Œuvres de La Rochefoucauld
Texte établi par J. Gourdault, Librairie Hachette et Cie (Tome secondp. 1-48).
MÉMOIRES[1].

I.

[1624-1642[2].]

J’ai passé les dernières années du ministère du cardinal Mazarin[3] dans l’oisiveté que laisse d’ordinaire la disgrâce[4] : pendant ce temps[5], j’ai écrit ce que j’ai vu des troubles de la Régence. Bien que ma fortune soit changée, je ne jouis pas d’un moindre loisir : j’ai voulu l’employer à écrire des événements plus éloignés[6], où le hasard m’a souvent donné quelque part.

J’entrai dans le monde quelque temps devant[7] la disgrâce de la Reine mère, Marie de Médicis[8]. Le roi Louis XIII, son fils, avoit une santé faible, que les fatigues de la chasse avaient usée avant l’âge ; ses incommodités augmentoient[9] ses chagrins et les défauts de son humeur[10] : il étoit sévère, défiant, haïssant le monde ; il vouloit être gouverné et portoit[11] impatiemment de l’être. Il avoit un esprit de détail appliqué uniquement à de petites choses[12], et ce qu’il savait de la guerre convenait plus à un simple officier qu’à un roi.

Le cardinal de Richelieu gouvernait l’État, et il devait toute son élévation à la Reine mère. Il avait l’esprit vaste et pénétrant, l’humeur âpre et difficile ; il était libéral[13], hardi dans ses projets, timide pour sa personne. Il voulut établir l’autorité du Roi et la sienne propre par la ruine des huguenots et des grandes maisons du Royaume, pour attaquer ensuite la maison d’Autriche et abaisser une puissance si redoutable à la France[14]. Tout ce qui n’était pas dévoué à ses volontés était exposé à sa haine, et il ne gardait point de bornes pour élever ses créatures ni pour perdre ses ennemis[15]. La passion qu’il avait eue depuis[16] longtemps pour la Reine s’était convertie en dépit[17] : elle avait de l’aversion pour lui, et il croyait que d’autres attachements ne lui étaient pas désagréables. Le Roi était naturellement jaloux, et sa jalousie, fomentée par celle du cardinal de Richelieu[18], aurait suffi pour l’aigrir contre la Reine, quand même la stérilité de leur mariage1 et l’incompatibilité de leurs humeurs n’y auraient pas contribué. La Reine était aimable de sa personne ; elle avait de la douceur, de la bonté et de la politesse ; elle n’avait rien de faux dans l’humeur ni dans l’esprit[19] ; et, avec beaucoup de vertu, elle ne s’offensait pas d’être aimée[20]. Mme de Chevreuse[21] était attachée à elle depuis longtemps par tout ce qui lie deux personnes de même âge et de mêmes sentiments[22]. Cette liaison a produit tant de choses extraordinaires qu’il me paraît nécessaire de rapporter ici quelques-unes de celles qui s’étaient passées devant le temps dont je dois parler.

Mme de Chevreuse avait beaucoup d’esprit, d’ambition et de beauté ; elle était galante, vive, hardie, entreprenante; elle se servait de tous ses charmes pour réussir dans ses desseins[23], et elle a presque toujours porté malheur aux personnes qu’elle y a engagées[24]. Elle avait été aimée du duc de Lorraine, et personne n’ignore qu’elle n’ait été[25] la première cause des malheurs que ce prince et ses États ont éprouvés si longtemps[26]. Mais si l’amitié de Mme de Chevreuse a été dangereuse à M. de Lorraine, elle ne la[27] fut pas moins à la Reine dans la suite. La cour était à Nantes, et on était sur le point de conclure le mariage de Monsieur avec Mademoiselle de Montpensier[28]. Ce temps, qui semblait être destiné à la joie, fut troublé par l’affaire de Chalais[29]. Il avait été nourri auprès du Roi, et était maître de la garde-robe[30] ; sa personne et son esprit étaient agréables, et il avait un attachement extraordinaire pour Mme de Chevreuse[31]. Il fut accusé d’avoir eu dessein contre la vie du Roi, et d’avoir proposé à Monsieur de rompre son mariage, dans la vue d’épouser la Reine, aussitôt qu’il serait parvenu à la couronne. Bien que ce crime ne fût pas entièrement prouvé[32], Chalais eut la tête tranchée[33] ; et le Cardinal, qui voulait intimider la Reine, et lui faire sentir le besoin qu’elle avait de ménager sa passion, n’eut pas de peine à persuader au Roi qu’elle et Mme de Chevreuse n’avaient pas ignoré le dessein de Chalais, et il est certain que le Roi en est demeuré persuadé toute sa vie[34].

D’autres sujets animèrent encore le Roi et le Cardinal contre la Reine et contre Mme de Chevreuse : le comte d’Hollande[35] vint en France, ambassadeur extraordinaire d’Angleterre, pour traiter le mariage du roi son maître[36] avec Madame, sœur du Roi[37] ; il était jeune, bien fait[38], et il plut à Mme de Chevreuse. Pour honorer leur passion, ils formèrent le dessein de faire[39] une liaison d’intérêts et même de galanterie entre la Reine et le duc de Bouquinquan[40], bien qu’ils ne se fussent jamais vus. Les difficultés d’une telle entreprise n’étonnèrent point ceux qui y avaient le principal intérêt : la Reine était telle que je l’ai dépeinte, et le duc de Bouquinquan était favori du roi d’Angleterre, jeune, libéral, audacieux, et l’homme du monde le mieux fait. Mme de Chevreuse et le comte de Hollande trouvèrent toutes les facilités qu’ils désiraient auprès de la Reine et auprès du duc de Bouquinquan : il se fit choisir pour venir en France épouser Madame au nom du roi son maître, et il y arriva avec plus d’éclat, de grandeur et de magnificence que s’il eût été roi. La Reine lui parut encore plus aimable que son imagination ne lui avait pu représenter, et il parut à la Reine l’homme du monde le plus digne de l’aimer[41]. Ils employèrent la première audience de cérémonie à parler d’affaires qui les touchaient plus vivement que celles des deux couronnes, et ils ne furent occupés que des intérêts de leur passion. Ces heureux commencements furent bientôt troublés : le duc de Montmorency[42] et le duc de Bellegarde[43], qui étaient soufferts de la Reine, en furent méprisés ; et quelque brillante que fût la cour de France, elle fut effacée en un moment par l’éclat du duc de Bouquinquan. L’orgueil et la jalousie du cardinal de Richelieu furent également blessés de cette conduite de la Reine, et il donna au Roi toutes les impressions qu’il était capable de recevoir contre elle : on ne songea plus qu’à conclure promptement le mariage, et à faire partir le duc de Bouquinquan. Lui, de son côté, retardait le plus qu’il lui était possible[44], et se servait de tous les avantages de sa qualité d’ambassadeur pour voir la Reine, sans ménager les chagrins du Roi ; et même, un soir que la cour était à Amiens et que la Reine se promenait assez seule dans un jardin, il y entra avec le comte d’Hollande, dans le temps que la Reine se reposait dans un cabinet ; ils se trouvèrent seuls ; le duc de Bouquinquan était hardi et entreprenant ; l’occasion était favorable, et il essaya d’en profiter avec si peu de respect, que la Reine fut contrainte d’appeler ses femmes, et de leur laisser voir une partie du trouble et du désordre où elle était[45]. Le duc de Bouquinquan partit bientôt après, passionnément amoureux de la Reine et tendrement aimé d’elle ; il la laissait[46] exposée à la haine du Roi et aux fureurs du cardinal de Richelieu, et il prévoyait que leur séparation devait être éternelle. Il partit enfin sans avoir eu le temps de parler en particulier[47] à la Reine ; mais, par un emportement que l’amour seul peut rendre excusable[48], il revint à Amiens le lendemain de son départ, sans prétexte et avec une diligence extrême. La Reine était au lit : il entra dans sa chambre et, se jetant à genoux devant elle et fondant en larmes, il lui tenait les mains ; la Reine n’était pas moins touchée, lorsque la comtesse de Lannoy, sa dame d’honneur, s’approcha du duc de Bouquinquan et lui fit apporter un siège, en lui disant qu’on ne parlait point à genoux à la Reine. Elle fut témoin du reste de la conversation, qui fut courte. Le duc de Bouquinquan remonta à cheval en sortant de chez la Reine et reprit le chemin d’Angleterre[49]. On peut croire aisément ce qu’une conduite si extraordinaire fit dans la cour, et quels prétextes elle fournit au Cardinal pour aigrir encore le Roi contre la Reine.

Les choses étaient dans[50] ces termes, quand la reine d’Angleterre partit pour aller trouver le roi son mari ; elle fut menée par le duc et par la duchesse[51] de Chevreuse. Le duc de Bouquinquan eut dans cette réception tout le sujet[52] qu’il désirait de faire paraître sa magnificence et celle d’un royaume dont il était le maître, et il reçut Mme de Chevreuse avec tous les honneurs qu’il aurait pu rendre à la Reine qu’il aimait. Elle quitta bientôt la cour du roi d’Angleterre[53], et revint en France avec le duc son mari ; elle fut reçue du Cardinal comme une personne dévouée à la Reine et au duc de Bouquinquan ; il essaya néanmoins de la gagner, et de l’engager à le servir[54] auprès de la Reine ; il crut même quelque temps qu’elle lui était favorable[55] ; mais il ne se fiait pas assez à ses promesses pour ne se pas assurer par d’autres précautions. Il voulut en prendre même du côté du duc de Bouquinquan ; et sachant qu’il avait eu un long attachement, en Angleterre, pour la comtesse de Carlille[56], le Cardinal sut ménager si adroitement l’esprit fier et jaloux de cette femme, par la conformité de leurs sentiments et de leurs intérêts, qu’elle devint le plus dangereux espion du duc de Bouquinquan. L’envie de se venger de son infidélité et de se rendre nécessaire au Cardinal la portèrent à tenter toutes sortes de voies pour lui donner des preuves certaines de ce qu’il soupçonnait de la Reine. Le duc de Bouquinquan était, comme j’ai dit[57], galand[58] et magnifique ; il prenait beaucoup de soin de se parer aux assemblées ; la comtesse de Carlille, qui avait tant d’intérêt de l’observer, s’aperçut bientôt qu’il affectait de porter des ferrets de diamants qu’elle ne connaissait pas[59] ; elle ne douta point que la Reine[60] ne les lui eût donnés ; mais pour en être encore plus assurée, elle prit le temps, à un bal, d’entretenir en particulier le duc de Bouquinquan, et de lui couper les ferrets, dans le dessein de les envoyer au Cardinal. Le duc de Bouquinquan s’aperçut le soir de ce qu’il avait perdu, et jugeant d’abord que la comtesse de Carlille avait pris les ferrets, il appréhenda les effets de sa jalousie, et qu’elle ne fût capable de les remettre entre les mains du Cardinal pour perdre la Reine. Dans cette extrémité, il dépêcha à l’instant même un ordre de fermer tous[61] les ports d’Angleterre, et défendit que personne n’en sortît, sous quelque prétexte que ce pût être, devant un temps qu’il marqua ; cependant il fit refaire en diligence des ferrets semblables à ceux qu’on lui avait pris, et les envoya à la Reine, en lui rendant compte de ce qui était arrivé. Cette précaution de fermer les ports retint la comtesse de Carlille, et elle vit bien que le duc de Bouquinquan avait eu tout le temps dont il avait besoin pour prévenir sa méchanceté. La Reine évita de cette sorte la vengeance de cette femme irritée, et le Cardinal perdit un moyen assuré de convaincre la Reine et d’éclaircir le Roi de tous ses doutes, puisque les ferrets venaient de lui et qu’il les avait donnés à la Reine[62].

Le Cardinal songeait alors à former le dessein de détruire le parti des huguenots et à faire[63] le siège de la Rochelle. Cette guerre a été si amplement décrite, qu’il serait inutile d’en dire ici les particularités ; on sait assez que le duc de Bouquinquan vint avec une puissante flotte pour secourir la Rochelle, qu’il attaqua l’île de Ré sans la prendre, et qu’il se retira après un succès malheureux ; mais tout le monde ne sait pas que le Cardinal accusa la Reine d’avoir concerté cette entreprise avec le duc de Bouquinquan, pour faire la paix des huguenots, et pour lui donner prétexte de revenir à la cour et de revoir la Reine. Ces projets du duc de Bouquinquan furent inutiles : la Rochelle fut prise[64] et il fut assassiné peu de temps après son retour en Angleterre[65]. Le Cardinal triompha inhumainement de cette mort ; il dit des choses piquantes de la douleur de la Reine, et il recommença[66] d’espérer.

Après la prise de la Rochelle et la ruine des huguenots, le Roi alla à Lyon pour donner ordre aux affaires d’Italie et secourir Cazal[67]. J’entrai dans le monde ence temps-là[68], comme j’ai dit[69] ; je revins à la cour, de l’armée d’Italie, où j’étais mestre de camp du régiment d’Auvergne, et je commençai à remarquer avec quelque attention ce que je voyais. La mésintelligence de la Reine mère et du cardinal de Richelieu paraissait déjà, et on prévoyait qu’elle devait avoir de grandes suites ; mais il était malaisé d’en prévoir l’événement. La Reine mère avertit le Roi que le Cardinal était amoureux de la Reine sa femme : cet avis fit son effet, et le Roi en fut vivement touché ; il parut même disposé[70] à chasser le Cardinal et demanda à la Reine mère qui on pourrait mettre à sa place dans le ministère ; elle hésita, et ne lui osa nommer personne, soit qu’elle appréhendât que ses créatures ne lui fussent pas agréables ou qu’elle n’eût pas pris ses mesures avec celui qu’elle y voulait établir. Cette faute de la Reine mère causa sa perte et sauva le Cardinal : le Roi, paresseux et timide, craignit le poids des affaires, et de manquer d’un homme capable de l’en soulager, et le Cardinal eut tout le temps et tous les moyens nécessaires pour dissiper la jalousie du Roi et pour se garantir des mauvais offices de la Reine mère. Cependant, il n’oublia rien pour la fléchir, ne se voyant pas encore en état de la détruire ; elle, de son côté, fit semblant de se réconcilier sincèrement[71] avec lui ; mais la haine dura toujours[72].

