Œuvres de Descartes/Édition Adam et Tannery/Tome 2/Texte entier

René Descartes : Œuvres de Descartes, éd. Adam et Tannery, Tome 2

ŒUVRES


DE


DESCARTES


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CORRESPONDANCE


II


Mars 1638 — Décembre 1639
M. Darboux, de l'Académie des Sciences, doyen de la Faculté des Sciences de l'Université de Paris, et M. Boutroux, de l'Académie des Sciences Morales et Politiques, professeur d'histoire de la philosophie moderne à la Sorbonne, ont suivi l'impression de cette publication en qualité de commissaires responsables.


ŒUVRES
DE
DESCARTES

PUBLIÉES
PAR
Charles ADAM & Paul TANNERY
SOUS LES AUSPICES
DU MINISTÈRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE

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CORRESPONDANCE
II
Mars 1638 — Décembre 1639


PARIS
LÉOPOLD CERF, IMPRIMEUR-ÉDITEUR
12, RUE SAINTE-ANNE, 12

1898

AVERTISSEMENT


En terminant l'Introduction en tête du premier volume de cette édition, M. Charles Adam annonçait (dans le post-scriptum, p. Lxxviii) que le second volume renfermerait un Avertissement, où j’exposerais le résultat de nouvelles recherches sur la consistance de la collection (dite de La Hire) des lettres de Descartes autrefois conservées dans les Archives de l’Académie des Sciences.

Lorsque, il y a cinq ans, j’ai abordé cette question dans le préambule de la brochure : La Correspondance de Descartes dans les inédits du fonds Libri, étudiée pour l’histoire des mathématiques (Paris, Gauthier- Villars , iSgS, pages i à i6), j’ai établi que cette collection de La Hire comprenait 83 numéros, dont deux doubles, soit 85 pièces, tandis qu’on n’en retrouve que 77 dans le relevé fait, sous la Révolution, par dom Poirier, et reproduit par M. Léopold Delisle dans son Catalogue des Manuscrits des fonds Libri et Barrois (Paris, Champion, i888).

Dans V Introduction du premier volume (p. u à lxi), M. Charles Adam a repris ma démonstration en la développant ; il a, de plus, exactement déterminé la correspondance entre le numérotage de La Hire et celui de dom Poirier (dans les limites où cette correspondance peut être sûrement établie aujourd’hui); il a également indiqué où se trouvent maintenant les 55 pièces qui pourront être utilisées pour la présente édition, et enfin ce que l’on sait, soit sur la date, soit sur la corVI Avertissement.

respondance avec l'édition de Clerselier, pour les 3o autres pièces qui ont certainement fait partie de la collection dispersée par Libri.

Mais le lecteur a pu juger par lui-même que les conclusions ainsi posées par mon collaborateur et par moi ne sauraient être absolument valables en ce qui concerne le nombre total des pièces de la collection La Hire. En effet, s'il est incontestable que, pour les pièces portant un numéro simple, ce nombre était exactement de 83, nous ne savons point si, en outre de celles marquées « 9 seconde » et « 10 seconde », il n'y en avait pas d'autres, marquées de même d'un numéro double (ou même non numérotées), et par suite nous ignorons, en fait, combien de pièces au juste ont été exclues du classe- ment de dom Poirier, comme incomplètes ou fragmentaires.

Divers indices, que j'exposerai plus loin, me conduisent à penser qu'il y a eu au moins trois et peut-être quatre pièces rentrant dans cette catégorie, et ne figurant pas p^rmi celles qui sont énumérées, comme à retrouver, dans V Introduction du premier volume de cette édition (pages lx et lxi). Mais avant d'aborder cette discussion, je crois qu'il ne sera pas sans intérêt de faire connaître les recherches que j'ai poursuivies pour es- sayer d'établir, par un document précis, le nombre des pièces exclues du classement de dom Poirier. Nous savons, en effet, que ces pièces existaient dans la collection au moment de la Révolution, et qu'elles ont continué à y être conservées jus- qu'aux vols de Libri, puisque six (n°' de la Hire : 2, 6, 10'*^', i3, 18 et 78) ont été retrouvées, et que les cinq premières figurent précisément parmi celles que Libri a vendues à lord Ashburnham, et qui, grâce à M.Léopold Delisle,sont rentrées à la Bibliothèque Nationale (MS. fr. n. a. 5 160).

On ne peut donc mettre en doute que, si les pièces en ques- tion n'ont pas été cataloguées par dom Poirier, elles n'aient cependant passé par ses mains. S'il y a eu un inventaire fait à ce moment, leur nombre a dû par suite, semble-t-il, être au moins noté, d'autant que leur importance était, en général,

�� � Avertissement. vu

tout à fait comparable à celle de la plupart des lettres entières, seules cataloguées par dom Poirier.

Or j'ai constaté qu'un inventaire avait été dressé; si malheu- reusement je n'ai pu le retrouver, tout espoir à cet égard ne doit pas être définitivement perdu, et le compte rendu des recherches que j'ai faites, peut, pour l'avenir, fournir quelques indications utiles.

��INVENTAIRE DE VICQ D'AZYR ET POIRIER.

Dans l'ordre d'idées que je viens d'exposer, j'ai tout 'd'a- bord examiné les manuscrits de la Bibliothèque Nationale, fr. 20842, 20843 et 20844, qui renferment les papiers de dom Poirier.

En dehors de la minute du classement des 77 lettres de Des- cartes qu'il a cataloguées, je n'ai retrouvé, sur ce classement, que deux documents contenus, de même que cette minute, dans le manuscrit fr. 20848.

Le premier (f° 121) est le brouillon sur lequel a été établie la minute. Dans ce brouillon, les lettres sont inscrites, avec leurs dates, dans un ordre un peu différent, les numéros défini- tifs n'ayant été mis qu'après coup.

L'ordre de ces numéros est le suivant :

2, 4, 3, 5, i3, 14, 6 à 12, i5 à 20, i, 21 à 61, 65, 62 à 64,

66 à 77.

Aucune note n'indique l'existence de pièces non classées ; au contraire, on en trouve une mentionnant deux lettres de Fer- mat à Christian Huygens '.

I. Probablement des copies des deux lettres connues, qui se trouvent à Leyde. Ces copies n'existent plus aux Archives de l'Institut, et doivent avoir été volées par Libri.

Correspondance. II. "

�� � VIII Avertissement.

La seule remarque, relative aux lettres de Descartes, qui se trouve sur ce brouillon et qui n'ait pas été reproduite sur la minute, est qu'il y aurait une lettre double, portant pour sa partie française le n" 5o, et pour sa partie latine, le n° 5t ; d'autre part le n° 52 est donné comme étant une copie du n" 5 1 . La minute indique seulement que le n" 5i et le n" 52 repré- sentent une même lettre latine ', l'un d'eux étant l'autographe de Descartes, l'autre une copie.

Il s'agit d'une lettre à Mersenne du io avril 1646. La partie française est la lettre Clers., III, xciii ; la partie latine est la lettre Clers., \\\, xciv (critique de V Aristarchits Samius de Roberval;. Or la copie de cette partie latine 'faite par Mer- senne et adressée à Mylon) est actuellement à la Bibliothèque Nationale; mais elle porte le n° 5i, et non pas le n" 52 indi- qué par le brouillon de dom Poirier. Sa cote dans la collection La Hire est 35 C ; c'était donc la Sq* pièce de cette collection (84 — 35 = 59), tandis que l'Exemplaire de l'Institut marque la 60' lettre de La Hire comme étant l'original, et la 58' comme correspondant à la partie française. L'ordre était donc le sui- vant : 58, partie française; 5q, copie de la partie latine; 60, autographe de la partie latine. Cette dernière partie était donc bien séparée de la première; lo s du classement fait sous la Révolution, on eut l'intention de l'en rapprocher, puisqu'elles avaient fait partie du même envoi : mais, probablement par inadvertance, on numérota en réalité les trois lettres dans le même ordre (5o, 5i, 52 .

Quant au second document que nous offre le MS. fr. 20843, c'est, au début, un extrait des procès-verbaux des séances de la Commission temporaire des Arts, pendant l'année 1794, avec

I. C'est par erreur que, sur les tableaux p. lvii et lxi de V Introduction du premier volume, la lettre 60 de La Hire, 52 de Poirier a été marquée comme correspondant à Clerselier. III, xr v, c'est-à-dire au texte français de la lettre III, xciv. et non à cette dernière lettre. Le texte français est une version de Clerselier, qui ne représente nullement une m-nute de Des- cartes.

�� � Avertissement. ix

renvois aux folios du registre original. Ce registre est aujour- d'hui conservé aux Archives Nationales, sous la cote F'^* — 7, ainsi que les suivants, 8 à i3, donnant les procès-verbaux des séances jusqu'à l'an IX. Dans l'extrait qu'il a fait de ces pro- cès-verbaux, Poirier semble avoir voulu conserver trace des travaux auxquels il avait personnellement pris part.

La Commission temporaire des Arts fut instituée par décret de la Ct>nvention du 28 frimaire an II (18 décembre jygS) ; ce décret supprimait la commission des Monuments dont Poirier faisait partie; sa nomination à celle des Arts est en date du 25 pluviôse an II (i3 février 1794). Les séances commencèrent le 10 ventôse an II (28 février).

On lit dans le registre des procès-verbaux :

5 floréal an II (24 avril 1794) : « Les Citoyens Vicq d'Azir et » Poirier sont chargés de faire l'examen et l'inventaire des » manuscrits, mémoires et registres déposés soit dans les » salles, soit dans le secrétariat de la ci-devant Académie des » sciences, pour être les dits objets réunis ensuite dans le dépôt » général de la ci-devant Académie '. »

20 floréal an II (9 mai 1794) : « Le Citoyen Vie d'Azir [fait » un rapport] sur l'inventaire fait par lui et le Citoyen Poirier » des manuscrits de la ci-devant Académie des Sciences ; il » annonce parmi les manuscrits des pièces infiniment pré- )) cieuses pour les sciences, notamment des lettres écrites de » la main même de Descartes '. »

i5 messidor an II (3 juillet 1794) : « Sur l'observation d'un » membre, que la mort de Vicq d'Azir [survenue le 20 juin| » apporte un retard à l'examen des manuscrits de la ci-devant » Académie des Sciences, la Commission arrête que Lamarck » est adjoint à Poirier pour procéder à cet examen. »

1. [Extrait de Poirier, MS. fr. 20843]. Vie d'Azyr et Poirier chargés de rexamen et inventaire des Manuscrits, Mémoires et Registres de l'Acad. des Sciences.

2. [Extrait de Poirier]. Rapport sur les lettres de Descartes trouvées à l'Académie des Sciences. Vie d'Azyr et Poirier.

�� � X Avertissement.

3o t/iermidor an II (17 août 1794) : « La Commission tem- )) poraire des Arts arrête que les sections d'inventaire et de » bibliographie seront chargées d'inventorier les papiers de la » ci-devant Société de Médecine déposés chez défunt Vicq » d'Azir. Elles se concerteront avec l'agent des domaines pour » obtenir la levée des scellés.

27 vendémiaire an III (16 octobre 1794) : « Thillaye remet » l'inventaire des papiers relatifs à la Commission temporaire » des Arts trouvez chez Vicq d'Azyr et remis par son père. 11 » dépose en même temps les papiers. »

i5 fructidor an III (i" septembre 1795) : « L'Héritier, Thil- » laye, Lamarck, Poirier, Desfontaines, Philippon et Mentelle » [sont] chargés de faire l'inventaire des Manuscrits de la » ci-devant Académie des Sciences. »

25 frimaire an IV (i5 décembre 1795) Les Citoyens Men- » telle et Poirier exposent que, dans le travail de l'inventaire )' des Manuscrits et du Secrétariat de la ci-devant Académie » des Sciences, en faisant des recollements des articles inven- » tories par feu Vicq d'Azir et par le C'" Poirier, il s'en est » trouvé plusieurs qu'il est intéressant de retrouver et qui « pourraient avoir été retirés, soit pour des musées, soit pour 1) des commissions, soit po ii tout autre établissement. Lacom- » mission arrête que le Secrétaire de la Commission fera des » recherches à ce sujet, dans les cartons du Secrétariat, et » qu'on s'informera des commissions et administrations aux- » quelles ces manuscrits auraient pu être délivrés. »

Il résulte de ce qui précède qu'il y eut, sous la Révolution, un premier inventaire des Archives de l'Académie fait par Vicq d'Azyr et Poirier (fin d'avril et commencement de mai 1794) ; cet inventaire fut évidemment très rapide, mais les lettres de Descartes attirèrent, avant toutes choses, l'attention des deux commissaires, et, selon toute probabilité, furent dès lors cata- loguées.

A la fin de l'année suivante, on décida de procédera un nou- vel inventaire, moins sommaire que le précédent ; mais le tra-

�� � vail traîna en longueur et fut probablement abandonné après l’organisation de l’Institut. Du moins^ en poursuivant mes recherches sur les procès-verbaux de Tan IV, je n’ai plus rencontré aucune mention sur ce sujet ; d’autre part, aucun inventaire ancien n’est conservé dans les Archives de l’Académie des Sciences, et d’après les souvenirs familiaux de l’honorable M. Pingard, secrétaire de l’Institut, il n’en a jamais existé, ni dans ces Archives, ni au Secrétariat.

C’est donc seulement dans les dossiers de la Commission des Arts qu’on pourrait avoir espérance de retrouver, soit l’inventaire dressé par Vicq d’Azyr et Poirier, soit les papiers de Vicq d’Azyr, et peut-être au milieu, la minute du rapport où il parlait des lettres de Descartes. Malheureusement, ce qui subsiste de ces dossiers aux Archives Nationales n’étant point classé, il est actuellement impossible d’y faire des recherches utiles.

En résumé, le document cherché, relatif au nombre réel des pièces de la collection La Hire, nous fait toujours défaut; d’autre part, un doute peut subsister sur la date effective à laquelle eut lieu le classement de Poirier. Le fit-il de concert avec Vicq d’Azyr, ou n’y procéda-t-il que plus tard, lors de la préparation du second inventaire ? Si j’incline pour la première hypothèse, il ne m’en paraît pas moins impossible d’émettre une affirmation précise, d’autant que Poirier fut, pendant huit mois, du 23 août 1796 au 7 mai 1797, attaché comme sous-bibliothécaire à l’Institut.

II.
ARBOGAST. — LA COPIE BONCOMPAGNI.

Dans ma brochure précitée : La Correspondance de Descartes etc., p. 6, j’ai introduit, peut-être à tort, à propos du classement fait sous la Révolution, le nom du mathématicien Arbogast, membre de la Convention. Ce qui reste seulement établi à ce sujet, c’est qu’Arbogast a eu les lettres de Descartes entre les mains (ib., p. 9), qu’il a écrit de sa main, pour les années 1638 et 1639, une liste qui concorde avec celle de Poirier, qu’enfin les numéros, mis entre parenthèses sur les lettres, ne sont certainement pas de la main de Poirier, et qu’ils semblent beaucoup plutôt de celle d’Arbogast. Mais, comme je n’ai évidemment pas la prétention de reconnaître avec certitude une écriture sur quelques chiffres, le dernier point signifie uniquement que Poirier n’a pas été le seul à effectuer le classement.

Arbogast fit partie à plusieurs reprises (et notamment pendant l’hiver 1794-1795) du Comité d’Instruction publique de la Convention, Comité auquel était directement subordonnée la Commission temporaire des Arts. Arbogast pouvait donc intervenir naturellement dans le classement des papiers mathématiques qui l’intéressaient et pour lesquels il était plus compétent que les commissaires. C’est à cette époque que, sur un carré de papier collé sur la couverture du Manuscrit que nous avons désigné comme Copie Boncompagni , il inscrivait cette note :

« N. B. 2 ventôse [an III]. Ce volume faisoit partie du paquet de papiers trouves chez Vicq d’Azir, après sa mort, et renvoyés à la Bibliothèque de la ci-devant Académie des Sciences comme lui appartenant. »

J’ai décrit ce manuscrit dans l'Avertissement en tête du premier volume des Œuvres de Fermât (Paris, Gauthier-Villars, 1891, p. xxvii-xxx), et j’ai signalé qu’il portait une inscription presque illisible : « Au Citoyen Mauduyt. » Or, dans le registre précité de la Commission temporaire des Arts, on lit :

15 germinal an II (4 avril 1794) : « La section de phisique dépose sur le bureau l’inventaire fait par elle chez Mauduit, puni de mort. »

L’origine de ce manuscrit et la façon dont il passa dans les papiers de Vicq d’Azyr sont ainsi suffisamment éclaircies. Avertissement.

��XIII

��Mais cette circonstance, rapprochée de son rapport à la Com- mission des Arts, semble montrer que l'illustre naturaliste s'in- téressait singulièrement à l'œuvre de Descartes. Arbogast était plutôt attiré par les écrits de Fermât, et c'est évidemment à propos de la dispute mathématique entre ce dernier et Des- cartes, qu'il a fait le relevé spécial des lettres de la collection de l'Institut pour les années 1 638 et 1639.

En tout cas, voici le détail des lettres « de Monsieur Des- cartes au Père Mersenne », qui se trouvent dans la Copie Bon- compagni et y occupent les feuillets 34 à 5o. Elles sont au nombre de i5, dans l'ordre suivant :

��COPIE

�DATES.

�CLERSELIER.

�LA HIRE.

�POIRIER.

�BONCOMPAGNI,

� � � � �I

�[ïi janvier 1641]

�III, XXIX

�?

�(67)

�1

�[3o juillet 1640]

�II, XL, 240

�78

�non clâsiée

�3

�[Avril ou juin i63e]

�III,LIX-|-LXXIV

�II

�(H)

�4

�t5 avril i63o

�II, CIV

�5

�(2)

�5

�3o avril 1639

�III, LXXXIV

�23

�('7)

�6

�25 décembre 1639

�11, xxxiv

�27

�(2.)

�7

�i5 mai 1634

�II, CVI

�8

�(4)

�8

�18 mars 1641

�III, CIX

�39

�l33)

�9

�19 janvier 1642

�III, CIIV

�45

�(39)

�10

�17 novembre ' 1642

�III, CXIII

�47

�(40

�II

�ao octobre 1642

�II, CVII

�46

�(40)

�12

�3o mai 1643

�II, c\\i\, fin

�55

�(48)

�i3

�7 décembre 1642

�II, cix

�48

�(42)

�14

�2 février 1643

�II, cm, fin

�5o

�(44)

�i5

�23 février 1643

�II, CVIII

�5i

�(4?)

��Le choix de ces lettres ne semble avoir été guidé par aucun motif particulier ; il est difficile de croire qu'elles aient été

I. ha. Copie Boncompagni porte maj, Clerselier imprime mars; Poi- rier a lu novembre, îe qui concorde avec Tordre du numérotage de La Hire.

�� � XIV Avertissement.

triées dans une collection déjà formée et copiées ensuite dans un ordre auquel le hasard semble avoir présidé. Il est plus probable que le recueil a été formé sur des communications spéciales successivement obtenues, soit de Mersenne, soit de Roberval, avant la publication de l'édition de Clerselier.

��III.

��PIÈCES MANQU.\NTES DE LA COLLECTION

LA HIRE.

Je reviens à la question que j'ai posée au début de cet Aver- tissement, à savoir la possibilité que la collection La Hire ait compris d'autres pièces que les 85 que nous savons avoir été numérotées.

En tout cas, il ne peut s'agir de lettres entières. Car elles auraient alors figuré dans le classement de dom Poirier, qui n'a certainement exclu que les pièces incomplètes, tandis qu'il a admis les copies (notamment la pièce g seconde de La Hire) et aussi un simple billet, comme son n" 63 (Bibliothèque Victor Cousin, n' 9), lequel, ainsi que nous le verrons, n'a point été coté par La Hire. La question ne subsiste donc que pour des fragments autographes ou des copies de parties de lettres.

En ce qui concerne les fragments autographes, une not» de l'Exemplaire de l'Institut atteste que, dans les MSS. de La Hire, se trouvait en latin, « griffonné et fréquemment raturé >., l'original de l'alinéa pages 5o6-5o8 du tome I de Clerselier, aliîiéa qui, avec deux morceaux de dates différentes, compose la lettre cxii dudit tome. Or ce fragment a certainement été exclu par Poirier, et d'autre part il ne correspond à aucune des huit pièces numérotées par La Hire qui se trouvent dans le même cas {voir tome I, Introduction, page lix). Ce serait donc une 86* pièce qui est à retrouver.

�� � Avertissement. xv

Portait-elle une cote ? Nous l'ignorons ; peut-être l'appa- rence de brouillon qu'elle présentait Tavait-elle fait volontai- rement négliger. Peut-être avait-elle un numéro marqué « seconde » ; nous ne savons pas bien en effet pour quels motifs ont été inscrits les numéros doubles de La Hire. Les deux que nous possédons sont des copies ; mais nombre d'autres pièces, qui ne sont pas davantage des autographes, ont des numéros simples. Si les numéros doubles représentent des pièces dont la date n'aurait pas été déterminée du premier abord et qui auraient été reportées après coup à leur rang chro- nologique, il est bien douteux que le fragment en question rentre dans cette catégorie. Mais une troisième hypothèse est encore admissible ; il est possible que la pièce ait compté, par exemple, pour le n° 79, et ait été exclue par Poirier comme le n° 78. Car nous allons voir que, selon toute probabilité, trois des pièces classées par Poirier, (61), (62), (63), ne correspon- dent à aucun numéro de La Hire. S'il en est ainsi, il faut que, parmi les numéros de La Hire qui n'ont pas été identifiés, il y en ait trois que Poirier ait exclus de son classement.

Des trois pièces (61), (62), (63) de Poirier, les deux dernières se trouvent, (62) à la Bibliothèque de la ville de Nantes, (63), comme je l'ai déjà dit, à la Bibliothèque Victor Cousin. Aucune de ces deux lettres ne porte trace d'une cote de La Hire. Pour (63), simple billet, daté d'ailleurs du 7 février 1648, on pourrait croire qu'il a été négligé comme peu important. L'exa- men le plus attentif ne décèle aucun indice de lavage ', ce qu'il faut, en pareil cas, vérifier avec soin; car, sur les pièces qui ont passé par les mains de Libri, lui ou d'autres ont assez souvent essayé de faire disparaître les marques d'origine. C'est ainsi que sur la lettre de la ville de Nantes, le numéro (62) a dis- paru ; mais au bas de la lettre, à la place où se trouvent les

I. Au-dessus de la date, on remarque un B, qui est un visa d'expert, et qu'à première vue, on pourrait prendre pour le chiffre i3. Mais le carac- tère des cotes de La Hire est tout à fait différent, et d'ailleurs les deux pièces i3 et i3 C(= 71) existent à la Bibliothèque Nationale.

Correspondance. II. c

�� � xvi Avertissement.

cotes de La Hire, on ne discerne aucune trace suspecte, et cette fois, il s'agit d'une lettre de trois pages (datée du 3i jan- vier 1648), encore inédite, mais qui est assez importante pour avoir été mentionnée par Baillet (t. II, p. 33b et p. 363]. On ne peut donc supposer qu'elle ait été négligée.

Mais il y a un autre motif de croire que non seulement ces deux lettres (62) et (63), mais encore la lettre perdue (61), du i3 décembre 1647, n'omit Jamais été classées par La Hire.

Si l'on examine en effet Tordre des numéros de sa collection, il est aisé de reconnaître que les lettres en ont été classées par rang chronologique, même celles qui n'étaient pas fixe- ment datées, à l'exception d'une série qui a été rejetée à, la fin, comme par désespoir, et dont trois numéros seulement, 18, 82, 83, sont identifiés. Cette série commençait évidemment au n° 75 (voir tome I, Introduction, p. lix).

Que dans le classement chronologique de la collection, il y ait quelques erreurs, cela ne peut être nié ; mais pour aucune lettre fixement datée, il n'y a d'interversion. Les lettres (61), (62), (63) de Poirier, du i3 décembre 1647, du 3i janvier et du 7 février 1648, devraient donc suivre immé- diatement^ dans le numérotage de La Hire, la lettre 71 fixe- ment datée du 26 avril 1647.

Tout au contraire, les n'^ 72 , 73, 74 de La Hire sont occupés par deux pièces non datées', et par une autre qui l'est fixement, du 4 avril 1648. Il semble inadmissible qu'une pareille interversion ait eu lieu, si les trois lettres (61), (62), (63) de Poirier avaient été classées par La Hire.

Mais comment ne l'ont-elles pas été, si elles faisaient partie de la collection ? Il est aisé de répondre qu'elles ont pu n'y entrer qu'après coup. Nous savons pertinemment que Roberval n'avait pas trouvé chez Mersenne toutes les lettres que Des-

j. La première est une copie d'une lettre dont la date peut être fixée avec certitude au 29 janvier 1640; c'est donc par erreur qu'elle a été mise à cette place, pour quelque motif qui nous échappe. Quant à la seconde, elle est visiblement de 1648.

�� � Avertissement. xvii

cartes lui avait écrites, et que Legrand en avait recueilli quelques autres. La Hire n'a-t-il pu faire de même? ou bien est-il impossible que les trois lettres en question, venues entre les mains de Legrand, aient été jointes à la collection, quand elle rentra dans les Archives de l'Académie des

Sciences?

En résumé. Poirier semble avoir classé au moins trois pièces qui n'appartenaient pas à la collection numérotée de La Hire. Les 77 pièces du classement de Poirier ne correspondaient donc qu'à 74 numéros de La Hire. Sur les 85 pièces de cette collection, Poirier en aurait donc exclu on^e, pour lesquelles nous connaissons seulement huit numéros de La Hire.

Si le fragment correspondant à Clers., t. I, p. 5o6-5o8, ne représente pas un des trois numéros inconnus, ce serait une quairième pièce à ajouter à la nomenclature de celles qui ont été perdues.

��IV.

SUR LA CONCORDANCE DES DEUX CLASSEMENTS.

Est-il possible maintenant de former quelques nouvelles conjectures plausibles sur la concordance entre le classement de dom Poirier et celui de La Hire, pour les numéros non identifiés jusqu'à présent ?

Si Ton cherche comment a procédé dom Poirier, on constate aisément qu'il s'est conformé aux règles suivantes :

Adoptant en principe Tordre chronologique, il a tout d'a- bord, comme je l'ai déjà dit, exclu systématiquement les pièces incomplètes ou les copies de parties de lettres.

Répartissant les lettres par année, il a mis à la lin de chaque liasse celles qui n'avaient pas une date fixe. Ainsi 9 se- conde et 1 1 de La Hire, pour l'année i638, 73 pour 1648.

�� � XVIII Avertissement.

Il a rejeté à la fin, dans deux liasses distinctes, sept pièces qui ne sont pas des lettres à Mersenne, ou qu'il n'a pas regardées comme telles; d'abord les trois lettres à Caven- dish (n^'yi à yS); puis, ensemble, le sujet de la gageure Stampioen-Waessenaer (74), la Réponse à trois questions de Mécanique (yS), l'Examen de la question géostatique (76), la lettre à Meyssonnier (77).

Enfin il a laissé dans une liasse antérieure, cinq nu- méros, (66) à (70), qui paraissent correspondre au résidu des lettres non classées chronologiquement par La Hire, c'est-à- dire des n°' 75 à 83 de ce dernier.

Toutefois il a dû faire descendre dans cette liasse son dernier numéro, (70), lettre présumée de 1647, comme n'en trouvant pas la date suffisamment justifiée. Car cette lettre devait correspondre au même numéro, 70, de La Hire, lequel devait représenter une lettre de 1647 (entre 69, du 14 dé- cembre 1646, et 71, du 26 avril 1647). Si l'on remarque que La Hire a de même mis la lettre 73, de 1648, mais non datée, avant la lettre 74 du 4 avril 1648, la place supposée pour cette lettre de 1647 ^^t tout à fait naturelle. Comme La Hire avait d'ailleurs, à ce qu'il semble bien, rangé autant que possible chronologiquement entre elles les pièces formant son résidu, aucune autre hypothèse ne semble plausible.

Au contraire, le n° (74) de Poirier, pièce de 1639 ou 1640, a dû faire partie du résidu de La Hire, de même que les n<" (66) et (67). Car aucun numéro de La Hire disponible n'existe pour les années 1639 ou 1640.

Si maintenant l'on remarque que, pour ce résidu de La Hire, Poirier n'avait aucune raison pour ne pas numéroter, dans l'ordre où il les trouvait, les pièces qu'il n'excluait pas ou qu'il n'ajoutait pas, on arrive à la conjecture suivante :

La pièce (74) de Poirier correspond à l'un des trois numéros 75, 76, 77 de La Hire (antérieurs à 78, du 3o juillet 1640'), Les deux autres de ces numéros ont été exclus par Poirier.

Les pièces (66) et (67) de Poirier, qui sont de 1641, corres-

�� � Avertissement, xix

pondent à deux des trois numéros postérieurs de La Hire, 79, 80, 8 1 ; le troisième a été exclu.

Il y a, en dehors des pièces énumérées page lx de l'Intro- duction du tome I, trois numéros de La Hire (compris parmi ceux qui viennent d'être indiqués) ayant fait partie des pièces dispersées par Libri, et qu'on peut donc encore espérer re- trouver , mais sur lesquels on n'a aucune indication, si ce n'est que ce sont des fragments ou des copies partielles de lettres.

Peut-être l'une de ces pièces est-elle le fragment latin corres- pondant à Clers. I, cxii, milieu; l'absence de toute autre indication dans les notes de l'Exemplaire de l'Institut ne permet pas de conclure avec certitude que les deux autres pièces seraient inédites, mais les probabilités sont dans ce sens.

��SUR L'ORTHOGRAPHE DU TEXTE DE LA CORRESPONDANCE.

Je ne crois pas inutile, avant de clore cet Avertissement ^ de reprendre, pour les préciser, les indications données dans le premier Volume (pages ciii-civ) sur les règles que nous appliquons, mon collaborateur et moi, en ce qui concerne l'orthographe du texte de la Correspondance de Descartes. D'une part, en effet, plusieurs points de détail n'ont été arrêtés qu'après coup, au fur et à mesure que les questions se présentaient; d'un autre côté, il importe sans doute de bien marquer le degré et la nature des garanties que, sous ce rap- port spécial, offre notre édition.

Le Comité qui, au Ministère de l'Instruction Publique, a discuté les conditions de la publication, ayant décidé en prin-

�� � XX Avertissement.

cipe la conformité avec l'orthographe des sources, il ne nous a pas semblé que ce principe dût souffrir aucune exception, même de détail, pour les pièces qui subsistent en original de la main de Descartes. Nous avons donc prisses plus grandes précautions pour arriver à reproduire exactement ces pièces ; en particulier, pour les autographes qui se trouvent à Paris, la composition a été faite sur une copie prise par M. Adam, et a été collationnée deux fois par moi-même, en placards et en épreuves, sur les originaux. Comme l'écriture de Descartes est très aisée à lire et n'offre guère d'ambiguités, je crois que, dans ces conditions, le lecteur peut avoir, dans l'exactitude de l'orthographe du texte, toute la confiance dont une œuvre humaine est susceptible; notamment il ne devra éprouver aucun scrupule devant des singularités, même fautives, qui n'ont point été relevées, parce qu'elles ne troublaient pas le sens. Si, comme on doit le penser dans la plupart des cas, ce sont des inadvertances de Descartes, elles ne sont pas de nature à faire tache ; des retouches auraient altéré la physio- nomie de son style.

L'accentuation a également été reproduite avec la plus grande fidélité, comme constituant, à cette époque, une partie essentielle de l'orthographe. Par contre, nous ne nous sommes fait aucun scrupule d'ajouter les apostrophes et les cédilles, quand elles faisaient défaut, ce qui est assez fréquent, mais ne correspond certainement qu'à une négligence volontaire.

En ce qui concerne la ponctuation, nous avons, au contraire, considéré comme notre tâche d'éditeurs de l'établir suffisam- ment en rapport avec les habitudes modernes pour dissiper les ambiguités, tout en respectant, même en faisant mieux res- sortir la structure des phrases de Descartes. Elles s'éloignent assez des nôtres pour que le problème ne fût pas toujours des plus aisés à résoudre , et nous ne nous flattons pas d'avoir constamment réussi de façon à éviter toute critique. Mais nous nous sommes convaincus, en tout cas, que la reproduction de la ponctuation négligée et souvent incertaine de Descartes

�� � Avertissement. xxi

aurait été à son égard une véritable trahison, tandis que le maintien de son orthographe, raisonnée et personnelle jusque dans les écarts apparents, nous a de plus en plus paru indis- pensable, pour faire complètement revivre ses pensées jusque dans leurs expressions matérielles.

La seconde source principale de la Correspondance est constituée parles éditions de Clerselier de 1666 et 1667. Des collations minutieuses et répétées ont également été faites pour assurer la conformité de l'orthographe de notre texte jusque dans les moindres particularités; mais cette fois nous avons pris certaines libertés en faisant tacitement disparaître quel- ques-unes des fautes qui sont, sans aucun doute, à mettre au compte de l'imprimeur.

A cet égard, nous croyons plutôt que le lecteur trouvera parfois exagérée la minutie avec laquelle nous avons relevé, dans les variantes, plusieurs de ces fautes, parce qu'il nous semblait qu'elles pouvaient remonter aux manuscrits utilisés par Clerselier.

Pour l'accentuation et la ponctuation, nous avons procédé comme pour les autographes de Descartes '.

Une difficulté spéciale se présentait à propos des notes mar- ginales de l'Exemplaire de l'Institut, qui, dans bien des cas, nous conservent seules le texte des autographes perdus de Descartes. L'orthographe de ces notes reproduit souvent, sans aucun doute, certains détails de celle des originaux sur lesquels elles ont été copiées; mais, dans l'ensemble, elle est relative- ment déjà beaucoup plus moderne que celle de Clerselier, et l'introduction par places, dans le texte de ce dernier, de mots, de membres de phrases ou de phrases entières orthographiées

I. Comme détail, je signale que, dans notre texte, la forme « et », au lieu du caractère courant « & », indique que Clçrselier a imprimé « Et » après un point et virgule. — Nous avons, d'autre part, réduit de beaucoup les majuscules, dont il fait, contrairement à Descartes, un grand emploi pour les substantifs et les adjectifs, et cela souvent d'une façon irrégulière ou maladroite.

�� � xxii Avertissement.

d'une façon tout à fait différente, ne nous a pas paru une appli- cation justifiable du principe adopté. L'orthographe des notes en question a donc été mise en accord avec celle de Clerselier, sauf, bien entendu, pour les formes qui devaient être attribuées à Descartes.

En ce qui concerne les lettres latines, dont le texte a été emprunté à des éditions autres que celle de Clerselier, nous avons systématiquement appliqué, en tout état de cause, les règles qu'il suit et qui sont celles qui dominent dans le premier tiers du dix-septième siècle, à savoir : la forme « v » excluant toujours la forme « u » comme initiale, mais au contraire bannie du corps des mots; la forme « j » exclusivement em- ployée pour le second de deux a i » qui se suivent.

Dans ce second Volume, nous avons commencé à utiliser une source manuscrite, la Copie Boncompagni, à laquelle nous n'avions pas eu à recourir pour le premier Tome. L'ortho- graphe, dans son ensemble, en est plus ancienne que celle de Clerselier, mais elle est très personnelle au copiste et s'écarte assez de celle de Descartes. Nous l'avons néanmoins suivie, conformément au principe adopté, sauf à écarter quelques singularités qui ont été signalées dans les Prolégomènes des lettres CLIX et CLXXIX.

Quant aux emprunts faits à Baillet, ils ont été de même reproduits avec leur orthographe particulière, sauf quelques corrections pour la ponctuation et l'accentuation, qui laissent assez souvent à désirer.

Les soins spéciaux apportés par nous à cette question de l'orthographe ne sont pas un des momdres motifs qui pro- longent la durée de l'impression de chaque volume ; mais nous avons conscience que nous travaillons pour un public qui peut apprécier 1er difficultés de la tâche entreprise et qui s'étonnera plutôt de la rapidité relative avec laquelle elle s'accomplit.

La faveur générale qui a accueilli le premier Volume nous a été un puissant encouragement à poursuivre, sans aucune

�� � Avertissement. xxiii

modification, l'exécution de.notre plan '. La même proportion a notamment été gardée pour les Eclaircissements ; et le même caractère leur a été conservé. Mais nous ne pouvons nous dissimuler que, malgré nos efforts et nos recherches, ils ne présentent parfois des lacunes sensibles et nue nombre de points obscurs appelleraient encore des explications ou des renseignements. Nous faisons appel à ceux de nos lecteurs qui pourraient nous en fournir et nous donner ainsi l'occasion, que nous n'avons pas rencontrée cette fois, de revenir dans les Additions de chaque Volume, sur quelque lettre des précé- dents.

Paul TANNERY.

I. Un désir nous a été exprimé, celui de trouver, dans cette édition, la concordance non seulement avec celle de Clerselier, mais aussi avec celle de Cousin. Cette concordance sera établie dans des Tables jointes au der- nier Volume de la Correspondance, pour lequel nous réservons également les divers Index ni^cessaires pour en faciliter l'étude.

��CORRKSPONDANCB. IL

�� �


CORRESPONDANCE
CORRESPONDANCE

��ex.

Descartes contre Roberval et E. Pascal.

[i" mars i638.] Copie MS., Bibliothèque Nationale, fr. n. a. 5i6o, f» 57 à 60.

Variantes d'après le texte de Clerselier, tome III, lettre LVII, p. 3o5-3i3. — La copie manuscrite, d'une main inconnue du XV 11^ siècle {probablement distraite par Libri des papiers de Roberval aux Archives de l'Institut), ne porte aucune indication qui doive faire croire qu'elle ait fait partie de la collection La Hire. Elle a pour titre : Responce a l'Escrit des amis de M de Fermât. Cler- selier dit de son côté : A Monsieur *". Réponse à un Escrit des Amis de M. de Fermât. Mais nous savons, par la lettre CXI ci- après (Ciers., III, 193), que la présente pièce a été adressée par Descartes à Mfdorge, avec prière d'en prendre copie et de faire remettre l'original aux amis de Fermât, c'est-à-dire à Etienne Pascal et à Roberval. Ceux-ci, comme nous l'apprend la lettre CXII ci-après (Clers., III, 188), avaient, en effet, répliqué à la cri- tique dirigée par Descartes contre Fermât dans la lettre XCtX ci- avant. Leur Ecrit, qui est perdu, avait été envoyé par Mersenne en Hollande le 8 février 1 638.

Descartes expédia en même temps les trois lettres CX, CXI et CXII; dans la troisième, il répond à différentes lettres de Mersenne, des 8 janvier, 8 et 12 février i638; « ie n'ay receu la dernière Correspondance. II. i

�� � 2 Correspondance. m, 3o3-?o6.

qu'auiourd'huy », remarque-t-il (lettre CXII, Clers., III, i86), comme si elle avait subi un certain retard. Nous admettons la date du lundi i" mars comme étant celle du courrier d'Amsterdam qui put, au plus tôt, emporter les trois lettres de Descartes.

l'admire que le traidé de maximis & minimis, qui m'a efté cy-deuant enuoyé, & qui, comme i'apprens maintenant, a efté compofé par M^ de Fermât, ait trouué des deffenfeurs, & il ne me femble pas qu'ils l'excufent en aucune façon. Car premièrement, ils 5 me font dire vne chofe a laquelle ie n'ay iamais penfé, afin par après de la réfuter; afçauoir, ils fup- pofent que ie parle de tirer vne ligne droite du point B donné en la parabole BDN^fçauoir la ligne droite SE rencontrant le diamètre C D au point £, laquelle ligne BE \o foit la plus grande de toutes celles qui peuuent ejlre me- nées du I me/me point B pris en la parabole., & coupant le me/me diamètre CD.

Ce font leurs mots, & ie confefle auec eux que cela eft abfurde; mais aufli ay-ie dit toute autre chofe, a i5 fçauoir qu'il fiut chercher la ligne droite BE, qui ren- contre DC au point E, & qui foit la plus grande qu'on puijfe tirer du me/me point E iufques a la parabole ^ Or il eft euident qu'on peut tirer vne ligne de ce point E vers la parabole, qui foit la plus grande de toutes 20 celles qui peuuent eftre menées de ce mefme point E iufques a la mefme parabole, a fçauoir celle qui fera menée au point B, fi on fuppofe qu'elle touché la

I Monfieur, c: tête. — !e traidé] l'écrit. — 4 et il ne me femble] mais ie ne voy.

a. Voir lettre XCIX. lomc I, p. 487, 1. 14-19.

�� � parabole en ce point B. Car de dire, par exemple, que E P eſt plus grande que n’eſt E B, ce n’eſt rien dire, a cauſe que cette ligne P E n’eſt pas tirée iuſques a la parabole ſeulement, 5 mais outre la parabole, & elle s’eſtend au dela, depuis S iuſques a P, en ſorte qu’il n’y a que ſa partie E S qui ſoit menée 10 iuſques a la parabole, & E S eſt moindre que n’eſt E B. Ce qui ne ſçauroit eſtre nié par des perſonnes qui voudront 15 entendre raiſon, & auſſy n’ont-ils rien dit contre cela.

En ſuite de quoy, i’ay fait voir euidemment que la regle de Mr. de Fermat, 20 pour trouuer maximam & minimam, eſt imparfaite, & ie le pourrois encore monſtrer par vne infinité d’autres exemples, mais la choſe n’en vaut pas la peine. Et ie diray ſeulement que, cette regle eſtant corrigée comme elle doit eſtre, le vray moyen de l’appliquer a 25 l’inuention des contingentes des lignes courbes eſt de chercher ainſy le point E, duquel l’on puiſſe tirer vne ligne iuſques a B, qui ſoit la plus grande ou la plus petite qu’on puiſſe tirer du meſme point E iusques | a la ligne courbe donnée. Ce que Mr. de Fermat 30 teſmoigne n’auoir point ſceu, puiſqu’il en vſe d’vne

25 contingentes] tangentes. — 26 l’on] on. Correspondance.

��III, 307.

��autre façon, en cherchant la tangente de la parabole, a fçauoir dVne façon en laquelle (pour nommer les chofes par leur nom, & fans auoir pour cela aucun defTein de TofFenfer) ii fe trouue vn paralogifme, qui ne peut en aucune façon eftre excufé. le veux bien pourtant aduoûer que pour appliquer fon raifonne- ment a l'hyperbole, il ne faut pas feulement fubfti- tuer Hyperbolen au lieu de Parabolen, mais qu'il y faut outre cela changer vn petit mot, qui ne fait rien du tout a la caufe, & auquel ie n'ay pas honte de dire que ie n'auoy pas fait reflexion. Car d'abord i'auoy reconnu fi euidemment le paralogifme de cet Efcrit, que ie n'auoy daigné par après le regarder, & i'ay

penfé que l'autheur mefme ne pourroit faire aucune dif- ficulté de le reconnoiftre, fi toft qu'il en feroit aduerty. Ce mot donc eft qu'au lieu de dire : maior erit proportio C D ad DI quàm quadrati BC ad quadratum 01, il faut, en parlant de l'hyperbole, dire feulement : maior erit pro- portio CD ad DI quàm BC ad O I, ou bien maior erit pro- portio quadrati C D ad qua- dratum DI quàm quadrati BC ad quadratum 01. D'où tout le refte fuit en mefme façon que fi on compare les lignes CD & DI aux quarrez de BC & OI. Et

���10

��20

��25

��8 Hyperbolem. . . Parabolem reflexion. - MS., corr. Clers. — 11 fait de n'auois pas.

��i3 ie n'auov

��le

�� � m, 3o7-3o8. ex. — i" Mars i6}8. 5

cecy s'eftend generallement a toutes les lignes courbes qui font au monde. Mais afin qu'on ne puifle chercher fur cela aucune excufe, qu'on mette, non pas Hyper- bolen, mais Ellipfim ou Circuli circumferentiam, au lieu de Parabolen, & lors il ne faudra pas changer vn feul mot en tout le refte, comme on verra icy manifefte- ment^.

���3-5 Hiperboles, 5 lors] alors.

��Ellipjis.,. paraboles MS., corr. Clers. —

��a. Les textes latins qui suivent sont disposés dans la Copie MS. sur trois colonnes parallèles, ce qui rend la comparaison facile entre elles. Et Descartes les avait mis ainsi en colonnes, comme il le dit lui-même (lettre du 3i mars i638, Clers., III, 402). Mais Clerselier n'a pu reproduire cette disposition typographiquement. Dans la Copie les trois mots essentiels : Parabole, Ellipsis, Hyperbole, sont reproduits deux fois dans chaque colonne, et la première fois en vedette au milieu de la ligne et en gros caractères. — Le premier des trois textes est celui de Fermât (voir tome I, p. 494-495).

�� � Correspondance.

��III, 3o8-3io.

��Raifonnement par lequel Af de Fermât prétend trouuer la tangente de la parabole.

��Application du me/me rai- fonnement a toutes les lignes courbes, dans lef- quelles les Jegmens du diamètre ont plus grande proportion entre eux (a fçauoir le plus grand au moindre) ^ que les quarrés des lignes qui leur font appliquées par ordre.

��10

��Sit data parabole BDN, cuius vertex D, diameter DC, & pundum in eâ da- tum B, ad quod ducenda eft refta B E, tangens Pa- RABOLEN, & in pundo E cum diametro concur- rens.

Ergo fumendo quodli- bet pundum in reda B E, & ab eo ducendo ordina- tam OI, a pundo autem B ordinatam B C , maior erit proportio C D ad D I, quam quadrati B C ad quadratum OI, quia pun-

��Sit data ellipfis BDN, cuius vertex D, diameter D C, & pundum in eâ da- tum B, ad quod ducenda eft reda B E, tangens El- i 5 LiPSiM , & in pundo E cum diametro concur- rens.

Ergo fumendo quodli- bet pundum in reda BE, 20 & ab eo ducendo ordina- tam 01, a pundo autem B ordi natam B C , maior erit proportio CD ad DI, quam quadrati B C ad 2 5 quadratum OI, quia pun-

��a. Cette parenthèse manque dans le MS., comme elle manquait aussi sur l'original envoyé par Descartes. Il a signalé cette omission dans la lettre CXIX ci-après (Clers., III, 402).

�� � m. 310.

��ex. — I" Mars i6j8.

��Application du me/me rai- fonnement a l'hyperbole & a toutes les autres li- gnes courbes.

��5 Sit data hyperbole BDN, cuius vertex D, diameter D C, & pundum in eâ da- tum B, ad quod ducenda eft reéla BE, tangens Hy-

lo PERBOLEN, & in punâo E cum diametro concur- lens.

Ergo fumendo quodli- bet pundum in refta BE,

i5 & ab eo ducendo ordina- tam OI, a pundo autem B ordinatam BC, maior erit proportio CD ad DI, quam BC ad OI", quia

20 pundum O eft extra hy- perbolen.

����a. quam quadrati B C ad quadratum I. Clers. à tort.

�� � 8

��Correspondance.

��m, 5oS-jio.

��du m < O > cil extra pa- rabolen.

Sed propter limilitudi- nem triangulorum, vt BC quadratum ad O I qua- dratum, ita CE quadra- tum ad I E quadratum ; maior < igitur > erit pro- portio CD ad DI, quam quadrati CE ad quadra- tum lE.

Cum autem pundum B detur, < datur applicata B C ; ergo pundum C. > Datur etiam CD. Sit igi- tur CD sequalis 5 datae. Ponatur C E effe A . Po- natur C I effe E.

Ergo D ad D — E ha- bebit maiorem propor- tionem quam Aq a.à A q + Eq — A in E bis^. Et ducendo inter fe médias & extremas, D in Aq -\- D in Eq — D in A in E bis

��dum O eil extra ellip- fim.

Sed propter fimilitudi- nem triangulorum, vt B C quadratum ad OI qua- 5 dratum, ita C E quadra- tum ad I E quadratum ; maior igitur erit pro- portio CD ad DI, quam quadrati CE ad quadra- 'o tum lE.

Cum autem pundum B detur, datur applicata B C ; ergo pundum C. Datur etiam CD. Sit igi- i5 tur CD aequalis D datae. Ponatur C E effe A . Po- natur C I effe E.

Ergo D ad D — E ha- bebit maiorem propor- 20 tionem quam A q a.d A q ■\- Eq — A in E bis. Et ducendo inter fe médias & extremas, D in Aq + D in E q — D in A in E bis jS

��a. Le texte de Fermât porte D, et la Copie MS. ajoute entre parenthèses : (hic pro B est legendum D, vt putat (sic pro patet) ex sequentibus. Sed quia est B in autographo, hic etiam retinui, ne vei vnam litterulam vide- rer mutare voluisse).

b. Au lieu du mot bis, on trouve partout dans le MS. deux traits i.n- clinés ; ici, par exemple, E" pour E bis. — D'autre part, l'abréviation A q est remplacée, une fois par A quadr., une fois par A quadrat.

�� � III, 3io-3ii.

��ex. — I" Mars i6j8.

��9

��10

��i5

��Sed propter fimilitudi- nem triangulorum, vt B C ad OI, ita CE ad lE»; maior igitur erit propor- tio CD ad DI quam CE ad lE.

��20

��Cum autem pundum B detur, datur applicata B C ; ergo pundum C. Datur etiam CD. Sit igi- tur CD aequalis D datse. Ponatur CE effe A. Po- natur C I efle E.

Ergo D ad D — E ha- bebit maiorem propor- tionem quam A ad A — E. Et ducendo inter fe médias & extremas, D in A — D in E maius erit quam D in A — A in E.

����a. vt BC quadratum ad O I qiiadraïuni, iia C E quadratum ad I E qua- dratum Clers. à tort.

CORRESPONDANCK. II. »

�� � lO

��Correspondance.

��JII. 3o.S-3ii.

��maius erit quam D in Aq — Aq in E.

Adacquentur igitur iux- ta fuperiorem methodum. Demptis itaque commu- nibus^ D in E q — D in A in E bis adaequabitur — A q in E, aut, quod idem eft, DinEq + AqinE adaequabitur D in A\ in E bis.

Omnia diuidantur per E. Ergo DinE -\-Aq adae- quabitur Z> in A bis. Elida- tur D in E. Ergo A q aequa- bitur D in A bis. Ideoque A aequabitur D bis. Ergo C E probauimus duplam ipfius C D, quod quidem ita fe habet ; nec fallit vnquam methodus.

��maius erit quam D in A q — Aq in E.

Adaequentur igitur iux- ta fuperiorem methodum. Demptis itaque commu- nibus, D in Eq — D in A in E bis adaequabitur — A q in E, aut, quod idem e^., D in Eq -■ A q in E adaequabitur D in A in E bis.

Omnia diuidantur per E. Ergo DinE --A q adae- quabitur D in A bis. Elida- tur DinE. Ergo A q aequa- bitur D in A bis. Ideoque A aequabitur D bis. Ergo C E probauimus duplam ipfius CD, quod nuUo mo- do ita fe liabet ; fed femper fallit ifta methodus.

��lO

i5

20

Si on aduoue que ce raifonnement foit bon pour la Parabole, on doit aduoùer. auffy qu'il eft bon pour l'El- lipfe & l'Hyperbole, & toutes les autres lignes courbes qui font au monde, ou toutefois on voit clairement qu'il ne conclud pas la vérité. Quant aux autres chofes que ces Mff" difent auoir efté inuentées par M*" de Fermât, i'en veux croire tout ce, qu'il leur plaira;

25

23 qu'il eft bon aufli. — 24 &] pour aj. — P. 1 1, 1. iC : de omis. m, 3ii.

��ex.

��Mars 1638.

��II

��10

��Adsequenturigitur iux- tafuperiorem methodum. Demptis itaque commu- nibus, — DinE adaequa- bitur — A in E, aut, quod idem eft, D in E adsequa- bitur A in E"".

��Omnia diuidantur per E. Ergo A adaequabitur D, < nihilque > hîc eft elidendum. Sed A aequa- tur Z), quod nuUo modo ita fe habet, &c.

���mais n'ayant iamais rien veu de luy que cet efcrit i5 de maximis & minimis, & la copie d'vne lettre dans laquelle il pretendoit de réfuter le 2^'*' difcours de ma Dioptrique, & ayant trouué en l'vn & en l'autre des paralogifmes, ie n'ay peu iuger que fur les pièces qui font entre mes mains. Cependant ie les fuplie de 20 croire que, s'il y a quelque animofité particulière entre

��a. D in E adœquabiiur A in E Clers.

b. Voir lettre LXXII, t. I, p. 354.

�� � 12 Correspondance. m, sm-si».

luy & moy, ainfy qu’ils difent, elle eft toute entière de fon cofté; car de ma part ie penfe n’auoir aucun fuiet de fçauoir mauuais gré a ceux qui fe veulent efprouuer contre moy, en vn combat ou fouuent on peut eftre vaincu fans infamie. Et voiant que M"^ de Fermât a 5 des amis, qui ont grand foin de le deflfendre, ie iuge qu’il a des qualités aimables qui les y conuient. Mais i’eftime en eux extrêmement la fidélité qu’ils luy tef- moignent; & pource que c’eft vne vertu qui me femble deuoir eftre chérie plus qu’aucune autre, cela fuffit lo pour m’obliger a eftre leur tres-humble feruiteur.

Sur le point que ie fermois ce paquet, i’ay receu vne lettre que M’ de Fermat a enuoyée au R. P. Mersenne^, pour refponfe a ce que i’ay cy-deuant efcrit fur les obiedions qu’il auoit faites contre le 2^ dif- i5 cours de ma Dioptrique; & pource que i’ay veu par les premières lignes, qu’il ne defire pas que fon efcrit foit publié, i’ay creu ne deuoir pas acheuer de le lire : toutefois ie n’ay pu m’en empefcher; & pour refponfe i’affeure que ie n’y ay pas trouué vn feul jo mot qui excufe les fautes que i’auoy remarquées en cette obiedion précédente, ny qui ait aucune force contre moy; mais en chaque article de ce qu’il obiede de nouueau, il fait vn nouueau paralogifme, ou bien corrompt le fens de mes raifons, & monftre ne les pas 2 5 entendre. Ce que ie m’oblige de faire voirauffy clair que le iour, pourueu qu’il trouue bon que le public

8 i’eftime] auffi aj. — 22 cette obieftion précédente] fes obieétions précédentes.

a. La lettre XCVI, t. I, p. 463. m. 312-3.3. ex. — i" Mars 1638. ij

& la poilerité en foit juge, fuiuant ce que i'ay mis en la page 7^ du difcours de la Méthode. Car ie n'ay pas refolu d'abufer tant de mon loifir, que de l'employer a refpondre aux obiedions des particuliers, ny mefme

5 a les lire, finon en tant que les publians auec mes Refponfes, elles feruiront pour tous ceux qui pour- roient auoir les mefmes doutes, & pour faire mieux connoiftre la vérité. Quant a ceux qui ont efcrit le papier auquel i'ay refpondu en celuy-cy, vu qu'ils ont

10 voulu eftre les aduocats de ma partie, en vne caufe la moins fouflenable de fon cofté qu'on puifTe imaginer, i'efpere qu'ils ne voudront pas eftre mes iuges, ny ne trouueront mauuais que ie les recufe, aufTy bien que quelqù'vn de fes amys. Car enfin ie ne connois a

i5 Paris que deux perfonnes au iugement defquels ie me puiffe rapporter en cette matière, à fçauoir M' Mi- dorge & M*" Hardy. Ce n'eft pas qu'il n'y en ait fans doute plufieurs autres qui font très-capables, mais ils me font inconnus; & pour ceux qui fe meflent de

ïo mefdire de ma Géométrie fans l'entendre, ie les mef- prife.

La correspondance de Fermât (Œuvres c/e F., tome II, 1894) permet de constater que Roberval et Etienne Pascal n'étaient nullement, à propre- ment parler, ses amis. Leurs relations épistolaires avaient commencé en i636 par une dispute courtoise, mais très sérieuse, sur les principes de la mécanique, et s'étaient continuées (surtout entre Roberval et Fermât) par un échange assez intermittent de communications sur leurs travaux mathématiques. Cet échange avait permis aux géomètres de Paris d'ap- précier la haute valeur de leur correspondant toulousain; mais s'ils inter- vinrent entre lui et Descartes, ce n'était nullement par des considérations d'amitié.

2 la] ma. — 9 celuy] cetuy. — aj. — 14 queiqu'vnj,quelqu'au- vu] puis. — i3 trouueront] pas très. — 17 n'y Clers., ni MS.

�� � 14 Correspondance.

Baillet (I, 33 1) dit a que la pièce, quoique écrite au nom des deux amis » de M. de Fermât, étoit toute du stile de M. de Roberval,et que M. Pascal » n’y avoit d’autre part que celle du consentement et de la communica- 1) tion. »• Cette assertion n’est guère plausible; si la réplique (ci-après CXX) à la présente lettre CX a été écrite par Roberval seul, c’est qu’Etienne Pascal était absent (comme le marque le post-scriptum); mais, de même que la lenre à Fermât du i6 août i636 [Œuvres de F., t. II, p. 35), le premier écrit adressé à Descartes sous le nom de MM. Pascal et Roberval a dû résulter d’une collaboration effective, dans laquelle même la part d’Etienne Pascal a pu être d’autant plus grande qu’en réalité Roberval rédigeait très difficilement.

Baillet (I, 3o5) donne l’explication suivante de ce qu’il appelle l’ani- mosité de Roberval contre Descartes. C’est à la suite du passage rap- pelé tome I (p. Si 9, éclaircissement), d’après une relation de Chauveau : u M’ de Roberval ne fut point compris dans ce nombre. Cela luy parut » d’une distinction trop injurieuse pour n’en point avoir de ressenti- » ment. Il s’en expliqua dés lors assez ouvertement, et se prépara à bien » critiquer la Géométrie de M. Descartes. Mais voyant ensuite qu’on ne » luy avoit pas même fait part des 200 exemplaires du volume qui ren- » fermoit les quatre traitez, il conçut contre M. Descartes une animosité » immortelle, dont il n’eut pas la discrétion de dissimuler l’origine aux » amis qu’il sçavoit d’ailleurs luy être communs avec M. Descartes. » {En marge : Rélat. Ms. de M. Fédé, etc.)

La vérité est que Descartes conçut de très bonne heure une jalousie de la grande estime que Mersenne faisait de Roberval comme géomètre {voir tome I, p. 288, 1. 26 et note); que Roberval dut le sentir et lui rendre la pareille. Mais dans l’occasion qui commença leurs disputes, il est hors de propos de rechercher, pour l’intervention de Roberval, un motif de ce genre. De même qu’en août 1 636, il avait, de concert avec Etienne Pascal, pris l’offensive contre Fermât, parce qu’il avait cru, et à bon droit, que celui-ci se trompait, de même, en février i638, il prit l’offensive contre Descartes, parce qu’il jugeait, à bon droit encore, que la critique par ce dernier de l’écrit de Fermât n’était pas valable. D’autre part, la lettre d’E. Pascal et Roberval étant perdue, nous ne pouvons apprécier si, comme forme, elle n’était pas suffisamment courtoise, si dès lors elle pouvait réellement blesser Descartes; mais a priori nous n’avons aucune raison de le penser.

Quant au fonds de la dispute, il suffira de remarquer que Descartes s’attache à la lettre de l’Ecrit de Fermat de maximâ et minimâ, et affecte de ne pas comprendre la méthode qui s’y trouve exposée, à la vérité d’une façon un peu obscure, mais conforme à l’usage du temps. Les mathématiciens, dans leurs communications entre eux, restaient toujours alors plus ou moins énigmatiques (pour Descartes lui-même, voir au tome I ses lettres XXXIX à Golius, LI à Stampioen).

Ainsi, dans la critique de la méthode des tangentes de Fermat par
III, 192-193
15
CXI. — 1er Mars 1638.

Descartes, tout porte sur la relation posée par Fermat pour la parabole : CD/DI > BC²/OI², parce que, dit-il, le point O est en dehors de la parabole. En langage moderne, soient x, y les coordonnées d'un point B d'une courbe concave vers l'axe des x: X, Y les coordonnées d'un point O de la tangente en B, cette relation est x/X>y2/Y2. Pour une autre courbe que la parabole, soit la courbe ym = f(x), il faut, pour appliquer la méthode de Fermat, poser f(x)/f(X) > ym/Ym. Descartes feint de croire, au contraire, que, quelle que soit la courbe, on pourra poser x/X>y2/Y2, soit même x/X>y/Y, ce qui est méconnaître absolument le sens des calculs qui suivent.

CXI.

Descartes a Mydorge.

[1er mars 1638.]

Texte de Clerselier, tome III, lettre 42, p. 192-198.

« Réponse à la réplique de Monsieur de Fermat au sujet de la Dioptrique », c'est-à-dire à la lettre XCVI ci-avant, que Descartes vient seulement de recevoir (p. 12 ci-dessus, l. 12). Pour la date, voir la fin du prolégomène de la lettre CX, p. 1-2.

Monsieur,

J'ai appris du Révérend Père Mersenne que vous avez, il y a quelque temps, soutenu mon party en sa présence ; et l'affection que vous m'avez toujours témoignée m'assure que vous faites le semblable en toutes les occasions, lesquelles ne manquent pas sans doute d'être fréquentes; car j'apprends qu'on me met souvent sur le tapis en bonne compagnie. le ne veux pas m'étendre ici sur les compliments pour vous remercier ; car mes paroles ne pourraient égaler mon ressentiment. Mais je veux faire comme ceux qui ont

coutume d'emprunter de l'argent; ils s'adressent touj
16
III. 193.
Correspondance.

jours plus librement a ceux à qui ils doivent déjà, qu'ils ne font à d'autres, et ainsi vous étant déjà très obligé, je me veux obliger à vous encore davantage, en vous suppliant de voir les pièces d'un petit procès de Mathématique que j'ai contre Monsieur de Fermat, et d'en juger, non point en me favorisant, mais tout à fait selon la justice et la vérité. Il est vrai que j'ai aussi à vous prier, outre cela, de faire savoir votre jugement à tous ceux qui en auront ouï parler, et c'est ce que je tiendrai pour une très-grande faveur. La première des pièces que je vous prie de voir, est une Lettre de Monsieur de Fermat au Père Mersenne, où il réfute ma Dioptrique[1]. La seconde est ma réponse à cette Lettre, dont je vous envoie la copie[2]. La troisième est un écrit Latin de Monsieur de Fermat De Maximis et minimis[3], qu'il m'a fait envoyer, pour montrer que j'avais oublié cette matière en ma Géométrie, et aussi qu'il avait une façon pour trouver les tangentes des lignes courbes, meilleure que celle que j'ai donnée. La quatrième est ma réponse à cet écrit[4]. La cinquième est un écrit de quelques amis de Monsieur de Fermat, qui répliquent pour lui à ma réponse[5]. La sixième est ma réponse à ses amis, laquelle je vous envoie en ce paquet, et je vous prie d'en

retenir une Copie avant que l'Original leur soit mis entre les mains par le Révérend Père Mersenne[6]. La
III, 193-194.
17
CXI. — 1er Mars 1638.

septième est une réplique de Monsieur de Fermat à ma première réponse touchant ma Dioptrique[7]. Le Révérend Père Mersenne vous fournira toutes celles de ces pièces que je ne vous envoie pas, ou bien, s'il lui en manque quelques-unes, je vous les enverrai sitôt que j'en aurai avis, afin que mon procès soit tout instruit.

Au reste, afin que vous puissiez plus commodément remarquer les [fautes de la dernière Lettre de Monsieur de Fermat, à laquelle je n'ai pas voulu répondre, pour la cause que vous verrez, je mettrai ici les principales.

Premièrement, où il dit que j'ai accommodé mon médium à ma conclusion, et qu'il me serait malaisé de prouver que la division des déterminations dont je me sers est celle qu'il faut prendre[8], d'où il passe incontinent à d'autres matières, il montre n'avoir point eu du tout de quoi répondre à ma première lettre, en laquelle j'ai clairement prouvé ce qu'il demande, en faisant voir qu'il ne faut pas considérer la ligne tirée de travers par son imagination, mais la parallèle et la perpendiculaire de la superficie où je fais la réflexion, pour la division de ces déterminations[9].

