Cardinal mettait tout en usage pour former des cabales dans le Parlement, et pour diviser les généraux. La diversité de leurs sentiments et de leurs intérêts lui fournit bientôt toute la matière qu’il pouvait désirer. Dans l’autre parti, l’armée du Roi se fortifiait tous les jours, et le prince de Condé, animé par son ressentiment particulier, faisait sa propre cause de l’intérêt du Cardinal. Il avait occupé les passages les plus considérables pour empêcher la communication de la campagne avec Paris, et il ne doutait point que, manquant de secours et de vivres, cette ville ne fût bientôt réduite à la dernière extrémité[334]. Charenton était retranché, et ceux de Paris qui s’en étaient emparés y avaient mis Clanleu avec deux mille hommes, pour conserver un poste sur les rivières de Seine et de Marne. Le prince de Condé l’y força, sans trouver presque de résistance. Cette action se fit en plein jour, à la vue de toutes les troupes du parti et de plus de cinquante mille bourgeois sous les armes. Le duc de Chastillon, lieutenant général dans l’armée du Roi, y fut tué[335] ; de l’autre côté, Clanleu et toute sa garnison furent taillés en pièces[336]. Ce désavantage mit une grande consternation à Paris : les vivres y enchérissaient et on commençait à craindre d’en manquer. Il y entrait néanmoins souvent des convois, et un jour qu’on en amenait un considérable, les troupes du Roi commandées par Nerlieu[337] se trouvèrent sur le chemin auprès de Villejuive[338]. Il y eut un combat assez opiniâtre dans le village de Vitry[339], où Nerlieu fut tué ; le convoi passa, et, comme cette action dura quelque temps, tout Paris en prit l’alarme, et plus de cent mille bourgeois sortirent pour nous recevoir[340]. Ce succès, qui n’était d’aucune importance, fut reçu de ce peuple préoccupé comme une victoire signalée, qu’il voulait devoir à la seule valeur du duc de Beaufort, et il fut conduit comme en triomphe jusqu’à l’Hôtel de Ville, au milieu des acclamations d’une foule innombrable de monde.

Peu de temps après, le marquis de Noirmoustier sortit avec sept ou huit cents chevaux et quelque infanterie, pour escorter un grand convoi qui venait du côté de la Brie. J’allai au-devant de lui avec neuf cents chevaux, pour faciliter son passage, que le comte de Grancey[341] voulait empêcher avec pareil nombre de cavalerie et deux régiments d’infanterie. Nous étions à une demilieue l’un de l’autre, le marquis de Noirmoustier et moi, et nous étions convenus de nous secourir en cas[342] que le comte de Grancey vînt attaquer l’un de nous. Il me manda de m’avancer, et qu’il allait être chargé ; je fis ce qu’il désirait de moi ; mais le comte de Grancey, qui sut que j’avançais, quitta le dessein d’attaquer Noirmoustier et vint au-devant de moi pour me combattre seul. Le marquis de Noirmoustier lui vit faire ce mouvement ; mais, au lieu de faire pour moi ce que j’avais fait pour lui, il continua son chemin avec le convoi, et se mit peu en peine d’un combat qu’il rendait si inégal par sa retraite. Nous marchâmes l’un à l’autre, le comte de Grancey et moi, avec pareil[343] nombre de cavalerie, mais très différent par la bonté des troupes ; il avait de plus deux régiments d’infanterie, comme j’ai dit. Je fis ma première ligne de cinq escadrons, et la seconde de quatre, commandée par le comte de Rozan[344], frère des maréchaux de Duras et de Lorges[345] ; mais, comme le comte de Grancey était éloigné de mille pas de son infanterie, je fis toute la diligence qu’il me fut possible[346] pour le charger avant qu’elle fût arrivée[347]. Nous trouvâmes, à vingt pas les uns des autres, une ravine[348], qui nous séparait ; nous la côtoyâmes deux cents pas pour en prendre la tête ; dans cet espace[349], une partie de l’infanterie du comte de Grancey eut le loisir d’arriver, et, à la premier décharge, tout ce que j’avais de troupes[350] s’enfuit, et mon cheval fut tué ; ceux du chevalier de la Rochefoucauld[351] et de Gourville[352] le furent aussi. Un gentilhomme qui était à moi[353] mit pied à terre pour me donner le sien, mais je ne pus m’en servir, parce qu’un des escadrons qui poussaient les fuyards était trop près. Le comte d’Hollac[354], qui était à la tête, et trois autres cavaliers vinrent à moi, me criant quartier ; j’allai à lui, résolu de ne le pas accepter[355] ; et, croyant lui donner[356] de l’épée dans le corps, je ne perçai que les deux épaules de son cheval, et mon épée s’arrêta toute faussée dans la selle. Il me tira aussi à bout portant ; le coup fut si grand que je tombai à terre ; tout son escadron, en passant presque sur moi, me tira encore. Six soldats arrivèrent, et, me voyant bien vêtu, ils disputèrent ma dépouille et qui me tuerait[357]. Dans ce moment, le comte de Rozan chargea les ennemis avec sa seconde ligne. Le bruit de la décharge surprit ces six soldats, et, sans que j’en sache d’autres raisons, ils s’enfuirent. Quoique ma blessure fût fort grande[358], je me trouvai néanmoins assez de force pour me relever, et, voyant un cavalier auprès de moi qui voulait remonter à cheval, je le lui ôtai et son épée aussi. Je voulais rejoindre le comte de Rozan ; mais, en y allant, je vis ses troupes qui suivaient l’exemple des miennes, sans qu’on les pût rallier. Il fut pris et blessé, et mourut bientôt après. Le marquis de Sillery[359] fut pris aussi. Je joignis le comte de Matha[360], maréchal de camp, et nous arrivâmes ensemble à Paris[361]. Je le priai de ne rien dire de ce qu’il avait vu faire à Noirmoustier, et je ne fis aucune plainte contre lui ; j’empêchai même qu’on ne punît la lâcheté des troupes qui m’avaient abandonné et qu’on ne les fît tirer au billet[362]. Ma blessure, qui fut grande et dangereuse, m’ôta le moyen de voir par moi-même ce qui se passa dans le reste de cette guerre, dont les événements furent peu dignes d’être écrits[363]. Noirmoustier et Laigues allèrent en Flandres, pour amener l’armée d’Espagne que l’Archiduc devait envoyer au secours de Paris ; mais les promesses des Espagnols et leurs assistances[364] furent inutiles[365], et le Parlement et le peuple, épuisés par[366] tant de dépenses mal employées et se défiant presque également[367] de la capacité et de la bonne foi de la plupart des généraux, reçurent l’amnistie[368] bientôt après.

    publiés à la date du 4 mars 1649, le Courrier burlesque de la guerre de Paris, à partir du 19 février (Choix de Mazarinades , tome I, p. 416 et suivantes, tome II, p. 1236 et suivantes), et les Contents et les Mécontents sur le sujet du temps (Bibliographie, tome I, p. 231 et 232). Retz avoue lui-même, dans ses Mémoires (tome II, p. 313), que, dès le 3 mars, personne ne voulait plus payer les taxes.

    maréchal depuis 1641, né en 1604, mort en 1678, était mestre de camp des Gardes depuis 1639. Il a laissé des Mémoires. Le chevalier de Gramont, le héros des Mémoires d’Hamilton , cités plus haut, était son frère puiné.

  1. En tête des pages qui suivent, on lit dans le manuscrit D de la Roche-Guyon cette note, d’une écriture ancienne : « Ici commencent les Mémoires de la Régence, qui n’ont de commun avec le petit morceau imprimé sous ce titre que le fond des faits : l’ordre des matières, la marche de la narration et le style en étant totalement différents, ce qui rend ce morceau absolument neuf. » — Nous donnons dans l’Appendice de ce volume « le petit morceau imprimé » dont parle cette note. C’est par lui que commencent les Mémoires de la Rochefoucauld dans les éditions anciennes. Il parait être, nous l’avons dit dans la Notice, une première rédaction de notre auteur, et correspond aux pages 49~79 de notre texte, depuis : « J’arrivai à Paris..., » jusqu’à : « pour persuader de plus en plus à la Reine qu’elle la vouloit gouverner. » C’est dans les éditions de 1688-1804 (exclusivement) qu’il est précédé de ce titre, dont les premiers mots sont mentionnés dans la note de notre manuscrit D : Mémoires de la régence d’Anne d’ Autriche, mère de Louis XIV. Dans les éditions antérieures à 1688 et dans celle de 1717, il est intitulé : Mémoires de M. D. L. R., contenant les brigues pour le gouvernement à la mort de Louis XIII.
  2. Le peu de dispositions. (1826.)
  3. Des occasions de la servir. (1826, 38.)
  4. Pleine d’agitations. (1817, 26, 38.)
  5. « Etiam mortuus imperat, puisqu’on suit encore ses ordres et ses conseils, » dit Guy Patin (Lettres, tome I, p. 98). — « Après la mort du Cardinal, dit la Châtre (p. 176), toute la France s’attendoit à voir un changement entier dans les affaires ; car, comme ce ministre ne subsistoit auprès du Roi que par la teneur, on crut que cette raison étant finie avec lui, la haine de Sa Majesté éclateroit sur tout ce qui resteroit de sa famille et de sa cabale. Mais ces espérances ne durèrent pas longtemps, et on vit avec étonnement ses dernières volontés suivies. »
  6. On sait quels furent les commencements de Mazarin. Né le 14 juillet 1602, à Piscina, dans les Abruzzes, il se fit recevoir docteur en droit, et fut d’abord, par occasion (1624), capitaine d’infanterie, puis secrétaire de légation du saint-siége. Attaché ensuite à Sacchetti, nonce à Milan, il entre définitivement, à l’âge de vingt-six ans, dans la carrière diplomatique. En 1629, il est attaché à cette même légation pontificale dans la haute Italie ; il se voit alors à même de donner, dans les plus sérieuses négociations, des preuves de son habileté et de sa prudence. Le 29 janvier 1630 a lieu sa première entrevue avec Richelieu, dont il gagne l’esprit et qui devine son mérite. En 1632, il est vice-légat à Avignon ; en 1634, nonce extraordinaire en France ; en 1636, il quitte le service du Pape pour se donner à Richelieu. Naturalisé Français (avril 1639), il est envoyé à Chambéry comme ambassadeur extraordinaire, et, deux ans après, il reçoit le chapeau de cardinal ; il avait alors trente-neuf ans. Voyez la Jeunesse de Mazarin de V. Cousin.
  7. Dans notre manuscrit D, par erreur sans doute : « eût la seule régence ».
  8. Jacques Sirmond, savant jésuite, qui mourut en 1651, âgé de quatre-vingt-douze ans. Le P. Rapin dit dans ses Mémoires (tome I, p. 230) que son « autorité étoit d’un poids considérable dans l’Eglise. » Il avait été nommé confesseur du Roi en 1637. Colomiès, qui a écrit sa vie, imprimée dans la Bibliothècjue choisie (1731), rapporte (p. 313) que « le Roi étant tombé malade, M. de Noyers et Monsieur de Beauvais, voyant que son mal augmentoit, portèrent le P. Sirmond à proposer à Sa Majesté la corégence pour Monsieur, son frère, avec la Reine ; mais cette proposition déplut si fort au Roi, qu’après l’avoir aigrement rebutée, et en avoir même dit quelque cbose à la Reine, il ne voulut plus entendre son confesseur, et l’ayant fait renvoyer sous un autre prétexte, prit en sa place le P. Dinet (le 20 mars i643). » Voyez ci-après, p. 53 et 54.
  9. Et pour exclure. (1817, 26, 38.)
  10. Une liaison secrète. (Ibidem.)
  11. Voyez plus haut, p. 27 et 28.
  12. Au commencement de 1638, la duchesse s’était rendue d’Espagne en Angleterre ; en mai 164O, elle était passée dans les Pays-Bas et s’était établie à Bruxelles. Voyez, sur les intrigues qu’elle ne cessa d’entretenir de loin, V. Cousin, Madame de Chevreuse, chapitre iv.
  13. Voyez plus haut, p. 44 et 45.
  14. Les mots de la déclaration ne sont pas dans les éditions antérieures.
  15. Henri II de Bourbon, prince de Condé, premier prince du sang, père du grand Condé, né en 1588, mort en 1646- Voyez sur lui les Mémoires de Lenet, tome II, p. 166-173.
  16. Sans leurs avis. (1826, 38.) — Voyez dans V. Cousin, Madame de Chevreuse (Appendice, p. 471-476), le texte de cette déclaration, qui fut enregistrée au Parlement le 21 avril 1643, vingt-trois jours avant la mort du Roi.
  17. De ce qu’ils avoient. (1817, 26, 38.)
  18. Montglat raconte dans ses Mémoires (tome I, p. 402 et suivantes) que de Noyers, après la mort de Richelieu, réussit à soutenir quelque temps sa fortune en venant le soir s’enfermer avec Louis XIII pour lire le bréviaire. Il est vrai qu’en même temps il se ménageait des entrées de faveur chez la Reine, à laquelle il fit part, comme le rapporte la Rochefoucauld, du fameux projet de déclaration. Le Roi sut la chose, et tança vertement « le petit bonhomme, » comme il l’appelait. Celui-ci donna de dépit sa démission à Louis XIII ; elle fut acceptée. De Noyers mourut quelque temps après (1645), dans sa maison de Dangu, inconsolable, dit-on, de s’être, dans un moment d’humeur, retiré si vite des affaires, et contrit principalement de n’avoir pas su deviner quel avenir était réservé au signor Mazarini. — Sur les menées de Mazarin et de Chavigny, d’une part, et de de Noyers, de l’autre, après la mort du cardinal de Richelieu, voyez les Mémoires de la Châtre, p. 177 et suivantes.
  19. Aussi n’est pas dans les éditions antérieures.
  20. Que son confesseur. (1817, 26, 38.)
  21. Demanda à se retirer. (1817, 26, 38.)
  22. Michel le Tellier, né en 1603, avait été successivement conseiller au grand conseil (1623), procureur du Roi au Châtelet (1631), maître des requêtes (1639), intendant à l’armée d’Italie (1640)- On sait que plus tard il eut pour successeur au ministère de la guerre son fils le marquis de Louvois (1666). Il mourut chancelier de France le 30 octohre 1685.
  23. Entre lesquels notre auteur, dont on sent percer ici le dépit, croyait pouvoir à bon droit prétendre une des premières places : voyez, à la suite des Mémoires, l’Apologie du prince de Marcillac.
  24. Du cardinal Mazarin. (1817.)
  25. Sur les sentiments d’Anne d’Autriche pour Mazarin, voyez V. Cousin, Madame de Hautefort, p. 75-82 ; et sur les commencements de la faveur du Ministre à la mort du Roi, les Mémoires de Mme de Motteville, tome I, p. 115 et suivantes, et ceux de la Porte, p. 396 et suivantes.