Le Roi tomba alors[73] dans cette[74] dangereuse maladie où tout le monde désespéra de sa santé. La Reine mère, le voyant dans cette extrémité, songea à prévenir le Cardinal ; elle résolut de le faire arrêter prisonnier au moment de la mort du Roi, et de le mettre à Pierre-Encise[75], sous la garde de M. d’Alincourt[76], gouverneur de Lyon. On a dit que le Cardinal avait su depuis, par le duc de Montmorency, le nom et les divers avis de tous ceux qui avaient assisté au conseil que la Reine avait tenu contre lui, et que, dans la suite, il les avait punis des mêmes peines qu’ils lui voulaient faire souffrir.

La cour était revenue à Paris après la convalescence du Roi, et la Reine mère, présumant trop de son pouvoir, éclata de nouveau contre le Cardinal, à la journée des Dupes[77]. Cette journée fut nommée ainsi par les révolutions[78] qu’elle produisit, dans le temps que l’autorité de la Reine paroissoit plus établie[79], et que le Roi, pour être plus près d’elle et pour lui rendre plus de soins, s’étoit logé à l’hôtel des ambassadeurs extraordinaires[80], auprès de Luxembourg[81]. Un jour que le Roi étoit renfermé[82] seul avec la Reine, elle renouvela ses plaintes contre le Cardinal, et déclara qu’elle ne le pouvoit plus souffrir[83] dans les affaires ; pendant que la conversation s’échauffoit, le Cardinal entra ; la Reine, en le voyant, ne put retenir sa colère ; elle lui reprocha son ingratitude, les trahisons[84] qu’il lui avait faites, et lui défendit de se présenter devant elle. Il se jeta à ses pieds, et essaya de la fléchir par ses soumissions et par ses larmes ; mais tout fut inutile, et elle demeura ferme dans sa résolution.

Le bruit de cette disgrâce du Cardinal se répandit aussitôt ; personne ne douta qu’il ne fût entièrement perdu, et toute la cour en foule vint trouver la Reine mère pour prendre part à son triomphe imaginaire. On se repentit bientôt de cette déclaration, quand on sut que le Roi était allé ce même jour[85] à Versailles[86], et que le Cardinal l’y avait suivi. Il avait balancé s’il y devait aller ; mais le cardinal de La Valette[87] le détermina à ne pas perdre le Roi de vue et à tout hasarder pour se maintenir. On conseilla à la Reine d’y accompagner le Roi et de ne le laisser pas exposé, dans une telle conjoncture, à ses propres incertitudes et aux artifices du Cardinal ; mais la crainte de s’ennuyer à Versailles et d’y être mal logée lui parut une raison insurmontable, et lui fit rejeter un avis si nécessaire[88]. Le Cardinal sut profiter habilement de cette occasion, et il s’empara de telle sorte de l’esprit du Roi qu’il le fit consentir à la chute de la Reine sa mère. Elle fut arrêtée prisonnière bientôt après[89], et ses malheurs ont duré autant que sa vie[90]. On les sait assez, et qu’elle enveloppa dans sa perte un grand nombre de personnes de qualité. Le grand prieur de Vendôme[91] et le maréchal d’Ornane[92] étaient morts en prison quelque temps auparavant ; le duc de Vendôme[93] y était encore ; la princesse de Conti[94] et le duc de Guise, son frère[95], furent chassés ; le maréchal de Bassompierre fut mis à la Bastille[96] ; le maréchal de Marillac[97] eut la tête tranchée ; on ôta les sceaux à son frère[98] pour les donner à M. de Châteauneuf[99]. La révolte de Monsieur fit périr le duc de Montmorency sur un échafaud[100] ; le garde des sceaux de Châteauneuf, qui avait été nourri page du connétable de Montmorency, son père, fut contraint d’être son juge[101] ; il fut arrêté prisonnier lui-même bientôt après[102], et Mme de Chevreuse fut reléguée à Tours, n’ayant de crime l’un et l’autre que d’être attachés à la Reine, et d’avoir fait avec elle des railleries piquantes du Cardinal[103]. Le duc de Bellegarde, grand écuyer, avait suivi Monsieur. Mon père se trouva exposé, comme la plus grande partie de la cour, à la persécution[104] du Cardinal ; il fut soupçonné d’être dans les intérêts de Monsieur, et il eut ordre d’aller dans une maison qu’il avait auprès de Blois.

Tant de sang répandu et tant de fortunes renversées[105] avaient rendu odieux le ministère du cardinal de Richelieu ; la douceur de la régence de Marie de Médicis était encore présente, et tous les grands du Royaume, qui se voyaient abattus, croyaient avoir passé de la liberté à la servitude. J’avais été nourri dans ces sentiments, et je m’y confirmai encore par ce que je viens de dire : la domination du cardinal de Richelieu me parut injuste, et je crus que le parti de la Reine était le seul qu’il[106] fût honnête de suivre. Elle était malheureuse et persécutée, et le Cardinal était plutôt son tyran que son amant ; elle me traitait avec beaucoup de bonté et de marques d’estime[107] et de confiance. J’étais dans une grande liaison d’amitié avec Mlle de Hautefort[108], qui était fort jeune et d’une beauté surprenante : elle avait beaucoup de vertu et de fidélité pour ses amis ; elle était particulièrement attachée à la Reine et ennemie du Cardinal. Le Roi avait paru amoureux d’elle, presque aussitôt qu’elle était sortie de l’enfance ; mais, comme cet amour ne ressemblait pas à celui des autres hommes, la vertu de cette jeune personne ne fut jamais attaquée[109]. Elle acquit plus de réputation que de bien dans le cours de cette galanterie, et le Roi lui témoignait plus de passion par de longues et pénibles assiduités et par sa jalousie, que par les grâces qu’il lui faisait. Elle me parlait de tous ses intérêts et de tous ses sentiments avec une confiance entière, bien que je fusse fort jeune ; et elle obligea[110] la Reine à me dire toutes choses sans réserve. Mlle de Chemerault, fille de la Reine[111], était fort jeune et d’une beauté admirable ; les agréments de son esprit ne plaisaient pas moins que sa beauté : elle était gaie, vive, moqueuse, mais sa raillerie était toujours fine et délicate. La Reine l’aimait ; elle était amie particulière de Mlle de Hautefort et la mienne, et elle contribuait encore à notre liaison[112]. De moindres raisons auraient suffi pour éblouir un homme qui n’avait presque[113] jamais rien vu, et pour l’entraîner dans un chemin si opposé à sa fortune. Cette conduite m’attira bientôt l’aversion du Roi et du Cardinal, et commença une longue suite de disgrâces, dont ma vie a été agitée, et qui m’ont donné souvent plus de part qu’un particulier n’en devait avoir à des événements considérables ; mais, comme je ne prétends pas écrire l’histoire, ni parler de moi que dans ce qui a du rapport aux personnes avec qui j’ai été lié d’intérêt et d’amitié, je ne toucherai que les choses où j’ai été mêlé, puisque le reste est assez connu.

La guerre fut déclarée au roi d’Espagne en l’année 1635, et les maréchaux de Châtillon[114] et de Brezé[115] entrèrent en Flandre, avec une armée de vingt mille hommes, pour se joindre au prince d’Orange[116] qui commandait celle de Hollande ; il était généralissime, et ces deux corps assemblés faisaient plus de quarante mille hommes. Devant cette jonction, l’armée du Roi seule avait gagné la bataille d’Avéne[117] et défiait les troupes d’Espagne, commandées par le prince Thomas[118]. Plusieurs jeunes gens de qualité étaient volontaires dans[119] cette occasion ; j’étais du nombre[120]. Une si heureuse victoire donna de la jalousie au prince d’Orange, et mit de la division[121] entre lui et les maréchaux de Châtillon et de Brezé. Au lieu de tirer avantage d’un tel succès et de maintenir sa réputation, il fit piller et brûler Tirlemont[122], pour décrier les armes du Roi et les charger d’une violence si peu nécessaire ; il assiégea Louvain, sans avoir dessein de le prendre, et affaiblit tellement l’armée de France par les fatigues continuelles et par le manque[123] de toutes choses, qu’à la fin de la campagne, elle ne fut plus en état de retourner seule par le chemin qu’elle avait tenu, et elle fut contrainte de revenir par mer. Je revins avec ce qu’il y avait de volontaires, et je leur portai malheur, car nous fûmes tous chassés, sur le prétexte[124] qu’on parlait trop librement de ce qui s’était passé dans cette campagne[125] ; mais la principale raison fut le plaisir que sentit le Roi de faire dépit à la Reine et à Mlle de Hautefort en m’éloignant de la cour.

La seconde année de cette guerre donna beaucoup de prétextes[126] aux ennemis du cardinal de Richelieu de condamner sa conduite. On avait considéré la déclaration de la guerre et le dessein qu’un si grand ministre avait formé depuis si longtemps d’abattre la maison d’Autriche comme une entreprise hardie et douteuse ; mais alors elle parut folle et téméraire : on voyait que les Espagnols avaient pris sans résistance la Capelle, le Catelet et Corbie[127] ; que les autres places des frontières[128] n’étaient ni mieux munies ni mieux fortifiées, que les troupes étaient faibles et mal disciplinées, qu’on manquait de poudres et d’artillerie, que les ennemis étaient entrés en Picardie et pouvaient marcher à Paris[129]. On s’étonnait encore que le Cardinal eût exposé si légèrement la réputation du Roi et la sûreté de l’État, sans prévoir tant de malheurs, et qu’il n’eût d’autre ressource, dans la seconde année de la guerre, que de faire convoquer l’arrière-ban[130]. Ces bruits, répandus dans tout le Royaume, réveillèrent les cabales, et donnèrent lieu aux ennemis du Cardinal de former des desseins contre son autorité, et même contre sa vie.

Cependant le Roi marcha à Amiens, avec ce qu’il put rassembler de troupes ; Monsieur était auprès de lui. Il donna le commandement de son armée au comte de Soissons[131], jeune prince bien fait de sa personne, d’un esprit médiocre et défiant, fier, sérieux, et ennemi du cardinal de Richelieu : il avait méprisé son alliance, et refusé d’épouser Mme de Combalet, sa nièce[132]. Ce refus, plus que toutes les bonnes qualités du comte de Soissons, lui attirait l’estime et l’amitié de tout ce qui n’était pas[133] dépendant du Cardinal. Saint-Ibar[134], Varicarville[135] et Bardouville[136], gens difficiles et factieux, affectant[137] une vertu austère, et peu sociables, s’étaient rendus maîtres de l’esprit de ce prince[138] ; ils avaient fait une liaison étroite de Monsieur et de lui contre le Cardinal, par l’entremise du comte de Montrésor[139], qui suivait en tout, par une imitation affectée, les manières et les sentiments de Saint-Ibar et de Varicarville.

Quelque considérable que fût cette union de Monsieur et de Monsieur le Comte, elle était néanmoins trop faible pour ébranler la fortune du Cardinal par des intrigues : on eut recours à d’autres voies, et ils résolurent de le tuer quand ils pourraient le faire sûrement. L’occasion s’en présenta bientôt après : un jour que le Roi tint conseil dans un petit château, à une lieue d’Amiens, où Monsieur, Monsieur le Comte et le Cardinal se trouvèrent, le Roi sortit le premier, pour retourner à Amiens, et quelques affaires ayant retenu plus d’une demi-heure le Cardinal avec ces deux princes, ils furent pressés par Saint-Ibar, par Montrésor et par Varicarville d’exécuter leur entreprise ; mais la timidité de Monsieur et la faiblesse de Monsieur le Comte la rendirent vaine : le Cardinal connut le péril où il était ; le trouble parut sur son visage, il laissa Monsieur et Monsieur le Comte ensemble et partit avec précipitation. J’étais présent, et bien que je ne susse rien de leurs desseins, je m’étonnai[140] que le Cardinal, prévoyant et timide comme il était, se fût exposé à la merci de ses ennemis, et qu’eux aussi, qui avaient tant d’intérêt à sa perte, eussent laissé échapper une occasion si sûre et si difficile à retrouver[141].

Les progrès des Espagnols furent bientôt arrêtés : le Roi reprit Corbie[142], et la campagne finit plus heureusement qu’elle n’avait commencé. Il ne me fut pas permis de passer l’hiver à la cour, et je fus obligé d’aller trouver mon père, qui demeurait[143] dans ses maisons, et dont la disgrâce particulière n’était pas finie.

Mme de Chevreuse était alors reléguée à Tours, comme j’ai dit. La Reine lui avait donné bonne opinion de moi : elle souhaita de me voir, et nous fûmes bientôt dans une très grande liaison d’amitié. Cette liaison ne fut pas plus heureuse pour moi qu’elle l’avait été pour tous ceux qui en avaient eu avec elle[144] : je me trouvai[145] entre la Reine et Mme de Chevreuse ; on me permettait[146] d’aller à l’armée sans me permettre de demeurer à la cour, et en allant ou en revenant, j’étais souvent chargé, par l’une et par l’autre, de commissions périlleuses.