En l'article qui commence : Je remarque d'abord[10], il veut que j'aie supposé telle différence entre la détermination à se mouvoir çà ou là, et la vitesse, qu'elles

ne se trouvent pas ensemble, ni ne puissent être di
18
III. 194-195.
Correspondance.

minuées par une même cause, à savoir par la toile CBE : ce qui est contre mon sens, et contre la vérité ; vu même que cette détermination ne peut être sans quelque vitesse, bien qu'une même vitesse puisse avoir diverses déterminations, et une même détermination être jointe à diverses vitesses.

En l'article suivant, il y a un sophisme, ou ce qui est le même en matière de démonstration, un paralogisme, en ces mots[11] : Elle avance à proportion moins vers BG que vers BE, donc elle avance à proportion davantage vers BE que vers BG. Il coule ce mot de proportion, qui n'est point du tout en mon écrit, pour se tromper. Et de ce que, puis qu'elle avance moins vers BG que vers BE à proportion (c'est-à-dire en comparant seulement BG et BE l'une à l'autre), elle avance aussi davantage à proportion vers BE que vers BG, il conclus qu'il est vrai, absolument parlant, qu'elle avance plus vers BE qu'elle ne faisait auparavant.

Un peu après, où il dit ces mots : Voyez comme il retombe en sa première faute[12] , c'est lui-même qui retombe en la sienne, voulant que la distinction qui est entre la détermination et la vitesse ou la force du mouvement, empêche que l'une et l'autre ne puisse être changée par la même cause. Et il fait un Para

195-196.
19
CXI. — 1er Mars 1638.

(para-)logisme en ces mots : puisque la balle ne perd rien de sa détermination à la vitesse, ce qu'il n'emprunte nullement de moi, vu que je ne dis rien de semblable en aucun lieu ; et sa faute est d'autant plus grande qu'il m'accuse de faire un paralogisme en le faisant.

Tout ce qui suit après, n'est que pour préparer le lecteur à recevoir un autre paralogisme, qui consiste en ce qu'il parle de la composition du mouvement en deux divers sens, et infère de l'un ce qu'il a prouvé de l'autre. A savoir, au premier sens, il n'y a proprement que la détermination de ce mouvement qui soit composée, et sa vitesse ne l'est pas, sinon en tant qu'elle accompagne cette détermination, comme on voit en la seconde figure, que faisant AB égal à NA et aussi à BN, ce mouvement composé, qui va d'A vers B, n'est ni plus ni moins vite que chacun des deux simples, qui vont, l'un d'A vers N, et l'autre d'A vers C, en même temps ; et ainsi on ne peut dire que ce soit sa vitesse qui est composée, mais seulement que c'est sa détermination d'aller d'A vers B, qui est composée de deux, qui font l'une d'aller d'A vers N, et l'autre d'A vers C.

Et cependant la vitesse du mouvement d'A vers B peut être ou égale, ou plus grande,
20
III, 196
Correspondance.

ou moindre, selon que l'angle CAN est, ou de 120 degrés, ou plus aigu, ou plus obtus ; non pource qu'elle est composée de celle des deux autres mouvements, mais en tant qu'elle doit accompagner la détermination composée, et s'accommoder à elle. Au lieu qu'en son second sens, qui est le mien, en la figure de la page 20[13], il n'y a que la vitesse du mouvement qui se compose : à savoir, elle se compose de celle qu'avait la balle en venant d'A vers B (car elle dure encore de B vers D) et de celle que la raquette qui la pousse au point B lui ajoute. De façon que c'est ici la vitesse seule qui suit les lois de la composition, et non pas la détermination, laquelle est obligée de changer en diverses façons, selon qu'il est requis afin qu'elle s'accommode à la vitesse. Et la force de ma démonstration consiste en cela, que j'insère quelle doit être la détermination, de ce qu'elle ne saurait se trouver autre que telle que je l'explique, pour se rapporter à la vitesse, ou pour mieux dire à la force qui la commence en B. Mais son paralogisme consiste en ce qu'il conclut, touchant la composition de la vitesse, après n'avoir rien prouvé que touchant la composition de la détermination, nommant l'une et l'autre composition du mouvement.

Et il continue ce Paralogisme jusques à la fin, où il

conclut que le mouvement composé sur BI (c'est à
196-197.
21
CXI. — 1er Mars 1638.

dire duquel la vitesse est composée) n'est pas toujours également vite, lors que l'angle GBD, compris sous les lignes de direction des deux forces (c'est à dire sous les lignes qui marquent comment se compose la détermination de ces deux forces), est changé ; tirant cette conclusion de ce qu'il a auparavant prouvé, touchant le mouvement duquel la détermination est composée, et non la vitesse, que la vitesse change, quand l'angle change. Mais vous saurez mieux voir ses fautes que moi, et s'il reste quelque difficulté en tout ceci, que je n'aie pas assez expliquée, vous m'obligerez, s'il vous plait, de m'en avertir.

En ma réponse à fon écrit De maximis et minimis, je n'ai pas voulu dire particulièrement où était la faute de sa règle, ni celle de son exemple, pour trouver la tangente de la parabole, tant pour éprouver s'il les pourrait corriger de lui-même, que parce que j'ai crû qu'il ne trouverait pas bon d'être instruit par moi. Mais vous verrez que la faute de sa règle consiste principalement en ces mots : in terminis sub A et E gradibus ut libet coefficienîibus. Ce qui ne vaut rien, comme il se voit par l'exemple que j'ai donné, touchant la parabole[14] Mais au lieu de ut libet, il faudrait mettre vijs à prioribus diuersis, ou bien per diuersum medium ou quelque chose de semblable, et alors elle ferait assez bonne[15], et servirait en ce même exemple que j'ai donné pour la réfuter. Il y aurait bien toutefois encore quelque autre chose à y changer, mais qui n’est pas de si grande importance ; car celle-ci est la pièce la plus nécessaire de toute la règle ; en sorte que l’ayant mise[16], il montre n’être pas encore fort versé en l’Analyse, ou du moins n’y avoir encore rien de ferme et de solide. Pour sa faute en l’exemple où il cherche la tangente de la parabole, elle est extrêmement grossière ; car il n’y met rien du tout qui détermine la parabole, plutôt que toute autre ligne que se puisse être, sinon que maior est proportio CD ad DI quam quadrati BC ad quadratum OI, ce qui est autant ou plus vrai en l’ellipse qu’en la parabole, etc.[17]

Je vous prie que Monsieur Hardy ait aussi la communication des pièces de mon procès. Et je ne désire point qu’elles soient cachées à aucun autre de ceux qui auront envie de les voir. Mais deux des amis de Monsieur de Fermat[18] s’étant mêlé de soutenir sa cause, je me suis promis que vous n’auriez pas désagréable que je vous employasse tous deux pour la mienne.

Au reste, permettez-moi que je vous demande comment vous gouvernez ma Géométrie ; je crains bien que la difficulté des calculs ne vous en dégoute d’abord, mais il ne faut que peu de jours pour la surmonter, et par après on les trouve beaucoup plus courts et plus commodes que ceux de Viète. On doit aussi lire le troisième Livre avant le second, à cause qu’il est beaucoup plus aisé. Si vous désirez que je vous

envoie quelques adresses particulières touchant le
III. 198
23
CXI. — 1er Mars 1638.

calcul, j’ai ici un ami qui s’offre de les écrire[19], et je m’y offrirais bien aussi, mais j’en suis moins capable que lui, à cause que je ne sais pas si bien remarquer en quoi on peut trouver de la difficulté. Je suis,


Le débat sur la Dioptrique fut repris après la mort de Descartes, et Clerselier insère au tome III de la Correspondance du philosophe douze lettres échangées à ce sujet, de 1657 à 1662, entre Fermat, Clerselier, Rohault et La Chambre. Les voici dans l’ordre où il les donne :

I. Fermat à Clerselier, Toulouse, 3 mars 1658

(Lettre 43, p. 198-199).

II. Fermât à Clerselier, Toulouse, 10 mars 1658

(Lettre 44, p. 199-205).

III. Clerselier à Fermat, Paris, 15 mai 1658

(Lettre 45, p. 206-214).

IV. Rohault à Clerselier pour Fermat, même date

(Lettre 46, p. 215-221).

V. Fermat à Clerselier, 2 juin 1658

(Lettre 47, p. 221-226).

VI. Fermat à Clerselier, 16 juin 1658

(Lettre 48, p. 226-230).

VII. Clerselier à Fermat, Paris, 21 août 1658

(Lettre 49, p. 231-246).

VIII. Fermat à La Chambre, Toulouse, août 1637

(Lettre 50, p. 246-252).

IX. Fermat à La Chambre, Toulouse, 1er janvier 1662

(Lettre 51, p. 252-276).

X. Clerselier à Fermat, Paris, 6 mai 1662

(Lettre 52, p. 276-284).

XI. Clerselier à Fermat, Paris, 13 mai 1662

(Clers., lettre 53, p. 284-295).

XII. Fermat à Clerselier, Toulouse, 12 (lire 21?) mai 1662

(Clers., lettre 54, p. 296-297).


Ces lettres ont été réimprimées dans les Œuvres de Fermat, tome II, 1894, sur une copie, prise par Despeyrous, des originaux de Clerselier qui présentent avec son édition un certain nombre de différences. 24 Correspondance. m, 186-1S7.

CXII.

Descartes a Mersenne.

[1" mars i638.] Texte de Clerselier, tome III, lettre 41, p. 186-192.

Voir pour la date lajîn du prolégomène de la lettre CX, p.2-2.

Mon Reuerend Père,

le dois r^ponfe à trois de vos lettres, à fçauoir du huitième lanuier, du huitième & du douzième Février, dont ie n ay receu la dernière qu'auiourd'huy, & il n'y a pas plus de huit iours que i'ay receu la première. le 5 répondray par ordre à tout ce qui y eft qui a befoin de réponfe, après vous auoir tres-affedueufement re- mercié en gênerai de la fidélité auec laquelle vous m'auertiflez d'vne infinité de chofes | qu'il m'importe de fçauoir, &vous auoir afTuré que tant s'en faut que ,o ie me fafche des médifances qu'on auance contre moy, qu'au contraire ie m'en réjouis, eftimant qu'elles me font d'autant plus auantageufes, & pour cela mefme plus agréables, qu'elles font plus énormes & extrauagantes ; car elles me touchent d'autant moins, i5 & ie fçay que les mal-veillans n'auroient pas tant de foin d'en médire, s'il n'y auoit aufli d'autres perfonnes qui en diiTent du bien; outre que la vérité a befoin quelquefois de contradidion pour élire mieux re- connue. Mais il faut fe mocquer de ceux qui parlent 20 fans raifon ny fondement; & particulièrement pour le

�� � m, ! 87-1 88. CXII. — I" Mars i6j8. 25

S' (Beaugrand), ie m'eftonne de ce que vous daignez encore parler à luy, après le trait qu'il vous a joùé^ le ferois bien-aife d'en apprendre encore vne fois l'hifloire au vray , car vous me l'auez mandée à diuerfes

5 reprifes, & diuerfement, en forte que ie ne fçay ce que l'en pourrois dire ou écrire affurément, en cas qu'il fe prefentaft occafion de l'en remercier félon fon mérite. Pour fes difcours & ceux de fes femblables, ie vous prie de les méprifer, & de leur témoigner que ie les

10 méprife entièrement. le vous fupplie auffi tres-expref- fement de ne receuoir aucun écrit, ny de luy, ny de perfonne, pour me l'enuoyer, û ceux qui vous en pre- fenteront n'écriuent au bas qu'ils confentent que ie le falTe imprimer auec ma réponfe ; à quoy s'ils font de

i5 la difficulté, vous leur direz, s'il vous plaift, qu'ils peuuent donc, fi bon leur femble, addrefîer leur écrit à mon Libraire, comme i'ay mis au Difcours de ma Méthode, page 7 ^ , mais qu'après auoir veu la dernière lettre de M. de Fermât, où il dit qu'il ne defire pas

20 qu'elle foit imprimée ^, ie vous ay prié tres-expreffe- ment de ne m'en plus enuoyer de telle forte. Ce n'eft pas à dire pour cela que û les PP. lefuites, ou ceux de l'Oratoire, ou autres perfonnes qui fuffent fans con- tredit honneftes gens & non paffionnez, me vouloient

25 propofer quelque chofe,il fuft befoin d'vfer d'vne telle précaution; car ie m'accommoderay entièrement à leur volonté, mais non point à celle des efprits mali- cieux, qui ne cherchent rien moins que la vérité. | Pour celuy que vous dites qui m'accufe de n'auoir pas

a. Voir 1. 1, p. 354-355 et p. 36i-362.

b. Lettre XCVI, t. I, p. 464, 1. i5.

Correspondance, II. 4

�� � 20 Correspondance.

��m, i88

��nommé Galilée, il monftre auoir enuie de reprendre & n'en auoir pas de fujet; car Galilée mefme ne s'at- tribue pas l'inuention des Lunettes, & ie n'ay dû parler que de l'inuenteur^. le n'ay point dû non plus nommer ceux qui ont écrit auant moy de l'Optique ; car mon 5 deffein n'a pas eilé d'écrire vne hiftoire, & ie me fuis contenté de dire, en gênerai, qu'il y en auoit eu qui y auoient defia trouué plufieurs chofes, afin qu'on ne puft s'imaginer que ie me voulufTe attribuer les inuen- tions d'autruy; en quoy ie me fuis fait beaucoup plus lo de tort, qu'à ceux que i'ay obmis de nommer : car on peut penfer qu'ils ont beaucoup plus fait que peut- eflre on ne trouueroit en les lifant, fi i'auois dit quels ils font. Voila pour vofl:re première lettre.

le viens à la féconde, où vous me mandez auoir dif- i5 feré d'enuoyer ma Réponfe De maxitnù & minimis à Monfieur de Fermât, fur ce que deux de fes amis vous ont dit que ie m'eftois mépris. En quoy i'admire voftre bonté, & pardonnez-moy fi i'adjoûte voftre crédulité, de vous eftre fi facilement laifiTé perfuader contre moy 20 par les amis de ma partie, lefquels ne vous ont dit cela que pour gagner temps, & vous empefcher de la laifler voir à d'autres, donnant cependant tout loifir à leur amy pour penfer à me répondre. Car ne doutez point qu'ils ne luy en ayent mandé le contenu; & fi 25 vous l'auez laiflee entre leurs mains, ie vous prie de voir s'ils n'en auroient point efi'acé ces mots : E iufques a", &i mis en leur place : B pris en. Car ils

a. Dioptr., p. 1-2, où Descartes nomme « laques Metius d'Alcmar ».

b. Lettre XCIX, t. I, p.486. Voir réclaircisscment delà lettre CX. p. 1?.

c. Tome I, p. 487, 1. 18.

�� � iif, 188-189. CXII. — I" Mars 1638. 27

me citent ainfi en leur Efcrit*, pour corrompre le fens de ce que i'ay dit, & trouuer là deffus quelque chofeà dire; mais s'ils auoient changé quelque chofe dans le mien (de quoy ie ne veux pas les accufer), ilr 5 feroient fauflaires, & dignes d'infamie & de rifée. l'enuoye ma Réponfe à Monfieur Midorge, & ie I'ay enfermée auec la lettre que ie luy écris, afin que, fi vous craignez qu'ils trouuaflent mauuais que vous luy euffiez fait voir pluftoft qu'à eux, vous puiffiez par

10 ce moyen vous en excufer. Mais ie vous prie, en don- nant le pacquet à Monfieur Midorge, de luy commu- niquer auffi : I La première lettre que Monfieur de Fermât vous a écrite contre ma Dioptrique. 2 La Copie de fon Efcrit De maximis & minimis. j Ma Réponfe à

i5 cet Efcrit. 4 La Copie de la réplique de M. de Ro- berual. 5 Et celle de la réplique de Monfieur de Fer- mat contre ma Dioptrique ". Car ces cinq pièces luy font neceffaires pour bien examiner ma caufe ; & ce feroit me faire grande injuftice de ne monftrer leurs

20 objedions & mes réponfes qu'aux amis de Monfieur de Fermât, afin qu'ils fuiïent enfemble juges & parties. Au refte, ie vous fupplie & vous conjure de vouloir retenir des copies de tout, & de les faire voir à tous ceux qui en auront la curiofité; comme, entr' autres, ie

25 ferois bien aife que Monfieur Defargues les vifl, s'il luy plaift d'en prendre la peine; mais il ne faut point faire voir vn papier fans l'autre, & pour cela ie vou-

a. « Cet escrit n'est point imprimé, et ie ne sçay ou on le peut trouuer. » (Note de l'exemplaire de l'Institut.)

b. Lettres CX et CXI, p. i et 1 5 ci-avant.

c. Voir plus haut, p. i6, 1. loetsuiv.

d. Voir ci-après l'éclaircissement de la lettre CXIX, du 3i mars i638.

�� � 28 Correspondance. m, 189-190.

drois qu'ils fuflent tous écrits de fuitte en vn mefme cayer. Gardez-vous auffi de mettre les originaux entre les mains des amis de Monfieur de Fermât, fans en auoir des copies, de peur qu'ils ne vous les rendent plus; & vous luy enuoyerez, s'il vous plaift, mes ré- 5 ponfes, li-toft que vous les aurez fait copier. Tout Confeillers, & Prefidens, & grands Géomètres que foient ces Meffieurs-là% leurs objedions & leurs def- fenfes ne font pas foûtenables, & leurs fautes font auffi claires qu'il eft clair que deux & deux font 10 quatre. La copie de l'écrit De locis planis & folidis^, que ie vous renuoye, groffira extrêmement ce pacquet, mais c'eft à ceux qui le redemandent à en payer le port. Vne autre fois ie vous prie de retenir des copies de tout ce que vous m'enuoyerez & defirerez rauoir; i5 mais ie vous prie auffi de ne m'enuoyer plus de tels efcrits ; car ie ne pers pas volontiers le temps à les lire, & ie n'ay encore fceu ietter les yeux fur celuy-cy.

Pour mes raifons de l'exillence de Dieu, i'efpere qu'elles feront à la fin autant ou plus eftimées qu'au- 20 cune autre partie du Liure ; le Père Vatier monftre en faire eflat, & me témoigne autant d'approbation par fes dernières touchant tout ce que i'ay écrit *=, que l'en fçaurois defirer de | perfonne ; de façon que ce qu'on vous auoit dit de luy n'ell pas vray femblable. 25

l'admire derechef que vous me mandiez que ma réputation eft engagée dans ma Réponfe à Monfieur

a. Fermât, Conseiller au Parlement de Toulouse; Etienn'* Pascal, Président en la Cour des Aides de Clermont-Ferrand ; Roberval, Profes- seur de Mathématiques au Collège Royal.

b. Écrit de Fermât. Voir t. I, p. 5o3, note a.

c. Voir t. I, p. 558 et suiv.

�� � de Fermat, en laquelle ie vous aſſure qu’il n’y a pas vn ſeul mot que ie vouluſſe eſtre changé, ſi ce n’eſt qu’on euſt falſifié ceux dont ie vous ay auerty, ou d’autres, ce qui ſe connoiſtroit aux litures[20], car ie croy n’y en 5 auoir fait aucune. I’admire auſſi que vous parliez de marquer ce que vous trouuerez de faux contre l’experience en mon Liure ; car i̇’oſe aſſurer qu’il n’y en a aucune de fauſſe, pource que ie les ay faites moy-meſme, & nommément celle que vous remarquez de 10 l’eau chaude qui gele pluſtoſt que la froide ; où i’ay dit non pas chaude & froide, mais que l’eau qu’on a tenuë long-temps ſur le feu ſe gele pluſtoſt que l’autre[21] ; car pour bien faire cette experience, il faut, ayant fait boüillir l’eau, la laiſſer refroidir, iuſqu’à ce qu’elle ait 15 acquis le meſme degré de froideur celle d’vne fontaine, en l’éprouuant auec vn verre de temperament, puis tirer de l’eau de cette fontaine, & mettre ces deux eaux en pareille quantité & dans pareils vazes. Mais il y a peu de gens qui ſoient capables de 20 bien faire des experiences, & ſouuent, en les faiſant mal, on y trouue tout le contraire de ce qu’on y doit trouuer. Ie vous ay répondu cy-deuant touchant les couronnes de la chandelle, & vous aurez maintenant receu ma lettre[22].

25 Ie viens à voſtre derniere que ie n’ay receuë qu’auiourd’huy, & il eſt minuict, car depuis l’auoir receuë i’ay écrit à Monſieur Midorge[23], à Monieur Hardy[24], & jo Correspondance. m. 190-19».

la Réponfe à la dernière de Monlîeur de Fermât^. Fadmire voftre crédulité de vous élire laiffé abufer par fes amis ; pardonnez-moy fi ie vous le dis, ie m'affure qu'ils s'en mocquent entre eux. le m'attens fort à Monfieur Bachet pour iuger de ma Géométrie. Fay 5 regret que Galilée ait perdu la veuë; encore que ie ne le nomme point, ie me perluade qu'il n'auroit pas mé- prifé ma Dioptrique.

le n'ay aucune mémoire d'auoir iamais veu le fieur Petit que vous me nommez; mais, qui que ce foit, 10 laiffez-le faire, & ne le découragez point d'écrire contre moy. Seulement ferois-ie bien-aife de fça- uoir ce que vous me mandez qu'il auoit mis dans fon Efcrit, que vous n'auez pas voulu que ie vifTe ; car ce ne peut eftre rien de fi mauuais, que ie ne puiiTe en- ,5 tendre fans m'émouuoir; c'eft pourquoy ie vous prie de me le mander tout franchement*.

Vos Analyftes n'entendent rien en ma Géométrie, & ie me mocque de tout ce qu'ils difent. Les conflruc- tions & les demonftrations de toutes les chofes les 20 plus difficiles y font ; mais i'ay obmis les plus faciles, afin que leurs femblables n'y puffent mordre. Il y en a icy qui l'entendent parfaitement, entre lefquels deux font profeffion d'enfeigner les Mathématiques aux gens de guerre. Pour les ProfefTeurs de FEcole, pas vn 25 ne Fentend^ ie dis ny Golius^, ny encore moins Hor- tenfius, qui n'en fçait pas affez pour cela. Il n'eft pas befoin que vous demandiez aucunes queftions à vos Géomètres pour m'enuoyer ; mais s'ils vous donnent

a. Lettre CXI, p. i5.

b. Voir tome I, p. 232, 1. 4 et l'éclaircissement

�� � m, i9i-i9> CXII. — !"■ Mars 1658. ji

des objedions, receuez-les aux conditions mifes cy- deflus ; & du refte témoignez-leur franchement qu'a- près auoir veu leurs efcrits, ie leur ay rendu dans mon eftime toute la juftice qu'ils méritent. 5 le vous prie de me mander particulièrement quelle eft la condition & quelles font les qualitez de Mon- fieur Defargues; car ie voy qu'il m'a défia obligé en plufieurs chofes, & i'auray peut-eftre cy-apres occa- fion de luy écrire. Mais ie ne fouhaitte nullement

10 qu'on trauaille à l'inuention des Lunettes par le com- mandement de Monfieur le Cardinal, pour les raifons que ie vous ay défia écrites^. Sçachez que i'ay de- monllré les refra^ions Géométriquement & a priori en ma Dioptrique, & ie m'eftonne que vous en doutiez

1 5 encore ; mais vous efles enuironné de gens qui parlent le plus qu'ils peuuent à mon defauantage. le fçay que ceux qui ne m'aiment pas vous vont voir exprés pour ce fujet, & pour apprendre de mes nouuelles; c'eft pourquoy ie dois pluftoft m'eftonner de ce que, no-

20 nobftant toutes leurs menées, vous ne continuez pas moins de m'aimer & de tenir mon party, de quoy ie vous fuis tres-particulierement obligé. le m'affure que vos Géomètres, qui examinent en leur Académie tout ce qui paroift de nouueau*, n'y examineront gueres

2 5 ma Géométrie, faute de la pouuoir entendre ; mais cette faute viendra plûtoft d'eux que de mon efcrit ; car il y en a icy qui l'entendent, & qui la trouuent au- tant ou mefme, quelques-vns, plus claire que la Diop- trique & les Météores. Pour les refradions, fçachez

3o qu'elles ne fuiuent nullement la proportion de la pe-

a. Voir Tome I, page 5oo-5oi.

�� � }2 Correspondance. 111,192.

fanteur des liqueurs : car l'huyle de terebentine, qui eft plus légère que l'eau, l'a beaucoup plus grande ; & l'efprit ou l'huyle de fel, qui eft plus pefante, l'a auffi vn peu plus grande.

le vous remercie de l'auis que vous me donnez du 5 fleur Riuet*; ie connois fon cœur, il y a long-temps, & de tous les Miniftres de ce pais*, pas vn defquels ne m'eft amy ; mais neantmoins ils fe taifent, & font muets comme des poifTons. le vous remercie auffi de l'Intus & Foris, car d'autant que vous m'écriuez plus 10 de chofes, d'autant me faites-vous plus de plaifir, & ie fuis de tout mon cœur.

Mon R. P.

Voftre tres-humble & tres-obeïffant

feruiteur, descartes. i5

��Page 3o, 1. 17. — Mersenne, qui avait annoncé les objections de Petit à Descartes dans sa lettre du 12 février, en parla aussi à Fermât, dont Clerselier nous a conservé la réponse à ce sujet (tome III, lettre 36, p. 167-168, datée de Toulouse, 20 avril i638) :

« Mon Reuerend Père, « le vous suis extrêmement obligé du soin que vous prenez pour satis- » faire ma curiosité, m'ayant bien voulu faire part d'vne Lettre que ie » trouue tres-exceliente, soit pour la matière qu'elle contient, soit pour les » paroles dont on s'est seruy; c'est celle qui est signée Petit, qui est vn » nom inconnu pour moy, mais qui m'a donné vn ires-grand désir d'estre » connu de luy ; ie seray rauy qu'il vous plaise de m'en donner le moyen. » Et i'ay crû que ny vous ny lui ne desapprouueriez pas la liberté que » i'ay prise d'effacer sur la fin quelques paroles qui marquoient que ses » objections contre la Dioptrique de Monsieur Descartes estoicnt plus » fortes et moins sujettes à réplique que les inieiines. Ce n'est pas que » l'en doute, puisque i'ay conceu vne très-grande opinion de son esprit; » mais ie désire, si vous l'agréez, d'esire vn peu mis à l'ccart, et de voir » toutes ces belles disputes plustost comme témoin que comme partie. n Vous adjoûterez vne très-grande obligation à toutes celles que ie vous » ay desia, si vous me procurez la veuë de ce Discours que l'auteur de

�� � CXII. — I" Mars i6j8. jj

» cette belle Lettre promet touchant la refraction. Et si i'osois espérer » la communication des expériences qu'il a faites, peut-estre y mélerois-ie » de la Géométrie, si ie les trouuois conformes à mon sentiment. l'at- » tendray cette satisfaction auec impatience, et vous renuoyeray par le » premier Courrier son escrit, que ie retiens pour en tirer copie. »

On trouvera la suite de cette lettre tome I, p. 495-496.

Des copies de ces objections de Petit circulèrent en France. Un des cor- respondants de Mersenne, Bonnel, de Montpellier, lui écrira, le 2 juillet 1646 : « J'ay aussi veu vn petit traitté manuscript, fait, comme l'on me » dit, par Monsieur Petit, contre le Discours de la Méthode, fort judicieux » à mon gré. » {Bibl. Nat., Ms. Fr. n. a. 6206, f. 128, p. 144). Un autre correspondant. Deschamps, médecin et mathématicien à Bergerac, paraît aussi y faire allusion, dans une lettre à Mersenne, du i" mars 1644: ... le traité des refractions qui estoit en cahiers décousus, en suite de la » responce a Mons' des Cartes, vous le trouuerés appres icelle, mon » neueu a qui ie les auois baillées a copier les ayants cousus ensemble, » de peur d'en esgarer quelque cayer. » (/*., f. 23o). — Ces objections de Petit sont aujourd'hui perdues.

Page 3i, 1. 24. — C'était une réunion de mathématiciens qui s'assem- blaient le jeudi, tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre. « L'assemblée étoit ce » jour-là chez M. de Montholon, conseiller », lit-on dans une lettre de Roberval à Fermât, du samedi 4 avril 1637 {Œuvres de Fermât, II, io3). Mersenne en énumère quelques-uns dans une lettre à Peiresc, de i635 : « Messieurs Pascal, Président aux Aydes à Clermont en Auvergne, » Mydorge, Hardy, Roberval, des Argues, l'abbé Chambon. » [Corres- pondants de Peiresc, fasc. XIX, 1894, p. i38).

Page 32, 1. 6. — « Cette lettre que Riuet écrivit au P. Mersenne est au 3 t. des Lettres Ms. à Mersenne. » (Note de l'exemplaire de l'Institut). En effet, on y trouve (Bibl. Nat., Fr. n. a. 6206, f. 100, p. 189) une lettre d'André Rivet à Mersenne, où on lit : « Monsieur des Cartes n'est pas loin » d'icy, mais je ne l'ay pas veu depuis la publication de son Hure, duquel » l'attente a faict plus d'esclat que la publication. J'entends que Fromond » de Louvain luy a envoyé ses objections ausquelles il a respondu. Mais » jusques à ce qu'il donne la clef de ses secrets, ce seront lettres closes à » plusieurs. » Seulement cette lettre est datée de La Haye, 2g avril t638; aussi la note de l'exemplaire de l'Institut semble bien être inexacte, ainsi que cette autre note (en marge de la page 192), qui n'est qu'une consé- quence de la première : « Cette fin est un morceau cousu et postérieur. » Il paroît estre du mois de may i638. » Mersenne pouvait avoir été avisé des sentiments de Rivet par une lettre antérieure à celle du 29 avril.

Page 32, 1. 7. — « Hormis Abrah. Heidanus. » (Note de l'exemplaire de l'Institut).

Correspondance. II. S

�� � 54 Correspondance. n. s

CXIII.

Descartes a ***.

[Mars i638.] Texte de Clerselier, tome II, lettre 2, p. 5-14.

Sans nom ni date dans Clerselier, Réponse à la lettre CIV. Voir le prole'gomène, t. I,p, Sii-Sis,

Monfieur,

Il n'eftoit pas befoin de la cérémonie dont voftre amy a voulu vfer; ceux de fon mérite & de fon efprit n'ont que faire de médiateurs, & ie tiendray toufiours à faueur, quand des perfonnes comme luy me vou- 5 dront faire l'honneur de me confulter fur mes écrits, le vous prie de luy ofter ce fcrupule ; mais pour cette fois, puis qu'il l'a voulu, ie vous donneray la peine de luy adreffer mes réponfes.

Premièrement, il eft vray que, fi i'auois dit abfolu- lo ment qu'il faut fe tenir aux opinions qu'on a vne fois déterminé de fuiure, encore qu'elles fuffent dou- teufes, ie ne ferois pas moins reprehenfible que fi i'auois dit qu'il faut élire opiniafl;re & obftiné ; à caufe que fe tenir à vne opinion, c'eft le mefme que i5 de perfeuerer dans le iugement qu'on en a fait. Mais i'ay dit toute autre chofe, à fçauoir qu'il faut élire refolu en fes adions, lors mefme qu'on demeure irre- folu en fes iugemens (voye page vingt - quatre, ligne 8), & ne fuiure pas moin conftamment les opi- 20

�� � 11,5-6. CXIII. — Mars 1638. ^5

nions les plus douteufes, c efl à dire n'agir pas moins conftamment fuiuant les opinions qu'on iuge dou- teufes, lors qu'on s'y efl vne fois déterminé, c'ell à dire lors qu'on a confideré qu'il n'y en a point d'autres 5 qu'on iuge meilleures ou plus certaines, que fi on connoilToit que celles-là fuffent les meilleures ; comme en effet elles le font fous cette condition (voyez page vingt-fix, ligne 15). Et il n'efl pas à craindre que cette fermeté en l'adion nous engage de plus en plus dans

10 l'erreur ou dans le vice, d'autant que l'erreur ne peut élire que dans l'entendement, lequel ie fuppofe, nonobllant cela, demeurer libre & confiderer comme douteux ce qui efl | douteux . Outre que ie raporte principalement cette règle aux aâ:ions de la vie qui

i5 ne foulFrent aucun delay, & que ie ne m'en fers que par prouifion (page 24, ligne 10), auec delTein de changer mes opinions, fi tofl que l'en pourray trouuer de meilleures, & de ne perdre aucune occafîon d'en chercher (page 29, ligne 8). Au relie i'ay eflé obligé

20 de parler de cette refolution & fermeté touchant les allions, tant à caufe qu'elle eft neceflaire pour le repos de la confcience, que pour empefcher qu'on ne me blafmaft de ce que i'auois écrit que, pour éuiter la préuention, il faut vne fois en fa vie fe défaire de

25 toutes les opinions qu'on a receùes auparauant en fa créance : car apparemment on m'eull objedé que ce doute fi vniuerfel peut produire vne grande irrefolu- tion & vn grand dérèglement dans les mœurs. De façon qu'il ne me femble pas auoir pu vfer de plus de

3o circonfpedion que i'ay fait, pour placer la refolution, en tant qu'elle eft vne vertu, entre les deux vices qui

�� � ■ j6 Correspondance. n, s-?-

luy font contraires, à fçauoir l'indétermination & l'obflination.

2. Il ne me femble point que ce foit vne fiélion, mais vne vérité, qui ne doit point eftre niée de per- fonne, qu'il n'y a rien qui foit entièrement en noftre 5 pouuoir que nos penfées ; au moins en prenant le mot de penfée comme ie fais, pour toutes les opérations de î'ame, en forte que non feulement les méditations & les volontez, mais mefme les fondions de voir, d'ouïr, de fe déterminer à vn mouuement pluftoft qu'à lo vn autre &c., en tant qu'elles dépendent d'elle, font des penfées. Et il n'y a rien du tout que les chofes qui font comprifes fous ce mot, qu'on attribue propre- ment à l'homme en langue de Philofophe : car pour les fondions qui appartiennent au corps feul, on dit i5 qu'elles fe font dans l'homme, & non par l'homme. Outre que par le mot entièrement (page 27, ligne 3), & par ce qui fuit, à fçauoir que, lors que nous auons fait noftre mieux touchant les chofes extérieures, tout ce qui manque de nous reûffir eft au regard de nous abfo- 20 lument impoflible ; ie témoigne aflez que ie n'ay point voulu dire, pour cela, que les chofes extérieures ne fuffent point du tout en noftre pouuoir, mais feule- ment qu'elles n'y font qu'en tant qu'elles peuuent fuiure de nos penfées, & non pas ahfolument ny entie- 25 rement, à caufe qu'il y a d'autres puifTances hors de nous, qui peuuent empefcher les effets de nos def- feins. Mefme pour m'exprimer mieux, i'ay ioint en- femble ces deux mots : au regard de nous & ahfolument , que les critiques pourroient reprendre comme fe 3o contredifans l'vn à l'autre, n'eftoit que l'intelligence

�� � H. 7-8. CXIII. — Mars i6j8. 57

du fens les accorde. Or nonobftant qu'il foit tres-vray qu'aucune chofe extérieure n'eft en noftre pouuoir, qu'en tant qu elle dépend de la direélion de noftre ame, & que rien n'y eft abfolument que nos penfées; & qu'il

5 n'y ait, ce me femble, perfonne qui puiffe faire difficulté de l'accorder, lors qu'il y penfera expreffement ; i'ay dit neantmoins qu'il faut s'accoutumer à le croire, & mefme qu'il eft befoin à cet effet d'vn long exercice, & d'vne méditation fouuent réitérée; dont la raifon

10 eft que nos appétits & nos paffions nous dident con- tinuellement le contraire; & que nous auons tant de fois éprouué dés noftre enfance, qu'en pleurant, ou commandant, &c., nous nous fommes faits obeïr par nos nourrices, & auons obteilu les chofes que nous

i5 defirions, que nous nous fommes infenfiblement per- fuadez que le monde n'eftoit fait que pour nous, & que toutes chofes nous eftoient deûes. En quoy ceux qui font nez grands & heureux, ont le plus d'occafion de fe tromper; & l'on voit aufli que ce font ordinai-

20 rement eux qui fuportent le plus impatiemment les difgraces de la fortune. Mais il n'y a point, ce me femble, de plus digne occupation pour vn Philofophe, que de s'accoutumer à croire ce que luy dide la vraye raifon, & à fe garder des fauffes opinions que fes ap-

2 5 petits naturels luy perfuadent.

} . Lors qu'on dit : le refpire, donc iefuis, fi l'on veut conclure fon exiftence de ce que la refpiration ne peut eftre fans elle, on ne conclud rien, à caufe qu'il fau- droit auparauant auoir prouué qu'il eft vray qu'on

3o refpire, & cela eft impoffible, fi ce n'eft qu'on ait aufli prouué qu'on exifte. Mais fi l'on veut conclure fon

�� � jS Correspondance. ". »•

exiftence du fentiment ou de l'opinion qu'on a qu'on refpire, en forte qu'encore mefme que cette opinion ne fuft pas vraye, on iuge toutesfois qu'il eft impof- fible qu'on l'eufl, û on n'exilloit, on conclud fort bien; à caufe que cette penfée de refpirer fe prefente alors à 5 noftre efprit auant celle de noflre exiftence, & que nous ne pouuons douter que nous ne l'ayons pendant que nous l'auons (voyez page j6, ligne 22). Et ce n'eft autre chofe à dire en ce fens-là : le refpire, donc iefuis, finon le penfe, donc iefuis. Et fi l'on y prend garde, on 10 trouuera que toutes les autres propofitions defquelles nous pouuons ainfi conclure noftre exiftence, re- uiennent à cela mefme; en forte que, par elles, on ne prouue point l'exiftence du corps, c'eft à dire celle d'vne nature qui occupe de l'efpace, &c., mais feu- i5 lement celle de l'ame, c'eft à dire d'vne nature qui penfe; & bien qu'on puiiTe douter fi ce n'eft point vne mefme nature qui penfe & qui occupe de l'efpace, c'eft à dire qui eft enfemble intelleduelle & corporelle, toutesfois on ne la connoift, par le chemin que i'ay 20 propofé, que comme intelleduelle.

4. De cela feul qu'on conçoit clairement & diftinc- tement les deux natures de l'ame & du corps comme diuerfes, on connoift que véritablement elles font diuerfes, & par confequent que l'ame peut penfer 25 fans le corps, nonobftant que, lors qu'elle luy eft jointe, elle puifle eftre troublée en fes opérations par la mauuaife difpofition des organes.

^ . Bien que les Pyrrhoniens n'ayent rien conclu de certain en fuite de leurs doutes, ce n'eft pas à dire 3o qu'on ne le puifle. Et ie tafcherois icy de faire voir

�� � n,8-g. CXIII. — Mars i6j8. JÇ

comment on s'en peut feruir pour prouuer Texiftence de Dieu, en éclairciffant les difficultez que i ay laiffées en ce que l'en ay écrit; mais on m'a promis de m'en- uoyer bien-toft vn recueil de tout ce qui peut eftre mis

5 en doute fur ce fujet, ce qui me donnera peut-eftre occafion de le mieux faire : c'eft pourquoy ie fupplie celuy qui a fait ces remarques, de me permettre que ie diffère iufqu'à ce que ie l'aye receu.

1 6. Il eft certain que la reffemblance qui eft entre la

10 plufpart des adions des beftes & les noftres, nous a donné, dés le commencement de noftre vie, tant d'oc- cafions de iuger qu'elles agiffent par vn principe inté- rieur femblable à celuy qui eft en nous, c'eft à dire par le moyen d'vne ame qui a des fentimens & des

i5 paffions comme les noftres, que nous fommes tous naturellement préoccupez de cette opinion. Et, quelques raifons qu'on puifl'e auoir pour la nier, on ne fçauroit quaû dire ouuertement ce qui en eft, qu'on ne s'expofaft à la rifée des enfans & des efprits foibles.

2o Mais pour ceux qui veulent connoiftre la vérité, ils doiuent fur tout fe deffier des opinions dont ils ont efté ainfi preuenus dés leur enfance. Et pour fçauoir ce que l'on doit croire de celle-cy, on doit, ce me femble, confiderer quel iugement en feroit vn homme,

2 5 qui auroit efté nourry toute fa vie en quelque lieu où il n'auroit iamais veu aucuns autres animaux que des hommes, & où, s'eftant fort adonné à Teftude des Me- chaniques, il auroit fabriqué ou aidé à fabriquer plu- fieurs automates, dont les vns auoient la figure d'vn

3o homme, les autres d'vn cheual, les autres d'vn chien, les autres d'vn oyfeau, &c., & qui marchoient, qui

�� � 40 Correspondance. h, g-io.

mangeoient & qui refpiroient, bref qui imitoient, autant qu'il eftoit poffible, toutes les autres aélions des animaux dont ils auoient la reflemblance, fans obmettre mefme les fignes dont nous vfons pour té- moigner nos paillons, comme de crier lors qu'on les 5 frapoit, de fuir lors qu'on faifoit quelque grand bruit autour d'eux, &c., en forte que fouuent il fe feroit trouué empefché à difcerner, entre des vrais hommes, ceux qui n'en auoient que la figure; & à qui l'expé- rience auroit appris qu'il n'y a, pour les reconnoiftre, lo que les deux moyens que i'ay expliquez en la page 57 de ma Méthode : dont l'vn eft que iamais, fi ce n'eft par hazard, ces automates ne répondent, ny de pa- roles, ny mefme par fignes, à propos de ce dont on les interroge; & l'autre que, bien que fouuent les >5 mouuemens qu'ils font, foient plus réguliers & plus certains que ceux des hommes les plus fages, ils manquent neantmoins en plufieurs chofes, qu'ils de- uroient faire pour nous imiter, plus que ne feroient les plus infenfez. Il faut, dis-je, confiderer quel iuge- 20 ment cet homme feroit des animaux qui font parmy nous, lors qu'il les verroit; principalement s'il eftoit imbu de la connoifTance de Dieu, ou du moins qu'il euft remarqué le combien toute l'induftrie dont vfent les hommes en leurs ouurages, eft inférieure à celle 25 que la nature fait paroiftre en la compofition des plantes ; & en ce qu'elle les remplit d'vne infinité de petits conduits imperceptibles à la veuë, par lefquels elle fait monter peu à peu certaines liqueurs, qui, eftant paruenùes au haut de leurs branches, s'y 3o mêlent, s'y agencent, & s'y deflfeichent en telle façon,

�� � II, .0-11. CXIII. — Mars 1638. 41

qu'elles y forment des feuilles, des fleurs & des fruits ; en forte qu'il cruft fermement que, fi Dieu ou la nature auoit formé quelques automates qui imitaflent nos aélions, ils les imiteroient plus parfaitement, & fe- 5 roient fans comparaifon plus induftrieufement faits, qu'aucun de ceux qui peuuent eftre inuentez par les hommes. Or il n'y a point de doute que cet homme, voyant les animaux qui font parmy nous, & remar- quant en leurs adions les deux mefmes chofes qui les

10 rendent différentes des noftres, qu'il auroit accouf- tumé de remarquer dans fes automates, ne iugeroit pas qu'il y euft en eux aucun vray fentiment, ny au- cune vraye paffion, comme en nous, mais feulement que ce feroient des automates, qui, eftant compofez

1 5 par la nature, feroient incomparablement plus accom- plis qu'aucun de ceux qu'il auroit fait luy-mefme auparauant. Si bien qu'il ne refte plus icy qu'à confi- derer fi le iugement, qu'il feroit ainfi auec connoif- fance de caufe, & fans auoir elle preuenu d'aucune

20 fauffe opinion, eft moins croyable que celuy que nous auons fait deflors que nous eftions enfans, & que nous n'auons retenu depuis que par couftume, le fondant feulement fur la reffemblance qui eft entre quelques adions extérieures des animaux & les noftres, la-

25 quelle n'eft nullement fuffifante pour prouuer qu'il y en ait auffi entre les intérieures.

7. l'ay tafché de faire connoiftre que l'ame eftoit vne fub ftance réellement diftinde du corps, ce qui fuffit, ce me femble, en parlant à ceux qui auoiient

îo que Dieu eft créateur de toutes chofes, pour leur faire auffi auoûcr que nos âmes doiuent necefl"airement

CORRESPONDANCt. II. (J

�� � 42 Correspondance. ii, u.

eftre créées par luy. Et ceux qui fe feront affurez de fon exiftence par le chemin que i'ay monllré, ne pour- ront manquer de le reconnoiflre pour tel.

8. le n'ay pas dit que la lumière fufl eftenduë comme vn ballon, mais comme les adions ou mouue- 5 mens qui font tranfmis par vn bafton. Et bien que le mouuement ne fe fafle pas en vn inftant, toutesfois chacune de fes parties fe peut fentir en l'vn des bouts d'vn bafton, au mefme inftant (c'eft à dire exadement

au mefme temps) qu'elle eft produite en l'autre bout. lo le n'ay pas dit aulîi que la lurniere fuft comme le mouft de la cuue, mais comme l'adion dont les plus hautes parties de ce mouft tendent en bas ; & elles y tendent exadement en ligne droite, nonobftant qu'elles ne fe puiflent mouuoir fi exadement en ligne i5 droite, comme i'ay dit page 8, ligne i.

9. Puis que i'ay fait profeffion de ne point vouloir expliquer les fondemens de la Phyfique (page ^d^ ligne 19), ie n'ay pas crû deuoir expliquer la matière fubtile dont i'ay parlé, plus diftindement que ie n'ay 20 fait.

10. Encore que l'eau ne demeure liquide, qu'à caufe que fes parties font entretenues en leur agita- tion par la matière fubtile qui les enuironne, cela n'empefche pas qu'elle ne doiue le deuenir, lors 25 qu'elles feront agitées par quelqu'autre caufe. Et pourueu qu'on fçache que le feu ayant la force de mouuoir les parties des corps terreftres dont il ap- proche, comme on voit à l'œil en plufieurs, doit à plus forte raifon mouuoir celles de la matière fubtile, à 3o caufe qu'elles font plus petites & moins jointes en-

�� � .. ..-.2. CXIII. — Mars 1638. 4J

femble, qui font les deux qualitez pour lefquelles vn corps peut élire nommé plus fubtil que les autres, on ne trouuera aucune difficulté en cet article.

1 1 . On fçait bien que ie ne pretens pas perfuader 5 que les parties de l'eau ayent la figure de quelques

animaux ; mais | feulement qu elles font longues, vnies & pliantes. Or fi l'on peut trouuer quelqu autre figure par laquelle on explique toutes leurs propriétés, ainfi qu'on fait par celle-cy , ie veux bien qu'on leur attribue ;

10 mais fi on ne le peut, ie ne voy pas quelle difficulté on fait de les imaginer de celle-cy, auffi-tofl; que de quel- qu autre, veu qu'elles doiuent necefiTairement en auoir quelqu' vne, & que celle-cy efi; des plus fimples. Pour ce qui eft de l'air, bien que ie ne nie pas qu'il ne puiffe

t5 y auoir quelques-vnes de fes parties qui ayent auffi cette figure, toutesfois il y a plufieurs chofes qui monfl;rent afiTez qu'elles ne la peuuent auoir toutes : comme entr' autres il ne feroit pas fi léger qu'il eft, à caufe que ces fortes de parties s'arrangent facilement

20 les vnes auprès des autres, fans laiffer beaucoup d'ef- pace autour d'elles, & ainfi doiuent compofer vn corps afiTez maflif & pefant, tel qu'eft l'eau, ou bien il feroit beaucoup plus pénétrant qu'il n'eft, car on voit qu'il ne l'eft gueres dauantage que l'eau, ou mefme en plu-

25 fieurs cas qu'il l'eft moins; il ne pourroit aufli fe dilater ou condenfer par degrez , fi aifement qu'il fait, &c.

12. 11 me femble que ce que contient cet article, eft le mefme que fi, à caufe que i'aurois dit que la douleur

3o qu'on fent, en receuant vn coup d'efpée, n'eft point dans l'efpée comme dans le fens, mais qu'elle eft feu-

�� � 44 Correspondance. , ii, u-is.

lement caufée par la figure de fon tranchant ou de fa pointe, par la dureté de fa matière & par la force dont elle eft meuë, on m'objedoit que les autres corps qui auront vn tranchant de mefme façon, pourront auffi caufer de la douleur; & que ceux qui auront d'autres 5 figures ne pourront eftre fentis, principalement ceux qui feront mous, & non pas durs comme vne efpée; & enfin que la douleur n eft autre chofe en cette efpée que fa figure externe, & non vne qualité interne ; & que la force qu'elle a d'empefcher que fon fourreau lo ne fe rompe, quand elle eft dedans, ne confifte qu'en l'aélion dont elle bleffe, & en fa figure. En fuite de quoy Ton voit aifement ce que i'ay à répondre, à fça- uoir que les corps dont les parties auront mefme grof- feur, figure, dureté, &c., que celles du fel, auront le i5 mefme effet, en ce qui concerne le gouft; mais que cela eftant, on ne pourra pas fuppofer que ces corps foient infipides : car eftre infipide, ce n'eftpas n'auoir point en foy le fentiment du gouft, mais n'eftre point propre à le caufer. Et les liqueurs dont les parties ont jo d'autres figures ou grofleurs &c. , n'ont pas la faveur du fel, mais elles en peuuent auoir d'autres, bien que non pas de fi fortes & piquantes, fi leurs parties font plus molles, ainû que la douleur d'vne contufion n'eft pas la mefme que celle d'vne coupure ; & on ne peut 35 en caufer tant auec vne plume qu'auec vne efpée, à caufe qu'elle eft d'vne matière plus molle. Enfin ie ne voy pas pourquoy on veut que le gouil foit vne qualité plus interne dans le fel que la douleur dans vne efpée. Et pour la force qu'a le fel de garder les chofes de fe So corrompre, elle ne confifte ny en fa piqueure, ny en la

�� � H, 13-14. CXIII. — Mars i6j8. 45

figure de fes parties, mais en leur dureté ou roideur, ainfi que c'eft la roideur de l'efpée qui empefche le fourreau de fe rompre, & leur figure n'y contribue qu'en tant qu'elle les rend propres à entrer dans les

5 pores des autres corps; comme c'eft aufli celle de

l'efpée, qui la rend propre à entrer dans fon fourreau,

I j . Il ne fuffit pas qu'vn corps foit également gros

par les deux bouts, pour ne fe point enfoncer dans

l'eau; mais il faut outre cela qu'il ne foit pas extraor-

10 dinairement gros, & qu'il foit couché de plat fur fa fuperficie; comme on voit qu'vne petite aiguille d'a- cier couchée fur l'eau y peut nager, ce que ne fera pas vne fort grofle, ny la mefme eftant pofée autrement, ny vn morceau d'acier de mefme pefanteur, mais

i5 d'autre figure, & dont l'vn des bouts foit beaucoup plus gros que l'autre.

14. l'accorde ce dernier article, & l'on en voit l'ex- périence en ce que l'eau de la mer fe deffale, lors qu'elle pafTe au trauers de beaucoup de fable. Mais il

20 eft à remarquer qu'il ne fuflit pas pour la deflaler de tafcher à la faire pafler par vn corps dont les pores foient fort eftroits, à caufe que leurs entrées eftant incontinent bouchées par les premières parties du fel qui s'y prefenteroient, celles de l'eau douce n'y pour-

2$ roient trouuer de paflage : c'eft pourquoy on doit pluftoft la faire couler par quelque corps, qui ait des pores aiTez larges dans lefquels il y ait des angles ou des recoins, qui puifTent retenir les parties du fel; & ce corps doit eftre fort grand & fort épais, afin que

3o l'eau n'y pouuant laiffer fes parties falées, que tantoft vne & tantoft vne autre, félon qu'elles entrent en

�� � 46 Correspondance. ii, 14.

quelques recoins où elles s'arreftent, ait le loifir de les laiffer toutes auant que de l'auoir trauerfé.

I ^ . Il ell vray que pour Tortographe c eft à l'impri- meur à la defFendre ; car ie n ay en cela defiré de luy autre chofe, fmon qu'il fuiuifl: l'vfage : & comme ie ne 5 luy ay point fait ofter le p de corps, ou le / d'efprits, lors qu'il les y a mis, auffi n'ay-je pas eu foin de les luy faire adjoûter, lors qu'il les a laiilez^, à caufe que ie n'ay point remarqué qu'il l'ait fait en aucun pafTage, où cela puft caufer de l'ambiguité. Au refte ie n'ay 10 point deflein de reformer l'ortographe Françoife, ny ne voudrois confeiller à perfonne de l'apprendre dans vn Hure imprimé à Leyde*; mais s'il faut icy que l'en die mon opinion, ie croy que fi on fuiuoit exaélement la prononciation, cela apporteroit beaucoup plus de i5 commodité aux eflrangers pour apprendre noftre langue, que l'ambiguité de quelques equiuoques ne donneroit d'incommodité à eux ou à nous : car c'eft en parlant qu'on compofe les langues plûtoft qu'en écriuant; & s'il fe rencontroit en la prononciation des 20 equiuoques qui caufaffent fouuent de l'ambiguité, l'vfage y changeroit incontinent quelque chofe pour l'éuiter. le vous prie auffi de faire agréer mes réponfes à voflre amy, ie veux dire d'en vouloir eftre vous mefme le deffenfeur, & de fupléer pour moy à mes ^2 5 manquemens; cela m'obligera à demeurer,

Monfieur,

Vollre tres-humble, & tres-acquis feruiteur, descartes.

a. Obmis {Exemplaire de l'Institut).

�� � ir, 377. CXIV. — Mars 1638. 47

Page 46, 1. i3. — La page d'errata, à la fin de l'édition de i63-, se ter- minait ainsi : « On trouuera aussy en plusieurs endroits des distinctions » fort mal mises, et quantité d'autres fautes de peu d'importance : les- » quelles on excusera facilement quand on sçaura que l'Autheur ne fait » pas profession d'estre Grammairien, et que le Compositeur dont le » Libraire s'est serui n'entend pas vn mot de François. »

��CXIV.

Descartes a Huygens

[Mars i638.] Texte de Clerselier, tome II, lettre 87, p. 377-380.

Sans nom ni date dans Clerselier. Mais c'est manifestement une réponse à la lettre du 2 février 1 638. Elle est donc adressée à Cons- tantin Htifgens, et datée de plus de trois semaines après, soit du commencement de mars i638.

Monfieur,

Vous auez fujet de trouuer eflrangeque vollre Cam-

panella ait tant tardé à retourner vers vous, mais

il eft defia vieil, & ne peut plus aller fort vifte. En effet,

5 bien que ie ne fois pas éloigné de la Haye de cent

lieues, il a neantmoins eflé plus de trois femaines à

a. Voir t. I, p. 5 10, 1. 28. — Serait-ce l'un ou l'autre de ces deux livres? l' Realis philosophice epilogisticœ partes quatuor, hoc est de rerum na- tura, hominum moribus, politica (cui civitas solis juncta est) et œcono- mica, cum adnotationibus physiologicis, a Thobia Adami nunc primum édita, etc. (Francofurti, impensis Godefridi Tampachii, 1623, in-4). Préface de 25 pages, signée Tobias Adami. — 2° Prodromus philosophie instaurandœ, id est, Dissertationis de natura rerum compendium, secun- dumvera principia exscriptis Thomœ Cjmpanellœ prœmissum(lb., 1617, in-4). Préface de 22 pages : Ad Philosophas Germaniœ, signée Tobias Adami. — Descartes aurait pu lire l'un et l'autre « il y a quinze ans >;, c'est-à-dire en 1623.

�� � 48 Correspondance. ii, 377.

venir iufques icy, où m'ayant trouué occupé à ré- pondre à quelques objedions qui m'étoient venues de diuerfes parts, i'auouë que fon langage, & celuy de l'Allemand qui a fait fa longue Préface, m'a empefché d'ofer conuerfer auec eux auant que i'euffe acheué les 5 dépefches que i'auois à faire, crainte de prendre quelque chofe de leur ftile. Pour la Dodrine, il y a quinze ans que i'ay vu le Liure de Senfu rerum du mefme Autheur*, auec quelques autres Traittez, & peut-eftre que cetuy-cy en eftoit du nombre; mais 10 i'auois trouué dés-lors lî peu de folidité en fes écrits, que ie n'en auois rien du tout gardé en ma mémoire; et maintenant ie ne fçaurois en dire autre chofe, finon que ceux qui s'égarent en afFedant de fuiure des chemins extraordinaires, me femblent bien moins i5 excufables que ceux qui ne faillent qu'en compagnie, & en fuiuant les traces de beaucoup d'autres.

Pour mon Liure, ie ne fçay quelle opinion auront de luy les gens du monde; mais pour ceux de l'Ecole, i'entens qu'ils fe taifent, & que fafchez de n'y trouuer 20 pas affez de prife pour exercer leurs argumens, ils fe contentent de dire que, (i ce qu'il contient efloit vray, il faudroit que toute leur Philofophie fuit faulTe.

Pour M. Fromondus, le petit différent qui a efté

3 diuerfes parts] diuers endroits [Exemplaire de l'Institut).

a. F. ThôM;E Campanell* De sensu rerum et magia libri quatuor, pars mirabilis occultas philosophiae, ubi demonstratur mundum esse Dei vivam statuam beneque cognoscentem. Tobias Adami recensuit et nunc primum evulgavit. — Francofurti apud Egenolphum Emmetium impensis Gode- fridi Tampachii, 1620, in-4.

Campanella réédita cet ouvrage à Paris (chez Jean du Bray, i636), en le dédiant au Cardinal de Richelieu.

�� � 11,377-378- CXIV. — Mars 1638. 49

entre [ luy & moy ne meritoit pas que vous en euffiez connoifTance, & il ne peut y auoir eu fi peu de fautes dans la copie que vous en auez veuë^, que ce n'ait elle affez pour défigurer entièrement ce que vous y euffiez 5 pu trouuer de moins defagreable. Au refte, cette dif- pute s'eft paffée entre luy et moy comme vn jeu déchets; nous fommes demeurez bons amis après la partie acheuée, & ne nous renuoyons plus l'vn à l'autre que des complimens. Le Dodeur Plempius,

lo Profefleur en Médecine à Louuain, m'a fait auffi quelques objeélions contre le mouuement du cœur, mais comme amy, afin de mieux découurir la vérité, & ie tâche à répondre à vn chacun du mefme ftile qu'il m'écrit ^\ Il y a vn Confeiller de Thouloufe qui a vn

• 5 peu difputé contre ma Dioptrique " & ma Géométrie'^ ; puis quelques Géomètres de Paris luy ont voulu feruir de féconds^; mais ie me trompe fort, ou ny luy hy eux ne fçauroient fe dégager de ce combat, qu'en con- feflant que tout ce qu'ils ont dit contre moy font des

20 paralogifmes. le n'oferois vous rien enuoyer de ces écrits : car bien qu'ils me femblent valoir bien la peine que vous les lifiez, il en faudroit neantmoins trop prendre pour les copier, & peut-eftre qu'ils feront tous imprimez dans peu de temps. En effet ie fou-

2 5 haitte que plufieurs m'attaquent de cette façon, & ie ne plaindray pas le temps que i'employeray à leur ré-

a. Voir tome I, p. 5o8, 1. 3.

b. Lettres C et CVII, t. I, p. 496 et Szi.

c. Lettres LXXII et XCVL t. L p. 354 et 463.

d. Voir lettre XCIX, t. I, p. 486.

e. Pages i3-i5 ci-avant, éclaircissement.

Correspondance. IL 7

�� � ^o Correspondance. 11,378-379.

pondre, iufques à ce que i'aye de quoy en remplir vn volume entier; car ie me perfuade que c'efl; vn affez bon moyen pour faire voir fi les chofes que i'ay écrites peuuent eilre refutées, ou non. l'eufle fur tout dé- liré que les RR. PP. lefuites euflent voulu eftre du 5 nombre des oppofans, & ils me l'auoient fait efperer par lettres de la Flèche^, de Louuain & de l'Ifle'^; mais i'ay receu depuis peu vne lettre d'vn de ceux de la Flèche'*, où ie trouue autant d'approbation que l'en fçaurois defirer de perfonne; iufques-là qu'il dit ne 10 rien defirer en ce que i'ay voulu expliquer, mais feu- lement en ce que ie n'ay pas voulu écrire; d'où il prend occafion de me demander ma Phyfique & ma Metaphyfique auec grande infl;ance. Et pource que ie fçay la correfponjdance & l'vnion qui efl: entre ceux i5 de cet Ordre, le témoignage d'vn feul eft fuffifant pour me faire efperer que ie les auray tous de mon collé ; mais pour tout cela, ie ne voy encore aucune appa- rence que ie puilfe donner au moins de long-temps mon Monde au monde; & fans cela, ie ne fçaurois 20 auffi acheuer les Mechaniques dont vous m'écriuez, car elles en dépendent entièrement, principalement en ce qui concerne la vitelTe des mouuemens. Et il faut auoir expliqué quelles font les loix de la nature, & comment elle agit à fon ordinaire, auant qu'on 25 puilfe bien enfeigner comment elle peut eftre appli- quée à des effets aufquels elle n'eft pas accouftumée.

a. Lettre XCII, t. I, p. 454.

b. Lettre XCVII, t. I, p. 477, L 2.

c. Lettre XCIU, prolégomène, t. I, p. 456.

d. Lettre CIX, t. L p. 558.

�� � 11,379 CXIV. — Mars i6}8. 51

le n ay rien à répondre touchant le defir qu'a M. de Pollot de voir les trois feuillets qu'il vous a demandez, & comme c'eft en vous vn excez de courtoifie, de me vouloir laiffer quelque droit fur vne chofe qui vous 5 appartient, c'eft en luy vn témoignage qu'il fait plus d'eftat de moy que de ce que i'ay écrit, que d'auoir enuie de le voir. Mais c'eft fans doute le fauorable iugement qu'il vous en aura vu faire, qui luy aura donné cette enuie.

10 le vous remercie tres-affeâueufement des nou- uelles & du Liure dont il vous a plû me faire part; i'en fuis auffi très obligé à M. de Saumaife, puis que c'eft de luy qu'elles me viennent, & ie l'eftime à tel point, que ie tiens à beaucoup de bon-heur, fi i'ay

i5 quelque part en fes bonnes grâces. Pour ce que l'Au- theur de ce Liure dit de ma Philofophie, qu'elle fuit celle de Democrite, ie ne fçaurois dire s'il a raifon ou non : car ie ne croy pas que ce qu'on nous rapporte de cet Ancien, qui vray femblablement a efté vn

20 homme de très bon efprit, foit véritable, ny qu'il ait eu des opinions û peu raifonnables qu'on luy fait accroire; mais ie vous auoùe que i'ay participé en quelque façon à fon humeur, lors que i'ay ietté les yeux fur le Liure que vous m'auez enuoyé : car tom-

2 5 bant par hazard fur l'endroit où il dit que Lux ejl médium proportionale interfubjîantiam & accidens^ , ieme

21 après raifonnables] que celles a;'. [Inst.].

a. De natura lucis, Authore Ismaele Bullialdo (Parisiis, apud Lud. de Heuqueuille, i638, in-8). Dédicace à Jacques-Auguste de Thou, 3o août; privilège, i5 sept.; achevé d'imprimer, 8 oct. 163/..

b. L'ouvrage de Bouillau renferme ^o Propositiones {p. i-58), un Pro-

�� � ç 2 Correspondance. ii, 379-380-

fuis quafi mis à rira, & n'en aurois pas lu dauan|tage, n'eftoit l'eftime que ie fais de fon Autheur, & de tous ceux qui comme luy trauaillent, autant qu'ils peuuent, à la recherche des chofes naturelles, & qui, tentans des routes nouuelles, s'écartent pour le moins du grand chemin, qui ne conduit nulle part & qui ne fert qu'à fatiguer & égarer ceux qui le fuiuent. le fuis

��CXV.