  26. Ces. (1817, 26, 38.)
  27. Cet article particulier, relatif à Mme de Chevreuse, est ainsi conçu : « Comme notre dessein est de prévoir tous les sujets qui pourroient en quelque sorte troubler le bon établissement que nous faisons pour conserver le repos et la tranquillité de notre État, la connoissance que nous avons de la mauvaise conduite de la dame duchesse de Chevreuse, et des artifices dont elle s’est servie jusques ici pour mettre la division dans notre royaume, les factions et les intelligences qu’elle entretient au dehors avec nos ennemis nous font juger à propos de lui défendre, comme nous lui défendons, l’entrée de notre royaume pendant la guerre ; voulons même qu’après la paix conclue et exécutée, elle ne puisse retourner dans notre royaume que par les ordres de ladite dame reine régente, avec l’avis dudit conseil, à la charge néanmoins qu’elle ne pourra faire sa demeure ni être en aucun lieu proche de la cour et de la dite dame reine. »
  28. Cependant n’est pas dans les éditions antérieures.
  29. Ce qui avoit pu lui déplaire. (1826, 38.)
  30. Voyez plus haut, p. 6 et 7.
  31. Je dois lui pardonner. (18 17, 26, 38.)
  32. Sur ce mouvement général de la cour pendant les derniers moments de Louis XIII et sur la situation à laquelle il aboutit, il faut rapprocher du récit de la Rochefoucauld le chapitre v du tome I des Mémoires de Mme de Motteville, qui, dans un préambule éloquent (p. 99 et 100), expose « de quelle nature est le climat de ce pays qu’on appelle la cour — L’air n’y est jamais doux ni serein pour personne… C’est une région venteuse, sombre et pleine de tempêtes continuelles. Les hommes y vivent peu ; et, le temps que la fortune les y laisse, ils sont toujours malades de cette contagieuse maladie de l’ambition , qui leur ôte le repos, leur ronge le cœur et leur envoie des vapeurs à la tête , qui souvent leur ôtent la raison. »
  33. Le grand Condé, Louis II de Bourbon, qui prit le titre de prince de Condé à la mort de son père en 1646. Né à Paris le 8 septembre 1621, il mourut à Fontainebleau le 11 décembre 1686. — Son nom, dans le manuscrit D, est toujours écrit Anguien ou Enguien.
  34. Maurice comte de Coligny, fils aîné du maréchal de Châtillon. La Rochefoucauld raconte plus loin (p. 90-93) son duel le duc de Guise, duel à la suite duquel il mourut (mai 1644).
  35. Donna. (1817, afi, 38.)
  36. Par des marques (Ibidem.)
  37. Et consentit. (Ibidem.)
  38. Voyez ci-dessus, p. 18 et note 5. Sorti de prison au bout de quatre ans (30 décembre 1629), il s’était retiré en Hollande, puis avait obtenu de rentrer en France ; mais, en 1641, il avait été accusé d’avoir voulu attenter aux jours du cardinal de Ricbelieu, et s’était réfugié en Angleterre.
  39. Les ducs de Mercœur et de Beaufort.
  40. Charles II de Lorraine, duc d’Elbeuf, né en 1596, mort en 1667, arrière-petit-fils de Claude, duc de Guise, avait épousé Catherine-Henriette, fille légitimée de Henri IV, et sœur du duc de Vendôme. II avait suivi le duc d’Orléans en Lorraine en 1661, puis, ayant eu une abolition spéciale et n’en ayant pas profité, il avait été déclaré criminel de lèse-majesté (1633).
  41. Sur Bellegarde, voyez plus haut, la note 2 de la page 9.
  42. Et non de Jouars, comme porte ici l’édition de 1817 après avoir donné plus haut de Thouars. — Sur ce personnage et sur Bassompierre, Cramail et Vautier, voyez plus haut, les notes des pages 38 et 39 ; et sur Châteauneuf, les notes 2, 4 et 5 de la page 19.
  43. Se donner part. (1817, 26, 38.) — Dans notre manuscrit, avoir est en interligne, de la même écriture, sur se donner biffé.
  44. Dans les changements. (1817, 26, 38.)
  45. De tout ce qui avoit. (Ibidem.)
  46. Mme de Hautefort revint aussi ; mais ce ne fut pas pour longtemps : la Reine la renvoya dès le mois d’avril 1644. Voyez V. Cousin, Madame de Hautefort, chapitre iv.
  47. En. (1817, 26, 38.)
  48. Dans. (Ibidem.)
  49. François, second fils du duc de Vendôme, né en 1616, tué en 1669, au siège de Candie. Compromis dans le complot de Cinq-Mars par les aveux du duc d’Orléans, il était allé rejoindre son père en Angleterre (août 1642)- Rentré en France après la mort du Cardinal, il s’était tenu enfermé dans le château d’Anet.
  50. Le roi futur, Louis XIV, né le 5 septembre 1638.
  51. Philippe, second fils de Louis XIII, duc d’Anjou, puis duc d’Orléans après la mort de Gaston, son oncle. Il était né le 27 septembre 1640, et mourut subitement à Saint-Cloud le 9 juin 1701. Il épousa, en premières noces (1661), la sœur de Charles II, Henriette d’Angleterre, et, en secondes noces (1671), Charlotte-Elisabeth de Bavière.
  52. Le 23 avril 1643. Toute la cour était logée au vieux château de Saint-Germain ; le Roi habitait le château neuf. La Reine, se rendant chez le Roi, qui paraissait à l’extrémité, avait prié le duc de Beaufort de veiller sur ses enfants jusqu’à son retour. « Par le fait seul de ce commandement, dit Bazin (tome III, p. 216), le duc de Beaufort se trouvait le protecteur des enfants de France, le maître de tout ce qui n’était pas dans la chambre du Roi, avec une garde nombreuse sous ses ordres. Cette importance de quelques heures l’étourdit ; il exagéra les précautions, la surveillance ; il prit avec affectation toutes les allures du plein pouvoir. »
  53. Rétablir. (1826, 38.)
  54. Rapprochez de la maxime 56, tome I, p. 54.
  55. Et souvent aussi. (1817, 26, 38.)
  56. Dans les occasions. (Ibidem.)
  57. Nul que lui. (Ibidem.)
  58. La Châtre (p. 186) est moins sévère dans le portrait qu’il fait de Beaufort : « Un peu de vanité, et de feu de jeunesse, dit-Il entre autres choses, lui fît faire à son retour des fautes notables. » Quant à Retz (tome II, p. 177 et 178), voici sous quels traits il nous dépeint le chef des Importants : « (Son sens) étoit court et lourd, et d’autant plus qu’il étoit obscurci par la présomption. Il se croyolt habile, et c’est ce qui le faisoit paroître artificieux, parce que l’on connoissoit d’abord qu’il n’avoit pas assez, d’esprit pour être fin. Il étoit brave de sa personne, et plus qu’il n’appartenoit à un fanfaron : il l’étoit en tout sans exception , en rien plus faussement qu’en galanterie. Il parlolt et il pensolt comme le peuple, » — Voyez, au tome I, p. 54, 70 et 84, les notes de M. Gilbert sur les maximes 56, 90 et 129.
  59. Augustin Potier, évêque de Beauvais en 1616, premier aumônier de la reine Anne d’Autriche, et nommé ministre d’Etat au commencement de la Régence, mort le 19 juin 1650. Il était oncle du président aux Enquêtes René Potier de Blancmesnil. Retz (tome I, p. 209 et p. 229) le traite de « plus idiot que tous les idiots » et de « bête mitrée ». Mme de Motteville se borne à dire (tome I, p. 109) qu’il « ne soutenoit pas les affaires avec la force et la capacité qu’un premier ministre doit avoir. »
  60. Qu’il n’avoit pas. (1817, 26, 38.)
  61. « Cette insinuation, dit Mme de Motteville (qui vit croître jour par jour la faveur de Mazarin), se fit facilement dans l’âme de la Reine — L’évéque de Beauvais diminuant de puissance à mesure que celle de son compétiteur augmenta, ce nouveau ministre commença dès lors à venir les soirs chez la Reine et d’avoir avec elle de grandes conférences. » (Mémoires, tome I, p. iii.)
  62. De sentiment. (1817, 26, 38.)
  63. Contre le cardinal Mazarin. (Ibidem.) — L’édition de 1817 a une virgule après sa mort, et un point après Mazarin.
  64. La Reine avoit été. (1817, afi, 38.)
  65. N’ayant eu d’autres intérêts. (Ibidem.)
  66. Dans la querelle pour le gouvernement de Bretagne, que Richelieu avait comme légué au maréchal, et que prétendait la maison de Vendôme. Cette affaire partagea toute la cour en deux camps. « M. de Marcillac, dit la Châtre (p. 189), ayant obligation au premier, et voyant son père dans son parti, étoit prêt à s’y mettre aussi ; mais, en ayant parlé ù la Reine, elle lui commanda de s’offrir à M. de Beaufort, et lui en parla comme de la personne du monde pour qui elle avoit autant (sic) d’estime et d’affection. »
  67. Alors n’est pas dans les éditions antérieures.
  68. Toute sorte. (1817, 26, 38.)
  69. « Le fort de M. le cardinal Mazarin étoit proprement de ravauder, de donner à entendre, de faire espérer ; de jeter des lueurs, de les retirer ; de donner des vues, de les brouiller. » (Mémoires de Retz, édition Champollion, tome III, p. 393 et 394.) — « C’étoit une des meilleures maximes de ce cardinal de ne se hâter pas dans la distribution des grâces, parce qu’ordinairement le temps le tiroit d’affaire. » (Mémoires de Bussy Rabutin, tome I, p. 135.)
  70. « Il étoit.... hardi dans ses projets, timide pour sa personne », a écrit plus haut (p. 3) la Rochefoucauld, en parlant de Richelieu.
  71. Rapprochez du portrait si injuste et si dur traer par Retz, tome I, p. 283-287.
  72. Qu’il ne vouloit. (1817, 26, 38.)
  73. Si Mazarin eut jamais ces idées, il en revint plus tard ; il appela en France ses nombreuses nièces, et mit tout en œuvre pour leur assurer de brillantes alliances et pour combler d’honneurs et de biens leurs maris. Consultez l’ouvrage de M. Amédée Renée, les Nièces de Mazarin.
  74. Il soutenoit. (1817, 2G, 38.)
  75. Voyez les détails donnés à ce sujet par Henri de Campion dans ses Mémoires (édition de M. C. Moreau, 1857, p. 171) : « Elle remarqua, dit-il, qu’il faisoit trop le familier avec elle devant toute la cour. » Retz (tome I, p. 209) dit de même : « M. de Beaufort, qui étoit de tout temps à la Reine, et qui en faisoit même le galant ; » et plus loin (p. 220 et 221) : « Il fit vanité de donner au monde toutes les démonstrations d’un amant irrité. »
  76. Se résoudre à. (1817, 26, 38.)
  77. Voyez plus haut, p. 59 et 60, et la note i de la page 60.
  78. Habilement. (1817, 26, 38.)
  79. Le 14 mai 1643. — A Saint-Germain : voyez les Mémoires de la Châtre, p. 196 et suivantes.
  80. Le 18 mai, trois jours après, et non deux. Voyez les détails qne donne Mme de Motteville, tome I, p. 105 et 106.
  81. Le mot y n’est pas dans l’édition de 1817.
  82. Il faut lire dans les Mémoires du Jeune BriEnne (Louis-Henri de Loménie), tome I, p. 296, comment les choses se passèrent, et quelle fermeté déploya, pour la première fois, Anne d’Autriche.
  83. Henri-Auguste de Loménie, comte de Brienne, né en 1595, mort en 1666, devint secrétaire d’Etat en titre en 1638 ; puis, après avoir, en 1643, résigné pendant quelques mois ses fonctions entre les mains de Chavigny, il remplaça celui-ci au département des affaires étrangères. Il est père de Henri-Louis, dont nous venons de citer les Mémoires. Les siens furent publiés en 1717-1723. Les manuscrits que contenait sa bibliothèque, achetée par Louis XIV, composent un fonds précieux à la Bibliothèque nationale.
  84. Claude Bouthilier, père du comte de Chavigny (voyez ci-dessus, p. 31, note 3), né en 1584, mort on 1652 , secrétaire d’Etat au département des affaires étrangères (1618), puis surintendant des finances avec Bullion (1682).
  85. Dans ce temps. (1817, 26, 38.)
  86. César-Phæbus, comte de Miossens, sire de Pons, qui fut maréchal de France en 1653, et prit dès lors le nom d’Albret ; nommé gouverneur de Guyenne en 1670, il mourut en 1676, âgé de soixante-deux ans, et ne laissant que des filles ; le nom d’Albret s’éteignit avec lui.
  87. « A la cour » est omis dans les éditions antérieures.
  88. Les lettres d’abolition se donnaient en grande chancellerie. Le Roi y déclarait abolir, effacer un crime, un fait incriminé ; c’était un acte de pleine puissance royale, interdisant toute recherche et accordant le pardon.
  89. Dans ce duel, le comte de Miossens et le marquis de Villandry servaient le chevalier de Rivière et Vassé, qui, eux, ne se firent point de mal. Voyez, Tallemant des Réaux, tome II, p. 202, et tome V, p. 476 ; de ces deux passages de Tallemant, le second montre bien que Villandry fut tué par le futur maréchal d’Albret, et non, comme le dit, au premier endroit, une note marginale de l’édition citée des Historiettes, par son frère François Amanieu, chevalier d’Albret, celui qui plus tard tua en duel Henri de Sévigné, mari de l’illustre marquise.
  90. Voyez, ci-après, les premières pages de l’apologie de M. le prince de Marcillac.
  91. Espérances. (1817, 26, 38.)
  92. Voyez les Mémoires de la Porte, p. 404.
  93. M’en parloit. (1817, 26, 38.) — Dans notre manuscrit, les mots : m’en parla avec froideur, sont en interligne.
  94. Beaucoup de difficultés. (1817, 26, 38.)
  95. Les mots par des cabales, et un peu plus loin sans doute, et Mazarin, après cardinal, ne sont pas dans les éditions antérieures.
  96. La dureté des malheurs. (1826, 38.) — N’est-ce pas une faute d’impression qui, de la première de ces éditions, a passé dans la seconde ?