La disgrâce de mon père cessa enfin, et je revins avec lui auprès du Roi, dans le temps qu’on accusait la Reine d’avoir une intelligence avec le marquis de Mirabel, ministre d’Espagne[147]. On en fit un crime d’État à la Reine, et elle se vit exposée à une sorte de persécution qu’elle n’avait point encore[148] éprouvée : plusieurs de ses domestiques furent arrêtés[149], ses cassettes furent prises, Monsieur le Chancelier[150] l’interrogea comme une simple criminelle[151], on proposa de la renfermer au Havre, de rompre son mariage et de la répudier. Dans cette extrémité, abandonnée de tout le monde, manquant de toute sorte[152] de secours, et n’osant se confier qu’à Mlle de Hautefort et à moi, elle me proposa de les enlever toutes deux, et de les emmener à Bruxelles[153]. Quelque difficulté et quelque péril qui me parussent dans un tel projet, je puis dire qu’il me donna plus de joie que je n’en avais eu de ma vie : j’étais en un âge où on aime[154] à faire des choses extraordinaires et éclatantes, et je ne trouvais pas que rien le fût davantage que d’enlever en même temps la Reine au Roi, son mari, et au cardinal de Richelieu, qui en était jaloux, et d’ôter Mlle de Hautefort au Roi, qui en était amoureux. Heureusement, les choses changèrent : la Reine ne se trouva pas coupable, l’interrogation du Chancelier la justifia[155], et Mme d’Aiguillon adoucit le cardinal de Richelieu ; mais il était nécessaire de faire savoir promptement toutes ces choses à Mme de Chevreuse, pour l’empêcher de prendre l’alarme et de chercher[156] à se mettre en sûreté. On avait fait jurer à la Reine de n’avoir aucun commerce avec elle, et il n’y avait que moi qui la pût informer de tout ce qui s’était passé. La Reine me laissa ce soin : je pris prétexte[157] de retourner chez mon père, où ma femme[158] était malade, et je promis à la Reine de rassurer Mme de Chevreuse et de lui faire savoir tout[159] ce dont elle me chargeait. Dans le temps que je lui parlais, et qu’elle n’avait pas achevé tout ce qu’elle avait à me dire, Mme de Seneçay[160], sa dame d’honneur, qui était ma parente[161] et de mes amies, était seule à la porte du cabinet, pour nous empêcher d’être surpris. M. des Noyers[162] entra avec un papier qu’il devait faire signer à la Reine, où les règles de sa conduite vers le Roi[163] étaient amplement déduites[164] ; et je n’eus que le temps, voyant M. des Noyers, de prendre congé de la Reine ; j’allai ensuite le prendre du Roi.

La cour était alors à Chantilly[165], et le Cardinal à Royaumont[166] ; mon père était auprès du Roi : il pressait mon départ, par la crainte qu’il avait que l’attachement que j’avais à la Reine[167] ne nous attirât de nouveaux embarras. Lui et M. de Chavigny[168] me menèrent à Royaumont ; ils n’oublièrent rien l’un et l’autre pour me représenter les périls où ma conduite, qui était depuis longtemps désagréable au Roi et suspecte au Cardinal, pouvait jeter ma maison, et ils me dirent positivement que je ne reviendrais jamais à la cour si je passais à Tours, où était Mme de Chevreuse, et si je ne rompais tout commerce[169] avec elle. Cet ordre si précis me mit dans une peine extrême. Ils m’avertirent que j’étais observé et qu’on serait exactement averti de tout ce que je ferais : j’étais néanmoins chargé si expressément de la Reine de faire savoir à Mme de Chevreuse ce qui s’était passé dans la déposition du Chancelier, que je ne me pouvais dispenser[170] de lui en donner avis. Je promis à mon père et à M. de Chavigny que je ne verrais point Mme de Chevreuse : je ne la vis pas en effet ; mais je priai Craft[171], gentilhomme anglais, de ses amis et des miens, de l’avertir de ma part qu’on m’avait défendu de la voir, et qu’il était nécessaire qu’elle envoyât un homme sûr, par qui je lui pusse mander ce que je n’osais lui aller dire à Tours. Elle fit ce que je désirais, et elle fut informée de tout ce que la Reine avait dit au Chancelier, et de la parole qu’il avait donnée à la Reine, qu’elle et Mme de Chevreuse seraient désormais en repos, à condition de n’avoir plus aucun commerce ensemble.

Cette tranquillité ne leur dura pas longtemps, par une méprise bizarre, qui replongea Mme de Chevreuse dans des disgrâces qui l’ont accompagnée pendant dix ou douze ans, et qui ont causé les miennes particulières, par un enchaînement d’accidents que je n’ai pu éviter. Pendant que Monsieur le Chancelier interrogeait la Reine à Chantilly, et qu’elle craignait le plus le succès[172] de cette affaire, elle craignait aussi que Mme de Chevreuse ne s’y trouvât embarrassée ; et Mlle de Hautefort était convenue avec elle que, quand elle lui enverrait des Heures reliées de vert, ce serait une marque que les affaires de la Reine prendraient des voies de douceur et d’accommodement ; mais que si elle lui envoyait des Heures reliées de rouge, ce serait avertir Mme de Chevreuse de pourvoir à sa sûreté, et de sortir du Royaume avec le plus de diligence qu’elle pourrait. Je ne sais laquelle des deux se méprit ; mais au lieu d’envoyer à Mme de Chevreuse les Heures[173] qui la devaient rassurer[174], celles qu’elle reçut lui firent croire que la Reine et elle étaient perdues : de sorte que, sans consulter davantage et sans se souvenir de ce que je lui avais mandé, elle se résolut de se sauver en Espagne. Elle confia ce secret à l’archevêque de Tours[175], qui était un vieillard de quatre-vingts ans, plus zélé pour elle qu’il ne convenait à un homme de son âge et de sa profession ; il était de Béarn, et avait des parents sur la frontière d’Espagne : il donna à Mme de Chevreuse une route[176], et les lettres de créance qu’il crut lui être nécessaires. Elle se déguisa en homme, et partit à cheval[177], sans femmes[178], et accompagnée de deux hommes seulement ; la précipitation de son départ lui fit oublier, en changeant d’habit, d’emporter avec elle les lettres de créance et la route que l’archevêque de Tours lui avait données, et elle ne s’en aperçut qu’après avoir fait cinq ou six lieues. Cet accident lui fit changer de dessein, et ne sachant quel parti prendre, elle vint en un jour sur les mêmes chevaux, à une lieue de Verteuil[179], où j’étais. Elle m’envoya un de ses gens me dire son dessein d’aller en Espagne, qu’elle avait perdu sa route, qu’elle me priait instamment de ne la point voir, de peur de la faire connaître, et de lui donner des gens fidèles et des chevaux[180]. Je fis à l’instant même ce qu’elle désirait, et j’allais[181] seul la trouver sur son chemin, pour savoir plus précisément d’elle les raisons d’un départ si opposé à tout ce que je lui avais fait savoir ; mais, comme on avait vu un homme parler à moi en particulier, sans avoir voulu dire son nom, on crut aussitôt que j’avais querelle[182], et il me fut impossible de me débarrasser de beaucoup de gentilshommes qui me voulaient suivre, et qui l’auraient peut-être reconnue : de sorte que je ne la vis point, et elle fut conduite sûrement en Espagne, après avoir évité mille périls, et après avoir fait paraître plus de pudeur et plus de cruauté à une dame chez qui elle logea en passant, que les hommes faits comme elle semblait être n’ont accoutumé d’en avoir[183]. Elle me renvoya de la frontière[184], par un de mes gens, pour deux cent mille écus de pierreries, me priant de les recevoir en don si elle mourait, ou de les lui rendre si elle me les envoyait demander[185]. Le lendemain que Mme de Chevreuse fut partie, un courrier de Monsieur son mari[186] arriva à Tours, pour lui confirmer ce que je lui avais mandé de l’accommodement de la Reine ; il était même chargé pour elle de quelques compliments de la part du Cardinal. Cet homme, étonné de ne la point trouver, s’adressa à l’archevêque de Tours, et lui dit qu’on se prendrait à lui de cette fuite. Ce bon homme, épouvanté de ces menaces et affligé de l’absence de Mme de Chevreuse, dit tout ce qu’il savait au courrier et l’informa du chemin qu’elle devait tenir ; il dépêcha encore d’autres gens après elle, et lui écrivit tout ce qu’il crut capable de la faire revenir ; mais ce voyage, qui avait été entrepris par une fausse alarme, fut continué par la perte de cette route dont j’ai parlé ; son malheur et le mien lui firent quitter le chemin où on l’aurait sans doute retrouvée, et lui fit prendre celui de Verteuil, pour me charger si à contretemps de son passage en Espagne. Cette fuite[187], si surprenante dans un temps où les affaires de la Reine s’étaient terminées avec beaucoup de douceur, renouvela les soupçons du Roi et du Cardinal, et ils crurent, avec apparence, que Mme de Chevreuse n’aurait pas pris un parti si extraordinaire, si la Reine ne l’avait jugé nécessaire pour leur commune sûreté. Elle, de son côté, ne pouvait deviner la cause de cette retraite, et plus on la pressait d’en dire les raisons, et plus elle craignait que le raccommodement ne fût pas sincère, et qu’on n’eût voulu s’assurer de Mme de Chevreuse pour découvrir par sa déposition ce qu’on n’avait pu apprendre par la sienne. Cependant on dépêcha le président Vignier[188] pour informer de la fuite de Mme de Chevreuse : il alla à Tours et suivit la route qu’elle avait tenue, et vint à Verteuil, où j’étais, interroger mes domestiques et moi sur ce qu’on prétendait que j’avais enlevé Mme de Chevreuse, et que je l’avais fait conduire dans un royaume ennemi. Je répondis, conformément à la vérité, que je n’avais point vu Mme de Chevreuse, que je n’étais point responsable d’un dessein qu’elle avait pris sans ma participation, et que je n’avais pas dû refuser à une personne de cette qualité et de mes amies[189] des gens et des chevaux qu’elle m’avait envoyé demander ; mais toutes mes raisons ne m’empêchèrent pas de recevoir[190] un ordre d’aller à Paris pour rendre compte de mes actions[191]. J’y obéis aussitôt, pour porter moi seul la peine de ce que j’avais fait, et pour n’exposer pas mon père à la partager avec moi si je n’obéissais pas.

Le maréchal de la Meilleraye[192] et M. de Chavigny, qui étaient de mes amis, avaient un peu adouci le Cardinal : ils m’avaient représenté, bien qu’il ne fût pas vrai, comme un jeune homme lié à Mme de Chevreuse par un attachement plus fort et plus indispensable encore que celui de l’amitié, et donnèrent envie au Cardinal de me parler lui-même, pour essayer de tirer de moi tout ce que je saurais[193] de cette affaire. Je le vis, et il me parla avec beaucoup de civilité, en exagérant néanmoins la grandeur de ma faute, et quelles en pourraient[194] être les suites, si je ne la réparais par l’aveu de tout ce que je savais : je lui répondis dans le même sens de ma déposition, et comme je lui parus plus réservé et plus sec qu’on n’avait accoutumé de l’être avec lui, il s’aigrit, et me dit assez brusquement que je n’avais donc qu’à aller à la Bastille. J’y fus mené le lendemain par le maréchal de la Meilleraye, qui me servit avec beaucoup de chaleur dans tout le cours de cette affaire et qui tira parole du Cardinal que je n’y serais que huit jours[195].

Ce peu de temps que j’y demeurai me représenta plus vivement que tout ce que j’avais vu jusqu’alors l’image affreuse de la domination du Cardinal[196]. J’y vis le maréchal de Bassompierre[197], dont le mérite et les agréables qualités étaient si connues[198] ; j’y vis le maréchal de Vitry[199], le comte de Cramail[200], le commandeur de Jars[201], le Fargis[202], le Coudray-Montpensier[203], Vautier[204], et un nombre infini de gens de toutes conditions et de tous sexes, malheureux et persécutés par une longue et cruelle prison[205]. La vue de tant d’objets pitoyables augmenta encore la haine naturelle que j’avais pour l’administration du cardinal de Richelieu. Le maréchal de la Meilleraye me vint tirer de la Bastille, huit jours après m’y avoir mené, et j’allai avec lui à Ruel[206] remercier le Cardinal de la liberté qui m’était rendue[207]. Je le trouvai froid et sérieux ; je n’entrai point[208] en justification sur ma conduite : il me parut qu’il en était piqué ; et je me trouvai bien heureux d’être sorti de prison dans un temps où personne n’en sortait, et de retourner[209] à Verteuil sans qu’on eût été averti que j’étais chargé des pierreries de Mme de Chevreuse.

La Reine me fit paraître avec tant de bonté qu’elle ressentait vivement tout ce qui m’arrivait pour son service, et Mlle de Hautefort me donna tant de marques d’estime et d’amitié, que je trouvai mes disgrâces trop bien payées. Mme de Chevreuse, de son côté, ne me témoignait pas une moindre reconnaissance, et elle avait tellement exagéré ce que j’avais fait pour elle, que le roi d’Espagne[210] l’alla voir, sur la nouvelle de ma prison, et lui fit encore une seconde visite quand on apprit ma liberté. Les marques d’estime que je recevais des personnes à qui j’étais le plus attaché, et une certaine approbation que le monde donne assez facilement aux malheureux quand leur conduite n’est pas honteuse, me firent supporter avec quelque douceur un exil de deux ou trois années[211]. J’étais jeune ; la santé du Roi et celle du Cardinal s’affaiblissaient, et je devais tout attendre d’un changement. J’étais heureux dans ma famille ; j’avais à souhait tous les plaisirs de la campagne[212] ; les provinces voisines étaient remplies d’exilés, et le rapport de nos fortunes et de nos espérances rendait notre commerce agréable. On me permit enfin d’aller à l’armée après la prise d’Hesdin[213]. Le reste de la campagne[214] fut considérable par le combat de Saint-Nicolas[215], qui fut grand et opiniâtre, et par l’enlèvement de deux mille Cravates[216] auprès de Saint-Venant[217], où vingt-cinq ou trente volontaires de qualité soutinrent seuls, sur une digue, tout l’effort des ennemis, et les repoussèrent quatre ou cinq fois, à coups d’épée, jusques dans les barrières de leur camp. Sur la fin de cette campagne, où on avait dit du bien de moi au cardinal de Richelieu[218], sa haine commençait à se ralentir ; il voulut même m’attacher dans ses intérêts ; le maréchal de la Meilleraye m’offrit de sa part de me faire servir de maréchal de camp, et me fit voir de grandes espérances ; mais la Reine m’empêcha d’accepter cet avantage, et elle désira instamment que je ne reçusse point de grâce du Cardinal qui me pût ôter la liberté d’être contre lui quand elle se trouverait en état de paraître ouvertement son ennemie. Cette marque de la confiance de la Reine me fit renoncer avec plaisir à tout ce que la fortune me présentait ; je remerciai le maréchal de la Meilleraye avec tout le ressentiment[219] que je devais à ses bons offices, et je retournai à Verteuil sans voir la cour. J’y demeurai un temps considérable, dans une sorte de vie inutile, et que j’aurais trouvée trop languissante, si la Reine, de qui je dépendais, n’eût réglé elle-même cette conduite, et ne m’eût ordonné de la continuer, dans l’espérance d’un changement qu’elle prévoyait.