Plempius a Descartes.

[Mars i638.] Texte de lob. Beverovicius, Epistolicce Qutestiones, 1644, p. 139-142.

Clerselier, tome I, lettre LXXIX,p. 374-S76 (après notre lettre CVIl du 1 5 février, à laquelle celle-ci fait réponse), donne une ver- sion française avec ce titre : « Instances du mesme Médecin de Lou- uain à Monsieur Descartes. i> L'édition latine donne le texte de Beve- rovicius. Voir prolégomènes des lettres C et C VII, 1. 1, p, 4g6 etSsi.

Descartes répondra par la lettre CXVII ci-après, du 23 mars.

Quod ad refponûones tuas ad mea obieda attinet, petis tibi fignificari quo pado eae mihi fatisfecerint; libère dicam me ijs ita non pofTe acquiefcere, quin lo reftent qusedam quae adhuc enucleatius à te dici pof- tulem.

Ad primum ais, in cordibus exemptis nonnullas fanguinis reliquias in partem in quâ pulfatio fit ex

blema (p. 59-62) et un Theorema (p. 62-1 55), dont l'énoncé est précisé- ment : Lux est substantia média proportionalis inter corpoream substan- tiam et incorpoream .

�� � 1,374-375- CXV. — Mars i6)8. 5)

alijs fuperioribus delabi : fed obfenio etiam illas partes fuperiores, in quas ex alijs nihil delabi poteft, pulfare. Subiungis hanc eandem obiedionem multo plus virium habere in vulgarem aliorum opinionem, exif- 5 timantium motum cordis ab aliquâ animse facultate procedere, quàm in tuam. Sed hoc te non excufat; quia fortaffis neque haec, neque illa tua vera eft motûs illius caufa. Nihilominus ego vulgarem opinionem faluam facere mihi pofle videor; nam etfi in corde

10 humano exempto anima non fit, nec confequenter etiam facultas, inftrumentum tamen animae illi ali- quantifper ineft, fpiritus fcilicet in virtute anirrjae agens. Sic|exiftimo in cadauere hominis fubito decol- lati fieri attradiones & codiones & affimilationes ali-

i5 menti perinde vti in viuente, quandiu calor & fpiritus viuificus cadaueri ineft.

Ad fecundum dicis, motum arteriarum fieri ex eo, quod partem arteriae magnse cordi proximam fanguis occupans, totum alium fanguinem impellat, &c. Non

20 ita fieri docent cafus chirurgici. Nam vulneratâ arteriâ, maximum opus & labor chirurgis eft, vt fanguinem fiftant : intrudunt pulueres aftringentes & lintea & nefcio quae in ipfum vulnus arteriae, adeo vt per ifta aliéna corpora arterise impada difcontinuent fangui-

2 5 nem, qui eft in arteria infra vulnus, ab eo qui eft fupra. Attamen motus arterise infra vulnus non fifti- tur, neque illa corpora libère fluitant cum fanguine in arterijs, fed fixa & impada funt : alioquin enim non fifteretur fanguis.

3o Poftea addis : fi in arteriam intrudatur calamus tam craftus vt totam capacitatem eius repleat,intus autem

�� � 54 Correspondance. i, 375-376.

cauitatem habeat anguftam, ita vt noi^ prsebeat libe- rum tranfitum fanguini, eo cafu non ligatus etiam motum iiftet, atque ideo putas venas non pulfare, &c. Siue intus à tubulo liber fanguinis tranfitus impedia- tur, fiue foris à circumiedo aliquo corpore arteriam 5 comprehendente id ipfum fiât, perinde eft, vti puto. Atqui I quantumcumque à corpore extrinfeco anguf- tentur arterise & comprimantur, modo non penitus collidantur & conflringantur tunicse, motus non au- fertur. Eft hoc certiffimum, ergo, &c. Quae de viua 10 cuniculi fedione aflfers vera funt, & Gal(enus) quoque in lib. de adminift(rationibus) anat(omicis) idem pro- didit, admirans quomodo bafis cordis vltimo pulfet.

Ad tertium inquis : etfi in cordibus pifcium non magnus calor fentiatur, eft tamen illic maior quàm in 1 5 alijs eorum membris. Sic ita : non tamen eft tantus, vt poiTet fanguinem pifcium rarefacere,& quidem tam celeriter. Manus noftrse multo funt cordibus pifcium calidiores, at hae fanguinem pifcium continentes id non faciunt. 20

Confugis deinde ad fermentum cordiale, quod rare- faciet fanguinem, quod fermentum vereor ne figmen- tum fit. Et vt non fit, quomodo, inquam, tam celeriter rarefaciet? hoc enimuerô contra naturam geniumque fermenti eft. Hsec igitur explicari adhuc defidero, fi 25 lubet. Si operse pretium non videatur, & fatis expli- cata putes, fuperfede, & conabor per me tua conco- quere. Caetera quae dicis pro circulatione fanguinis, fatis bene fe habent, neque ea fententia valde difplicet.

�� � I. .63-64. CXVI. — Mars 1638. <iS

CXVI.

CiERMANS A Descartes.

[Mars i638.]

Texte de Clerselier, tome I, lettre 55, p. 2o3-2io (i" édit.)-

Ce texte latin ne se troupe que dans la première édition du tome I, 1657; dans la seconde, i663,p. iGS-iji, Clerselier ne donne plus qu'une version française . Le texte publié ensuite dans l'édition latine de Le/de et d'Amsterdam (Elievier, puis Blaeu) est entièrement conforme à celui-ci. — Aucun nom et aucune date dans ces éditions; tnais le commencement et la fin delà lettre CXVIl ci-.:près jnontrent que Plempius avait envoyé à Descartes d'autres objections avec les siennes. De son côté, Descartes, parlant à Mersenne des étrangers qui lui ont fait des objections, lettre CXXVI du 29 juin i638, cite Fromondus, Plempius et un Jésuite de Louvain (Clers., II, 381-382), dont il disait un mot déjà à Plempius le 20 décembre 1637 (t. I,p. 477, l. 2). Enfin, dans la lettre CXXXIX, à Plem- pius encore, août i638, il nomme expressément le P. Ciermans {Clers., H, 4S7).

La réponse de Descartes est la lettre CX VIII ci-après, du 23 mars.

Eruditiffime Domine, Traditus eft mihi liber Dominationis vellrae a Cla- riff. D. Plempio, quemtotum fubfeciuis horis euolui, fi pauca demas quse in Methodo continentur ; de quo 5 quoniam, ficut ex ipfo libro, tuîque perftudiofo D. Plempio, intelligo, nihil gratins D. veflrae accidere poteft,quàmdiuerforum iudicia percipere,non poffum non hifce animi mei fenfum indicare :

Me amare, quod primum eft, ingenium illud, quod,

10 notis quafi littoribus relidis, noui orbis periculum

facere audeat : | profcriptis enim qualitatibus, abftru-

�� � Correspondance.

��1, 164-165.

��(6

fiffima quaeque, per ea quse oculis manibufque fubij- ciuntur, explicare, quid aliud efl, quàm nouas terras detegere ?

Perpulchra certe habet quamplurima D. veftra ; inter haec tamen Geometrica non numéro, quae nullius laudis indiga, fatis D. veftrae nomen, fi hoc illis con- credat, aeternitati confecratura funt. Librum haec me- rebantur fmgularem; iniuria* eft illis D. veftra, dum haec ad libri calcem relegat. Mathematica tamen pura, potius quàm Geometrica, dici mallem, quodnon magis Geometricae, quàm Arithmeticse, caeterifque omnibus fcientijs Mathematicis, communia fint.

Caetera vero, quse difputationibus magis opinio- nibufque fubiacent, talia funt, vt nulla non ab

inuentionis amœnitate com- mendationem mereantur fin- gularem ; in multis tamen plus aliquidveritatisdefiderari pofle puto. Quae fingula hîc profequi longioris otij effet. Vnum arri- piam ex tradatu de Iride, qui plus caeteris ingenium redolet. Statuit itaque D. veftra, tam- quam totius iftius capitis feu Difcurfus fundamentum , vi- trum trigonum NMP^ (fol. 2^9 Meteor.), per quod labuntur radij DF, EH,|quorum hic caeruleus, ille ruber eft. Affignat autem tanti dif-

���10

��i5

��20

��25

��a. iniuriae Ed.

b. Celte figure manque dans la première édition (1657), mais a été ajoutée dans toutes les autres, en France dès i663, puis en Hollande.

�� � I, I65-I66. CXVI. — Mars i6j8. 57

criminis rationem, quôd ifti radij (quos ex diuerûs quafi rotundis corpufculis materiae cœleflis componit) diuerfo motu feu gyratione ad oculum allabantur ; atque illud conformiter quàm maxime fuis principijs, 5 quibus fenfationem per horum corpufculorum mo- tum, aut inclinationem ad motum, fieri vult : cùm igitur rubri & cserulei diuerfa fit fenfatio, diuerfum quoque horum corpufculorum motum ibi reperiri ne- cefle eft. In hoc itaque me-

10 ritô tota eft D. veftra, vt ^xj^ "•. caufam huius tam diuerfi ^^ motûs reperiat. Quare af- s •■.. '>— ^ fumit globulum 1234 "x Cam

(fol. 2^8 Meteor.), qui \ "/^S^ B 1

i5 ab alijs quatuor ftipatus, Y iLX.J^^^^^^-...-Y

cum illis eadem céleri- ^^^^

tate fertur, quoufque* m ^^P'

aquae fuperficiem YY im- -^

pingant. Certum itaque

20 eft, quod ibidem | contendit, globulum médium rota- turum; idque tum ratio euincit, tum etiam experientiâ commonftrari poflet. Ex hoc ego duplex defumo argu- mentum; cùm enim nouam Philofophiam faciat, vix nifi à fe admiffis oppugnari poteft. Vnum, quod contra

2 5 naturam luminis veftri faciat, vijîonem fcilicet non reéie dici ab horum corpufculorum motu dependere. Alterum, non bene hinc inferri diuerfos in vitro trigono colores.

Ad primum quod attinet, fi corpufculum vnum, eorum ex quibus D. veftra lumen componit, aliud

3o obuium aut ad latus pofitum corpufculum impellere,

a. quofque Ed.

Correspondance. II. 8.

�� � (8

��Correspondance.

��1, 166-167.

��retinere, aut rotare poffit, & û in horum corpufcu- lorum rotatione color confiftat; dum ergo per vnum eundemque aërem à diuerfis partibus ad diuerfos oculos allabuntur diuerforum colorum radij, qui fefe in medio decuflent, neceflario | mutuum in motu fuo impedimentum fortientur. Corpufcula enim A, quse

����f

��â

��fe gyrantia ad oculum B veniunt (fuppono autem A efle radios coloris rubri), impingent in alia D (quae etiam fuppono efle radios alterius coloris), quando haec corpufcula tendent ad oculum conftitutum in E, fefeque ambo reperient in pundo F; ideoque oculi E & B, quoniam hos globulos fuo in motu perturbatos excipiunt, alios colores etiam percipient, quàm fi folum color vnus hoc in aëre ab oculo vno videndus fuifl!et; quod manifefliflime experientiae répugnât, nec à D. veftra diciputo. Dicet itaque, quod mihiintelli- gere vifus fum, dum vas vuis plénum proponit (fol. 6 Diopt.), haec corpufcula vitro citroque fine ofFenfa commeare, quod* illis, cùm quafi materiae cœleftis fint,

a. quo Ed.

��10

��i5

�� � 1, 167-168. CXVI. — Mars 1658. 59

concedere infolens non eft. Sed tum ex horum cor- pufculorum mutua collifione in vitro trigono colores mutari nequaquam contendere potefl, quandoquidem vnum alteri iniurium efle nequeat, atque hifce argu-

5 mentum concludo primum.

Quoniam tamen luminis veftri naturam tangere incepi, habeo quod circa hoc inquiram. Quomodo corpufcula haec à Sole, aftrifque, nec non alijs corpo- ribus lucidis profeminentur ? an quodam ipforum cor-

10 pufculorum profluuio, qualis fudor in animalibus effe folet? Deinde quis huius tandem j profluuij fons? Ve- reor enim vt omnes hîc qualitates aut formas, à quibus D. veftra tantopere abhorrere videtur, prorfus effu- gere poffit. Quomodo, pofl tôt annorum fpatia, Solis

i5 corpus tôt à fe emiffis corpufculis non extenuatum ? an forte, vt Philofophorum antiquorum aliqui fabu- lantur, terrae vaporibus reficitur? Deinde, quomodo, quanam innata vi, per tanta itineris fpatia, hsec cor- pufcula, fub certa quadam gyrationis fpecie, ab ipfo

20 fummo cœlo ad nos vfque rapiuntur ? Vt corpufcula, quse 9. liniftro humero Orionis, qui fubrufus apparet, gyrantia, certa ratione ad nos pénétrant, (praecipue in fententia Copernici, &, vt credo, veftra) per tanta aetheris interualla; quae, fi motûs feu gyrationis, quam

2 5 ab ipfa ftella acceperunt, tam tenacia fint, non eft quod vereamur ne illam ad vitrum aut aquae fuperfi- ciem immutent.

Ad alterum argumentum venio, & oftendere cona- bor nihil hifce fphserulis in aquam impingentibus

3o confici.

Faciamus enim globulos qui lumen reprœfentent à

�� � 6o

��Correspondance.

��1, 168-169.

��Sole proficifcentes A, B, C &c., qui fecundum lineam MO ferantur; hi pari omnes procèdent paffu, quo- ufque eorum primus A vltimam vitri fuperficiem N P praeteruedus, liberiorem quafi campum naâus, cele- rius rapietur in F; cui cùm adiunclus globus B,adhuc vitro implicitus, latere fuo j refiftat, verte tur globus A in gyrum ordine partium 1234. Nec hoc tantum,

���fed etiam ad motum impellet vicinum globum B, fecundum ordinem partium 541 2, vt rotari incipiat. Si hune iam globum B vitrum etiam tranfgreflum fin- gamus, ita vt infima vitri fuperficies confîftat in OR*, similiter globus B, à globo C impeditus, tantummodo (iamenim fefeàvitro expediuifle fupponitur) in orbem vertetur, maiori tamen celeritate quàm globus A, cùm globus B infuper ad eamdem gyrationem iam ante à globo A incitatus fuerit. Atque hoc modo globus C, à

a. Cette lettre R n'est pas marquée sur le bois. II s'agit de la droite parallèle à N P et tangente au petit cercle B (au-dessus). Ciermans suppose 'ci que le prisme de verre s'arrête au plan représenté par cette droite.

��10

��i5

�� � 1,169-171 CXVI. — Mars 1638. 61

vitro liber, rotationem , eamque adhuc j celeriorem , obtinebit. Ideoque habeo hîc radios DF, SG, TV, EH, qui diuerfa omnes gyratione ad oculum aut parietem H F allabuntur. Huncque difcurfum me ex mente ve-

5 ftrae D. inflituere puto; illa enim, quae globulis ad aquae fuperficiem allapfis (fol. 258 Meteor.) contin- gere dixerat, non enucleatè vitro trigono applicat; quomodo verô concinnius applicare poflet non video, etiamfi radius EH ruber appareret, aut fi colorcaeni-

10 leus, qui ibidem apparet, crebriori horum corpufcu- lorum agitatione fieri dicatur; ex hoc enim folo expe- rimento, quod à vitro trigono habet, videtur D.vellra definire colorem rubrum in frequentiori agitatione confiftere, cùm hoc potius caeruleo colori tribuendum

i5 videatur, maiorque quies corpufculis quae colorem rubrum efficiunt; atque hîc perpulchrè explicatur, cur radio E H aliquis rubeus color adhaereat, quôd circa vmbrae confinia corpufcula aliqua à celeriori illa agi- tatione impediantur.

20 Verùm, hoc adhuc pofito, non fatis oftenditur, horum ad colorum generationem, necefîitas vmbrae; hsec enim mutua colorum allifio, diuerfaque agitatio, nequaquam ab vmbrâ deicendet. Nec capio quid vmbra conferre poffit hac in fententia, quacumque tandem

a5 ratione | horum globorum motus per extremam vitri fuperficiem alterari dicatur. Non fecus enim procul ab vmbra, quàm circa illam, radij per refradionem alterantur. Deinde, vt demus aliquid, nempe, vmbrae limites circa, motum corpufculorum perturbari, cur

3o ad omnes refradiones, vmbris terminatas, hos colores non habemus ? Sed haec fufficere arbitror ; praecipue

�� � 6i Correspondance. i, i?'-

cùm D. veftra non minus ea quae à me allata funt, quàm quae adferri poffint, in confiderationem aduoca- tura fit. Hifce itaque vale, nouifque in dies ingenij tui monumentis mundum illuftra, meque ac fcientise ama- tores obleda.

Dominationis veftrae fludijs deuotus.

��CXVII.

Descartes a Plempius.

23 mars i638. Texte de Plempius, Fundamenta Medicince, p. iSj-iSg, 2« édit. (1644).

Variantes tirées de l'édition latine des Lettres de Descartes, tome I, épis t. 80, conforme au texte incomplet et sans date publié par Beve- rovicius (Epist. Quasst., 1644, p. 142-140). Voir pour te texte le prolégomène de la lettre CVII, du 25 février i638, 1. 1, p. 52 1. — Celle-ci répond à la lettre CXV ci-avant. Clerselier n'a imprimé {tome I, lettre 80, pages J-jj-SSS) qu'une version française,

Diligentiae tuse tum in refpondenxio, tum in aliorum ad me literis mittendis, multum debeo. Et ea, quae rurfus obijcis, nequaquam funt contemnenda, fed fi quid aliud, refponfione accuratâ digna efife mihi vi- lo dentur.

Ad primum enim, optimè mones cordis exempti fuperiores partes praecipuè pulfare , vndè concludis hanc pulfationem à fanguinis illapfu non pendere. Sed duo hîc funt aduertenda, quibus puto hanc diffi- i5 cultatem radicitùs extirpari.

9 funt omis.

�� � 1,377-378- CXVII. — 23 Mars 1638. 6j

Vnum eft, illas cordis partes, quae fuperiores vocan- tur, nempè quae ad bafim funt, duplices effe : alias fci- licet, quibus inferuntur vena caua & arterîa venofa, quae quidem non mouentur ob rarefadionem noui fan- 5 guinis in eas delabentis, poftquàm auriculae & vafa omnia illis adhserentia funt abfcifla, nifi forte quate- nùs aliquid ex coronaria, vafifque alijs per cordis fub- ftantiam fparfis, quae tune omnia circa bafim aperta funt, in ipfarum cauitates fluit ; alias verô, quibus in-

10 feruntur vena arteriofa & arteria magna, quae omnium vltimae debent pulfare,|etiam mucrone cordis abfciflb, quia nempè cùm fanguis per illas egredi fit alTuetus, tam faciles ibi vias inuenit , vt omnes eius reliquiae, quae in difTedi cordis partibus reperiuntur, eô tendant.

i5 Alterum hîc notandum eft, auricularum cordis par- tiumque illis adiacentium motum valdè diuerfum effe à motu reliquae eius molis; non enim in ijs ideô perci- pitur, quôd fanguis raréfiât, fed ideô tantùm, quôd ex illis afiatim delabatur, faltem corde iam lacero & lan-

20 guenti. Nam in vegeto adhuc & integro alius auricu- larum motus etiam apparet, qui fit ex eo, quôd fan- guine repleantur. Partes autem cordis fuperiores vfque ad ea ventriculorum loca, quibus extremitates valuularum tricufpidum inferuntur, interdùm reliqui

2 5 cordis, interdùm auricularum motum imitantur.

Quibus notatis, fi non graueris vltimos cordis ali- cuius moribundi motus attenté confiderare, non dubito quin facillimè proprijs oculis fis percepturus partes eius fupremas, hoc eft illas ex quibus fanguis in alias

3o delabi débet, nunquam tune moueri, nifi eo motu, quo 2 funt omis.

�� � 64 Correspondance. i, 378-379.

vacuantur ; atque ventriculis fecundum longitudinem fciffisjvidebis interdùm auriculas ter aut quater agi tari, & fingulis vicibus aliquid fanguinis in ipfos mittere, priufquàm cor femel pulfet, aliaque multa, quae fen- tentiam meam omniaconfirmabunt. Petes autem for- 5 tafle, quomodo per folum fanguinis ex auribus cordis delapfum tantus motus in ijs fieri poffit quantus tibi tune apparebit ; cuius rei duas caufas hîc exponam. Prima eft, quia viuo animali cùm fanguis non con- tinuo & sequali motu, fed per interrupta momenta ex 10 auriculis in | cor affatim décidât, fibrae omnes partium, per quas tranfit, ita conformantur à naturâ, vt û vel minimum quid per eas delabatur, tantumdem ferè & tam cito debeant aperiri, quàm confueuerunt , cùm magnae fanguinis copise tranfitum prsebent. Altéra eft, 1 5 fanguinis rorem exiguum ex vulneratis partibus cordis exudantem cogi debere in guttulam fatis infignis ma- gnitudinis, priufquàm in medios eius ventriculos fluat; eodem modo quo fudor è cute fenfim emergens aliquamdiu ibi haeret, donec guttse ex eo formentur, 20 quae fubitô pofteà in terram cadunt.

Cùm vero ad hoc, quod fubiunxi, nempè tuam obiedionem plus virium habere in vulgarem aliorum opinionem, quàm in meam, refpondes hoc me non excufare, verum dicis; & ideô etiam mei moris non eft 25 in alijs refutandis tempus terere, fed vt te ad meas partes pertraherem, non inutile fore putabam, fi nullas alias efle, quas potiori iure fequi pofles, often- derem. Verùm imitari vis egregios illos belli duces, qui cùm arcem aliquam, quae maie muni ta eft, fer- 3o 6 per] illum aj. — auribus] auriculis. — 1 1 effatim Plemp.

�� � 1,379-380. CXVII. — 2} Mars i6}8. 6ç

uandam fufcepenint,licet obfidentibus refiftere fe non pofle agnofcant, non tamen ideô protinùs ijs fe de- dunt, fed malunt omnia priùs tela confumere, & extrema quaeque experiri : vndè fit, vt faepè, dum vin- 5 cuntur, plus gloriae quàm ipfi vidores reportent. Nam cùm, vt explices quo pado cor in hominis cadauere ab anima abfente moueri poffit, confugis ad calorem & fpiritum viuificum, tanquam animae inftrumenta, quae in virtute eius hoc agant, quid, qusefo, aliud eft

lo quàm I extrema vellé experiri ? Etenim fi haec inftru- menta interdùm ad hoc fola fufficiant, cur non fem- per? Et cur potiùs imaginaris illa in virtute animae agere, cùm ipfa abeft, quàm ifta animae virtute non indigere, ne quidem cùm adeft ?

i5 Ad fecundum, quod ais de modo quo Chirurgi laefae arterise fanguinemfiftunt, refpondeo, quoties pulfatio vitra vulnus non ceflat, alueum ipfum arteriae, per quem fanguis fluere confueuit, non obturari, fed tan- tummodô foramen in cute & carnibus, per quod è

20 corpore egredi poflet.

Ad id autem quod fubiungis, refpondeo magnum effe difcrimen inter arteriam, in quâ fanguinis tranf- itus a tubulo immiffo illo impeditur, & illam quae vin- culo foris circumiedo redditur anguftior.

25 Nam licet fententia Galeni, dicentis motum arteria- rum pendere a vi quâdam per earum tunicas fluente, nuUo modo probabilis mihi videatur, valdè tamen rationi confentaneum effe puto, partibus arteriae ante vinculum concuffis vlteriores etiam ex confequenti

3o moueri ; faltem quandô vinculum non eft taie vt motum tunicarum arteriae plané fiftat, quale vix in

Correspondance. II. 9

�� � 66 Correspondance. i, sso-ssi.

cafu propofito effe poteft. Atqui fi quae pars arterise multô anguftior alijs reddatur, & fimul eius tunicae eo in loco motu omni priuentur, à quâcumque demùm caufâ id fiât, partium fequentium pulfationem ceffa- turam etiam effe firmiter credo. 5

Ad tertium caufaris frigus |pifcium, vt neges fan- guinem in eorum cordeàcalore rarefieri. Sed fi mihi nunc hîc adeffes, non poffes non fateri etiam in frigi- diflimis animalibus motum iftum à calore procedere; videres enim anguillse corculum perexiguum, quod lo hodiè manè ante horas feptem vel odo excidi, du- dùm plané mortuum atque in fuperficie iam ficcum, mediocri calore foris ei admoto reuiuifcere, & rurfus fatis celeriter pulfare.

Vt autem fcias non folùm calorem, fed etiam fan- i5 guinis allapfum ad hoc requiri, ecce illud immitto eiufdem anguillse fanguini, quem in hune vfum fer- uaueram, & deindè calefaciendo efficio, vt non minus celeriter & infigniter pulfet quàm in viuo animali. (Notandum hsec expérimenta non effe fibi femper fimi- 20 lia, fed ob innumeras caufas variari ; femper tamen, fi abfque praeiudicio confiderentur, meam fententiam confirmabunt). In hoc autem corde perfpicuè etiam vidi hodiè manè, quse de motu partium cordis fupe- riorum, dum fanguis ex ijs effluit, fuprà fcripfi : et- 25 enim totâ eius parte amputatâ, cui vena caua infere- batur, & quae propriè fupreraa omnium dici débet, obferuaui fequentem partem, quse tune fuprema erat,

7 à calore omis. — 1 1 feptem — 20 perfpicuè] perfpicuo. — vel ofto] 7 vel 8. — 20-23 (No- 24 quœ] quod. tandum... confirmabunt) o»i?s.

�� � 1, 381-38». CXVII. — 2) Mars 1638, 67

non ampliùs cum reliquo corde pulfare, fed tantùm fanguinem ex vulnere rorantem in fe interdum reci- pere cum quodam motu ab alio prorfus diuerfo. Verùm quia, fi quandô forte incidas in fimile expe- 5 rimentum, videre poteris cor eiufmodi frigidiorum animalium faepè pulfare, licet nulla fanguinis aliundè in illud illabentis fufpicio effe poffit, ibo hîc obuiam obiedioni, quam indè meritô defumeres, & dicam quo pado pulfationem iflam fieri intelligam. Primùm

10 obferuo hune fanguinem multùm differre ab eo ) cali- diorum animalium , cuius fcilicet , cùm è corpore edudus eft, partes fubtiliffimae momento temporis in auras euolant, & quod fupereft partim in aquam, partira in grumos faceffit : hic enim anguillae fanguis

i5 totâ die, non dicam incorruptus, fed faltem, quantum

vifu pofTum percipere, non mutatus manfit, fem-

perque multi vapores ex eo egrediuntur, adeo vt ij, fi

vel minimum calefiat, inflar fumi denfiffimi afTurgant.

Prseterea memini me aliàs vidifTe, cùm ligna viridia

20 vrerentur, vel poma coquerentur, vapores vi caloris ex eorum partibus interioribus émergentes non modo per anguflas corticis rimas exeundo ventum imitari, quod nemo non aduertit, fed etiam interdum ita dif- pofitam effe partem corticis, in quâ taies rimae fiunt,

25 vt aliquantùm intumefcat priufquam rima aperiatur; quae deindè rima apertâ confeftim detumefcit, quia nempè omnis vapor illo tumore inclufus affatim tune egreditur, nec nouus tam citô fuccedit. Sed paulô pofl, vapore alio fuccedente, pars eadem corticis rur-

3o fum intumefcit, & rima aperitur, & vapor exit, vt

3 alio] illo pulfationis. — 5 fiigidorum.

�� � 68 Correspondance. i, 38i-383.

priùs. Atque hic modus fsepiùs repetitus pulfationem cordis, non quidem viui, fed eius quod hîc habeo ex anguillâ excifum, perbellè imitatur. His autem ani- maduerfis nihil magis obuium eft, quàm vt iudicemus fibras, ex quibus cordis caro componitur^ ita efle 5 difpofitas, vt vapor inclufi fanguinis ijs attollendis fufficiat, atque vt ex eo, quôd ita attollantur, magni meatus aperiantur in corde, per quos omnis ille vapor ftatim euolat, & cor detumefcit, &c. Quod confirmare libet alio | cafu hodiè etiam à me obferuato : lo nempè abfcidi corculi anguillae partem fupremam, hoc eft illam cui vena caua inferebatur, & quse eodem ibi officio fungebatur, quo dextra auricula in terre- ftrium animalium cordibus, (notandum illam partem in anguillis efle fitu inferiorem altéra, licet ob vfum i5 dixerim fuperiorem,) ipfamque, cuius confufa linea- menta nihil aliud quàm guttulam craffi fanguinis referebant : in ligneo vafe feparatim feruaui, vt expe- rirer an aliqua in eâ pulfatio appareret, fed nullam plané initio deprehendi, quia nempè, vt paulô poft ao agnouijCÙm multi meatus ibi eflent aperti & patentes, vapor omnis è fanguine emergens continuo & non impedito motu euolabat. Sed poil horse quadrantem vel amplius, cùm ifla fanguinis guttula, cui nempè cordis particula innatabat, in fuperficie ficcari & quâ- 2 5 dam veluti cute obduci cœpifî'et, manifeflam in eâ pulfationem afpexi, quae calore admoto increbref- cebat, & non deftitit, donec omnis humor fanguinis fuerit exhauflus.

14-16 (notandum... fuperiorem) ow/s. — 27-28 increbrefcebat] increfcebat.

�� � 1,383. CXVIII. — 25 Mars 1638. 69

Caeterùm valdè miror id, quod attuli de fermento, tibi videri figmentum, & me ad illud confugiffe; tan- quam fi valdè vrgerer, & aliter me tueri minime poflem ! Nam certè abfque eo mea fententia facillimè 5 & explicatur & demonftratur, fed eâ admiffâ neceffa- rium eft etiam fateri aliquid fanguinis in corde rare- fadi ex vnâ eius diaftole in aliam remanere, atque ibi fe permifcendo fanguini de nouo aduenienti rarefa- dionem eius adiuuare ; quâ in re fermenti naturam & 10 genium plané refert.

Magnas tibi ago gratias ob litteras quae tuis incluf» erant;hîc inuenies meam ad eas refponfionem,quam, fi placetjilli qui fcripferat trades,& me amare perges. Sum,

i5 Clariflime Domine,

Tibi multis nominibus deuindus

DES CARTES.

2) Martij 1638.

��CXVIII.

Descartes a Ciermans.

[23 mars i638.]

Texte de Clerselier, tome I, lettre 56, p. aïo-zaa (l'c édit.]'

Pour le texte, mêmes remarques que dans le prolégomène de la lettre CXVI, p. 55, à laquelle répond celle-ci, La seconde édition

��4 eo] eâ. — I i-i8 Toute la fin omise.

�� � jo Correspondance. i, i7i-'7î

du tome I de Clerselier ne donne qu'une version française, p. jji- 184, et le texte que donne ensuite l'édition latine (Eliepier, 1668) est tout semblable à celui-ci.

Eruditiffirae Domine,

Non aliter affedus fum legendo litteras, quse mihi à D(ominatione) veftra per Clariff. D. Plempium tranfmiffse funt, quàm puto fuiffe olim équités illos, qui proauorum temporibus orbem pererraffe dicun- 5 tur, quoties ipfis occurrebat alius eques armis tedus, & nomine non cognitus, vt fere tune moris erat, in quo fortitudinem non vulgarem ex ipfo inceflu & primis congrelTibus deprehendebant. Quippe nihil ipfis I optabilius poterat contingere, quàm cum tali 10 aliquo vires fuas experiri : & quamuis tenuitatis conf- cientia non permittat, vt me generofis illis Heroïbus aufim comparare, non poflum tamen non fateri me admodum gaudere quod offeratur occafio cum eo congrediendi, quem talem effe fufpicor, vt fi vincere i5 mihi arduum eft, faltem vinci ab ipfo non erit inde- corum.

Humanitatem profedo fingularem, quae generofi- tatis & verae fortitudinis nota effe folet, in D. veftra deprehendo; non modo ex ijs verbis quibus mea qua- 20 liacunque inuenta extoUit; fed in hoc etiam quod ea pauca, quae de Geometria fcripfi, Mathematicse purse nomen mereri dicat : nihil enim ibi eorum, quse ad Arithmeticam propriè^ pertinent, explicui, nec vllam folui ex ijs quseftionibus in quibus ordo fimul cum 25 menfura fpectatur, quarum exempla habentur in Dio-

a. propriae Ed.

�� � I, .7^.73. CXVIII. — 2j Mars i6j8. 71

phanto. Sed praeterea nihil etiam docui de motu, in quo tamen examinando Mathematica pura, ea faltem quam excolui, praecipue verfatur.

Cùm autem D. veflra ex multis mei fcripti locis, in

5 quibus plus aliquid veritatis defiderari poffe putat, illum prse cseteris eligit, in quo per rotationem quo- rundam globulorum colores explicare fum conatus, oftendit profedo fe in hoc certandi génère non medio- criter effe exercitatam^. Nam fi quae pars fit in eo

10 fcripto parum munita, & aduerfariorum telis expofita, fateor hanc effe quam D. veftra oppugnat. Valde enim diâSiculter poteft intelligi quo pado eiufmodi globu- lorum rotationes fibi mutuo non obfint, cùm diuerfos colores à diuerfis obiedis ad diuerfos oculos | per

i5 idem médium & eodem tempore decuffatim déferre debent : & multa, quae hanc difficultatem forte mi- nuiffent, vel confulto à me omiffa funt, vel breuif- fimè tantum perflrida; quoniam ea prius fcripfe- ram in eo tradatu, de quo in libello da Methodo

20 loquutus fum. Ne tamen videar haec mentiri, vt ab accurata refponfione me excufem, ecce ad illam me accingo.

Rogoque in primis D, veftram, vt aduertat globulos illos, de quibus egi, non effe corpufcula, quae ab

25 aftris profeminentur vel exudent, fed particulas eius materiae, quam D. veftra vocat cœleftem, omnia fpatia tranflucida occupantes, & non aliter fibi mutuo in- cumbentes, quàm partes vini in vafe illo quod in pagina 6 Diopt. propofui, & in quo videre licet vinum,

3o quod eft ad C, tendere verfus B, nec ideo impedire

a. exercitatum Ed.

�� � �72 Correspondance. i, 173-175-

quominus illud, quod eil ad E, tendat verfus A, fin- gulafque eius particulas propendere, vt defcendant

verfus plurimas partes diuerfas, etfi non niû vnam verfus eodem tempore poffint moueri. Monui 5 autem varijs in locis me per lu- men non tam motum ipfum, quàm inclinationem fiue pro- penfionem | ad motum intelligere ; atque ea quse de motu eflem didurus, vt fie facilius caperentur, ad 10 hanc propenfionem effe referenda : vnde fatis liquet per colores nihil etiam aliud, ex meâ fententiâ, quàm propenfionis iflius varietates quafdam effe concipien- das. His autem diutius non inhaereo, quia D. veftra praeuidit me aliquid fimile effe didurum, quod conce- i5 dere non ei videbatur effe infolens.

At vrget ex alia parte, fiquidem diuerfi illi motus fibi mutuo non oblint, non igitur etiam ex horum corpufculorum mutuâ collilione in vitro trigono co- lores mutari poffe. 20

Ad quod refpondeo effe diftinguendum inter mo- tus, fiue potius inter propenfiones ad motus, & no- tandum quafdam ex ijs effe difparatas, hoc eft à fe mutuo non pendentes, alias vero plane coniundas. Vt in figura pag. 6 propenfio quam habent omnes partes 25 vini, quse funt infuperficie CDE, vt defcendant verfus A, non auget nec minuit illam, quam eaedem habent, vt defcendant verfus B. Itemque fi fingamus huic vino pifciculos aliquos innatare, qui varijs motibus eius partes exagitent, non ideo antedidae propenfiones 3o mutabuntur. Quse proinde non maie conferri pof-

�� � 1.175-176. CXVIII. — 2j Mars i6j8. 75

funt cum propenfionibus, quas habent parti cuise ma- teriae cœleftis ad eas rotationes per quas diuerfi co- lores fentiuntur. Ita enim fingere libet in locis A & B effe diuerfos fpedatores, & in locis C,D,E effe ob- 5 ieda diuerfimode colorata, & infuper loco pifcicu- lorum in fpatio intermedio effe ventos, qui totum aërem exagitent.

lam vero fi ponaraus pilam * F impelli verfus C, non quidem fecundum lineam redam CB, fed prout exigit

10 eius refradio, vt cùm ad vinum peruenerit redà tendat à C verfus B, manifeftum eft eam vim, qua pila ifta propellet partem vini C, non tantum augere poffe propenfionem quam habebat ad defcendendum verfus B, fed etiam modum fine naturam iftius propenfionis

i5 immutare : pila enim partem vini C pellet verfus B di- redè, vis autem grauitatis obliqué tantum, quianempè fuppono lineam C B non redà tendere verfus centrum terrae ; atque hae duae propenfiones fimul iundse rota- tionem illam, ex qua colores oriuntur, optimè reprae-

»o fentant, vt clarius ex fequentibus intelligetur.

Sed prius hîc paucis ad quaefita D. vellrae refpon- debo, & quia iam fupra fatis monui, corpufcula, de quibus egi, cùm nihil aliud fint quàm particulae eius materiae, quâ fpatia omnia tranflucida replentur, ne-

25 quaquam ab allris profeminari, vel exudare; nul- lumque effe periculum ne Sol ideo | extenuetur, vel ne ad ineptias fabularum confugere debeamus ; fupereft

a. Dans la seconde et la troisième édition du tome I de Clerselier, la figure de la page 6 de la Dioptrique (plus haut, p. 72) n'est reproduite que schématiquement, mais elle est complétée par une ligne droite CF, tirée (à tort) dans le prolongement de B C, et terminée par un petit cercle F.

CORRESPONOAMCE. II. >0

�� � 74 Correspondance. i, 176.177.

vt dicam, quantum attinet ad ipfam lucem, hoc ell ad vim per quam lucida corpora materiam cœleflem cir- cumquaque à fe expellunt, me illam qualis fit nec in Dioptrica nec in Meteoris explicare voluiffe, quoniam alium ei locum dedi ; neque ob metum quem D. veftra 5 fe habere dicit, fcilicet ne qualitates omnes, & formas, à quibus abhorreo, nonefiugiam,abinftituto meo me dimoueri.

Et quantum attinet ad colorem ftellse quse efl in finiilro humero Orionis, vel aliarum, refpondeo non 10 efle ruborem fimilem ei, qui per prifma vitreum apparet, fed tantummodo fulgorem quemdam lucis denfiorem quàm fit ille qui in caeteris aftris reperitur. Colores autem vere tindos & faturos videmus non- nihil imminui ob longitudinem diftantiae, fenfimque in i5 dilutiores mutari, vt pidores omnes fatis obferuant.

Neque tamen ideo percipio rationem, cur parti- culae materiae cœlellis D. veftrse non videantur zeque tenaces eius gyrationis ex qua colores oriuntur, quàm ipfius motus diredi, in quo lumen confiftit; œque 20 enim vnum atque alterum pofTumus affequi cogita- tione : nihil autem accuratius, fiue quod omnes nu- méros Mathematicae fcrupulofitatis melius impleat, à nobis cogitari vnquam pofTe, quàm à natura fieri folere, mihi perfuadeo. Cur vero per vitri fuperficiem 25 gyratio haec mutetur, iam in Meteoris explicui, & ad- huc apertius infra dicam.

I Venio nunc ad vltimum argumentum, quo probare intendit, me non enucleatè vitro trigono applicare illa quae globulis ad aquae fuperficiem allapfis contin- 3o gère dixeram. Ad quod facillimè refpondeo ex pag. 2j

�� � 1,177-178. CXVIII. — 25 Mars i6j8. 75

Dioptrices, in qua perfpicuè demonftraui contrariam effe rationem corporum terreflrium, quales funt globi illi de quibus in pag. 2^8 Meteor., & particularum materiae quse lumen tranfmittit; quia nempe illa difR- 5 cilius per aquam tranfeunt quàm per aërem, hae contra facilius per aquam, & adhuc facilius per vitrum quàm per aquam : inde enim patet,vt enucleatè vnum alteri applicaretur, globulos aquam fubeuntes con- ferri debuiffe cum radijs à vitro in aërem tranfeun-

10 tibus, quod à me faftum eft, &c.

Nolim autem Dominatio veflra fibi perfuadeat, me tam paucis vel tam leuibus argumentis ad ea, quae fcripfi, affirmanda fuilTe impulfum, vt ex vno folo ex- perimento iudicarim colorem rubrum, non dicam in

i5 frequentiori agitatione, hoc enim non fentio, fed in maiori propenfione ad motum circularem quàm ad redum confiftere. Licet enim nullum aptius eo quod attuli effe putem ad iftud demonllrandum, fexcenta tamen alia funt quibus idem confirmatur, quseque

20 poffem hîc afferre, fi partes illas Phyficae, à quibus pen- dent, exponendas fufcepiffem; nempè dicerem cur fanguis omnis fit ruber, fi de animalibus tradarem, cur argentum viuum aliquaque innumera folâ ignis vi rubefcant, fi de igné, iftifque alijs ; | &c. Quinimo fi vel

25 vnum quid in tota rerum natura inuenirem, quod meae hac de re opinioni non confentiret, eoufque cohi- berem affenfionem, donec illâ in parte mihi fatisfe- ciffem. Nunquid vero etiam funt in ipfis meis Me- teoris aliquot alia expérimenta quae illam confirmant ?

3o vt in pag. 272 Meteor. & fequentibus, vbi egi de rubeo nubium colore, de caeruleo cœli & maris^ &c.

�� � 'jd Correspondance. i, 178-179-

Supereft itaque vt nonnuUa hîc addam, quse iuua- bunt ad intelligendum quid vmbra & quid refradio conferre poffint ad colorum produdionem ; licet enim hoc ipfum in Meteoris exponere conatus fim, forte

tamen potuiflem ] euidentius, fi pro- lixior effe voluiffem . Primo igitur , quamuis in fig. p. 258 Meteor., ma- ioris perfpicuitatis caufa, quinque tan- tum vel fex globu- los pingi curarim, putandum tamen eft omnia illa fpatia, per qu3e lumen pro- prie tranfmittitur , particulis materiae cœleflis fibi mutuo incumbentibus ple- na effe, vt iam ante didum eft & videre licet in figura hîc appofitâ, in qua fup- pono punâum V ad Solem, & X ad ocu- lum pertingere, omnefque globulos in linea VX con- ftitutos, effe particulas materiae cœleftis, quae nitun- tur recedere à centro Solis, eodem modo quo arenulae vafculis illis conteniae, quibus tanquam clepfydris

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�� � I, i79-i8o- CXVIII. — 2j Mars i6jS. yj

vtî folemus, nituntur accedere ad centrum terrae. Poflumufque fingulos ordines horum globulorum ab obiedis ad oculos protendentes (faltem fi philofophicè loqui libet) radios materiales appellare, ad diftindio- 5 nem radiorum forraalium, qui fecundum lineas Ma- thematicè redas atque indiuifibiles ferri intelliguntur, licet hi materiales vix vnquam lineas plané redas, & nunquam plané indiuifibiles componant.

Secundo, cùm aliquis ex iftis globulis impellitur in

lo vnam partem,non fibi perfuadendum eft illum efficere vt alius globus, cui proxime incumbit, in contrariam fe vertat, quemadmodum fit in rôtis horologiorum. Sed, tanquam fi loco iftorum globulorum eflfent tef- fellœ, vnae alijs fuperpofitae, putandum eft, cùm vnus

i5 in aliquam partem propendet, illum omnes alios fub fe pofitos vfque ad oculum in eandem plané partem impellere. Atque hoc ita fieri debere ex Mechanicae principijs, & eâ materiae cœleftis naturâ, quam rationes innumerœ mihi perfuadent,

ao euidenter demonftratur. Si autem fingamus tôt tefTellas vnas alijs incumbere, vt fuprema 12 ad ' finiftrum humerum Orionis, & infima |x/ 4} ad oculum pertingat, atque hanc fupre- mam redà quidempelli ab 12 verfus 45, fed ^^

«5 praeterea fortius premi in parte 2 quàm in parte i, facile intelligemus duplicem hanc impulfionem, fiue prefîionem, omnibus iftis teflellis fimul ita poffe communicari, vt ipfam infimam 4j ad rotationem, quae fiât in partes 1234, impellat.

3o Tertio notandum eft, globulos iftos, vitri, aëris, aliorumue corporum poris contentos, propendere

�� �� � j8 Correspondance. i, iSo-isj.

femper, vel certè vt plurimùm, vt in vnam aliquam partem rotentur, & quidem vt rotentur eadem cele- ritate, qua fecundum lineam reftam feruntur, quoties nulla peculiaris adeft caufa, quse celeritatem iftam augeat vel imminuat; vt monui in pag. 272 Meteor. 5 Ac prseterea quofdam ex ijs in vnam partem, alios in aliam propendere, prout hoc vel illo fuo latere con- tingunt parietes pororum quibus infunt. Vim autem qua totus radius materialis oculum premit, ex om- nibus iftis propenfionibus fimul fumptis ita componi, 10 vt illse, quse fibi mutuo aduerfantur, pro nihilo fmt numerandse. Sic, exempli caufa, globulus B, quia pellitur ab V verfus X, tangitque particulam aëris D, quae cum ipfo non pellitur, propendet vt gyretur fecundum ordinem notarum 1234; globulus autem i5 C, quantum in fe eft, in contrarias partes inclinât, quia tangit particulam G : fed hae duae diuerfae propen- fiones ab oculo in X fentiri non pofTunt, quoniam vna alteram prorfus elidit.jldemque de pluribus contrarijs refradionibus eft fentiendum, & de pluribus radijs 20 materialibus alium intermedium tangentibus, &c.

Quarto notandum eft, aequilibrij leges tam accuratè obferuari à natura, vt eiufdem radij materialis omnes partes , fimul fumptae , femper tantumdem praeter- propter in vnam partem quàm in contrariam impel- 25 lantur, tam à contadu particularum aëris aliorumue corporum, quàm ab occurfu globulorum radios vi- cinos componentium, & ab alijs caufis quibuflibet, quae in plurimos ex iftis globulis fimul agunt; vnde fit vt totus radius | ob taies caufas nunquam multo magis îo ad rotationem in vnam partem quàm in aliam inclinet.

�� � I. i82-i83. CXVIII. — 2} Mars i6j8. 7c)

Quia tamen fieri vix poteft, quin femper aliquantulum in vnam aliquam magis inclinet, alij omnes vicini radij propendent in diuerfas, vt ita, quod deefl fin- gulis ad aequilibrij leges implendas, ab omnibus fimul 5 compenfetur. Nullaque pars fenfibilis in corpore dia- phano dari poteft, in qua non permulti taies radij, nempe ex globulis fupra omnem cogitationem minu- tulis compofiti, reperiantur.

Quinto denique notandum eft, vitri alteriufue cor-

10 poris fuperficiem, in qua taies radij refranguntur, efficere vt illinon, ficut alias fieri folet, vni in vnas, alij in contrarias partes ferantur, fed omnes concor- diter in eamdem inclinent, modo tantum fatis obliqué in illam fuperficiem incidant, vt vniufcuiufque radij

i5 globulum illum, à quo tangitur, magis impellat ad rotationem in eam partem, quàm totus idem radius ab alijs caufis fimul fumptis in vllam aliam impel- latur. Nam cùm illae aliae omnes caufse propter aequi- librij leges vix quicquam poffint, vt mox didum eft,

20 facile ab hac vnica fuperantur : & docet experientia, non quantulamcunque refradion'em, fed eam dun- taxat, quae magna eft, coloribus gignendis aptam efl'e.

Neque vero illos refraélio fola vnquam producit,

2 5 nam fiue globuli, ex quibus radij conftant, in eandem omnes partem propendeant, fiue in diuerfas, eodem plane modo ab oculo fentiuntur. Et fola non poteft illos ad motum circularem | fortius vel languidius quàm ad redum impellere. Sed fi vmbra illi adiunda

3o fit, hoc eft, exempli caufa, fi radius VX cuius globuli ob refradionem propendent vt vertantur fecundum

�� � 8o

��Correspondance.

��I, i83.

��ordinem notarum 1234, in illâ crêpera luce, quam pene-vmbram appellant, ita verfetur, vt fortius quidam pellatur ab V verfus X quàm radius LM ei proximus à parte vmbrae, languidius autem quàm NP, quia

nempè minus lucis 5 habere fupponitur , certum eft vim, qua globuli , ex quibus conftat, ^rare ni- tuntur, augeri de- 10 bere ab vtroque radio LM & N P, quae con-» tra ab ijfdem minue- retur, fi NP effet à parte vmbrae, &c. i5

Ex quibus patet euidenter quid vm- bra conférât ad colo- rum produdionem ; nam abfque eâ non 20 magis radius LM in vnam partem trahe- ret globulos radij VX, quàm N P in contrariam, atque ita a 5 vis vnius à vi alterius elideretur. Nec mi- nus patet quid conférât refradio, nam abfque eâ glo- buli radij VX non magis propenderent ad rotationem fecundum ordinem notarum 1234, quàm ad contra- 3o 'riam, ideoque illa propenfio nec augeretur ncc mi-

���

I, 183-184. CXIX. — 31 Mars 1638. 81

nueretur à radijs LM & NP; vel certe, si ponamus illam augeri, tunc propterleges aequilibrij est putan- dum aliam in vicinis radijs tantumdem imminui. Et quia sensus non mouetur à singulis radijs separatim, fed tantùm à plurimis fimul, neutra ideo poffet fentiri, &c.

Quæ si D. veflræ vtcunque satisfaciant, fpero me ab ipfa impetraturum, vt docere non grauetur quaenam fint illa alia in quibus plus aliquid veritatis defiderari

poffe putat, & ad ea etiam refpondendo, teftabor quantum fim Dominationis vefl;rae fludijs

Deuotus,

RENATUS DESCARTES.


CXIX.

Descartes à Mersenne.

31 mars 1638.

Autographe, Londres, Collection Morrison.


Variantes d’après le texte de Clerselier, tome III, lettre LXIX, p. 394-404.

L’autographe remplit une feuille et demie, grand format, c’est-à-dire trois feuillets, recto et verso, ou six pages. Le numérotage des alinéas est de Descartes lui-même, et se trouve en marge : il comprend d’abord 9 numéros (réponse à une première lettre de Mersenne, du 12 mars), puis 13 (réponse à une deuxième lettre, du 22 mars), puis 3 [réponse à un billet de Petit). Au bas de la première page, à gauche, on lit l0e, c’est-à-dire 10me lettre de la collection La Hire. Dans le classement de dom Poirier, c’est le n° 6. L’exemplaire de l’Institut a été collationné sur cet autographe.

Un passage (p. 91, l. 26, à p. 94, l. 5) se trouve imprin.
82 Correspondance. III, 394-395.

deux fois dans Clerselier : 1° incomplètement, mais à sa place, p. 400-401, dans la lettre du 31 mars 1638; 2° d’une façon plus complète, p. 378 et 379, à la suite d’une autre lettre, du 27 juillet, avec ce titre : Extrait d’une lettre de M. Descartes au R. P. Mersenne. Une copie du même passage est à la Bibliothèque Nationale, MS.fr. n. a. 5160,f. 52, recto et verso ; elle porte au bas de la première page, et à gauche, l’indication 10e2e, ce qui la rattache bien à la lettre 10e ; elle est d’ailleurs entièrement conforme à l’autographe de Londres et à l’imprimé de Clerselier, p. 378 et 379.

Mon Révérend Père,

J’ai reçu vos 2 lettres du 12 et du 22 Mars toutes deux en même temps, en quoi j’admire que la dernière soit venue si vite ; car je n’en avais jamais reçu aucune de si fraiche date. Pour l’accusation du Geostatitien[25], que je ne donne rien des équations que Viète n’ait donné plus doctement, nego maiorem ; car, comme je croie vous avoir déjà remarqué quelque autre fois, je commence en cela par où Viète avait fini[26]. Et pour ce qu’il dit, que je ne suis pas excusable de n’avoir pas lu Viète, il aurait raison, si i’avais ignoré pour cela quelque chose qui soit dans Viète ; mais c’est ce que je ne croie pas qu’il m’enseigne par cette belle Analyse qu’il a autrefois fait imprimer[27].

2. Pour les lieux solides, il est aisé d’amplifier ce que j’en ai écrit ; car je ne les enseigne que par un corollaire qui contient justement 11 lignes, à savoir

2 & du 22] du om.

— 11 leu] veu.

— 12 soit] fût.

— 13 mais c’est om.

— 14 cette belle Analyse] ce beau livret.

— qu’il a] qu’il en a.
III, 395-396. CXIX. — 31 Mars 1638. 83

les 2 dernières de la page 334 et les 9 premières de la suivante. Et les 6 ou 7 lignes d’après servent pour les lieux quæ vocantur linearia & ad superficiem. Car je mets dans la question de Pappus tout ce qu’il faut savoir de plus pour les entendre. Mais le bon est, touchant cette question de Pappus, que je n’en ai mis que la construction et la démonstration entière, sans en mettre toute l’analyse, laquelle ils s’imaginent que j’ai mise seule : en quoi ils témoignent qu’ils y entendent bien peu. Mais ce qui les trompe, c’est que j’en fais la construction, comme les Architectes font les bâtiments, en prescrivant seulement tout ce qu’il faut faire, et laissant le travail des mains aux charpentiers et aux maçons. Ils ne connaissent pas aussi ma Démonftration, à cause que j’y parle par a b. Ce qui ne la rend toutefois en rien différente de celles des Anciens, sinon que par cette façon je puis mettre souvent en une ligne ce dont ils remplissent plusieurs pages, et pour cette cause elle et incomparablement plus claire, plus facile et moins sujette à erreur que la leur. Pour l’analyse, j’en ai omis une partie, afin de retenir les esprits malins en leur devoir ; car si je leur eusse donnée, ils se fussent vanté de l’avoir sue long temps auparavant, au lieu que maintenant ils n’en peuvent rien dire qu’ils ne découvrent leur ignorance. Pour ce qui est de connaitre à quel lieu l’équation faite appartient, que vous dites que Mr de Ro-


1 la page 334.

— 2 suivante]335.

— Et] Puis.

— d’après suivantes.

— 3 quæ vocantur linearia] ad lineas tres.

— 7 entière om.

— 18 ils remplissent plusieurs] il leur fallait remplir deux ou trois.

— 25 peuvent] pourront.

— qu’ils ne découvrent] qui ne fasse connaitre.

— 27 que] ce que.
84
III, 396.
Correspondance.

berval eut desire que j’eusse mis en ma Géométrie, s’il lui plait de lire depuis la pénultième ligne de la page 326 jusqu’à la page page 332, et de le rapporter au corollaire des lieux, page 334, il trouvera que je les ai mis tous exactement. (Il y a toutefois un cas, des plus aisés de tous, que j’ai omis pour sa trop grande facilité[28] ; mais ne les en avertissez pas, s’il vous plait, car vraisemblablement ils n’y prendront pas garde, et il me sera aisé de l’y ajouter en 3 mots dans une seconde impression). Or par cette seule équation de la page 326, à savoir

en changeant seulement les marques et , ou supposant quelques termes pour nuls, je comprends toutes celles qui peuvent se rapporter à quelque lieu plan ou solide. Je ne crois pas qu’il soit possible de rien imaginer de plus général, ni plus court, ni plus clair et facile que cela, ni que ceux qui l’auront une fois compris doivent après prendre la peine de lire les longs écris des autres sur même matière.

3. Pour le billet du Geostaticien, j’y répondrai aussi par un billet, afin que vous lui puissiez faire voir[29]. Mais vous ne m’avez point fait réponse à ce


3 page 332] page om.

— 5 ai mis] mets.

— 5-10 Pas de parenthèses.

— 7 les en] l’en.

— 10-11 de la page 326 transp. après l’équation.

— 11 à savoir om.

— 17-18 ni… facile] ni de plus court ou de plus clair & de plus facile.

— 19 doivent] daignent.

— 20 même] cette.

— 21 à p. 83, I. 3 Pour… derechef om.
III. 396-397. CXIX. — 31 Mars 1638. 85

que je vous avais prié[30] de m’apprendre particulièrement l’histoire de sa friponnerie touchant notre privilège, de quoi je vous prie derechef.

4. Pour Mr Morin, je vous prie de l’assurer que j’ai reçu son discours[31] en très bonne part, et que je ne manquerai pas d’y répondre le plus ponctuellement, le plus civilement et le plus tôt qu’il me sera possible, et que je le ferai imprimer avec ma réponse, puisqu’il le trouve bon, y laissant son nom, ou l’ôtant, ainsi qu’il l’aura agréable ; et même, s’il le désire, que je m’offre de lui envoyer ma réponse en manuscrit, affin qu’il y puisse changer ou retrancher tout ce qu’il lui plaira, avant qu’elle soit imprimée. Je lui écrirai dès ce voyage, mais le temps me presse trop ; je suis son très humble serviteur.

5. Pour Ferrier, laissez-le faire ; il y a grande apparence qu’il n’achèvera rien , et je croie que le moindre petit tourneur ou serrurier serait plus capable que lui de faire voir l’effet des lunetes[32].

6. Je vous remercie du soin que vous avez eu pour les livres de Rome[33]  ; le retardement ne sera peut-être qu’avantageux, à cause que ceux auxquels ils s’adressent en auront pu cependant ouïr parler.

7. Celui qui m’accuse d’avoir emprunté de Kepler les Ellipses et les Hyperboles de ma Dioptrique, doit


16 Ferrier] le sieur N.
86
III, 397.
Correspondance.

être ignorant ou malicieux ; car pour l’Ellipse, je n’ai pas de mémoire que Kepler en parle[34], ou s’il en parle, c’est assurément pour dire qu’elle n’est pas l’anaclastique qu’il cherche ; et pour l’Hyperbole, je me souviens fort bien qu’il prétend démontrer expressément qu’elle ne l’est pas, bien qu’il dise qu’elle n’en est pas beaucoup différente. Or je vous laisse à penser si je dois avoir emprunté une chose d’un homme qui a tâché de prouver qu’elle était fausse. Cela n’empêche pas que je n’avoue que Kepler a été mon 1er maître en Optique, et que je crois qu’il a été celui de tous qui en a le plus su par ci-devant.

8. le vous prie de convier Mr Petit de m’envoyer au plus tôt tout le reste de ce qu’il dit avoir a objecter contre ma Dioptrique[35], ou autres choses, afin que j’y puisse répondre tout d’un coup, sans avoir la peine d’en faire à deux fois ; car il n’a que faire de craindre que la multitude m’accable, et pour le peu qu’il m’a envoyé. Je ne veux employer à y répondre que quelques heures de récréation, après le repas.

9. Pour ce qui est de couper l’œil d’un boeuf en sorte qu’on y puisse voir le même qu’en la chambre obscure, comme j’ai écrit en la Dioptrique[36], je vous assure que l’en ai fait l’expérience, et quoi que c’ait


6 qu’elle ne l’est pas] que ce n’est pas elle non plus.

— n’en est] n’est.

— 8 emprumté une chose] appris qu’une chose fus vraie.

— 9 Cela] Ce qui.

— 11 que... été] qu’il est.

— 12 de tous] de tous les hommes,

— 22 qu’en la] que dans une.
III,397-398 CXIX. — 31 Mars 1638. 87

été fans beaucoup de foin ny de précautions, elle n'a pas laiffé pour cela de reuffir; mais ie vous diray comment. Je pris l'œil d'vn vieux bœuf (ce qu'il faut obferuer, car celuy des ieunes veaux n'eft pas tranfparent), & ayant choifi la moitié d'vne coquille d'œuf, qui eftoit telle que cet œil pouuoit ayfement eftre mis & aiufté dedans fans changer fa figure, ie couppay en rond auec des cifeaux fort tranchans & vn peu efmouffez a la pointe les deux peaux, corneam & vueam, fans offencerla troifiefme, retinam. Et la pièce ronde que ie couppay n'eftoit qu'enuiron de la grandeur d'vn fous, & elle auoit le nerf optique pour centre. Puis, quand elle fut ainfy coupée tout autour, fans que ie l'euffe encore oftée de fa place, ie ne fis que tirer le nerf optique, & elle fuiuit auec la retinam, qui fe rompit fans que l'humeur vitrée fuft aucune- ment ofienfée, fi bien que l'ayant couuerte de ma coquille d'œuf, ie vis derrière ce que ie voulois ; car la coquille d'œuf eftoit affez tranfparente pour cet effet.

Et ie l'ay monftré a d'autres depuis en mefme forte, mefme fans coquille d'œuf, auec vn papier derrière. Il eft vray que l'œil efl; fuiet a fe rider vn peu au deuant, & ainfy a rendre l'image moins parfaite ; mais on y peut obuier en le prefTant vn peu aux collez auec les doigts, ou aussy en prenant l'œil d'vn bœuf fort fraifchement tué & le tenant toufiours dans l'eau, fi tôt qu'il eft tiré de la tefte, mefme pendant qu'on en

1 précaution.

— 4 veaux om.

— 8-9 &... pointe om.

— 13 fous] fol.

— elle om.

— 13 centre] fon centre.

— 15 retinam] rétine.

— 20 mefme forte]cette forte.

— 21 derrière om.

— 24 aux codez] a cofté.

— 25 l'œil] vn œil.

— 26 l'eau] de l'eau.

— 27 mefme] & mefme l'y tenant.
88
III, 398-399.
Correspondance.

couppe les peaux, iufques a ce qu'il foit aiufté dans la coquille. Voila pour voftre 1re lettre.

1 . Je viens a la 2e, ou vous refpondez a ma précédente[37], & ie vous fupplie très humblement de m'excufer, fi i'ay iugé que les amis de Mr Fermât vous auoient deconfeillé de luy enuoyer ma refponfe, &c. Ie penfois en auoir de grandes raifons, pource que vous m'en efcriuiez comme de perfonnes qui eftoient extrêmement fes amis, & qu'ils ne trouuoient a reprendre en ma refponfe qu'vne chofe qu'ils citoient tout au contraire de ce que i'ay efcrit. Mais encore qu'il eufl elle vray, de quoy ie n'ay plus aucune opinion puifque vous me mandez le contraire, ie vous fupplie de croyre très affurement que ny cela ny aucune autre chofe qui puiffe arriuer n'eft capable de diminuer en aucune forte mon affedion très extrême a vous feruir & ma reconnoiffance pour vne infinité d'obligations que ie vous ay.

2. le vous fupplie de ne vous point excufer de m' auoir mandé trop de particularitez de ce qui fe difoit contre moy ; car d'autant que vous m'en efcriuez en plus grand nombre, d'autant vous ay-ie plus d'obligation. Et ie penfe auoir allez de retenue pour user en telle forte des auertiffemens que vous me donnez, qu'ils ne vous fçauroient iamais preiudicier, & me peuuent beaucoup feruir.

3. ie fuis extrêmement ayfe de ce que Mr Des(argues)


3 la 2e] la dernière.

— 5 Me] de aj.

— 16 forte] façon.

— 20 mandé trop] trop mandé.

— 21-22 que...de nombre] plus que vous m'en écriuez.

— 22 d'autant. . . plus] d'autant plus vous en ay-ie.
III,399.
89
CXIX. — 31 Mars 1638.