  97. L’on donneroit. (1826, 38.)
  98. « La duchesse de Chevreuse, dit Mme de Motteville (tome I, p. 127),... ne trouva plus en la Reine ce qu’elle y avoit laissé ; et ce changement fit aussi que la Reine, de son côté, ne trouva plus en elle les mêmes agréments qui l’avoient autrefois charmée. La souveraine étoit devenue plus sérieuse et plus dévote, et la favorite étoit demeurée daus les mêmes sentiments de galanterie et de vanité, qui sont de mauvais accompagnements pour l’âge de quarante-cinq ans. » Il faut ajouter que Mazarin ne négligea rien pour faire voir à la Reine les défauts de son ancienne favorite.
  99. Une cabale de ceux. (1817, 26, 38.)
  100. Alexandre de Campion a tracé des Importants (Recueil de lettres. (édition de M. C. Moreau, 1857, p. 386) un portrait qui mérite d’être cité : « J’ai, dit-il, des amis qui n’ont pas toute la prudence qui seroit à désirer ; ils se font un honneur à leur mode et donnent des habits si extraordinaires à la vertu qu’elle me semble toute déguisée, de sorte qu’en cas qu’ils aient toutes les bonnes qualités essentielles, ils s’en servent si mal que l’applaudissement qu’ils se sont attiré ne servira peut-être qu’à leur destruction. » — « Esprits absurdes, dit d’eux V. Cousin dans Madame de Chevreuse (p. 233), cœurs intrépides, professant les maximes les plus outrées, et une sorte de culte pour de Thou, parce qu’il était mort pour son ami, invoquant sans cesse la vieille Rome et Brutus , mêlant à tout cela des intrigues galantes, et s’exaltant dans leurs chimères par le désir de plaire aux dames. » — On sait que ce nom d’ Importants, qui a pris place dans l’histoire, est de Mme Cornuel ; elle appelait aussi les Jansénistes des Importants spirituels : voyez Tallemant de Réaux , tome V, p. 137, et V. Cousin, la Société française au dix-septième siècle, tome II, p. 228.
  101. Plus haut (p. 67), la Rochefoucauld écrit en parlant de Beaufort : « J’étois de ses amis, mais je le connoissois trop pour l’être particulièrement. »
  102. Ici, et de même à la première phrase de l’alinéa, Mazarin est omis dans les éditions antérieures.
  103. Que les civilités qu’elle m’ordonnoit de lui rendre fussent réglées. (1817, 26, 38.) — V. Cousin a publié dans le Journal des savants (années 1854, 1855, 1856) une analyse des Carnets manucrits de Mazarin, qui fournit de curieux renseignements sur presque tous les personnages de marque de ce temps. C’est dire qu’il y est question de notre auteur. Ces notes, écrites au jour le jour par le Cardinal, nous permettent de suivre par le menu les fluctuations successives de la conduite politique de la Rochefoucauld ; la peinture la plus soignée ne rendrait pas l’homme avec une plus fine exactitude. Mazarin note, par exemple (3e carnet, p. 6) : « On attaque Marcillac, parce qu’il a l’intention de me voir. » Rapprochez cette phrase de ce que nous dit ici la Rochefoucauld : que, voulant « éviter la critique des Importants, » il supplia la Reine de lui permettre de ne rendre au Cardinal que des « civilités limitées. » C’est précisément ce qui est écrit dans le 2e carnet (p. 78) : « Marcillac pèse dans la plus fine halance les visites qu’il doit me faire. » « De temps à autre, dit V. Cousin (Journal des savants, 1854, p. 706), on rencontre quelques mots tels que ceux-ci (4e carnet, p. 61) : « Une pension pour Marcillac » ; mais on lit quelques pages après (Ibidem, p. 80) : « Marcillac est plus Important que jamais, il est toujours avec Barillon ; » plus loin (ibidem, p. 96) : « Marcillac est de tous les conseils des Importants ; » et le Cardinal ajoute : « Au reste, celui qui a été une fois infecté de ce venin n’en guérit jamais. »
  104. A ce que l’on doit. (1817, 26, 38.)
  105. Il est certain que c’est la Rochefoucauld, qui, à force de hauteur, finit par lasser la bonne volonté de Mazarin à son égard. On lit dans les Mémoires de la Châtre (p. 217 et 218) : « Le Cardinal jugeant qu’il témoigneroit une extraordinaire déférence aux sentiments de la Reine en faisant quelques avances pour acquérir l’amitié de ceux qu’elle avoit toujours crus ses serviteurs, il commença par M. de Marcillac, comme étant le premier à qui elle avoit protesté hautement de faire du bien, et lui fit demander son amitié avec de termes les plus civils et les plus pressants qui se puissent imaginer ; et, entre autres choses, il lui fit dire qu’il le prioit de se séparer entièrement de lui, en cas qu’il remarquât jamais en lui aucun intérêt particulier de biens, de charges, ni d’autres avancements, ou aucune intention de nuire à un homme de condition. M. de Marciilac rendit compte à la Reine de ce que le Cardinal lui avoit fait dire ; et lui demandant ce qu’elle lui ordonnoit là-dessus, elle lui dit que le plus grand plaisir qu’il lui pouvoit jamais faire étoit d’être son ami, et lui en parla avec une estime et un empressement qui découvroient assez son inclination. Après ce discours, M. de Marciilac n’eut plus à consulter ; mais, avant que de l’aller voir, il déduisit ce qui lui étoit arrivé à ses amis particuliers, et, entre autres, me fît la grâce de me le raconter assez amplement. »
  106. Ville de Picardie, entre Noyon et Montdidier. Le comté de Roye était passé dans la famille de la Rochefoucauld, avec le comté de Roucy, par le mariage de Charlotte de Roye avec François III de la Rochefoucauld (1557). — Mme de Chevreuse, partie de Bruxelles le 6 juin i643, était venue coucher le 12 à Roye : voyez la Gazette du 23 juin.
  107. Lord Ralph Montaigu , gentilhomme de la chamhre du roi d’Angleterre, l’ami de Buckingham et de Holland. Il entra ensuite dans l’Eglise. Il est souvent mentionné dans les Mémoires de Mme de Motteville, sous les noms soit de mllord, soit, vers la fin, d’abbé de Montaigu. Ce soupirant de Mme de Chevreuse avait joué un rôle actif dans toutes les intrigues ourdies en Lorraine. On voit dans une lettre d’Alexandre de Campion, en date de mai 1643 (p. 383-385), que Montaigu était chargé d’offrir à la duchesse, de la part du Cardinal, de l’argent pour payer ses dettes.
  108. Un autre ami de Mme de Chevreuse, fort avant dans ses intrigues, cet Alexandre de Campion dont nous venons de citer le Recueil de lettres, alla aussi au-devant d’elle, à Péronne, et lui parla dans le même sens que la Rochefoucauld et Montaigu. « Quelques-uns de vos bons amis, lui écrit- il (mai 1643) en la prévenant de ce voyage, désirent fort que j’aie une conférence avec vous ; mais, quoique je sois leur serviteur, pour beaucoup de raisons que je vous expliquerai, je ne m’exposerai point à rien déterminer, ne pouvant pas encore juger bien certainement. »
  109. La disposition où étoit la Reine. (1817, 26, 38.)
  110. Beaucoup de changements. (Ibidem.)
  111. Pour ne pas faire, (Ibidem.)
  112. Mais qu’en les faisant, je croyois qu’elle devoit les recevoir. (Ibidem.)
  113. Ici encore Mazarin manque dans les éditions antérieures.
  114. Qu’elle vouloit. (1817, 26, 38.)
  115. On sait qu’elle n’en fit rien. Selon la maxime 378 (tome I, p. 176), « on donne des conseils, mais on n’inspire point de conduite. »
  116. Voyez plus haut, p. 68, note 3.
  117. Lui fit. (1817, 26, 38.)
  118. Elle obtint en effet le rappel de Châteauneuf, qui toutefois ne rentra point dans Paris et se tint à Montrouge. Il redevint garde des sceaux en 1650, mais ne reprit pas son ancienne influence.
  119. La Rochefoucauld ne s’explique pas davantage sur ce qu’il appelle « l’ancienne forme de gouvernement ; » mais on peut le tenir quitte de plus amples développements sur ce sujet. La préoccupation du bien public n’était pas l’idée qui l’obsédait ; ce ne fut pas ce mobile qui le jeta, comme on dirait de nos jours, dans l’opposition. Au reste, la Fronde des seigneurs, cette mutinerie sans aucune vue politique sérieuse et précise, n’était qu’une dernière convulsion de la féodalité aux abois. Encore est-ce beaucoup dire : les chefs de la coterie nobiliaire, qui suscita tant de difficultés à Mazarin, n’allaient pas, dans leurs revendications, jusqu’à se poser en champions irréconciliables du passé contre le présent : des places dans le conseil royal, des gouvernements, des pensions, tel était l’objet des convoitises toutes personnelles des Frondeurs. Un grand seigneur, comme la Rochefoucauld, nourri au sein des intrigues, a pu écrire que Richelieu « avoit commencé de détruire » l’ancienne forme de gouvernement ; la vérité historique, c’est que l’ancienne forme reçut du Cardinal le dernier coup, ou du moins un coup si terrible, que Louis XIV put bientôt penser et dire : « l’Etat, c’est moi. » — On peut rapprocher de ces mots que la Rochefoucauld jette là en passant et sans y attacher d’importance, les longues et éloquentes considérations auxquelles Retz, passionné après coup pour le bien public, se livre au tome I de ses Mémoires, p. 271 et suivantes.
  120. César de Vendôme avait résigné le gouvernement de Bretagne, à sa sortie de prison, en 1630. Mazarin, pour ne pas lui rendre cette charge, usa d’un biais. Il amena la Reine à retenir pour elle le gouvernement de la Bretagne, et à s’y faire suppléer par un lieutenant général, titre qui ne convenait pas à un fils de Henri IV, mais dont pouvait s’accommoder la Meilleraye, qui le portait déjà depuis 1632.
  121. Ou plutôt par la grand’maîtrise et surintendance générale de la navigation, qui avait remplacé en 1627 l’ancienne charge d’amiral de France, rétablie ensuite par Louis XIV en 1669. Le titulaire de la surintendance était alors Jean-Armand de Maillé, duc de Brezé, neveu du cardinal de Richelieu et beau-frère du duc d’Enghien. César de Vendôme y fut nommé en 1650.
  122. Qu’elle croyoit me devoir. (1817, 26, 38.)
  123. « Pour s’établir dans le monde, on fait tout ce que l’on peut pour y paroitre établi. » (Maxime 56, tome I, p. 54.)
  124. Armand-Jean de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu, né en 1629, mort en 1715, petit-neveu du Cardinal, et père du fameux duc de Richelieu du dix-huitième siècle. Il était gouverneur du Havre, où, jusqu’à sa majorité, la duchesse d’Aiguillon, sa tante et sa tutrice, devait, par ordre du feu ministre, exercer le commandement.
  125. Voyez les Mémoires de la Châtre, p. 226.
  126. Et c’étoit aussi entamer la fortune des parents. (1817, 26, 38.)
  127. Sans en parler au Cardinal. (Ibidem.)
  128. N’oublia rien de son côté pour se garantir. (1817, 26, 38.) — Suivant Mme de Motteville (tome I, p. 108 et 109), Mme d’Aiguillon fit, entre autres choses, observer à la Reine que « celui auquel elle vouloit donner ce gouvernement avoit trop d’esprit, qu’il étoit capable de desseins ambitieux, et pourroit, sur le moindre dégoût, se mettre de quelque parti.
  129. Les galères, employées principalement sur la Méditerranée, relevaient, dans la marine française, d’une administration distincte, dont le siège était à Marseille. Ce fut le duc de Richelieu (voyez p. 75, note 3) qui, en 1643, succéda à son père François, marquis de Pont-Courlay, dans la charge de général des galères ; elle fut supprimée en 1748
  130. Julie-Lucine d’Angennes, fille de Catherine de Vivonne, marquise de Rambouillet. Elle épousa en 1645 Charles de Sainte-Maure, marquis, puis duc de Montausier, et gouverneur du Dauphin en 1668. Voyez V. Cousin, la Société française au dix-septième siècle, tome II, chapitre IX.
  131. On lit ici, dans notre manuscrit, les mots si souvent, biffés.
  132. De celle. (1817, 26, 38.)
  133. Ni le généralat des galères. (Ibidem.)
  134. Récompenser, dédommager.
  135. Antoine, d’abord comte de Guiche, puis duc de Gramont,
  136. Le duc de Bellegarde, qui avait cédé en 1620 la charge de grand écuyer à son frère le baron de Thermes, l’avait reprise à la mort de celui-ci (1621), puis s’en était démis (1639) en faveur de Cinq-Mars. Ce fut Henri de Lorraine, comte d’Harcourt, qui l’obtint en 1643.
  137. Elle me dit même une fois que si je ne lui donnois des avis, pour m’épargner la peine de lui demander, elle me donneroit par avance tous ceux qui me pourroient être utiles. (1817, 26, 38.)
  138. Jean, comte de Gassion, avait servi sous Gustave-Adolphe. Il fut un des héros de Rocroy, où il commandait, sous Condé, l’aile droite de l’armée française. Il reçut le bâton de maréchal, à trente-quatre ans à peine, le 17 novembre 1643 ; il fut tué au siège de Lens, en 1647.
  139. Au siège de Thionville, en juillet 1643.
  140. Marie de Hautefort avait deux frères, ses aînés : l’un, Jacques marquis de Hautefort ; l’autre, Gilles, alors comte de Montignac, puis marquis de Hautefort (1680), qui continua la race.
  141. Et de ne m’établir. (1817, 26, 38.)
  142. Il paraît vraisemblable que d’abord le Cardinal essaya, pour tout de bon, de la gagner, ne la jugeant pas, dit la Châtre, p. 225, « entièrement ruinée, ni absolument inutile à sa fortune. »
  143. La belle Charlotte-Marguerite de Montmorency, mère du grand Condé, laquelle avait inspiré une si impétueuse passion à Henri IV.
  144. Voyez ci-dessus, p. 19, note 4. — Dans le manuscrit : Momorency, orthographe de prononciation.
  145. Seguier. Voyez p. 28, note 4.
  146. La Mère Jeanne, supérieure du couvent des Carmélites.
  147. Voyez ci-dessus, p. 71, note 2.
  148. Comparez avec un passage des Mémoires de Mme de Motteville (tome I, p, 127-129) auquel, deux fois déjà, nous avons eu occasion de renvoyer.
  149. « Quatre ou cinq mélancoliques, qui avoient la mine de penser creux, » dit le cardinal de Retz en parlant de cette même cabale (tome I, p. 223).