Ce changement ne devait toutefois[220] être prévu que par la mauvaise santé du Cardinal, puisque d’ailleurs son autorité dans le Royaume et son pouvoir sur l’esprit du Roi augmentaient tous les jours ; et même, dans le temps que le Roi partit pour aller faire le siège de Perpignan[221], il[222] fut sur le point d’ôter ses enfants à la Reine pour les faire élever au bois de Vincennes[223], et il ordonna, s’il venait à mourir dans le voyage, qu’on les remît entre les mains du Cardinal.

Les malheurs de Monsieur le Grand[224] fournirent alors une nouvelle scène. Sa faveur était devenue suspecte au cardinal de Richelieu, qui l’avait commencée ; il connut bientôt la faute qu’il avait faite de faire chasser Mlle de Hautefort[225] et Mlle de Chemerault[226], qui ne lui pouvaient nuire auprès du Roi, et d’y établir un jeune homme ambitieux, fier par sa fortune, plus fier encore par son élévation naturelle et par son esprit, mais peu capable d’être retenu par la reconnaissance des avantages que le maréchal d’Effiat, son père[227], et lui avaient reçus du cardinal de Richelieu. Monsieur le Grand était extrêmement bien fait ; il était étroitement engagé avec Mme la princesse Marie, depuis reine de Pologne[228], qui était une des plus aimables personnes du monde. Dans le temps que sa vanité devait être le plus flattée de plaire à cette princesse, elle, de son côté, souhaitait ardemment de l’épouser, et dans ce temps, dis-je, où l’un et l’autre paraissaient entraînés par la violence de leur passion, le caprice, qui dispose presque toujours de la fidélité des amants[229], retenait depuis longtemps la princesse Marie dans un attachement particulier[230] pour…[231] , et Monsieur le Grand aimait éperdument Mlle de Chemerault ; il lui persuadait même qu’il avait dessein de l’épouser, et il lui en donnait des assurances par des lettres qui ont causé de grandes aigreurs après sa mort entre Mme la princesse Marie et elle, dont j’ai été témoin.

Cependant, l’éclat du crédit de Monsieur le Grand réveilla les espérances des mécontents : la Reine et Monsieur s’unirent à lui ; le duc de Bouillon[232] et plusieurs personnes de qualité firent la même chose[233]. Tant de prospérités pouvaient aisément éblouir un homme de vingt-deux ans ; mais on ne doit pas pardonner à la Reine, à Monsieur, ni au duc de Bouillon, d’en avoir été assez éblouis eux-mêmes pour se laisser entraîner par Monsieur le Grand à ce funeste traité d’Espagne dont on a tant parlé[234]. La manière qui le fit découvrir est encore douteuse, et, sans m’arrêter aux divers soupçons qu’on a eus de la fidélité ou du secret de ceux qui le savaient, il vaut mieux s’attacher à une opinion innocente, et croire que ce traité fut trouvé dans la malle du courrier d’Espagne, que l’on ouvre presque toujours en passant à Paris. M. de Thou[235] n’en avait encore aucune connaissance, lorsqu’il vint me trouver de la part de la Reine pour m’apprendre sa liaison avec Monsieur le Grand, et qu’elle lui avait promis que je serais de ses amis ; M. de Thou me fit aussi beaucoup d’avances de Monsieur le Grand, et je me trouvai dans ses intérêts sans l’avoir presque jamais vu. Je ne dirai point ici la suite malheureuse de leurs projets : on la sait assez. La mort de Monsieur le Grand et de M. de Thou ne ralentit pas les poursuites du Cardinal contre tous ceux qui avaient eu part au traité d’Espagne. Le comte de Montrésor avait été accusé par Monsieur de l’avoir su, et il se vit contraint de sortir du Royaume ; il en chercha longtemps inutilement les moyens, et plusieurs de ses amis lui refusèrent le secours qu’il leur avait demandé dans cette rencontre[236]. Nous étions dans une grande liaison[237] d’amitié ; mais comme j’avais déjà été[238] mis en prison pour avoir fait passer Mme de Chevreuse en Espagne, il était périlleux vers le Cardinal de retomber dans une semblable faute, et même pour sauver un homme qui était déclaré criminel. Je m’exposais par là tout de nouveau à de plus grands embarras encore que ceux dont je venais de sortir. Ces raisons néanmoins cédèrent à l’amitié que j’avais pour le comte de Montrésor, et je lui donnai une barque et des gens qui le menèrent sûrement en Angleterre. J’avais préparé une pareille assistance au comte de Béthune[239], qui n’était pas seulement mêlé, comme le comte de Montrésor, dans l’affaire de Monsieur le Grand, mais qui était même assez malheureux pour être accusé, bien que ce fût injustement, d’avoir révélé le traité d’Espagne ; il était prêt de suivre le comte de Montrésor en Angleterre, et je m’attendais à ressentir les effets de la haine du cardinal de Richelieu, que je ne m’attirais cependant, par tant de rechutes, que par la nécessité indispensable de faire mon devoir.

La conquête du Roussillon, la chute de Monsieur le Grand et de tout son parti, la suite de tant d’heureux succès, tant d’autorité et tant de vengeances[240], avaient rendu le cardinal de Richelieu également redoutable à l’Espagne et à la France[241]. Il revenait à Paris comme en triomphe ; la Reine craignait les effets de son ressentiment ; le Roi même ne s’était pas réservé assez de pouvoir pour protéger[242] ses propres créatures : il ne lui restait presque plus que Tréville[243] et Tilladet[244] en qui il eût confiance, et il fut contraint de les chasser pour satisfaire le Cardinal. La santé du Roi s’affaiblissait tous les jours ; mais celle du Cardinal était déplorée[245], et il mourut le 4 décembre, en l’année 1642[246].

Quelque joie que dussent recevoir ses ennemis de se voir à couvert de tant de persécutions, la suite a fait connaître que cette perte fut très-préjudiciable à l’État, et que, puisqu’il[247] en avait osé changer la forme en tant de manières, lui seul la pouvait maintenir utilement, si son administration et sa vie eussent été de plus longue durée. Nul que lui n’avait bien connu jusqu’alors toute la puissance du Royaume, et ne l’avait su remettre entière entre les mains du Souverain. La sévérité de son ministère avait répandu beaucoup de sang, les grands du Royaume avaient été abaissés, les peuples avaient été chargés d’impositions ; mais la prise de la Rochelle, la ruine du parti huguenot, l’abaissement de la maison d’Autriche, tant de grandeur dans ses desseins, tant d’habileté[248] à les exécuter, doivent étouffer les ressentiments particuliers, et donner à sa mémoire les louanges qu’elle a justement méritées[249].

    de Randan, était fille d’une grand’tante paternelle de l’auteur des Mémoires. En 1661, le Roi érigea, en sa faveur, le comté de Randan en duché-pairie. Elle avait épousé, en 1607, Henri de Baufremont, baron, puis marquis de Senecé, qui présida la chambre de la noblesse aux états généraux de 1614. Née en 1588, elle mourut le 10 mal 1677. Le P. Rapin, dans ses mémoires (tome I, p. 36 et 37), parle de la marquise de Senecé comme d’une adversaire très-zélée des jansénistes.