(Des)argues veut prendre la peine de lire ma Géométrie; & tant s'en faut qu'il me faille prier pour luy enuoyer, ou a vous, ce que ie croy eftre vtile pour en faciliter l'intelligence ; ie voudrois,au contraire, vous prier de l'accepter. Celuy qui m'auoit promis d'en efcrire quelque chofe[38], n'eft plus icy, & il a des affaires qui me font craindre qu'il ne le puiffe faire de 5 ou 6 femaines; toutefois ie le hâteray le plus que ie pourray. Et ie tafcherois de le faire moi mefme fans m'attendre a vn autre ; mais mon calcul m'eft fi commun, que ie ne puis imaginer en quoy les autres y peuuent trouuer de la difficulté. Au reste, ie penfe a vn autre moyen qui feroit beaucoup meilleur, qui eft que le ieune Gillot,que vous connoiffez, eft l'vn de ces 2 qui enfeignent icy les Mathématiques, & prefque celuy du monde qui fçait le plus de ma Méthode. Il fut l'année paffée en Angleterre, d'où fes parens l'ont retiré, au tems qu'il commençoit a entrer en réputation, & il n'a pas icy grande fortune qui l'oblige a y demeurer. S'il y auoit affurance de luy en faire trouuer vne meilleure a Paris, i'ay affez de pouuoir fur luy pour luy faire aller, & il pourroit donner plus d'ouuerture en vne heure pour l'intelligence de ma Géométrie, que tous les efcrits que ie fçaurois enuoyer.

4. Vous auez grande raifon de m'auertir que ie ne


4 vous] le.

— 6 & il a] & a.

— 9 Et. . . faire] & ie l'écrirois.

— 11 y om.

— 18 au tems] lors.

— a] d'y.

— 21 vne meilleure a Paris] à Paris vne meilleure.

— 22 lisez avec Clers. pour l'y faire.

90
III, 399-400.
Correspondance.

face point imprimer ce que le Sr Petit a efcrit contre Mre de Roberual[39] & de Fermât, & ie fuis bien ayfe de ce qu'il me permet de le retrancher; mais ie n'y aurois pas manque, encore qu'il ne me l'auroit pas permis, car autrement ie participerois a fa faute, & ie n'ay point droit de faire imprimer des medifances, finon celles qui me regardent tout feul, affin de m'en pouuoir iuftifier.

[5.] le fuis bien ayfe d'apprendre que Mre Pafcal & Roberual[40] n'ont point de fi particulière liaifon auec Mre de Fermât, que vos lettres m'auoient fait imaginer ; car cela eftant, ie ne doute point qu'ils ne fe rendent enfin a la vérité, & ie ne croy pas auoir mis vne feule fyllabe en ma refponfe qui les puisse defobliger, & vous les pourrez assurer que ie fouhaite & chéris l'affection des honneftes gens autant que perfonne. Mais pour les queftions de Géométrie qu'ils ne peuvent soudre & croient ne pouuoir eftre refolues par ma méthode, qu'ils vous prometent de me propofer, ie trouue que c'eft vn parti qui m'eft defauantageux. Car premièrement, c'eft contre le style des Géomètres de propofer aux autres des queftions qu'ils ne peuuent


1 Petit] N.

— 3-4 n'y... manqué] n'aurois pas laiffé de le faire.

— 4 encore qu'il] quand il.

— 17 de Géométrie] Géométriques

— qu'ils] vous promettent de me propofer, lesquelles ils ad.

— 18 & croient] & qu'ils croyent.

— refolues] foluës.

— 19 qu'ils... propofer om.

— 20 c'eft... defauantageux] ce party eft defauantageux pour moy.
III,400.
91
CXIX. — 31 Mars 1638.

foudre eux mefmes. Puis il y en a d'impoffibles, comme la quadrature du cercle, &c.; il y en a d'autres qui, bien qu'elles foient poffibles, vont toutefois au delà des colonnes que i'ay pofees, non a caufe qu'il faut d'autres règles ou plus d'efprit, mais a caufe qu'il y faut plus de trauail. Et de ce genre font celles dont i'ay parlé en ma refponfe a Mr de Fermât fur fon efcrit de maximis & minimis, pour l'auertir que, s'il vouloit aller plus loin que moy, c'eftoit par la qu'il deuoit paffer[41]. Enfin il y en a qui appartiennent a l'Arithmétique & non a la Géométrie, comme celles de Diophante, & 2 ou 3 de celles dont ils ont fait mention en leur refponfe pour Mr Fermât[42], a toutes lefquelles ie ne promets pas de refpondre ny mefme feulement d'y tafcher. Non pas pour ces dernières qu'elles foient plus difficiles que celles de Géométrie ; mais pource qu'elles peuuent quelquefois mieux être trouuées par vn homme laborieux qui examinera opiniaftrement la fuite des nombres, que par l'adreffe du plus grand efprit qui puiffe eftre, & que d'ailleurs elles font très inutiles, ie fais profeffion de ne vouloir pas m'y amufer. Et toutefois affin qu'ils n'ayent pas pour cela occafion de croyre que i'ignore la façon de les trouuer, ie mettray ici la folution de celles qui eftoient en leur papier.

Les premières font ces deux theorefmes : si[43] d'vn


5 ou] &.

— 9 c'eftoit] c'eft.

— 13 en leur... Mr Fermât] dans leur efcrit.

— 15 Non pas pour] non que.

— 16 qu'elles om.

— 20 d'ailleurs] comme aj.
92
III, 400-401.
Correspondance.

nombre mefuré par 8 on ofte vne vnité, le nombre reliant ne fera ny quarré ny compofé de deux quarrez ny de trois quarrez ; et fi d'un nombre mefuré par 4 on ofte l'unité, le nombre reftant ne fera ny quarré ny compofé de deux nombres quarrés. Ce que ie demonftre facilement par cela feul que de tout nombre quarré qui eft impair, si on ofte vne vnité, le refte fe mefure par 8 & par confequent aussy par 4 (comme il fe prouue de ce qu'on les peut tous produire en aiouftant 8 a 1, qui fait 9, & deux fois 8 a 9, qui fait 25, & trois fois 8 a 25, qui fait 49, & ainfy a l'infini), & que tout nombre quarré qui eft pair fe mefure par 4. D'où il fuit clairement que deux nombres quarrez ioins enfemble en compofent vn, lequel ou bien fe mefure par 4, a fçauoir fi ces deux quarrez font nombres pairs, ou bien qui eft plus grand d'vne vnité qu'un nombre mefuré par 4, a fçauoir si l'vn d'eux eft impair, ou qui eft plus grand de deux vnitez, s'ils font tous deux impairs. Et de la fe demonftre leur fécond theorefme : car li tout nombre quarré ou compofé de deux quarrez ne peut furpaffer vn nombre mefuré par 4 que d'vn ou de deux, tous ceux qui le surpassent de trois, comme font tous ceux qui font moindres d'vne vnité qu'vn nombre mefuré par quatre, ne peuuent eftre ny quarrez ny compofez de deux


1-5 on ofte... quarrés] etc.

— 8-9 comme... produire] comme on prouue de ce qu'ils fe produifent.

— 10 avant 8 a 1] premièrement aj.

— qui font 9, puis deux fois.

— qui font 25.

— 11 puis trois fois.

— qui font 49.

— 12 que om.


textuellement reproduit par Clerselier, t. III, p. 378-379, tandis que, t. III, p. 400-401, ce même passage est abrégé, ainsi qu'il est marqué aux variantes.

(Voir plus haut le prolégomène, p. 81-82).
III,401.
93
CXIX. — 31 Mars 1638.

quarrez. Tout de mefme fi on ioint enfemble 3 quarrez qui foient pairs, ils ne pourront furpafler vn nombre mefuré par huit que de 4 ; & fi l'vn d'eux eft impair, ils ne le pourront furpaffer que d' 1 ou de 5 ; & s'il y en a deux impairs, ils ne le furpafferont que de 2 ou de 6; & enfin s'ils font tous trois impairs, ils ne le furpafTeront que de 3 ; de façon qu'ils ne le peuuent jamais surpasser de 7, ainfy que font tous les nombres mefurés par 8, après qu'on les a diminuez d'vne vnité. Qui eft ce qu'il faloit demonftrer, & pour les fractions c'eft la mefme chofe.

Leur autre queftion eft ce problefme : trouuer vne infinité de nombres, lefquels eftant pris deux a deux, l'vn eft efgal aux parties aliquotes de l'autre, & reciproquement l'autre eft égal aux parties aliquotes du premier[44]. A quoy ie fatisfais par cete règle : fi fumatur binarius, vel quilibet alius numerus ex folius binarij multiplicatione produdus, modo fit talis vt fi tollatur vnitas ab eius triple, fiât numerus primus ; item, fi tollatur vnitas ab eius fextuplo, fiât numerus primus ; & denique fi tollatur vnitas ab eius quadrati ododecuplo, fiât numerus primus; ducaturque hic vltimus numerus primus per duplum numeri aflumpti, fiet numerus cuius partes aliquotse dabunt alium numerum, qui vice verfa partes aliquotas habebit sequales numéro praecedenti. Sic aflumendo très nu-


4-5 s'il y en a deux] fi deux font.

— 6 enfin om. Clers. p. 379.

— 9 les a... d'vne] en a ôté vne.

— 10-11 fractions] rompus.

— 13-16 lefquels... premier], etc.

— 16 A quoy] auquel.
94
III, 401-402.
Correspondance.

meros 2 , 8 & 64, habeo haec tria paria numerorum ; aliaque infinita poïTunt inueniri eodem modo.

284 cuius partes aliquotae funt 220, & vice verfa.

18416 17296

9437056 9363584

6. le n'ay que faire d'aioufter la demonftration de cecy, car i'efpargne le temps, & en matière de problefmes, c'eft assez d'en donner le facit[45], puis ceux qui l'ont propofé peuuent examiner s'il eft bien refolu ou non. Mais ie feray bien ayfe, auant que de leur faire voir cete règle, que vous les priez de vous donner aufly la leur, affin que, fi elle eft meilleure, ie la puisse apprendre. j'eufle pu faire celle cy de plus d'eftendue qu'elle n'eft ; mais elle euft efté plus longue, & puifqu'ils ne demandent qu'vne infinité de tels nombres, fans les comprendre tous, celle cy fatisfait assez a leur queftion, car elle en contient vne infinité. En l'humeur où ie fuis, i'aioufterois icy tout d'vn train la folution de toutes les autres queftions qui font en leur papier ; mais i'apprehende plus la peine de les efcrire que celle de les chercher. Et pource que la première n'eft qu'vn lieu compris en ma Géométrie, lequel eft mefme des plus faciles par ma Méthode, & que toutes les autres ne font que des fuites ou imitations de ce qu'Archimede a demonftré de la parabole & des fpirales, ie ne crains pas que ceux qui entendront ma


6 d'aioufter] d'en mettre icy.

— 6-7 de cecy om.

— 8 facit] fait.

— ceux] c'eft à ceux.

— 9 peuuent om.

— examiner] d'examiner.

— 16 les] y aj.

— 17 queftion] problème.

— 24 ou imitations om.
III,402.
95
CXIX. — 31 Mars 1638.

Géométrie fe puiflent imaginer que i'aye de la difficulté a les refoudre. Et vous fçauez qu'il y a déjà plus de 15 ans que ie fais profession de négliger la Géométrie, & de ne m'arefter iamais a la folution d'aucun problefme, fi ce n'eft a la prière de quelque ami ; comme en cete occaxion, puifque vous leur avez promis de m'enuoyer ce qu'il leur plaira de propofer, ie le receuray de très bon cœur & tafcheray d'y refpondre incontinant ; mais ce fera, s'il vous plait, pour vne feule fois & fans confequence.

7. Au relie ie vous prie d'excufer en tout cecy les erreurs de la plume, s'il s'en rencontre; car i'efcris fort vifte, & iettant les yeux dernièrement fur la copie que i'ay de ma refponfe aux amis de Mre de Fermât, i'en ay trouué vne que ie crains qui fera aussy en l'original. C'eft en l'endroit ou la page eft diuifee en trois colomnes, au titre de la colomne du milieu ou font ces mots ont plus grande proportion entre eux, aufquels il faut adiouller ceux cy en parentaife, s'ils n'y font pas, a fçauoir du plus grand au moindre[46], ce que vous ferez, s'il vous plaift, s'il eft encore entre vos mains.

8. A propos de vos miniftres, i'ay a vous auertir qu'Hortenfius, mathématicien d'Amfterdam, a commiffion de Mre des Eftats d'aller par la France en Italie pour apprendre de Galilée fon inuention pour des


10 feule om.

— 14 que i'ay om.

— 15 en] dans.

— fera] ne foit.

— 17 au titre] car au titre.

— 18-19 aufquels il faut] il y faut encore.

— 19 s'ils n'y font pas om.

— 20 du] le.

— 22 vos] nos.

— auertir] dire.

— 23 Hortenfius] N.

— 24 des] les.

— 25 de Galilée fon inuention]l'inuention de Galilée.
96
III, 402-403.
Correspondance.

longitudes[47]. Et pource qu'il passera, ie crois, par Paris, & mefme s'y vantera peut eftre de mon amitié, i'ay a vous dire qu'outre qu'il eft très ignorant, c'est vne âme très noire & malicieufe, qui au mefme temps qu'il me venoit voir & feignoit rechercher mon amitié, médisait de moy en compagnie, auec si peu de vraifemblance & tant d'effronterie que des perfonnes mefme qui l'aymoient & aufquels i'eftois indiffèrent l'en querellèrent. Que ie voudrois pouuoir faire fçauoir a tous ceux aufquels il fe pourroit adreffer & qui me connoiffent.

9. le vous ay efcrit il y a quelque temps pour tafcher d'auoir mon Limoufin, & ie feray bien ayfe qu'il vienne, s'il eft preft ; mais s'il ne l'eft pas & qu'il me fallût attendre après luy quelque temps, i'ay me mieux qu'il ne vienne point du tout, & ie vous prie de ne le point tenir en certitude ; car i'en sais icy vn autre que i'ay promis de prendre, si le Limoufin ne vient dans la fin d'Avril, ou que i'aie nouvelles qu'il foit en chemin pour venir.

10. Je vous prie de faire ce qui fe pourra afin que Mr Petit m'enuoye fes objections contre ma Dioptrique au plutoft : ce que vous obtiendrez peut eftre mieux en luy tefmoignant que ie le crains qu'autrement ; & n'importe en quelle façon, pourvu que vous l'obteniez.


2 & mefme] qu'il aj.

— 3 dire] auertir.

— 5 feignoit] de aj.

— 9 Que] de quoy.

— faire fçauoir a tous] auertir.

— 10 aufquels. . . connoiffent] qui me connoiffent, aufquels il fe pourroit adresser.

— 11-19 le vous.. pour venir om.

— 22-25 ce que... l'obteniez om.
III,403.
97
CXIX. — 31 Mars 1638.

11. le vous prie aufly de m'enuoyer l'efcrit que vous auez du P. Gibieuf contre mes raifons de l'exiftence de Dieu cito cito ; & par après s'il y a moyen d'auoir de luy quelque chofe de plus, tant mieux.

12. le vous prie aufly de m'interpreter vn mot que vous me mandez : ils[48] font sî fort occupés a d'autres chofes que ie n'y penfe plus qu'a regret ; car ie ne l'entends point & commence a m'étonner de n'entendre point de leurs nouuelles, vu la bonne volonté qu'ils m'ont tefmoignée autrefois, fans que ie puisse m'imaginer que ie leur aye donné cogitatione, verbo vel opere, aucun sujet de refroidissement.

13. le vous prie aufly de me mander des nouuelles de Mre Silhon & Cerizay[49]. J'ay réservé tout cecy pour la fin de ma lettre, afin que vous vous en souveniez mieux.

Mais i'ay penfé oublier de refpondre a ce qui est a la fin du papier de Mre Petit :

1 Touchant les réfractions, a quoy ie dis que la dureté des corps n'a aucun rapport auec elles, comme i'expliqueray en ma refponfe a Mr Morin[50].

2 Touchant la nature de la dureté, ie dis aux Météores[51] qu'elle consiste en ce que les parties des corps font moins difpofées a fe mouvoir séparément l'vne de l'autre, ou mieux jointes & plus grosses.

1-2 que vous auez om.

— 2 Gibieuf] Gib. & de fes amis.

— 3 cito cito; & par après] le plus promptement que vous pourrez.

— 5 interpréter] ouvertement aj.

— 6 mandez] d'eux aj,

— ils] qu'ils.

— 7 ie n'y penfe] vous n'y penfez.

— 16 Mais om.

— 17 : I om.

— 20 : 2] Secondement.

— 21 aux] dans les.

— 22 des cors] de ces corps.
98
III, 403-404.
Correspondance.

3 Si vous délirez vous appliquer a ma Géométrie, vous ne deuez pas douter que ie n'y contribue auec paffion tout ce qui fera en mon pouuoir ; mais il faudroit pour cela que Gillot fuft a Paris.

Je penfois vous enuoyer vn billet feparé pour le Géostaticien ; mais ie me rauife, car ie croy qu'il n'en vaut pas la peine. Et s'il vous parle, vous luy pourrez icy faire voir que ie vous ay prié de me mander fi celuy qui m'a efcrit en ces termes : qu'il demontre, &c., eft quelque Roy ou autre qui ait authorité sur moy ; & que fi cela eft, ie me mettray en deuoir de luy obéir, mais que fi c'eft vne perfonne qui n'ait aucun droit de me commander, ie iuge de fon style qu'il ne mérite pas que ie l'oblige, en luy enfeignant ce qu'il demande. Ou s'il ne veut pas auouer qu'il l'ignore, & qu'il penfe auoir quelque méthode meilleure que moy pour chercher toute forte de queftions, c'eft a luy a examiner fi i'ay failli & a fe taire iufques a ce qu'il le puisse monftrer. le fuis,


Mon Reuerend Père,
Voftre très humble, très obligé

& très affectionné feruiteur,

DESCARTES.

Du 31 Mars 1638.


I : 3] Troisièmement.

— 2-3 vous ne deuez... pouuoir] j'en feray tres-aife, et tout ce que i'y pourray contribuer, ie le feray auec passion.

— 4 Gillot] le sieur Gillot.

— 5 le] voftre.

— 6 qu'il] que cela.

— 7 vous parle] vous en parle.

— 8 icy om.

— 11 eft] eftoit.

— mettray] mettrois.

— 16 moy] la mienne.

— 17 toutes fortes,

— 19 monftrer] demonftrer.

— 21-22 très obligé & très affectionné] & très obéissant.

— 24 à p. 99, 1. 4 Du 31 Mars... Géométrie om.
99
CXIX. — 31 Mars 1638.

En fermant ce pacquet ie reçoy vne lettre d'Vtrecht, de laquelle ie vous enuoye vne partie, affin que vous puiffiez voir par la qu'il y en a qui peuuent entendre ma Géométrie.

Page 93, I. 16. — Descartes dira, à propos de cette même question, lettre CLIII ci-après à Frenicle, 9 janvier 1639 : «il n'y a pas encore vn

» an que i'ignorois ce qu'on nomme les parties aliquotes d'vn nombre;. ..il

» me fallut emprunter vn Euciide, pour l'apprendre, au sujet d'vne ques-

» tion qu'on m'auoit proposée... » {Clers., II, 43 1.)

II semble toutefois que les trois questions d'arithmétique que Descartes résout dans cette lettre ne lui aient pas été réellement proposées par Etienne Pascal et Roberval; s'ils les avaient énoncées dans leur Ecrit perdu, c'était plutôt à titre d'exemples des propositions dont Fermât pouvait se faire honneur. En particulier, pour la troisième de ces questions, Mersenne avait déjà inséré une solution (identique à celle de Descartes) dans la Seconde Partie de l'Harmonie universelle, 1637 [Nouvelles Observations Physiques et Mathématiques, p. 26 et suiv.) , après avoir, dans la Première Partie, 1636 {Préface générale, p. 9 non numérotée), annoncé cette solution en déclarant qu'elle était due à Fermât. Ce dernier en parle d'ailleurs, dans une lettre à Mersenne du 24 juin 1636 (Œuvres de F., II, 1894, p. 20), comme envoyée par lui depuis longtemps à Beaugrand.

C'est probablement aussi ce dernier qui aura communiqué aux amis de Fermât les deux théorèmes qui précèdent; s'ils ne se retrouvent pas dans ce qui nous reste de la correspondance de Fermât, ils n'en ont pas moins dû faire partie de ses premières remarques sur la théorie des nombres. Quant aux questions géométriques indiquées plus loin (p. 94, 1. 19) comme se trouvant dans l'Ecrit perdu d'Etienne Pascal et Roberval, la première semble être le lieu plan, déjà envoyé par Mersenne à Descartes (voir tome I, p. 377, 1. 5); les autres doivent se rapporter aux quadratures de spirales dues à Fermât [Œuvres de F., II, p. 12-17) et déjà aussi mentionnées par Mersenne dans la Seconde partie de l'Harmonie universelle (l. c, p. 2).

Pour en revenir au problème des couples de nombres respectivement égaux chacun à la somme des parties aliquotes de l'autre (nombres amiables), il remonte aux Pythagoriciens, qui connaissaient le premier couple [lamblichus in Nicomachi Arithmeticam, éd. Tennulius, p. 47). Fermât, tout en donnant la même règle que Descartes, n'avait calculé que le second couple. Woepcke [Notice sur une théorie ajoutée par Thâbit ben Corrah à l'arithmétique spéculative des Grecs. — Journal asiatique, oct.-nov. i852, p. 420-429) a fait connaître que cette règle avait déjà été

formulée par un mathématicien arabe du IXe siècle.
100
Correspondance.

Avec les notations modernes, ladite règle peut s'énoncer comme suit : soient

j>=r3. 2"-' — i,g=:3. 2" — I, r=9. 2"-' — i;

si p, q, r sdht (pour une même valeur de n) des nombres premiers, les nombres 2"r et 2"/j seront amiables. La solution complète du problème reste inconnue.

Page 96, 1. I. — Sur cette question, dont on s'était déjà occupé en France (voir tome I, p. 289, 1. 2), trois lettres de Huygens à Diodati, 13 avril 1637, 13 février i638 et 1er avril 1640, [Lettres françaises MS . de Constantin Huygens, t. I, p. 771, 821 et 973, Bibl. de l'Académie des Sciences d'Amsterdam), nous fournissent les renseignements qui suivent :

En 1635, Galilée s'était adressé aux Etats Généraux pour leur offrir sa découverte de la détermination des longitudes au moyen des éclipses des satellites de Jupiter. Les Etats nommèrent, le 11 novembre 1636, une Commission composée de Willem Blaeu, Laurent Reaal, Isaac Beeckman et Hortensius, afin d'examiner l'offre de Galilée, et décernèrent à celui-ci par anticipation, le 25 avril 1637, une chaîne et une médaille en or, comme marque de leur haute estime. Au cours des négociations, Diodati écrivit à Huygens au nom de Galilée, et Huygens lui répondit une première fois le 13 avril 1637, annonçant que l'affaire était en bonne voie, et que Reaal allait écrire lui-même à Galilée : « mais, dit-il, ce sera en luy

» demandant vn télescope de sa façon, ceux de ce pais ne pouuant

» représenter les quatre satellites, dont il s'agit, sans ie ne sçay quelle

» sorte de scintillation, qui pourroit empescher les obseruations sou-

» daines et momentanées de leurs coniunctioni, applicationi et eclissi,

» telles que l'auteur nous les spécifie; de sorte. Monsieur, que le rapport

» de ces commissaires ne s'estant peu faire que prouisoire et en partie,

» sans l'ayde de l'engin principal, ie ne voy pas quel subiect le seigneur

» Galileï pourroit auoir de se tenir peu satisfait du delay de nos resolu-

» tions. Il restera d'ailleurs l'expédient si nécessaire contre les agitations

» de la mer, et l'horloge de pareille importance à bien effectuer les opera-

» tions. Tout cela est de l'essence, en tant que la chose regarde la

» nauigation; si ne le voyons-nous qu'en espérance, et qui sçait si ce

» grand personnage viura assez pour nous acheuer d'instruire?... j'aduoue

» que, si sibi constat calculus ephemeridum, comme ie suis bien content

» de m'en reposer sur la bonne foy de l'auteur, c'est desia vn grand

» point gagné sur terre, et d'où s'ensuiura nécessairement la reforma-

» tion de toute la Géographie; mais les interests particuliers nous pres-

» sant plus, et vniquement à nous voir designer en haute mer ou nous

» sommes, tant au regard du long que du large, vous pouuez considérer

» qu'il n'y a que l'inuention marine qui nous chatouille principalement

» et sans laquelle aucunement reduitte à Teffect de la pratique, que nos

» peuples auront de la peine à se tenir obligez d'vn bénéfice gênerai et

» beau, plus qu'auantageux à leurs affaires. Mais ce sera bien moy.
101
CXIX. — 31 Mars 1638.

» Monsieur, qui trauailleray à leur donner de plus saines impressions. » Cependant l'affaire traînait en longueur, et on pensa à dépêcher vers Galilée un homme compétent. Les fonds nécessaires furent demandés aux Etats Généraux, « graue negotium, quia ad cerarij angustias pertinet », écrit Huygens à Hortensius, le 25 janvier i638 (Lettr. latines MS.,no 262). Huygens s'y emploie de tout son pouvoir : « à combien de personnes de

» condition et d'auihorité, » écrit-il à Diodati, le 18 février 1638, » pensez-vous que nous ayons esté obligez de prêcher vn Euangile » incognu, prins d'abord pour folie ?

» Il gagne à sa cause Frédéric-Henry et détermine Cats à faire aux Etats Généraux la proposition de voter des frais de voyage pour Hortensius, qui devait partir dans quelques semaines. Mais des quatre membres de la Commission, Beeckman était mort le 20 mai 1637, et Reaal le 10 octobre 1637, Blaeu mourut le 18 octobre 1638, et Hortensius le 17 août 1639, ce dernier sans avoir été en Italie, t Tout renient là cependant », écrit Huygens à Diodati, le 1er avril 1640, a que feu le S' Hortensius estant venu à mourir saisy » des deniers qu'on luy auoit faict fournir pour le voyage d'Italie, sans

» que iamais il se soit mis en posture ni debuoir de s'y acheminer, ceste

» frasque (ainsi l'on a voulu la baptiser) a faict refroidir beaucoup de

» courages, qu'on auoit eu de la peine à rechauffer. » Pourtant Huygens est prêt à recommencer : « force nous est de represcher les paradoxes de cet Euangile tout de nouueau. » Mais personne ne l'aide, sauf Boreel, à qui Diodati écrit également. On n'aboutit pas : le 15 juin 1640, Diodati écrit à Galilée qu'il n'a plus rien appris de Hollande, et Galilée meurt lui-même, le 8 janvier 1642. {Notes sur Constantin Huygens, p. 25-28, par D.-J. Korteweg, Extrait des Archives Néerlandaises, t. XXII).

Page 99, 1. 4. — Parmi les savants d'Utrecht qui s'intéressaient à la Géométrie de Descartes, il y avait Godefroy de Haestrecht (t. I, p. 459), Alphonse de Pollot (ib., p. 5 18), Waessenaer le jeune (lettres de sept, et oct. 1639 ci-après), et surtout Henri Renery, comme le prouve la lettre suivante de ce dernier à Mersenne (Bibl. Nat., MS. fr. n. a. 6206, p. 1 01-102), écrite précisément en mars i638 :

« Reuerende Pater, »

« Etsi diuturno silentio videar amicitiae olim féliciter cum Reuerentia

» tua contraciae leges violasse, conscieniia tamen mihi fida testis est me

» hucusque et tuas et clarissimi D. Gassendi dotes ac virtutes cum erudi-

» tione omnigena conjunctas saepe coluisse et grata quadam recordatione

» oculis mentis meae objecisse. Sed professionis qua fungor onera nimia

» hactenus effecere, ut suavissimo cum doctis viris litterario colloquio

» frui non potuerim. Hebdomadatim sex mihi lectiones publicae habendae

» fuerunt, in quibus pro insita animi generositate operam dedi ut philo-

» sophiae vulgaris errores refutarem, eorumque loco, quantum per dotes

» mihi à Deo Opt. Max. datas licuit, aliquid noyum, et ut mihi perI02 Correspondance.

» suadeo, melius reponerem. Publiais his lectionibus duodecim privatae » ac domesticae ut plurimum accesserum. Inter tôt ac tantas occupationes » quid animi, quid temporis superesse potuit colendis pro dignitate exte- » rorum virtutibus? Sed ante paucos dies, Amplissimus hujus Academiae » Magistratus onus nimium publicarum lectionum levavit, et deinceps » quatuor tantum hebdomadatim sum habiturus {décision prise le 26 fé- » vrier i638). Ac nisi totus jam essem in Geometria D. de Cartes intelli- » genda, resumerem amicitias cum exteris officia. Sed liceat quaeso mihi, » tua et clarissimi D. Gassendi pace, per trimestre adhuc feriari ab obse- » quijs litterarijs, quibus vobis sum obstrictus. Tum ad officium redibo » et suavitate ac eruditione litterariorum vestrorum colloquiorum ani- » mum reficiam. »

« Si de privatis meis studijs ac occupationibus certioresse cupis, praeter » diligentiam singularem quam impendo Geometriae D. de Cartes, totus » sum in observationibus faciendis circa plantas et animalia. Et que » facilius eas facere possim, oculos novos arte mihi paravi, quibus fretus » ea in seminibus, in germinibus, in folijs floribusque deprehendo quae » nemo veterum ob microscopiorum ignorationem observare potuit. » In hoc studio tanta cum voluptate versor, ut non modo amicorum, sed » saîpe mei ipsius obliviscar. »

« Prœsertim verô voluptatem meam auget conversatio cum D. de » Cartes, qua felici quodam sydere fruitus sum et subinde adhuc fruor. » Is est mea lux, meus sol, et quod Virgilius in Bucolicis dixit, idem » possum de ipso dicere : Erit ille mihi setnper Deus, nempe Dei nomine » intelligendo eminentissimum inter omnes mortales quoad virtutem et » eruditionem. Et ipsa S. Scriptura aUhac locutione non abhorret, dum » de magistratibus loquens et principibus viris dixit: Ego dixi : Dij estis, » Libenier ex Reverentia tua intelligerem quo loco sit spécimen quod » nuper emisit, tanquam scintillam suae eruditionis. Ego sic judico : » propter novitatem et nonnullam obscuritatem à nimia brevitate ortam, » futurum ut initio multi offendantur ac reclament, sed biennium non » elabetur quin de clamosis illis dici poterit cum Virgilio : Conticuere » omnes, intentique ora tenebunt. Ac licet propheta non sim, nec pro- » phetae filius, tamen ausus sum pronuntiare futurum deinceps ut nulla » philosophia naturalis, nec ulla philosophandi ratio praeter illara D. de » Cartes, obtineat apud verè homines, id est ratione recta rectos. »

« Praeter illas meas occupationes geometricas ac physicas, optica » quoque nonnullam temporis mei partem occupât. In experimentis > opticis talia, ac ideô penè incredibilià deprehendi, supra ea quae mihi » apud alios videre contigit, ut nemini facile palmam hac in re conces- » serim. Sed magis id ab ardore quodam singulari proficiscitur quam ab » ingenij subtilitate, quae mihi communis cum multis et minor quam in » multis praedaris viris quos vestra civitas, eruditionis omnimodae em- » porium, habet. »

« Haec cursim de rébus meis Reverentiae tuae significare volui per hune

�� � CXX. — Avril 1638. 105

» optimae indolis juvenem, cui si fauore tuo et directione in ignota regione » adfueris, mihi ipsi beneficium praestiteris. Hic mihi dictum à Se- » natore principis Auraici et ordinum Brabantiae Reverentiam tuam r, librum de Veritate eximium edidisse. Quaeso effice ut ad nostros biblio- » polas et liber iste et reliqua tua opéra perveniant. Musica tua opéra et » Miscellaneœ quastiones hic in pretio sunt. Perge ut cœpisti et in primis » observationes tuas, quibus abundas, publicae luci publico bono da, et » vale ab eo qui et tuae Reverentiae et Clarissimi Gassendi est et erit

» Eximius cultor,

B Henricus Reneri. »

Reuerendo admodum Patri Mersenno

ordinis Minoritarum,

p(ar) amis que Dieu garde.

Parisijs.

��CXX.

ROBERVAL CONTRE DeSCARTES.

[Paris, avril i638.]

Texte de Clerselier, tome III, lettre 58, p. 3i3-3ai.

Clerselier donne à cette pièce le titre suivant : Escrit de quelques amis de M' de Fermât, servant de Réponse à la précédente (c'est-à- dire à la lettre CX ci-avant). En réalité, Etienne Pascal étant absent (voir la fin de la lettre et V éclaircissement), Roberval fut^ seul cette fois à soutenir la polémique. Mersenne paraît avoir retardé l'envoi en Hollande jusqu'au v' mai, car c'est en répondant à une lettre de cette date que Descartes parle pour la première fois de cet Ecrit (lettre CXXlUci-après) et annonce qu'il y fera probablement un mot de réponse séparé (la lettre CXXIV). Cependant, le i" juin i638, Roberval écrivait à Fermât : « M. Descartes n'ayant pas encore reçu mon Ecrit le 3 mai, ce qui est pourtant bien tard, a fait quelques objections nouvelles [dans la lettre CXXII ci-après] de peu de conséquence. Vous les verrez dans sa Lettre que le Père Mersenne vous pourra communiquer. » (Œuvres de Fermât, t. II, 1894, p. 148). Le présent Ecrit est donc au plus tard de la première moitié d'avril, et, même dès avant le 26 mars {voir lettre CXXII

��

104
III, 313-314.
Correspondance.

ci-après), Roberval avait dû en communiquer une partie à Mersenne : mais, à ce moment, il n'avait probablement pas achevé la rédaction.


Quand Monfieur Defcartes aura bien entendu la Méthode de Monfieur de Fermât, De maximis & mi- nimis, & de inuentione tangentium linearum curuarum, alors il ceflera d'admirer que cette Méthode ait trouué des deffenfeurs, & admirera la Méthode mefme, qui eft excellente & digne de fon Autheur. Or il n'eft pas vraisemblable que M. Defcartes l'ait entendue iufques icy, puis qu'ayant fait des objedions abfurdes à l'encontre par fon premier Efcrit[52] aufquelles nous auons répondu fuiuant l'intelligence que nous auons de la mefme Méthode[53], il réplique de forte qu'il s'enueloppe dans d'autres, autant ou plus abfurdes ; que les premières; & tant aux vnes qu'aux autres, il fabrique des raifonnemens à fa mode, lefquels il prétend déduire de cette Méthode, & fuppofe que Monfieur de Fermât en auroit fait de pareils en pareilles queflions ; quoy que ces raifonnemens foient contraires, non feulement à la mefme Méthode, mais aussi à la Méthode générale de raifonner en tous fujets, ayant des défauts contre les règles ordinaires de la Logique. En quoy Monfieur Defcartes ne peut éuiter l'vn des deux, fçauoir, ou qu'il ignore la Méthode, fuiuant laquelle il raifonne fi mal en des queftions aufquelles il eft très-facile de bien raifonner fuiuant la Méthode mefme, ou bien qu'il ne procède pas de bonne foy, fi n'ignorant pas l'excellence de la Me10

��i5

��20

��25

��?o

��111,314. CXX. — Avril i6j8. 105

thode, il raifonne mal exprés pour auoir occafion de blafmer l'Autheur. Mais nous ne pouuons croire ce dernier, parce qu'il ne pourroit pas éuiter que le blafme ne retombaft fur luy-mefme, finon qu'il euft affaire à des ignorans ; et nous eftimons qu'il a trop de prudence pour s'expofer à ce danger.

Pour venir au fait, Monfieur Defcartes fait deux objedions, toutes deux abfurdes. La première eft qu'il fuppofe que la ligne E B, qui touche la parabole au point B, eft la plus grande qui puifle eftre menée, du point E donné dans le diamètre, iuf- ques à la parabole. Car nous voulons bien que ce foit le point E qui foit donné dans le diamètre, au lieu qu'il auoit dit, dans fon premier Efcrit, que le point donné fuft B , en la parabole , ce qu'il a corrigé en fon fécond Efcrit*. En quoy nous reconnoiiTons qu'il n'a pas bien confideré nôtre Ré- ponfe, dans laquelle nous auons mis en 2 mots, que l'vn & l'autre eftoit également abfurde de pré- tendre de mener du point B iufques au diamètre la plus grande ligne, ou la plus grande du point E iuf- ques à la parabole, d'autant qu'en l'vne & en l'autre forte cette plus grande eft infinie, & partant impof-

���a. Cf. t. I, p. 487, 1. 14-19, et t. II, p. 2, 1. 8-i3. Correspondance. II.

��14

�� � ſible. D’où l’excellence de la Methode paroiſt d’autant plus, puis qu’en des queſtions abſurdes elle fait découurir des abſurditez, qui eſt tout ce que l’on peut eſperer d’vne bonne Methode en pareil cas. Or qu’il ſoit abſurde que BE ſoit la plus longue ligne qui puiſſe 5 eſtre menée du point B iuſques au diametre, Monſieur Deſcartes le confeſſe par ſon Eſcrit, & il faut | qu’il auoüe de meſme que EB n’eſt pas la plus longue qui puiſſe eſtre menée du point E donné au diametre iuſques à la parabole, puiſque luy-meſme y mene EP, 10 plus longue que EB, le point E eftant au diametre, & le point P en la parabole, & ainſi EP eſt menée du point E donné au diametre iuſques à la parabole, à laquelle elle ſe termine au point P. Car quant à ce qu’il dit que cette ligne PE n’eſt pas tirée iuſques à la 15 parabole ſeulement, mais outre la parabole, cela eſt auſſi abſurde que de dire que le point P eſt outre la parabole, lequel toutefois eſt dans icelle, ainſi qu’vne infinité d’autres, plus & plus éloignez à l’infiny, auſquels on peut mener des lignes droites du point donné 20 E, leſquelles croiſtront touſiours, ſans que l’on puiſſe determiner la plus grande.

On pourroit par vne meſme abſurdité ſoûtenir que, d’vn point donné hors vn cercle dans le plan d’iceluy, la plus grande ligne que l’on puiſſe mener iuſques à 25 la circonference eſt la touchante, & ainſi donner vn dementy à Euclide, qui a demonſtré que cette plus grande eſt celle qui eſt menée du meſme point par le centre iuſques à la circonférence concaue ; de laquelle plus grande on pourroit dire, par la raiſon de 30 Monſieur Deſcartes, qu’elle n’eſt pas ſeulement menée 111, 3i5-3i6. CXX. — Avril i6j8. 107

iufques à la circonférence du cercle, mais outre la circonférence, quoy qu'elle fe termine en vn point d'icelle circonférence. De dire auffi que par la plus grande ligne, il entend celle qui ne rencontre la pa-

5 rabole qu'en vn point, c'eft fe contredire, puifque ce n'eft pas la plus grande ligne : et en tout cas c'eft abufer du mot de plus grande, affignant pour icelle la touchante, laquelle Monfieur de Fermât a trouuée par vn raifonnement propre à ce faire, comme il paroift

10 par fon Efcrit. Et ainfi pour faire paroiftre que Mon- fieur de Fermât auroit tort, Monfieur Defcartes fabri- queroit vn raifonnement à fa mode, voulant faire croire que ce feroit le raifonnement de Monfieur de Fermât; ce qui ne fe peut attribuer qu'au défaut de

i5 connoifiTance de Monfieur Defcartes, touchant la Mé- thode dont eft queftion; | car nous ne voulons pas foupçonner fa mauuaife foy ; partant nous defirerions qu'il confideraft la Méthode de plus prés, & il verroit que, pour trouuer la plus grande, Monfieur de Fermât

2o a employé le raifonnement propre pour la plus grande ; & que pour trouuer les touchantes, il a em- ployé le raifonnement propre pour les touchantes, n abufant pas du mot de plus grande pour celuy de touchante, ainfi que feroit Monfieur Defcartes en

a 5 cette occafion, fi par la plus grande il entendoit celle qui ne rencontre la parabole qu'en vn point.

La féconde objedion de Monfieur Defcartes eft contre la Méthode par laquelle Monfieur de Fermât trouue les touchantes des lignes courbes, & particu-

3o lierement contre l'exemple qu'il en donne en la para- bole, duquel Monfieur Defcartes auoit dit par fon

�� � io8

��Correspondance.

��III, 3i6-3i7.

��premier Efcrit^, que fi feulement au lieu de Parabole &. Parabolen, on met par tout Hyperbole & Hyperbolen, ou le nom de quelqu' autre ligne courbe, telle que ce puifle eftre, fans y changer au refte vn feul mot, le tout fuiuroit en mefme façon qu'il fait touchant la

����parajbole ; de quoy toutesfois il s'enfuiuroit vne abfur- dité. Mais ayant veu noftre Réponfe, & connu fa faute, il prétend la corriger par fon fécond Efcrit, perfiftant toufiours en fon objeélion. En quoy il reûffit û mal, qu'au lieu d vne faute, il en fait deux fignalées. La première eft que voulant fabriquer vn raifonnement à fa mode appliqué à lellipfe, pour le mettre en paral- lèle auec celuy que Monfieur de Fermât fait en la parabole, afin d'en déduire vne abfurdité contre fa Méthode, après auoir fuppofé que la ligne B E touche l'ellipfe au point B donné, & rencontre le diamètre

��lO

��a. Voir tome I, p. 489, 1. i «t suiv.

�� � m, 3i7-3i8. CXX. — Avril 1638. 109

CD au point E, il dit* : Ergo fumendo quodlibet punéîum O in reéla BE, et ab eo ducendo ordïnatam 01, à punéîo autem B ordinatam BC, major erit proportio CD ad DI, quant quadrati BC ad quadratum 01, quia punéîum 5 O ejî extra ellipjim. Ce raifonnement n'eft pas vray en l'ellipfe de tous les points qui font en la ligne BE, vni- uerfellement parlant comme le veut la Méthode. Et c'eft ce qui a trompé Monfieur Defcartes, qui n'a con- fideré le point O qu'entre les points BE, & non pas

10 aufli au delà du point B, comme il le falloit : car en cette figure en laquelle le point O eft dans la ligne BE au delà du point B, il eft faux qu'il y ait plus grande raifon de CD à DI, que du quarré BC au quarré OI. Or, pour raifonner fuiuant la Méthode, il

i5 faut qu'il foit vray de tous les points qui font en la ligne BE, de part & d'autre du point B, ce qui arriue en la parabole feule, à laquelle cette propriété eft fpe- cifique. C'eft pourquoy M. de Fermât s'en eft feruy en la parabole, ce que M. Defc: tes ny aucun autre ne

20 peut faire en l'ellipfe, ny en aucunes autres lignes courbes, auxquelles cette propriété n'eft point fpeci- fique; voire mefme elle ne leur conuient nullement; & partant elle eft inutile pour conclure d'autres pro- prietez fpecifiques des mefmes lignes. Que fi au lieu

a5 d'vne ellipfe, on auoit propofé vne hyperbole, ayant pris le point O dans la ligne B E au delà du point B, alors il y auroit eu plus grande raifon de DC à DI, que du quarré BC au quarré OI; mais le point O eftant pris entre les points B,E,le raifonnement auroit

3o pû|eftre faux, & l'auroit efté en effet lors que le point

a. Voir plus haut, p. 6, col. 2, 1. 19 et suiv.

�� � IIO

��Correspondance.

��m, 3i8.

��O feroit affez proche de B ; partant, il efl: clair que ce raifonnement ne vaut rien, ny en Fellipfe ny en l'hy- perbole; & c'efl faillir contre la Méthode, de vouloir l'employer en icelle, comme fait Monfieur Defcartes; en quoy il y a vne chofe digne de remarque, fçauoir, 5 qu'ayant raifonné par vne propriété fpecifique de la

parabole, & laquelle ne conuient pas à l'ellipfe ny à l'hyperbole, la force du raifonnement luy a lo fait conclure vne autre propriété fpecifique de la parabole, que C E ell dou- ble de C D. Que s'il veut raifonner par vne pro- i5 prieté fpecifique de l'el- lipfe ou de rhyperbole, telle qu'eft celle-cy : po- fant le diamètre D F , le centre A, & le refle de la figure comme auparauant, il 20 y a plus grande raifon du redangle F C D au redangle F I D, que du quarré B C au quarré O I, (ce qui eft vray de quelque part que foit pris le point O à l'égard du pointB); alors, par la force de ce raifonnement, il con- clura vne autre propriété fpecifique de l'ellipfe ou de 25 l'hyperbole, fçauoir, que AC fera à CD comme FC efl à CE, laquelle propriété efl vraye en l'ellipfe, ou en l'hyperbole feule, & fe trouue diredement par la Méthode de M. de Fermât, ayant fubflitué, comme il a fait, les quarrez 1:1 & EC, au lieu des quarrezOI & 3o BC, & donné vn nom, comme C, au diamètre DF,

��� � m, 3i8-3i9. CXX. — Avril i6jS. m

demeurans les autres noms comme ils font dans les Efcfits, tant de Monfieur de Fermât que de Monfieur Defcartes.

La féconde faute de Monfieur Defcartes eft encore

5 pire I que la première, & fort confîderable en luy, qui a traitté de la Méthode de bien raifonner, pource qu elle eft directement contre les préceptes du bon raifonnement & de la vraye Logique; laquelle en- feigne que, pour conclure vne propriété fpecifique de

lo quelque fujet que ce foit, il faut dans les propofitions, defquelles les argumens font compofez, employer au moins vne autre propriété fpecifique du mefme fujet, c'eft à dire qu'elle foit tirée de fa nature propre, & qu'elle ne conuienne qu'à luy; autrement, fi on ne

i5 raifonne que fur des proprietez génériques, & qui conuiennent à d'autres fujets, on ne conclura iamais des proprietez fpecifiques du fujet dont eft queftion ; c'eft vne vérité que doiuent fçauoir tous ceux qui font profeffion de bien raifonner, & laquelle Monfieur de

20 Fermât n'a pas ignorée, puifque dans fon traité il n'y a rien qui ne luy foit conforme, & qu'il employé dans fon raifonnement des proprietez fpecifiques de fon fujet, lefquelles eftant dextrement méfiées auec des proprietez génériques & vniuerfelles , feruent pour

25 conclure les autres proprietez fpecifiques defquelles il abefoin.

Au contraire M. Defcartes, voulant à tort contre- dire M. de Fermât fur le fujet des tangentes de l'hy- perbole, fabrique vn raifonnement à fa mode, auquel

3o il n'employé que des proprietez fi vniuerfelles, qu'elles conuiennent non feulement à toutes les feélions

�� � 112

��Correspondance.

��m, 3i9-3jo.

��coniques, mais encore aux lignes droites fans fe feruir d'aucune propriété fpecifique. Nous laiiTons à iuger des confequences qui fe peuuent tirer d'vn rai- fonnement fi imparfait, contraire non feulement à la Méthode dont efl queftion, mais aufTi aux règles vni- uerfelles de raifonner en toutes fortes de fujets. Le raifonnement ell comme s'enfuit. Ayant fuppofé la conftrudion de la fig(ure) comme cy-deuant, il dit* Major ejî proportio CD ad DI, quam BC ad 01, quia punéïum O ejl extra hyperbolen; cette propriété, de la

plus grande raifon de la ligne CD à la ligne DI que de la ligne BC à la ligne O I, outre qu'elle ne feroit pas vraye fi le point O efloit pris de l'autre part du point B, qui efl vne faute pareille à la première , ne con | uient pas à l'hyperbole feule, mais auffi à la parabole & à l'ellipfe, & de plus aux lignes droites B E & CE, quand il n'y auroit ny parabole ny ellypfe, ny hyper- bole; partant par cette propriété fi vniuerfelle, ainli employée fans autres plus fpecifiques, il eil impoffible de trouuer les tangentes de l'hyperbole, qui dé- pendent de la nature et des proprietez fpecifiques d'icelle. Si quelqu'vn vouloit dire qu'au moins la Méthode feroit défeftueufe, en ce que l'Autheur n'auertit point qu'il faut raifonner par des proprietez fpecifiques, nous luy répondons que ceux qui fe

a. Voir plus haut, p. 7, 1. 17-21.

���10

��i5

��20

��25

��3o

�� � in, 3ao-3ïi. CXX. — Avril i6j8. iij

méfient de raifonner, ne doiuent point ignorer cette condition, qui efl de la pure Logique, laquelle il fup- pofe eflre connue par ceux qui liront fon Traitté; au- trement il les renuoye aux écoles, pour y apprendre 5 à raifonner, & les auertit qu'ils ne fe méfient point de reprendre fes Efcrits, qu'ils n'entendent bien la Lo- gique & le fujet dont il traitte.

Pour changer de difcours, nous auons lu affez at- tentiuement le Liure de Monfieur Defcartes, qui con-

lo tient quatre traittez, defquels le premier fe peut attribuer à la Logique, le fécond eft méfié de Phyfique & de Géométrie, le troifiéme eft prefque purement Phyfique, & le quatrième eft purement Géométrique. Dans les trois premiers, il déduit affez clairement fes

i5 opinions particulières, fur lé fujet de chacun; fi elles font vrayes ou non, celuy-là le fçait qui fçait tout. Quant à nous, nous n'auons aucunes demonftrations, ny pour ny contre, ny peut-eftre l'Autheur mefme, lequel fe trouueroit bien empefché, à ce que nous

20 croyons, s'il luy falloit demonftrer ce qu'il met en auant ; car il | pourroit trouuer que ce qui paffe pour principe à fon fens, pour fonder fes raifonnemens, fembleroit fort douteux au fens des autres ; aufli femble-t-il s'en foucier fort peu, fe contentant d'eftre

2 5 fatisfait foy-mefme; en quoy il n'y a rien que d'hu- main, & qu'vn père ne faffe paroiftre tous les iours enuers fes enfans. Ce ne feroit pas peu, fi ce qu'il dit pouuoit feruir comme d'hypothefes, defquelles on puft tirer des conclufions qui s'accordaffent aux expe-

3o riences ; car en ce cas l'vtilité n'en feroit pas petite. Dans le quatrième traitté nous luy marquerons vne

Correspondance. II. i$

�� � 1 14 Correspondance. m, s^i.

omiffion, & vne chofe qui nous femble vne faute : l'omiffion eft aux pages 404, 405 & 406 où il dit que le cercle I P peut coupper la courbe A C N en fix points, laquelle toutesfois il ne peut coupper qu en quatre. Mais il a obmis fa compagne, décrite de l'autre part 5 de la ligne B K, par l'interfedion de la parabole & de la règle, qui fe fera au point F, laquelle compagne le cercle pourra couper en deux points pour acheuer les fix. La faute eft en la page ^47, où ce qu'il dit d'vne équation qui a deux racines égales, eftant vray aux «o équations planes, & en celles qui en dépendent, il nous femble faux aux cubiques & en celles qui en dépendent. Qu'il y penfe, s'il croit que la chofe en vaille la peine, & s'il defire communiquer fur ce fujet ou autres, il aura en nous auec qui traitter amiable- i5 ment. Nous trouuons tres-bon qu'il nous recufe pour iuges en la caufe de Monfieur de Fermât, pource qu'il ignore que nous ne connoiiTons ny luy ny Monfieur de Fermât que de réputation. Que s'il nous doit foup- çonner, c'eft pour ce que nous prononcerons en fa- 20 ueur du bon droit, de quelque part qu'il foit. Nous voulons bien aufli qu'il faife imprimer tout ce qui viendra de nous, pourueu qu'il ne change rien, finon qu'au lieu du nom de Monfieur de Fermât, il mette l'Autheur du traitté De maximis & minimis. Nous 2 5 fommes fes tres-humbles feruiteurs, R(oberval).

Monfieur Pafcal eft abfent.

��Etienne Pascal dut, en effet, quitter Paris, ou du moins se cacher dans Paris, vers la fin du mois de mars. Baillet l'affirme (I, 339), ^^ indique en marge sa source ; « V. la lettr. MS. de Des Argues à Mersenne du 4 avril

�� � CXX. — Avril i6j8, 115

��» i638. » Les détails qu'il donne sur les causes de cette disparition se trouvent confirmés et complétés par M^'Périer, dans sa Vie de Jacqueline Pascal (voir Lettres, opuscules, etc.. des sœurs de Pascal, p. p. P. Fau- gère, Paris, Vaton, 1845, p. Sj-SS; cf. p. 3o6), et par Tallemani des Réaux dans ses Historiettes (édh. Monmerqué et Paris, 1854, IV, 118). En même temps que Roberval répliquait ainsi à Descartes, « M. des » Argues », djt Baillet, I, 35o, « dont l'habileté étoit généralement re- )) connue des Géomètres du tems, prit aussi la défense de M. Descartes » contre M. de Fermât dans une assez longue dissertation qu'il addressa » au P. Mersenne en forme de lettre écrite le 4 d'Avril de l'an i638. Mais » comme il sembloit être l'ami commun de tous les Sçavans illustres qui » étoient entrez dans cette fameuse querelle, on n'est point surpris de voir 1 qu'il y dise beaucoup de bien, non seulement de M. Mydorge et des » autres partisans de M. Descartes, mais encore de M. de Fermât, de » M. Pascal et de M. de Roberval, ses adversaires, dont il souhaitoit de » tout son cœur que le mérite fût enfin récompensé de l'amitié de M.Des- » cartes. » Rappelons que Descartes avait recommandé à Mersenne de faire voir à Desargues toutes les pièces de son procès (lettre CXII ci- avant, p. 27, 1. 25). La lettre de Desargues a longtemps été conservée dans le tome I des Lettres MSS. à Mersenne (actuellement Bibl. Nat. fr. n. a. 6204). Elle en a probablement été détachée par Libri, et on peut es- pérer la retrouver.

Baillet, dans le passage qui précède immédiatement celui-ci, parle égale- ment d'un sieur Chauveau, ancien condisciple de Descartes à La Flèche, et qui, dit-il, se serait aussi déclaré pour Descartes contre Fermât. II allègue en marge « le I. vol. des lettres MSS. au P, Mers. » mais on voit par un autre passage (II, 346) que sa seule source est la lettre suivante, sans date, de François du Verdus à Mersenne :

« Mon trez Reuerend Père, »

« le vis l'autre jour M' Chauuot et l'obligé a me promettre quelque « explication sur l'algèbre de M' des Cartes, laquelle ie ne manqueray » pas de vous communiquer d^z que ie l'auray eue : mais pource que » i'aprehande que, sy M^ Chauuot venoit a sçauoir que i'ay desia donné D cette peine à M de Roberual, qu'il ne se communiqueroit pas sy libre- » ment, soit qu'il ne voulut pas qu'vn escolier d'vn autre apprit ses secrets, » soit qu'il creut que ie sceusse plus qu'en effet ie n'en ay iamais appris, » ie vous prieray, s'il vous plaist, trez humblemant de me faire la faueur » de ne parler point à M' de Rob. de M' Chauuot, ny à M' Chau. de » M' Rob. »

« Pour ce qui est des cartes que ie vous auois promis, l'en ay desia taillé » vne partie; et pource que ie vous les veux donner les plus iustes qu'il se » pourra, ie ne vous lez enuoyray que dans cincq ou six iours, que ie me » donneray l'honneur de vous voir. »

(Bibl. Nat., MS.fr, n. «. 620$, p. 446.]

�� � ii6 Correspondance. m, sa».

CXXI.

Mersenne a Descartes.

[38 avril i638.] Texte de Clerselier, tome III, lettre 67, p. 380-384.

Date donnée par la lettre CXXIII ci-après, où Descartes répond à trois lettres de Mersenne {sS avril, i" et 10 mai); la première partie de sa réponse se rapporte de point en point à la lettre ci- dessous, qui est par conséquent la plus ancienne, celle du 28 avril. Le paragraphe S de cette lettre se compose de deux extraits d'une lettre de Fermât (voir éclaircissement).

Monfieur,

Quant au fieur de Robenial, il a trouué quantité de belles fpeculations nouuelles, tant Géométriques que Mechaniques, & entr autres ie vous en diray vne, à fçauoir qu'il a demonftré que l'efpace compris par la

���ligne courbe A C B & la droite A B eft triple du cercle ou de la roue ou roulette A E F ; or ledit efpace eft fait par la roulette qui fe meut depuis A iufques à B, fur le plan ou fur la ligne AB, lors que la ligne AB

�� � m, 380-38I. CXXI. — 28 Avril 1638. 117

efl égale à la circonférence de ladite roulette. Et puis il a demonftré la proportion de cet efpace auec ledit cercle, lors que la roulette décrit AB plus grande ou plus petite que fa circonférence in quacunque ratione

5 data.

2. Or agréez, s'il vous plaift, que ie vous propofe deux difficultez, dont ie fuis en controuerfe auec ledit fieur de Roberual, lefquelles vous me ferez plaifir de refoudre, fi vous le pouuez. La première eft : fuppofé

10 que Dieu n'euft rien créé, il prétend qu'il y auroit encore le mefme efpace j folide réel, qui eft mainte- nant, & fonde la vérité éternelle de la Géométrie fur cet efpace, tel que feroit l'efpace où font tous les corps enfermez dans le Firmament, fi Dieu annean-

i5 tifToit tous ces corps. Et moy ie dis qu'il n'y auroit nul efpace réel, autrement il y auroit quelque Eftre réel qui ne dependroit point de Dieu.

j . La féconde difficulté, laquelle il me femble défia vous auoir touchée autrefois*, eft d'vne Arbalefte, à

ao fçauoir, fi la corde eftant bandée depuis A iufques à D, fi fe décochant de D, elle ne va pas plus vifte de D à C que de C à A en acheuant fon chemin. le dis que, puis qu'elle endure plus de violence en D qu'en C, elle ira plus vifte, en partant de D, qu'en pafTant &

25 chemin faifant par C; & luy dit qu'elle ira plus vifte en C, & encore plus vifte en arriuant en A, où eft fon terme. Ce qui fait pour luy eft que, fi elle alloit plus vifte en D, fuppofé que la corde fuft arreftée en C, le

1 1 et réel Inst.

a. Cette question ne se retrouve pas dans la correspondance antérieure.

�� � ii8

��Correspondance.

��III, 38I-3S3.

��trait, pouffé de D en C, iroit plus vifte que lors qu'il eft tout en A ; et auffi que le triangle E D F eft plus grand que ECF, & ainfi qu'il luy faut plus de temps pour mouuoir & attirer la corde de D à C que de C à A. Mais ie m'appuye fur la plus grande force, ou le 5 plus fort bandement de la corde en D. Il ad joute que comme la corde G H, attachée en G & tirée de H en

I, defcend & fe meut plus lentement, en commençant fon mouuement en I, & lo plus vifte en H, par où elle paffe, qu'en aucun autre endroit, de mefme la corde partant de D va pliis len- tement qu'en aucun autre i5 lieu du fuft de l'Arbalefte D A, & en A plus vifte qu'en aucun | autre lieu. Or ce qui m'eftonne icy, eft que, la corde frappant auffi vifte & auffi fort la flèche en A, lors qu'elle 20 ne viendroit que de C en A, elle n'enuoyeroit pas la flèche fi loin que fi la corde venoit de D, ou de plus loin ; c'eft à dire qu'vn Arc, quoy que moins vifte & frappant la flèche moins fort, l'enuoye plus loin, quand il eft plus grand ; de forte que fi auec 25 la mefme flèche vous bandez vn Arc deux fois plus grand que les precedens, il enuoyera la flèche beau- coup plus loin, encore que vous ayez moins de peine à bander le grand Arc que le petit, & par confe-

���4 de D à C] peut-eftre de D à A T'/tv veu l'original où il y a

��de D à C, mais c'est peut-ejlre une faute de copiste. (Inst.)

�� � 111,382-383. CXXI. — 28 Avril 16 jS. 119

quent encore que le petit frappe la flèche plus vifte & plus fort; de forte que la longueur de la conduitte de la corde de l'Arc femble imprimer de nouuelles forces à la flèche, & que ce n'eft pas la plus grande

5 viteffe de la corde frappante qui la fait aller plus loin, mais la longueur du chemin que la corde accompagne la flèche. Que feroit-ce donc, fi la corde accompa- gnoit vne toife de long ladite flèche ? le croy neant- moins que cet accompagnement n'y apporte plus rien,

10 après vn certain efpace, comme il arriue que les Canons, après vne certaine longueur paflTèe, dimi- nuent pluftoft la longueur des portées qu'ils ne l'aug- mentent; mais il n'efl peut-eftre pas poflSible de déter- miner la longueur de cet accompagnement, & où finit

i5 fon vtilitè.

4. Finalement, nous fommes aufli en grande diffi- culté, pourquoy la balle d'Arquebuze n'a pas tant d'efiet, à quinze ou vingt pieds de la bouche du canon, qu'à cinquante, puis qu'il femble qu'elle va plus vifle

20 les vingts premiers pieds, qu'après; c'efl de mefme d'vne pierre qu'on iette, fi à la fortie de la main elle rencontroit voflre corps, elle ne vous blelTeroit pas tant qu'après dix ou douze pas^; donc ce n'efl pas la feule viteffe des miffiles qui fait la plus grande im-

2 5 preffion, ou bien ils ne vont pas fi vifle au commence- ment qu'après, ce qui efl contre voflre opinion auffi bien que contre la mienne. Et ie fçay qu'vn tour de chambre, fait tout doucement, vous fuffirapour nous dire ce qui efl de ces difficultez.

3o 1 5 . Extrait d'vne Lettre de Monfieur de Fermât * :

a. Voir tome I, page 259, 1. 19 et suiv. — Cf. p. 1 13, 1. 23.

�� � I20

��Correspondance.

��III, 383.

��EJîo parabolicus Conots CBA V, cuius axis lA, bajis circulus circa diametrum CIV. Quœrere centrum graui- tatis, perpétua & conjîanti, quâ maximam & minimam & tangentes linearum curuarum inuejîigauimus, methodo, vt noms exemplis & nouo vfu, eoque ïllujin, pateat falli eos, qui fallere methodum exiJHmant.

��le feray bien-aife de fçauoir le iugement de Mef-

���fieurs de Robenial & Pafcal fur mon Ifagoge topique & fur ÏAppendix, s'ils ont veu l'vn & l'autre.

Et pour leur faire enuie de quelque chofe d'excel- lo lent, il faut eflendre les lieux d'vn point à plufieurs in infinitum : et par exemple, au lieu qu'on dit d'or- dinaire :

Trouuer vne parabole en laquelle, prenant quelque point qu'on voudra^ il produife toujiours vn me/me effet. i5

I CBAV Fermât, OBAu — 12 et] comme F. — 14 ^«e/- Clers. — 8 et de Pascal Fermât. que] tel F.

�� � in, 383-384. CXXI. — 28 Avril i6j8. 121

ie veux propofer :

Trouuer vue parabole en laquelle prenant tels 2, 3, 4, 5, &c. points que vous voudre:^, ils produifent toujiours vn me/me effet, & ainji à Vinjîny.

S Bien plus, ie puis encore donner la refolution de cette queflion :

Trouuer autant de lignes courbes qu'on voudra, en chacune de/quelles prenans tels nombres de points qu'on voudra, tous ces points enfemble produifent vn me/me «o effet.

��\6. Au refte, i'ay encore vne difficulté difputée de- puis peu de iours entre Monfieur Des- Argues & moy, dont ie vous prie de me donner la folution, fi vous la fçauez : c'eft fur vn globe qui roule fur vn plan, à

»5 fçauoir fi, fe mouuant d'vn point à vn autre, comme il arriueroit jouant à la courte boule fur vn plan par- fait auec vne boule parfaitement ronde, iufques à ce qu'il reuienne au mefme point, il décrira vne ligne fur le plan égale à fa circonférence. La raifon d'en douter

20 eft que nulle partie de la ligne courbe ne peut con- uenir auec ce plan pour la toucher ; donc elle n'eft

4âjt7rèsà l'infiny]. C'est chofe J'oubliois de vous dire, sur le

que j'ai trouvée et plusieurs au- sujet de la roulette de M' de Ro-

très par l'aide de ces misérables berval, que je crois qu'il n'aura

méthodes qui passent pour so- pas persisté en l'opinion qu'il

phistiques F. — j voudra] de- avoit, de lui avoir donné un

mandera F. — 10 effet]. Suit cercle égal. Je vous prie de le

dans la lettre de Fermât un der- savoir de lui. nier alinéa que Mersenne omet :

Correspondance. II. i6

�� � 122 Correspondance. 111,384.

touchée que par les feuls points du globe, & non par fes parties; et partant, fur la ligne plate il y aura autant de hiatus ou de vuides que de points, & par confequent ce ne fera pas vne ligne continue.