  150. A qui il falloit s’adresser. (1817, 26, 38.)
  151. « M. le duc d’Orléans avoit, dit Retz (tome II, p. 175), à l’exception du courage, tout ce qui étoit nécessaire à un honnête homme ; » et, parlant de sa faiblesse, il ajoute : « Comme elle régnoit dans son cœur par la frayeur, et dans son esprit par l’irrésolution, elle salit tout le cours de sa vie. »
  152. Louis Barbier, né à Montfort-l’Amaury, d’abord professeur de philosophie au collège du Plessis à Paris, puis sous-précepteur dans la maison du duc d’Orléans. On raconte qu’il savait Rabelais par cœur, et que c’est là ce qui lui valut la faveur de Gaston, dont Rabelais était, dit-on, l’auteur préféré. Ayant échoué dans la poursuite du chapeau de cardinal, il eut, comme dédommagement, l’abbaye de Saint-Benoit et, en 1656, l’évêché de Langres, qui était duché-pairie. Il mourut en 1670. On prétendait qu’il avait vendu tant de fois le duc d’Orléans, son maître, que nul n’en pouvait mieux savoir le prix.
  153. Henri II de Bourbon n’avait pas toujours été aussi exclusivement appliqué à ses affaires domestiques, témoin les trois années de prison qu’il avait passées à la Bastille et à Vincennes sous la régence de Marie de Médicis. Cette leçon lui avait suffi ; rendu à la liberté, il s’était guéri de l’ambition par l’avarice, conformément à la 10e maxime de la Rochefoucauld (tome I, p. 34) : « Il y a dans le cœur humain une génération perpétuelle de passions, en sorte que la ruine de l’une est presque toujours l’établissement d’une autre. » Retz dit aussi du père du grand Condé (tome I, p. 235) qu’il était « attaché à la cour par son avarice. »
  154. Gagnée le 19 mai 1643, cinq jours après la mort de Louis XIII. Mme de Motteville rapporte (tome I, p. 112) que le Roi, avant de mourir, avait vu en rêve le duc d’Enghien « donner un combat et défaire les ennemis en ce même lieu » de Rocroy. Voyez, sur cette bataille, la Jeunesse de Madame de Longueville, par V. Cousin, p. 214-217, et p. 310 ; la série de pièces curieuses qui se trouvent à l’Appendice de cet ouvrage, p. 532-585 ; et la Société française au dix-septième siècle, tome I, chapitre iv.
  155. C’est le 10 août 1643 que fût prise cette place, « qu’on jugeoit infaillible, » dit la Châtre, p. 231.
  156. Voyez plus haut, p. 57 et 58.
  157. Voyez p. 30, note 5.
  158. Anne-Geneviève de Bourbon, née en 1619, au donjon de Vincennes, pendant la captivité de son père, morte en 1679 aux Carmélites du faubourg Saint-Jacques. Elle avait épousé, à l’âge de vingt-trois ans, le 2 juin 1642, Henri II d’Orléans, duc de Longueville, qui avait quarante-sept ans. — Voyez sur elle V. Cousin : la Jeunesse de Madame de Longueville ; Madame de Longueville pendant la Fronde ; et la Société française au dix-septième siècle, tome I, chapitre i.
  159. Sur tous ceux qui la voyoient. (1817, 26,38.) — Retz (tome II, p.123) et Mme de Motteville (tome I, p. 335) disent l’un et l’autre que la petite vérole, qu’elle avait eue en 1642, l’année même de son mariage, avait altéré la fraîcheur de son teint, mais sans diminuer l’éclat de ses charmes.
  160. On voit dans les Carnets de Mazarin que le Cardinal considérait Mme de Chevreuse comme le véritable chef du parti qui lui faisait la guerre, « : C’est Mme de Chevreuse, dit-il, qui les anime tous. » Et ailleurs : « L’art de Mme de Chevreuse et des Importants, c’est de faire en sorte que la Reine n’entende que des discours favorables à leur parti et dirigés contre moi, et de lui rendre suspect quiconque ne leur appartient pas et me témoigne quelque affection. » (Journal des savants, 1855, p. 440 et 441.) On découvre aussi, à cette date de juillet 1643, dans ces mêmes Carnets, la trace de perplexités qui donnent à penser que le Cardinal ne se sentait pas encore complètement maître du cœur d’Anne d’Autriche.
  161. Marie d’Avaugour de Bretagne, fille aînée du comte de Vertus et de Catherine de la Varenne Fouquet, née vers 1612, morte en 1657. Par son mariage avec Hercule de Rohan, duc de Montbazon (1628), elle était devenue la belle-mère de Mme de Chevreuse. Ses déportements sont célèbres. Retz dit d’elle (tome II, p. 187) : « Je n’ai jamais vu personne qui eût conservé dans le vice si peu de respect pour la vertu. » Mme de Motteville (tome I, p. 38 et 39) nous a laissé de la duchesse de Montbazon un portrait fort détaillé, avec ce trait sarcastique : « Son esprit n’étoit pas si beau que son corps ; ses lumières étoient bornées par ses yeux, qui commandoient impérieusement qu’on l’aimât. Elle prétendoit à l’admiration universelle. »
  162. D’une belle écriture de femme.
  163. Mme de Montbazon était dans une intime liaison avec le duc de Longueville, lors du mariage de ce dernier.
  164. La Châtre (p. 229) parle plus sévèrement de cet incident, où la Rocbefoucauld se borne à voir une méchanceté : il l’appelle « une fâcheuse et honteuse intrigue. » II donne à entendre plus loin (p. 230) que Beaufort céda en cette circonstance à un dépit d’amoureux éconduit, et que ce vilain trait fut, de sa part aussi, affaire de vengeance.
  165. Pouvoient. (1817, 26, 38.)
  166. Mademoiselle nous a conservé dans ses Mémoires (tome I, p. 84) le texte de ces deux lettres, reproduites par V. Cousin, dans la Jeunesse de Madame de Longueville, p. 235-237. Mme de Motteville a fait dans les siens (tome I, p. 135 et suivantes) un long récit de cette aventure, « qui démêla, dit-elle, toutes les intrigues de la cour, et qui fut cause que Monsieur le Cardinal se vit, bientôt après, parfaitement établi dans l’élévation et la puissance qu’il desiroit d’avoir. »
  167. Avant que. (1817, 26, 38.)
  168. Voyez ci-dessus, p. 57 et 58.
  169. Ces lettres. (1817, 26, 38.)
  170. « Ces lettres n’étaient point controuvées, dit V. Cousin à l’endroit cité. Elles avaient été écrites par Mme de Fouquerolles au beau et élégant marquis de Maulevrier. »
  171. Catherine de Vivonno, fille unique de Jean de Vivonne, marquis de Pisani , ambassadeur de France à Rome, née en 1588, morte en 1665. Elle épousa en 1600, à l’âge de douze ans, Charles d’Angennes, marquis de Rambouillet. Sur le célèbre hôtel de Rambouillet, voyez V. Cousin, la Société française au dix-septième siècle, tome I, chapitre vi ; et la Jeunesse de Madame de Longueville, p. 120 et suivantes.
  172. Fille de Gilles de Souvré, marquis de Courtenvaux, qui avait été gouverneur de Louis XIII et maréchal de France, et de Françoise de Bailleul, dame de Renouard. Elle avait épousé, en 1614, le marquis de Sablé, de la maison de Montmorency, branche de Laval, qui mourut en 1640. Voyez Madame de Sablé, par V. Cousin, particulièrement le chapitre iii, où il est parlé des relations de Mme de Sablé avec l’auteur des Maximes, et des maximes qu’elle a composées elle-même.
  173. A tout ce qu’on voulut lui opposer. (1817.) — A tout ce qu’on voulut lui proposer. (1826, 38.)
  174. L’hôtel de Condé, que Sauvai, dans ses Antiquités de Paris (tome II, p. 66), nomme « le plus magnifique du temps, » avait été acheté, en 1612, aux Gondi par le prince de Condé. Il se trouvait sur le terrain qui s’étend aujourd’hui de la rue de Condé (anciennement rue Neuve-Saint-Lambert) à la rue Monsieur-le-Prince. Voyez Germain Brice, Description de la ville de Paris , édition de 1685, tome II, p. 122.
  175. Du discours. (1817, afi, 38.)
  176. Voyez le récit de cette scène de réparation, avec la teneur des excuses et la réponse de Madame la Princesse, dans les Mémoires Mademoiselle, tome I, p. 78-80.
  177. Donnoit la collation. (1817, 26, 38.)
  178. Ce Renard était un ancien domestique de l’évêque de Beauvais. Il avait bâti une maison au bout du jardin des Tuileries, à peu près à l’endroit o% se termine aujourd’hui la terrasse des Feuillants. Son établissement, fort achalandé, était devenu le rendez-vous de tous les gens de qualité et des nouvellistes à la main. Voyez les Mémoires de Retz, tome II, p. 514, note 2.
  179. De précaution. (1817, 26, 38.)
  180. Le 22 août 1643. Voyez le récit de Mme de Motteville, tome I, p. 142-144, et celui de Mademoiselle, tome I, p. 83 et 84.
  181. Mettre en usage de telles conjonctures pour ne se pas servir (ne se servir pas, 1817) de celle-ci dans ses desseins. (1817, 26, 38.)
  182. Le 2 septembre, au Louvre même, par Guitaut. Voyez, à ce sujet, les lettres de Louis XIV à Molé et au Parlement (Mémoires de Mathieu Molé tome III, p. 87 et suivantes), les Mémoires de Mademoiselle, tome I, p. 86, et ceux de Mme de Motteville, tome I, p. 146 et suivantes.
  183. Retz (tome I, p. 226) donne à entendre qu’il fut supposé. Mme de Motteville (tome I, p. 144 et 145) est portée à croire à l’existence du complot, sur la réalité duquel on ne peut garder aucun doute après avoir lu les Mémoires d’Henri de Campion (édition de M. Moreau, 1867, p. 176 et suivantes), l’un des principaux conjurés, et même les Carnets de Mazarin (3e et 4e carnets), qui, on le sait, ne furent pas écrits pour le public. Voyez l’instruction complète de cette affaire dans Madame de Chevreuse, p. 248 et suivantes. V. Cousin tient pour avérée la conspiration contre la vie du Cardinal.
  184. Rapprochez d’un passage qui se trouve plus loin, p. 135.
  185. Edme de la Châtre, comte de Nançay, qui fut blessé mortellement à Nordlingen en 1645. Il faut lire, dans ses Mémoires, déjà cités, le récit de toute cette affaire (p. 239 et suivantes).
  186. Sur la surveillance dont Mme de Chevreuse fut l’objet en Touraine, durant les années 1644 et 1645, de la part des agents de Mazarin, voyez V. Cousin, Madame de Chevreuse (Appendice, p. 512 et suivantes). On y trouve des lettres d’un de ces agents, où la Rochefoucauld est désigné, à plusieurs reprises, comme un des ennemis les plus actifs de l’Etat, et comme un de ceux dont les menées ambitieuses sont le plus à craindre.
  187. Mme de Motteville parle dans les mêmes termes (tome I, p. 152) de cette sujétion croissante de la Reine à son ministre, et de sa disposition, de plus en plus visible, à céder «c aux volontés de cet heureux homme. »
  188. Tout éloignée qu’elle fût, Mme de Chevreuse conspirait encore, si bien que le Cardinal lui envoya un exempt, chargé de l’éloigner davantage de Paris et de la conduire à Angoulême. La duchesse prit la fuite ; et, vers la lin de l’hiver de 1646, elle s’embarquait à Saint-Malo. Elle gagna les Pays-Bas à travers mille aventures, et s’établit à Liège, où elle renoua mieux que jamais le fil de ses intrigues, jusqu’à ce qu’en 1649 elle revint à Mazarin, dont elle fut dès lors un des plus fermes conseillers. Voyez les Mémoires de Montrésor, p. 355 et 358.
  189. Louis duc de Mercœur, puis duc de Vendôme, frère aîné du duc de Beaufort, né en ifiia, mort en 1612. Il épousa Laure-Victoire Mancini, une des nièces de Mazarin ; après la mort de celle-ci (1657), il entra dans l’Eglise, et devint cardinal et légat du Pape en France.
  190. Jean-Jacques de Barillon, seigneur de Châtillon-sur-Seine, qu’il ne faut pas confondre avec Antoine de Barillon, maître des requêtes et plus tard directeur des finances, que Retz, tome I, p. 243, appelle « le bon homme M. de Morangis, » était président à la chambre des Enquêtes du parlement de Paris. Il mourut à Pignerol, en 1645. C’est à son fils, Paul de Barillon d’Araoncourt, marquis de Branges, que la Fontaine a dédié le Pouvoir des fables.
  191. Voyez, sur l’effet produit par la dispersion des Importants, les Mémoires de Retz, tome I, p. 232-237.
  192. Eu, sans accord, dans le manuscrit.
  193. Que celui de déplaire. (1817, 26, 38.)
  194. Mazarin est omis dans les éditions antérieures.
  195. Et je connus. (1817, 26, 38.) — On pourrait être tenté de préférer cette leçon à celle de notre manuscrit.
  196. Après J’observai toutefois, on lit dans notre manuscrit le mot exactement, biffé ; il a été renvoyé à la fin de la phrase.
  197. Que je venois d’en trouver. (1817, 26, 38.)
  198. Henri II de Lorraine, cinquième duc de Guise, quatrième fils du duc Charles de Guise et de Henriette-Catherine de Joyeuse, avait d’abord été promu à l’archevêché de Reims (1629) ; mais lorsque, par la mort de son père (1640) et celle de son frère aîné François de Lorraine, prince de Joinville (1639), il fut devenu l’ainé de la famille, il rentra dans le monde. Il fut compromis dans l’affaire du comte de Soissons. Plus tard, à partir de 1647, ses prétentions sur le royaume de Naples l’engagèrent dans une suite d’aventures plus ou moins chevaleresques, dont le dénoûment ne fut pas heureux. Il mourut en juin 1664. — « Serviteur avoué de Mme de Montbazon, dit V. Cousin (la Jeunesse de Madame de Longueville, p. 245), il avait épousé sa querelle, sans être entré néanmoins dans les violences de Beaufort, et il était resté debout en face des Condé victorieux. »
  199. Coligny étoit foible et peu adroit. (1817, 26, 38.)
  200. Godefroi comte d’Estrades, qui fut maréchal de France en 1675. Il prit part aux négociations de la paix de Nimègue, et mourut en 1686. Il a laissé des Lettres et Négociations, la Haye, 1743, 9 volumes in-12.
  201. Le marquis de Bridieu, gentilhomme limousin, était écuyer du duc de Guise. Il fut fait lieutenant général en 165o, après avoir défendu contre Turenne et les Espagnols, durant vingt-quatre jours de tranchée ouverte, la ville de Guise (Aisne), dont il était gouverneur.