  1. Voyez, au tome I, dans la Notice bibliographique, sous quels titres ont été imprimés, de 1662 à 1838, les Mémoires de la Rochefoucauld. — La partie du récit qui va de la page 1 à la page 129 est restée inédite jusqu’en 1817. Elle a été publiée à part, cette année-là, par Renouard, comme annexe à son édition des Mémoires, de 1804 ; puis insérée dans les collections de Petitot (1826), et de Michaud (1838). Elle a pour titre, dans la 1re édition (1817) : « Première partie, jusqu’à ce jour inédite et publiée sur le manuscrit de l’auteur ; » chez Petitot, simplement : « Première partie ; » chez Michaud : « Première partie , d’après le texte découvert en 1817. » Dans le manuscrit D de la Roche-Guyon, dont la présente édition reproduit le texte, on lit, en tête de la page 1 des Mémoires, une note marginale, d’une vieille écriture, ainsi conçue : « Ici commencent les Mémoires non imprimés, lesquels finissent à la page 111, » qui correspond, nous l’avons dit, à la page 129 de notre volume. — Jusqu’à cette page 129, nous donnons en note les variantes, fort peu considérables, des trois éditions antérieures à la nôtre : au sujet de leur texte, voyez la Notice qui précède.
  2. Dans les § I et II, qui sont la partie la plus ancienne des Mémoires, non par la date de la composition, l’auteur va nous le dire, mais par celle des faits racontés, la Rochefoucauld remonte, en intervertissant parfois l’ordre des événements, à l’année 1624. Ce n’est qu’à partir de 1630 qu’il raconte ceux auxquels il a eu part ou qui tout au moins se sont accomplis sous ses yeux ou à ses côtés.
  3. C’est-à-dire de 1652 à 1661. — Grièvement blessé d’un coup de feu au combat du faubourg Saint-Antoine, le 2 juillet 1652, le duc de la Rochefoucauld fut longtemps à se guérir. L’inaction à laquelle il se vit alors condamné sembla venir à point pour le délier d’une fidélité, désormais embarrassante et stérilement héroïque, envers Condé et ceux des Frondeurs qui voulaient être ou paraître irréconciliables. Voyez, au tome I, la Notice biographique.
  4. Après avoir passé l’année 1653 à Damvilliers, en Lorraine (voyez p. 137, note 6), la Rochefoucauld obtint en 1654 la permission de revenir en France et se retira dans sa terre de Verteuil, en Poitou. En 1659, il reparut à Paris, guéri des aventures politiques, qui ne lui avaient guère réussi, et dorénavant tout entier au commerce des lettres et du monde.
  5. Ces temps. (1817, 1826, 1838.)
  6. La Rochefoucauld a refondu du même coup son premier récit de ce qu’il avait « vu des troubles de la Régence. » Voyez la Notice en tête de ce volume et le fragment primitif des Mémoires placé à l’Appendice, n° I.
  7. Avant. (1817, 26, 38.)
  8. Voyez ci-après, p. 16-18.
  9. Augmentoient aussi. (1817, 26, 38.)
  10. Mme de Motteville, au tome I de ses Mémoires (p. 9), dit que Louis XIII était, dans sa jeunesse, « fort beau, fort bien fait, » et que d’abord la Reine sa femme « le trouva fort aimable, » mais que « les fatigues qu’il prit depuis à la chasse, ses longues maladies et son chagrin naturel l’avoient, sur la fin de sa vie, infiniment changé. »
  11. Et portoit quelquefois. (1817, 26, 38.)
  12. Rapprochez des maximes 41 et 569, tome I, p. 46 et p. 248.
  13. II n’étoit pas libéral ; mais il donnoit plus qu’il ne promettoit, et il assaisonnoit admirablement les bienfaits. » (Mémoires du cardinal de Retz, tome I, p. 281 et 282.)
  14. « Deux desseins que je trouve presque aussi vastes que ceux des Césars et des Alexandres. » (ibidem, tome I, p. 227.)
  15. « La fortune des grands de la cour dépendoit de la faveur du Ministre ; les établissements n’y étoient solides qu’à mesure qu’on lui étoit dévoué. » (Mémoires du chevalier de Gramont, 1830, in-8°, p. 19.)
  16. Le mot depuis n’est pas dans les textes de 1817, 26, 38.
  17. Rapprochez de la maxime III et de la 8e des Réflexions diverses, tome I, p. 78 et 301.
  18. Voyez les Mémoires de Retz, tome I, p. 104 et io5, et surtout ceux de Mme de Motteville, tome I, p. 28 et 29.
  19. Rapprochez du mot de Mme de Sévigné à sa fille (Lettres, tome II, p. 285) : « Je dis que vous êtes vraie. » — Voyez aussi la 3e des Réflexions diverses : De l’air et des manières, tome I, p. 286-290.
  20. « Elle a l’esprit galant, et, à l’exemple de l’infante Clara-Kugenia (fille de Philippe II), elle goûteroit fort cette belle galanterie qui, sans blesser la vertu, est capable d’embellir la cour. » (Mme de Motteville, Portrait d’Anne d’Autriche, en tête du tome I des Mémoires, p. xxxi.) — Voyez la maxime 277 (tome I, p. 146), où la Rochefoucauld parle, en connaisseur qu’il était, de « l’occupation d’une intrigue, » de « l’émotion d’esprit que donne la galanterie, » et de « la pente naturelle au plaisir d’être aimées. » — Comparez aussi le portrait d’Anne par Retz, tome II, p. 174 et 176.
  21. Marie de Rohan, fille d’Hercule de Rohan, duc de Montbazon, et de Madeleine de Lenoncourt, était née en 1600, et mourut en 1679. Demeurée veuve du connétable de Luynes en 1621 , elle s’était remariée, à la fin de 1622, à Claude de Lorraine, duc de Chevreuse, qui était le quatrième fils de Henri duc de Guise, le Balafré, et en faveur de qui le duché de Chevreuse avait été érigé en pairie en 1612. — Mme de Chevreuse n’avait pas seulement le génie et le goût de l’intrigue ; elle savait comprendre les arts et les encourager, et V. Cousin, dans l’étude qu’il lui a consacrée, a très-bien fait ressortir les divers côtés de cette nature féminine, si étrange à la fois et si complexe. Cette ex-frondeuse eut, entre autres mérites dont la postérité doit lui tenir compte, celui de travailler à la fortune de Colbert, dont elle avait deviné la valeur, et à la fille duquel elle n’hésita pas à donner en mariage son petit-fils, le duc de Chevreuse.
  22. Voyez les Mémoires de Mme de Motteville, tome I, p. 11 et 12.
  23. Le cardinal de Retz (tome II, p. 184 et 185) trace de la duchesse de Chevreuse un portrait où parait avant tout la malignité habituelle du peintre : Son mérite en politique « ne fut, dit il, que d’occasion. Si elle fût venue dans un siècle où il n’y eût point eu d’affaires, elle n’eût pas seulement imaginé qu’il y en pût avoir. Si le prieur des Chartreux lui eût plu, elle eût été solitaire de bonne foi. M. de Lorraine, qui s’y attacha, la jeta dans les affaires ; le duc de Buckingham et le comte de Holland l’y entretinrent ; M. de Châteauneuf l’y amusa. Elle s’y abandonna, parce qu’elle s’abandonnoit à tout ce qui plaisoit à celui qu’elle aimoit. »
  24. Amelot de la Houssaye dit, dans la préface de l’édition de 1689, que l’on comparait la duchesse « au cheval de Séjan, dont tous les maîtres avoient eu une fin malheureuse. » Voyez Aulu-Gelle, livre III, chapitre ix. — Comme le fait observer V. Cousin (Madame de Chevreuse, p. 12), si Mme de Chevreuse a porté malheur à tous ceux qu’elle a aimés, « il est encore plus vrai de dire que tous ceux qu’elle a aimés l’ont précipitée, à leur suite, dans des entreprises téméraires. »
  25. N’ignora qu’elle n’ait été. (1817.) — N’ignoroit qu’elle n’eût été. (1826, 38.)
  26. La brouille du duc de Lorraine Charles III (ou IV) avec Richelieu est antérieure à l’arrivée de Mme de Chevreuse à Nancy, mais, par son étonnante activité et ses rares facultés politiques, elle agrandit la querelle et amena entre la Lorraine, l’Empire, l’Angleterre et la Savoie cette ligue contre le Cardinal dont lord Montaigu, introduit plus loin dans le récit, fut l’agent le plus actif et le négociateur principal. Le maréchal de la Force, dans ses Mémoires (tome III, p. 55), dit que ce duc Charles III de Lorraine était une épine que le Roi prit « résolution de s’ôter du pied. »
  27. Elle ne le fut pas moins. (1817, 26, 38.)
  28. Gaston duc d’Orléans, frère du Roi, né en 1608, mort on 1660, épousa, le 6 août 1626, Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier, qui était fille unique de Henri de Bourbon, duc de Montpensier, et de Renée d’Anjou, et qui mourut le 4 juin 1627, cinq jours après avoir mis au monde la grande Mademoiselle.
  29. Henri de Talleyrand, comte de Chalais, né en 1599, était d’une ancienne maison souveraine du Périgord, et petit-fils, par sa mère, du maréchal de Montluc. Il avait épousé, en 1623, Charlotte de Castille, veuve de Charles de Chabot, comte de Charny.
  30. Le fils aîné de la Rochefoucauld, François VII, fut nommé à cette charge en 1672, quarante-six ans après la mort de Chalais.
  31. Chalais aimait « follement la favorite de la Reine », dit Mme de Motteville, tome I, p. 24.
  32. « Pas entièrement » est loin d’en dire assez. Cette accusation, au moyen de laquelle Richelieu, comme va le dire la Rochefoucauld, voulut intimider la Reine, ne fut pas même suivie lors du procès ; la ligue, dont Mme de Chevreuse était l’âme, et qui réunit le duc d’Orléans, le maréchal d’Ornano, le comte de Soissons, César de Vendôme et le grand prieur de Vendôme, n’allait qu’à se défaire du Cardinal. On sait que la Reine eut à comparaître devant un conseil, et que Mme de Chevreuse reçut l’ordre de sortir de France. La duchesse se retira, dans l’automne de 1626 en Lorraine, d’où elle continua la lutte contre Richelieu.
  33. Le 19 août 1626, à Nantes.
  34. Voyez plus loin, p. 56 ; voyez aussi les Mémoires de la Porte, p. 302 et 303. — Il paraît certain, quoique la Rochefoucauld ne nous le dise pas, que c’était la Reine qui, pour faire rompre le mariage de Monsieur avec Marie de Bourbon Montpensier, avait donné le premier branle à cette intrigue, sans trop prévoir jusqu’où la pourraient conduire des esprits entreprenants et peu scrupuleux sur les moyens. Quant à Chalais, qui eut la faiblesse de compromettre dans ses réponses, pour se rétracter ensuite, Mme de Chevreuse et la Reine elle-même, il n’eut en réalité qu’un rôle très-secondaire dans le complot, et paya pour ceux qu’on ne pouvait ou qu’on ne voulait atteindre. — Consultez, au reste, sur ce célèbre procès, les pièces publiées par V. Cousin dans Madame de CHevreuse (Appendice, notes du chapitre II).
  35. Ou plutôt de Rolland , comme on a imprimé dans les collections Petitot et Michaud ; mais lui-même écrivait son nom de façon à lui donner un air français. Quelques lignes plus bas, notre manuscrit porte, sans élision, de Hollande. — Henri Rich, lord Kensington, de la maison de Warwick, fait comte de Holland en septembre 1624, joua un rôle dans la révolution d’Angleterre, et périt en 1649 sur l’échafaud.
  36. Charles Ier, qui avait succédé, au mois d’avril 1625, à son père, Jacques Ier. Le comte de Holland était déjà venu en France, pour négocier ce mariage, en février 1624, antérieurement à l’affaire de Chalais, et lorsque Charles n’était encore que prince de Galles. Le voyage dont parle la Rochefoucauld est celui qu’il fit en 1625, comme ambassadeur extraordinaire, avec le comte de Carlisle. Voyez Un projet de mariage royal, par M. Guizot, X-XIII.
  37. Henriette-Marie, celle dont Bossuet a fait l’oraison funèbre. Elle fut mariée à Notre-Dame, le 11 mai 1626, par le cardinal François de la Rochefoucauld, frère du bisaïeul de notre auteur, qui mourut en 1643, à l’âge de quatre-vingt-huit ans, après avoir été successivement évêque de Clermont, puis de Senlis, grand aumônier de France, et chef du conseil du Roi.
  38. « Un des plus beaux hommes du monde, dit la Porte (p. 295), mais d’une beauté efféminée. »
  39. Ils firent dessein de former. (1817, 26, 38.)
  40. Georges Villiers, duc de Buckingbam. Nous conservons l’orthographe du manuscrit D ; c’est aussi celle de Tallemant (tome II, p. 9), et elle indique la prononciation du temps : d’où ce jeu de mots de la Ménipée de Francion, pièce satirique insérée par M. Éd. Fournier dans ses Variétés historique et littéraires (tome X, p. 267- 284) : « Ce n’est pas un vieux boucquin, boucquin (inquam). »
  41. « Le duc de Buckingham fut le seul qui eut l’audace d’attaquer son cœur Il étoit bien fait, beau de visage ; il avoit l’âme grande ; il étoit magnifique, libéral, et favori d’un grand roi. Il avoit tous ses trésors à dépenser, et toutes les pierreries de sa couronne pour se parer. Il ne faut pas s’étonner si, avec tant d’aimables qualités, il eut de si hautes pensées, de si nobles, mais si dangereux et si blâmables désirs, et s’il eut le bonheur de faire avouer à cette belle reine que si une honnête femme avoit pu aimer un autre que son mari, celui-là auroit été le seul qui lui auroit pu plaire. Les louanges que je lui donne, je les ai entendues de la Reine même ; car c’est la personne du monde dont je lui ai oui dire le plus de bien. Il est donc sans doute à présumer que ses respects ne furent point importuns, et que ses vœux furent reçus avec quelque sentiment de complaisance. » (Mme de Motteville, tome I, p. 14 et 15.)
  42. Henri II de Montmorency, fils du connétable Henri I, maréchal depuis 1630, fut décapité à Toulouse, le 30 octobre 1632. Il était né à Chantilly en 1595.
  43. Roger de Saint-Lary, duc de Bellegarde, grand écuyer de France, gouverneur de Bourgogne. Il mourut en 1646, à quatre-vingt-quatre ans. Sur cet « antique galant », comme l’appelle Mme de Motteville (tome I, p. 14), voyez Tallemant des Réaux, tome I, p. 59 et suivantes, et les Œuvres de Malherbe, tome I, p. 298-296.
  44. Il partit de Paris le 2 juin 1625, avec la reine Marie-Henriette, le duc et la duchesse de Chevreuse, etc. ; il y était arrivé le 31 mai.
  45. Voyez le récit à peu près conforme de la Porte (p. 296 et 297), et celui de Mme de Motteville (tome I, p. 15 et 16). Tallemant des Réaux (tome II, p. 10) charge l’incident à sa façon ; Retz (tome III, p. 237 et 238, édition Champollion, 1859) le raconte aussi d’une manière inexacte, et transporte la scène, en l’aggravant beaucoup, dans le petit jardin du Louvre.
  46. Laissa. (1817, 26, 38.)
  47. Les mots en particulier ne sont pas dans l’édition de 1817.
  48. Rapprochez des maximes 546 et 638, tome I, p. 232 et p. 266.
  49. Mme de Motteville (tome I, p. 18) raconte cette entrevue d’une manière un peu différente quant aux détails ; elle dit que la Reine, « sans peut-être être trop en colère », ordonna sévèrement à Buckingham de se lever et de sortir. Elle parle de la même manière que la Rochefoucauld de l’intervention de « la comtesse de Lannoy, alors sa dame d’honneur, sage, vertueuse et âgée, qui étoit au chevet de son lit. » — Le récit, moins vraisemblable, de la Porte (p. 298 et 299) s’écarte plus de celui de notre auteur ; selon lui, Buckingham et le comte de Holland, qu’il fait entrer ensemble, « demeurèrent beaucoup plus tard que la bienséance ne le permettoit à des personnes de cette condition, lorsque les Reines sont au lit ; et cela obligea Mme de la Boissière(a), première dame d’honneur de la Reine, de se tenir auprès de Sa Majesté tant qu’ils y furent, ce qui leur déplaisoit fort. Toutes les femmes et tous les officiers de la chambre ne se retirèrent qu’après que ces Messieurs furent sortis. »

    (a) II y avait une branche de Lannoy de la Boissière.