Page 119, 1. 3o. — Insérée en celle du R. Père Mer senne, ajoute Clerse- lier, tandis que l'indication qui précède doit être de Mersenne lui-même, puisque, dans sa réponse (lettre CXXIII, art. 5), Descartes sait que le passage qui suit est de Fermât. Cette indication devait être en marge, Clerselier ayant placé le numéro 5 devant les mots « Esta parabolicus » et disposé l'impression comme si l'article 6 de la lettre de Mersenne faisait partie de l'Extrait de la lettre de Fermât. Cette dernière a été im- primée dans les Œuvres de Fermât, t. II, p. i32-i35. Le premier alinéa de l'Extrait est le début d'une pièce mathématique (Ib.,t. I,p. 1 36- iSg) en- voyée par Fermât à Mersenne dans la même lettre et au sujet de laquelle il s'exprimait comme suit :

« Puisque M. de Roberval a soutenu ma méthode, je lui veux faire « encore part d'un de ses plus beaux usages touchant ïinvention des » centres de gravité, puisque M. de Beaugrand ne les lui a pas baillés, » comme je l'en avoisprié. Et ne serai pas marri qu'on propose à M. Des- » cartes l'invention de quelques-uns de ces centres de gravité. Vous m'o- » bligerez de donner cet écrit à M' de Roberval et de m'envoyer son » sentiment là-dessus, et s'il croit que nous soyons obligés d'envoyer à » Leyde, pour avoir la solution des problèmes géométriques. »

��CXXII.

Descartes a Mersenne.

3 mai i638. Autographe, Bibliothèque V. Cousin, n» 2.

Variantes d'après le texte de Clerselier, tome III, lettre LX, p. 325-332. — L'exemplaire de l'Institut porte la note : « Cette lettre est la 12* des MS. de M. de la Hire, fixement datée du 3' May i638. Le MS. de M. de la Hire va justement iusqu'à la 8' ligne de la page 33i, et le reste n'est qu'un éclaircissement trouvé parmy les papiers de M. D. et qui n'a peut-estre iamais esté envoyé. V. le

�� � 111,325. CXXII. — j Mai 1638. 12)

gros cahier. » Dans le classement de dont Poirier, la pièce porte le n° 7. — L'exemplaire de l'Institut marque d'autre part la présente lettre comme étant une Response au 2" Escrit de Roberval, c'est-à- dire à la Pièce CXX ci-avant. Mais Descartes n'avait pas encore reçu cet Ecrit; il ne répond qu'à ce que Mersenne lui a fait connaître de ses entretiens avec Roberval {voir l'argument, p. io3-io4).

Mon Reuerend Père,

Il y a defia quelques iours que i'ay receu voftre der- nière du 26 Mars, ou vous me mandez les exceptions de ceux qui foutienent l'efcrit de M"^ Fermât de maxi-

5 mis &c. Mais elles ont fi peu de couleur que ie n'ay pas creu qu elles valuffent la peine que i'y répon- difle. Toutefois, pource que ie n'ay point eu depuis de vos nouuelles, & que ie crains que ce ne foit l'at- tende de ma refponfe qui vous face différer de m'ef-

10 crire, i'ay me mieux mettre icy pour vne fois tout ce que i'en penfe, affin de n'auoir iamais plus befoin d'en parler. Premièrement lorfqu'ils difent qu'il n'y a point de maxima dans la Parabole, & que M"^ F. trouue les tangentes par vne règle du tout feparée de celle

i5 dont il vfe pour trouuer maximam, ils luy font tort en ce qu'ils veulent faire croire qu'il ait ignoré que la règle qui enfeigne a trouuer les plus grandes, fert auffy a trouuer les tangentes des lignes courbes, ce qui feroit vne ignorance très groffiere, a caufe que

to c'eft principalement a cela qu'elle doit feruir; et ils démentent fon efcrit, ou après auoir expliqué fa mé- thode pour trouuer les plus grandes, il met expreffe- ment : Adfuperiorem methodum inuentionem tangentium

3 : 26] vingt-ûxiéme — 4 M'] Monfieur de {de même plus loin i3, etc.). — 8-9 lise\ l'attente. — 10 icy om. — i3 F.] Fermât (de même p. 128, 1. 22}.

�� � 1 24 Correspondance. m. 3a5-3»6.

ad data punéîa in lineis quibufcunque curuis reducimus\ Il eft vray qu'il ne l'a pas fuiuie en l'exemple qu'il en a donné touchant la Parabole, mais la caufe en eft manifefte ; car eftant defeftueufe pour ce cas la & fes femblables (au moins en la façon qu'il la propofe), il s n'aura pu trouuer fon conte en la voulant fuiure, & cela l'aura obligé a prendre vn autre chemin par le- quel, rencontrant d'à I bord la conclufion qu'il fçauoit d'ailleurs eftre vraye, il a penfé auoir bien opéré, & n'a pas pris garde a ce qui manquoit en fon raifon- lo nement. Outre cela, lors qu'ils difent que la ligne EP, tirée au dedans de la Parabole, eft, absolument par- lant, plus grande que la ligne EB, ils ne difent rien qui férue a leur caufe ; car il n'eft pas requis qu'elle foit la plus grande abfolument parlant, mais feule- i5 ment qu'elle foit la plus grande fous certaines condi-_ tions, comme ils ont eux-mefmes défini au commen- cement de l'efcrit qu'ils m'ont enuoyé, ou ils difent que cete inuention de M"" Fer. eft touchant les plus grandes & les moindres lignes, ou les plus gratis & les ao moindres efpaces que l'on puijfe mener ou faire fous cer- taines conditions propofées, & ils ne fçauroient nier que la ligne EB ne foit la plus grande qu'on puifle mener du point E iufques a la Parabole, fous les conditions que i'ay propofées, a fçauoir en forte qu'elle n'aille 25 que iufques a elle, fans la trauerfer; comme ils ont affez deu entendre dés le premier coup. Mais pour

6-7 & cela] ce qui. — 7 a] de. — i5 la om. — 16 qu'elle foit la plus grande om. — 19 M"" Fer.] Monfieur de Fermât.

a. Voir tome I, p. 494, après le titre : De tangentibus linearum cur- varum.

�� � iii,3»6-3»7 CXXII. — 3 Mai i6)8. 12 c

faire mieux voir que leur excufe n'eft aucunement valable, ie donneray icy vn autre exemple, ou ie ne parleray ny de tangente ny de Parabole, & ou toute- fois la règle de M"^ Fer. manquera, en mefme façon 5 qu'au précèdent. Aufly bien vous vous plaignez, quand ie vous enuoye du papier vuide, & vous ne m'auez point donné d'autre matière pour remplir cete feuille. Soit donné le cercle DBN, & que le point E, qui en eft dehors, foit aufly donné, & qu'il faille tirer de

10 ce point E vers ce cercle vne ligne droite, en forte que la partie de cete ligne, qui fera hors de ce cercle, entre fa circonférence & le point donné E, foit la plus grande.

i5 Voycy comment la règle donnée par M^ Fer. enfeigne qu'il y faut procéder. Ayant mené la ligne EDN par le centre du cercle, & fa partie E D eftant nommée 5,

so & fa partie D N qui efl le diamètre

du cercle eftant C^Jlatuatur quilibet quœjlionis terminus ejfe A; ce qui ne fe peut mieux faire qu'en menant B C perpendiculaire fur DN & prenant A pour CD. Et inuentâ maximâ, &c. Pour trouuer donc cete maximam,

a 5 a fçauoir B E, puifque [ D C eft yl & D N eft C, le quarré de B C eft .4 /n C — .4 quad. Et puifque CD eft /l & DE eft Bf le quarré de C E eft

Aq+Bq + A in B bis,

���4 et 16, M' Fer.] Monfieur de Fermât. — 8DBNJBDN. — 9-10 de ce] du. — i5 comoient]

��comme. — 21 du cercle om. a6 C D] D C.

�� � 120 Correspondance. 111,337.

lequel, ioint au quarré de BC, fait le quarré de la plus grande B E, qui eft

A in C-i-Bq + AinB bis.

Ponatur rurfus idem qui prius terminus ejfe A+E, iîerumque inueniatur maxima. Ce qui ne fe peut faire 5 autrement, en fuite de ce qui a précédé, qu'en pofant A-\-E pour D C, & lors le quarré de B C eft

C in A -\-C in E — Aq — A in E bis — Eq.

Puis le quarré de C E eft

Aq-\-A in E bis+ Eq-j- Bq -• A in B bis -\- E in B bis, 10

lequel, eftant ioint a l'autre, fait

A inC + Ein C-\-Bq--A in B bis + E in B bis

pour le quarré de la plus grande BE.

Adœquentur : c'eft a dire qu'il faut pofer

AinC + Bq-\- A inB bis i5

égal a

AinC + E inC + Bq-\-A in B bis + E inB bis. Et demptis œqualibus, il refte

E in C + E in B bis égal a rien.

Ce qui monftre manifeftement l'erreur de la règle. 20 Et affin qu'il ne puiffe plus y auoir perfonne fi iii,3j7-328. CXXII. — j Mai i6j8. 127

aueugle qu'il ne la voye, ie diray icy en quelle forte on la peut corriger. Car bien que i'en aye touché vn mot en ce que i'ay efcrit a M'^ Mydorge ^, il y eft néan- moins en telle façon, que ie ne defirois pas encore 5 que tout le monde le puft entendre. Premièrement donc a ces mots : et inuentâ maximâ, il eft bon d'ad- ioufter : vel aliâ quâîibeî cuïus ope pojfit pojiea maxima inueniri. Car fouuent, en cherchant ainfy la plus grande, on s'engage en beaucoup de calculs fuper-

10 flus. Toutefois cela n'eft pas vn point effentiel. Mais le principal, & celuy qui eft le fondement de toute la règle, eft omis en l'endroit ou font ces mots : Adœ- quentur duo homogenea maximœ aut minimœ œqualia, lefquels ne (ignifient autre chofe, fmon que la fomme

1 5 qui explique maximam in terminis fub A gradu vt libet inuolutis, doit eftre fuppofée égale a celle qui l'ex- plique I in terminis fub A & E gradibus vt libet coefficien- tibus. Et vous demanderez, s'il vous plaift, a ceux qui la foutienent fi ce n'eft pas ainfy qu'ils l'entendent,

20 auant que de les auertir de ce qui doit y eftre adioufté. A fçauoir au lieu de dire fimplement : Adcequentur, il falloit dire : Adœquentur tali modo vt quantitas per ijîam œquationem inuenienda fit quidem vna cum ad maximam aut minimam refertur,fedvnaemergensex duabus quœper

2 5 eandem œquationem poffent inueniri effentque inœquales, fi ad minorem maximâ vel ad maiorem minimâ refer- rentur. Ainfy, en l'exemple que ie vien de donner, ce n'eft pas afl'ez de chercher le quarré de la plus grande

3 M^] Monfieur. — 7 qucelibet. — i3 aut] &. — 24 vna om. a. Voir plus haut page 21, 1. 19.

�� � 128

��Correspondance.

��m, 3s8.

��en deux façons, mais outre cela il faut dire : comme ce quarré, lorfqu'il eft

A in C +Bq + A in B bis, eft au mefme quarré, lorfqu'il eft

A inC + E inC+Bq-\-A in B bis'\-E in B bis, 5

ainfy

C in A — Aq, qui eft le quarré de BC, eft a

C in A -\- C in E — Aq — A in E bis — Eq,

qui eft auify le mefme quarré. Puis, multipliant le lo premier de ces quarrez par le quatriefme, on le doit fuppofer efgal au fécond multiplié par le troifiefme,

& après, en demeflant cete Equation fuiuant la règle, on trouue fon ,5 conte, a fçauoir que CD eft ^^.*, comme il doit eftre.

Tout de mefme, en l'exemple de la Para- ao bole, qui auoit efté pris par M"^ F. & que i'auois fuiui en mon premier efcrit , voicy comme il faut opérer. Soit B D N la Parabole donnée dont D C eft le diamètre, & que aS du point donné B il faille tirer la ligne droite B E

��� � m, 328-3a9. CXXII. — j Mai i6j8. 129

qui rencontre D C au point E, &. qui foit la plus grande qu'on puifle tirer du mefme point E iufques a la Parabole, (a fçauoir au dehors de cete Para- bole, I comme ceux qui ne font point fourds volon-

5 taires entendent affez, de ce que ie la nomme la plus grande). le prens B pour BC, & D pour DC, d'où il fuit que le coflé droit eft-^, & fans m'arefter a chercher la plus grande, ie cherche feulement le quarré de B C en d'autres termes que ceux qui font

10 connus, en prenant A pour la ligne CE, & par après en prenant A + E pour la mefme. A fçauoir, ie le cherche premièrement par le triangle B C E ; car comme A eiï k B, ainfy A-^EeUa AJ!LʱAJ!LB^ q^i par confequent reprefente B C. Et fon quarré eft

•5 A^inBq + Ai.En,^B^bis+EqinBq p^j^ -^ j^ chcrchc par

la Parabole, car quand EC eft .4 + £, DC eft D + £, & le quarré de BC eft ^^'"^ + ^^'"^ qui doit eftre égal au précèdent, a fçauoir ^ '" ^ '" ^iJ + Eqin sg égal a ^^^" ^ . D'où l'on trouue,en fuiuant la règle, que

20 A, c'eft a dire CE, eft double de D, c'eft a dire CD, comme ele doit eftre. Or il eft a remarquer que cete condition, qui eftoit omife, eft la mefme que i'ay ex- pliquée en la page 346 comme le fondement de la mé- thode dont ie me fuis ferui pour trouuer les tan-

25 gentes, & qu'elle eft aufly tout le fondement fur lequel la règle de M' F. doit eftre apuiée. En forte que l'ayant omife, il fait paroiftre qu'il n'a trouué fa règle qu'a taftons, ou du moins qu'il n'en a pas conceu clairement les principes. Et ce n'eft point merueille

I r le] la. — 1 5 le om. — 26 Monfieur de Fermât. — 29 point] pas. Correspondance. II. 17

�� � ip

��Correspondance.

��III, 329-330.

��qu'il l'ait pu former fans cela, car elle reuffit en plu- fieurs cas, nonobftant qu'on ne penfe point a obferuer cete condition, a fçauoir en ceux ou l'on ne peut venir a l'équation qu'en l'obferuant, & la plus part font de ce genre.

Pour ce qui eft de l'autre article, ou i'ay repris la façon dont fe fert M"^ F. pour trouuer la tangente de la parabole, vous dites qu'ils aflurent tous qu'il faut prendre vne propriété fpecifique de l'Hyperbole, ou de l'EUipfe, pour en trouuer les tangentes, en quoy nous fommes d'accord; car i'affure aufly la mefme chofe, & i'ay apporté expreflement les exemples de

l'EUipfe & de l'Hyper- bole, qui con|cluent très mal, pour mon- ftrer que M"^ Fermât conclud mal aufTy tou- chant la Parabole dont il ne donne point de propriété fpecifique . Car de dire qu'il y a plus grande propor- tion de CD a DI que du quarré de BC au quarré de OI, ce n'eft nullement vne pro- ^ prieté fpecifique de la

parabole, vu qu'il conuient a toutes les Ellipfes & a vne infinité d'autres lignes courbes, au moins lorf-

���lO

��i5

��20

��25

��7, 16, e/p. i3i, 1. 20 : Monfieur de Fermât. — 28 il] elle.

�� � m, 330-331. CXXII. — j Mai 16^8. 151

qu'on prend le point O entre les poins B & E^, comme il a fait, & s'il l'euft pris au delà, elle eull conuenu aux Hyperboles. De façon que, pour la rendre fpecifique, il ne falloit pas Amplement dire : fumendo quodlibet 5 punélum in reéîa BE, mais il y falloit adioufter : Jiue fumaîur illud inîra punéîa B & E, fine vitra punélum B in lineâ E B produéîâ. Et cela ne peut eflre fous-entendu en fon difcours, a caufe qu'il y defcrit la ligne BE comme terminée des deux coftez, afçauoir, d'vn cofté

10 par le point B qui efl donné, & de l'autre par la ren- contre du diamètre C D.

Outre cela il falloit faire 2 Equations & monftrer qu'on trouue la mefme chofe, en fuppofant El eftre A+E que lors qu'on le fuppofe eflre A — E ; car fans

i5 cela le raifonnement de cete opération eft imparfait & ne conclud rien. Voyla ferieufement la vérité de cete affaire.

Au refte, pource que vous adiouftez que ces MefT", qui ont pris connoifTance de noflre entretien, ont enuie

20 de nous rendre amis M"^ Fermât & moy, vous les aflu-

rerez, s'il vous plaift, qu'il n'y aperfonne au monde qui

recherche ny qui cheriffe l'amitié des honneftes gens

plus que ie fais, & que ie ne croy pas qu'il me puifle

fçauoir mauuais gré de ce que i'ay dit franchement

25 mon opinion de fon efcrit,vû qu'il m'y auoit prouo- qué. C'eit vn exercice entièrement contraire a mon humeur que de reprendre les autres, & ie ne fçache point Tauoir encore iamais tant pratiqué qu'en cete occafion. Mais ie ne la pouuois euiter après fon deffy,

12 : 2I deux.

�� � ip Correspondance. 111,331.332.

finon en le méprifant, ce qui l'euft fans doute plus offenfé que marefponfe. le fuis ^,

Mon Reuerend Père,

Voflre très humble & très affedionné feruiteur, J

DESCARTES.

Du } May i6j8.

Page 128, 1. 17. — Dans le dénominateur de cette expression algé- brique, le terme 2 B paraît bien écrit de première main, mais il a été corrigé en B', sans que l'on puisse reconnaître si cette substitution d'une notation à une autre a été effectuée par Descartes lui-même.

Billet adjoûté à la Lettre précédente.

Pour entendre parfaitement la troifiéme page de ma lettre, & par mefme moyen le défaut de la règle lo de Monfieur de Fermât, il faut confîderer ces trois figures, & penfer que lors qu'il dit : Statuatur idem qui prius terminus ejfe A -• E, cela fignifie qu'ayant pofé E C pour ^ , & E I pour A -\-E,'û imagine E I eftre égal à EC, comme on voit en la troifiéme figure, & que i5 neantmoins il en fait le calcul tout de mefme que fi elles eftoient inégales, comme on le voit en la pre- mière & féconde figures, en cherchant premièrement EB par EC, qu'il nomme A, puis EO par El, | qu'il

a. a Quoique la lettre dans l'original de M. de la Hire finisse à la fin de la 8' ligne de cette page 33 1, il faut cependant ajouter ensuite le billet qui est imprimé, à cause du rapport qu'il a avec cette lettre. » {Note de l'exemplaire de l'Institut.)

h. Cette troisième page de l'autographe commence p. 127, 1. 11, ci- avant : « toute la règle », et finit p. 129, 1. 19, au mot règle. in,33î. CXXII. — } Mai i6jS. 13 j

nomme A -- E, & cela va fort bien ; mais la faute eft en ce qu'après les auoir ainfi calculées, il dit fimple- ment : Adœquentur. Et on la peut voir clairement par la première figure, où fi l'on fuppofe la ligne EO eftre égale à E B^, il n'y a rien qui détermine les deux points B & O à s'afifembler en vn endroit de la circonférence

�����10

��du cercle pluftoft qu'en l'autre, finon que toute cette circonférence ne fuft qu'vn feul point, d'où vient que toutes les quantitez qui demeurent en l'équation fe trouuent égales à rien. Mais pour faire que ces deux points B & O ne fe puiffent aflembler qu'en vn feul endroit, à fçauoir en celuy où E B eft la plus grande qu'elle puiffe eftre fous la condition propofée, il faui confiderer la féconde figure, & à caufe des deux '5 triangles femblables E C B & E I O, il faut dire : comme HC ou BC eft à EB, ainfi El ouOI eft àEO; au moyen

1. En marge : « Notez que ie fuppofe icy que c'eft le point E qui eft doiiné, et non le point B. »

�� � i}4 Correspondance. 111,332.

de quoy, on fait qua mefure que la quantité EB eft fuppofée plus grande, la quantité EO eft fuppofée plus petite, à caufe que les points E, B, O font touf- iours là en mefme ligne droite; & ainfi lors que EB , eft fuppofée égale à EO, elle eft fuppofée la plus 5 grande qu'elle puiiTe eftre; c'eft pourquoy on y trouue fon conte. Et c'eft là le fondement de la règle qui eft obmis; mais ie croy que ce feroit pécher de l'en- feigner à ceux qui penfent fçauoir tout, & qui au- roient honte d'apprendre d'vn ignorant comme ie 10 fuis; vous en ferez toutesfois ce qu'il vous plaira.

��CXXIII.

Descartes a Mersenne.

[27 mai i638] Texte de l'exemplaire de l'Institut, tome III, lettre 68, p. 384-394.

Variantes du texte de Clerselier. L'exemplaire de l'Institut a été collationné sur l'autographe actuellement perdu (n° 14 de la collec- tion La Hire, 8 du classement de dom Poirier, marqué comme du 2j mai). — Descartes répond à la lettre de Mersenne, ci-avant CXXI, du 28 avril, ainsi qu'à une autre du i" mai, accompagnant l'écrit de Roberval [pièce CXX ci-avant; voir plus loin, p. 141, l. 1 1-21]; il pensait envoyer sa réponse par le courrier du ly, puis- qu'il parle [ci-après p. 140, l. 11-12) de sa lettre du 3 mai comme écrite « il y a quinze iours » ; on pourrait donc soupçonner que la date du 2 y mai, qu'indique Poirier, aura été mal lue ou mal écrite pour 17 mai. Mais Descartes annonce vers la fin (p. iSi, l. 5-6) qu'il reçoit à l'instant une lettre de Mersenne du 10 mai; croira-t-on qu'elle a eu le temps d'arriver en huit jours, du 10 au i y? ou la présente lettre, commencée, en effet, le i-j, n'aurait-elle été envoyée que le 2 y?

�� � 111,384-385. CXXIII. — 27 Mai 16 jS. 135

Mon Reuerend Père,

��'?

��^ l'ay receu vos deux pacquets du vingt-huitième Auril & premier May au mefme voyage, et fans conter les autres lettres que vous m'enuoyez, i'y trouue 5 26 pages de voftre efcriture, aufquelles ie dois ré- ponfe. Véritablement c'eft vne extrême obligation que ie vous ay, & ie ne fçaurois penfer à la peine que vous prenez à mon occafion, que ie n'en aye vn très grand reffentiment. Mais ad rem. Vous commencez par vne

10 inuention de Monfieur de Roberual*, touchant l'efpace compris dans la ligne courbe que décrit vn point de la circonférence dVn cercle, qu'on imagine rouler fur vn plan, à laquelle i'auoûe que ien'ay cy-deuant iamais penfé, & que la remarque en eft aflez belle; mais ie ne

1 5 voy pas qu'il y ait de quoy faire tant de bruit, d'auoir trouué vne chofe qui eft û facile, que quiconque | fçait tant foit peu de Géométrie ne peut manquer de la trouuer,pourueu qu'il la cherche. Car fi AD C eft cette ligne courbe, & AC vne droite égale à la circonfe-

20 rence du cercle S T V X, ayant diuifé cette ligne A C en 2, 4, 8, &c. parties égales par les points B, G, H, N, O, P, Q&c, il eft euident que la perpendiculaire B D eft égale au diamètre du cercle, & que toute l'aire du triangle rediligne A D C eft double de ce cercle . Puis

2 deux pacquets] lettres. — 4 que vous m'enuoyez] des

3 &] du a/'. — au même voyafge] autres. — 7-8 vous... occafion]

en mefme temps. — 3-4 fans ie vous donne, conter les autres] outre les. —

a. Il s'agit de la quadrature de la cycloïde. Dans sa célèbre Histoire de la Roulette, Pascal place donc à tort en i6?5 la communication de cette découverte à Fermât et à Descartes.

�� � .,6

��Corr espondance .

��III, 385-386.

��prenant E pour le point où ce mefme cercle toucheroit la courbe A ED, s'il eftoit pofé fur fa bafe au point G, & prenant auffi F pour le point où il touche cette courbe, quand il eft pofé fur le point H de fa bafe, il eft euident que les deux triangles redilignes A E D & DFC font égaux au quarré STVX infcrit dans le cercle. Et tout de mefme, prenant les points I, K, L, M

���AKCO B P HQ

��pour ceux où le cercle touche la courbe, lors qu'il touche fa bafe aux points N, O, P, Q.,il eft euident que les quatre triangles AIE, EKD, DLF & FMC font enfemble égaux aux quatre triangles ifofceles infcrits dans le cercle, S YT, TZ V, V i X, X2 S, & que les huit [autres triangles, infcrits dans la courbe fur les coftez de ces 4, feront égaux aux 8 infcrits dans le cercle, & ainfi à l'infiny. D'où il paroift que toute l'aire des deux fegmens de la courbe, qui ont pour bafes les lignes droites AD & DC, eft égale à celle du cercle; & par confequent toute l'aire comprife entre la courbe

16-17 •" lignes droites om.

��10

��iS

�� � m, 386. CXXIII. — 27 Mai i6}8. IJ7

ADC & la droite AC eft triple du cercle. Ce que ie n'aurois pas ici pris la peine d'écrire, s'il m'auoit dû coûter vn moment de temps dauantage qu'il en a falu pour l'écrire. Et fi ie me vantois d'auoir trouué de

5 telles chofes, il me fembleroit faire le mefme que fi,

en regardant le dedans d'vne pomme que ie viendrois

de couper par la moitié, ie me vantois de voir vne

chofe que iamais aucun autre que moy n'auroit vue^

Or ie vous diray que toutes les autres inuentions,

10 tant de M. de Fermât que de fes defenfeurs, au moins celles dont i'ay ouy parler iufqu'à prefent, ne me femblent point d'autre nature. Il faut feulement auoir enuie de les trouuer & prendre la peine d'en faire le calcul, pour y deuenir aufli fçauant qu'eux. Et ie vous

i5 diray que,lorfque ie lifois le premier efcrit qu'ils m'ont enuoyéjOÙ ils auoient mis vn grand regiftre des inuentions de M. Fermât, au lieu d'en auoir meilleure opinion de luy ou d'eux, ie penfois en moy mefme que paupen's eft numerare pecus'^, vu principalement qu'ils

X) ne faifoient quafi que repeter les mefmes chofes qu'il auoit défia mifes à la fin de fon de maximis. On peut rencontrer vne infinité de telles chofes en eftudiant : mais, fi ce n'eft qu'elles feruent à quelque vfage lorf- qu'elles me viennent, ie n'en veux pas charger ma me-

2 5 moire, ny mefme fouuent ne prens pas la peine d'en charger mon papier.

1-26 Ce que. . . mon papier om.

a. Voir ci-après la seconde partie de la lettre du 27 juillet {Clers., III, 366 et suiv.).

b. L'écrit perdu, auquel Descartes répondit lettre CX, p. i.

c. OviDK. Met.. XIII. 824.

CORRKSPONOANCE. II. l8

�� � Correspondance.

��III. 386.

��,,8

2. Pour la queltion, fçauoir s'il y auroit vn efpace réel, ainfi que maintenant, en cas que Dieu n'eull rien créé, encore qu'elle femble furpaffer les bornes de l'efprit humain, & qu'il ne foit point raifonnable d'en difputer, non plus que de l'infiny; toutesfois ie croy 5 qu'elle ne furpafle les bornes que de nollre imagina- tion, ainfi que font les queftions de l'exiftence de Dieu & de l'Ame humaine, & que noftre entendement en peut atteindre la vérité, laquelle ell, au moins " félon mon opinion, que non feulement il n'y auroit point d'efpace, mais mefme que ces veritez qu'on nomme éternelles, comme que totum ejl maius fua parte, &c., ne feroient point veritez, fi Dieu ne l'auoit ainfi eftably, ce que ie croy vous auoir défia autres- fois écrit ^.

) . Pour l'autre queflion touchant la corde d'vne

Arbalefte, ie fuis de l'opi- nion de Monfieur de Ro- berual, excepté feulement qu'au lieu de dire, fans ex- ception, que le mouuement de la corde s'augmente toufiours en fe débandant depuis D iufques à A, qui eft en la ligne droite E A F, ie tiens que cela n'eft exac- tement vray que lors qu'elle ne pouffe point de flèche. Car lors qu'elle en a vne à

���lO

��i5

��20

��25

��24 à] au point.

a. Voir t. I, p. 145, 149 et i5i.

�� � 111,386-387. CXXIII. — 27 Mai 1638. ijcf

chaffer, la refiflance de cette flèche eft caufe que fa viteffe commence à | diminuer tant foit peu, deuant qu'elle foit arriuée au point A. Il efl; vray auffi que, plus vn Arc eft grand, plus il a de force, bien qu'il ne 5 foit pas plus tendu ; & il eft vray qu'il y a certaine pro- portion de grandeur, tant pour les Arcs que pour les Canons, au delà de laquelle il feroit inutile, ou mefme nuifible, de paffer; mais ce n'eft pas pour mefme caufe touchant les Arcs que touchant les Canons : car

10 en ceux-cy elle dépend des proportions du feu, du fer &

de la poudre, & en l'autre, de celle du bois & de l'air.

4, le ne fuis point encore certain de l'expérience,

fçauoir fi vne Arquebuze a moins de force de prés

que de loin, & ie croy que l'effet varie félon la nature

i5 des corps contre lefquels elle agit, en forte que ce ne fera pas le mefme, fi on en fait épreuue contre vne cuirace, que fi on la fait contre vne planche de fapin, mais que la balle ne laifTe pas d'aller plus vifte en fortant du canon que par après.

»o ^ . Le centre de grauité du Conoïde parabolique de Monfieur de Fermât^ fe peut trouuer fort aifément, par la mefme façon dont Archimede a trouué celuy de la parabole, fans qu'il foit aucunement befoin pour cela de fe feruir de fa méthode. Et finon qu'il faut du

2 5 temps pour en faire le calcul, & que vous m'auez taillé afifez d'autre befongne en vos dernières, ie vous l'enuoyerois; mais ie le néglige comme facile, & ie vous diray feulement que ie n'ay point encore veu

8 pour] la aj. — 16 épreuue] l'épreuue, — 24 finon] n'eftoit. — 27 et ont.

a. Voir ci-avant, p. 120, 1. 1-6.

�� � 140 Correspondance. m, 387.

qu'il ait donné aucun exemple de fa méthode, qu'on ne puiffe aifément trouuer fans elle, ce qui me fait croire qu'il n'en eft pas luy-mefme fort affuré. Et pour ce qu'il dit que i'ay fait tant de chemin, & que i'ay pris vne voye û pénible pour trouuer les tan- 5 gentes en ma Géométrie % ie vois bien qu'il ne l'a pas entendue ; car elle eft beaucoup plus courte que la fienne , laquelle ne conclut qu'en tant qu'elle em- prunte fon fondement de celuy que i'ay pris, comme vous aurez pu voir par celles que i'ay écrites il y a 10 quinze iours; & pour en dire la vérité, ie croy qu'il n'a parfaitement entendu ny l'vne ny l'autre.

Et pour ce qu'il dit enfuite qu'il a trouué par ces méthodes, ie n'y remarque rien dont il doiue faire û grand bruit; mais il me femble qu'il promet beaucoup «5 pour donner peu, car il fait des propofitions géné- rales : Trouuer autant de lignes courbes, &c., ce qui contient vne infinité de cas defquels ny luy ny aucun autre ne fçauroit iamais venir à bout. En quoy il fait tout de mefme que û, à caufe qu'il peut marcher dans 20 vne chambre, il fe vantoit de pouuoir aller de fon pied iufques à la Chine. Car encore qu'il ne falût point, comme il luy femble, d'autre méthode pour trouuer ces queftions que celle qu'il fçait, il s'y peut toutefois trouuer vne infinité d'embrouillemens qu'il 25 ne peut iamais developer.

6. Vous demandez fi ie penfe qu'vn globe, roulant

i3-26 Et pource qu'il. . . developer om.

a. Voir Œuvres de Fermât, t. II, sa lettre à Mersenne, de fév. i638 (?), p. i33, 1. 1-2.

b. Lettre CXXII ci- avant, p. 129, 1. 23-26.

�� � m, 3S7-388. CXXIII. — 27 Mai i6jS. 141

fur] vn plan, décrit vne ligne égale à fa circonférence, à quoy ie répons fimplement qu'oùy, par l'vne des maximes que i'ay écrites, fçauoir que toutes les chofes que nous conceuons clairement & diftinfte- 5 ment font vrayes. Car ie conçoy bien aifément vne mefme ligne pouuoir eftre tantoft droite & tantofl courbée, comme vne corde ; mais ie ne fçaurois con- ceuoir ce qu'on entend par les points d'vn globe, lors qu'on les diftingue de fes parties, ny comprendre

10 cette fubtilité de la Philofophie.

le paffe à voftre féconde lettre, où vous parlez de l'efcrit de M. de Roberual, lequel véritablement m'a fait rire*. Et i'ay iugé qu'il s'amufoit à me dire des in- iures ainfi qu'vne harangere,à caufe qu'il n'auoit rien

«5 de bon à répondre. Car ne penfez pas que ie demeure d'accord au fonds de rien de ce qu'il écrit. Ce font des impertinences très grandes; &ie m'eftonne extrê- mement qu'il en ait pu perfuader quelque chofe à M. Mydorge. Mais ie croy que i'y feray vn mot de

20 réponfe feparée, affin que vous lui faffiez voir, fi bon vous femble.

Vous demandez û ie tiens que ce que i'ay écrit de la refradion foit demonftration; & ie croy qu'oùy, au moins autant qu'il eft poffible d'en donner en cette

25 matière, fans auoir auparauant demonftré les prin- cipes de la Phyfique par la Metaphyfique (ce que i'ef-

3 fçauoir] à fçauoir. — 7 cour- me aj. — tiens] croy, — 23 après bée] courbe. — 11-21 le paffe. . . foit] vne aJ. — et ie croy] ie ré- vous femble om. — 22 Vous] pons.

a. La pièce CXX ci-avant, p. io3.

b. Voir ci-après la lettre CXXIV, première partie, p. 1 54-1 58.

�� � 142 Correspondance. m, sss-ssg.

père faire quelque iour, mais qui ne l'a point elle par cy-deuant), & autant qu'aucune autre queilion de Me- chanique, ou d'Optique, ou d'Aftronomie, ou autre matière qui ne foit point purement Géométrique ou Arithmétique, ait iamais efté demonftrée. Mais 5 d'exiger de moy des demonflrations Géométriques en vne matière qui dépend de la Phyfique, c'eft vou- loir que ie faffe des chofes impoffibles. Et û on ne veut nommer demonflrations que les prennes des Géomètres, il faut donc dire qu'Archimede n'a iamais 10 rien demonflré dans les Mechaniques, ny Vitellion en l'Optique, ny Ptolomée en l'Ailronomie, &c., ce qui toutesfois ne fe dit pas. Car on fe contente, en telles matières, que les Autheurs, ayant prefuppofé certaines chofes qui ne font point manifeflement con- i5 traires à l'expérience, ayent au refle parlé confe- quemment & fans faire de Paralogifme, encore mefme que leurs fuppofitions ne fufTent pas exade- ment vrayes. Comme ie pourrois demonflrer que mefme la définition du centre de granité, qui a eflé 20 donnée par Archimede, efl fauffe, & qu'il n'y a point de tel centre^ ; & les autres chofes qu'il fuppofe ail- leurs ne font point non plus exaftement vrayes. Pour Ptolomée & Vitellion, ils ont des fuppofitions bien moins certaines, & toutesfois on ne doit pas | pour 25 cela rejetter les demonflrations qu'ils en ont déduites. Or ce que ie pretens auoir demonflré touchant la

I faire] de faire. — 12 en bonne forme. — 21 donnée] Clers. dans Inst. [les deux fois). demonftrée. — 16-17 confequemment] en

a. Cf. tome I, p. 446-447.

�� � 111,389. CXXIII. — 27 Mai i6j8. 14J

refradion ne dépend point de la vérité de la nature de la Lumière^ ny de ce qu'elle fe fait ou ne fe fait pas en vn inftant, mais feulement de ce que ie fuppofe qu'elle eft vne adion, ou vne vertu, qui fuit les 5 mefmes loix que le mouuement local, en ce qui eft de la façon dont elle fe tranfmet d vn lieu en vn autre_, & qui fe communique par l'entremife d'vne liqueur tres-fubtile, qui eft dans les pores des corps tranf- parans. Et pour la difficulté que vous trouuez en ce

10 qu'elle fe communique en vn inftant, il y a de lequi- uoque au mot d'inftant; car il femble que vous le confiderez comme s'il nioit toute forte de priorité, en forte que la lumière du Soleil puft icy eftre pro- duite, fans pafler premièrement par tout Tefpace qui

i5 eft entre luy & nous; au lieu que le mot d'inftant n'exclud que la priorité du temps, & n'empefche pas que chacune des parties inférieures du rayon ne foit dépendante de toutes les fuperieures, en mefme façon que la fin d'vn mouuement fuccefiif dépend de

20 toutes fes parties précédentes. Et fçachez qu'il n'y a que deux voyes pour réfuter ce que i'ay écrit, dont l'vne eft de prouuer par quelques expériences ou raifons que les chofes que i'ay fuppofées font faufles; & l'autre, que ce que i'en déduis ne fçauroit en eftre

2 5 déduit. Ce que Monfieur de Fermât a fort bien en- tendu; car c'eft ainfi qu'il a voulu réfuter ce que i'ay écrit de la refradion, en tafchant de prouuer qu'il y auoit vn Paralogifme. Mais pour ceux qui fe con- tentent de dire qu'ils ne croyent pas ce que i'ay

3o écrit, à caufe que ie le déduis de certaines fuppofi-

12 confideriez.

�� � 144 Correspondance. m, 389-390.

tiens que ie n'ay pas prouuées, ils ne fçauent pas ce qu'ils demandent, ny ce qu'ils doiuent demander.

Mon Limoufin n'eft pas encore icy : mais i'apprens qu'il eft en Zelande, & qu'il s'eftoit laifle enrooler en partant de France fous vn capitaine de ce pais, afin 5 de paffer plus furement, auec promeffe d'auoir fon congé fi toft qu'il feroit arriué, & maintenant que ce capitaine refufe de luy donner, iufques à ce qu'il ait de mes nouuelles,pour fçauoir s'il eft vray qu'il foit à mon feruice. Ainfi ie ne pourray auoir fi toft ce qu'il jo m'aporte; carie ne fçay pas encore feulement le lieu où eft ce capitaine, pour luy en faire écrire.

Quant au fieur Petit, ie n'ay nullement approuué fon Efcrit% & i'ay iugé qu'il a eu enuie d'eftre de fefte, & de faire des objedions fans auoir eu toutes- i5 fois aucune chofe à objeder. Car il n'a fait que fe ietter en quelques mauuais lieux communs, em- pruntez des Athées pour la plufpart, & qu'il entafle fans I iugement, s'arreftant principalement à ce que i'ay écrit de Dieu & de l'Ame, dont il n'a pas com- %o pris vn feul mot. Et ce qui m'a fait vous prier de tirer de luy fes objedions contre ma Dioptrique, c'eft que ie croy qu'il n'en a point, & qu'il n'eft pas capable d'en faire qui ayent aucune couleur, ny fans faire voir clairement fon infuffifance. Mais ce qui luy a fait 25 promettre d'en faire, c'eft qu'il a eu peur qu'on luy

3-12 Mon Limoufm. . . efcrire femble n'auoir. — 23 qu'il n'eft

om. — 1 3 Quant au] Pour le. — pas] que ie doute s'il eft. —

14 i'ay iugé] ie iuge. — 19 après 24 ny om. — faire voir] mon-

fans] beaucoup de aj. — 20 n'a] ftrer. — 20 tres-clairement.

a. Voir plus haut p. 96 et 97.

�� � 111,390. CXXIII. — 27 Mai 1638. 14^

demandafl pourquoy il ne s eft pas addrefle à cette matière, 011 il dit auoir employé dix ou onze années, pluftoft qu'à des difcours de Morale ou de Metaphy- fique, qui ne font point du tout de fon meftier, & dont 5 la vérité ne pouuant élire entendue que de fort peu de perfonnes, bien que chacun fe veuille mefler d'en iuger, les plus ignorans font capables d'en dire beau- coup de chofes, qui paffenl pour vray-femblables parmy ceux qui ne les examinent pas de fort prés; au

10 lieu qu'en la Dioptrique, il ne fçauroit entrer tant foit peu en matière, qu'on ne reconnuft tres-euidemment fa capacité; comme il ne l'a délia que trop monftrée, par cela feul qu'il a voulu foûtenir que les verres fpheriques feroient auffi bons que les hyperboliques,

1 5 fur ce qu'il s'eft imaginé qu'il n'eftoit pas befoin qu'ils

euffent plus d'vn pouce ou demy pouce de diamètre.

le iuge tout autrement de Monfieur Morin, auquel

ie croy auoir de l'obligation de fes objedions^ comme

généralement ie croyray en auoir à tous ceux qui

20 m'en propoferont à deffein de faire que la vérité fe découure. Mefme ie ne leur fçauray aucunement mauuais gré de me traitter auffi rudement qu'ils pour- ront, & ie tafcheray de leur répondre à tous, en telle forte qu'ils n'auront aucun fujet de s'en fafcher.

25 Ce que ie vous auois écrit de Gillot n'eftoit point à deffein que vous vous miffiez aucunement en peine

3 des difcours] vne matière. 10 fçauroit] pourroit. — 12 — 4 ne font] n'eft. — fon mef- comme om. — 25 à p. 146, 24 tier] fa profeflion. — et ow. — Ce que... l'épargner owk

a. Lettre CVIII ci-avant, t. I, p. 536.

b. Voir plus haut, p. 89.

Correspondance. II. 19

�� � 146 Correspondance. m, 390.

de luy chercher condition. Car ie ne luy ay pas en- core feulement demandé s'il voudroit fe refoudre d'aller en France, ny ne Tay vu il y a plus de fix mois. Et en s'arreftant à Leyde ou à la Haye, il y peut aife- ment guaigner quatre ou cinq cens écus par an. Il 5 eut pu auffi en gaigner affez en Angleterre. Mais fes parens l'en ont retiré contre fon gré, lorf qu'il com- mençoit à y entrer en connoiflance, pource qu'ils craignoient qu'il ne fe debauchaft eflant loin d'eux, comme ils craindroient fans doute eflant en France 10 qu'on ne le rendifl catholique. Car ils font fort zélés huguenots. Mais pour luy, il eft fort docile, & de fa fidélité l'en voudrois répondre comme de mon frère. En forte que ii M. de Sainte-Croix ou quelque autre luy ofifre vne condition que vous iugiez luy élire i5 auantageufe, ie ne lairray pas de l'enuoyer, pouruû toutefois que Riuet n'en foit point auerty. Car il a tant de pouuoir fur fes parens, qu'il les empefcheroit d'y confentir, fous prétexte de la Religion, bien que ce ne fufl en effet que pour empefcher fon auancement; 20 car c'eft fon humeur.

Pour le Geoftaticien ^, fon procédé efl digne de rifée : & fi le libraire m'en croit, il luy enuerra vn fergeant fans l'épargner.

Vous aurez à ce voyage ou au prochain l'Efcrit que 25 ie vous auois promis pour l'intelligence de ma Géo- métrie, car il eft prefque acheué, & c'eft vn Gentil- homme d'ic}'^ de très bon lieu qui le compcfe"".

Vous pourrez affurer Meffieurs de Fermât & de

a. Jean de Beaugrand (Voir plus haut, p. 84-85).

b. Voir plus haut, p. 23, 1. i.

�� � m, ?9o-39'- CXXIII. — 27 Mai ï6jS. 147

Roberual, & les autres, que ie ne me pique nullement de ce qui s'écrit contre moy, & que fi, lors qu'on m'attaque vn peu rudement, ie répons quelque fois à peu prés de mefme ftile, ce n'eft qu afin qu'ils ne

5 penfent pas que ce foit la crainte qui me fafle parler plus doucement; mais que comme ceux qui difputent au jeu, lors que la partie eft acheuée, ie ne m'en fouuiens plus du tout, & ne laifle pas pour cela d'efl;re tout preft à me dire leur feruiteur.

10 le vous remercie de l'Efcrit du Père Gibieuf"*. le le trouue tout pour moy, comme vous dites, & ie luy en ay obligation; mais ie n'ay garde de le faire im- primer, ny aucune chofe de M. de Fermât, ny des autres qui ne le defireront pas; ie fuis trop éloigné de

i5 cette humeur. Et ce qui m'a fait vous écrire que ie ne defirois point qu'on m'enuoyaft rien que ie ne pufle faire imprimer, a eflé feulement pour obliger ceux qui me voudroient enuoyer quelque chofe, à le rendre meilleur, & m'exempter autant que ie pourrois de lire

20 des fottifes.Mais pour ceux qui,nonobftant cela, n'ont pas laiffé de m'en enuoyer, quelque permiflion qu'ils me donnent de les publier, ce n'eft pas à dire que ie le fafTe. Et fi ie fais imprimer quelques objeétions qu'on m'aura faites, ce feront feulement celles qui

a 5 pourront eftre de quelque vtilité, & auoir quelque force, & qui me pourroient cy- après eftre faites par d'autres ; fans me foncier dauantage du refte,

6 que comme ceux] qu'à G. — i3-i4 ny des autres] ou l'exemple de deux. — 9 à] de. — d'autres. — 14 defireront] de- 10 Père Gibieuf] ReuerendPere firent. — 23 fais] donne à.

a. Voir plus haut, p. 97, 1. i.

�� � 148 Correspondance. iii, 391-392.

(i'entens de l'Efcrit dont vous auez pris la peine de tranfcrire vne feuille pour me l'enuoyer, & de fes fehi- blables), que ie ferois des injures que me diroit vn perroquet pendu à vne feneftre pendant que ie paiTe par la rue. Et ie vous prie de ne me point enuoyer cet 5 Efcrit, ny aucun de pareille eftofFe ; non pour ce que i'aurois quelque fafcherie en les lifant, car au con- traire ils me donnent de la joye & de la vanité ; d'au- tant que ie fçay que telles gens n'ont couftume de s'attaquer qu'aux chofes qu'ils iugent les plus excel- 10 lentes; mais ie les ellime fi peu, que ie ne veux point prendre la peine de les lire, & ie ne veux pas non plus vous prier d'y perdre du temps; mais fi vous les auez défia lus, & que vous y ayez rencontré quelque chofe à quoy vous iugiez que ie doiue répondre^ vous m'o- 1 5 bligerez de me l'écrire.

|La méthode de Monfieur de Fermât pour trouuer deux nombres tels que les parties aliquotes de l'vn foient réciproquement égales à l'autre, fe rapporte à la mienne^, & n'a rien de plus ny de moins; mais celle 20 dont il vfe pour en trouuer dont les parties aliquotes faflent le double "', ne peut feruir pour en trouuer aucuns autres que 120 & 672, ce qui fait iuger qu'il n'a pas trouué ces nombres par elle, maispluftoft qu'il

I i'entens] à fçauoir. — 8- pas non plus] voudrois pas. —

9 d'autant que om. — g- i3 après prier] non plus aj. —

10 n'ont... s'attaquer] ne s'at- i5 iugiez] penfiez. — 24 n'a] ne taquent iamais . — 11 veux les a. — trouué] trouuez. — ces point] daigne pas. — 12 veux nombres om.

a. Voir plus haut, p. 9?, 1. 12, ei Œuvres de Fermât, t. II, p. 22.

b. Voir plus; loin, lettre CXXIV (C/er5., p. 436-437), et Œuvres de Fermât, t. II, p. 21.

�� � ni. 392. CXXIII. — 27 Mai i6j8. 149

Ta accommodée à eux, après les auoir cherchez à tâtons. le ne m'arrelle point à foudre leurs queflions de Géométrie; car ie croy que ce que i'ay fait im- primer peut fuffire pour vn elTay en cette fcience, à 5 laquelle ie fais profeffion de ne vouloir plus eftudier. Et pour en parler franchement entre nous, comme il y en a qui refufent de fe battre en duel contre ceux qui ne font pas de leur qualité, ainfi ie penfe auoir quelque droit de ne me pas arrefter à leur répondre.

10 Pour ce que dit Monfieur de Roberual, qu'il n'y a rien dans Archimede qui aide à demonflrer, touchant des lignes imaginées à l'imitation de la parabole & des fpirales, des proprietez qui fe rapportent à celles qu'il a demonllrées touchant ces lignes-là, il y a au-

i5 tant d'apparence, qu'à ce qu'il dit que la tangente ne peut eftre confiderée comme la plus grande. Mais ie ne fçaurois fermer la bouche de ceux qui veulent parler fans raifon, & moins i'employeray de temps à contefter auec eux, moins l'en perdray.

20 11 y a règle générale pour trouuer des nombres qui ayent auec leurs parties aliquotes telle proportion qu'on voudra; & fi Gillot vaà Paris, ie luy apprendray auant que de l'y enuoyer. Mais ie vous prie de me mander, fi vous iugez que la condition de Monfieur

2 5 de Sainte Croix fuft bonne pour luy ; il eft tres-fidele, de tres-bon efprit, & d'vn naturel fort aimable ; il entend vn peu de Latin & d'Anglois, le François & le Flamand. Il fçait très-bien l'Arithmétique, & affez de ma méthode pour apprendre de foy-mefme tout ce

1 i-i3 touchant... fpirales jca- fon] toufiours parler. — 20 vne renthèse. — 18 parler fans rai- règle. — 22 ie la luy.

�� � i^o Correspondance. 111,392-393.

qui luy peut manquer dans les autres parties de Ma- thématique. Mais fi on attend de luy des fujettions comme | d'vn valet, il n'y efl nullement propre, à caufe qu'il a toujours efté nourry auec des perfonnes qui efloient plus que luy, & auec lefquels neantmoins il 5 a vécu comme camarade ; outre qu'il ne fçait pas mieux les ciuilitez de Paris qu'vn Eftranger. Et ie crains que, fi on le vouloit faire trop trauailler dans les nombres, il ne s'en ennuyaft; car en effet c'efl: vn labeur fort infruélueux, & qui a befoin de trop de 10 patience pour vn efprit vif comme le fien.

l'ay donné vos lettres à Monfieur Bannius, lequel eft non feulement Catholique, mais auec cela Preftre, & qui a, ie croy, quelque bénéfice dans Harlem. Il efl; fort fçauant en la pratique de la Muûque; pour la i5 Théorie, ie vous en laiffe inger"". Mais fi vous ne luy auez encore enuoyé vofl;re Liure Latin, il n'efl: pas be- foin que vous le fafiîez, car ie croy qu'il l'a défia, aufli bien que le François^ lequel il m'auoit preflié cet Hyuer, & i'y ay trouué plufieurs obferuations que i'eflime * 20

l'ay mandé à Leyde qu'on m'acheptaft Heinjius in Nouum Tejîamentum^; mais ie ne fçay par où vous l'en-

14 & qui. . . Harlem om. — i5 en Clers., dans Inst. — 16 iuger] le iuge.

a. JoANNis Alberti Bannii Dissertatio epistolica de musicce naturâ, origine, progressu, et denique studio bene instiluendo, ad incotnpara- bilem Virum Petrum Scriverium, Polyhistora (Lugd. Bat., ex officina Is. Gommelini, 1637, in-12).

b. Harmonicorum libri, in quibus agitur de sonorum natura, causis et effectibus etc., orbisque totius harmonicis instrumentis. (Paris, Guillaume Baudry, i636, in-f°).

c. L'Harmonie universelle, contenant la théorie et la pratique de la Musique (Pans, Charlemagne, i636, et Ballard, 163/, 2 vol. in-f°].

d. Danielis Heinsii Aristarchus Sacer^ sive ad Nçnni in lohannem

�� � 111,393-394. CXXIII. — 27 Mai 1638. 151

uoyer; car Monfieur de Zuitlychem eu. à l'armée; il faudra que i'attende quelqu autre commodité. Le fieur Beeckman eft mort, il y a defia plus d'vn an^, & ie penfois vous Tauoir mandé. Comme i'acheuois cette 5 Lettre, i'en ay receu encore vne de vous du dixième May. Et pour réponfe, i'ay écrit à Monfieur de Zuit- lychem touchant TajEFaire de Monfieur Hardy, auquel i'enuerray la réponfe fi toft que la fçauray.

le vous prie derechef de ne me point enuoyer l'Ef-

10 crit dont vous m'auez fait voir vne feuille; car ie connois affez par ce peu, que le refle ne doit rien valoir, & ie ne fuis pas refolu de m'arrefter à tous les foux qui auront enuie de me dire des injures.

Pour ce que Monfieur Des-Argues vous a dit de la

i5 part de Monfieur Bautru,ie n'ay rien à y répondre, finon que ie fuis leur tres-humble feruiteur; mais que ie ne crois point que les penfées de Monfieur le Car- dinal fe doiuent abbaiffer iufques à vne perfonne de ma forte.

80 I Au relie, pour en parler entre nous, il n'y a rien qui fuit plus contraire à mes delTeins que l'air de Paris, à

2 que i'attende] attendre. — 7-8 auquel... fçauray] & fi toft

4 i'acheuois] i'eftois preft à fer- que i'en auray réponfe, ie luy

mer. — 5 i'en... vous] i'ay en- manderay. — g- lo après VEfcnt]

core receu voftre dernière. — contre moy a;'. — i5Bautru]N.

metaphrasin exercitationes. Quarum priori parte interpres examinatur , posteriori interpretatio ejus cum sacro scriptore conferîur : in vtraque S. Euangelistœ plurimi illustrantur loci, etc. (Lugd. Bat., ex officina Bonaventurae et Abraham! Elzevir, 1627, i vol. in-8). Réimprimé à la suite des Sacrce exercitationes du même auteur (16., lôSg).

a. Le 20 mai iGSy. Voir tome I, p. 379, 1. 12.

b. Bautru était un des familiers de Richelieu {Historiettes de Tallemant des Réaux, édit. Monmerqué et Paris, 1854, II, 3i9).

�� � 1^2 Correspondance. 111,394.

caufe d'vne infinité de diuertiflemens qui y font iné- uitables ; & pendant qu'il me fera permis de viure à ma mode, ie demeureray toufiours à la campagne, en quelque pais où ie ne puiffe eftre importuné des viûtes de mes voifins, comme ie fais icy maintenant 5 en vn coin de, la Northollande ; car c'eft cette feule raifon qui m'a fait préférer ce païs au mien, & i'y fuis maintenant fi accouflumé, que ie n'ay nulle enuie de le changer.

le vous enuoye vne partie de l'Efcrit que ie vous 10 auois promis pour l'intelligence de ma Géométrie*; le refte n'a pu eftre tranfcrit^ c'eft pourquoy ie le gar- deray pour vn autre voyage. Il a principalement efté fait pour Monfieur Des-Argues, mais ie ne feray pas marry que tous les autres qui auront enuie de s'en i5 feruir en ayent des copies, au moins ceux qui ne fe vantent point d'auoir vne méthode meilleure que la mienne; car pour ceux-cy ils n'en ont que faire; & ie me fuis expreflement rendu vn peu obfcur en quelques endroits, afin que telles gens ne fe puiTent vanter 20 d'auoir fceu fans moy les mefmes chofes que i'ay écrites. le penfois faire réponfe à Monfieur Morin à ce voyage, mais ie fuis trop preffé, ce fera pour vne autre fois. Auffi bien ne fuis-ie point refolu de com- mencer fi toft à faire imprimer aucunes objedions; 25 car i'en attens encore quelques-vnes qu'on m'a fait

5 comme... maintenant] non — 14 pour] à Toccarion de. — plus que ie le fuis icy. — 6 car] 22 faire réponfe] écrire, et. — i2-i3 garderay] garde.

a. Voir plus haut, p. 146,1. 25.

�� � 111,394. CXXIII. — 27 Mai 1638. 153

efperer. Si vous le voyez cependant, vous luy ferez, s'il vousplaift, mes complimens. le fuis,

Page i5o, 1. 20. — Dans une lettre datée de Harlem, XVIII kal. febr (i5 janvier) i638, et adressée à William Boswell, « Résident du Roi de la Grande-Bretagne à La Haye », J.-A. Bannius raconte ainsi une visite qu'il avait reçue de Descartes deux jours auparavant, soit le i3 janvier i638:

« Perillustr. ac Nob. Vir ! »

« lam a tribus septimanis parata fuit responsio inea, vt tuo desiderio et » votis D. de Zulichem plenius satisfacerem; sed quia mihi optima occa- » sio oblata est conferendi cum D. de Cartes, viro, vt nosti, rerum Natu- » ralium et Mathematicarum peritissimo, et nuUi secundo, hactenus pro- » traxi moram : ante octo siquidem dies illi legendam dedi responsionem » meam, quam ante biduum mihi retulit; eamque placere dixit. Excepi » eum domi meae ad horulam Musicâ lo vocum, quam instrumentis » vocibusque solis etmixtis, minori subindeetiam numéro concinentibus, » variegatam exhibui. Admiratus est et laudauit; et sponte in hâc Pa- » laestrâ currenti addidit animum, rogans vt Chromaticam diatonicae » immixtam, noua istâ inuentione depromptam, deinceps excolere non » grauarer. Hune in finemtradidit mihi systema Diapason, ac diuisionem » octauae, cuius ego tibi exemplar breui transmittam. Longiori disputa- » tione de interuallis iam bis egimus, de quorum Qualitate et Energiâ » (hactenus passim ignotâ) eidem Commentariolum breuem promisi. » Auebat ille demonstrationes earum rerum, quas obiter insinuabam, » plenius intelligere. Hase itaque remorae causa est, nec displicet illa, » quamuis longior fuerit. Nescio enim qua auiditate animus sciendi »- cupidissimus sibi de virorum Eruditorum applaudat coUoquijs; vt ,in » veritatis portu securius stationem inueniat. Restât porro censura tua, » quam ex te sine fuco me auditurum nullus dubito. Et quoniam a viro » amicissimo Dno de Zulichem | per manus tuas hae quœstiones ad me » venerunt, precor vt responsionem illi communicare non graueris, » antequam ad P. Mersennum mittatur; hac enim occasione intelligam » an placeat ea via quam securus inambulare mihi videor. » {BibL Nat., MS.fr. n. a. 6206,/. i55,p. 3oo et 3oi).

��Correspondance. II. ^^

�� � 1^4 CoRRESPONDANGî;. 111,322.

CXX'.V.

Descartes a Mersenne.

[3 iuin i638?]

AuTOGRAiME, Bibliothèque de l'Institut.

Variantes du texte de Clerselier, tome III, lettre LIX, p. 322-824, oit la première partie est sous le titre : « Au Reuerend Père Mer- senne, au sujet de l'Escrit précèdent » {c'est-à-dire de la pièce CXX, de Roberval, ci-avant), et tome III, lettre LXXIV, p. 4S0-4S7, où se retrouve la seconde partie, sous le titre : « Réponse aux questions Numériques proposées par Monsieur de Sainte-Croix. » — L'au- tographe {n° z [ de la Collection La Hire, 14 du classement de dom Poirier) est sur une feuille grand format, pliée en deux; la pre- mière partie {réponse à Roberval) ne remplit que la moitié du premier feuillet; Vautre moitié et le second feuillet sont occupés par la réponse aux questions de Sainte-Croix. — Cet autographe ne porte point de date. Mais le mot de response séparée, qu'il contient pour Roberval, est annoncé dans la lettre précédente {plus haut, p. 141, l. 20); d'autre part. Descartes avait intérêt, à cause de Gillot (p, 146, l. 14), à témoigner de la complaisance vis-à-vis de Sainte- Croix. Il n'a donc pas dû retarder cette lettre, et si la précédente est du 2j mai, celle-ci peut être fixée à la date postérieure de huit jours.

Mon Reuerend Père,

l'ay receu l'efcrit de M"^ de Roberual auec vos der- nières, & ie n'y fais point de refponfe a caufe que ie voy quil fe picque; mais lorfque fa cholere fera paffée, vous pourrez, s'il vous plaift, luy faire con- noiftre le peu de raifon qu'il a eu de s'efchauffer a vouloir prouuer que fa ligne E B n'eil pas abfolument

2-3 de M^ . . dernières] des — 4 qu'il] que celuy qui l'a Amis de Monfieur de Fermât. compofé. — 7 fa] la.

�� � parlant la plus grande, au lieu que, ne pouuant nier qu elle ne fufl au moins la plus grande fous certaines conditions, il euft deu monftrer comment on la peut trouuer par la règle de M"^ Fermat*, vu qu’il auoit

5 affuré que cete règle enfeigne a trouuer les plus grandes fous toute forte de conditions, & que la ques- tion eftoit de fçauoir fi elle efloit bonne; dequoy il n’a donné aucune autre preuue en ces deux efcrits, finon qu’il dit que c’eft vn tefmoignage de fa bonté, qu’elle

10 ne reuffit pas en cet exemple. S’il croit que cela foit bien raifonner, ie ferois marri qu’il ne dift pas que ie raifonne très mal. Mais ie voy bien que c’eft la paffion qui l’a tranfporté, & qui luy a fait nommer toutes chofes par d’autres noms qu’il ne deuoit. Ainfy a

i5 caufe que, pour efclaircir & confirmer ce que i’auois mis dans mon i" efcrit, i’ay adioufté dans le fécond qu’encore que ce ne fuft pas le point B qui fuft donné, mais le point E, la règle de M"^ Fermat ne reuffiroit pas mieux pour cela en cet exemple, il dit que ie me fuis

20 corrigé & que i’ay reconnu la faute que i’auois faite. Ainfy il m’accufe d’auoir très mal raifonne en l’exemple de l’ellipfe & de l’hyperbole, que ie n’ay propofé que comme | très mauuais, pour le mettre en parallèle de celuy de M’^ Fermat touchant la Parabole,

2S & monftrer qu’il n’y raifonne pas bien. En quoy il fait tout de mefme que s’il accufoit vn prédicateur d’auoir iuré, a caufe que, pour monftrer l’enormité du péché

6 toutes fortes. — • 9 qu’elle] de ce qu’elle. — 1 1 que ie] qu’il. — 16 : I"] premier.

a. « M’ Fermat» (*ic), partout dans l’autographe. Clerselier imprime : « Monsieur de Fermat ».

�� � 156 Correspondance. 111,323.

des blafphemateurs, il auroit dit en chaire qu'ilz ne iurent pas feulement le nom de Dieu, mais auffy par la mort, par la chair, par la tefle, &c. Ainfy enfin, ayant changé de difcours pour cenfurer les effais que i'ay fait imprimer, il ne s'apperçoit pas qu'en penfant 5 les mefprifer, il donne plus de fuiet d'en auoir bonne opinion, que ne font les louanges de ceux qui les approuuent : car on peut penfer que les chofes qui plaifent a ceux cy les empefchent de voir, ou bien leur font diflimuler les defifauts qu'ils pourroient fans 10 cela y remarquer; au lieu que luy, qu'on voit alTez a fon flile n' auoir pas eu deffein de m'efpargner, y re- prend feulement deux chofes, qui, n'eftant point du tout fuietes a reprehenfion, font iuger qu'il n'y a reconnu aucune faute, bien que ie ne veuille pas dire i5 pour cela qu'il n'y en ait point; et, de plus, que ce que i'ay efcrit en Géométrie eft vn peu au delà de fa con- noiflance. Car pour ce qu'il nomme vne faute en la page ^47, c'eft vne vérité très certaine & dont il ne pourra ignorer la demonftration, lorfqu'il aura affez 20 eftudié ce que i'ay efcrit au j liure touchant la nature des Equations. Et pour ce qu'il dit que i'ay omis en la page 404, a fçauoir la compagne de la ligne courbe que i'y defcris, i'aurois commis vne grande faute, fi i'auois manqué de l'y omettre ; car il eft très certain zs que cete compagne n'a point de lieu en la règle que i'ay donnée, ny ne peut iamais eftre coupée par le cercle en la façon que ie le defcris, & en fuppofant, comme i'ay fart, que toutes les racines de l'équation

I chaire] chaife. — 3 la chair] le sang. — 16 après plus quejomw. — 31 : 3] troiûéme.