  202. Le 12 décembre 1643, cinq mois après l’affaire des lettres.
  203. En lui ôtant. (1817, 36, 38.)
  204. Mme de Motteville (tome I, p. 159) rapporte un bruit d’après lequel Mme de Longueville aurait été témoin du combat, « cachée à une fenêtre, » chez, la vieille duchesse de Rohan ; « mais, dit-elle , elle eut peu de satisfaction de sa curiosité. » L’aventure de ce duel fut mise en chanson et en roman. Voici la chanson, telle qu’elle est citée par Madame de Motteville :

    Essuyez vos beaux yeux.
    Madame de Longueville,
    Essuyez vos beaux yeux,
    Coligny se porte mieux.
    S’il a demandé la vie,
    Ne l’en blâmez nullement.
    Car c’est pour être votre amant,
    Qu’il veut vivre éternellement.

    Le roman, composé par un bel esprit inconnu, a été analysé par V. Cousin dans la Jeunesse de Madame de Longueville, p. 257 et suivantes. Il a pour titre : Histoire d’Agesilan et d’Isménie, c’est-à-dire de Coligny et de Mme de Longueville ; le duc d’Enghien y figure sous le nom de Marcomir, Mme de Montbazon sous celui de Roxane, et le duc de Guise y est représenté par Florizel.

  205. Les mots : « que de rendre le salut à l’abbé de la Rivière, » manquent dans les éditions antérieures.
  206. A celle de Monsieur. (1817, 26, 38.)
  207. Ce membre de phrase : « aux conditions que Monsieur avoit désirées, » n’est pas non plus dans les éditions précédentes, qui omettent encore, à la dernière ligne de cette page, de Mazarin, et tous à la première ligne de la page suivante.
  208. Et qu’il ne m’eût point d’obligation. (18 17, 26, 38.)
  209. Sans aucune autre sorte. (Ibidem.)
  210. Tant d’inutilités. (1817, 26, 38.)
  211. « Les plaintes du prince de Marcillac, dit Mme de Motteville (tome I, p. 109), furent grandes : il murmura publiquement contre la Reine ; et, à la première occasion qui s’en présenta, il lui fit voir qu’il avoit senti son changement, qu’il étoit résolu d’abandonner ses intérêts, et d’en prendre d’autres pour s’en venger : ce qui fut en partie cause de tous nos maux. »
  212. Comparez ce passage avec celui-ci, du 5e carnet de Mazarin : « Mme de Longueville a tout pouvoir sur son frère. Elle fait vanité de dédaigner la cour, de haïr la faveur et de mépriser tout ce qui n’est pas à ses pieds. Elle voudroit voir son frère dominer, et disposer de toutes les grâces. C’est une personne fort dissimulée : elle reçoit toutes les déférences et toutes les faveurs comme lui étant dues. D’ordinaire elle est très-froide avec tout le monde ; et, si elle aime la galanterie, ce n’est pas du tout qu’elle songe à mal, mais pour faire des serviteurs et des amis à son frère. Elle lui insinue des pensées ambitieuses, auxquelles il n’est déjà que trop porté naturellement. » (Traduction de V. Cousin, Journal des savants, 1854, p. 624) — Voyez aussi les Mémoires de Retz, tome II, p. 118 et 119.
  213. Entre autres Retz : voyez ci-après, p. 107, note 2.
  214. Voyez p. 66, note 3.
  215. Mme de Motteville (tome I, p. 334 et 335) dit qu’en s’attachant à Monsieur le Prince par politique, le prince de Marcillac « s’étoit donné à Mme de Longueville d’une manière un peu plus tendre, joignant les sentiments du cœur à la considération de sa grandeur et de sa fortune. Ce don parut tout entier aux yeux du public ; et il sembla à toute la cour que cette princesse le reçut avec beaucoup d’agrément. Dans tout ce qu’elle a fait depuis, on a connu clairement que l’ambition n’étoit pas la seule qui occupoit son âme, et que les intérêts du prince de Marcillac y tenoient une grande place. Elle devint ambitieuse pour lui ; elle cessa d’aimer le repos pour lui ; et pour être sensible à cette affection, elle devint trop insensible à sa propre gloire, » — Voyez aussi les Mémoires de la duchesse de Nemours, belle-fille de Mme de Longueville, p. 133.
  216. Que je n’essayerois point à prendre. (1817, 26, 38.)
  217. Bientôt après de la traverser. (1817, 26, 38.)
  218. D’après la duchesse de Nemours (p. 131), ce serait le duc d’Enghien lui-même qui, furieux de voir sa passion pour Mlle du Vigean traversée par sa sœur, aurait a dit à M. de Longueville son mari tout ce qu’il crut le plus nuire à cette dame, » c’est-à-dire évidemment sa liaison avec le prince de MarciLlac, et aurait conseillé au duc de la « faire enfermer dans une de ses maisons. »
  219. Les mots : par beaucoup de bruit et sont en interligne dans le manuscrit D, et changèrent est au-dessus de changea, biffé.
  220. Le 20 juin 1646. (La Jeunesse de Madame de Longueville, p. 276.)
  221. Henri II d’Orléans, duc de Longueville, né en 1595, mort en 1663, descendait du fameux comte de Dunois, dit le bâtard d’Orléans, contemporain de Charles VII. Il était fils de Henri Ier d’Orléans et de Catherine de Gonzague. Lorsqu’il épousa, le 2 juin 1642, la sœur du grand Condé, il était veuf de Louise de Bourbon, fille du comte de Soissons.
  222. Les doubles conférences à Münster et à Osnabrück, conduites par les comtes de Servien et d’Avaux et par le duc de Longueville, aboutirent, on le sait, le 24 octobre 1648, au glorieux traité dit de Westphalie, qui assura à la France la souveraineté de Metz, Toul et Verdun, de l’Alsace tout entière, sauf la ville libre de Strasbourg, le droit de garnison dans Philipsbourg, etc. Voyez le P. Bougeant : Histoire du traité de Westphalie, et Histoire des guerres et des négociations qui précédèrent ce traité, 6 volumes in-12, 1751.
  223. Moyennant un prix de trois cent mille livres, c’est-à-dire cinquante mille livres de plus que le duc ne l’avait vendu, par ordre, en 1632. Voyez à ce sujet, à la suite des Mémoires, les amères réflexions de l’auteur, dans l’Apologie de M. le prince de Marciilac.
  224. C’est alors que la Rochefoucauld emmena avec lui, en qualité de maître d’hôtel, Gourville (alors âgé de vingt et un ans), dont le nom est resté étroitement lié au sien, et qui a laissé des Mémoires fort curieux, que nous avons eu déjà occasion de citer.
  225. Ville de Belgique au quartier de Gand, comme on disait alors. Prise par Gassion et le duc d’Orléans, le 28 juin 1646, elle fut reprise par l’archiduc Léopold en 1648.
  226. Octave Piccolomini (Picolominy, dans notre manuscrit), né en 1599, était d’origine italienne. C’est lui qui commandait à Lützen (1632) le régiment de cuirassiers d’où partit le coup de feu qui tua Gustave-Adolphe. Après Rocroy, il était passé momentanément au service du roi d’Espagne, qui l’avait envoyé dans les Pays-Bas en qualité de général en chef. Nommé feld-maréchal en 1648, puis prince de l’Empire et duc d’Amalfi, il mourut à Vienne en 1656.
  227. Général espagnol, qui fut gouverneur des Flandres en 1659.
  228. Mardick (dans le manuscrit Mardic), qui n’est plus aujourd’hui qu’une bourgade du département du Nord, à trois lieues de Dunkerque , était alors une ville forte des Flandres. Cette place fut cédée à la France par le traité des Pyrénées. Sur le siège de Mardick, voyez les Mémoires de Gourville, p. 218 et 219, et Desormeaux, Histoire de Louis de Bourbon, prince de Condé, tome I, p. 305 et suivantes.
  229. Gaston de Foix, comte de Fleix, marié en 1637 à la fille de Marie-Catherine de la Rochefoucauld, comtesse, puis duchesse de Randan, vojez ci-dessus, p. 29, note 6.
  230. Henri du Plessis, comte de la Roche-Guyon, fils de Roger du Plessis, duc de Liancourt, et de Jeanne de Schomberg, ne laissa pour héritière de la maison de Liancourt qu’une petite-fille, âgée d’un an et demi, qui épousa, en 1669, le prince de Marcillac, fils de l’auteur des Maximes. Voyez les Mémoires de Gourville, p. 219, et ceux de Mme de Motteville, tome I, p. 279 et 280.
  231. Il ne faut pas confondre le chevalier de Fiesque, qui inspira un si noble amour à Mlle d’Epernon, la sœur du duc de Caudale, avec son frère aîné, le comte Charles-Léon de Fiesque, celui qui figure sous le nom de Pisistrate dans le Grand Cyrus. Voyez les Mémoires de Mme de Motteville, tome I, p. 280 ; et V. Cousin, la Société française au dix-septième siècle, tome I, p. 233 et suivantes.
  232. Le duc de Nemours (Charles-Amédée) dont il est ici question, et qui fut plus tard (1652) tué en duel par Beaufort, appartenait à cette branche de la maison de Savoie qui s’était établie en France sous François Ier, et qui depuis lors y avait tenu assez bruyamment sa place. Voyez ci-après, p. 213, note 4.
  233. A vrai dire, il y fut rapporté sur un brancard : voyez les Mémoires de Gourville (p. 219), où il n’est parlé que d’un coup de mousquet au haut de l’épaule.
  234. Le 24 août 1646.
  235. Le 12 octobre 1646. Cette place, véritable nid de pirates et point d’appui principal des Espagnols pour leurs opérations dans les Pays-Bas, était réputée imprenable ; elle avait une sorte de Todtleben dans le marquis de Leyde, fait remarquer V. Cousin, dans la Société française au dix- septième siècle, tome I, p. 122. Le siège de Dunkerque est raconté dans le Grand Cyrus, sous le nom de siège de Cumes. Voyez également, sur ce brillant fait d’armes du duc d’Enghien , l’Histoire de Condé, par Desormeaux, tome I, p. 351 et suivantes ; l’ Histoire du siège de Dunherque, par Sarrazin, 1649, in-4o, et surtout la Description historique de Dunkerque, 2 vol. in-fol., 1780, tome I, p. 166 et suivantes.
  236. « L’on peut dire avec vérité, écrit Retz (tome II, p. 548), que les rentes de l’Hôtel de Ville de Paris sont particulièrement le patrimoine de tous ceux qui n’ont que médiocrement du bien. Il est vrai qu’il y a des maisons riches qui y ont part ; mais il est encore plus vrai qu’il semble que la providence de Dieu les ait encore plus destinées pour les pauvres : ce qui, bien entendu et bien ménagé, pourroit être très-avantageux au service du Roi, parce que ce seroit un moyen sûr, et d’autant plus efficace qu’il seroit imperceptible , d’attacher à sa personne un nombre infini de familles médiocres, qui sont toujours les plus redoutables dans les révolutions. La licence du dernier siècle a donné quelquefois des atteintes à ce fonds sacré. » Sur les rentes de l’Hôtel de Ville, voyez la note D de l’Appendice du tome II des Registres de l’Hôtel de Ville pendant la Fronde, publiés par MM. le Roux de Lincy et Douët-d’Arcq, 1847.
  237. Quel contraste entre le froid récit de l’auteur des Maximes et le lumineux préambule de Retz (tome I, p. 298 et 294) ! « Il (le Parlement) gronda sur l’édit du tarif ; et aussitôt qu’il eut seulement murmuré, tout le monde s’éveilla. L’on chercha en s’éveillant, comme à tâtons, les lois : l’on ne les trouva plus ; l’on s’effara, l’on cria, l’on se les demanda ; et, dans cette agitation, les questions que leurs explications firent naître, d’obscures qu’elles étoient et vénérables par leur obscurité, devinrent problématiques ; et dès là, à l’égard de la moitié du monde, odieuses. Le peuple entra dans le sanctuaire ; il leva le voile qui doit toujours couvrir tout ce que l’on peut dire, tout ce que l’on peut croire du droit des peuples et de celui des rois, qui ne s’accordent jamais si bien ensemble que dans le silence. La salle du Palais profana ces mystères. »
  238. Jean-Armand de Maillé, marquis de Brezé, fils du maréchal de ce nom, créé duc de Fronsac en 1634 ; il était neveu de Richelieu par sa mère, Nicole du Plessis, et frère de la duchesse d’Enghien. Il périt devant Orbitello, ville de Toscane, dans un combat naval livré aux Espagnols, le 14 juin 1646. Outre sa charge de surintendant de la navigation (voyez plus haut, p. 74, note 2), il laissait vacant le gouvernement de Brouage, de la Rochelle et des îles voisines.
  239. Valéry, dans le Gâtinais (Yonne), à environ cinq lieues de Sens. Cette résidence, qui devint le lieu de sépulture de la maison de Condé, avait été donnée à Louis Ier de Bourbon, prince de Condé, par la veuve du maréchal de Saint-André.
  240. Elle revint de Munster, sans son mari, à la fin de l’hiver de 1647.
  241. On trouvera l’exposé de tout ce mouvement parlementaire, fort connu d’ailleurs, dans l’Histoire du temps ou le véritable récit de ce qui s’est passé dans le parlement de Paris depuis le mois d’août 1647 jusques au mois de novembre 1649. Retz, dans ses Mémoires, a plus d’une fois copié, en l’abrégeant, cet ouvrage, dont le Journal du Parlement et la Suite du vrai Journal du Parlement, cités plus loin, forment le complément.
  242. Le mot toujours n’est pas dans les éditions antérieures.
  243. Le prince de Condé, Henri II, mourut le 26 décembre 1646.
  244. La bataille de Lens, racontée, dans le roman du Grand Cyrus, sous le nom de bataille de Thybarra, fut gagnée, le 20 août 1648, par Condé sur l’archiduc Léopold d’Autriche, à qui la veille s’était rendue la ville de Lens (Pas-de-Calais), prise par les Français en 1647, et qui fut cédée à la France par le traité des Pyrénées.
  245. Retz rapporte (tome II, p. 4) que lorsque la nouvelle de la victoire de Lens parvint à Paris, Chavigny lui demanda, en la lui apprenant, s’il ne gagerait pas « que le Cardinal seroit assez innocent pour ne se pas servir de cette occasion pour remonter sur sa bête. »
  246. Le 26 août.
  247. René Potier de Blancmesnil, président en la première chambre des Enquêtes, mort en 1680. Il habitait une maison donnant rue du Renard et rue Neuve-Saint-Merry. Ce fut du Bois, exempt des gardes de la Reine, qui l’arrêta.