  50. En. (1817, 26, 38.)
  51. Par le duc et la duchesse. (1826, 38.)
  52. Toute l’occasion. (1817, 26, 38.)
  53. La cour d’Angleterre. (1826, 38.)
  54. De la gagner à le servir. (1817, 26, 38.)
  55. Mme de Motteville, si impartiale toutes les fois que l’honneur de sa reine n’est pas en cause, assure (tome I, p. 51) que le Cardinal s’était laissé toucher aux provoquants attraits de Mme de Chevreuse, et que ce n’était pas seulement par des raisons politiques qu’il désirait se concilier son ennemie. Lors de l’arrestation de Châteauneuf, qui eut lieu peu de temps après (voyez plus loin, p. 19), on saisit un grand nombre de lettres où la duchesse racontait, en se moquant, au garde des sceaux, son adorateur, les empressements et les jalousies du Cardinal. Voyez V. Cousin, Madame de Chevreuse, p. 96 et suivantes.
  56. Lucie, seconde fille du comte Henri de Northumberland, et seconde femme de lord Hay, comte de Carlisle, qui l’avait épousée en novembre 1617.
  57. Comme je l’ai dit. (1817, 26, 38.)
  58. Telle est l’orthographe du manuscrit D.
  59. Qu’elle ne lui connoissoit pas. (1817, 26, 38.)
  60. Que la reine de France. (Ibidem.)
  61. Le mot tous n’est pas dans les éditions de 1817, 26, 38.
  62. La Rochefoucauld est, à notre connaissance, le seul écrivain du temps qui fasse mention de cette histoire des ferrets, où V. Cousin (Madame de Chevreuse, p. 64, note) ne veut voir qu’une anecdote romanesque recueillie dans des bruits de salon, tout en disant, d’autre part (p. 58), qu’il ne l’admet ni ne la rejette.
  63. Formoit alors le dessein de détruire et de faire. (1817, 26, 38.)
  64. En octobre 1628.
  65. Le 2 septembre 1628, par Felton, à Portsmouth, au moment où il se préparait à revenir avec une flotte au secours de la Rochelle.
  66. Triompha inhumainement de cette mort, dit des choses piquantes..., et recommença. (1817, 26, 38.)
  67. Casal était alors assiégé par les Espagnols. Voyez les Mémoires de la Force (tome III, chapitre xvi), un des trois maréchaux qui commandaient à tour de rôle l’armée de secours.
  68. Dans ce temps-là. (1817, 26, 38.)
  69. Voyez p. 2.
  70. Même être disposé. (Ibidem.)
  71. Le mot sincèrement n’est pas dans l’édition de 1817
  72. Dura toujours entre eux. (1817, 26, 38.)
  73. A la fin de septembre 1630, à Lyon, après la campagne de Savoie. Voyez, dans les Mémoires de Mathieu Molé (tome II, p. 28 et suivantes), une lettre du garde des sceaux de Marillac à Molé sur la maladie du Roi et sa guérison.
  74. Dans une. (1817, 26, 38.)
  75. Prison d’Etat, située sur la rive droite de la Saône, au haut d’un rocher, à l’entrée de Lyon. Elle a été démolie en 1792.
  76. Charles de Neufville d’Alincourt, marquis de Villeroy. Après avoir été, pendant la Ligue, gouverneur de Pontoise, puis prévôt de Paris, il se rallia à Henri IV, qui l’envoya, en 1600, ambassadeur à Rome ; il mourut en 1642.
  77. 10 novembre 1630. — Voyez les Mémoires de Mme de Motteville, tome I, p. 45, où, en note, on a imprimé par erreur 1631 pour 1630. Consultez aussi, sur cette fameuse journée des Dupes, la relation du duc de Saint-Simon, à qui son père, un des principaux acteurs dans l’affaire, en avait raconté les détails (Ed. Fournier, Variétés historiques et littéraires, tome IX, p. 309-326).
  78. Par les résolutions. (1817.)
  79. Le plus établie. (1817, 26, 38.)
  80. Cet hôtel qui avait appartenu au maréchal d’Ancre, était situé rue de Tournon (là où est maintenant la caserne de la garde de Paris).
  81. De Luxembourg, et non du Luxembourg, comme portent les trois éditions antérieures. On disait alors Luxembourg sans article ; le mot se lit ainsi chez Molière (les Fâcheux, acte III, scène III), chez Mme de Sévigné (tome II, p. 180 et note 6 ; tome III, p. 9 et note 10), dans les Mémoires de Mme de Motteville, de Retz, de Saint-Simon, etc. — Le palais venait d’être construit, sur les dessins de Jacques de Brosse, pour Marie de Médicis. Les travaux avaient été poussés avec beaucoup d’activité, et il put être habité dès 1620. La Reine mère n’y demeura que peu d’années ; elle le quitta, pour n’y jamais rentrer, au commencement de l’année 1631. Voyez le Palais du Luxembourg, par M. Alphonse de Gisors, 1847, p. 35 et p. 45, et Piganiol, Description de Paris, 1765, in-8°, tome VII. Le nom de Luxembourg, qui s’est conservé jusqu’à présent, vient d’un propriétaire antérieur du domaine, le duc de Pinei-Luxembourg.
  82. Un jour qu’il étoit enfermé. (1817, 26, 38.)
  83. Qu’elle ne pouvoit plus le souffrir. (Ibidem.)
  84. Et les trahisons. (1817, 26, 38.)
  85. Le même jour. (Ibidem.)
  86. Louis XIII avait fait bâtir à Versailles, en 1624, un pavillon, pour lui servir de rendez-vous de chasse ; puis il avait acquis un terrain, où il fit construire en briques un petit château duquel Bassompierre disait qu’un simple gentilhomme ne saurait prendre vanité ; le château actuel ne fut commencé qu’en 1661.
  87. Louis de Nogaret, fils du duc d’Epernon, né en 1593. Nommé archevêque de Toulouse en 1614, il fut fait cardinal en 1621, se démit de son archevêché en 1627, sans avoir reçu les ordres sacrés, commanda les armées, et mourut en 1639.
  88. Si salutaire. (1817, 2G, 38.)
  89. A Compiègne, le 23 février 1631. Voyez à ce sujet Mme de Motteville, tome I, p. 46 et suivantes.
  90. Le 19 juillet 1631, elle se sauva de nuit et alla en Flandre, auprès de l’infante Clara-Eugenia, gouvernante des Pays-Bas, tante d’Anne d’Autriche ; ensuite elle se retira en Angleterre, puis en Hollande ; elle mourut misérablement à Cologne, le 3 juillet 1643, à l’âge de soixante-huit ans. Voyez, au tome I, p. 332, la 17e des Réflexions diverses : Des événements de ce siècle.
  91. Alexandre de Vendôme, grand prieur de France, plus jeune de quatre ans que le duc son frère (voyez ci-après la note 5), avec qui il avait été emprisonné, d’abord au château d’Amboise, puis à Vincennes, où il était mort le 9 février 1629.
  92. Jean-Baptiste d’Ornano, maréchal de France, ancien gouverneur de Gaston, duc d’Orléans, était mort au château de Vincennes, le 16 septembre 1626. Nous suivons l’orthographe du manuscrit D ; elle marque la prononciation.
  93. César duc de Vendôme, fils aîné de Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, né en 1594, mort en 1665 ; il ne sortit de prison qu’à la fin de 1629, en résignant son gouvernement de Bretagne.
  94. Louise-Marguerite de Lorraine, fille de Henri de Guise, tué à Blois, seconde femme de François prince de Conti, mort en 1614. Elle fut exilée à Eu, où elle mourut, dit-on, de chagrin.
  95. Charles de Lorraine, quatrième duc de Guise, qui alla dès lors s’établir à Florence. Il avait été emprisonné à Tours en 1588, après l’assassinat de son père à Blois. Il mourut en Italie, en 1640.
  96. Bassompierre resta douze ans en prison (1631-1643). C’est pendant ce laps de temps qu’il écrivit ses Ambassades et ses Mémoires. Né en Lorraine en 1679, il mourut en 1646 — Voyez sur lui l’Historiette de Tallemant des Réaux, tome III, p. 330 et suivantes.
  97. Louis de Marillac, frère consanguin du garde des sceaux (voyez la note suivante), maréchal depuis 1629, fut arrêté en Italie, amené en France, et décapité à Paris, en place de Grève, le 10 mai 1633.
  98. Michel de Marillac, garde des sceaux depuis 1626, fut destitué le lendemain de la journée des Dupes, et transféré à Caen, puis à Lisieux, puis à Châteaudun, où il mourut le 7 août 1632.
  99. Charles de l’Aubespine , marquis de Chateauneuf, nommé garde des sceaux à la place de Marillac, avait été successivement conseiller au Parlement, ambassadeur, chancelier des ordres du Roi.
  100. Voyez ci-dessus, p. 9, note 1.
  101. Il présida à Toulouse la commission qui jugea Montmorency. L’année suivante, il fut destitué et arrêté. Il mourut en 1653. — Ce passage est ainsi construit dans les éditions antérieures : « On ôta les sceaux à son frère, pour les donner à M. de Chateauneuf, qui avoit été nourri page du connétable de Montmorency. La révolte de Monsieur fit périr le duc de Montmorency sur un échafaud, et Châteauneuf fut contraint d’être son juge. »
  102. Il demeura enfermé durant dix années dans le château d’Angoulême.
  103. Assurément c’était là aux yeux du Cardinal un très-grand crime de l’un et de l’autre ; mais on s’explique difficilement que la Rochefoucauld ait pu dire que ce fût le seul. Il est certain que Chateauneuf fut entraîné dans la révolte de Monsieur par la passion de vieillard qu’il ressentait pour la duchesse de Chevreuse. Voyez le chapitre III de Madame de Chevreuse, p. 93 et suivantes. V. Cousin a traduit dans ce chapitre des lettres en chiffre trouvées alors dans les papiers de Chateauneuf. Mme de Chevreuse resta en Touraine près de quatre années, de la fin de 1633 jusqu’au milieu de 1637.
  104. Aux persécutions. (1817. 26, 38.)
  105. Tant de sang répandu et de fortunes renversées, (ibidem.)
  106. Qui, pour qu’il, dans le manuscrit D.
  107. Avec beaucoup de bonté, de marques d’estime. (1817.)
  108. Marie de Hautefort, fille du marquis Charles de Hautefort, et de Renée de Bellay, de la maison de la Flotte Hauterive. Elle fut reçue en 1628, dès l’âge de douze ans, parmi les filles d’honneur de Marie de Médicis. Mme de Motteville, qui fait son portrait au tome I de ses Mémoires (p. 40), dit (p. 49) qu’après la journée des Dupes, Louis XIII fit présent à Anne d’Autriche de Mlle de Hautefort, qu’il avait ôtée à la Reine sa mère, et de Mme de la Flotte sa grand’mère pour dame d’atour. Quelque temps après, il donna à cette belle personne la survivance de cette charge, afin qu’elle pût avoir le titre de dame. » Deux fois disgraciée, en 1640 et en 1644, elle épousa, en 1646, Charles de Schomberg, duc d’Halluin, pair et maréchal de France. Elle mourut en 1691. Voyez, Madame de Hautefort, par V. Cousin. — Les éditions antérieures écrivent d’Hautefort, qui est aussi l’orthographe du nom dans le registre des mariages de l’église Saint-Sulpice pour l’année 1646. La notre est celle du manuscrit D.
  109. Sur ces platoniques amours de Louis XIII, voyez les Mémoires de Montglat (tome I, p. 238), qui dit de même : « L’amour du Roi n’etoit pas comme celui des autres hommes ; » ceux de Mademoiselle, tome I, p. 39-41, et de Mme de Motteville, tome I, p. 40 et 41.
  110. Bien que je fusse fort jeune ; elle obligea. (1817, 26, 38.)
  111. Françoise de Barbezière, demoiselle de Chemerault, épousa en 1644 Macé Bertrand, seigneur de la Bazinière, tresorier de l’Epargne. Tallemant des Réaux (tome IV, p. 429) dit qu’on l’appelait la belle Gueuse.
  112. Mieux informé, la Rochefoucauld eût ajouté à sa peinture quelques traits moins flatteurs. Mlle de Chemerault avait été l’espionne du cardinal de Richelieu auprès de la Reine et de Mme de Hautefort. Voyez les Mémoires de la Porte, p. 393 et 394, et V. Cousin, Madame de Hautefort (chapitre II, p. 45 et 46, et Appendice, p. 351 et suivantes).
  113. Presque manque dans les éditions antérieures.
  114. Gaspard de Coligny, dit le maréchal de Chatillon. petit-fils de l’amiral massacré à la Saint-Bartliélemy, était né en 1584, et mourut en 1646. Il était maréchal de France depuis 1622.
  115. Urbain de Maillé, marquis de Brezé, maréchal de France (1632), né en 1(97, mort en 1650. Il avait épousé une sœur de Richelieu, Nicole du Plessis. Sa fille, Claire-Clémence de Brezé, fut mariée, le II février 1641, au grand Condé.
  116. Frédéric-Henri de Nassau, troisième fils de Guillaume le Taciturne, avait succédé en 1625 à son frère Maurice comme capitaine et amiral-général de l’Union. Il mourut en 1647 ; l’année suivante, l’Espagne reconnaissait l’indépendance des Provinces-Unies.
  117. Avène, ou Avein, comme portent les éditions antérieures, est un bourg de Belgique, à neuf lieues à l’ouest de Liège. La bataille se livra le 20 mai 1635 ; les Espagnols y perdirent de quatre à cinq mille hommes.
  118. Thomas-François de Savoie, prince de Carignan, cinquième fils de Charles-Emmanuel I, duc de Savoie ; né en 1596, il mourut en 1656 ; il avait épousé en 1625 Marie de Bourbon, sœur du comte de Soissons. Mécontent de Richelieu, il venait d’entrer au service de Philippe IV. En 1642, il se réconcilia avec Louis XIII, et fut nommé généralissime des armées françaises en Italie. Il eut deux fils, dont le second fut père du célèbre prince Eugène de Savoie, qui se mit au service de l’empereur Léopold Ier.
  119. En. (1817, 26, 38.)
  120. Il fut même un de ceux qui se comportèrent avec le plus de bravoure daus cette journée.
  121. Et mit la division. (1817, 26, 38.)
  122. Tirlemont ou Tillemont, ville du Brabant méridional, à trois lieues de Louvain, sur la rivière de Geete.
  123. Le manquement. (1817, 26, 38.)
  124. Sous prétexte. (Ibidem.)
  125. Voyez le récit de cette campagne dans les Mémoires de la Force, tome III , chapitres xx-xxii, et dans Montglat, tome I, p, 76 et suivantes.