�� � m, 393-3Î4- CXXIV. — 5 Juin i6j8. 1^7

ioient vrayes, & que la quantité connue du troifiefme terme foit plus grande que le quarré de la moitié de celle du fécond (voyez page 405). Et on ne peut dire que ie n'aye pas connu cete ligne; car ie lay mife 5 très expreflement en la figure de la page jj8, ou elle a lieu, & ou ie la nomme la contrepofée de l'autre, a caufe qu elle en eft | feparée par vne afymptote, a la façon des Hyperboles loppofées. Mais ce qui la fait fe meconter en cecy, c'eft qu'il n'a pu s'imaginer que

10 cete ligne puft eftre coupée en fix endroits par le cercle, ce qui eft néanmoins très vray. Et il arriue infalliblement, toutefois & quantes que les fix vrayes racines de l'équation font réelles, fans qu'il y en ait aucune de celles que ie nomme imaginaires; comme

i5 il pourra voir en examinant la demonftration, qui commence en la page 408. Mais la figure de la page 404 a aydé aufTy a le tromper, a caufe que la courbe n'y eft coupée par le cercle qu'en 4 endroits ; ce qui vient de ce que, fuppofant les quantitez données fui-

20 uant les mefures de cete figure, il y a deux racines en cete équation qui ne font qu'imaginaires; & ie l'ay ainfy fait faire tout a defifein, a caufe qu'aux exemples ou les fix vrayes racines font réelles, le cercle couppe fi obliquement la ligne courbe, qu'on ne peut bien

2 5 diftinguer les poins de l'interfedion , comme i'ay auerti en la page 412, l(igne) 15. Mais il faut qu'il ait fort mauuaife opinion de moy, & fort bonne de foy- mefme, de fe fier afifez fur fes pures imaginations, & fans demonftration, pour reprendre des chofes que

12 toutefois & quantes] toutes & quantes fois. — 18 : 4] quatre.

�� � i’ay efcrites en Géométrie. Vous ne lairrez pas de l’assurer, s’il vous plaift, que ie fuis fon très humble seruiteur, & que ie ne m’ofFenfe non plus de tout ce qui eft en fon papier, qu’on fait ordinairement, dans le ieu, de la cholere de ceux qui perdent. Mais comme il n’y a pas de plaifir a iouer contre ceux qui fe fafchent ainfy, ie ne refpondray iamais a aucun efcrit, ou ie remarqueray plus de paffion que d’enuie de connoiflre la vérité, & ie ne prendray pas mefme la peine de les lire, lorfque ie fçauray qu’ils feront tels. 10

I ReSPONSE aux questions NUMERIQUES PROPOSÉES PAR

Monsieur de Sainte Croix* :

La première question est telle.

Trouuer vn trigone qui, + vn trigone tetragone, face vn tetragone : & de rechef. Et que de la fomme des cojîe-^ i5 des tetragones refulte l’ premier des trigones, & de la multiplication d’elle par fon milieu, le fécond. I’ay donné 15 & 120. l’atten que quelquvn y fatisface par d’autres nombres, ou qu’il monjlre que la chofe efî impofjible. 20

le remarque icy premièrement que de la multipli- cation du premier trigone par fon milieu il doit refulter yn fécond trigone, ce qui feroit manifefte- ment impoffible, fi on n’entendoit parler que de la iufte moitié, & qu’on n’imaginaft ces trigones qu’en zS nombres entiers. Mais cete difficulté m’eft oftée par

lairrez] lafferez. — 10 tels.] le fuis, aj. — 14 +] plus. III, 43o-4'3i. CXXIV. — j Juin 1638. 159

l'exemple donné de i^ & 120, a caufe que 8, par lequel on multiplie i ^ pour produire 120, n'eft pas la iulte moitié de 1 5 . Et ainfy ie voy que pour fatisfaire au fens de la queftion, il faut que le premier trigone

5 foit nombre impair, & qu'on le multiplie, ou par fa plus grande, ou par fa plus petite moitié, comme 1 5 par 8 ou par 7, 21 par 11 ou par 10, & ainfy des autres, car par ce moyen il produit toufiours vn tri- gone. Il eft vray que fi l'on veut imaginer aufly ces

10 tri^gones en nombres rompus, a fçauoir en les com- pof ent de la moitié d'vn quarré & de la moitié de fa racine, on peut faire qu'vn trigone eftant multiplié parlfaiufle moitié produife vn autre trigone. Ainfy |- eft vn trigone, dont la racine eft 4-; car la moitié

i5 de —, qui eft fon quarré, plus la moitié de Yjfiait-|-; & multipliant ce trigone par fa iufte moitié, a fçauoir par ^, il produit -^, qui eft aufly vn trigone, dont la racine eft ■^; car la moitié de ^, qui eft fon quarré, plus la moitié de -^, fait -^. Mais on n'imagine ordi-

20 nairement ces trigones qu'en nombres entiers, & l'exemple de 15 & 120, qui feroit faufle en cas qu'on confideraft les fraâ;ions, m'oblige a ne les point icy confiderer.

Outre cela ie remarque de l'ambiguité au mot : &

2 5 derechef. Car on peut entendre par ce mot qu'il faut trouuer vn autre trigone qui, plus le mefme trigone tetragone qui a efté ioint au trigone précèdent, face vn tetragone, ou bien vn trigone qui, plus vn autre trigone tetragone, face vn tetragone, ou enfin vn tri-

I & de 120. — 5 foit] vn a/.. — 20 qu'en] des aj. — 21 & 120] & de 120. — fauflejfaux.

�� � i6o Correspondance. i", 431-43».

gone qui^plus le mefme trigone tetragone & derechef vn autre trigone tetragone, face vn tetragone. Et bien que l'exemple de 15 & 120 ne s'accorde qu'auec le premier fens,il n'exclud point toutefois le fécond, & le mot & derechef {Qmhle fauorifer le troifiefme. 5

Or, pour le premier fens, il eft facile a demonftrer qu'il eft impoffible d'en donner aucun autre exemple en nombres entiers, que celuy de i^ & 120. Car on trouue par le calcul que, cherchant généralement vn nombre qui eftant adioufté a vn trigone tetragone 10 face vn tetragone, & que ce nombre multiplié par fa moitié & adioufté au mefme trigone tetragone face derechef vn tetragone, duquel la racine, adiouftée a la racine de l'autre tetragone, foit égale au premier nombre, il faut que la racine quarrée du trigone te- i5 tragone foit compofée de - ~^ ^ , c'eft a dire de j moins vn nombre quarré diuifé par le double de la racine de ce mefme quarré ; au moins fi on fuppofe que ce premier nombre doiue eftre multiplié par fa plus grande moitié, c'eft a dire par fa iufte moitié 20 plus vn demy. Et fi on fuppofe qu'il doiue eftre mul- tiplié par fa iufte moitié, la racine | quarrée du trigone tetragone fera ^^-- Et enfin, s'il doi eftre multiplié par fa iufte moitié moins vn demy. elle fera ' ~j^' -: ce qui ne peut produire aucun nombre entier, que 25 lorfqu'on fuppofe la plus grande moitié, & qu'on fait N égal a l'vnité. Et lors le premier nombre doit eftre compofé de 7 + 2 N + ^, qui eft i ^ .

Mais fi le fens de la queftion eft qu'on puifiTe ad- ioufter au fécond trigone vn autre trigone tetragone 3o

14 égale] égal. — 16 : 3] trois.

�� � ni,43ï- CXXIV. — 3 Juin ï6jS. i6i

que celuy qu'on aura adioufté au premier, elle n'eft nullement impoffible. Et félon la dernière interpréta- tion, a fçauoir qu'on adioufté au fécond trigone le trigone tetragone qu'on aura adioufté au premier, &

5 derechef vn autre trigone tetragone, on peut donner des nombres fort cours pour la refoudre, a fçauoir 45 & 103 5 pour les deux trigones demandez. Car adiou- ftant a 45 le trigone tetragone 36, il vient 81, qui eft quarré ; puis adiouftant a 103 ç le mefme 36, & dere-

«o chef vn autre trigone tetragone, a fçauoir 22^*, il vient 1296, qui eft quarré, & dont la racine, a fçauoir 36, adiouftée a 9, qui eft la racine de 81, fait 45 ; & multipliant 45 par 23, qui eft fa plus grande moitié, il vient 1035.

i5 On peut auffy trouuer des nombres fort cours, pour refoudre cete queftion félon l'autre interprétation, a fçauoir qu'il faille adioufter vn trigone tetragone a vn trigone pour faire vn quarré, & derechef vn autre trigone tetragone a vn autre trigone pour faire aufly

ao vn quarré, pouruû qu'on veuille receuoir des nombres rompus pour trigones tetragones, non point en tant que trigones, mais en tant que tetragones; en forte que, par exemple, y^^foit pris pour vn trigone tetra- gone, a caufe que fa racine tetragonale eft ^, & que

a 5 les nombres 3 & 10 font des trigones, & ainfy des

24 fa] la.

a. Sainte- Croix entendait probablement par trigone tetragone un nombre à la fois triangulaire et carré, comme sont i et 36; Descartes entend au contraire simplement le carré d'un nombre triangulaire ; ainsi 225 n'est pas triangulaire, mais carré du triangulaire 1 5. (Voir Yéclair- cissement à la fin de la lettre.)

Correspondance. II. ai

�� � 102 Correspondance. m, 43*-433.

autres. Et il n'eft pas moins inufité de refufer des nombres rompus pour des tetragones, qu'il eft d'en receuoir pour des trigones. C'eft pourquoy il me femble que les deux trigones 2 1 & 2 3 1 fatisfont entiè- re ment a la queftion propofée. Car fi a 2 1 i'adioufte 4, 5 que ie nomme ^, & ainfy i'en fais vn trigone tetra- gone en fradions, il vient 2 j qui eft quarré, & fi a 2^ i i'adioufte 2 5 , que ie nomme ~ pour en faire aufiTy vn trigone tetragone en fradions, il vient 256, qui eft quarré. Et fa racine, qui eft 16, iointe a la racine 10 de 2 5 , fait 2 1 ; & multipliant 2 1 par fa plus grande moitié, qui eft 1 1, il vient 2^1.

Mais fi on ne veut point receuoir icy de fradions, on ne peut trouuer de nombres fi cours pour refoudre cete queftion; & pource que ie ne fçay pas combien i5 longs pourront eftre les premiers qu'on rencontrera, i'ayme mieux mettre icy vne règle par laquelle on les peut trouuer tous, & qui eft, ie croy, la plus fimple & la plus aifée qu'on puifife donner pour cet efied, que de m'arefter moy mefme a faire le calcul qui eft necef- 20 faire pour les chercher. Voicy donc la règle.

Il faut examiner par ordre tous les trigones im- pairs, en oftant par ordre tous les quarrez impairs moindres qu'eux & plus grands que l'vnité, iufques a ce qu'on trouue, en diuifant le refte du trigone dont 25 on a ofté vn quarré par le double de la racine de ce quarré, que le quotient foit vn trigone, & qu'oftant le double de ce quotient, plus le double de cete racine, de la plus grande moitié du premier trigone, puis multipliant le refidu par ce premier trigone & luy 3o adiouftant le quarré du fécond, il viene vn trigone

�� � m, 433-434- CXXIV. — j Juin i6j8. 163

tetragone; ou du moins qu'il en viene vn, après qu'on aura encore adiouflé le premier trigone a la fomme trouuée. Et lorfque cela fe rencontrera, le trigone qu'on aura examiné fera le premier des deux qui font 5 requis pour la folution de la queflion. Puis, en le multipliant par fa moitié, on aura le fécond : a fçauoir en le multipliant par fa plus grande moitié, fi on a trouué le trigone tetragone de la dernière fomme fans y adioufter le premier trigone, & en le multipliant par

10 fa plus petite moitié, s'il a fallu l'y adioufter. Par exemple, i'examine le trigone 2 1 , duquel i'ofte 9; refte 12, que ie diuife par 6; le quotient eft 2, qui n'eft pas trigone; c'eft pourquoy il faut pafler a vn autre, au moins fi on veut abfolument que le premier trigone

1 5 foit adioufté a vn trigone tetragone en nombres en- tiers; mais fi on fe contente qu'il foit adioufté a vn fimple tetragone, on doit pourfuiure & ofterle double de 2, qui eft 4, plus le double de j, qui eft 6, de fa plus grande moitié, qui eft 1 1, & il refte i, qu'il faut

20 multiplier par 2 1 , & luy adioufter le quarré de 2 ; il vient 2 ^ , qui n'eft pas trigone tetragone ; mais a caufe qu'il eft tetragone, i'apprens par la que fi, au lieu de trigones tetragones, on auoit feulement demandé des tetragones, les trigones 21 & 231 fatisferoient a la

25 queftion. De plus, au nombre trouué 25 i'adioufte 21, & il vient 46, qui n'eft pas trigone tetragone, non plus que 2 5 . Mais fi, au lieu du premier trigone tetragone, on auoit demandé vn fimple tetragone, & qu'au lieu du fécond on euft demandé vn nombre

3o compofé d'vn trigone tetragone, qui auec cela fuft 7 et 14 on] l'on. — 18 fa] la.

�� � 164 Correspondance. m, 434-435.

trigone", & des trois différences qui feroient entre fes trois racines, voyant que le nombre 46 a cete pro- priété, on connoiftroit de la que les trigones 21 & 2 10 feroient les cherchez. Car 46 eft compofé de

364-5 + } + 2; 5

& 5 eft la différence qui eft entre j & 8 qui font, l'vn la racine trigonale tetragonale de j6, & l'autre fa racine trigonale; } eft la différence qui eft entre j & fa racine tetragonale 6; et 2 eft la différence entre 6&8. 10

Tout de mefme, pour examiner le trigone 45, i'en ofte le quarré 9 ; refte j6, que ie diuife par le double de la racine de 9, qui eft 6, & il vient 6, qui eft vn tri- gone. C'eft pourquoy iepourfuis, & de 23 i'ofteô + 1 2 ; refte 5, que ie multiplie par 45 ; il vient 225, auquel i5 adiouftant 36, il vient 261, qui n'eft pas trigone tetra- gone, mais qui eft compofé du précèdent trigone tetragone, qui eft j6, &. d'vn autre trigone tetragone qui eft 225. De façon qu'il fatisfait à la queftion, en cas que ce foit cela qui eft demandé; & peut-eftre ao qu'on pourroit examiner tous les nombres iufques a plus de 100 chiffres de fuite, auant que de rencontrer vn exemple qui fuft pareil a cetuy-cy ou au précè- dent. Ce qui fait voir que chafque nombre qu'on

2 fes] ces. — 9 différence] qui eft aj. — 22 : 100] cent. — 23 cetuy] celuy.

a. Descartes vise le nombre 36, trigone comme égal à ^ (racine tri- gonale 8), et tetragone comme carré de 6 [racine tetragonale) ; or 6, égal à -^, est lui-même un trigone, dont la racine, 3, est appelée par Descartes racine trigonale tetragonale de 36.

�� � 111,435. CXXIV. — j Juin 1658. 165

examine par cete règle, lorfqu'il ne donne pas la folu- tion de la queftion propofée, donne celle d'vne autre de mefme nature & qui efl autant ou plus difficile.

La féconde queftion eft telle :

5 Trouuer vn îrireéîangle, dont chafcun des coJle\ foit l'aire d'vn trireéîangle . Vay donné 210, y 20 y j5o. l'atten &c.

Ou, pour ce qu'il n'y a aucune ambiguïté, ie me con- tenteray de donner d'autres nombres pour la refoudre,

10 a fçauoir jjo, 440, 550, pour les coftez du triangle redangle. Car 3^0 eft auffy l'aire d'vn autre triangle redangle dont les coftez font 11, 60, 61; 440 eft l'aire d'vn autre dont les coftez font ^, 66, ^; et 550 eft l'aire d'vn dont les coftez font f, ^, ^^. Que

i5 fi on trouue a redire en ces nombres, a caufe qu'il y a des fradions, il ne faut que multiplier les trois pre- miers par 441 , & les autres par 2 1 , pour les réduire a des entiers, & on a 145 530, 194040, 2425 50, &c.

La troifiefme eft

20 Trouuer vn barlong, ou tetragone -\- fa pleure, & tel que l'aggregat dudit tetragone & de /on double tetragone face vn tetragone, dont la pleure foit le barlong ou tetragone plus fa pleure. Vay donné 6. l'atten &c.

Si par vn barlong on entend vn vray nombre pro-

14 d'vn] Triangle redangleay. queftion aj. — eft] telle aj. — — i5 on] l'on. — ig troifiefme] 22 face] fait — la] £b>

�� � nie ", qui ne foit compofé que d’vn quarré plus sa racine, il ne faut qu’vn trait de plume pour monftrer qu’il est impossible d’y satisfaire par aucun autre nombre que par 6. Car, posant x pour la pleure, on a xx + x pour le barlong, & il y a équation entre x^ + 2 x^ 5 4- XX, qui est son quarré, &. 2 x* -\- xx, qui est le tetragone plus son double tetragone ; ce qui monstre que X eft égal a 2, & ainfy que 2 eft necessairement la pleure de ce barlong. Mais si par vn barlong on entend vn quarré plus quelque nombre de ses racines, il 10 est aysé d’en trouuer vne infinité, en cherchant seulement vn quarré qui foit moindre d’vne vnité que le double d’vn autre ; car l’aggregat des racines de ces deux quarrez eft la racine du quarré qui compofe le barlong, & multipliant cet aggregat par la racine du i5 quarré dont le double furpafTe l’autre d’vne vnité, on a fa pleure. Comme, a cause que 49 est moindre d’vne vnité que ^o qui eft le double de 2 ^ , 7 + 5 , c’eft a dire 12, eft la racine du quarré i44,& multipliant 12 par 5, on a 60 pour la pleure, en forte que 204 eft le barlong 20 requis; car 144, plus deux fois 207^6, fait vn quarré, dont la racine eft 204.

4. La quatriesme est

Trouuer deux nombres, chafcun de/quels, comme aujfy la

8 que 2] que deux. — 23 : om. par Clers. — quatriefme] 4 en marge dans l’autographe, queftion aj. — eft] telle aj.

a. Ce mot incompréhensible semble une corruption du terme grec xpo|jnîxTriî, qui serait d’ailleurs détourné de sa véritable acception. Descartes l'a-t-il écrit par inadvertance, ou pour rendre la pareille à Sainte-Croix? 111,436-437. CXXIV. — j Juin 1638. 167

fomme de leur CLggregat^ ne confie que de trois tetra- gones. l'ay donné 3, 1 1, 14. l'atten &c.

Pour refoudre cela généralement, il ne faut que prendre deux quarrez impairs, tels qu'on voudra, & a 5 chafcun adioufter le nombre 2, puis les ioindre en- femble. Car on peut demonftrer qu'aucun de ces trois nombres ne fçaurait eilre quarré, ny compofé de deux quarrez, ny manquer de l'eflre de trois. Comme fi, puis qu'vn & 9 font défia occupez par l'exemple donné, ïo ie prens les deux quarrez impairs 25 & 49, i'ay 27, 5 1 & 78 pour les nombres qui fatisfont à la queftion.

5

On demande aufiy vn nombre dont les parties aliquotes facent le double.

i5 Et pource qu'on en a défia trois qui font 120, 672

& ^23776, il efl queftion de trouuer le quatriefme,

lequel eft 1476304896, & il fe compofe de 3, 11, 43,

127 & 8192, multipliez l'vnpar l'autre.

Au refte, mon Reuerend Père, ie vous crie mercy,

20 & i'ay les mains fi laffes d'efcrire cete lettre, que ie fuis contraint de vous fupplier & vous coniurer de ne me plus enuoyer aucunes queftions, de quelque qua- lité qu'elles puifTent eftre ; car, lorfque ie les ay, il eft malayfé que ie m'abftiene de les chercher, principa-

25 lement fi ie fçay qu'elles vienent, comme celles cy, de

I confie] foit. — 9 qu'vn] que queftion eft telle. — i5 pource] I. — 12 : 5 (e« marge dans parce. — 21 &] de aj, l'autographe)] La cinquiefme

�� � i68 Correspondance. 111,437-

quelque perfonne de mérite. Et m'ellant propofé vne eftude pour laquelle tout le tems de ma vie, quelque longue qu elle puiffe eilre, ne fçauroit fuffire, ie ferois très mal d'en employer aucune partie a des chofes qui n'y feruent point. Mais, outre cela, pour ce qui eft 5 des nombres, ie n'ay iamais prétendu d'y rien fçauoir, & ie m'y fuis fi peu exercé que ie puis dire auec vérité que, bien que i'aye autrefois appris la diuifion & l'ex- tradion de la racine quarrée, il y a toutefois plus de 18 ans que ie ne les fçay plus, & fi i'auois befoin de 10 m'en feruir, il faudroit que ie les eftudiaflTe dans quelque liure d'Arithmétique, ou que ie tafchafle a les inuenter, tout de mefme que fi ie ne les auois ia- mais fceuës. le fuis,

Mon Reuerend Père, i5

Voftre très humble & très afiedionné feruiteur,

DES CARTES.

��I. La première des questions numériques de M. de Sainte-Croix (André Jumeau, prieur de Sainte-Croix) semble avoir été proposée (sans les exemples i5 et 120), vers septembre i636, à Fermât, qui ne déchiffra pas l'énigme (Œuvres de Fermât, t. II, 1894, p. 63, note 2). Il s'agit de trouver deux nombres qui, comme i5 et 120, soient triangles (c'est-à-dire de la forme " '%+ " ; ainsi 1 5 = ^^, et 1 20 = '^j'^), et tels qu'en ajoutant à chacun d'eux un nombre à la fois triangle et carré (comme i), on ait deux carres ( 1 6 et 121, carrés de 4 et de 11). Il faut de plus : que la somme des deux racines des carrés fasse le premier triangle cherché (4+11= 1 5), et qu'elle soit le premier facteur servant à former le second triangle. Si le nombre à la fois triangle et carré à ajouter aux deux triangles doit être le même (ce qui semble bien l'intention de Sainte-Croix), il n'y a pas d'autre solution que celle que fournissent les nombres i5 et 120.

10 : 18] dix-huit. — 12 a] de. — 17 affedionné] obeïflant.

�� � CXXV. — Juin i6jS. 169

II. La seconde question avait été proposée, en i636, par Fermât à Sainte-Croix [Œuvres de Fermât, t. II, p. gS). Le trirectangle, ou triangle rectangle en nombres, est un groupe de trois nombres a, b, c, tels que a* = b* + c*; son aire est-j-éc.

III. La troisième question se traduit par l'équation :

x* + 2 {x*)* = (x* + x]* ;

d'où l'on tire immédiatement x = 2 pour la pleure (côté ou racine du tétragone ou carré) ; le barlong x* -\-x est donc 6. La seule difficulté était de comprendre le bizarre langage de Sainte-Croix.

IV. La quatrième question avait été proposée, en i636, à Fermât par Sainte-Croix, sans les nombres donnés comme exemple {Œuvres de Fermât, t. II, p. 29).

V. La cinquième question, déjà posée à Descartes par Mersenne en i63i {voir t. I, p. 229, 1. 28), avait été insérée par le Minime dans l'Epître dédicatoire de ses Préludes de l'Harmonie universelle, qui ter- minent son recueil de Questions imprimé en 1634 à Paris, chez Henry Guenon. Mersenne ne connaissait que le nombre 120 comme jouissant de la propriété d'être double de ses parties aliquotes; Fermât indiqua le nombre 672 (Mersenne, Harmonie universelle, i636, préf., p. 9); Sainte- Croix dut trouver plus tard le troisième nombre envoyé à Descartes.

��CXXV.

Descartes a Hardy.

[Juin i638.] Texte de Clerselier, tome III, lettre 61, p. 333-335.

Le début de cette lettre manque. Si l'on se reporte à la lettre C XXIII, page iSi, l. 7, on voit que, par une lettre du 10 mai, Mersenne avait parlé à Descartes d'une affaire de Monsieur Hardy, pour laquelle l'entremise de Constantin Huygens se trouvait néces- saire. Or nous savons par la lettre CXXXIII ci-après, du 3o juillet i638, que Huygens écrivit à ce sujet à Heinsius le 3o juin, sans doute aussitôt après en avoir été prié par Descartes. D'autre part, il semble bien, d'après le premier alinéa du texte qui suit, que Hardy avait lui-même écrit à Descartes, et si c'était pour le remercier de ses

CORRESPONDANCB. II. 22

�� � 170 Correspondance. 111,332-333.

bons offices, la présente serait au plus tôt du milieu de juin. Sa place dans le tome III de Clerseli-er, immédiatement avant la lettre CXXVI ci-après, est un motif de penser quelle n'est pas postérieure à celte dernière.

Monfieur,

Au refte, ie vous fuis très obligé de ce que vous auez foûtenu mon party, touchant la règle De maxi- mis de Mon ûeur de Fermât, & ie ne m'eflonne point de ce que vous n'en iugez pas plus aduantageufement 5 que ie n'ay fait; car, de la façon qu'elle ell propofée, tout ce que vous en dites ell véritable.

Mais pour ce que i'ay mis, dés mon premier Efcrit', qu'on la pouuoit rendre bonne en la corrigeant, & que i'ay toujours depuis foûtenu la mefme chofe, ie m'af- 10 fure que vous ne ferez pas marry que ie vous en die icy le fondement; aufli bien ie me perfuade que ces Meffieurs, qui l'eftiment tant, ne l'entendent pas, ny peut-eflre mefme celuy qui en eft l'Autheur.

Soit donc la ligne courbe donnée ABD, & que le i5 point B de cette ligne foit auffi donné, à fçauoir, ie fais l'ordonnée BC^oè, & le diamètre AC soc, & qu'on demande vn point en ce diamètre, comme E, qui foit tel que la ligne droite, qui en fera menée vers B, couppe cette courbe en B, & encore en vn autre 20 point, comme D, en forte que l'ordonnée DF foit à l'ordonnée B C en raifon donnée, par exemple, comme g à. h. Vous fçauez bien que, pour trouuer ce point E, on peut pofer EC x> a, &CFxie, & dire première- ment, à caufe des triangles femblables ECB&EFD, 25

a. Voir t. I, p. 489, 1. 20.

�� � �111,333-334. CXXV. — Juin 1638. 171

comme CE aoaeftàBC =0 è, ainfiEF »a + e,eftàDF, qui par confequent eft DF » ^l±li, Puis, à caufe que DF eft l'vne des ordon- nées en la ligne courbe,

5 on la trouue auffi en d'autres termes, qui fe- ront diuers , félon les diuerfes proprietez de cette courbe. Par exem-

10 pie, fi c eft la première des lignes que Monfieur de Fermât a imaginées à l'imitation de la parabole, c'eft à dire celle en laquelle les fegmens du diamètre ont entr'eux mefme proportion que les cubes des or-

i5 données, on dira, comme ACx> ceft à FA» c+e, ainfi le cube de BC, qui eft P, eft au cube de D F, qui, par

les termes trouuez cy-deilus, elt — — ^Ç — —^ — •

Carcecy eft le cube de^^^tAf . Puis, multipliant les moyennes & les extrêmes de ces quatre proportio-

20 nelles, c\c + e\P\& ^^^jt2Ï^JÈ!^îî+J^ ^ on a cb' + ePo:> c^"- + 3ycaae + sbWee + cbv ^ g^ diuifant le tout par b^ , & le multipliant, par a\ il vient a^ c -\- a^ e 00 ca^ •{• j caae + ) caee + ce^, & oftant de part & d'autre ca^, il refte a^e » 3 caae + j caee -}-

2 5 ce^ Et enfin, pour ce que le tout fe peut diuifer par e, il vient a^oo j caa + j cae + cee. Mais pour ce qu'il y a icy deux quantitez inconnues, à fçauoir a & e, & qu'on n'en peut trouuer qu'vne par vne feule équa- tion, il en faut chercher encore vne autre, & il eft aifé

24 : "icaeé] 3 caee. — 26 : cee] ce*.

�� � 172 Correspondance. ' 111,334-335.

par la proportion des lignes B C & D F, qui eft donnée ; à fçauoir : comme ^ eft à /t, ainfi BC»/>eftàDF » -^^^j & par confequent bh :o sJ±±£h^ ou bien ha os ga-\- ge] et par le moyen de cette équation on trouue aifément Tvne des deux quantitez a ou e, au 5 lieu de laquelle il faut par après fubftituer en l'autre équation les termes qui luy font égaux, afin de cher- cher en fuitte l'autre quantité inconnue. Et c'eft icy le chemin ordinaire de l'Analyfe pour trouuer le point E, ou bien la ligne C E, lors que la raifon qui eft to entre les lignes BC & DF eft donnée. Maintenant pour appliquer tout cecy à l'inuention de la tangente (ou, ce qui eft le mefme, de la plus grande), il faut feu- lement confiderer que, lors que EB eft la tangente, la

ligne DF n'eft qu'vne i5 auec BC, & toutefois qu'elle doit eftre cher- chée par le mefme calcul que ie viens de mettre, en fuppofant ao feulement la propor- tion d'égalité, au lieu de celle que i'ay nom- mée àe g 2ih\ à caufe que D F eft rendue égale à B C par EB, en tant qu'elle eft la tangente (au moins lors aS qu'elle l'eft), en mefme façon qu'elle eft rendue double, ou triple &c., de BC, par la mefme EB, en tant qu'elle couppe la courbe en tel ou tel point, lors qu'elle l'y couppe. Si bien qu'en la féconde équation, au lieu de ha "Xi ga -^-ge^ pour ce que h eft égale à ^, on a feule- 5o ment a-x> a-\ e^ c'eft à dire, e égal à rien. D'où il eft

��� � 111,335. CXXV. — Juin i6j8. 171

euident que, pour trouuer la valeur de la quantité a, il ne faut que fubftituer vn zéro en la place de tous les termes multipliez par e, qui font en la première équa- tion, laquelle eft a^ » j caa + 5 cae -\-cee, ceft à dire 5 qu'il ne faut que les effacer. Car vne quantité réelle ellant multipliée par vne autre quantité imaginaire, qui efl nulle, produit toufiours rien. Et cecy efl l'eli- fion des Homogènes de Moniieur de Fermât, laquelle ne fe fait nullement gratis en ce fens-là. Or cette eli-

10 {ion eftant faite, il ne refte icy en nollre équation que a^ "xi ■j caa, ou bien a» j c; d'où l'on apprend que, lors que EB eft la tangente de la ligne courbe pro- pofée, la lig(ne) E C eft neceffairement triple de la ligne AC.

i5 Voila donc le fondement de la règle, en laquelle il y a virtuellement deux équations, bien qu'il ne foit befoin d'y faire mention expreife que d'vne, à caufe que l'autre fert feulement à faire effacer ces Homo- gènes. Mais il eft fort vray-femblable que Monfieur de

20 Fermât ne l'a point ainfi entendue, & qu'il ne l'a trouuée qu'à tâtons, veu qu'il y a obmis la principale condition, à fçauoir celle qui prefuppofe ce fonde- ment, ainfi que vous pourrez voir, s'il vous plaift, par ce que i'ay mandé cy-deuant deuoir y eftre cor-

25 rigé, dans vne Lettre addreffée au R. Père Merfenne". le fuis,

a. Voir plus haut lettre CXXII, p. 127.

�� � 174 Correspondance. 111,336.

CXXVI.

Descartes a Mersenne.

[29 juin i638,]

1» Autographe, Bibliothèque Nationale, MS. fr. n. a. 5i6o, fol. 2 et 3. 2» Texte de Clerselier, tome II, lettre 88, p. 38o-385.

Variantes, pour la première partie, d'après le texte de Clerselier, tome III, lettre LXII, p. 336-347. — L'autographe [n° i3 de la collection La -Hire, non classé par dont Poirier comme incomplet) ne donne que la première partie de la lettre, sur une feuille grand- format pliée en deux feuillets [quatre pages). La fin de cette pre- mière partie indique clairement qu'il y avait une autre feuille déta- chée : « Nous n'avons pas la suite de cette lettre et nous ne savons pas où il est (sic) » {dit un annotateur de l'exemplaire de F Institut, p. 34j). Mais la Réponse du sieur Gillot qui se trouve annoncée dans l'au- tographe (ci-après, p. ijg, l. ig) est évidemment celle que Clerselier a imprimée t. II, p. 383-384, sans numéro et comme annexe à la lettre LXXX VIII du même tome II. Or on voit dès le début de cette dernière qu'elle est la continuation d'wie autre lettre de deux feuillets ; c'est apparemment celle qui était imprimée à part, tome III, lettre LXII; nous les réunirons donc comme les deux parties d'une seule et même lettre. — Quant à la date, on remarquera que Descartes (ci-après, p. igifl. 12) répond à trois lettres, dont la dernière est du S Juin, et qui ont eu du retard; que, d'autre part, il annonce pour le prochain voyage (p. i8g, I.21) son opinion personnelle sur la question géosta- tique, c'est-à-dire la pièce CXXIX ci-après, qui a été certainement envoyée le i3 juillet (un mardi). Si on prend ce Jour du mardi comme celui du courrier d'Harlem, dont Descartes semble se servir pendant cette période (p. igi, l. 77), la présente lettre est au plus tôt du 1 5 Juin, au plus tard du 6 Juillet. La date du 2g Juin nous a paru la plus probable.

Mon Reuerend Père, l'ay vu ce qu'il vous a pieu me communiquer des

�� � 111,336. CXXVI. — 29 Juin i6j6. 175

lettres que M' de Fermât vous a efcrites^; & première- ment, pour ce qu'il dit auoir trouué des paroles plus aigres en mon premier papier qu'il n'en auoit attendu, ie le fupplie tres-humblement de m'excufer, & de 5 penfer que ie ne le connoiflbis point, mais que, fon De maximis me venant en forme de cartel de celuy qui auoit défia tafché de réfuter ma Dioptrique auant mefme qu'elle fuft publiée, comme pour l'étouffer auant fa naiffance, en ayant eu vn exemplaire que ie n'auois

10 pas enuoyé en France pour ce fuiet, il me femble que ie ne pouuois luy refpondre auec des paroles plus douces que i'ay fait, fans tefmoigner quelque lafcheté ou quelque foibleffe. Et comme ceux qui fe deguifent au carnaual ne s'offencent point qu'on ferie du mafque

1 5 qu'ils portent & qu'on ne les falue pas lorfqu'ils paf- fent par la rue, ainfy qu'on feroit s'ils eftoient en leurs habits accouftumez, il ne doit pas, ce me femble, trouuer mauuais que i'aye refpondu a fon efcrit tout autrement que ie n'aurois fait a fa perfonne, laquelle

20 i'eftime & honore comme fon mérite m'y oblige. Il eft vray que ie m'eftonne extrêmement, non pas de ce qu'il approuue les raifons de M'^ de Pafcal & de Roberual, car la ciuilité ne luy permet pas de faire autrement, & en eflfed ie ne fçache point qu'on en puft donner

25 de meilleures pour le fuiet, mais de ce que, n'y en adiouftant aucunes autres, il veut fuppofer que celles

10 pas] point. — 22 de ont. av. Pakal.

a. Lettre perdue, écrite probablement en mai i638, lorsque Fermât eut, pour la première fois, communication de la lettre XCIX de Descartes (t. I, p. 486).

b. Voir 1. 1, p. 354-355.

�� � 176 Correspondance. 111,336-337.

la m'ont pleinement perfuadé, & fe feruir de cete rai- fon pour s'abftenir d'enuoyer la tangente de la ligne courbe que ie lui auois propofée^ Car i'ay affez tef- moigné par toutes mes lettres qu'ils n'auoient refpondu direâ:ement a aucune de mes obieélions, & que de s'a- 5 mufer a difputer fi la ligne E B doit eflre nommée abfolu- mentlaplus grande, ou bien feulement fous condition, ce n'eft pas prouuer que la règle qui enfeigne a trouuer cete plus grande foit bonne ; & enfin que ce n'eft; pas vn tefmoignage de la bonté de cete règle, que de dire 10 qu'elle ne reuflit pas en cete exemple, qui efl; l'vnique raifon qu'ils en ont donnée. Et pour tous les autres exemples que vous m'auez mandé a diuerfes fois vous auoir efté enuoyez par M"^ de Fermât, encore qu'ils fuffent vrais, ce que ie fuppofe, puifque ie ne les ay i5 point veus, ils ne peuuent prouuer que la méthode foit généralement bonne, mais feulement qu'elle reuflit en certains cas, ce que ie n'ay iamais eu intention de nier, au moins pour fa règle ad inueniendani maximam; car pour la façon dont il cherchoit la tangente de la Para- 20 bole, fans confiderer aucune propriété qui luy fufl: fpecifique, i'ay conclu, comme ie deuois, que/emper fallit ifta methodus^. Et la glofe qu'il y adioufte en cete dernière lettre, ie rapportant a ce que i'ay dit par mes précédentes deuoir y eftre corrigé, monfl;re ailez qu'il 25 auoue tacitement que i'ay eu raifon auffy bien en cela qu'au refte, a quoy il ne repond rien du tout. De façon que la ciuilité m'obligeroit a n'en parler plus, & a ne

a. Lefolium de Descartes. Voir t. I, p. 490, 1. 22 et suiv.

b. Lettre XCIX, t. I, p. 489, Lu.

c. Lettre CXXII ci-avant, p. 127.

�� � 111,337-338. CXXVI. — 29 Juin i6jS. 177

le point preffer dauantage fur ce fuiet, n'eftoit que, nonobftant cela, il alTure au mefme lieu que fa Méthode eft incomparablement plus fimple, plus courte & plus aifée que celle dont i'ay vfé pour trouuer les tan-

5 gentes ; a quoy ie fui& obligé de refpondre que i'ay donné, en mon premier efcrit & aux fuiuans, des rai- fons qui monflrentle contraire, & que, ny luy ny fes defenfeurs n'y ayant rien du tout refpondu, ils les ont affez confirmées par leur filence ; de façon que, fi la

10 vérité ne l'offenfe point, ie croy pouuoir dire, fans blaf- pheme, qu'il fait tout de mefme que fi, ayant efté ietté a terre par quelqu'vn, & n'ayant pas mefme encore peu fe I releuer, il fe vantoit d'eftre plus fort & plus vail- lant que celuy qui le tiendroit renuerfé.

i5 Au refte, encore qu'on reçoiue fa règle pour bonne eftant corrigée, ce n'eft pas a dire qu'elle foit fi fimple ny fi ayfée que celle dont i'ay vfé, fi ce n'eft qu'on prene les mots de fimple & aifée pour le mefme que peu induftrieufe, en quoy il eft certain qu'elle l'em-

20 porte, a caufe qu'elle ne fuit que la façon de prouuer qui reduift ad abfurdum, comme i'ay auerti des mon premier efcrit^ ; mais fi on les prent en vn fens con- traire, il en faut pour mefme raifon iuger le contraire. Et pour ce qui eft d'eftre plus courte, l'expérience s'en

2 5 pourra faire en l'exemple de la tangente que ie luy auois propofée, fi tant eft qu'il vous l'enuoye, ainfy qu'il oftre de faire ; car moy vous l'enuoyant aufi"y au mefme tems, vous pourres voir lequel de nos deux

12 pu encore. — 23 pour] par. — 27 au] en. — 28 deux om.

a. Lettre XCIX, t. I, p. 490, 1. 5-6.

Correspondance. II. 33

�� � 1/8 Correspondance. 111,338-339.

procédez fera le plus court. Et affin qu'il n vfe plus d'aucune excufe pour ne la point enuoyer, vous l'affu- rerez, s'il vous plaifl, que ie maintiens toufiours, comme deuant, que ny cete tangente ny vne infinité d'autres femblables ne peuuent eftre trouuées par fa 5 méthode, & qu'il ne doit pas fe perfuader que ie change d'auis lorfque ie l'auray mieux comprife ; car ie ne croy pas la pouuoir iamais entendre mieux que ie fais. Et ie puis dire auec vérité que ie l'ay fceue vingt ans deuant que d'auoirveu fon efcrit, bien que ie ne m'en fois iamais 10 eftimé beaucoup plus fçauant, ny n'aye creu qu'elle meritaft tant de louanges qu'il luy en donne. Mais ie ne crains pas que ceux qui voudront iuger de la vérité par les prennes, ayent aucune peine a connoiftre lequel des deux l'entend le mieux, ou celuy qui l'a i5 imparfaitement propofée & qui l'admire, ou bien ce- luy qui a remarqué les chofes qui deuoient y eftre adiouftées pour la rendre bonne, & qui n'en fait qu'au- tant d'eftat qu'elle mérite.

le n'adioufte rien dauantage, a caufe que ie ne 20 defire point aufTy continuer cete difpute ; & û i'ay mis icy ou ailleurs quelque chofe qui ne foit pas agréable a M' de Fermât, ie | le fupplie très humblement de m'en excufer, & de confiderer que c'eft la neceffité de me deffendre qui m'y a contraint, & non aucun deffein 25 de luy déplaire. le le fupplie aufly de m'excufer de ce que ie ne refpons point a fes autres queftions ; car comme ie vous ay mandé par mes précédentes^, c'eft

8 mieux entendre. — 10 bien... fois] fans m'en eftre. — 11 ny n'aye] & fans auoir.

a. Lettre CXXIV, ci-avant p. 167-168.

�� � 111,339. CXXVI. — 29 Juin 16^8. 179

vn exercice auquel ie renonce entièrement. Outre que, voyant qu'il vous mande que ie n'ay pas pleinement fatisfait a fon theorefme de nombres^, bien qu'il n'y ait rien a dire, finon que i'ay négligé de pourfuiure a 5 l'expliquer touchant les fradions après l'auoir expli- qué touchant les entiers, a caufe qu'il m'a femblé trop facile pour prendre la peine de l'efcrire, ie crains que ie ne pourrois iamais luy fatisfaire plenement en au- cune chofe. Mais pource qu'il dit que cela mefme que

10 i'ay omis comme trop ayfé, eft très difficile, i'en ay voulu faire l'efpreuue en la perfonne du ieune Gillot, lequel, m'eflant venu voir icy depuis deux iours, s'y eft rencontré fort a propos pour ce fuiet. le luy ay donc fait voir la refponfe que i'auois faite a ce theo-

i5 refme de M' Fermât, &luy ay demandé fi, de ce que i'auois demonftré touchant les nombres entiers, il en pourroit déduire le mefme touchant les rompus; ce qu'il a fait fort ayfement, & l'a efcrit dans vn papier que ie vous enuoye, affin que vous connoiffiez par fon

20 ftile que c'eft vne perfonne qui n'a iamais efté norri aux lettres, qui a refolu cete grande difficulté, & ie vous iure que ie ne luy ay aydé en aucune façon.

le luy ay fait auify chercher la queftion que M de Fermât propofe a M'" de S'^ Croix & a moy, qui eft de

2 5 trouuer trois triangles redangles defquels les aires, eftant prifes deux a deux, compofent trois nombres qui foient les coftez d'vn triangle rédangle, & il en a

3 de] des. — 8 luy] le. — 1 5 Monfieur de Fermât. — 20 norri] nourry.

a. Dans la lettre CXIX ci-avant, p. 91-93.

b. Ce problème ne se retrouve pas dans les Œuvres de Fermât,

�� � i8o Correspondance. 111,339-340.

trouué lafolution en façons infinies. Car, pour exem- ple, il donne le triangle dont les coftezfont ^, ^, ^, & Taire eft 7 ; puis celuy dont les coftez font |, ~, ^, & Taire eft 14, auec celuy dont les coftez font ï2jI,^,&. Taire eft 21. Car ces trois aires, 7, 14, 21, prifes deux 5 a deux, font 21, 28 & ^5, qui font les coftez d'vn triangle | redangle femblable a celuy dont les coftez font }, 4, 5, qui eft le plus fimple qu'on puifte faire. Il a donné auffy les aires 15, jo, 45, lefquelles, prifes deux a deux, compofent vn triangle femblable 10 au précèdent. Item les aires 14, 21, 70, qui compofent vn autre triangle femblable a celuy dont les coftez font 5, 12, ]j. Les aires 22, jj, 1 10, font aufl'y le fem- blable, & les aires }0, 4^', 1^0. Item, les aires ^9, 65, 1^6, en compofent vn femblable a celuy dont les i5 coftez font 8, 15, 17. Et les aires 126, 210, 504, & les aires ^^o, ))0, i}20, font aufl'y le mefme. Et enfin les aires jjo, 440, 2^10, en compofent vn femblable a celuy dont les coftez font 7, 24 & 2^. le croy que ces neuf exemples fuffifent pour monftrer qu'il en peut 20 aifement trouuer vne infinité ; c'eft pourquoy il n'a point défi ré que ie vous enuoyaflî'e fa règle.

le luy ay dit aufly qu'il cherchaft les centres de gra- nité de quelque figure, a caufe que M' de Fermât a defiré qu'on m'en propofaft quelques vns ; & ayant 25 choifi celuy du conoide qui a pour baze vn cercle & eft defcrit par vne parabole qui tourne autour de fon aiflTieu, a caufe que vous m'auez mandé en quelqu'vne de vos précédentes que le mefme vous a efté enuoyé

1 façons infinies] vne infinité de façons. — pour] par.

�� � m, 340-34'- CXXVI. — 29 Juin 1638. 181

par M' de Fermat% il a trouué que le centre de grauité de ce cors diuife fon aiffieu en trois parties égales, en forte que la diftance depuis ce centre iufques au fom- met de ce conoide eft double de celle qui eft depuis

5 ce mefme centre iufques a la bafe, N'eftoit que Gillot doit partir d'icy demain matin, ie luy en ferois encore chercher d'autres, car il les peut trouuer tous, autant qu'ils font trouuables, auec affez de facilité. Mais pource qu'il ira peut eftre a Paris dans quelque tems,

10 i'ayme mieux qu'il attende iufques a ce qu'il y foit, tant affin de n'eftre point icy obligé de luy ayder, qu'afïin qu'on puiffe voir qu'il n'a point en cela befoin de mon ayde.

le luy ay auffy propofé la quatriefme queftion de

i5 M' de S'^ Croix, qui ejîde trouuer deux nombres, chafcun de/quels, comme aujfy lafomme de leur ciggregat, ne confie que de trois tetragones^ ^ a caufe que vous me mandez que I c'eft celle qui a femblé a M' de Fermât la plus difficile. Mais il n'a fceu, non plus que moy, y trouuer

20 fi grande difficulté, ny iuger qu'elle fe doiue entendre en autre fens que celuy auquel ie l'ay refoluë, & au- quel il pourroit auffy la refoudre en d'autres façons, fi ce n'eft peut eftre qu'on entende que chafcun des nombres demandez foit tellement compofé de trois

25 tetragones, qu'il ne puiffe eftre diuifé fans fraftion en trois autres tetragones. Mais encore en ce fens-la il la peut aifement refoudre, & en vne infinité de façons, comme il a monftré par les neuf exemples fuiuans,

8 ils font trouuables] il eft poffible. — 16 confié] foit.

a. Lettre CXXI, p. 120 ci-avant.

b. Lettre CXXIV, p. 166-167 ci-avant.

�� � i82 Correspondance. ni, 341.

chafcun defquels y fatisfait : ^, 19, 22 ; & j, 43, 46; &6, 24, 3o;&6,42,48;&ii, 19, 50; &ii,24, 35;& II, j 5, 46; & 11,46, 57; &22, 55, 57. Car on ne peut diuifer 22 qu'en trois tetragones, qui font 9, 9, 4; ny 3 5 qu'en trois autres, qui font 25,9, i ; ny enfin leur 5 aggregat 57 qu'en trois, qui font 49, 4, 4; & ainfy des autres. Mais en voyla affez pour cet article.

le paffe maintenant a la Geoflatique^, laquelle i'ay enfin receue, & bien que ce foit vn efcrit dont les fautes font fi grofîieres qu'elles ne fçauroient fur- 'o prendre perfonne, & qui pour ce fuiet doiuent eftre plutoll mefprifées que contredites, toutefois, puifque vous defirez en fçauoir mon opinion, ie la mettray icy en peu de mots.

le n'ay trouué en tout ce beau Hure in folio qu'vne 1 5 feule propofition, bien que Fautheur en conte i j ; car, pour les trois premières & la dixiefme, ce ne font que des chofes de Géométrie fi faciles & fi communes, qu'on ne fçauroit entendre les elemens d'Euclide fans les fçauoir ; les 5, 6, 7, 8, & 9 & onziefme ne font que 20 des fuites ou des répétitions de la quatriefme, lef- quelles ne peuuent aucunement eftre vrayes, fi elle ne l'eft; pour la 7, la 12 & la 13, il eft vray qu'elles ne dépendent pas ainfy de cete quatriefme, mais pource que l'autheur s'en fert pour tafcher de les prouuer, & 25 mefme qu'il ne fe fert pour cela que d'elle feule, & que d'ailleurs elles ne font, non plus que les autres, d'aucune importance, elles ne doiuent point eftre

I : 43] 45. — 7 Mais... ar- — & oin. av. 9. — 22 aucune- ticle om. — 20 : 7] lire & (?). ment om.

a. Voir tome I, p. 36 1, note a.

�� � m, 34I-34Î. CXXVI. — 29 Juin i6j8. i8j

contées. Si bien qu'il ne refte que la quatriefme toute feule a confiderer, & elle a defia eflé fi bien refutée par I M'" de la Broffe, qu'il n'efl pas befoin d'y rien adioufler : car, de 5 ou 6 fautes qu'il y remarque, la 5 moindre ell fuffifante pour faire voir que le raifonne- ment de cet autheur ne vaut rien du tout. Et i'eu grand tort l'année pafTée, en voyant cete réfutation de M"" de la Broffe fans auoir vu le liure qu'il refutoit, de ne la pas approuuer^. Mais la feule raifon qui m'en

10 empefcha fut que ie ne pouuois m'imaginer que les chofes qu'il reprenoit fuffent fi abfurdes qu'il les repre- fentoit; & ie me perfuadois qu'il exaggeroit feulement quelques omiffions ou fautes commifes par inaduer- tance, & qu'il ne touchoit point aux principales rai-

i5 fons de l'autheur; mais ie voy maintenant que ces principales raifons, que ie fuppofois deuoir eflre en ce beau liure, ne s'y trouuent point. Et bien que i'aye vu beaucoup de quadratures du cercle, de mouuemens perpétuels, & d'autres telles demonflrations preten-

20 dues qui efloient fauffes, ie puis toutefois dire auec vérité que ie n'ay iamais vu tant d'erreurs iointes enfemble en vne feule propofition. Dans les paralo- gifmes des autres, on a couftume de ne rien rencontrer a l'abord qui ne femble vray, en forte qu'on a de la

25 peine a remarquer, entre beaucoup de veritez, quelque petit meflange de fauffeté, qui eft caufe que la conclu- fion n'efl pas vraye ; mais icy, tout au contraire, on a de la peine a remarquer aucune vérité fur laquelle cet

17 ce] fon.

a. Voir tome I, p. 391, 1. 27,

�� � i84

��Correspondance.

��m, 342-343.

��autheur ait appuie fon raifonnement, & ie ne fçau- rois deuiner autre chofe qui luy ait donné occafion d'imaginer ce qu'il propofe, finon qu'il s'efl equi- uoqué fur le mot de centre, & qu'ayant oui nommer le centre d'vne balance aufTy bien que le centre de la terre, il s'efl figuré que ce qui eftoit vray au re- gard de l'vn, le deuoit eftre aufîy au regard de l'autre, . L^ par confequent que, comme

O ' O en la balance F G D le poids D

F G D /• j, 11

"^ peie d autant moins que le poids

F qu'il eft moins efloigné que luy du centre G,|ainfy en gênerai, dans le monde, chafque cors pefe d'autant moins ou d'autant plus qu'il eft plus proche ou plus efloigné du centre de la terre. Et cete viiion luy a femblé ù. belle qu'il s'eft fans doute imaginé qu'elle eftoit vraye ; mais afiin de la faire mieux receuoir par les autres, il a voulu l'ha- biller a la guife d'vne demonftration de Mathématique, & a cet efFed il a choifi cete figure, en laquelle A reprefente le centre du monde, G celuy d'vne ba- lance dont F, D font les deux bras, puis mettant vn poids au point F, & vn autre attaché au point D, qui pend plus bas iufques au point E, il s'eft efforcé de prouuer que ce poids E pefe d'autant moins qu'il eft plus proche du centre de la terre. En quoy il a commis les fautes fuiuantes :

I . La première eft qu'encore qu'il fuft vray qu'vn

���16 eftoit] eft. — 18 de oui. — 22F,D]GF&GD. — 29:io?«/5,

��10

��i5

��20

��25

��ainsi que tous les chiffres qui nu- mérotent les alinéas suivants, 2,

�� � m, 343-344. CXXVI. — 29 Juin ï6jS. 185

poids ainfy pofé pefaft moins au regard des autres poids qui luy feroient oppofez dans cete balance, il ne s'enfuit aucunement pour cela qu'il deuft pefer moins, eftant confideré tout feul hors de la balance. 5 2. La féconde eft qu'il fe fert de ce qu'ont dit Ar- chimede, Pappus, &c., touchant le centre de grauité, a fçauoir que celuy de deux cors pefans ioins enfemble diuife la ligne droite qui conioint leurs centres en raifon réciproque de leurs pefanteurs ; bien que cela

10 ne puifle eftrè vray, ny n'ait iamais efté pris pour tel par Archimede ny par aucun autre qui ait tant foit peu d'intçlligence des Mechaniques, qu'en cas qu'on fuppofe que les cors pefans tendent en bas par lignes parallèles & fans s'incliner vers vn mefme point ; au

1 5 lieu que, pour fon deffein, il faut fuppofer très expref- fement le contraire, a caufe que tout fon raifonnement n'eft fondé que fur la confideration du centre de la terre. Et il a | rendu cete faute inexcufable en ce qu'il a tafché de l'excufer, fans apporter pour cela autre

20 raifon, finon qu'il nie qu' Archimede ait fuppofé, dans les liures de œqueponderantibus ^ que les cors pefans defcendent par lignes parallèles; car il monftre par la qu'il n'entend rien, ny dans Archimede, ny en gênerai dans les Mechaniques.

2 5 j . Sa troifiefme faute paroift en ce que, fi fa propo- fition elloit vraie, ce qu'il dit du centre de grauité feroit faux, & ainfy il ne peut aucunement s'en feruir pour la prouuer. Car, par exemple, fi les poids F c& D

3, 4, 5, 6, 7 et 8; ils sont écrits d'autre. — 21 yEquiponderan-

eti marge dans l'autographe. — tibus. — 22 après par] des aj. i3 florès par] des aj. — 19 autre]

Correspondance. II. 24

�� � i86

��Correspondance.

��m, 344-345.

���font égaux, leur commun centre de grauité fera, félon Archimede, au point G, qui diuife la ligne F D en parties égales ; au lieu que, félon cet autheur, quand le poids D eft plus proche du centre de la terre que le poids F, ce centre de grauité doit eftre entre F & G; et quand il en est plus éloigné, ce centre doit élire entre G&D.

4. Sa quatriefme faute confifte en ce qu'ayant fuppofé le poids I eftre au poids B, lorfqu'ils font a pareille diftance du centre de la terre, comme la ligne E H eft a F H, il ne les met pas a pareille diftance, mais a vne diftance fort diuerfe, a fçauoir l'vn au point F, & l'autre au point E ; puis fuppofe que le point H eft leur centre de grauité, tout de mefme que s'ils eftoient a égale dif- tance. Et ainfy, pour prouuer que ce changement de diftance change la pefanteur, il fupjpofe qu'il ne la change point, & fe contrarie a foy mefme. ç . La cinquiefme eft qu'il appuie tout fon raifonne- ment fur ce que le point F eft en fa figure plus éloigné du centre de la terre A que n'eft le point E, en forte que, fi on l'en fuppofe plus proche, & qu'on reçoiue tout le refte de fon difcours comme vray, on en concluera tout le contraire de ce qu'il conclud;*& toutefois en

17 après puis] il aj.

a. Ces poids I et B sont ceux qui sont supposés suspendus, I en F, et B enD.

���10

��20

��25

�� � 111,345- CXXVI. — 29 Juin 1638. 187

conftruifant fa figure, il laifle expreffement la liberté d'y faire la ligne A F de telle grandeur qu'on vou- dra. Ce que M' de la BrofTe a fait voir fort claire- ment & fort véritablement par fes quatre figures 5 diuerfes.

6. La fixiefme faute eft que, faifant conceuoir la ligne F D comme vne balence dont le centre eft G, & mettant vn poids au point F, & vn autre au point E, qui pend du point D, il cherche le centre de grauité de

10 ces deux poids en la ligne E F, comme s'ils eftoient Amplement ioins enfemble par cete ligne. En quoy il tefmoigne deux ignorances très grandes. Car, en pre- mier lieu, le poids qui pend du point D iufques a E, en forte que l'angle G D E peut changer a mefure que

i5 la balance incline de part ou d'autre, ne pefe en cete balance qu'autant qu'il tire le point D, & ainfy n'eft oppofé au point F que fuiuant la ligne F D, & non fuiuant la ligne FE. Puis, en fécond lieu, bien qu'il fuppofaft que la ligne D E fuft fermement iointe a la

20 ligne G D, en forte que l'angle G D E ne puft fe chan- ger, toutefois, a caufe du point G qui, eftant le centre de la balance, doit eftre fixe, le centre de grauité des deux poids, l'vn en F & l'autre en E, doit eftre tout autre que s'ilz n'eftoient point confiderez en vne

25 balance. Et il monftre en cecy qu'il n'a pas plus de connoiflance de laftatique, dont il efcrit, qu'vn aueugle en a des couleurs.

7. Au refte, après auoir ainfy fort vaillanment de- monftré fa propofition, il tafche a la confirmer par des

3o authoritez, dont l'vfage eft ridicule en telles matières, & qui eftant, fans doute, faufl'es & defauouées par

�� � i88 Correspondance. ni, 345-346.

ceux qu'il cite, lefquelsj font encore viuans*, il tef- moigne en cela qu'il n'a pas moins d'impudence & d'effronterie que d'ignorance.

8. Puis, en fuite de cela, comme pour refpondre aux obiedions qu'on luy peut faire, il entreprend de 5 réfuter l'opinion de ceux qui tienent que la pefanteur des cors, qui font dans vne balance, doit fe mefurer par la grandeur des perpendiculaires tirées du centre de cete balance vers les lignes fuiuant lefquelles ces poids tendent a defcendre, & ce par trois diuerfes 10 abfurditez qu'il en déduit^ mais qui différent autant l'vne de l'autre qu'vn bonnet blanc diffère d'vn blanc bonaet. Car la première eft que les poids B & C, eftant foutenus par le point D (en fa figure de la page 11), feroient en équilibre; la féconde, qu'eflant foutenus i5 par le point E, ils ne feroient pas en équilibre; & la troifiefme, qu' eftant ainfy foutenus par le point E, le poids qui feroit vers B feroit plus pefant que l'autre. Or pour prouuer que cete confequence, ainfy déguifée en trois plats, eft abfurde, il n'allègue rien du tout 20 que la fuppofition d'Archimede & de Pappus touchant le centre de grauité, laquelle il diuife auffy en trois plats, & qui, comme i'ay defia dit, ne peut eftre vraie

I -3 tefmoigne. . . ignorance] uent. — 14 fa] la. — 16 feroient]

fait voir par là qu'on ne doit pas feront. — 2J & om. — aprcs

adjoùtcr beaucoup de foy à ce Pappus] &c. aj. — 22 diuife]

qu'il écrit. — 6 tienent] trou- deguife.

a. On trouve, dans la Geostatice, p. lo, le nom suivant : « Abbas Bette- dictus Castelli, Summi Pontificis Mathematicus. »

b. Descartes recommandera plus tard de substituer à ces mots le texte que Clerselier a imprimé. Voir ci-après la lettre du 27 juillet i638 (Clers., 111,373).

�� � qu’en tant qu’on fuppofe que les cors pefans tendent en bas par lignes parallèles, au lieu que toute cete queftion n’eft fondée que fur ce qu’ils n’y tendent pas; et mefme tout ce qu’il cite là d’Archimede & de Pap-

5 pus ne peut eftre vray, que fa prétendue propofition ne foit fauffe.

Ainfy ie puis dire, pour conclufion, que tout ce que contient ce Hure de Geoftatique, eft fi impertinant, fi ridicule & fi mefprifable% que ie m’eftonne qu’aucuns

10 honneftes gens ayent iamais daigné prendre la peine de le lire, & i’aurois honte de celle que i’ay prife d’en mettre icy mon fentiment, fi ie ne l’auois fait a voftre femonce. le fçay bien que vous ne me l’auez aufly de- mandé qu’a deffein de me faire dire mon opinion de la

i5 matière qu’il traite, & que vous ne vous fouciez pas beaucoup de la façon dont il la traite; mais c’eft vn fuiet qui mérite bien | que i’y employé quelqu’vne de mes meilleures heures, au ’.eu que ie n’en ay donné a cetuy-cy qu’vne de celles que ie voulois perdre. C’eft

20 pourquoy i’ayme mieux vous l’enuoyer feparement au prochain voyafge; aufly bien ay-ie encore icy beau- coup d’autres chofes a vous efcrire.

2 après par] des aj. — 5 propofition] demonftration. — 8-9 impertinant. . . mefprifable] peu de chofe. — 9 qu’aucuns] que des. — i3 femonce] prière, — 19 cetuy] celuy. — 22 efcrire] Dernier mot de l’autographe.

a. Ici Descartes a recommandé, plus tard, de supprimer les expressions si impertinent et si ridicule. Clerselier a, de plus, adouci le terme si méprisable. Voir lettre du 27 juillet ci-après (Clers., III, 374). ipo Correspondance. ii, 38o.

(Clers.. II, 38o.)

l'ay mis dans les deux feuillets precedens ce que i'ay crû que vous pourriez faire voir à d'autres, & ay referué le relie pour cetuy-cy, où i'ay à vous dire, tou- chant M. (Roberual) & vos autres Géomètres, que ie fuis fi las & û peu fatisfait de leur conférence, & que 5 ie remarque fi peu de fonds & tant de vanterie en leur fait, que ie feray bien aife de n'auoir plus du tout de communication auec eux, bien que ie n'aye pas voulu le mettre ouuertement dans l'autre feuille de ma lettre, afin de ne les point offenfer. Et pour la pièce *, lo ie vous jure que ie l'ay trouuée encore plus imperti- nente que ie n'ay fceu l'écrire, en forte que ie m'é- tonne que cet homme puifle pafler entre les autres pour vn animal raifonnable. Au refte, i'ay à vous dire que mon Limoufin eft enfin arriué, il y a déjà huit ou i5 dix iours, & qu'il m'a apporté la Geoftatique auec la Lettre que vous m'auez écrite par luy, en laquelle vous auez mis vn raifonnement de M. F(ermat) pour prouuer la mefme chofe que le Geoftaticien, Mais foit que vous ayez obmis quelque chofe en le décriuant, 20 foit que la matière foit trop haute pour moy, il m'eft impoflible d'y rien comprendre, finon qu'il femble tomber dans la faute du Geoftaticien, en ce qu'il con-

I En tête : Au R. P. Mer- gissait d'utte lettre toute diffé- fenne. Lettre LXXXVIII. Mon rente). — 4 (Roberual;] N. Reuerend Père, [comme s'il s'a-

a. La pièce CXX ci-avant, de Roberval.

b. Sans doute la Propositio Geostatica Dotnini de Fermât, mai i636 {Œuvres de Fermât, t. II, ?• 6).