  248. Pierre Broussel (dans notre manuscrit, le plus souvent Brousselle, d’autres fois Brousselles), conseiller à la grand’chambre, avait alors plus de soixante-dix ans. Il devint, l’année suivante, gouverneur nominal de la Bastille pour le peuple insurgé, et fut prévôt des marchands, lors de la seconde Fronde, en 1652. Le bonhomme Broussel, comme Retz l’appelle (tome II, p. 13 et 14), « qui avoit toujours levé l’étendard contre le Roi..., s’étoit érigé en tribun du peuple, dit Mme de Motteville (tome II, p. 151), en montrant l’esprit d’un homme né dans une république, en affectant de paroitre avoir les sentiments d’un véritable Romain. » II fut arrêté chez lui, rue du Port-Saint-Landry, par Comminges, lieutenant des gardes de la Reine. L’Histoire du temps, écrite dans le feu même du combat, insiste (p. 186), avec une emphase qui nous fait aujourd’hui sourire , sur l’effet soudain produit dans Paris par ce coup de force : « C’est ici, cher lecteur, et qui que tu sois, que tu dois suspendre et arrêter ton esprit ; c’est ici que tu dois admirer les ouvrages du souverain des Dieux, et reconnoitre qu’il n’abandonne jamais la vertu, quoique persécutée. C’est enfin sur ce héros que tu dois jeter les yeux, qui est beaucoup plus illustre que ceux de l’antiquité, quand même tu prendrois pour des vérités les fables qu’on a inventées pour les rendre plus célèbres. » Jamais popularité n’égala celle de Broussel : « Il n’y a coin de rue où l’on ne voie son portrait, » dit l’Avis sincère aux bourgeois de Paris sur ce qui s’est passé en leur ville depuis l’an 1648. (Bibliographie des Mazarinades, tome I, p. 167.)
  249. Ce mot quelques autres ne répond à aucun fait précis. En réalité, Blancmesnil et Broussel furent seuls arrêtés ; le président Charton, qui devait avoir le même sort, eut le temps de se sauver par-dessus les murs de son jardin. Trois lettres de cachet furent remises aux conseillers Laîné, Benoit et Loisel, pour les exiler en divers lieux.
  250. L’hôtel du duc de Luynes, qui avait épousé une cousine du Chancelier, se trouvait sur le quai des Augustins, au coin de la rue Git-le-Cœur. — Voyez, ci-après, p. 121, note 1 ; et, au sujet de cet hôtel, le tome II des Mémoires de Retz, p. 43, note 3.
  251. De renvoyer. (1817, 26, 38.)
  252. On ne voit pas bien, dans le récit très-sommaire et un peu confus de la Rochefoucauld, la succession chronologique des événements. Le mercredi, 26 août 1648, premier jour de la mutinerie, Paris se couvrit de barricades ; on jeta des pierres au maréchal de la Meilleraye, qui essayait d’apaiser le désordre, et les bourgeois gardèrent les avenues du Parlement. Ce fut ce jour-là que le Coadjuteur fit par les rues sa fameuse promenade en rochet et camail, et tenta auprès de la Reine, au Palais-Royal, cette démarche de conciliation qui lui a fourni, selon son mot habituel, une des plus belles scènes de ses Mémoires (voyez tome II, p. 15 et suivantes). La nuit toutefois fut assez calme ; mais le lendemain 27, le chancelier Seguier ayant voulu, suivant les ordres de la cour, se rendre au Palais pour y lire un arrêt sévère du Conseil, fut assailli par le peuple, et ce fut ce même jour qu’eut lieu cette députation impérieuse du Parlement, suivi de plus de vingt mille hommes, qui obligea Anne d’Autriche à capituler et à rendre les prisonniers. Voyez le récit de Retz, tome II, p. 39 et suivantes ; à l’appendice du même tome II, la Journée des barricades, p. 607-620 ; et l’Histoire du temps, p. 189 et suivantes.
  253. François-Paul de Gondi, plus tard cardinal de Retz, avait été élevé en 1643 à la coadjutorerie de l’archevêché de Paris, dont Jean-François de Gondi, son oncle, était alors titulaire. Voyez ses Mémoires, tome I, p. 210-212.
  254. N’avoit point paru. (1817, 26, 38.)
  255. Retz nous raconte lui-même (tome II, p. 18-3o) comment son zèle, en cette occasion, fut récompensé. La première fois (mercredi, 26 août) qu’il alla au Palais-Royal offrir ses services, « le Cardinal, dit-il, sourit malignement, et la Reine se mit en colère, en proférant, de son fausset aigre et élevé, ces propres mots : « Il y a de la révolte à s’imaginer que l’on se puisse révolter ; voilà les contes ridicules de ceux qui la veulent. L’autorité du Roi y donnera bon ordre. » Malgré cette rebuffade, Retz sortit de nouveau avec son rochet et son camail, et fit par les rues cette promenade, semée d’incidents à la fois burlesques et dramatiques, qu’il raconte si complaisamment dans ses Mémoires ; mais, quand il revint au Palais-Royal, Anne d’Autriche l’accueillit encore « d’une sorte de souris ambigu, » et finit par le congédier d’un air de moquerie, en disant : « Allez vous reposer. Monsieur ; vous avez bien travaillé. » — Voyez aussi, à ce sujet. Madame de Motteville, tome II, p. 156 et p. 179 et 180.
  256. Voyez ci-dessus, p. 96, et la note 7.
  257. Voyez ci-après, l’Apologie de M. le prince de Marcillac. — On désignait par ce nom de bureaux du Roi les lieux où se faisaient les recettes de deniers publics.
  258. En peu de temps. (1817, 26, 38.)
  259. C’est-à-dire le privilège d’être assise en présence de la Reine, quand celle-ci tenait son cercle. « C’était à la fois, dit V. Cousin (la Jeunesse de Madame de Longueville, 3e édition, p. 819), l’ambition la plus petite et la plus extraordinaire ; car enfin la duché-pairie était dans sa maison depuis 1622, grâce à Marie de Médicis ; elle lui appartenait après son père ; il ne s’agissait que d’attendre ce qui ne lui pouvait manquer ; et alors il eût été fort bien reçu à solliciter, pour la duchesse sa femme, les honneurs du tabouret ; mais prétendre les emporter d’avance, quand il n’était ni chef de famille ni de maison souveraine, et vouloir être duc par brevet en 1648, quand il pouvait l’être de droit d’un jour à l’autre, comme il le fut en 1650, en vérité nous nous étonnerions d’un si misérable amour-propre, si la Rochefoucauld ne nous enseignait que l’amour-propre est le mobile de toutes les actions. » — Voyez les Mémoires de Mathieu Mole, tome II, p. 65-68, où se trouve la teneur des lettres patentes de duché-pairie du père de la Rochefoucauld, présentées le 2 septembre 1631 à l’enregistrement.
  260. « L’avis que j’en donnai à la cour, dit la Rochefoucauld, dans son apologie (voyez ci-après), y fut reçu apparemment d’assez bonne grâce. » Le Cardinal lui écrivit à cette occasion, le 9 septembre 1648, une lettre que V. Cousin a transcrite dans la Jeunesse de Madame de Longueville (3e édition, appendice, p. 470 et 471), et dont nous avons revu le texte sur la copie d’où il a tiré le sien et qui se trouve à la bibliothèque Mazarine (Lettres françaises de Mazarin, H 1719, tome III, fol. 414 verso, et fol. 415 et verso) : « Monsieur, aussitôt que j’ai reçu la lettre que vous avez pris la peine de m’écrire , je l’ai lue moi-même d’un bout à l’autre à la Reine, afin de lui faire mieux connoitre avec quel zèle et quelles utilités vous servez le Roi. Sa Majesté en a témoigné grand sentiment, et m’a dit qu’elle n’attendoit pas moins de l’affection que vous aviez pour elle en particulier, qu’elle sait bien être seule capable de vous donner ces bons mouvements, et de vous faire contribuer de tout votre pouvoir à la gloire de sa régence et de son administration. J’ai été ravi de pouvoir, en suite de ce que vous me mandez, assurer Sa Majesté de l’entière obéissance où est la province de Poitou, par les bons ordres que vous avez donnés pour étouffer dans leur naissance les petits désordres qui y étoient arrivés. Il est superflu de vous exciter par aucunes persuasions à commencer (sic) d’avoir toujours l’œil que toutes choses se passent comme elles doivent, et Sa Majesté n’attendra que de bonnes nouvelles d’un endroit où vous avez l’autorité en main. Ses intentions sont les meilleures du monde pour l’avantage et le soulagement du peuple, autant que le soutien de la guerre qu’elle a sur les bras, et qu’elle n’a encore pu finir par l’opiniâtreté de nos ennemis, le pourra permettre. Mais certes, si, après tant de grâces considérables que vous savez qu’elle a fait, on prétendoit en acheter d’autres par des voies illégitimes, la province, pensant de rendre sa condition meilleure, ne feroit que l’empirer, et il vous sera facile de lui faire connoitre que ce ne seroit que s’attirer sur les bras, au grand regret de Sa Majesté et de ceux qui ont l’honneur de la conseiller, la plus grande partie des troupes dont les armées sont à présent composées, et que l’hiver qui approche donnera lieu de pouvoir retirer des endroits où elles agissent présentement. Je veux espérer que chacun demeurera dans son devoir ; néanmoins, si vous voyez que quelque chose branle, donnez-en, s’il vous plait, avis promptement par deçà, afin qu’on vous envoie des forces convenables pour maintenir l’autorité et faire obéir le Roi. Vous demandez de si bonne grâce la grâce et l’élargissement de ceux que vous avez fait arrêter, que, par les témoignages que vous rendez que la faute n’est pas si grande qu’on le croyoit, et qu’ils sont en bonne volonté de la réparer par leur conduite à l’avenir, que Sa Majesté remet à votre disposition d’en user comme vous aviserez, et enfin vous donne leur grâce, si vous les en jugez dignes et assez repentants de leur faute, ainsi que vous apprendrez plus particulièrement par les dépêches de M. le Tellier. C’est tout ce que je vous dirai pour cette fois, et que je suis avec beaucoup d’estime et une passion très-forte, etc. »
  261. Sur cette affaire des tabourets, voyez les Mémoires de Mme de Motteville, tome II, p. 262 et suivantes, ceux de Rctz, tome II, p. 540 et suivantes, et encore ci-après L’Apologie.
  262. Voyez dans le recueil des Lettres de la Rochefoucauld, en quels termes il écrivit alors (7 décembre), de Poitiers, à Chavigny, qui lui-même inclinait à la Fronde.
  263. A Noisy-le-Roi, près de Villepreux, à deux lieues de Versailles ; Mme de Longueville y « prenoit des eaux, dit Retz (tome II, p. 125), avec le prince de Conty. » — On voit quel rôle effacé et presque nul joue la Rochefoucauld dans ce premier enfantement de la Fronde. C’est Retz qui occupe ici le devant de la scène. Ce dernier avoue qu’en ces circonstances il éprouva un assez vif désir, tout intérêt politique à part, de se faire agréer de la belle duchesse, et il ajoute (tome II, p. 128 et 124), avec ce ton délibéré qu’on lui connaît : « Ce ne fut pas la vue de l’impossibilité qui m’en fit rejeter la pensée… Le bénéfice n’étoit pas vacant ; mais il n’étoit pas desservi. M. de la Rochefoucauld étoit en possession ; mais il étoit en Poitou. »
  264. Armand de Bourbon, frère cadet du duc d’Enghien, né en 1639, mort en 1666. On l’avait d’abord destiné à l’Eglise, et il avait été pourvu de riches abbayes, en attendant le chapeau de cardinal ; mais après la Fronde, il épousa (1654) une des nièces de Mazarin, Anne-Marie martinozzi, fit la guerre en Catalogne et en Italie, et fut successivement gouverneur de Guyenne et de Languedoc.
  265. « Roussel, Longueil et Viole promirent tout au nom du Parlement, qui n’en savoit rien. » (Retz, tome II, p. 125.)
  266. En cette rencontre. (1817, 26, 38.)
  267. Et au Cardinal. (Ibidem.)
  268. La Rochefoucauld revint à Paris en décembre 1648 : voyez ci-après, sur son retour, l’ Apologie du prince de Marcillac. Gourville, dans ses Mémoires (p. 220 et 221), donne à cette occasion de curieux détails : « M. le prince de Marcillac, écrit-il, étant revenu à Paris avec peu d’argent, parce que, outre que sa famille n’en avoit guère, on auroit fort souhaité qu’il n’y fût pas retourné, m’ordonna d’aller parler de quelques affaires à M. d’Emery, pour lors contrôleur général (j’avois ce jour-là une casaque rouge, avec quelques galons dessus). Peu de jours après, M. le prince de Marcillac ayant envoyé son intendant lui parler, M. d’Emery, à la première rencontre de M. le prince de Marcillac, lui dit : « Quand vous aurez quelque chose à me faire dire, envoyez-moi la casaque rouge qui m’a déjà parlé une fois de votre part. » Cela m’en fît connoitre, et me donna lieu de faire quelques affaires auprès de lui pour M. le prince de Marcillac, qui auroit été obligé de quitter Paris, si je ne m’étois avisé de demander à M. d’Emery un passeport pour faire sortir du Poitou huit cents tonneaux de blé. Je lui demandai en même temps s’il ne trouveroit pas mauvais d’en ajouter deux cents pour moi, afin que je pusse en avoir le profit. En souriant, il me dit qu’il le vouloit bien. Aussitôt que j’eus retiré mon passe-port, je pris la poste pour aller à Niort, où je trouvai moyen de le trafiquer, et d’en tirer une lettre de change de dix mille livres. Je ne saurois exprimer la joie qu’eut M. le prince de Marcillac de se voir en état de continuer son séjour à Paris ; mais toute la famille en conçut beaucoup de chagrin contre moi. M. le prince de Marcillac me dit de prendre mes deux mille livres, et d’employer les huit autres pour son service ; mais avec le temps les dix y furent à peu près employées. » — Voyez ce qui est dit au tome I, dans la Notice biographique, au sujet des embarras d’argent où se trouva longtemps la Rochefoucauld.
  269. On lit dans les Mémoires de Retz (tome II, p. 124 et 125) : « Comme M. de la Rochefoucauld n’avoit pas eu trop bon bruit dans l’affaire des Importants, dans laquelle l’on l’avolt accusé de s’être raccommodé à la cour à leurs dépens (ce que j’ai su toutefois depuis, de science certaine, n’être pas vrai), je n’étois pas trop content de le trouver en cette société. Il fallut pourtant s’en accommoder. »
  270. Y avoit formé exprès. (1817, 26, 38.)
  271. Je ressentis. (1826, 38.)
  272. « Je ne suis pas — incapable de me venger. » (Portrait du duc de la Rochefoucauld fait par lui-même, tome I, p. 9.) Au fond, il était plutôt l’homme des maximes 14, 16 et 293 (p. 35, 36 et 150). Au lieu de cet esprit de suite et d’application, qu’il déclare lui-même indispensable pour se venger du mal comme pour récompenser le bien, il avait cette paresse que le diable semble avoir placée tout exprès « sur la frontière de plusieurs vertus. » (Maxime 5 12, p. 226.)