  126. Prétexte. (1817.)
  127. Petites villes de Picardie, les deux premières aujourd’hui dans l’Aisne, la troisième dans la Somme. Leurs gouverneurs, pour les avoir rendues, furent écarteles en effigie.
  128. Places frontières. (1817, 26, 38.)
  129. On voit dans les Mémoires de la Force (Tome III, chapitre xxii) qu’à ce moment (août i636) la stupeur était générale. On rompit à la hâte tous les ponts sur l’Oise, à Beaumont, à Creil, à Pont-Sainte-Maxence : « L’effroi, dit la Force (p. 174), se coule jusqu’à Paris. » L’année 1636 en garda le nom d’année de Corbie. Voyez aussi les Mémoires de Bussy, tome 1, p. 12 et suivantes, 1867. — On raconte que la panique avait gagné Richelieu lui-même, et qu’il songeait à quitter le ministère. Ce fut le P. Joseph, son familier, qui, dit-on, l’en empêcha, en le traitant de « poule mouillée. » Voyez, l’Art de vérifier les dates, tome I, p. 676 et p. 676 et la note.
  130. Voyez les Mémoires de Montrésor, p. 294.
  131. Louis de Bourbon II, comte de Soissons, qu’on appelait Monsieur le Comte tout court, était petit-fils de Louis Ier prince de Condé et beau-frère du prince Tbomas de Savoie-Carignan. Il périt le 6 juillet 1641, à la bataille de la Marfée. Voyez au tome I (p. 46 et 47) des Mémoires de Mademoiselle, à qui on avait songé à le marier ; et sur sa mort, Tallemant des Beaux, tome II, p. 40.
  132. Marie-Madeleine de Vignerot, fille de Françoise du Plessis, sœur de Richelieu, et de René de Vignerot, seigneur de Pont-Courlay, avait épousé Antoine de Beauvoir, marquis du Roure, seigneur de Combalet, qui fut tué, en 1621, devant Montauban. Elle fut, de 1623 à 1631, dame d’atour de Marie de Médicis. En 1638, le Cardinal acheta pour elle le duhé d’Aiguillon. Elle mourut en 1675. Sur le refus du comte de Soissons d’épouser la nièce de Richelieu, voyez le tome I des Mémoires de Retz, p. 140 et note I.
  133. N’étoit point. (1817, 26, 38.)
  134. Henri d’Escars de Saint-Bonnet, seigneur de Saint-Ibar, ou, comme portent les éditions de 1826 et de 1838, Saint-Ibal, ou encore, comme souvent ses lettres sont signées, Saint-Tibal. Sur ce personnage et les deux suivants, voyez le tome I des Mémoires de Retz, p. 141, notes 1, 2 et 3.
  135. Gentilhomme normand attaché au duc de Longueville. — Les éditions antérieures ajoutent ici Canipion. Ce nom pourrait bien avoir été omis par mégarde dans notre manuscrit. Il y avait deux frères Campion, Alexandre et Henri. Il s’agirait ici du premier, qui fut successivement attaché au comte de Soissons (Retz, tome I, p. 151, l’appelle « son domestique »), au duc César de Vendôme et au duc de Longueville.
  136. Autre gentilhomme normand, un des esprits forts du temps.
  137. Dans le manuscrit, avec accord, affectants.
  138. S’étoient rendus maîtres de ce prince. (1817, 36, 38.)
  139. Claude de Bourdeille, comtte de Montrésor, petit-neveu du célèbre Brantôme, avait gagné la faveur du duc d’Orléans, auprès duquel il remplissait les fonctions de grand veneur. Il fut très-mêlé aux intrigues des adversaires de Richelieu, puis de Mazarin. En 1653, il fit sa paix avec la cour ; il mourut en 1663. Retz (tome I, p. 222) dit qu’il « avoit la mine de Caton, » mais qu’il « n’en avoit pas le jeu. » Voyez aussi Mme de Motteville, tome I, p. 360. On a de lui des Mémoires, que nous avons déjà cités plus haut.
  140. Et partit avec précipitation. Je m’étonnai. (1817, 26, 38.)
  141. Voyez le récit de Retz, tome I, p. 140-142, et surtout celui de Montrésor, p. 296-298.
  142. La place fut remise au comte de Soissons, le 14 novembre l636, après quinze jours de siège. Voyez les Mémoires de la Force, tome III, p. 181-i185. Le Roi avait quitté l’armée à la fin d’octobre.
  143. Qui étoit. (1817, 26, 38.)
  144. Voyez plus haut, p. 5 et la note 3.
  145. Avec elle ; et je me trouvai. (18 17, 26, 38.)
  146. On me permit. (Ibidem.)
  147. En Flandre, et précédemment en France. Voyez Bazin, Histoire de France sous Louis XIII, tome II, p. 448.
  148. Pas encore. (1826, 38.)
  149. Entre autres la Porte, son porte-manteau, qui raconte l’affaire en détail dans ses Mémoires, p. 334 et suivantes.
  150. Pierre Seguier, né en 1588, mort en 1673, garde des sceaux en 1633, chancelier depuis 1635. Voyez ce que dit de lui V. Cousin dans le Journal des savants, 1854, p. 613, et L’Hisiorieite de Talemant des Réaux, tome III, p. 385 et suivantes.
  151. Comme une criminelle. (1817, 26, 38.)
  152. De toutes sortes. (1826, 38.)
  153. « Tout ce récit nous est un peu suspect, dit V. Cousin (Madame de Chevreuse, p. 122). Nous ne pouvons croire que la Reine ait eu la folle idée que lui prête la Rochefoucauld ; il aura pris une plaisanterie pour une proposition sérieuse, et il la rapporte pour se donner, selon sa coutume, un air d’importance. » Il faut pourtant se souvenir que ces temps abondent en traits que nous avons peine à croire aujourd’hui, et que parfois les personnages le plus haut placés ne reculaient pas devant les équipées les plus hardies.
  154. Dans un âge où l’on aime. (1817, 26, 38.)
  155. Mme de Motteville afirme dans ses Mémoires (tome I, p. 66) l’innocence de la Reine « à l’égard du Roi ; » mais elle ajoute qu’elle « étoit coupable, si c’étoit un crime d’avoir écrit au roi d’Espagne, son frère, et à Mme de Chevreuse. » La Porte, un des intermédiaires de la Reine dans la correspondance incriminée, dit (p. 361-367) qu’elle fit des aveux. La culpabilité d’Anne d’Autriche ressort suffisamment des lettres interceptées alors par la police de Richelieu , et qui sont conservées à la Bibliothèque nationale (manuscrits français, n° 3747)- Voyez Madame de Chevreuse, p. 127 et suivantes, et, dans l’Appendice du même ouvrage, les notes du chapitre iii.
  156. Et l’avertir de chercher. (18 17, 26, 38.) — Leçon qui fait un contre-sens dans le récit.
  157. Je pris le prétexte. (1817.)
  158. Andrée de Vivonne : voyez la Notice biographique, en tête du tome 1. La Rochefoucauld se conforme, en ce qui la touche, au conseil contenu dans sa maxime 364 : « On sait assez qu’il ne faut guère parler de sa femme. »
  159. Le mot tout n’est pas dans les éditions antérieures.
  160. Marie-Catherine de la Rochefoucauld, comtesse, puis duchesse
  161. Mme de Senecey (Senecé, 1817), qui étoit sa dame d’honneur, ma parente. (1817, 26, 38.)
  162. Ce nom est écrit de diverses manières dans notre manuscrit ; nous adoptons l’orthographe qui y revient le plus souvent. — François Sublet, seigneur de Noyers, intendant des finances et des bâtiments, puis secrétaire d’Etat au département de la guerre (1636-1643). Il mourut en 1645, et fut inhumé dans l’église du noviciat des Jésuites, qui avait été construite à ses frais (rue du Pot-de-Fer-Saint-Sulpice). Voyez Tallemant des Réaux, tome II, p. 138 et suivantes.
  163. Avec le Roi. (1817, 26, 38.)
  164. V. Cousin nous a donné, dans Madame de Chevreuse (Appendice, p. 421 et 422), la « Copie d’un mémoire écrit de la main du Roi le 17 août (1637), et d’un engagement de la Reine (du même jour) à se conformer à toutes les choses qui lui sont prescrites. »
  165. A deux lieues de Senlis, dans le dépaitement de l’Oise. Le domaine de Chantilly avait été confisqué en 1632 sur Henri de Montmorency. Louis XIII, en donnant à la sœur de celui-ci, Charlotte-Marguerite, princesse de Condé, le duché de Montmorency, s’était réservé le château et la seigneurie de Chantilly, que plus tard Anne d’Autriche lui rendit, nous dira plus loin la Rochefoucauld (p. 81). Voyez, dans la 1re des Réflexlons diverses (tome I, p. 281), la comparaison faite par notre auteur entre la terre de Chantilly et celle de Liancourt.
  166. Abbaye de l’ordre de Citeaux, à une lieue de Luzarches (Seine-et-Oise). Elle avait été fondée en 1228 par saint Louis, dans un lieu nommé Cuimont, « lequel nous avons décrété, dit la charte de fondation conservée à la Bibliothèque nationale, devoir être à l’avenir appelé Royaumont (Regalem montem). » Le cardinal Mazarin fut abbé commendataire de Royaumont, de 1647 à 1650. Richelieu était venu y présider, en 1635, la conférence à la suite de laquelle furent signés les articles de la réforme cistercienne, dits articles de Royaumont . Voyez l’Histoire de Royaumont de M. l’abbé H. Duclos, 1867, 2 vol. in-8.
  167. Avec la Reine. (1817, 2(5, 38.)
  168. Léon Bouthilier, comte de Chavigny et de Buzançois, né en 1608, mort en 1632. Il avait remplacé, en 1632, son père Claude dans la charge de secrétaire d’Etat des affaires étrangères. Le père et le fils furent disgraciés après la mort du Roi. Voyez ci-après, p. 50, et p. 66, note 1.
  169. Et si je ne rompois commerce. (1817, 26, 38.)
  170. Que je ne pouvois me dispenser. (Ibidem.)
  171. Craf dans les éditions antérieures ; il y a Crafst dans notre manuscrit. — Le comte Guillaume Craft avait été envoyé en France par le roi et la reine d’Angleterre, avec lord Montaigu, dont il sera question plus loin. L’un et l’autre passèrent à Paris la fin de l’année 1634 ; puis ils allèrent successivement consoler en Touraine la duchesse de Chevreuse, qui avait déjà fait leur conquête à Londres en 1625 : Craft était alors page de la reine Henriette-Marie. V. Cousin parle assez, longuement de ce galant gentilhomme dans Madame de Chevreuse (p. 115 et suivantes), et donne de curieux extraits de lettres passionnées que Craft, après son départ, adressa de Calais et de Londres à la belle exilée. Gourville le mentionne dans ses Mémoires (p. 369 et 370), à la date de 1663 : « Je trouvai aussi en ce pays-là (eN Angleterre) le milord Craff, qui avoit été fort des amis de M. de la Rochefoucauld à Paris, et à qui j’avois même prêté quelque argent, qu’il m’avoit rendu depuis le rétablissement du Roi. Le milord Craff nous mena à une très-jolie maison de camPague qu’il avoit à dix milles de Londres, sur le bord de la Tamise. »
  172. Le succès, l’issue, comme plus haut, p. 13, ligne 24.
  173. Des Heures. (1817, 26, 38.)
  174. Qui devoient la rassurer. (1826, 38.)
  175. Bertrand d’Eschaux, premier aumônier du Roi ; il avait été antérieurement évêque de Bayonne ; il mourut en 1641, âgé de quatre-vingt-six ans. Tallemant des Réaux parle de lui dans l’ Historiette de M. et Mme de Chevreuse, tome I, p. 402.
  176. Une route, un itinéraire.
  177. Le 6 septembre 1637.
  178. Sans femme. (1817, 26, 38.)
  179. Le mot est écrit, dans notre manuscrit, tantôt Vertoeil et tantôt Verteuil. C’était une terre de l’Angoumois, avec titre de baronnie, appartenant aux la Rochefoucauld. Le château, situé sur la Charente, a été reconstruit en partie dans ces derniers temps. C’est à Verteuil qu’après la mort de notre auteur on conduisit son corps : voyez Mme de Sévigné., tome VL p. 324.
  180. Voici le billet que Mme de Chevreuse écrivit de Ruffec (Charente, à six kilomètres de Verteuil) à la Rochefoucauld, qui reconnut l’écriture : « Monsieur, je suis un gentilhomme françois et demande vos services pour ma liberté et peut-être pour ma vie. Je me suis malheureusement battu. J’ai tué un seigneur de marque. Cela me force de quitter la France promptement, parce qu’on me cherche. Je vous crois assez généreux pour me servir sans me connoître. J’ai besoin d’un carrosse et de quelque valet pour me servir. » (V. Cousin, Madame de Chevreuse., p. 189.)
  181. J’allai. (1826, 38.) — Leçon peut-être préférable ; toutefois, avec le mais qui suit, l’imparfait s’explique.
  182. Que j’allais me battre en duel.
  183. Tallemant des Réaux, tome I, p. 405, rapporte les détails les plus singuliers. Mme de Chevreuse avait alors trente-sept ans, étant née presque avec le siècle, en décembre 1600.
  184. De la frontière d’Espagne. (1817, 26, 38.) — Voyez dans V. Cousin, Madame de Chevreuse (Appendice , p. 436-439), l’Extrait de l’Information de la sortie de Mme de Chevreuse hors de France.
  185. Voyez, dans le tome I, la note 4 de la page 295, et, plus loin, parmi les Lettres, une de notre auteur, en date de septembre 1638, adressée à M. de Liancourt.
  186. Voyez ci-dessus, p. 41 note 3. — Le duc de Chevreuse envoya à Tours, avec autorisation du Cardinal, Boispille ou Boispillé, l’intendant de la maison de Chevreuse, porter à la duchesse une abolition pleine et entière du passé. Il arriva, non pas le lendemain de son départ, mais neuf jours après. Voyez V. Cousin, à l’Appendice de Madame de Chevreuse, p. 428.
  187. Cette affaire. (1817, 26, 38.)
  188. Du parlement de Metz, un des agents les plus sûrs du Cardinal. Vignier interrogea successivement l’archevêque de Tours, le lieutenant général de Tours, Georges Catinat, également ami de Mme de Chevreuse, la Rochefoucauld et ses domestiques, particulièrement Thuillin et Malbasty. Tout le détail de son enquête se trouve dans V. Cousin, Madame de Chevreuse, Appendice, p. 431 et suivantes.