�� � Il, 380-381. CXXVI. — 29 Juin i6}8. 191

fidere le centre de la terre ainfi que fi c'efloit | celuy d'vne balance, ce qui eft vne très grande méprife. Vous mettez auffi, à la fin de cette lettre, que M. des Argues vous auoit donné quelque papier pour m'enuoyer, 5 touchant quelques difficultez qu'il trouue en l'intelli- gence de ma Géométrie; mais ie ne l'ay point receu, & toutefois l'en euffe efté tres-aife, afin de pouuoir prendre cette occafion de luy témoigner combien ie l'eflime, & combien ie me refifens fon obligé.

10 le pafife à trois autres de vos lettres,, l'vne dattée de la veille de la Pentecofl;e =", l'autre 'du trentiefme May, & l'autre du cinquiefme luin, lefquelles i'ay receuès toutes trois cette femaine, & ie croy que cela vient de ce qu'elles paiTent par Leyde, où elles demeurent

i5 quelques iours auant qu'ils ayent commodité de me les enuoyer; c'efl; pourquoy ie feray bien aife, s'il vous plaift, que vous les addrefliez dorefnauant à Haerlem, au logis de M. Blœmard. C'efl; vn Preflire, grand amy de M. Bannius, qui ne manquera pas de me les faire

20 tenir promptement; car il faut pafifer par Haerlem pour venir de Leyde où ie fuis.

Vous me demandez fi les Efl;rangers m'ont fait de meilleures objeélions que les François, à quoy ie vous diray que ie n'en conte aucunes que i'aye receu

25 de France, finon celles de M. Morin . Car pour le fieur (Petit) % il a monftré feulement qu'il vouloit contre- dire fans rien entendre en la matière qu'il attaquoit; &

26 (Petit)lN.

a. La veille de la Pentecôte, en i638, fui le 22 mai.

b. Lettre CVIII du 22 février, t. 1, p. 536.

c. Voir plus haut p. 144, 1. i3.

�� � finon qu’il ne s’eft principalement eftendu que fur ce que i’ay écrit de l’Exiftence de Dieu, i’auois refolu de faire vn eflay de raillerie en luy répondant ; mais pour- ce que cette matière eft trop ferie\]fe pour la mefler par- my des mocqueries, il en fera quittq à meilleur mar- 5 ché. le fçay que ce qui fait que M. (Fermât)* l’eftime, eft feulement que la matière qu’il traitte luy agrée ; mais ie vous afTure que ie les eftime fort peu, & l’vn & l’autre. Pour les Eftrangers, Fromondus, de Louuain, m’a fait diuerfes objeftions affez amples; & vn autre, 10 nommé Plempius% qui eft ProfefTeur en Médecine, m’en a enuoyé touchant le mouuemertt du Cœur, qui, ie croy , contiennent tout ce qu’on me pouuoit objeder fur cette matière. De plus, vn autre, auifi de Louuain, qui n’a point voulu | mettre fon nom, mais qui, entre nous, 1 5 eft lefuite’*, m’en a enuoyé touchant les couleurs de l’Arc-en-Ciel. Enfin quelqu’autre de la Haye^ m’en a enuoyé touchant diuerfes matières : c’eft tout ce que i’en ay receu iufques à prefent. I’ay beaucoup d’obli- gation à M. d’Igby de ce qu’il parle fi auantageufe- 20 ment pour moy, comme vous me mandez; mais ie vous assure que i’aime beaucoup mieux me vanger de ceux qui médifent de moy, en me mocquant d’eux, qu’en les battant; car il m’est plus commode de rire que de me fâcher. 25

I fmon] n’eût efté (Iitst.). — ne et que barrés [id.). — 6 (Fermât)] N.

a. Voir p. 32-33 ci-avant, éclaircissement.

b. Lettre LXXXVI du i3 sept. 163;. t. I, p. 402.

c. Lettres C et CXV, t. L p. 496, et t. H, p. 52.

d. Ciermans. Lettre CXVL P- 55.

e. Lettre CIV, t. I, p. 5 11. H, 383. CXXVI. — 29 Juin i6j8. 195

Pour M. (Fermât), fon procédé me confirme entière- ment en l'opinion que i'ay eue dés le commencement, que luy & ceux de Paris auoient confpiré enfemble, pour tâcher à decrediter mes Ecrits le plus qu'ils pour- 5 roient; peut eftre à caufe qu'ils ont eu peur que, fi ma Géométrie eftoit en vogue, ce peu qu'ils fçauent de l'Analyfe de Viete ne fuft méprifé : comme, en effet, ie penfe connoiftre maintenant la portée de leurs efprits, & ie ne doute point qu'il n'y en ait plufieurs autres,

10 qui pourront aller beaucoup plus loin qu'eux, lors qu'ils auront vn chemin ouuert qui ne fera pas moins bon que le leur. l'admire qu'ils ofent encore fe vanter deuant moy; car ie ne fçache pas auoir obmis à leur répondre diredement à aucune chofe qu'ils m'ayent

i5 objeélée ou propofée; & eux, au contraire, ne m'ont iamais répondu à aucune, mais ont feulement changé de difcours, & parlé de chofes hors de propos. le feray bien aife de fçauoir fi les réponfes de M. (Fer- mat) ont fatisfait dauantage Monfieur de Sainte Croix

20 que les miennes ; mais pour moy, ie trouue plaifant que de quatre queftions, n'y en ayant qu'vne qu'il refoud à peine, en donnant vn nombre qui y fatisfait*, il ne laifife pas de faire des brauades fur ce fujet, difant qu'il ne fe contente pas de foudre ces queftions à la

2 5 mode de Monfieur de Sainte Croix, &c., & en propofe vne autre toute femblable, & mefme qui efl bien plus aifée. Pour ce qu'il dit que ie n'ay pas fatisfait à la

I (Fermât)] N. (de même 18-19).

a. Voir plus haut, p. 168-169, éclaircissement. Descartes ne paraît pas compter la question V comme de Sainte-Croix. Celle dont il parle ici doit être la question II.

Correspondance. II. 2 5

�� � 10

��194 Correspondance. n, 38î-383.

queftion de nombre*, il ne s'accorde pas auec Monfieur Rob(erual) qui, à ce que vous m'auez dit cy-deuant, n'eftimoit pas M. de (Fermât) pour auoir trouué la de- mon|ftration de ce Théorème, mais pource qu'il s'en eftoit auifé le premier : car il dit, au contraire, que Monfieur Bachet, fur Diophante, auoùe n'en fçauoir point la demonftration, & ainfi Monfieur Bachet s'en efl;oit donc auifé auant luy. Mais il leur eft permis de fe vanter; pour moy, ie commence à me laflTer de leur conférence, & vous fupplie de m'en déliurer autant qu'il fe pourra faire ciuilement.

Voftre dernière Lettre ne contient que des obferua- tions fur le liure de Galilée'^, aufquelles ie ne fçaurois répondre, pource que ie ne l'ay point encore vu ; mais fi tofl; qu'il fera en vente, ie le verray, feulement afin i5 de vous pouuoir enuoyer mon Exemplaire apoftillé, s'il en vaut la peine, ou du moins vous en enuoyer mes obferuations.

Gillot eft tout refolu d'aller à Paris, en cas que ie luy confeille, & fi la condition de Monfieur de Sainte 20 Croix ou quelqu'autre vous femble propre pour luy, ie luy confeilleray.

le feray bien aife que vous preniez copie de ce que i'ay écrit à Monfieur Mydorge, touchant les objec-

3 (Fermât)] N.

a. Probablement une de celles dont il est parlé p. 94, 1. 19.

b. Livre IV, prop. 3i? Cf. Œuvres de Fermât, t. I, p. 3o5, et t. II, p. 65-66.

c. Discorsi e dimostra\ioni matematiche , intorno à due nuove science attenenti alla mecanica et i movimenti locali, del signor Galileo Galilei Linceo, etc. (In Leida, appresso gli Elsevirii, i638, in-4). Epitre dédica- toire du 6 mars i638.

�� � 5

��II, ?s3-384. CXXVI. — 29 Juin 16^8. 19^

tions de Monfieur F(ermat) ", & ie m'affure qu'il ne la refufera pas, s'il l'a encore ; & s'il ne l'a plus, ie vous la pourray enuoyer, car i'en ay retenu vne.

Réponfe du fieur Gillot au Théorème auquel Monfieur (Fermât) a l'ugé que ie n'auois pas fatisfait.

��Ayant eflé demonftré qu'aucun des nombres qui font d'vne vnité moindres que ceux qui font diuifibles par 4, ne peut eftre compofé de deux nombres quarrez entiers, il refte à prouuer que le mefme ne peut eftre

10 compofé de deux nombres quarrez rompus. Et pour ce faire, il faut confiderer que, s'il eftoit poffible, il faudroit que tant les Numérateurs que les Nomina- teurs de ces fraélions fuffent | des nombres quarrez, & par confequent auffi le Nominateur de leur fomme ;

1 5 & par mefme raifon il faudroit auffi que le Numérateur de cette fomme fuft compofé de deux nombres quar- rez. Or cela eft impoffible : car le Nominateur de cette fomme eftant vn nombre quarré, il fera impair ou pair ; s'il eft impair, il excédera d'vne vnité vn nombre

20 diuifible par 4 ; et fon Numérateur n'eftant autre chofe que le Produit de ce Nominateur multiplié par le nombre propofé, lequel par l'hypothefe excède de trois vn nombre diuifible par 4, il s'enfuit neceffairement que ce Numérateur ou Produit excède auffi de ^ vn

25 nombre diuifible par 4, & par confequent il ne peut eftre compofé de deux nombres quarrez. Que fi ce

5 (Fermât)] N.

a. Lettre CXI ci-avant, p. i5.

�� � Nominateur eſt vn nombre pair, eſtant quarré, il ſera diuiſible par 4, & par conſequent ſon Numerateur le ſera auſſi ; & s’il eſt compoſé de deux nombres quarrez, ils ſeront tous deux diuiſibles par 4 ; cela eſtant ainſi poſé, on imaginera ces quarrez eſtre diuiſez par 4, & 5 on mettra, pour la fomme de leurs Quotiens, le Quotient de leur ſomme, qui fera neceſſairement compoſé de deux quarrez, ſi ledit Numerateur l’eſtoit, &c., iuſques à ce que le dernier Quotient du Nominateur ſoit vn nombre impair. Or il appert clairement de ce 10 que nous venons de dire, que, ſi le premier Numerateur qu’on a commencé à diuiſer eſtoit compoſé de deux nombres quarrez, le Numerateur de ce nombre impair trouué le ſeroit auſſi ; mais nous auons prouué que cela eſtoit impoſſible, &c. 15

On pourra tout de meſme demonſtrer qu’aucun nombre qui ſera d’vne vnité moindre qu’vn nombre diuiſible par 8, ne pourra eſtre compoſé d’vn, ny de deux, ny de trois nombres quarrez rompus, ſans qu’il faille rien changer au diſcours precedent, que quelques 20 caracteres & choſes ſemblables.


CXXVII.
Descartes a Morin.
[13 juillet 1638.]
Texte de Clerselier, tome I, lettre 59, p. 201-220.

Lettre envoyée en même temps que l’Examen de la Question Géostatique (voir le début de la lettre CXXX ci-après), lequel est du 13 juillet. C’est aussi la date que porte le billet ci-dessous CXXVIII, qui accompagnait la présente. Descartes répond aux objections de la lettre CVIII, t. I, p. 536.

Monſieur,

Les objections que vous auez pris la peine de m’enuoyer, ſont telles que ie les aurois receües en bonne part de qui que ce fuſt ; mais le rang que vous tenez 5 entre les doctes, & la reputation que vos écrits vous ont acquiſe, me les rend beaucoup plus agreables de vous que d’vn autre. Ce que ie croy ne pouuoir mieux vous témoigner que par le ſoin que i’auray icy d’y répondre exactement.

10 Vous commencez par mes ſuppoſitions, & vous dites que l’apparence des mouuemens celeſtes ſe tire auſſi certainement de la ſupoſition de la ſtabilité de la terre, que de celle de ſa mobilité[54], ce que i’acorde tres-volontiers ; & i’ay deſiré qu’on receuſt de meſme façon ce 15 que i’ay écrit en la Dioptrique de la nature de la Lumiere, afin que la force des demonſtrations Mathematiques, que i’ay taſché d’y mettre, ne dependiſt d’aucune opinion Phyſique, comme i’ay aſſez declaré en la page 3. Et ſi l’on peut imaginer la Lumiere de 20 quelqu’autre façon, par laquelle on explique toutes celles de ſes proprietez que l’experience fait connoiſtre, on verra que tout ce que i’ay d |monſtré des refractions, de la viſion & du reſte, en pourra eſtre tiré tout de meſme que de celle que i’ay propoſée.

25 Vous dites auſſi que prouuer des effets par vne cauſe, puis prouuer cette cauſe par les meſmes effets, eſt vn cer- cle logique[55], ce que i’auoüe ; mais ie n’auoüe pas pour cela que c’en ſoit vn, d’expliquer des effets par vne cauſe, puis de la prouuer par eux : car il y a grande difference entre prouuer & expliquer. A quoy j’adioute qu’on peut vſer du mot demonſtrer pour ſignifier l’vn 5 & l’autre, au moins ſi on le prend ſelon l’vſage commun, & non en la fignification particuliere que les Philoſophes luy donnent. I’adjoute auſſi que ce n’eſt pas vn cercle de prouuer vne cauſe par pluſieurs effets qui ſont connus d’ailleurs, puis reciproquement de 10 prouuer quelques autres effets par cette cauſe. Et i’ay compris ces deux ſens enſemble en la page 76 par ces mots : Comme les dernieres raiſons ſont demonſtrées par les premieres qui ſont leurs cauſes, ces premieres le ſont reciproquement par les dernieres qui ſont leurs effets. Où 15 ie ne dois pas, pour cela, ée accufé d’auoir parlé ambiguëment, àcaufeque ie me fuis expliqué incontinent après, en difant que., l’expérience rendant la plufpart de ces effets très-certains, les caufes dont ie les déduis ne feruentpas tant à les prouuer qu’à les expliquer, mais que 20 ce font elles qui font prouuées par eux. Et ie mets qu’elles ne feruent pas tant a les prouuer, au lieu de mettre qu’elles n’y feruent point du tout, afin qu’on fçache que chacun de ces effets peut aufli eftre prouué par cette caufe, en cas qu’il foit mis en doute, & qu’elle 2 5 ait déjà efl : é prouuée par d’autres effets. En quoy ie ne voy pas que i’euffe pu vfer d’autres termes que ie n’ay fait, pour m’expliquer mieux.

Vous dites auſſi que les Aſtronomes font ſouuent des ſupoſitions qui ſont cauſe qu’ils tombent dans de grandes 30 a.

�� � I. loa-ao:!. CXXVII. IJ JuiLLET \6jQ. IÇ^

fautes; comme lors qu'ils fupofent mal la paralaxe, l'obli- quité de l'Eclyptique, &c^. A quoy ie répons que ces cho I fes-là ne fe comprennent iamais entre cette forte de fupofitions ou hypothefes dont i'ay parlé; &que 5 ie les ay clairement defignées, en difant qu'on en peut tirer des confequences tres-vrayes & très ajjfurées, encore qu'elles /oient faujfes ou incertaines. Car la. paralaxe, ou \ obliquité de l'Eclyptique., &c. , ne peuuent eftre fupofées comme fauffes ou incertaines, mais feulement comme

lo vrayes; au lieu que l'Equateur, le Zodiaque, les Epi- cicles & autres tels cercles, font ordinairement fu- pofez comme faux, & la mobilité de la terre comme incertaine, & on ne laifle pas pour cela d'en déduire des chofes tres-vrayes.

i5 Enfin vous dites qu'z7 n'y a rien de Ji ayfé que d'à- jujler quelque caufe à vn effet". Mais encore qu'il y ait véritablement plufieurs effets aufquels il efl ayfé d'a- jufter diuerfes caufes, vne à chacun, il n'eft pas tou- tesfois fi ayfé d'en ajufter vne mefme à plufieurs dif-

20 ferens, fi elle n'eft la vraye dont ils procèdent; mefme il y en a fouuent qui font tels, que c'eft aflez prouuer quelle eft leur vraye caufe, que d'en donner vne dont ils puiffent clairement eftre déduits; & ie pretens que tous ceux dont i'ay parlé font de ce nombre. Car fi

2 5 l'on confidere qu'en tout ce qu'on a fait iufqu'à pre- fent en la Phyfique, on a feulement tafché d'imaginer quelques caufes par lefquelles on pûft expliquer les

3 cette forte] ces fortes {Inst.).

a. Cf. t. I, p. 538, 1. 16-21.

b. Diopt., p. 3.

c. Tome I, p. 539, !• 'O'i '•

�� � 2O0 Correspondance. i, 103-204.

phainomenes de la nature, fans toutes-fois qu'on ait gueres pu y reûffir; puis fi on compare les fupofitions des autres auec les miennes, c'efl à dire toutes leurs qualité-^ réelles^ leurs formes fubjïantielles, leurs élemens & chofes femblables, dont le nombre eft prefque in- 5 finy, auec cela feul, que tous les cors font compofez de quelques parties, qui eft vne chofe qu'on voit à l'œil en plufieurs, & qu'on peut prouuer par vne infi- nité de raifons dans les autres (car pour ce que ie mets de plus, à fçauoir que les parties de tel ou tel cors 10 font de telle figure', plutoft que d'vne autre ^ il eft aifé de le démontrer à ceux qui auonent qu'ils font com- pofez de parties) ; et enfin fi on compare ce que i'ay déduit de mes fupofitions, touchant la vifion,|le fel,les vens, les nues, la neige, le tonnerre, l'arc-en-ciel, & i5 chofes femblables, auec ce que les autres ont tiré des leurs, touchant les mefmes matières, i'efpere que cela fufira pour perfuader à ceux qui ne font point trop préocupez, que les efiets que i'explique n'ont point d'autres caufes que celles dont ie les déduits; bien 20 que ie me referue à le demonftrer en vn autre endroit. Au refte, ie fuis marry de ce que vous n'auez choifi, pour former des objedions, que le fujet de la Lumière ; car ie me fuis expreffement abftenu d'en dire mon opinion; & pource que ie ne veux point icy contre- 25 uenir à la refolution que i'ay prife de ne mefler, parmy mes réponfes, aucune explication des matières dont ie n'ay pas eu deflein de traitter, ie ne pourray fi par- faitement vous fatisfaire que i'eufle défiré. Toutesfois ie vous prie de croire que ie n'ay point tafché de me 3o renfermer & barricader dans des termes obfcurs, de

�� � I. jo4-îob. CXXVII. — ij Juillet 1638. 201

crainte d'élire furpris, comme il femble que vous auez crû^, & que fi i'ay quelque habitude aux demonftra- tions des Mathématiques, comme vous me faites l'hon- neur de m'écrire, il eft plus probable qu elles doiuent 5 m'auoir apris à découurir la vérité, qu à la déguifer. Mais ce qui ma empefché de parler de la Lumière auffi ouuertement que du refte, c'eft que ie me fuis étudié à ne pas mettre, dans ces eflais, ce que i'auois défia mis en vn autre traitté, où i'ay tafché tres-parti-

10 culierement de l'expliquer, comme i'ay écrit en la page 42 du difcours de la Méthode. Il eft vray qu'on n'eft pas obligé de rien croire de ce que i'ay écrit en cet endroit là; mais comme, lors qu'on voit des fruits en vn pais, où ils n'ont point efté enuoyez d'ailleurs,

i5 on iuge plutoft qu'il y a des plantes qui les y pro- duifent, que non pas qu'ils y croiflent d'eux-mefmes, ie croy que les veritez particulières, que i'ay traitées en mes effais, (au moins fi ce font des veritez), donnent plus d'occafion de iuger que ie dois auoir quelque

20 connoiffance des caufes générales dont elles dé- pendent, que non pas que i'aye pu fans cela les décou- urir. Et. pour I ce qu'il n'y a que les caufes générales qui foient le fujet de cet autre traitté, ie ne penfe pas auoir rien auancé de fort incroyable, lors que i'ay

2 5 écrit que ie I'auois fait.

Quant au mépris qu'on vous a dit que ie faifois de l'Ecole , il ne peut auoir efté imaginé que par des per- fonnes qui ne connaifiTent, ny mes mœurs, ny mon humeur. Et bien que ie ne me fois gueres feruy en mes

a. Voir t. I, p. 540, 1. 17-18.

b. Voir t. I, p. 541, L6.

Correspondance. IL a6

�� � 202 Correspondance. i, 205.

eflais des termes qui ne font connus que par les dodes, ce n eft pas à dire que ie les defaprouue, mais feulement que i'ay defiré de me faire entendre aufli par les autres. Puis au bout du comte, ce n'eft point à moy à choifir les armes auec lefquelles on doit mat- 5 taquer, mais feulement à tafcher de me deffendre. Et, pour ce faire, ie répondray icy à chacun de vos articles feparement.

Obiection. I. Donc, en la page i5g &c.

Resp. I . Le mefme que i'ay mis touchant la Lumière, 10 en cette page 159, eft encore plus clairement en la page 6, ligne 27, & ne me femble rien contenir qui foit obfcur ou ambigu.

En la page 4 &c.

Resp. En ce que i'ay dit icy que la Lumière paffe vers 1 5 nos yeux par l'entremife de l'air ou des autres corps tranfparens, on doit entendre, par ces corps, ce que ie nomme bien-toft après la matière fubtile qui eft dans leurs pores; ainfi que, lors qu'on dit que quelqu'vn fe mouille les cheueux d'vne éponge, ou qu'il fe laue 20 auec vne feruiette, on entend parler de la liqueur dont a efté moiiillée cette feruiette ou cette éponge, & non de leur propre matière, ou forme, ou fubftance.

En quoy toutesfois on ne peut pas m'acufer d'auoir parlé improprement; car outre que i'ay dit, en la page 25 199, que tout corps inuifible & impalpable fe nomme air (à fçauoir en fa plus ample fignification), il faut remarquer que le paffage que vous citez eft tout au commencement du liure, page 4, en vn lieu où ie n'a- uois encore eu aucune occafion de nommer la matière 30 fubtile, ny aucun befoin de la diftinguer de l'air & des

�� � 1, 2o5-2o6. CXXVII. — ij Juillet i6j8. 203

autres corps tranfparens qui la contiennent, & qui en effet ne | font tranfparens qu'à caufe qu'ils la contien- nent; et dans le raefme difcours, auant que de parler d'aucune autre chofe, i'ay expreffement auerty, page 6, 5 qu'il y auoit grande différence entre le bafton d'vn aueugle & l'air ou les autres corps tranfparens, par l'entremife defquels nous voyons; & qu'en fuite, en la mefme page 6, ligne 26, i'ay expliqué ce que i'enten- dois par la matière fubtile.

10 5 . Mais, en la page 23, vous dites &c.

Resp. Ce troifiéme article ne contient rien qui ne s'acorde parfaitement auec le premier, & que ie n'aye auffi expliqué dés la page 6, & répété en plufieurs autres endroits. Ce qui me donne fujet de remarquer

1 5 que vous auez mis le paflage de la page 4 entre deux autres qui en font éloignez, bien qu'ils ne contiennent rien qui ne foit auffi tout proche en la page 6 ; comme pour faire croire que ie ne me fuis pas fouuenu, en vn lieu, de ce que i'auois écrit en l'autre : ce qui ne fe-

ao roit pas de bonne guerre.

4. Page 122, vous dites, &c.

Resp. Icy vous m'objedez deux chofes. La première, que fi la Lumière nefi qu'vne aéîion ou inclination à fe mouuoir, elle n'ejî donc pas vn mouuement. Mais ie vou-

2 5 drois vous prier de m'aprendre en quel endroit i'ay dit qu'elle fuft vn mouuement, fans y adjouter au mefme lieu ou vne aéîion: Car ie ne croy pas qu'il s'en trouue aucun en mes écrits, principalement quand i'ay parlé de la Lumière qui eft dans les corps tranfparens, à la-

3o quelle les Philofophes attribuent le nom de lumen en latin, pour la diftinguer de celle qui eft dans les corps

�� � 204 Correspondance. i, 106-107.

lumineux, laquelle ils nomment lucem. Or d'auoir dit généralement en plufieurs endroits qu'elle efl vn mouuement ou vne adion, & en vn autre d'auoir dit qu'elle n'eft qu'vne adion, ce ne font point deux chofes qui fe contredifent. Outre qu'il faut remarquer 5 que la fignification du mot aéîion eft générale, & com- prend non feulement la puiffance ou l'inclination à fe mouuoir, mais auffi le mouuement mefme. Comme, lors qu'on dit de quelqu'vn qu'il eft toufiours en aftion, cela| veut dire qu'il fe remue toufiours. Et c'eft 10 ainfi que ie le prens en cet endroit là, où il n'y a point pour cela d'ambiguité; car i'y auertis qu'il fe faut fou- uenir de la façon dont i'ay auparauant expliqué la Lumière; ce qui monftre affez que, par les mots dontie me fers, ie veux entendre le mefme que par ceux que i5 i'ay mis aux autres lieux.

La féconde chofe que vous m'objedez icy, à fçauoir que, yî /'a<5?/on ejlde la matière fubtile, elle n'ejl donc pas des cors lumineux^ n'eft fondée que fur vn équiuoque, touchant le mot de Lumière. Car i'auouë bien que 20 l'adion de la matière fubtile, qui eft lumen ^ n'eft pas celle des cors lumineux, qui eft lux, mais ie n'auouë pas pour cela que i'aye parlé ambiguëment; car'i'ay par tout très foigneufement diftingué l'vne de l'autre. 5. Voir e mefme, page 256, &c. 25

Resp. Icy vous retreciffez merueilleufement la figni- fication du mot comme, afin de me faire trouuer court d'vn point, & vous voulez qu'il ne férue qu'à ioindre les termes d'vne comparaifon, qui eft entre des chofes différentes. Mais fi cela eftoit vray, lors qu'on dit 3o qu'vn tel a fait cela comme fçauant, ce feroit à dire

�� � 1, 307-ao8. CXXVII. — ij Juillet 1638. 205

qu'il n'eft pas fçauant; & quand on dit qu'il tient tel rang dans les Eftats, non comme Conte d'vn tel lieu, mais comme Baron d'vn tel, ce feroit à dire qu'il n'eft ny Conte ny Baron. Et ie ne fçache en noftre langue 5 aucun mot que celuy de comme, dont i'euffe pu vfer en l'endroit que vous citez, page 2 ^6, pour lignifier l'iden- tité, ou pour joindre prœdicatum cum fubieéio, (i'vfe icy librement des termes de l'Ecole, afin que vous ne iugiez pas que ie les méprife); mais vous n'auez pas

10 cité tout le paffage, qui eft tel : Et conceuant la nature

de la Lumière telle que ie l'ay décrite en la Dioptrique, à

fçauoir comme l'aéîion ou le mouuement, &c. Ce qui

fignifie en bon françois, ce me femble, qu'il faut con-

ceuoir que la Lumière eft l'adion ou le mouuement,

1 5 & non quajî l'aéîion^ &c.

6. Page 5o de la Dioptrique, parlant &c,

Resp. La Lumière, c'eft à dire lux^ eft vn mouuement I ou vne adion dans le corps lumineux, & elle tend à caufer quelque mouuement dans les corps tranfparens,

20 à fçauoir lumen. Donc lux eft première que lumen. Concedo totum. Mais quand vous adjoutez : &par confe- quenî la Lumière ne fera pas le mouuement, encore que ie ne die point abfolument qu'elle eft le mouuement, toutesfois nego confequentiam ; car vn mouuement peut

2 5 bien eftre caufé par vn autre, & il n'y a rien de plus ordinaire en la nature.

7. Finalement, page 5, &c.

Resp. l'admire que vous alléguiez les pages 4 & 5,

afin de prouuer que le mouuement des corps lumineux

3o ne peut pafler iufqu'à nos yeux, qu'il n'y paffe quelque

chofe de rnateriel qui forte de ces corps. Car ie ne fais

�� � 2o6 Correspondance. i, 208-209.

en ces deux pages qu'expliquer la comparaifon d Vn aueugle, laquelle i'ay principalement aportée pour faire voir en quelle forte le mouuement peut paffer fans le mobile. Et ie ne croy pas que vous penfiez,lors que cet aueugle touche fon chien de fon ballon, qu'il 5 faille que ce chien pafTe tout le long du bafton iufques à fa main, afin qu'il en fente les mouuemens. Mais afin que ie vous réponde in forma, quand vous dites que le mouuement n'eft iamais fans le mobile, dijîin- guo; car il ne peut véritablement eftre fans quelque 10 cors, mais il peut bien eftre tranfmis d'vn corps en vn autre, & ainfi pafler des corps lumineux vers nos yeux, par l'entremife d'vn tiers, à fçauoir, comme ie dis en la page 4, par l'entremife de l'air & des autres cors tranfparens, ou, comme i'explique plus diftinftement 1 5 en la page 6, par l'entremife d'vne matière fort fubtile, qui remplit les pores de ces corps, & s'étend fans inter- ruption depuis les Aftres iufques à nous. Au refte, i'ay icy à vous auertir que vous m'attribuez fouuent des opinions aufquelles ie n'ay iamais penfé, comme 20 lors que vous dites que les couleurs & la Lumière ne font félon moy qu'vne mefme nature^ & que le mobile, qui ejl dans les corps lumineux, nefï autre félon moy que la ma- tière fubtile; et par-cy & par-là en d'autres endroits, que ie laifTe couler fans rien dire, | afin de ne vous pas 25 interrompre.

8 . Apres auoir cy-deffus &c *.

Resp. On peut icy remarquer que ie n'ay commencé à parler des parties rondes de la matière fubtile, que fur la fin des Météores, à l'occafion des couleurs de 3o

a. Voir t. I, p. 544, 1. 8.

�� � /, jog. CXXVII. — ij Juillet 16^8. 207

l'arc-en-ciel ; car n'ayant pas eu deffein en ces eflais d'expliquer la nature de cette matière fubtile, ie n'en ay rien dit de particulier, qu'à mefure que i'y ay efté contraint pour faire entendre ce qui eftoit de mon 5 fujet.

9. Maïs, page i5p &.C.

Resp. Icy vous prouuez fort bien que les parties rondes de la matière fubtile ne peuuent remplir exac- tement tous les pores des corps terreftres, ce que

10 i'auoûe ; mais fi vous inferez de là que ce qu'elles ne remplilTent pas foit donc vuide, vous me permettrez, s'il vous plaift, de dire en termes d'Ecole : nego confe- quentiam; car ils peuuent bien eftre remplis de quel- qu'autre chofe que ie n'ay pas icy pour cela befoin

i5 d'expliquer.

10. En la page 38 de la Diopt. &c.

Resp. Icy tout de mefme, de ce que ie dis en diuers lieux que les cors lumineux meuuent ou pouffent la matière fubtile, vous inferez que ie donne clairement

20 à entendre qu'elle n'a de foy aucun mouuement. A quoy ie répons en vn mot : nego confequentiam ; car chaque cors peut auoir diuers mouuemens, & eftre pouffé par vne infinité de diuerfes forces en mefme temps; en prenant toutesfois le mot d'infinité y/nca/e-

25 gorematice, afin qu'on n'ait rien en l'Ecole à y re- prendre.

1 1 . Mais, en la mefme page /6"o, &c.

Resp. l'auoùe bien que cette matière fubtile fe peut

mouuoir çà & là fans les cors lumineux; mais il ne

3o fuit pas de là qu'elle ait fans eux le mouuement ou

l'adlion qui eft requife pour nous donner le fentiment

�� � 2o8 Correspondance. i. aog-jio.

de la Lumière ; car de cela feul que quelque cors luy donne ce mouuement ou cette aétion, il eft Lumineux.

12. En la page 2j2 , &c.

JResp. Vous dites que Ji cette matière, outre le mou- uement reéliligne, Je meut de fa nature feulement en 5 rond, &c., où le mot feulement eft de trop, auffi n eft-il que de vous feul; car ie ne le mets en aucun lieu, & lors qu'il eft ofté, tout le refte eft clair. Car encore que les parties de la matière fubtile fe meuuent en rond & en ligne droite, cela n'empefche pas qu'elles lo ne puiffent auffi fe mouuoir en d'autres façons.

ly Mais, en la page zSy, vous dites (^c".

Resp. En l'endroit que vous citez icy, ie ne parle nullement des parties de la matière fubtile, mais de quelques boules de bois, ou autre matière viûble, qui i5 font pouffées vers de l'eau; comme il paroift éuidem- ment de ce que ie les fais tournoyer tout au rebours des parties de la matière fubtile, & compare le tour- noyement qu'elles acquerrent en fortant de l'air & entrant dans l'eau, à celuy que ces parties de la ma- 20 tiere fubtile acquerrent en fortant de l'eau ou du verre & entrant dans l'air. Et ie n'ay point dû attri- buer à ces boules d'autres mouuemens que ceux qui feruoient à mon fujet, ny n'ay pour cela donné à en- tendre que la matière fubtile n'en euft point d'autres. 25

Or, Monjîeur, iuge-^ &c^.

Resp. Or ie vous affure, Monfieur, que i'admire que vous ayez pu imaginer quelque apparence de contra- didion dans les paffages que vous auez alléguez ; &

a. Voir t. I, p. 546, 1. 22 où le texte de Morin porte, à tort, page 25H.

b. Voir i. I, p. 547, 1. 14.

�� � 1,210-111 CXXVII, — i^ Juillet i6j8. 209

bien que ie n'aye pas eu fort grande peine à y répon- dre, ie ne laiffe pas d'accepter la chaire que vous m'offrez en cet endroit, quia forte plus fapïo fedens, & afin que ie puiffe écouter vos autres objedions plus à 5 mon ayfe.

r. l'attaquer ois volontiers, &c. Resp. le croy m'eflre défia cy-deuant affez purgé de l'inconftance dont vous m'accufez. Et pour voftre argument, ie n'en comprens ny la matière ny la forme;

10 car pour la matière, vous le fondez fur vne définition de la Lumière que vous fupofez que i'ay donnée, bien qu'il foit tres-vray que ie n'ay eu intention d'en donner aucune, | comme i'ay affez témoigné dés la page j , & vous l'auez aufli aifez reconnu. Puis, pour la

i5 forme, vous le commencez par vne confequence, en difant : puifque le Soleil ejl premier que ce mouuement, duquel il eji la caufe efficiente, où ie ne voy point d'an- tecedent; car fi la Lumière, c'eft à dire lux^ eft l'adion ou le mouuement dont le foleil poufle la matière fub-

20 tile qui l'enuironne, comme vous voulez auec moy fupofer, il ne fuit pas de là qu'il foit premier que cette aélion, ny qu'il en foit la caufe efficiente, & l'on peut dire qu'elle eft en luy de fa nature. Ou fi vous voulez qu'il foit premier qu'elle, ce fera feulement en mefme

25 façon que l'homme eft premier que fa raifon, en tant qu'il doit eftre ou exifter auant qu'il puiffe en vfer. Et ainfi voftre féconde confequence, qui eft que le Soleil ^ de fa nature, naura donc point de Lumière, ou que fa Lu- mière n'ejî pas comprife en ma définition, & qu'elle ejî

3o première que celle que ie définis, me femble eftre de mefme nature que fi, de ce qu'on auroit dit que

Correspondance. H. 27

�� � 2IO Correspondance. i, an-an.

l'homme par fa raifon découure beaucoup de veritez, vous inferiez qu'il n'a donc point de raifon, de fa na- ture, ou que fa raifon n'eft pas comprife en cette défi- nition, &c. Mais pour nous accorder, ie veux bien vous dire que ie n'ay ny definy, ny mefme parlé en 5 aucune façon de ce ie ne fçay quoy que vous nommez peut-eflre du nom de Lumière, & que vous fupofez eftre dans le Soleil, outre fon mouuement ou fon adion; car pouuant demonftrer par cette adion tous les phainomenes de la nature touchant la Lumière, ie 10 n'ay pas befoin d'y rien confiderer dauantage ; et ie ne veux point auffi m'amufer à réfuter ce que les autres y fupofent de plus, fuiuant ce que i'ay dit à la fin du premier difcours des Météores. Quant à ce que vous adjoutez d'vn ejîre relatif, d'vn ejîre potentiel, & d'vn i5 aéîe ou forme abfolué) ie fçay bien qu'on me dira dans l'Ecole que la Lumière eft vn eftre plus réel que l'adion ou le mouuement; mais ie meriterois d'eftre enuoyé à l'école, comme ceux qui faillent en jouant au trique- trac, fi j'a|uoùois qu'on pûft le prouuer. ao

2. Déplus, il ne fuffit pas &c.

Resp. Il faut, dites-vous, que la matière fubti le fait miie par les corps lumineux, en tant que lumineux, c'eft à dire, félon moy, en tant qu'ils ont en eux quelque adion ou mouuement. D'oii s'enfuit &c. Nego confe- 25 quentiam, tout de mefme qu'en l'article précèdent.

j . Le Soleil, & vne étincelle &c.

Resp. Afin que ie renuerfe mieux tout ce qui eft en cet article, ie commenceray à y répondre par la fin, où vous dites : donc le mouuement de la matière fubtile (c'eft 3o à dire : lumen quod ejî in aère) n'ejl pas la Lumière des

�� � corps lumineux (c’est à dire : non est lux quœ est in Sole).

Grande merueille. Et vous dites vn peu plus haut : il faut de necejjité que la Lumière soit deuant le mouuement,

&c., à fçauoir : lux ante lumen cuius eji caufa. Et qui en doute ? Pour ce qui précède, à fçauoir que la matière subtile n’ejl pas dure, ny femblable à vn bajîon, c’eft le mesme que ce que i’ay mis en la page 6,citéecy-delTus, où en fuite, par la comparaison du vin qui eft dans vne cuue, monftrant que les plus hautes parties de ce vin preffent, & par confequent aident à mouuoir celles qui fortent par le trou qui eft au bas, au mefme instant qu’il eft ouuert, i’ay expliqué comment la matière la plus prochaine du cors lumineux, eftant mue, peut faire mouuoir la plus éloignée au mefme inftant; et en adjoutant que les grapes qui font en cette cuue peuuent cependant eftre agitées en plufieurs diuerfes façons par ceux qui les foulent, i’ay fatisfait à ce que vous dites des vens vn peu deuant. Et enfin pource que vous dites, au commencement, qu’aucun bon jugement n’admettra iamais qu’vne étincelle ait la force de faire mouuoir localement^ & félon moy en ligne droite (ce qui n’eft pas pourtant du tout félon moy, page 8, lig. 2), toute la matière fubtile contenue en vn globe d’air de 5o lieiies de demy-diametre, ie prétens de vous le faire admettre à vous-mefme, fi vous prenez comme moy cette matière fubtile pour vne liqueur tres-fluide.

Car sans aller plus loin, encore que la cuue, dont nous venons de parler, auroit cent lieues de hauteur, chaque goute de vin, qui feroit au haut, n’augmenteroit-elle pas la vitesse de celuy qui s’écouleroit par les trous qui font au bas ? Et afin que vous ne disiez 212

��Correspondance.

��I, n3.

��pas qu'il eft plus aifé d'augmenter le mouuement d'vn corps qui fe meut, que d'en remuer vn qui fe repofe, imaginez vn tuyau replié, comme ABC, qui s'étende, fi vous voulez, depuis icy iufques au cen- ^ ^ tre de la terre, & de là remonte iufques

icy, & qui foit prefque plein d'eau des deux coftez,& que, pendant que cette eau eft auffi calme & auffi peu agitée qu'elle peut eftre, on verfe vne goutte d'autre eau dans celuy de fes coftez qui eft marqué A. Car ie ne croy pas que vous fafliez dif- ficulté d'acorder que la pefanteur de cette goûte fera fuffifante pour faire haufler toute l'eau qui eft vers C, & par confe- quent auffi pour mouuoir toute celle qui eft dans le tuyau ABC. Et en fuite vous ne pourrez nier qu'vne étincelle de feu ne foit capable de mouuoir la matière fubtile qui eft contenue en vn très-grand efpace, pourvu que vous remarquiez que l'aélion du feu eft incomparablement plus forte que celle de la pefanteur, & que la matière fubtile, eftant contenue dans les pores de l'eau, & mefme aufîi en ceux de l'air, doit eftre incomparablement plus fluide que luy ny elle. Car vous ne voudrez pas rejetter les règles des Mechaniques & de la vraye Phyfique, pour allé- guer icy que toute la matière a de foy refiftance au mouuement local, qui n'eft qu'vne maxime fondée fur la préoccupation de nos fens, & qui vient de ce que, n'ayant eflayé dés noftre enfance à remuer que des corps qui eftoient durs & pefans, & y ayant touf-

���lO

��i5

��20

��25

��3o

�� � i.ï. 3-214 CXXVII. — 13 Juillet i6j8. 21 j

iours rencontré de la difficulté, nous nous fommes dellors | perfuadez que cette difficulté procedoit de la matière, & par confequent efloit commune à tous les corps ; cela nous ayant elle plus ayfé à fupofer 5 qu'à prendre garde que ce n eftoit rien que la pefan- teur des corps que nous tafchions de remuer, qui nous empefchoit de les leuer, & leur dureté auec l'inéga- lité de leurs parties, qui nous empefchoit de les traif- ner, et ainfi qu'il ne fuit pas de là que le mefme doiue

10 arriuer touchant les corps qui n'ont ny dureté ny pefanteur. Or la plufpart des opinions, tant du peuple que de la mauuaife Philofophie, font nées de cette forte ; mais quelque aparence qu'elles ayent, & quoy que plufieurs y aplaudilTent, les perfonnes de bon

iS jugement ne doiuent iamais s'y arrefter. 4. Supofant le mouuement &c.

Resp. le ne voy en tout cet article finon que Lumen non ejî lux, ou bien que l'aélion, qui nous fait auoir le fentiment de la Lumière, n'eft pas cette qualité réelle

20 que vous apelez du nom de Lumière, & que vous fupofez eftre dans les corps lumineux autre que le mouuement qui caufe cette adion. Et ie l'acorde. ^. Mais quejî-ce que cette matière fubtile? &ic. Resp. le ne trouue rien icy qu'vn équiuoque du

25 mot tranfparent, qui s'attribue en vn fens à l'air, au verre & aux autres tels corps, en tant qu'ils ont des pores &c., & à la matière fubtile, en tant qu'elle eft dans ces pores. Car pource que vous dites que, vu le bel ordre qui eft en la nature, cette matière fubtile

3o doit auoir quelque fphere au deffus des autres corps, & ainli n'eftre point dans leurs pores, il m'eft ayfé de

�� � 2 14 Correspondance. 1,214-215.

répondre que ce bel ordre monflre auffi, qu'y ayant des pores dans les corps terreftres, ils doiuent eftre remplis de quelque matière plus fubtile, comme on voit qu'encore que l'eau fe place naturellement au deflus de la terre, elle ne laifle pas pour cela de fe 5 placer auffi au deflbus en tous fes pores ; et ie ne dis en aucun lieu que la matière fubtile n'occupe point de fphere plus haute que celle de l'air ; car, au con- traire, ie la fais étendre depuis les | Aflres iufques à nous. 10

6. De plus quel mouuement &c.

Resp. Vous imaginez toufiours des contrarietez où il n'y en a point, & i'ay allez fait entendre, en pluiîeurs endroits, que la matière fubtile peut eflre agitée en toutes façons, mais qu'il n'y a que la feule façon de fe i s mouuoir, ou de tendre à fe mouuoir, qu'elle reçoit des cors lumineux, & qu'elle tranfmet de tous coflez en ligne droite, depuis ces cors iufques aux objets qui en font illuminez, qui nous donne le fentiment de la Lu- mière ; & que, pour l'aélion ou l'inclination au mouue- 20 ment circulaire, qui eft en ces parties, elle caufe le fentiment des couleurs. Quant à ce que vous citez du nombre 1 3 , que la boule commence feulement à tournoyer rencontrant la fuperjîcie de l'eau, ie répons que ce mot feulement ne fe peut raporter à aucun endroit de mes 25 écrits, fmon à celuy de la page 2^7, où ie n'ay point entendu parler des parties de la matière fubtile. Puis, à ce que vous dites que, donnant à cette matière le mou- uement reéîiligne de l'air en l'eau, il faudroit auffi luy^ donner en l'air de plus haut, & ainfi à l'infiny, ou bien 3o

a. Lisez /e luy (?).

�� � 1, 2i5-2i6. CXXVII. — i^ Juillet 16^8. 21^

concéder qu'elle fort des corps lumineux, ie répons que fon adion ne doit point venir de plus haut à Tinfiny, &qu elle commence aux corps lumineux^ defquels tou- tesfois cette matière ne fort non plus que le bafton

5 d'vn aueugle fort des objets dont il.luy fait auoir le fentiment. Et tout ce que vous difputez en fuite fait pour moy, excepté feulement ce que vous femblez vouloir dire à la fin, que^ la Lumière eji vn mouuement.^ elle ne fe peut donc tranfmettre en vn injlant. A quoy ie

10 répons que, bien qu'il foit certain qu'aucun mouue- ment ne fe peut faire en vn infiant, on peut dire tou- tesfois qu'il fe tranfmet en vn infiant, lors que chacune de fes parties eft aufli-tofl en vn lieu qu'en l'autre, comme lors que les deux bouts d'vn ballon fe meu-

1 5 uent enfemble.

le ferais trop longjî, &c. ^ — 7. Page 122 de la Diop- trique^ &c.

I Resp. Ce que vous objedez icy a grande apparence de vérité, pour ceux qui ne regardent qu'autour d'eux,

20 & qui n'étendent iamais leur penfée par l'vniuers ; car il femble à tels efprits que les vens, la foudre & les canons, caufent les plus impétueux mouuemens qui puifTent eftre. Mais pour vous qui, eftant tres-fça- uant en Allronomie^, efles acouflumé à confiderer

25 l'extrême rapidité des corps celeftes, & qui, l'ellant auffi aux Méchaniques, comprendrez aifément les rai- fons qui en dépendent, vous ne pouuez, ce me femble, trouuer étrange, qu'après auoir dit que la matière fub- tile s'étend fans interruption depuis les Aftres iufques

3o à nous (comme il faut de neceffité qu'elle faffe pour

a. Tome I, p. 553, 1. i5.

�� � 2i6 Correspondance. i, J16-217.

transférer l'adion de la Lumière), & auec cela qu'elle eft tres-fluide & compofée de parties très-petites, i'ad- joutequelaviteffe dont elle fe meut < eft > en quelque façon proportionnée à celle des cieux, & par confe- quent beaucoup plus grande que celle des vens. Outre 5 que vous pouuezauoiraffez reconnu par mes Météores que, félon moy , c'eft principalement Tagitation de cette matière fubtile qui caufe & entretient l'agitation que i'ay attribuée aux parties, tant de l'air que de l'eau, & de toutes les autres liqueurs. Car il fuit de là très- 10 clairement que, tant s'en faut que les pores des cors liquides doiuent eftre moins droits & vnis que les autres, au contraire ces corps ne peuuent eftre entiè- rement liquides, fi leurs pores ne donnent libre paf- fage de tous coftez à la matière fubtile. Comme nous i5 voyons aufli par expérience que toutes, ou du moins prefque toutes les liqueurs qui font pures, font tranf- parentes, et mefme qu'il n'y a gueres de corps durs qui foient tranfparens, finon à caufe qu'ayant efté liquides auparauant, leurs parties retiennent encore 20 la fituation que la matière fubtile leur a donnée. Puis, pour ce qui eft des vens, outre que leur mouuement eft beaucoup plus lent que celuy par lequel la matière fubtile rend droits & vnis tous les pores des corps liquides, ils n'agitent quafi point chacune des parties 25 de l'air feparement de fes voifmes, ainfi | que fait la matière fubtile , mais feulement tout fon cors en- femble ; d'où vient que nous pouuons beaucoup mieux le fentir que celuy de cette matière, auquel neant- moins il ne peut preiudicier. Et pour ce que vous de- 3o mandez à la fin, y? la force dont vne étincelle de feu, ou

�� � i,ji7. CXXVII. — îj Juillet 1638. 217

vn ver luifant, doit, félon moy, poujfer de nuit la matière fubtile vers nos yeux,pour nous faire fentir la Lumière, ne peut ejlre empefchée parcelle du vent, lors qu'il foufle fort impetueufement à l'encontre, c'eft quafi le mefme que fi, 5 en la cuue dont nous auons parlé cy-deffus, on fuppofe que les grapes qui font parmy le vin, eflant attachées à des filets ou enuelopées dans vn rets, foient tirées de bas en haut fort promptement, & qu on demande fi le mouuement de ces grapes, eftant tout contraire à celuy

10 dont le vin tend à defcendre, ne Tempefche point. A quoy ie répons que, fi le mouuement auec lequel on les tire en haut eft plus lent que celuy dont les parties du vin tendent à defcendre, il n empefchera point que ce vin ne coule par les trous qui font au-defiTous de la cuue ;

i5 et qu'encore mefme qu'il fuft beaucoup plus prompt & plus fort, fi on fupofe que ces trous foient bouchez en forte qu'il ne puifiTe rien du tout fucceder que du vin en la place que laiiTent ces grapes, ainfi qu'il ne peut rien fucceder que de la matière fubtile en la

20 place des parties de l'air dont le vent eft compofé, on peut par les règles des Méchaniques, démonftrer que ce vin ne prefTera pas moins le fond de la cuue, que fi ces grapes eftoient fans aucune agitation. Et tout de mefme, il eft très-certain, au moins félon moy, que

25 l'agitation d'aucun vent ne peut empefcher l'adion de la Lumière ; excepté feulement en tant que cette agita- tion peut deuenir fi violente qu'elle enflamme l'air, auquel cas la Lumière qu'elle caufe peut efiacer celle d'vne étincelle de feu, fi tant eft qu'elle foit beaucoup

3o plus forte.

8. Finalement Ji, félon la page 122 &c.

Correspondance. H. 28

�� �

Resp. La cauſe qui empeſche que le verre, eſtant fort épais, ne ſoit auſſi tranſparent que le meſme eſtant moins|épais, n’eſt autre ſinon qu’il contient touſiours beaucoup d’impuretez, de nuages, & de petites bulles ou boüillons, qui, eſtans en plus grande quantité dans 5 vne grande épaiſſeur que dans vne moindre, en empeſchent[56] dauantage la tranſparence. Et qu’ainſi ne ſoit, il y a des lacs & des endroits de la mer, où l’eau eſt ſi claire, eſtant calme, qu’on peut voir diſtinctement ce qui eſt au fonds, encore qu’elle ait deux ou trois 10 piques de profondeur ; & en cette eau toutesfois, ſi on l’examine, on trouuera touſiours quelque choſe d’impur.

Mais celle de vos objections, qui eſt, à mon aduis, la principale, & que vous aurez peut eſtre à ce ſujet voulu 15 reſeruer pour la fin, conſiſte en ce que, ſi les pores des corps tranſparens doiuent eſtre droits, il|ne ſemble pas qu’ils puiſſent donner paſſage à la matiere ſubtile en tous ſens, à cauſe qu’il eſt impoſſible qu’il ſe trouue en tous ſens des pores droits dans vn corps ſolide. Toutesfois, 20 pourvû qu’on ne prenne point le mot de droit plus à la rigueur que i’ay témoigné que ie le prenois, comme on peut voir en la page 8, ligne 2, & meſme auſſi en l’endroit que vous citez, page 122, où ie ne dis pas que ces pores doiuent eſtre parfaitement droits, mais ſeulement 25 autant qu’il eſt requis pour faire que la matiere ſubtile coule tout du long ſans rien trouuer qui l’arreſte, ie croy le pouuoir aſſez éclaircir par vne ſeule comparaiſon. Enfermez des pommes ou des bales dans vn rets & les y preſſez en telle forte que, ſe 30 te1, 2i8-îig. CXXVII. — ij Juillet 1638. 219

nant jointes les vnes aux autres, elles femblent compo- fer vn cors dur ; puis verfez fur ce corps du fable fort menu, tel que celuy dont on fait des horloges, & vous verrez qu'en quelque façon qu'on le mette, ce fable 5 paflera toufiours tout au trauers, fans rien rencontrer qui l'en empefche. Il eft vray que les parties de tous les cors durs ne font pas rondes comme des pommes; mais on les peut imaginer d'vne infinité d'autres figures, fans que cela empefche qu'elles donnent auffi

10 libre pafTage aux parties de la matière fubtile, que ces pommes le donnent aux parties de ce fable. I 9. Si les cors lumineux &.C.

Resp. La coutume qu'on a de remarquer que, lors qu'vn cors dur fe meut vers quelque cofté, il ne peut

1 5 pas au mefme temps fe mouuoir auffi vers vn autre, eft caufe qu'on a vn peu de peine à conceuoir en quelle façon les parties des cors liquides reçoiuent plufieurs adions, & tranfmettent plufieurs mouue- mens contraires en mefme tems. Mais il eft neant-

20 moins certain qu'elles le font ; & il n'eft pas mal-aifé de l'éprouuer, par le moyen de trois ou plufieurs tuyaux, comme A C, B D, F G, que ie fupofe de mefme largeur, & qui fe croifent en telle

2 5 forte que l'efpace du milieu E fert à tous trois, fans toutesfois eftre plus grand que s'il ne feruoit qu'à vn feul. Car fi on foufle par leurs trois bouts. A, B & F, l'air qui fera dans ce milieu E,

3o fera poufiTé en mefme tems vers C, vers D & vers G. Non pas qu'il foit befoin pour cela, ny auffi qu'il

��� � 220 Correspondance. i, aig-Mo.

foit poflîble que chacune de fes parties fe meuue en mefme tems vers ces trois collez ; mais il fuffit que quelques-vnes fe meuuent vers C, & d'autres vers D, & d'autres vers F, & qu'elles fe meuuent trois fois auffi ville que celles qui rempliflent les autres endroits 5 de ces tuyaux; ce qu'on peut bien croire qu'elles font, vu qu'elles font poufTées trois fois auffi fort. Et il eft aifé, appliquant cecy à la matière fubtile, d'entendre comment elle tranfmet en mefme temps les diuerfes adions de diuers cors lumineux vers diuers collez. «o

le pourvois vous propofer ^ &c .

Resp. Au relie, Monfieur, il m'eft plus difficile de répondre à voftre conclufion qu'à tout le relie ; car ie ne pretens nullement mériter les honnelles paroles dont vous y vfez, & ie n'aurois neantmoins pas de i5 grâce à les réfuter. C'ell pourquoy ie puis feulement dire que ie plains auec vous l'erreur de la fortune, en ce qu'elle ne reconnoill pas affez voftre mérite. Mais pour mon particulier, | grâces à Dieu, elle ne m'a en- core iamais fait ny bien ny mal ; & ie ne fçay pas 20 mefme, pour l'auenir, fi ie dois plutoft defirer fes faueurs que les craindre ; car ne me femblant pas eftre honnefte de rien emprunter de perfonne qu'on ne puifle rendre auec vfure, ce me feroit vne grande charge, que de me fentir redeuable au public. Et enfin 25 pour les efprits malins dont vous parlez, ie croy qu'il y en a eu autant ou plus aux autres fiecles qu'en cetuy- cy ; & les comparant aux mouches ou aux oyfeaux qui ne choififfent que les meilleurs fruits pour les piquoter, ie fuis d'autant plus fatisfait de mes elTais, que ie les 3o

a. Voir t. I, p. 556, 1. 25,

�� � 1,220-221. CXXVIII. — ij Juillet i6)8. 221

voy eilre plus attaquez par eux. Mais ie ne laiffe pas d'auoir beaucoup à vous remercier de l'heur que vous me fouhaittez, comme auflî de la peine que vous auez prife de m'écrire, & ie fuis, &c.

��CXXVIII.

Descartes a Morin.

i3 juillet i638. Texte de Clerselier, tome I, lettre 60, p. 220-221.

Voir le prolégomène de la lettre précédente, p. jgj.

5 Monfieur,

l'aurois vfé de la permiflion que vous m'auez fait la faueur de me donner, de faire imprimer ma réponfe à vos objedions auant que von s l'euffiez veuë^, fi l'en auois autant halle rimpreffiu;-. que ie m'eftois propofé

10 de faire quand ie les receus; mais ayant eu depuis quelque autre confideration qui m'empefche de rien publier fi-toft, ie croirois manquer à mon deuoir fi ie difierois plus longtems à vous l'enuoyer; c'efl: pour- quoy ie la mets icy entre vos mains, & vous fuplie, s'il

i5 y a quelque chofe qui ne foit pas à voftre gré, ou bien qui requerre plus ample explication, de me faire la faueur de m'en auertir, & ie taf|cheray en tout de vous témoigner que ie fuis, &c.

Du \) luillet i6j8.

a. Voir ci-avant page 85, 1. 4.

�� � 222 Correspondance. 1,327.

CXXIX.

Descartes a Mersenne.

[i3 juillet i638.] Autographe, Bibl. Nat. fr. n. a. 5 160, fol. 4-9.

Variantes d'après le texte de Clerselier, tome I, lettre LXXIII, p. 32^-346. La date, qui manque dans l'autographe aussi bien que dans Clerselier, est assurée, parce que cette lettre a fait partie du même envoi que les deux précédentes CXXVII et CXXVIII (voir le début de CXXX ci-après). — C'était le n" i5 de la collection La Hire, jô du classement de dont Poirier.

Examen de la qvestion

SÇAVOIR si VN corps PESE PLVS OV MOINS, ESTANT PROCHE

DV CENTR" DE LA TERRE Qv'eN ESTANT

ESI OIGNE.

Il faut icy diflinguer deux fortes de pefanteurs, l'vne 5 qu'on peut nommer vraye ou abfolue, & l'autre qu'on peut nommer apparente ou relatiue. Comme, lorfqu'on dit que, prenant vne picque par l'vn de fes bouts, elle pefe beaucoup dauantage qu'en la prenant par le mi- lieu, cela s'entend de fa pefanteur apparente ourela- lo

I Examen dej Touchant. — la première fois mon fentiment

5 II faut] Mon Reuerend Père, touchant la queftion propofée".

Pour fatisfaire à la promeffe ie remarque qu'il faut. — 8 que]

que ie vous ay faite par mes qu'en. — lo fa] la. précédentes de vous enuoyer

a. Voir la lettre CXXVI ci-avant, p. 189, 1. 20.

�� � 1. 327-3a8. CXXIX. — 13 Juillet 1638. 223

tiue ; car c'eft a dire qu'elle nous femble plus pefante en cete façon, ou bien qu'elle eft plus pefante a noftre regard, mais non pas qu'elle l'efl en foy dauantage. Or auant que de parler de cete pefanteur relatiue, il

5 faut déterminer ce qu'on entend par la pefanteur abfoluë. La plus part la prenent pour vne vertu ou qualité interne en chafcun des cors qu'on nomme pefans, qui le fait tendre vers le centre de la terre ; & les vns penfent que cete qualité dépend de la forme

10 de chafque cors, en forte que la mefme matière qui eft pefante, ayant la forme de l'eau, perd cete qualité de pefante & deuient légère, lors qu'il arriue qu'elle prend la forme de l'air; au lieu que les autres fe per- fuadent qu'elle ne dépend que de la matière, en forte

i5 qu'il n'y a aucun cors qui ne foit pefant, a caufe qu'il n'y en a aucun qui ne foit compofé de matière, & qu'ab- foluement par |lant chafcun l'eftplus ou moins, araifon feulement de ce qu'il entre plus ou moins de matière en fa compofition ; bien que, félon que cete matière eft

20 plus ou moins preiTée, & s'eftend en vn moindre ou plus grand efpace, les cors qui en font compofez pa- roiffent plus ou moins pefans a comparaifon des autres, ce qu'ils attribuent a la pefanteur relatiue ; & ils imaginent que, fi on pouuoit pefer dans le vuide,

25 par exemple, vne maffe d'air contre vne de plomb, & qu'il y euft iuftement autant de matière en l'vne qu'en l'autre, elles demeureroient en leur équilibre.

Or fuiuant ces deux opinions, dont la première eft la plus commune de toutes dans les efcholes, & la

3o féconde eft la plus receue entre ceux qui penfent fça- 3 regard] égard. — 27 leur ont.

�� � 224 Correspondance. 1,328-329.

uoir quelque chofe de plus que le commun, il eft eui- dent que la pefanteur abfoluë des corps eft toufiours en eux vne mefme, & qu'elle ne change point du tout a raifon de leur diuerfe diftance du centre de la terre.

Il y a encore vne troifiefme opinion, a fçauoir de 5 ceux qui penfent qu'il n'y a aucune pefanteur qui ne foit relatiue,& que la force ou vertu qui fait defcendre les cors qu'on nomme pefans, n'eft point en eux, mais dans le centre de la terre, ou bien en toute fa mafle, laquelle les attire vers foy, comme l'aymant 10 attire le fer, ou en quelqu'autre telle façon. Et félon ceux cy, comme l'aymant & tous les autres agens na- turels qui ont quelque fphere d'adiuité agiffent touf- iours dauantage de près que de loin, il faut auouer qu'vn mefme cors pefe d'autant plus qu'il eft plus i5 proche du centre de la terre ^.

Pour mon particulier, ie conçoy véritablement la nature de la pefanteur d'vne façon qui eft fort difie- rente de ces trois ; mais pource que ie ne la fçaurois expliquer qu'en deduifant plufieurs autres chofes dont 20 ie n'ay pas icy deffein de parler, tout ce que i'en puis dire eft que par elle ie n'apprens rien qui appartiene a la queftion propofée, fmon qu'elle eft purement de fait, c'eft a dire qu'elle ne fçauroit eftre déterminée par les hommes, | qu'en tant qu'ils en peuuent faire 2 5 quelque expérience; et mefme que, des expériences qui fe feront icy en noftre air, on ne peut connoiftre

1 1 telle ont. — 27 peut] pas aj.

a. Cf. sur ces trois opinions une lettre d'Etienne Pascal et Roberval à Fermât, i6 août i636 {Œuvres de Fermât, t. II, p. 36).

�� � 1, 3ï9- CXXIX. — ij Juillet i6jS. 225

ce qui en eft beaucoup plus bas, vers le centre de la terre, ou beaucoup plus haut, au delà des nues, a caufe que, s'il y a de la diminution ou de l'augmentation de pefanteur, il n'eft pas vrayfemblable qu'elle fuiue par-

5 tout vne mefme proportion.

Or l'expérience qu'on peut faire eft, qu'eftant au haut d'vne tour au pied de laquelle il y ait vn puits fort profond, on peut pefer vn plomb attaché a vne longue chorde, premièrement en le mettant auec toute

10 la chorde dans l'vn des plats de la balance, & après en y attachant feulement le bout de cete chorde & laifTant pendre le poids iufques au fonds du puits; car s'il pefe fort notablement plus ou moins, eftant proche du centre de la terre, qu'en eftant efloigné, on raper.-

1 5 ceuera par ce moyen. Mais pource que la hauteur d'vn puits & d'vne tour font fort petites a comparaifon du demi-diametre de la terre, & pour d'autres confidera- tions que i'obmets, cete expérience ne pourra feruir, fi la différence qui eft entre vn mefme poids, pofé a

20 diuerfes hauteurs, n'eft fort notable.