  273. On sait que le prince de Conty était contrefait ; sous ce rapport, il tenait de son bisaïeul Louis Ier de Bourbon.
  274. Suivant Mme de Motteville (tome I, p. 336), il souhaita de plaire à sa sœur « plutôt en qualité d’honnête homme que comme son frère. » Retz dit d’autre part (tome II, p. 120) : « L’amour passionné du prince de Conty pour elle donna à cette maison un certain air d’inceste, quoique très-injustement pour l’effet. »
  275. Comparez avec le portrait, visiblement trop sévère et partial, que Retz a tracé du prince de Conty, tome II, p. 180.
  276. Retz (tome II, p. 176 et 177) dit de lui : « Il ne fut jamais qu’un homme médiocre, parce qu’il eut toujours des idées qui furent infiniment au-dessus de sa capacité. » Il le juge du reste comme fait ici la Rochefoucauld, et écrit à deux reprises (tome II, p. 19 et p. 120) qu’il était « l’homme du monde qui aimoit le mieux les commencements de toutes affaires. »
  277. Sa longue résidence en Normandie. (1826, 38.)
  278. Pour les affaires de Normandie pendant la Fronde, voyez l’hisloire du parlement de Normandie, par M. Floquet.
  279. Voyez le Portrait du cardinal de Retz par la Rochefoucauld (tome I, p. 19-21), et celui que Tallemant des Réaux a tracé dans ses Historicités, tome V, p. 181-183.
  280. Ils étaient cousins : Antoinette d’Orléans, fille de Léonor d’Orléans, duc de Longueville, et de Marie de Bourbon, c’est-à-dire du grand-père et de la grand’mère du duc de Longueville dont il s’agit ici, avait épousé Charles de Gondi, marquis de Belle-Isle, général des galères, oncle du Coadjuteur. Voyez l’Histoire généalogique des Gondi, par Corbinelli, 1705, in-4o, tome II, p, 234 et 247 et suivantes.
  281. On en eut la preuve dans l’affaire des prêts : voyez les Mémoires de Retz, tome II, p. 128 et 129, et ceux de Mole, tome III, p. 807.
  282. Et il entraînoit. (1817, 26, 38.)
  283. Louis de la Trémouille, né en 1612, marquis, puis duc de Noirmoustier (1650), se distingua à la bataille de Lens, et mourut en 1666. C’est le père du duc de Noirmoustier qui devint aveugle à dix-huit ans, de l’abbé de Noirmoustier qui fut cardinal, et de la princesse des Ursins.
  284. Le marquis Geoffroy de Laigues, d’abord officier dans l’armée de Condé, puis capitaine des gardes de Gaston duc d’Orléans. Il fut le dernier favori de Mme de Chevreuse, qui passait même pour l’avoir épousé secrètement.
  285. Les mépris que la Reine et le Cardinal avoient faits de son entremise pour apaiser les désordres des barricades l’avoient, etc. (1817, 26, 38.) — Voyez plus haut, p. 104 et la note 2.
  286. Irrité. (1817, 26, 38.)
  287. Retz (tome II, p. 100 et suivantes) expose tout au long, par un artifice de conversations évidemment arrangées après coup, quoi qu’il en dise, les motifs qui déterminèrent le changement de Monsieur le Prince. « La gloire de restaurateur du public, dit-il (p. 113), fut sa première idée ; celle de conservateur de l’autorité royale fut la seconde. « Voilà, ajoute-t-il, le caractère de tous ceux qui n’ont pas de « suite » dans l’esprit. — Guy Joli affirme, de son côté (tome I, p. 45), « que, dans ce temps-là, l’esprit de Monsieur le Prince fut extrêmement combattu. »
  288. Ne trouvant plus de sûreté dans Paris. (1817, 36, 38.)
  289. Résolut enfin d’en partir, et de concert. (Ibidem.)
  290. Et de toutes sortes de provisions. (Ibidem.) — Ce n’était qu’à grand’peine , en effet , que les Parisiens parvenaient à se ravitailler. Les magistrats municipaux avaient enjoint à tous les marchands de blé des environs de la capitale d’y envoyer leurs denrées, avec défense aux capitaines et gardes des ports, ponts et rivières de s’y opposer, sous peine de la vie ; mais, la ville étant bloquée par les troupes de Condé, l’entrée des convois n’était pas facile. En outre, il fallait, quand les blés étaient arrivés, les garantir du pillage. — Peu de temps après le départ du Roi parurent des Triolets de la cour (Bibliographie des Mazarinades, tome III, p. 221), où l’on disait à la Reine :

    Revenez vite sur vos pas....
    La livre de pain vaut cinq sols,
    Et si (et pourtant) ce n’est pas du Gonesse. ...
    Le moyen de vivre à Paris,
    Puisqu’on n’y mange plus de trufles (sic) ?

    Le 6 mars, une ordonnance de police, reproduite dans le Détail de la France de Boisguillebert (édition de 1707, tome I, p. 273-275), prescrivait les tarifs suivants : Pain le plus blanc, deux sols la livre ; pain bis blanc, dix-huit deniers ; pain des pauvres, un sol.

  291. Lisez : « de M. le duc d’Anjou, » qui fut plus tard duc d’Orléans : voyez ci-dessus, p. 59, note 10.
  292. Voyez sur l’émotion avec laquelle s’accomplit ce départ désordonné, on pourrait presque dire ce sauve-qui-peut, des gens dévoués à la cour ou de ceux qui ne se souciaient pas de demeurer dans une ville « qui alloit être l’objet de la colère de son roi, » les Mémoires de Mme de Motteville (tome II, p. 286-290). Beaucoup de personnes de qualité restèrent à Paris, qui eussent été bien aises de prendre le chemin des champs ; mais les portes étaient aux mains des parlementaires. D’autres, comme le Coadjuteur, firent seulement le simulacre de vouloir partir, et s’arrangèrent pour que cet effort apparent d’obéissance n’eût pas de suite.
  293. Ce départ si précipité du Roi. (1817, 26, 38.)
  294. « Je ne sais ce qu’ils eussent fait, dit Retz (tome II, p. 131 et 132), tant ils étoient effarés, si l’on n’eut trouvé le moyen de les animer par leur propre peur. »
  295. Retz dit (tome II, p. 136 et p. 140) que la Rochefoucauld partit « deux heures après le Roi, pour fortifier et pour ramener M. le prince de Conty,...qui s’étoit laissé emmener comme un enfant par Monsieur son frère. » On verra quelques lignes plus loin que la Rochefoucauld parle d’un double voyage.
  296. Revenant de Rouen, le duc apprit, à six lieues de Paris, le départ du Roi, et il tourna tout court, comme dit Retz (tome II, p. 136}, à Saint-Germain.
  297. Il s’agit de l’abbé Pierre Longueil, conseiller en la grand’chambre du Parlement, et frère du président René Longueil, marquis de Maisons. C’étoit, dit Retz (tome II, p. 56), un « homme d’un esprit noir, décisif et dangereux, et qui entendoit mieux le détail du manœuvre du Parlement que tout le reste du corps ensemble. » Mme de Motteville (tome III, p. 84 et 85 ; parle de Pierre Longueil à peu près de la même manière.
  298. Le péril qu’il y avoit. (1817, 26, 38.)
  299. Voyez p. 126, note 4. — Cet habile homme d’affaires ce savoit, dit Mme de Motteville (tome III, p. 193), marcher facilement par les chemins raboteux et tortus, comme par les plus droits, » et « persuadoit presque toujours ce qu’il vouloit qu’on crût.»
  300. Que l’on agit. (1817, 26, 38.) — Ce pourrait bien être la vraie leçon, au moins est-ce la plus correcte.
  301. A ce que nous voulûmes. (1817, 26, 38.)
  302. Dans la nuit du 9 au 10 janvier 1649.
  303. Voyez le récit de Gourville (p. 221-223), et celui de Mme de Motteville (tome II, p. 303 et 304], qui fait ressortir les hésitations du duc de Longueville, et qui ajoute : « Pour le prince de Marcillac, qui étoit de la partie, je ne doute pas qu’il n’allât gaiement au crime de lèse-majesté, et que ce voyage ne lui parût la plus belle et la plus glorieuse action de sa vie. »
  304. Fit différents effets. (1817, 26, 38.)
  305. Les éditions antérieures portent fomenté, au singulier, ce qui fait un contre-sens.
  306. Voyez, à ce sujet, les Mémoires de Retz, tome II , p. 151 et suivantes.
  307. On sait que Mme de Longueville accoucha à l’Hôtel de Ville (dans la nuit du 28 au 29 janvier) d’un fils dont le duc de la Rochefoucauld passait, avec vraisemblance, pour être le père, et qui fut baptisé par le Coadjuteur sous le nom de Charles-Paris. Cet « enfant de la Fronde », comme l’appelle V. Cousin (la Jeunesse de Madame de Longueville, 3e édition, p. 826), périt en 1672, au passage du Rhin.
  308. M. Moreau, dans sa Bibliograplùe des Mazarinades (tome II, p. 53), cite un récit « burlesque et sérieux » : Histoire des esprits revenus à Saint-Germain, où, en face du prince de Condé calme et sans peur, l’auteur représente le duc d’Orléans qui tremble, le maréchal de la Meilleraye parlant de tout brûler, et le maréchal de Gramont toujours prêt à prendre la fuite.
  309. « Tous les jours, dit Montglat dans ses Mémoires (tome II, p. 150), quelqu’un disparoissoit à Saint-Germain,... et dès qu’on étoit un jour sans être vu, on croyoit qu’on s’étoit jeté dans Paris. » Condé lui-même s’étant absenté un instant pour aller visiter un de ses quartiers éloigné d’une demi-lieue, le Cardinal, jusqu’à son retour, fut dans les transes ; il s’imaginait que Monsieur le Prince avait passé à l’ennemi. Voyez au reste, à la suite de l’extrait de Montglat que nous venons de citer, le tableau vraiment comique des défections successives et les noms des principaux transfuges qui s’enfuirent de Saint-Germain à Paris.
  310. Sur Charles II de Lorraine, second duc d’Elbeuf, voyez ci-dessus la note 6 de la page 58.
  311. « Très-suspect à tous ceux qui le connoissoient, sur le chapitre de la probité », dit Retz (tome II, p. 147), et il ajoute (p. 178 et 179) : « Il a été le premier prince que la pauvreté ait avili ; et peut-être jamais homme n’a eu moins que lui l’art de se faire plaindre dans sa misère. » On lit aussi dans les Carnets de Mazarin (Journal des savants, 1854, p. 694) : « Pour d’Elbeuf, de l’argent, et qu’il attende. »
  312. Retz raconte au long toutes ces manœuvres , où lui-même joua un rôle fort curieux : voyez le tome II de ses Mémoires, p. 147 et suivantes.
  313. Frédéric-Maurice de la Tour d’Auvergne, prince de Sedan, duc de Bouillon, né en 1605. — « Dans les brouilleries de la cour en 1648, dit Bussy Rabutin (Mémoires, tome I, p. 846), quatre ou cinq maisons de gentilshommes crurent que le temps étoit propice pour faire valoir leur chimère de principauté ; celle de la Tour en fut une. » — Le duc de Bouillon était peut-être le plus redoutable de tous les ennemis de Mazarin. Il avait appris la guerre sous ses oncles maternels Maurice et Henri, princes d’Orange. Son mérite était égalé par son ambition, et son ambition était sans cesse aiguillonnée par celle de sa femme, Léonore-Catherine-Féronie de Berg, qui avait un pouvoir absolu sur son esprit. Dans cette maison, on prenait le titre d’Altesse, et le fils aîné portait celui de prince de Sedan. C’était le duc de Bouillon qui avait gagné en 1641, contre l’armée royale, la bataille de la Mariée, où périt le comte de Soissons. Arrêté, par ordre de Richelieu, en 1642, comme complice de Cinq-Mars, il avait été enfermé à Pierre-Encise et n’avait recouvré sa liberté qu’en cédant au Roi sa principauté de Sedan (pour laquelle il reçut en échange, lors de son accommodement avec la cour en 1651, les duchés d’Albret et de Chàteau-Thierry, et les comtés d’Auvergne et d’Évreux). Il aurait même été décapité sans l’intervention de ses parents, le duc de Nassau et le landgrave de Hesse, alliés précieux pour la France dans sa lutte contre l’Empire et l’Espagne. Il mourut le 9 août 1652.
  314. Ce mot ailleurs prouve que cette partie des Mémoires a été composée ou revue postérieurement à la suite, où se trouve en effet (p. 427 et 428) un portrait du duc de Bouillon.
  315. Henri de la Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne, né en 1611, mort en 1675 ; il était très-entiché, lui aussi, de principauté, très-passionné pour la grandeur de sa maison. Retz dit dans le portrait qu’il trace de lui (tome II, p. 179) : « L’on l’a cru plus capable d’être à la tête d’une armée que d’un parti, et je le crois aussi, parce qu’il n’étoit pas naturellement entreprenant. Mais toutefois qui le sait ? »
  316. J’en pourrois dire ici. (1817, 26, 38.)
  317. Les éditions antérieures, qui omettent les mots : « et son mécontentement particulier », ont, par suite, fit, au lieu de firent.
  318. Ces troupes. (1817.)
  319. Février 1649- — Retz (tome II, p. 336 et 337) confesse qu’il n’a jamais pu savoir par quel mobile Turenne s’était donné à la Fronde. « Monsieur son frère et Madame sa belle-sœur, ajoute-t-il, m’ont juré, cent fois en leur vie, que tout ce qu’ils en savoient étoit que ce n’étoit point leur considération.... Il a fallu un mérite aussi éminent que le sien pour n’être pas obscurci par un événement de cette nature. » Voyez, dans les Lettres françaises de Mazarin (manuscrits de la blbliotbèque Mazarine, H, 1719, tome II, fol. 291 et fol. 297), deux lettres du Cardinal : l’une adressée à Turenne, à la date du 12 janvier 1649, lorsque le duc de Bouillon s’est déclaré pour le Parlement ; l’autre adressée à M. de Ruvigny, le 12 février, alors que Turenne vient de suivre l’exemple de son frère aîné. On lit dans cette dernière : « Si j’excuse en quelque façon le procédé que tient avec moi M. de Turenne, c’est que je reconnois tous les jours que Paris, en qui je mefiois entièrement, m’a trahi… Je crois que vous n’aurez pas manqué à faire connoître à mondit sieur de Turenne que, si on lui veut persuader que Monsieur le Prince manque au service de la Reine et dans l’amitié qu’il a pour moi, on le trompe, car jamais il n’a fait paroitre tant de chaleur que dans celle-ci. J’ai voulu vous dire ceci, car je sais que M. de Turenne fait grand cas de tous les sentiments de Monsieur le Prince et est fort son serviteur. »
  320. Philippe comte de la Mothe-Houdancourt, duc de Cardone, vice-roi de Catalogne, maréchal de France, né en 1605, mort en 1657. Arrêté après sa défaite devant Lérida, en mai 1644, il était resté prisonnier à Pierre-Encise jusqu’en septembre 1648. Il rentra en grâce en 1651.