  189. Et de mes amies n’est pas dans les éditions antérieures.
  190. N’empêchèrent pas qu’on ne m’envoyât. (1817, 26, 38.)
  191. Voyez encore le procès- verbal de l’enquête du président Vignier, dans Madame de Chevruse, p. 435.
  192. Charles de la Porte, marquis de la Meilleraye, puis duc et pair (décembre i663), cousin germain de Richelieu, né en 1602, mort en 1664. Il était grand maître de l’artillerie depuis 1634 ; il devint maréchal de France en 1639. Son fils épousa (1661) Hortense Mancini, et prit le nom de duc de Mazarin.
  193. Je savois. (1817, 26, 38.)
  194. Pouvoient. (Ibidem.)
  195. Chavigny avait recommandé à du Tremblay, gouverneur de la Bastille, frère du P. Joseph du Tremblay, le confident de Richelieu, qu’on eût a a bien loger » le prince de Marcillac, et qu’on lui permit de se promener sur la terrasse. Voyez dans Madame de Chevreuse, p. 435, note, le texte du billet écrit par Chavigny
  196. L’image de la cruauté de l’administration du Cardinal. — Cette leçon est ainsi imprimée en italique dans l’édition de 1817, où se trouve cette note : « Ces mots sont, dans le manuscrit, de la main de M. de la Rochefoucauld. » — Les éditions de 1826 et de 1838 terminent la phrase par ces seuls mots : « l’image de la vengeance ; » et au sujet de cette variante, on lit dans toutes deux l’annotation suivante : « Dans notre manuscrit, les mots de la vengeance sont écrits au crayon. »
  197. On voit dans les Mémoires de la Porte, où il est parlé longuement (p. 383-386) de ces prisonniers de marque, que l’âge avait ôté la mémoire à Bassompierre (voyez ci-dessus, p. 18, note 8), et qu’il rabâchait sans cesse a l’histoire de ses amours. »
  198. Notre manuscrit fait ainsi accorder le participe avec le second substantif ; tel est aussi le texte de l’édition de 1817 ; celles de 1826, 38 donnent connus.
  199. Nicolas de l’Hôpital, marquis, puis duc de Vitry. Il avait été créé maréchal en 1617, le jour même où il s’était chargé de l’assassinat du maréchal d’Ancre. Emprisonné en 1637, à la suite d’une violente querelle avec l’archevêque de Bordeaux, Henri de Sourdis, il ne sortit de la Bastille qu’après la mort de Richelieu. Il mourut en 1644.
  200. Adrien, comte de Montluc, petit-fils du maréchal de Montluc, incarcéré après la journée des Dupes, mort en 1646. iL était, par sa femme, comte de Cramail ou Garmain. Régnier lui a dédié sa satire II, sous ce nom : A monsieur le comte de Caramain (1re édition, 1608 ; dans les suivantes Garamain). Retz lui fit à la Bastille, durant sa détention, une visite , qu’il raconte dans ses Mémoires (tome I, p. 159-161), où se noua le complot qui avorta par la mort du comte de Soissons, tué à la Marfée. Le comte de Cramail a publié, sous le nom de sieur Devaux, un livre grotesque, les jeux de l’inconnu (Rouen, 163o, in-8°) ; on lui doit en outre la Comédie des Proverbes (16l6).
  201. Et non de Thouars , comme porte l’édition de 1817. — François de Rochechouart , chevalier de Jars, commandeur de l’ordre de Malte, avait été arrêté en 1632, lors de la disgrâce de Châteauneuf (voyez plus haut, p. 19). Condamné à mort, il avait reçu son pardon sur l’échafaud même.
  202. Charles d’Angennes, comte de Fargis ou du Fargis, ancien ambassadeur de France en Espagne, avait été emprisonné le 14 février 1635. Voyez sur lui, et sur sa femme, une Historiette de Tallemant des Réaux, tome II, p. 121-124.
  203. Henri d’Escoubleau, marquis du Coudray-Montpensier, était attaché au duc d’Orléans. Il avait été arrêté en même temps que du Fargis.
  204. Premier médecin de Marie de Médicis, puis de Louis XIV, mort en 1652, avait été emprisonné après la journée des Dupes.
  205. Pour la plupart, cette prison ne fut pas si cruelle, si l’on en croit Retz, tome I, p. 159-162.
  206. Les mots à Ruel ne sont pas dans l’édition de 1817. — Le château de Ruel ou Rueil, entre Paris et Saint-Germain, sur les bords de la Seine, était la résidence d’été du cardinal de Richelieu, qui y donnait des fêles d’une magnificence presque royale. Voyez le Dictionnaire géographique de Thomas Corneille , 1708, au mot Ruel ; et V. Cousin, la Jeunesse de Madame de Longueville, p. 162.
  207. Qu’il m’avoit rendue. (1817.)
  208. Je le trouvai froid et sérieux, et je n’entrai point. (1817, 26, 38.)
  209. Et je retournai. (1826, 38.)
  210. Philippe IV, frère d’Anne d’Autriclie.
  211. C’est pendant ce laps de temps que Mme de Chevreuse lui fît redemander ses pierreries par un gentilhomme nommé Tartareau. Voyez la lettre, déjà citée, de la Rochefoucauld à M. de Liancourt, du mois de septembre 1638.
  212. Et aussi des préoccupations d’un genre plus pratique, témoin une lettre, qu’on trouvera dans notre recueil (à l’appendice), adressée par le père de la Rochefoucauld, le 20 février 1642, à M. de la Ferté, ambassadeur en Angleterre.
  213. De Hesdin. (1826, 38.) — Ville de l’Artois, sur la Candie ; elle fut prise, le 29 juin 1639, après quarante jours de siège, par Louis XIII, qui y entra par la brèche. Elle nous fut cédée définitivement en 1659, par la paix des Pyrénées.
  214. Le reste de la campagne. (1817, 26, 38.)
  215. Bourg des Pays-Bas, à quatre lieues d’Anvers. — Sur ce combat, voyez les Mémoires de Montglat, tome I, p. 230 et 231.
  216. Cravates ou Croates, cavalerie légère de l’empereur d’Allemagne. Les rois de France eurent eux-mêmes, à partir du dix-septième siècle, des Croates à leur solde ; Louis XIV en forma un régiment sous le nom de Royal-Cravate.
  217. Ville de l’Artois sur la Lys, vers les frontières des Flandres, à deux lieues d’Aire. Elle fut prise par les Français en 1645 et en 1657, par les ennemis en 1649 et en 1710, et rendue à la France par la paix d’Utrecht, en 1713.
  218. « De Richelieu » est omis dans les éditions antérieures.
  219. Le ressentiment, la reconnaissance.
  220. Ce changement toutefois ne devoit. (1817, 26, 38.)
  221. Perpignan capitula le 29 août 1642, après trois mois de tranchée ouverte.
  222. Il, c’est-à-dire le Roi, comme le montre la suite de la phrase, et non le Cardinal, comme pourrait d’abord le faire entendre l’amphibologie de la construction.
  223. Vincennes n’était alors qu’un bourg. Le château avait été rebâti en 1183 sous Philippe Auguste, qui fît entourer le bois d’un mur, afin d’y mettre des bêtes fauves que le roi d’Angleterre lui avait envoyées. Le donjon ne date que du quatorzième siècle. Une nouvelle reconstruction du château, entreprise par Louis XIII, ne fut achevée qu’au commencement du règne de Louis XIV. Tous les contemporains parlent avec admiration de la futaie de charmes, d’ormes et de chênes, et surtout de la partie appelée le Bois de beauté, qui était située sur la colline regardant la Marne.
  224. Henry Coëffier de Ruzé, marquis de Cinq-Mars, favori de Louis XIII, appelé communément Monsieur le grand, parce qu’il était grand écuyer de France ; né en 1620, il fut décapité, à Lyon, le 12 septembre 1642, avec son ami de Thou. M. Avenel a publié sur cette conspiration célèbre, qui a inspiré un roman à Alfred de Vigny, un opuscule intitulé : Le dernier épisode de la vie de Richelieu, 1868, in-8°.
  225. Mlle de Hautefort, dont on a mentionné plus haut la disgrâce, s’était retirée près du Mans, dans une terre qui appartenait à sa grand’mère.
  226. Richelieu avait fait chasser Mlle de Chemerault, en même temps que Mlle de Hautefort, pour mieux couvrir son jeu et la trahison de cette fausse amie de la Reine.
  227. Antoine Coëffier de Ruzé, marquis d’Effiat, avait été surintendant des finances, maréchal de France, et ambassadeur extraordinaire en Angleterre. Il était mort en 1632.
  228. Marie-Louise de Gonzague, née en 1612, fille aînée de Charles duc de Neevers, puis duc souverain de Mantoue, et sœur de la célèbre princesse Palatine. Elle fut à deux reprises reine de Pologne, ayant épousé Wladislas VII en 1645, puis le frère de celui-ci, Casimir V, en 1649. Elle mourut à Varsovie en 1667.
  229. Comparez avec les maximes sur les Amants et l’Amour (voyez la Table du tome I), et avec la 18e des Réflexions diverses (p. 343-345).
  230. Le mot particulier n’est pas dans les éditions antérieures.
  231. Pour M. ***. (1817.) — Pour***. (1826, 38.) — Est-ce le nom de Longeron que cachent les trois points ou les trois astérisques ? « Elle eut le déplaisir, avant de quitter Paris, dit Tallemant des Réaux dans l’Historiette de la reine de Pologne (tome III, p. 405), d’apprendre qu’on avoit fait quelque médisance d’elle et de Monsieur le Grand, et même de Langeron, qui, comme bailli de Nevers, avoit de tout temps de l’attachement à sa maison. » — On ne peut songer au duc d’Orléans, dont l’amour pour la princesse Marie fut antérieur à cette époque, et à qui elle avait gardé, disait-on, un amer ressentiment : voyez Mme de Motteville, tome I, p. 40 et p. 245 et 246.
  232. Sur Frédéric-Maurice de la Tour d’Auvergne, prince de Sedan et duc de Bouillon, frère de l’illustre Turenne, voyez ci-après la note 2 de la page 118.
  233. Mme de Motteville, parlant de ce complot, dit (tome I, p. 72) : « Le Roi en étoit tacitement le chef ; Monsieur le Grand en étoit l’âme ; le nom dont on se servoit étoit celui du duc d’Orléans. . . ; et leur conseil étoit le duc de Bouillon , qui s’y engagea , à cause qu’ayant été dans le parti du comte de Soissons, il étoit fort mal à la cour… Monsieur le Grand, ne se fiant pas tout à fait à l’amitié et à la force du Roi, voulut avoir une armée pour défendre Sedan, que le duc de Bouillon leur donna pour place de sûreté. »
  234. On peut suppléer à la brièveté du récit de la Rochefoucauld au moyen des Mémoires de Montrésor, p. 337 et suivantes, de ceux de Mme de Motteville, tome I, chapitre iv, de la Relation de Fontrailles, ami et conseil de Cinq-Mars, à la suite de laquelle Petitot donne le texte du traité conclu avec l’Espagne le 13 mars 1642, et celui d’une lettre de M. de Marca à M. de Brienne sur ce qui s’est passé à l’instruction du procès de Cinq-Mars et de de Thou.
  235. François-Auguste de Thou, grand maitre de la librairie du Roi, conseiller d’Etat, fils de Jacques-Auguste de Thou, l’historien. Mme de MotteviIle dit (tome I, p. 74) « que M. de Thou fut aussi arrêté pour avoir su le secret du traité d’Espagne, non pas comme participant à ce dessein, car il l’avoit même tout à fait désapprouvé, mais seulement pour l’avoir su par confiance et pour ne l’avoir pas révélé, et pour principale raison parce qu’il n’étoit pas ami du cardinal de Richelieu. » Voyez, dans les Archives curieuses de l’hisloire de France (2e série, tome V, p. 295-301), Interrogatoire fait à Monsieur le Grand et à M. de Thou, prisonniers au château de Pierre-Encise à Lyon, le 9 septembre 1642 , et leur Confrontation.
  236. Les secours qu’il leur avoit demandés en cette rencontre. (1817, 26, 38.)
  237. Dans une liaison. (Ibidem.)
  238. Comme j’avois été déjà. (Ibidem.)
  239. Hippolyte de Béthune, comte de Selles, marquis de Chabris, était neveu de Sully ; né en 1603, il mourut en 1665. C’était, dit Mme de Motteville (tome II, p. 139), « un grand suppôt des Importants. » II légua au Roi une magnifique collection de manuscrits, réunie par son père et par lui, et qui forme un fonds spécial, le Fonds Béthune, à la Bibliothèque nationale.
  240. Tant de vengeance. (1817, 26, 38.)
  241. A la France et à l’Espagne. (1817, 26, 38.)
  242. Ne s’étoit pas assez réservé de pouvoir protéger. (1817.) — Ne s’étoit pas assez réservé le pouvoir de protéger. (1826, 38.)
  243. Il s’agit ici d’Armand-Jean, comte de Tréville ou Troisvilles, de la famille de Peyre, dont Tallemant des Réaux raconte la disgrâce (tome II, p. 71 et 72). II était capitaine-lieutenant des mousquetaires depuis 1634, et maréchal de camp depuis 1635 ; il eut ensuite le gouvernement de Foix (Choix de Mazarinades, tome I, p. 436), avec la survivance pour son fils Henri-Joseph. C’est ce dernier qui est le Tréville si célèbre au dix-septième siècle par son esprit et l’inconstance de son humeur, l’Arsène, dit-on, des Caractères de la Bruyère.
  244. Gabriel de Cassagnet, seigneur de Tilladet, capitaine aux gardes, ensuite gouverneur de Brisach (voyez ci-après la note 2 de la page 4247 et le Choix de Mazarinades, tome II, p. 29) ; il mourut en 1660. Il avait épousé Madeleine le Tellier, la sœur du Chancelier. Son fîls, Jean-Baptiste de Cassagnet, dit le marquis de Tilladet, fut maître de la garde-robe en 1673 (Mademoiselle, tome IV, p. 334), et lieutenant général (1688) ; il mourut en 1692.
  245. Déplorée, désespérée, latinisme employé par les meilleurs écrivains du dix-septième siècle.
  246. Le 4 décembre 1642. (1817, 26, 38.)
  247. Comme il. (Ibidem.)
  248. Tant de hardiesse. (1817, 26, 38.)
  249. Rapprochez ce passage de la 17e des Réflexions diverses, tome I, p. 334 et 335.