  321. De le Tellier. Voyez ci-dessus, p. 54, note 2.
  322. Et il cherchoit. (1826, 38.) — Les trois éditions antérieures à la nôtre ajoutent encore et, un peu plus bas, devant « de la capacité », et devant « du bon sens ».
  323. Comparez avec le portrait que Retz trace du même personnage, tome II, p. 179 : « Le maréchal de la Mothe avoit beaucoup de cœur. Il étoit capitaine de la seconde classe ; il n’étoit pas homme de beaucoup de sens… Il étoit très-utile dans un parti, parce qu’il y étoit très-commode.
  324. Le 31 mai 1648, après un emprisonnement qui avait duré cinq années ; depuis lors il s’était tenu caché dans le Vendomois. Les détails de son évasion sont dans les Mémoires de Guy Joli, tome I, p. 12-14.
  325. Le texte de ces lettres du parlement de Paris se trouve dans le Journal du Parlement, séance du 18 janvier au matin, p. 23 et 24.
  326. Louis-Charles d’Albert, grand fauconnier de France, fils du connétable qui avait été le favori de Louis XIII. Né en 1620, il mourut en 1690. Voyez ci-dessus la note 1 de la page 103.
  327. Son père, Léonor d’Orléans, avait obtenu de Charles IX, pour lui et pour ses successeurs, le titre de prince du sang. — Voyez Madame de Motteville, tome II, p. 306.
  328. Et peut-être aussi pour sauver ses oreilles des malsonnantes satires rimées à l’occasion des couches de sa femme.
  329. Voyez, dans les Œuvres mêlées de Saint-Evremond (édition de M. Ch. Giraud, 1866, tome II, p. 3-21), la pièce satirique, qui a pour titre la Retraite de M. de Longueville en son gouvernement de Normandie, etc. Ce morceau, nous l’avons dit dans la Notice, figure dans les premières éditions des Mémoires comme étant l’œuvre de la Rochefoucauld.
  330. L’archiduc Léopold-Guillaume , frère de l’empereur d’Allemagne, Ferdinand III ; il était gouverneur général des Pays-Bas depuis 1647. Il mourut en 1662. Ce fut le 19 février que l’envoyé de l’Archiduc reçut audience au Parlement. Voyez à ce sujet, les Mémoires de Retz, tome II, p. 229 et suivantes ; et ceux de Guy Joli (tome I, p. 67-70), où il est dit en note qu’il ne vint pas d’envoyé de l’Archiduc, qu’on affubla de ses livrées un homme de bonne volonté, que ce fut « une fable concertée à Paris. »
  331. Consultez à ce sujet un intéressant chapitre de Walckenaër, Mémoires sur Mme de Sévigné, tome I, p. 209 et suivantes ; il s’y trouve une appréciation du caractère et du rôle des principaux personnages engagés dans la Fronde.
  332. Ni les officiers. (1817, 26, 38.)
  333. Il avait été décidé d’abord en assemblée de Ville qu’on ne lèverait que des garçons et des compagnons de métier, sans y mêler aucun chef de famille, le vrai rôle des bourgeois n’étant pas de faire des sorties, mais de garder les portes, les murailles, et d’empêcher les séditions à l’intérieur. On voit par les Registres de l’Hôtel de Ville pendant la Fronde (tome I, p. 134) que le régiment de Marcillac devait se composer de quatre compagnies.
  334. La détresse, en effet, fut bientôt grande, et il fut un instant question d’expulser tous les pauvres étrangers à la ville, en leur donnant vingt sous par tête ; mais on craignit d’exciter une émeute. Le Parlement remit le terme de Pâques aux locataires, et il fut décidé que le buffet d’argent vermeil doré de la Ville serait vendu ou engagé. Le setier de froment, trois jours après la sortie du Roi, était déjà monté de treize livres à trente livres ; au moment de la paix de Rueil, il était à soixante. Ajoutez que cette année 1649, qui s’ouvrait, pour les Parisiens mutinés, sous de si tristes auspices, ne devait donner qu’une récolte fort mauvaise, et, pour comble de malheur, les misères du blocus coïncidèrent avec un débordement de la Seine si considérable, que Paris, dit Mme de Motteville (tome II, p. 325), « étoit devenu semblable à la ville de Venise, » et qu’ « on alloit par bateau dans les rues. »
  335. Gaspard IV, comte de Coligny, marquis d’Andelot, puis duc de Châtillon ; c’était le second fils du maréchal de ce nom, et le frère de Maurice de Coligny qui avait eu avec Guise le duel mentionné plus haut (p. 90-92). Il était né en 1620. On compte, parmi les Mazarinades, une dizaine de pièces sur la mort du duc de Châtillon. Condé pleura amèrement cet ami et ce compagnon d’armes, « pour lequel racheter, dit Guy Patin (Lettres, tome I, p. 413), il donneroit mille Charenton. »
  336. Voyez sur cet engagement, qui eut lieu le 8 février, la Mazarinade intitulée : le Courrier burlesque de la guerre de Paris (tome II, p. 68-168, du recueil de M. Moreau) ; et la Lettre d’un Normand aux fendeurs de naseaux de ce temps, qui ont peur de mourir pour leur patrie (Bibliographie, tome II, p. 125). Le baron de Clanleu, qui était maréchal de camp, s’y fit tuer, après avoir refusé quartier, trouvant « plus honorable, dit Mme de Motteville (tome II, p. 329), de mourir en cette occasion que sur un échafaud. » On verra cependant plus loin que les chefs de l’insurrection s’en tirèrent à meilleur compte que ne le supposait Clanleu mourant.
  337. Charles de Beauvau, baron de Nerlieu ou Noirlieu, était mestre de camp d’un régiment du Roi ; il fut tué, en cette occasion (10 février), par le duc de Beaufort en personne. Tous les contemporains parlent de sa valeur.
  338. Villejuif, à deux lieues de Paris, au sud. — Nous conservons l’orthographe de notre manuscrit ; voyez ci-après, p. 398.
  339. A trois kilomètres à l’ouest de Villejuif.
  340. Retz (tome II, p. 218) dit de même que le convoi, qui venait d’Etampes, « rentra dans Paris, accompagné — de plus de cent mille hommes, qui étoient sortis en armes au premier bruit qui avoit couru que M. de Beaufort étoit engagé. » Le Journal du Parlement (p. 71) parle de plus de vingt-cinq mille hommes « résolus de se bien battre, si l’on eût eu besoin d’eux. » Dubuisson-Aubenay (p. 104) mentionne aussi cette affaire, et décrit le convoi de bœufs et de moutons. Quelques jours auparavant (28 janvier), Paris avait reçu un convoi semblable, qui inspira à un pamphlétaire une curieuse pièce de vers héroï-comique, adressée à Scarron, et insérée par M. Moreau dans son Choix de Mazarinades, tome I, p. 109 et suivantes. Il parait qu’en ce temps, où pour ceux de Paris les bourgs de Chaillot et de Charenton étaient devenus places frontières, c’étaient les pourceaux qui abondaient le plus, ce qui fit manger aux Parisiens, dit une satire contemporaine (Variétés historiques, tome V, p. 10), bien des cochons en carême.
  341. Jacques Rouxel de Médavy, comte de Grancey, qui fut fait maréchal de France en 1651. Né en 1602, il mourut en 1680.
  342. Au cas. (1817, 26, 38.)
  343. Avec un pareil. (Ibidem.)
  344. Frédéric-Maurice de Durfort, neveu du duc de Bouillon et de Turenne par sa mère, Elisabeth de la Tour.
  345. Jacques-Henri de Durfort, duc de Duras, maréchal en 1675, mort le 12 octobre 1704, âgé de soixante-quatorze ans. — Guy-Aldonce de Durfort, duc de Lorges, maréchal en 1676, mort en 1702 ; sa fille aînée épousa le duc de Saint-Simon, l’auteur des Mémoires.
  346. Qui me fut possible. (1817, 26, 38.)
  347. « M. de la Rochefoucauld, dit Retz (tome II, p. 262 et 263), qui avoit plus de cœur que d’expérience, s’emporta de chaleur : il n’en demeura pas à son ordre, il sortit de son poste, qui lui étoit très-avantageux, et il chargea les ennemis avec beaucoup de vigueur, »
  348. Une espèce de ravine. (1817, 26, 38.)
  349. Dans cet espace de temps. (1817, 26, 38.) — De temps, dans notre manuscrit, est biffé.
  350. « De troupe », au singulier, dans les éditions de 1817, 26.
  351. Charles-Hilaire, chevalier de Malte, frère puîné du prince de Marcillac. Né en 1628, il mourut en 1651 : voyez ci-après, p. 308.
  352. Jean Hérault de Gourville, qui avait déjà combattu à Courtrai, s’était fait, dit-il dans ses Mémoires (p. 221), « lieutenant d’une compagnie de bourgeois du faubourg Saint-Honoré, commandée par un charcutier, qui demeuroit devant la porte du logement de M. le prince de Marcillac. » Né à la Rochefoucauld en 1625, il mourut à Paris en 1703. Il est déjà nommé plus haut, p. 115 ; voyez sur lui Sainte-Beuve, Causeries du lundi, tome V, p. 286 et suivantes.
  353. Il s’agit probablement, d’après le récit de Gourville (p. 224), de Bercenay, capitaine des gardes du prince de Marcillac, que nous retrouvons en 1652 accompagnant, avec la Rochefoucauld et quelques autres, le prince de Condé dans sa grande chevauchée aventureuse d’Agen au camp de Lorris en Gâtinais.
  354. On défigurait ainsi le nom d’Hohenloke ; les éditions antérieures écrivent d’Holach ; Tallemant des Réaux (tome III, p. 180), d’Olac ; Bussy Rabutin (tome 1, p. iii), d’Holac.
  355. De ne pas l’accepter. (1817, 26, 38.)
  356. Et croyant de lui donner. (1817.)
  357. Et à qui me tueroit. (1817, 26, 38.)
  358. Fût grande. (1817, 26, 38.)
  359. Louis-Roger Brûlart, marquis de Puisieux et de Sillery, beau-frère de la Rochefoucauld, dont il avait épousé la sœur, Marie-Catherine, en 1638. Il était mestre de camp de l’infanterie ; il fut plus tard un des principaux négociateurs de la Fronde avec les Espagnols. Il mourut en 1691.
  360. Charles de Bourdeille, comte de Matha ou de Mastas, frondeur ardent, cousin germain de Montrésor, dont il a été question plus haut (p. 26), et, comme lui, petit-neveu de Brantôme. Il commandait, depuis 1640, une compagnie aux Gardes. Rentré plus tard en grâce à la cour, il acquit une grande réputation d’esprit, et surtout d’esprit fort. Pendant l’exil de Mademoiselle, il fut très-assidu à Saint-Fargeau. Il mourut en 1674. Voyez sur lui Tallemant des Réaux, tomes V, p. 303, et VI, p. 78.
  361. Voyez le récit de ce combat du 19 février 1649 dans Retz, tome II, p. 262-2G4, et dans Gourville, p. 223 et 224.
  362. C’est-à-dire qu’on ne les décimât. On mettait les noms sur des billets, et l’on tirait au sort qui serait passé par les armes.
  363. On sait que la lutte des Frondeurs avec la cour fut suspendue par la convention de Rueil, le 11 mars 1649. Voyez le récit de la suite des événements dans les Mémoires de Retz, tome II, p. 264 et suivantes.
  364. Leur assistance. (1817, 26, 38.)
  365. Voyez sur le rôle joué en cette occasion par l’Espagne les curieux détails, un peu trop ingénieux peut-être, que donnent encore les Mémoires de Retz, tome II, p. 323 et suivantes.
  366. Epuisés de. (1817, 26, 38.)
  367. La Mazarinade qui rend le mieux l’état moral de Paris pendant le blocus de 1649, est celle que M. Moreau cite dans le tome II de sa Bibliographie, sous le n° 1619, et qui a pour titre : Le Hazard de la Manque renversé et la consolation des marchands forains. Cette pièce fort curieuse se trouve reproduite en entier dans le tome II (p. 325-331) des Variétés historiques et littéraires , de M. Edouard Fournier. « Les esprits les mieux sensés, y est-il dit (p. 330), protestent hautement que tous nos desseins, nos entreprises, nos assemblées ne sont qu’une véritable comédie Mais certes, bien que cette comédie soit agréable aux uns, elle est pourtant ennuyeuse aux autres, parce qu’elle dure trop longtemps, et que l’on y laisse brûler la chandelle par les deux bouts, et que l’on fait payer double, bien que l’on ne soit placé qu’au parterre. » La même lassitude se montre dans la pièce intitulée : Sur la conférence de Ruel en mars, vers burlesques du sieur S. (Scarron), et qui commence ainsi :

    Ma foi, nous en avons dans l’aile.
    Les Frondeurs nous la baillent belle.
    Male peste de l’Union !
    Le bled ne vient plus qu’en charrette....
    Nous allons mourir de disette.


    (Choix de Mazarinades, tome I, p. 423.)

    Le lecteur curieux pourra consulter aussi les Triolets du temps,

  368. Le prince de Marcillac figure au nombre des Frondeurs que l’on y comprit expressément. Comme il était retenu au lit par sa blessure, ce fut Mme de Longueville qui se chargea de traiter de ses intérêts. Le tome I du Choix de Mazarinades (p. 431-436) contient sous ce titre : Demandes des princes et seigneurs qui ont pris les armes avec le parlement et peuple de Paris, une pièce que Mme de Motteville a transcrite en grande partie dans le tome II de ses Mémoires (p. 400-405). « Qu’on accorde, est-il dit dans la Mazarinade, le tabouret à la femme du prince de Marcillac ; qu’on paye audit prince dix-huit mille livres par an qu’on avoit accoutumé de lever pour des fuzeliers en Poitou, quoique lesdits fuzeliers ne subsistent pas. » Marcillac eut la somme (voyez les Mémoires de Mathieu Mole, tome III, p. 487), qu’il avait d’ailleurs bien dû dépenser d’avance ; mais sa femme n’eut pas le tabouret.