Vne autre expérience, qui eft défia faite & qui me femble tres-forte pour perfuader que les cors efloignez du centre de la terre ne pefent pas tant que ceux qui en font proches, eft que les Planètes qui n'ont point en

25 foy de lumière, comme la Lune, Venus, Mercure, &c., eftant, comme il eft probable, des cors de mefme ma- tière que la terre, & les cieux eftant liquides, ainfy que iugent prefque tous les Aftronomes de ce fiecle, il femble que ces planètes deuroient eftre pefantes &

6 que l'on. — 10 la] fa. — — petite;. — 17 demi-diametre] i5 pource] parce. — 16 font] eft. diamettre. — 19 pofé] pefé. Correspondance. IL 2g

�� � 226 Correspondance. 1,329-330.

tomber vers la terre, fi ce n'eftoit que leur grand éloi- gnement leur en ofte entièrement l'inclination De plus, nous voyons que les gros oyfeaux, comme les grues, les cigoignes &c., ont beaucoup plus de faci- lité a voler au haut de l'air que plus bas, & cela ne 5 pouuant eftre entièrement attribué a la force du vent, a caufe que le mefme arriue aufly en tems cal | me, nous auons occafion de iuger que leur efloignement de la terre les rend plus légers. Ce que nous confirment aufly ces dragons de papier que font voler les enfans, 10 & toute la neige qui efl dans les nues. Et enfin, fi l'ex- périence que vous m'auez mandé vous mefme auoir faite, & que quelques autres ont auflj efcrite, eft véri- table, a fçauoir que les baies des pièces d'artillerie tirées diredement vers le Zenith ne retombent point^, i5 on doit iuger que la force du coup, les portant fort haut, les efloigne fi fort du centre de la terre que cela leur fait entièrement perdre leur pefanteur. Voyla tout ce que ie puis dire icy de Phyfique fur ce fuiet.

le paflTe maintenant aux raifons mathématiques, 20 lefquelles ne fe peuuent eftendre qu'a la pefanteur re- latiue, & il faut a cet eflfeâ: déterminer l'autre par fup- pofition, puifque nous ne l'auons fceu faire autre- ment. A fçauoir, nous prendrons, s'il vous plaift,pour la pefanteur abfoluë de chafque cors, la force dont il 2 5 tend a defcendre en ligne droite, eilant en noilre air ordinaire a certaine diftance du centre de la terre, &

��a. Descartes avait d'abord écrit : si ce n'estoit leur grand éloignement qui leur en oste entièrement l'inclination. Il a ajouté que avant leur grand éloignement, et barré qui après.

b. Voir tome I, p. 287, 1. 10 ; 29?, 1. !>. '

�� � 1, 330-331. CXXIX. — ij Juillet làjS. 227

n'eftant ny pouffé ny fouftenu d'aucun autre cors, & enfin n'ayant point encore commencé a fe mouuoir. le dis en nojîre air ordinaire, a caufe que, s'il eft en vn air plus fubtil ou plus groffier, il eft certain qu'il fera

5 quelque peu plus ou moins pefant; & ie le mets a vne certaine dijîance de la terre, affin qu'elle foit prife pour règle des autres; & enfin ie dis qu'il ne doit point ejlre poujfé ny foutenu, ny auoir commencé a fe mouuoir, a caufe que toutes ces chofes peuuent changer la force

10 dont il tend a defcendre.

Outre cela, nous fuppoferons que chafque partie d'vn mefme cors pefant retient toufiours en foy vne mefme force ou inclination a defcendre, nonobftant qu'on l'efloigne ou qu'on l'approche du centre de la

i5 terre, ou qu'on le mette en telle fituation que ce puiffe eftre. Car encore que, comme i'ay défia dit, cela ne foit peut eftre pas vray, nous deuons toutefois le fup- pofer, pour faire plus | commodément noftre calcul ; ainfy que les Aftronomes fuppofent les moyens mou-

20 uemens des aftres qui font égaux, pour auoir plus de facilité a fupputer les vrais qui font inégaux.

Or cete égalité en la pefanteur abfoluë eftant pofée, on peut demonftrer que la pefanteur relatiue de tous les cors durs, eftant confiderez en l'air libre & fans

2 5 eftre foutenus d'aucune chofe, eft quelque peu moindre, lorf qu'ils font proches du centre de la terre, que lors qu'ils en font efloignez, bien que ce ne foit pas le mefme des cors liquides; &, au contraire, que deux cors parfaitement égaux eftant oppofez l'vn a l'autre

3o dans vne balance parfaitement exaéle, lorf que les bras de cete balance ne feront pas parallèles a l'horifon,

�� � 2 28 Correspondance. 1,331-33».

celuy de ces deux cors qui fera le plus proche du centre de la terre pefera le plus, & ce d'autant iufle- ment qu'il en fera plus proche. D'où il fuit auffy que hors de la balance, entre les parties égales d'vnmefme cors, les plus hautes pefent d'autant moins que les 5 plus baffes, qu'elles font plus éloignées du centre de la terre, de façon que le centre de grauité ne peut eflre vn centre immobile en aucun cors, encore mefme qu'il fufl fpherique.

Et la preuue de cecy ne dépend que d'vn feul prin- 10 cipe, qui eft le fondement gênerai de toute la Statique, a fçauoir qu'il ne faut ny plus ny moins de force, pour leuer vn cors pefant a certaine hauteur, que pour en leuer vn autre moins pefant a vne hauteur d'autant plus grande qu'il efl moins pefant, ou pour en leuer vn plus pefant a i5 vne hauteur d'autant moindre. Comme, par exemple, que la force qui peut leuer vn poids de 1 00 liures a la hau- teur de deux pieds, en peut auffy leuer vn de 200 liures a la hauteur d'vn pied, ou vn de ço a la hauteur de 4 pieds, & ainfy des autres, fi tant eft qu'elle leur foit 20 appliquée ^

I Ce qu'on accordera facilement, fi on confidere que l'effed doit toufiours eftre proportionné a l'adion qui eft neceffaire pour le produire, & ainfy que, s'il efl ne- ceffaire d'employer la force par laquelle on peut leuer vn 2 5

8-9 encore mefme qu'il fuft] nf.rm., ajouté et mis en vedette au non pas mefme lors qu'il eft. — . milieu de la ligne. — 19 après 12 après a fçauoir] Principe Ge- 5o] liures aj. — 20 : 4] quatre.

a. Pour l'explication de ce principe, voir toute la lettre CXLII ci-après, du 12 septembre. — Voir aussi t. I, p. 435, l'Explication des engins etc., adressée à C. Huygens.

�� � 1,33a. CXXIX. — ij Juillet 1638. 229

poids de 100 Hures a la hauteur de deux pieds, pour en leuer vn a la hauteur d'vn pied feulement, cela tefmoignc que cetuy cy pefe 200 Hures. Car c'eft le mefme de leuer 100 liures a la hauteur d'vn pied, & derechef encore 5 100 a la hauteur d'vn pied, que d'en leuer 200 a la hauteur d'vn pied, & le mefme aufly que d'en leuer cent a la hauteur de deux pieds. Et il fuit euidenment de cecy que la pefanteur relatiue de chafque cors, ou ce qui eft le mefme, la force qu'il faut employer pour

10 le foutenir & empefcher qu'il ne defcende, lors qu'il eft en certaine pofition, fe doit mefurer par le commen- cement du mouuement que deuroit faire la puiffance qui le fouftient, tant pour le hauffer que pour le fuiure s'il s'abaifToit. En forte que la proportion qui

i5 eft entre la ligne droite que defcriroit ce mouuement, & celle qui marqueroit de combien ce cors s'appro- cheroit cependant du centre de la terre, eft la mefme qui eft entre fa pefanteur abfolue & la relatiue. Mais cecy peut mieux eftre expliqué par le moyen de

10 quelques exemples.

Premier Exemple. — De la Povlie.

Le poids E eftant attaché a la poulie D, autour de laquelle eft pafTée la chorde ABC, fi on fuppofe que deux hommes foutienent ou hauffent également chaf- 25 cun l'vn des bouts de cete chorde, il eft euident que û ce poids pefe 200 liures, chafcun de ces hommes n'employera, pour le foutenir ou fouleuer, que la force

3 cetuy] celuy. — 5 e^ 6 en leuer] enleuer. — 5 et j après 100, 300 et cent] liures aj. — 7 cent] 100.

�� � 230

��Correspondance.

��I, 332-333.

��C

��'A

��qu'il luy faut pour foutenir ou fouleuer 100 liures. Car chafcun n'en portera que la moitié. Puis, û on fup- pofe que A, Tvn des bouts de cete chorde, foit attaché ferme a quelque clou, & que l'autre C foit derechef fouftenu par vn homme, il efl euident que cet homme en C n'aura befoin non plus que deuant, pour fouf- tenir ce poids E, que de la force qu'il faut pour I fouftenir 100 liures, a caufe que le clou qui fera vers A y fera le mefme office que l'homme que nous y fuppofions auparauant. Enfin, fuppo- fant que cet homme, qui ell vers C, tire la chorde pour faire hauffer le poids E, il ell euident que, s'il y em- ployé la force qu'il faut pour leuer 100 liures a la hauteur de deux pieds, il fera haufler ce poids E , qui en pefe deux cent, de la hauteur d'vn pied ; car la chorde ABC eftant doublée comme elle efl, on la doit tirer de deux pieds, par le bout C, pour faire autant haufler ce poids E que û deux hommes la ti- roient, l'vn par le bout A & l'autre par le bout C, chafcun de la longeur d'vn pied feulement. Et il faut remarquer que c'ell cete feule raifon, & non point la figure ou la grandeur de la poulie, qui caufe cete force. Car, foit que la poulie foit grande ou petite, elle aura toufiours le mefme efied, Sic. Et fi on en attache encore vne autre vers A, par laquelle on] l'on. — 18-19 deux centj 200. — 29 etc. om.

���10

��i5

��20

��23

��3o

�� � 1,333-334. CXXIX. — ij Juillet 16^8. 231

on paffe la chorde ABCH, il ne faudra pas moins de force pour tirer H vers K, & ainfy leuer le poids E, qu'il en falloit auparauant pour tirer C vers G, a caufe que, tirant deux pieds de cete chorde,

5 on fera haufler ce poids d'vn pied comme deuant. Mais fi a ces deux poulies on en adioufte encore vne autre vers D, a laquelle on at- c tache le poids & dans laquelle on

10 repaffe la chorde en mefme façon qu'en la première , on n'aura pas befoin de plus de force, pour leuer ce poids de deux cent liures, que pour en leuer vn de cinquante

i5 fans poulie, a caufe qu'en tirant deux pieds de la chorde, on ne le fera haufler que d'vn de | mi-pied. Et ainfy, en multipliant les pou- lies, on peut leuer les plus grands fardeaux auec les plus petites for- ces, fans qu'il y ait aucune chofe a rabatre de ce calcul , fmon la pefanteur de la poulie & la dif- ficulté qu'on peut auoir a faire

25 couler la chorde & a la porter ; & outre cela, qu'il faut toufiours tant foit peu plus de force, pour leuer vn poids, que pour le foutenir. Mais ces chofes la ne fe content point, lorfqu'il efl queflion d'examiner le refte par

3o des raifons mathématiques.

i3 deux cent] 200. — 14 cinquante] 5o liures.

��20

��� � 2^2

��Correspondance.

��1, 334-335.

��2 Exemple.

��Dv Plan incliné.

��H

��Soit AC vn plan incliné fur l'horizon BC, & qu AB tende aplomb vers le centre de la terre. Tous ceux qui efcriuent des Mechaniques afTurent que la pefanteur du poids F, en tant qu'il eft appuie fur ce plan AC, a mefme proportion a fa pefanteur abfolue que la ligne AB ala ligne A C, en forte que, fi AC eft double d' A B, & que le poids F eftant en l'air libre pefe 200 liures, il n'en pefera que 100 au regard de la puiffance H, qui le traifne ou le fouftient fur ce plan AC. Et la raifon

en eft euidente par le principe pro- pofé. Car cete puiflance H fera la mefme aâion, pour leuer ce poids a la hauteur de BA, quelle feroit en l'air libre pour le leuer a vne hauteur égale a la ligne C A.

Ce qui n'eft pas toutefois en- tièrement vray , finon lorfqu'on | fuppofe que les cors pefans ten- dent en bas fuiuant des lignes pa- rallèles, ainfy qu'on fait commu- nément, lors qu'on ne confidere les Mechaniques que'pour les rap- porter a l'vfage ; car le peu de dif- férence que peut caufer l'inclination de ces lignes, en tant qu'elles tendent vers le centre de la terre, n'eft point fenfible. Mais, pour faire que ce calcul fuft entie-

���10

��i5

��20

��25

��I : 2 Exemple] Exemple II. 7 double de AB.

��4 après pefanteur] relatiue aj.

�� � 1,335-336. CXXIX. — 13 Juillet 1638. 233

rement exad, il faudroit que la ligne CB fuflvne partie de cercle, & C A vne partie de fpirale, qui euflent pour centre le centre de la terre. Et lorf qu'on fuppofe que la fuperficie A C ell toute plate, la pefanteur retatiue 5 du poids F n a point mefme proportion a l'abfolue que la ligne AB a la ligne A C, finon pendant qu'il eft tout au haut vers A; car lorfqu'il eft tant foit peu plus bas, comme vers D ou vers C, elle eft vn peu moindre; ainfy qu'il paroiftra clairement fi on imagine que ce

10 plan foit prolongé iufques au point ou il peut eftre ren- contré a angles droits par vne ligne droite tirée du centre de la terre : comme, fi M eft le centre de la terre & que M K foit perpendiculaire fur AC. Car il eft euident que le poids F, eftant mis au point K, n'y pe-

i5 fera rien du tout au regard de la puifTance H. Et pour fçauoir combien il pefe en chafcun des autres points de ce plan au regard de cete puifTance, par exemple au point D, il faut tirer vne ligne droite, comme DN, vers le centre de la terre, & du point N, pris a difcre-

20 tion en cete ligne, tirer NP, perpendiculaire fur DN, qui rencontre A C au point P. Car, comme D N eft a DP, ainfy la pefanteur relatiue du poids F en D eft a fa pefanteur abfoluë. De quoy la raifon eft euidente, vu que, pendant qu'il] eft en ce point D, il tend en bas

2 5 fuiuant la ligne DN, & toutefois ne peut commencer a defcendre que fuiuant la ligne DP.

Notez que ie dis commencer a defcendre, non pas Am- plement defcendre, a caufe que ce n'eft qu'au commen- cement de cete defcente a laquelle il faut prendre

3o garde. En forte que fi, par exemple, ce poids F n'eftoit

6 point] pas.

Correspondance. IL 3o

�� � 2 54 Correspondance. i, 336.

pas appuie au point D fur vne fuperficie plate, comme eu fuppofée ADC, mais fur vne fpherique,ou courbée en quelque autre façon, comme EDG, pouruu que la fuperficie plate, qu'on imagineroit la toucher au point D, fuit la mefme que ADC, il ne peferoit ny 5 plus ny moins, au regard de la puifTance H, qu'il fait eftant appuie fur le plan AC. Car, bien que le mouue- mentque feroit ce poids, en montant oudefcendant du point D vers E ou vers G fur la fuperficie courbe EDG, fufl tout autre que celuy qu'il feroit fur la fuperficie lo plate ADC, toutefois, eflant au point D fur EDG, il feroit déterminé a fe mouuoir vers le mefme cofté que s'il efloit fur ADC, a fçauoir vers A ou vers C. Et il eft euident que le changement qui arriue a ce mouue- ment, fitoft qu'il a ceflé de toucher le point D, ne peut 1 5 rien changer en la pefanteur qu'il a, lorfqu'il le touche.

Notez aufly que la proportion qui eft entre les lignes DP, DN, eft la mefme qu'entre les lignes DM & DK, pource que les triangles redangles DKM & ?.o DNP font femblables, & par confequent que la pefan- teur relatiue du poids F, en D, eft a fa pefanteur abfo- lue comme la ligne DK eft a la ligne DM. C'eft a dire en gênerai que tout cors, qui eft fouftenu par vn plan incliné, pefe moins que s'il n'en eftoit point fouftenu, 25 d'autant iuftement que la diftance qui eft entre le point ou il touche ce plan, & celuy ou la perpendicu- laire du centre de la terre tombe fur ce mefme plan, eft moindre que celle qui eft entre ce poids & le centre de la terre. 3o

�� � 1,336-338. CXXIX. — 1} Juillet i6)8. 235

j Exemple. — Dv Levier.

Que CH foit vn leuier, tellement foutenu par le point O que, lors qu'on le hauffe ou qu'on le baiffe, fa partie |C defcriue le demi-cercle ABC DE, & fa par- 5 tie H le demi-cercle FGHIK, defquels demi-cercles le point O foit le centre, & du refte qu'on n'ait aucun égard a fa grofleur ou pefanteur, mais qu'on le confi- dere comme vne ligne droite mathématique en la- quelle foit le point O. Puis remarquons que, pendant

10 que la force ou la puiflance qui le meut defcrit tout le demi-cercle ABCDE, & agift fuiuant cete ligne ABCDE, bien que le poids, lequel ie fuppole eftre a l'autre bout, defcriue auffy le demi-cercle FGHIK, il ne fe hauffe pas toutefois de la longeur de cete ligne

i5 courbe FGHIK, mais feulement de la longeur de la ligne droite FK. De façon que la proportion qui eft entre la force qui meut ce poids & fa pefanteur, ne fe mefure pas par celle qui eft entre les deux diamètres de ces cercles, ou entre leurs deux circonférences, mais

20 plutoft par celle qui eft entre la circonférence du pre- mier &| le diamètre du fécond. Confiderons outre cela qu'il s'en faut beaucoup que cete force n'ait befoin d'eftre fi grande, pour mouuoir ce leuier, lorfqu'il eft vers A ou vers E, que lorfqu'il eft vers B ou vers D,

2 5 ny fi grande, lorfqu'il eft vers B ou vers D, que lorfqu'il eft vers C. Dont la raifon eft que le poids y monte moins. Ainfy qu'il eft ayfé a voir, fi ayant fuppofé que la ligne COH eft parallèle a l'Horizon, & que AOF la

. 1 : 3 Exemple] Exemple III.

�� � 2^6

��Correspondance.

��I, 338.

���couppe a angles droits, on prent le point G également diftant des poins F & H, & le point B également dif- p tant des poins A & C, & jj qu'ayant tiré G S parallèle a l'Horizon, on regarde que la ligne F S , qui marque combien monte ce poids, pendant que la force agift le long de la ligne AB, efl beaucoup moindre que la ligne SO, qui marque com- bien il monte, pendant que la force agift le long de la ligne BC.

Or pour mefurer exade- ment quelle doit eftre cete force en chafque point de la ligne courbe ABC DE, il faut penfer qu'elle y agift tout de mefme que fi elle traifnoit le poids fur vn plan circulairement incli- né, & l'inclination de chaf- cun des poins de ce plan circulaire, ou fpherique, fe doit mefurer par celle de la ligne droite qui tou- che le cercle en ce point la. Comme, par exemple,

��lO

��i5

��20

��25

��3o

�� � 1, 338-3?9. CXXIX. — ij Juillet i6}8. 2J7

quand la puiffance eft au point B, pour trouuer la proportion qu'elle doit auoir auec la pefanteur du poids qui eft alors au point G, il faut tirer la tan- gente G M, & vne autre ligne du point G, comme 5 GR, qui tende tout droit vers le centre de la terre; puis du point M, pris a difcretion en la ligne GM, tirer MR a angles droits fur GR, & penfer que la pe- fanteur de ce poids, au point G, eft a la force qui feroit requife en ce lieu la, pour le foutenir ou pour le mou-

10 uoir fuiuant le cercle FGH, comme la ligne GM eft a GR. De façon que fi la ligne BO eft fuppofée double de la ligne O G, la force qui eft au point B n a befoin d'eftre a ce poids qui eft au point G, que comme la moitié de. la ligne GR eft a la toute GM; & fi BO &

1 5 OG font égales, cete force doit eftre a ce poids comme la toute GR a la toute GM, &c.

I Tout de mefme, quand la force eft au point D, pour fçauoir combien peze le poids qui eft alors au point I, il faut tirer la tangente IP, & la droite IN vers le centre

jo de la terre, & du point P, pris a difcretion dans la tan- gente, tirer P N a angles droits fur I N, affin d'auoir la proportion qui eft entre la ligne I P & la moitié de la ligne I N (en cas que D O foit pofée double de O I), pour celle qui eft entre la pefanteur du poids & la

25 force qui doit eftre au point D pour le mouuoir. Et ainfy des autres.

Or il me femble que ces trois exemples fuâifent pour aifurer la vérité du principe que i'ay propofé, & monftrer que tout ce dont on a couftume de traiter

3o en la Statique en dépend. Car le coin & la vis ne font que des plans inclinez , & les roues dont on compofe

�� � 2^8

��Correspondance.

��1, 339-340.

��diuerfes machines ne font que des leuiers multipliez, & enfin la balance n'eft rien qu'vn leuier qui eft fouf- tenu par le milieu. Si bien qu'il ne me | refte plus icy qu'a expliquer comment les deux conclufions que i'ay propofées en peuuent eflre déduites.

Demonftration, qui explique en quelfens on peut dire qu'vn corps pefe moins, ejîant proche du centre de la terre, qu'en ejîant ejloigné.

Soit A le centre de la terre, & B C D vn cors pe-

^ c D fant, que ie fuppofe eflre en l'air,

tellement pofé que, fi rien ne le fouftient, il defcendra de H vers A fuiuant la ligne H F A, tenant toufiours fes deux parties B & D également diftantes de ce point A, & mefme auffy de cete ligne H F. Et confiderons que, pendant que ce cors defcend en cete forte, fa partie D ne peut fe mouuoir que fuiuant la ligne D G, ny fa partie B que fuiuant la ligne B E, & ainfy que ces deux lignes D G & B E reprefentent deux plans inclinez fur lefquels fe meuuent les deux poids D & B. Car ce cors D C B eftant dur, fa partie D eft toufiours fouftenue, pendant qu'il fe meut de B D iufques a E G, par toutes fes

���4 comment] comme. de. — 19 ne fe peut. -

��• 18 en] deux. — 25 poids] points. — 23 les B et D. — B C D. — 28 les] les.

��10

��i5

��20

��25

�� � 1,340-341. CXXIX. — ij Juillet 16^8.

��239

��10

��i5

��20

��i5

��autres parties qui font entre D & C, aufly bien qu'elle pourroit l'ellre par vn plan dVne matière très dure qui feroit ou efl la ligne D G. Mais il a défia efté de- monllré que tout cors pefant, fouftenu par vn plan in- cliné, pefe moins, eftant proche du point ou la perpen- diculaire du centre de la terre rencontre ce plan, qu'en eftant efloigné; d'où il fuit eui|denment que, lorfque le cors B C D eft vers H, fa partie D pefe plus que lorf- qu'il eft vers F ; et le mefme fuit aufly de fa partie B & de toutes les autres, pouruû feulement qu'on excepte celles qui fe trouuent en la ligne H F, & mefme cete H F n'eftant prife que pour vne ligne mathémati- que, fes parties n'ont point befoin d'eftre contées, fi bien que tout ce cors pefe moins, eftant proche du centre de la terre, que lorfqu'il en eft éloigné : qui eft ce qu'il falloit demonftrer.

Il eft vray que cecy ne fe peut entendre que des cors durs ; car pour ceux qui font liquides, il eft euident que leurs parties ne fe peuuent ainfy foutenir les vnes les autres, ny mefme celles des cors qui font mous & pliants. Comme, par exemple, fi on fuppofe que B D foit vne chorde, i'entens vne chorde mathématique, dont toutes les parties fe puifi['ent plier également fans aucune difficulté, & qu'elle foit toute droite lorfqu'elle eft vers H, la laifiTant defcendre vers A, fes parties fe courberont peu a peu, a mefure qu'elles approcheront de ce point A. En forte

3 après D G] (fçauoir dans le cliné.) aj. — 11 cete] ligne aj. 2. Exemple qui eft du Plan in- — i3 point] pas.

��� � 240

��Correspondance.

��1, 341-34».

���M

���B

��N

���que, lorfque fon milieu fera au point F, fes deux bouts feront aux points I & K, que ie fuppofe eftre tels que la différence qui eft entre les lignes I A & B A, ou bien KA&DA, eft égale a CF.

Mais fi on confidere les cors liquides comme conte- 5 nus en quelques vaifTeaux, il y a derechef vne autre raifon qui monftre qu'ils pefent quelque peu moins,

eftant proches du centre de la terre, que lorfqu'ils en font éloignez. Car il faut ,0 confiderer que la fuperficie de la liqueur qui eft con- tenue, par exemple, dans le vaiiTeau B C, laquelle chafcun fçait eftre fpheri- ,5 que, fe trouue beaucoup plus voûtée, lorfque ce vaif- feau eft fort proche du cen- tre de la terre, que lorf qu'il en eft plus éloigné, & que, 20 I félon qu'elle eft plus voû- tée, le centre de granité de cete liqueur eft plus éloi- gné du fonds du vaiffeau. En forte que fi, par exem- 25 pie, A eft le centre de la terre, N le fonds du vaifleau, & M le centre de granité de la mafle de l'eau qu'il contient, & que la ligne NM ait iuftement vn pied de longeur, lorfque le fonds de ce vaifleau eft tout ioignant le centre de la terre, 3o 28 de l'eau] d'eau.

��M

��N

���� � 1, 34J-343. CXXIX. — ïj Juillet 16^8. 241

il peut eftre imaginé de telle grandeur ci' contenir telle quantité d'eau, que lorfqu'on l'en aura cfloigné de la hauteur d'vne toife, la ligne NM n'aura plus que iufte- ment vn demy pied de longeur. Mais cela eftant, fi on

5 l'en efloigne derechef de la hauteur d'vne toife, la ligne NM ne pourra pas saccourcir derechef d'vn demy pied : car par ce moyen elle deuiendroit nulle, puif- qu'elle n'a defia qu'vn demi pied, & elle diminuera feulement, par exemple, d'vn pouce. Puis derechef, le

10 vaiffeau eftant hauffé d'vne toife, cete ligne N M dimi- nuera de beaucoup moins que d'vn pouce, &c.

Or, pour mefurer de combien on fait haufler la maffe de l'eau pendant qu'on hauffe le vaifîeau, il faut feule- ment confiderer de combien on fait haulTer fon centre

i5 de grauité ; car c'eft toufîours le point ou fe rencontre le centre de grauité des cors pefans, qui détermine l'en- droit ou ils font, en tant que pefans. Et pource que la puiffance qui | éleue ce vaiffeau en la première toife, ne fait hauffer ce centre que de cinq pieds i_i demy, au

20 lieu que l'eleuanten la féconde toife, elle le fait hauf- fer de fix pieds moins vn pouce, il eft euident que cete puiffance doit eftre d'autant plus grande, pour leleuer en la féconde toife qu'en la première, que la diftance de fix pieds moins vn pouce eft plus grande que celle

25 de cinq pieds & demi. Et tout de mefme, en eleuant le vaiffeau en la troifiefme toife, on eleuera le centre de grauité de l'eau vn peu dauantage qu'en la féconde, & ainfy de fuite. De façon que cete eau peze de cela moins, eftant proche du centre de la terre, qu'en eftant

3o efloignée, ainfy qu'il falloit demonftrer.

i3 de l'eau] d'eau.

Correspondance. IL 3i

�� � 242 Correspondance. i, 34?-?44.

A utre demonjîration , qui explique en quelfens on peut dire qu'vn cors pefe plus, ejîant proche du centre de la terre ^ qu'en ejlant ejloigné.

Soit A le centre de la terre, & que B D foit vne ba- lance dont le centre soit C, en forte que fes deux bras 5 B C & C D foient égaux, & qu'il y ait deux poids, IVn au point B & l'autre au point D, qui foient parfaite- ment égaux entre eux. Lorfque la ligne B D nell pas parallèle a l'Horizon, le poids qui eft le plus bas, comme en D, pefe plus que l'autre, qui eft en B, d'au- 10 tant iuftement que la ligne B A eft plus longue que D A . Car fi on tire la ligne D E, qui touche au point D le cercle BSD, & du point E la ligne E F perpendicu- laire fur D F, la pefanteur du poids mis en D eft a fa pefanteur abfolue comme la ligne D F eft a la ligne DE, 1 5 ainfy qu'il a efté prouué cy-defl'us. Puis, fi du centre de la balance on mené la ligne CG perpendiculaire fur A D G, les deux triangles reélangles D F E & D G C font femblables ; c'eft pourquoy, comme DE eft a D F, ainfy CD eft a C G, c'eft a dire que, comme la perpen- jo diculaire menée du centre de la balance fur la ligne qui pafl"e par D, l'extrémité de l'vn de fes bras, & par le centre de la terre, eft a la longeur de ce bras, ainfy I la pefanteur relatiue du cors, en D, eft a fa pefanteur abfoluë. 2 5

Tout de mefme, ayant mené B H, qui touche au point B le cercle BSD, & CI H qui couppe AB au

II avant DA] la ligne aj. — reur). — iG a efté] eft. — après 14 DF] DA. — i5 DEj Clers. cy-deffus] (en l'exemple 3. du "autographe porte DC par cr- leuier) a;'. ; tfe wê>?îe p. 243,!. i.

�� � .M4-

��CXXIX. — ij Juillet i6)8.

��245

���point I a angles droits, il a eilé prouué cy-deflus que

la pefanteur relatiue du

poids en B efl a labfolue

comme la ligne B 1 eft a 5 BH, ceft a dire comme

C I eft a C B ; car les

triangles B I H & C I B

font femblables.

Et il fuit de cecy que, 10 û les deux cors qui font en B & en D

font parfaitement égaux, la pefanteur

relatiue de celuy qui eft en B, eft a la

pefanteur relatiue de celuy qui eft en

D, comme la ligne C I eft a la ligne .5 CG.

De plus, des poins B & D ayant

mené B L & D K perpendiculaires fur

C A, elles font égales Ivne a l'autre,

& le redangle CI, B A, eft aufty égal 20 au rec|tangle B L , C A \ Car prenant

C A pour la baze du triangle ABC,

ceft BL qui en eft la hauteur; puis,

prenant B A pour la bafe du mefme

triangle, ceft C I qui eft fa hauteur. Et 25 pour pareille raifon le redangle GC,

D A eft égal au rectangle KD, C A. Et

pource que BL & KD font égales, le "^

rectangle CI, B A eft égal au redangle CG, D A. D'où

i8CAjAC. — 23 bafe corrigé de baze [Aiitog.).

•a. Descartes, par la notation « C I, B A », etc., désigne le rectangle con- struit avec ces deux eûtes, ou, autrement, le produit des lignes C I et B A.

�� � 244 Correspondance. i, 345.

il fuit que, comme DA efl a B A, ainfy CI eft a CG. Or le poids en B efl a celuy qui ell en D comme C I eft a C G, donc il efl aulTy comme D A efl a A B .

En fuite de quoy il efl euident que le centre de gra- uité des deux poids B & D, ioins enfemble par la ligne 5 BD,n'efl pas au pointe, mais entreC&D, par exemple au point R,ou ie fuppofe que tombe la ligne qui diuife l'angle BAD en deux parties égales. Car on fçait afTez en Géométrie que, cela eflant, la ligne B R efl a RD comme AB efl a DA. De façon que les poids B 10 & D doiuent eflre foutenus par le point R pour de- meurer eh équilibre en l'endroit ou ils font. Mais fi on fuppofe la ligne B D tant foit peu plus ou moins inclinée fur l'Horizon, ou bien ces poids a vne autre diflance du centre de la terre, il faudra qu'ils foient i5 foutenus par vn autre point pour eftre en équilibre, & ainfy leur centre de grauité n'efl pas toufiours vn mefme point.

Au refle, il eft a remarquer que toutes les parties égales d'vn mefme corps, prifes deux a deux, ont mefme 20

raport l'vne a l'autre , en ce qui regarde leur pefanteur & leur commun centre de grauité, que fi elles eftoient oppofées dans vne balance. En forte que, par 25 exemple, en la fphere B E G, dont le centre efl C, fi on la diuife par imagination en plufieurs parties égales comme B, E, G &c., le centre de grauité des deux parties B & D, confiderées enfemble, efl au mefme 3o lieu qu'il feroit fi la ligne B C D efloit vne balance dont

��� � 1,345-346. CXXIX. — ij Juillet 1638. 24^

C fuit le centre ; a fça | uoir, il eft entre C & D, pource que D eft pofé plus proche du centre de la terre que n'eft B. Et le centre de grauité des deux parties E & F eft âufly entre C & F, & celuy des deux G & H entre 5 C & H ; & ainfy des autres. D'où il fuit clairement que le centre de grauité de toute cete fphere n'eft pas au point C, qui eft le centre de fa figure, mais quelque peu plus bas, en la ligne droite qui tend de ce centre de fa figure vers celuy de la terre. Ce qui femble veri-

«o tablement fort paradoxe, lorfqu'on n'en confidere pas la raifon ; mais en la confiderant, on peut voir que c'eft vne vérité mathématique très aflurée.

Et mefme on peut demonftrer que ce centre de gra- uité, lequel change de place a mefure que cete fphere

1 5 change de fituation, eft toufiours en la fuperficie d'vne autre petite fphere, décrite du mefme centre qu'elle, & dont le rayon eft aux trois quarts du fien comme le fien entier eft a la diftance qui eft entre le centre de leur figure & celuy de la terre. Ce que ie ne m'a-

20 refte pas icy a expliquer, a caufe que ceux qui fçauent comment on trouue les centres de grauité des figures géométriques , le pourront aflez entendre d'eux- mefmes, & que les autres n'y prendroient peut-eftre pas de plaifir. Aufty que cet efcrit eft défia plus long

25 que ie n'auois penfé qu'il deuft eftre".

3 E] G. — 4 G] E [leçons qui sont d'accord avec la figure).

a. Clerselier ajoute en italiques : « Monsieur Descartes a depuis prié le R. P. Mersenne d'effacer ces dernières lignes, comme s'estant lors trompé, écriuant à demy endormy. » Cette recommandation de Descartes se trouve dans la lettre à Mersenne du i5 novembre i638, Clers. II, 41 3. Le dernier alinéa (1. i3-25) a été, en effet, barré dans l'autographe.

�� � 246 Correspondance. h, 385.

cxxx.

Descartes a Mersenne.

[i3 juillet i638.]

Texte de Clerselier, tome II, lettre So, p. 385-389.

Voir pour la date les prolégomènes des lettres CXX VII et CXXIX, p. I gj et 22 2 ci-avant.

Mon Reuerend Père,

le vous prie d'abord de m'excufer de ce que le pa- quet eft vn peu gros; n'eftoit que M. Zuitlichem efl: à l'armée, i'aurois tâché de vous l'enuoyer par luy, mais ie me promets que, voyant comme i'ay eu foin d'em- 5 ployer tout mon papier, vous n'en plaindrez pas tant le port.

Vous y trouuerez le refte de l'Introdudiion à ma Géométrie, que ie vous auois enuoyé cy-deuant; ce relie ne contient que cinq ou fix exemples, l'vn def- lo quels efl ce lieu plan dont M. (Fermât) a tant fait de bruit; & le dernier efl, ayant quatre Globes donnez, en trouuer vn cinquiefme'^ qui les touche, duquel ie ne croy pas que vos Analifles de Paris puifTent venir à bout, & vous leur pourrez propofer, fi bon vous fem- 1 5

1 1 (Fermât)] N.

a. Voir plus haut, p. iSa, 1. io-i3.

b. Voir tome I, p. 377, 1. 5.

c. Voir tome I, p. 1 39, 1. 1 3.

�� � 11,385-386. CXXX. — 1} Juillet 16^8. 247

ble, mais non pas, s'il vous plaift, comme de moy ; car ie me contente de parer, & ie ne veux point me met- tre en poflure pour les combattre.

Vous y trouuerez auffi ma réponfe aux objedions

3 de M. Morin% car n'ayant pas deffein de les faire fi-toft imprimer, i'ay penfé que ie la luy deuois enuoyer. Vous la couurirez, s'il vous plaift, d'vn beau papier pour la bien-feance, & le cacheterez auant de luy don- ner; & s'il s'apperçoit que la fuperfcription ne fera pas

10 de ma main, on pourra dire que ie I'ay obmife, faute de fçauoir fes qualitez; mais, en effet, c'eft afin que ce paquet foit d'autant moins gros.

le vous enuoye auffi mon fentiment touchant la queftion de la Geoftatique  ; & ie vous diray que , regar-

i5 dant par hazard ces iours pafTez en la Statique de Ste- uin, i'y ai trouué le centre de granité du Conoïde Parabolique, lequel vous m'auiez mandé cy-deuant vous auoir efté enuoyé par M. (Fermât)*, ce qui | me fait étonner, que luy, qui eft fans doute plus curieux

20 que moy de voir les liures, vous l'euft enuoyé comme fîen, vu mefme que Steuin le cite de Commandin'*. Mais pour ce que c'eft auffi le mefme que ie vous fis dernièrement enuoyer par Gillot, afin qu'on ne penfe pas tout de mefme, que ce fuft par faute d'en pouuoir

18 (Fermât)] N.

a. La lettre CXXVII, p. 196 ci-avant.

b. La lettre CXXIX, p. 222 ci-avant.

c. Les Œuvres mathématiques de Simon Stevin de Bruges, etc. Le tout reveu, corrigé et augmenté par Albert Girard, S amielois, mathématicien (Leyde, Bonaventure et Abraham Elsevier, i6?4, in-f°). Ce volume com- prend six traités dont le 4"" est V Art ponderaire ou la Statique.

d. Voir plus haut, p. 120, 1. 1, et p. 180-181.

�� � 248

��Correspondance.

��II, 386-38;.

��enuoyer d'autres, ie mettray icy tous ceux des lignes compofées à l'imitation de la Parabole, qu'il dit auoir trouuez ; mais à condition, s'il vousplaifl, que vous ne luy direz qu'à mefure qu'il vous dira auffi en quelle façon il les a trouuez ; car ie iuge qu'il n'eft pas luy- mefme encore trop feur de fa règle, & qu'il ne s'en ofe feruir qu'à trouuer les chofes qu'il fçait defia d'ail- Isurs eftre trouuées. Soit donc ABC vne ligne courbe,

de telle nature que les fegmens de fon diamètre ayent entr'eux mefme proportion que les cubes des lignes appliquées par ordre à ces fegmens, & que BD foit l'ef- fieu ou le diamètre de la figure comprife par cette ligne courbe A B C & la droite A C. On diuife ce diamètre BD par le point M, en telle façon que la ligne B M foit à la ligne M D comme quatre à trois ; le poind M fera le centre de grauité de cette figure. Et en la courbe où les fegmens des diamètres font entre eux comme les quarrez de quarrez des or- données, il faut faire BM à MD comme ^ à 4; en la fuiuante, où ces fegmens font comme les furfolides des ordonnées, il faut faire B M à M D comme 6 à 5 ; & comme 7 à 6, en celle où ces fegmens font comme les quarrez de cube des ordonnées ; & comme 8 à 7, en la fuiuante ; & ainfi à l'infiny, pour auoir leurs centres de grauité. Outre cela, fuppofant que B D tombe fur AC à angles droits, & que A B C eft vn Conoï|de décrit par la ligne courbe A B, ou BC, mue circulairement

���10

��i5

��20

��25

��3o

�� � 11.387. CXXX. — 13 Juillet i6j8. 249

de leffieu B D, en forte qu'A C, la bafe de ce Conoïde, eft vn cercle ; pour trouuer le centre de granité de ce cors A B C D, fi la ligne A B C eft celle où les fegmens du diamètre font comme les cubes des ordonnées, il

5 faut faire B M à M D comme ^ à ^ ; fi c'eft la fuiuante, il faut le faire comme 6 à 4 ; fi l'autre fuiuante, comme 7 à ^ ; fi l'autre, comme 8 à 6; & ainfi à l'infiny. De plus, pour trouuer les Aires de ces figures, en la pre- mière de ces lignes courbes, la fuperficie, comprife

10 dans cette courbe & la ligne droite A C, eft au triangle infcrit ABC comme 6 à 4; & comme 8 à 5 , en la féconde; & comme 10 à 6, en la troifiéme; & comme 12 à 7, en la quatrième; & ainfi à l'infiny. Et fi ABC eft le premier Conoïde, c'eft à dire celuy qui eft décrit

i5 par 1^ première de ces lignes, il eft au Cône infcrit comme 9 à 5 ; fi c'eft le fécond, il eft comme 12 à 6 ; fi c'eft le troifiéme, comme i^ à/; fi le quatrième, comme 18 à 8; fi le cinquiefme, comme 21 à 9; & ainfi à l'infiny. Et enfin, pour trouuer leurs Tangentes,

20 en la première de ces courbes, fi elle eft touchée au poinâ; C par la ligne droite C E, B E fera double de B D; & triple de la mefme BD en la féconde, & qua- druple en la troifiéme, &. quintuple en la quatrième, & ainfi à l'infiny. le ne mets point les demonftrations

a5 de tout cecy, car ce feroit trop de peine de les écrire, & c'eft afifez en telles matières que d'en donner le fait*, pour ce qu'il ne peut eftre trouué que par ceux qui en fçauent aufli les demonftrations. Mais vous remar- querez cependant, s'il vous plaift, par la facilité de

a. Au lieu de le fait. Descartes a dû écrire le/acit, c'est-à-dire la règle de construction. Voir ci-avant, p. 94, 1. 8.

Correspondance. IL 3a

�� � 2^0 Correspondance. 11,387-388.

ces folutions, qu'elles ne méritent pas qu'on en fafle vn û grand bruit.

l'en eftois paruenu iufques icy lors que i'ay receu vollre dernière auec l'enclofe de M. F(ermat)*, à la- quelle ie ne manqueray de répondre à la première 5 occafion ; & ie ferois plus marry qu'il m'euft paffé en courtoifie qu'en fcience. Mais pour ce que vous me mandez qu'il m'a encore écrit vne autre lettre pour la defFenfe de fa règle, & que vous ne me l'auez point en- uoyée, i'attendray que ie I'ay receuë, afin de| pouuoir 10 répondre tout enfemble à l'vne & à l'autre. Et entre nous, ie fuis bien aife de luy donner cependant le loi- fir de chercher cette Tangente, qu'il a promis de vous enuoyer au cas que ie continuaffe à croire qu'elle ne fe peut trouuer par fa règle. 1 5

Pour la façon dont ie me fers à trouuer les parties aliquotes, ie vous dirav que ce n'ell autre chofe que mon Analife, laquelle l'applique à ce genre de quef- tions, ainfi qu'aux autres; & il me faudroit du temps pour l'expliquer en forme d'vne règle, qui pull eftre 20 entendue par ceux qui vfent d'vne autre méthode. Mais i'ay penfé que, fi ie mettois icy vne demi-douzaine de nombres, dont les parties aliquotes fiflent le triple, vous n'en feriez peut-ellre pas moins d'eflat, que fi ie vous enuoyois vne règle pour les trouuer. C'eft 25 pourquoy ie les ay cherchez, & les voicy :

^0240, dont les parties font . . . 90720.

}2y6o, dont les parties font . . . 98280.

25569920, dont les parties font . 70709760.

142990848, dont les parties font. 428972^4. 3o

�� � 11,388-389. CXXX. — îj Juillet 16^8. 2Çi

664^3720^20 199301 160960.

403031236608 1209093709824.

l'en adjoufte icy encore vn autre dont les parties ali- quotes font le quadruple, à fçauoir

5 14182439040, dontles parties font ^67297^6160.

le mets les nombres & leurs parties, afin que, s'il fe gliflbit quelque erreur de plume, on puft corriger l'vn par l'autre.

Et on peut trouuer des nombres en toute autre pro-

10 portion multiple, fufl-ce de ceux dont les parties ali- quotes font le centuple ; mais les nombres deuiennent û grands, que ce feroit vn trauail trop ennuyeux que de les calculer.

Au refle ie fuis extrêmement aife de ce que ma ré-

1 5 ponfe aux queftions de M. de Sainte Croix ne luy a pas eflé defagreable ; c'eft vn témoignage de fa franchife & de fa courtoifie, de fe vouloir contenter de fi peu de chofe. Car bien | que i'aye fait tout mon mieux fur ces queftions, ie ne me vante pas toutesfois d'y auoir

20 entièrement fatisfait ; & les deux dernières* m'ont fem- blé trop faciles, au fens que ie les ay prifes, pour eftre venues de Monfieur de Sainte Croix ; ce qui me fait croire qu'il les entend en quelqu'autre fens, lequel ie n'ay pas fceu deuiner.

25 Puis en la première^ au lieu d'y donner vn nombre qui y fatisfalTe, félon le principal fens, ie donne vne règle pour les trouuer, qui, bien qu'elle foit vraye & qu'elle contienne tous ceux qui peuuent eftre trouuez,

a. première] dernière Clers.

�� � 2 5 2 Correspondance. h,

elle a neantmoins ce deffaut, qu'on doit examiner par ordre tous les nombres trigones, nonobstant qu'il n'y en ait que fort peu qui feruent à foudre la queftion. le fuis,

Page 247, 1. 18. — Dans son Ecrit Cenirum gravitatis parabolici co- noidis, envoyé à Mersenne pour Roberval, et imprimé t. I, p. i36-i39 des Œuvres de Fermât, iSgt, le géomètre de Toulouse n'avait nullement présenté comme sienne la découverte de la situation du centre de gravité en question. Mais de même que, dans son premier écrit De maximis et minimis, pour montrer l'application de sa méthode des tangentes, il avait choisi un exemple classique, celui de la parabole, de même pour illus- tror sa méthode concernant les centres de gravité. Fermât l'appliqua au conoïde parabolique (segment de paraboloïde de révolution), dont le centre de gravité avait été déterminé par Archimède, et se trouvait connu (sans démonstration) par les prop. 2 et suivantes du Livre II De lis in aqud quœ vetntntur. Il est probable que Descartes ne connais- sait, de cet ouvrage, que le premier livre publié en i543, sous le titre De insidentibus humido, par Tartaglia (voir Tome 1, p. 426, 1. i3-i4).

Le second livre ne parut qu'en i565, à Venise, d'après les papiers de Tartaglia, et la même année à Bologne, avec les corrections et les com- mentaires de Commandin. Ce dernier donna en même temps : Federici Commandini Vrbinatis liber de centra gravitatis solidorum. Cum pri- vilégia in annos X. Bonanice ex officina Alexandri Benacii, i565; c'est dans la proposition 29 de ce traité qu'il donna la démonstration de l'énoncé d'Archimède.

Fermât connaissait certainement les publications de Commandin ; il est douteux, au contraire, qu'il ait connu les ouvrages de Stevin.

Les résultats énoncés plus loin par Descarfes peuvent se résumer comme suit : Soit _>'"'= /ijr une parabole de degré m, (concept général dû à Fermât) ;

I» Le rapport de la sous-tangente à l'abscisse est m ;

2° Le rapport de l'aire if^y dx au triangle inscrit j:^' est "* ;

3° Le rapport des segments en lesquels l'abscisse est divisée par le centre de gravité de cette aire, est '" |^ ' ;

4" Le -rapport du volume ir/'^j'* i.r au cylindre circonscrit t: x y* est -4-;

5° Le rapport des segments en lesquels l'abscisse est divisée par le centre de gravité de ce volume, est "'^ ' .

Ces résultats, auxquels Fermât était arrive de son côté en suivant une voie connue par ses Œuvres, sont dignes de remarque, en ce qu'ils met- tent hors de conteste que Descaries possédait, lui aussi, et probablement depuis assez longtemps, un procédé que nous ne connaissons pas, (car il

�� � CXXXI. — 27 Juillet 16 j8. 255

ne la jamais communiqué), mais qui devait être plus ou moins analogue à la méthode des indivisibles de Cavalier! .

L’excellence du procédé de Descartes éclate dans la rapidité avec laquelle il répond de la sorte à la provocation de Fermat (lettre de Mersenne du 28 avril i638, ci-avant, CXXI, p. 1 19-120), tandis qu’en 1641 Cavalieri en était encore à demander à Fermat la confirmation de ses propres résultats pour la quadrature des paraboles {Œuvres de Fermat, t. I, p. 195-198).

Page 2 5o, 1. 4. — Cette lettre de Fermat, adressée à Descartes, et à laquelle celui-ci répondra le 27 juillet (lettre CXXXII ci-après), est perdue. Elle fut probablement envoyée par Fermat à Mersenne, en même temps que celle qu’il écrivit en juin à ce dernier, sur le vu de la lettre CXXII ci-avant, de Descartes à Mersenue, dn 3 mai (voir Œuvres de Fermat, t. II, 1894, p. i52-i54).

Fermat avait joint au même envoi une autre pièce destinée à Descartes {Œuvres de F., t. II, p. 154-162). Il y développait sa méthode de maximis et minimis, et résolvait le problème de la tangente au folium, que Descartes lui avait proposé. C’est la seconde lettre dont il est parlé un peu plus loin comme retenue par Mersenne, qui ne l’envoya que le 20 juillet. (Voir la lettre CXXXI ci-après, page 272, 1. 9).

Page 25 1, 1. 20. — Voir la Réponse aux questions numériques proposées par M. de Sainte-Croix, ci-avant, p. 158-169, et comparer le début de la lettre CXXXI ci-après.

Les deux dernières questions sont sans aucun doute la 3« et la 4» (la 5» étant en réalité de Mersenne). Pour la quatrième, comme on le verra par la lettre CXXXI, Sainte-Croix l’entendait effectivement dans un autre sens que celui que Descartes lui avait donné. Il voulait que chacun des trois nombres : a, b, a -jr b, fût décomposable en trois carrés entiers, mais non en quatre, ce qui complique quelque peu le problème.

Quant à la première question, on verra également que Sainte-Croix ne considérait pas qu’elle fût résolue ou que son impossibilité fût démontrée:

��CXXXI.

Descartes a Mersenne.

27 juillet i638. Autographe, Bibl. Nat., Fr. n. a. 5 160, f. 10-14.

Variantes d’après le texte de Clerselier, tome III , lettre LXVI, p. 363-3^8. — Cette longue lettre remplit une feuille entière, plus 2^4 Correspondance, m, ?63-"64.

une demi-feuille, plus une feuille encore (soit cinq feuillets ou dix paffes), de façon que la première feuille puisse être montrée sépa- rément, les trois feuillets qui suivent formant comme une nouvelle lettre que Mer senne devait garder pour lui. — C'est le n° i6 de la collection La Hire, et le n° [g) du classement de dom Poirier.

Mon Reuerend Père,

l'ay eflé très ayfe de voir ce que Monfieur de S'^ Croix vous a efcrit touchant la refponfe que i'auois faite a fes queilions^, & i'y apprens pluiieurs conlide- rations touchant les | nombres, dont ie n'auois point 5 ouy parler; comme, entre autres, la diâference qu'il met entre le milieu & la moitié m'eftoit inconnue, & voulant faire diflindion de ces deux mots, ie n'aurois pas pris celuy de milieu pour l'vne des parties de la quantité, mais feulement pour l'endroit ou fe fait la lo feparation des moitiez.

le fçay bien que la règle que i'ay donnée pour foudre fa première queilion euft efté meilleure, û i'y eufle adiouflé quelque moyen pour déterminer tout d'vn coup les trigones vtiles, fans faire examiner de i5 fuite tous les impairs; mais il arriue fouuant aux queflions de nombres, qu'on ne les peut pas fi entiè- rement déterminer par règles, qu'il n'y refte quelque chofe a chercher par indudion. Comme, en la règle que donne Euclide ^ pour trouuer les nombres parfaits, 20 il fait examiner tous les nombres qui fuiuent de l'vnité

2 Monfieur] partout ailleurs S'^j Sainte {ici et partout ail- dans V autographe on trouve M^ leurs), et dans Clerselier Monfieur. —

a. Lettre CXXIV, p. i58 ci-avant.

b. Eléments, Livre IX, prop. 36.

�� � 111,364-365. CXXXI. — 27 Juillet i6j8. 255

en proportion double, iufques a ce qu'on en trouue vn, duquel oftant rvnité, le relie foit vn nombre pre- mier; au lieu qu'il deuoit donner vn moien pour ex- cepter tous ceux qui, eftant diminuez d'vne vnité, ne 5 deuienent pas nombres premiers. Par exemple, il en deuoit excepter tous les nombres qui fuiuent de 4 en proportion quadruple, comme 16, 64, 2^6, &c. : car il eft ayfé a demonftrer qu'eftant diminuez d'vne vnité, ils font neceffairement diuifibles par j ; & tous ceux

10 qui fuiuent de 8 en proportion oftuple, comme 64, 512, 4096, &c. : car eftant diminuez d'vne vnité, ils font neceffairement diuifibles par 7; & ainfy ceux qui fuiuent de }2, de 128, &c. Mais ie ne croy pas qu'il foit fi ayfé de donner règle pour trouuer les tri-

i5 gones vtiles a la queftion propofée, fans qu'on en doiue examiner auffy plufieurs inutiles.

Pour la 2^ queftion, il y a, ce me femble, plus d'in- duftrie a la foudre en faifant que les coftez des tri- gones foient des nombres rompus, qu'autrement, a

20 caufe qu'on ne fçauroity paruenirataftons, ainfy qu'on peut faire lorfqu'on les fuppofe eftre entiers. Outre que les nombres qui feruent a la refoudre en fradions, feruent auffy toufiours a la refoudre en entiers, lors qu'ils font multipliez. Et ie ne comprens | point du

25 tout ce que M"", de S'^ Croix entend icy par les coftez primitifs des triredangles; car il c'eftoit qu'ils ne deuffent pas eftre diuifibles par aucun nombre, fon exemple ne fatisferoit pas a la queftion, vu que 210, 720&750,eftantdiuifez par jo,produifent 7, 24 & 25,

3o qui font les coftez primitifs du triredangle.

14 après donner] vneaj. — 17 : 2=] féconde. — 29 ap7-ès 24] &ow.

�� � 2^6 Correspondance. in, 365.

Pour la troifiefme queflion, ie croy y auoir fatisfait, en demonflrant qu'elle eft impoffible. Et ainfy il ne refte que la 4% en laquelle ie neufle iamais deuiné qu'il falloit trouuer vn nombre compofé de j quarrez, a l'exclufion de 4; car ne fçachant point la remarque 5 de M"" Bachet* fur ce fuiet, ie ne voyois pas plus de raifon d'en exclure les 4 quarrez que les 5, ou les 6,^ ou plus grand nombre. Mais û ie l'euffe fceuë, i'aurois refpondu qu'en ce fens la, cete queflion ne peut eflre refoluë par d'autres nombres que par 3, ^,6; ^,11, 10 14; & 3, 21, 24; car fuppofant le theorefme de M' de S'^ Croix*, a fçauoir que tout nombre fe peut réduire a j trigones, a 4 quarrez, a 5 pentagones &c., ou a moins, ie croy pouuoir demonflrer que tous les nombres diuifibles en trois quarrez, qui font au delà i5 de j}, peuuent auffy eftre diuifez en 4 quarrez, ex- cepté feulement ceux qui fe produifent de fix ou de 14, multipliez par 4, comme 24, 96, 384, i ijjô &c., & ij6, 224, 896, 3 584 &c., lefquels ne fuffifent point pour cete queflion, a caufe que l'aggregat de deux tels 20 nombres ne fçauroit iamais eftre égal a vn autre de mefme nature.

Mais pour ce Theorefme, qui efl fans doute l'vn des plus beaux qu'on puilTe trouuer touchant les nombres, ie n'en fçay point la demonflration, & ie la 25 iuge û difficile que ie n'ofe entreprendre de la cher- cher. Au refte, ie fuis très obligé a M' de S'® Croix du fauorable iugement qu'il luy plaift faire de moy, &

3 : 4'] quatrième. — 4 : 3] cinq. — iO:^.] quatre. — lyfîx] trois. — 7:5] cinq et Gj Tix. — (). — 18 : i-^3i)] l'iSô (faute qui i3 : 3] trois et j1 quatre et b] est aussi da}is l'autographe).

�� � 111,365-366. CXXXI. — 27 Juillet 1638. 2^7

ie croy auoir très bien employé le tems que i'ay efté occupé en fes queflions, fi i ay pu acquérir par ce moyen quelque part en fes bonnes grâces, aufquelles ie vous prie de me conferuer, en l'affurant de mon 5 très humble feruice.

1 le paffe a la demonftration de la roulette, que ie ne vous auois point cy deuant enuoyée" comme vne chofe d'aucune valeur, mais feulement affin de faire voir a ceux qui en font grand bruit, qu'elle eft très

10 facile. Et ie l'auois efcrite fort fuccindement, tant affin d'efpargner le tems, que pour ce que ie penfois qu'ils ne manqueroient pas de la reconnoiftre pour bonne, fi toft qu'ils en verroient les premiers mots. Mais puifque i'apprens qu'ils la nient, ie Tefclairciray

i5 icyen telle façon, qu'il fera facile a vn chafcun d'en iuger.

Soit AKFGC la moitié de la ligne courbe que defcrit le point a de la roulette anopb^, pendant que cete roulette fe meut fur la ligne droite AB," en forte

20 que cete ligne AB eft égale a la moitié de fa circonfé- rence, & la perpendiculaire C B eft égale a fon dia- mètre, le mené les perpendiculaires OE & DP, qui diuifent AB & CB en parties égales. le mené auffy la ligne droite AC, qui ferme le triangle ABC. Puis ie

2 5 confidereque,lorfque le point ode la roulette eft aiufté fur le point O de la ligne A B, fon centre e fe trouue

2 fes] ces. — 1 1 pour] par. — 25 lorfque ont.

a. Lettre CXXIII ci-avant, p. i35-i37.

b. La figure de cette roulette manque dans l'autographe, et la figure de la cycloïde ne s'y trouve que plus loin. Elles peuvent avoir été mises toutes deux sur un carré de papier séparé et aujourd'hui perdu.

CORRESPONOANCE. IL 33

�� � 2^8 , Correspondance. 111,366-367.

fur le point E, ou AC & DF s'entrecoupent, a caufe que, CD eftant la moitié de CB, DE doit élire égale a la moitié de BA, c'efl a dire à BO. le confidere auffy que fon demy-diametre ea fe trouue alors ap- pliqué fur la ligne EF, qui par confequent luy eft égale, a caufe que, la ligne AO eftant égale au quart de la circonférence de cete roulette, l'angle aeo doit

���eftre droit, | ainfy qu eft l'angle F E O ; & enfin A E eft égale a E C. De plus, ayant pris les poins N & P dans la ligne AB des deux coftez du point O, autant efloignez de ce point O Tvn que l'autre, & a telle dif- tance de luy qu'on voudra, pouruu que ce foit entre les poins A & B; puis ayant pris auify dans la roulette les poins n & p qui leur correfpondent, en forte que l'arc a n eft égal à ï-drc pb, & auffy aux droites AN & PB, ie tire les diamètres ne, pe, auec les perpendicu- laires aj, ax. Et ie confidere que, le point n de la rou- i5eft] foit.

��10

��i5

�� � 111,367-368. CXXXI. 27 JuiLI-ET l6^8.

��259

��10

��i5

��20

��25

��leite ellant appliqué fur le point N de la droite AB, fon point a fe trouue ioint au point de la courbe marqué K, qui eft tel que, tirant KM parallèle a BA, cetc ligne KM eft égale a NB plus ay, & que MD eft égale àye.

le confidere tout de mefme que le, point p de la roulette, eftant appliqué fur le point P de la droite A B, fon point a touche la courbe au point G, qui eft tel que la li- gne GI eft| égale a PB plus ax, & que ID eft égale kxe. Si bien que les deux li- gnes enfemble, GI plus K M , font égales à la ligne A B plus la ligne ai; car il eft manifefte que ax-\-ay font enfemble égales a la toute a^, & que N B plus P B font égales a la toute AB, vu que AN eft égale a PB. Outre cela, ie confi- dere que, H eftant le point ou GI coupe AC, & L celuy ou KM coupe la mefme AC, les lignes LM & H 1 font enfemble égales a la toute A B ; car M B eft égale a CI, & fi on mené L V parallèle a MB, elle fera aufly égale a CI, & par confequent HI égale à AV;

���4 après plus a/] (Car fi on tiroit N RQ parallèle à BC, )oi- gnans KQ, les triangles KQR, aey feroient égaux, & fembla-

��bles, & partant a/, KR font égales) aj. (La construction est faite sur lajîgure de Clerselier.) — après MD] (ou QR)^/.

�� � 26o Correspondance. m, 368-369.

car les triangles AVL & HIC font égaux & fem- blables. Et LM eft auffy égale a VB. Or puifque LM plus H I font égales a la ligne A B, & que K M plus GI font égales a la mefme AB plus la ligne a:[, il eft eui- dent que les deux reftes KL & GH font enfemble 5 égaux a cete ligne a ^, laquelle eft autant éloignée du centre de la roulette e que KL & G H le font du point E, c'eft a dire de la ligne FE. Et pource que les poins N & P ont eftépris a difcretion, excepté qu'ils font également éloignez du point O, (ce qui eft caufe 10 que les lignes KL & GH font aufly également éloi- gnées de la ligne FE), cecy fe doit entendre générale- ment de toutes les deux lignes, menées entre la droite AC & la courbe AFC, qui font parallèles a FE, & également diftantes d'elle, l'vne d'vn cofté, l'autre de i5 l'autre, a fçauoir, qu'elles font enfemble égales a la ligne droite infcrite dans la roulete & autant éloignée de fon centre que ces lignes le font du point E ou bien de la ligne FE.

D'où il fuit que, fi fur vne mefme ligne droite 20 comme a^cpo)^ on defcrit le demi cercle aS^ égal a la moitié de la roulette, & la figure cpyxijya), dont la partie «pyscOe foit égale & femblable à FGCHE, & l'autre partie e9x.t|;co foit égale & femblable a ELAKF (car AE eftant égale a EC, & l'angle AEF a l'angle 25 DEC, il eft euident que ces deux parties de figure peuuent ainfy eftre iointes), la baze çpw fera égale à ap, & la hauteur de cete figure çx-w | égale a celle du demi-cercle aS^. Et outre cela tous les fegmens des mefmes lignes droites parallèles a la baze aP(pw, qui îo

9 difcretion] diredion.

�� � 111,369. CXXXI. — 27 Juillet 1638. 261

feront compris, Tvii dans la figure <py.w, l'autre dans le demi cercle, feront égaux Tvn a l'autre, comme ^;<l fera égal à(jLv;45, à 2 ^;8 9, à67;& ^i^i^y ^^^ autres.

Ce qui prouue alTez que Tefpace ç/cw efl égal au demi cercle ao^, pour ceux qui fçauent que généra- lement, lorfque deux figures ont mefme baze & mefme hauteur, & que toutes les lignes droites, parallèles a

���10

��leurs bazes, qui s'infcriuent en l'vne, font égales a celles qui s'infcriuent en l'autre a pareilles diftances, elles contienent autant d'efpace IVne que l'autre. Mais pource que c'eft vn theorefme qui ne feroit peut eftre pas auoué de tous, ie pourfuis en cete forte. Ayant mené les lignes droites a, p & y. <p, -.c w, il eft

1 5 euident que le triangle ç /, w eft égal au triangle a, !3 ; car ie prens x, & ô pour les plus hauts poins de ces deux figures. Tout de mefme, ayant mené les lignes \x%, p. S, va, v^, yx, ycp, <]/ x,^ -^lo, il eft euident que les deux triangles y/. 9 & <!//,co font enfemble égaux aux deux

20 [xoa & voP; car çw eftant égale à a[E, 12 ij eft auffy égale a 10 11 ; & pource que y y- eft égale a (iv, y 12

14 & om.

�� � 202 Correspondance. m, 369-370.

plusij ^, qui font les bafes des triangles Y /,ip & Çix,a), font enfemble égales à [x 10 plus 1 1 v, qui font les ba- zes des triangles [/.ôo. & vô(S, & ces 4 triangles ont mefme hauteur. Ainfy derechef infcriuant d'autres I triangles des poins 4, 5, 8, 9, & 2, 3, 6, 7, & tant 5 d'autres qu'on voudra a l'infini, on trouuera toufiours, en mefme façon, que ceux de la figure cpz.to feront égaux a ceux du demi cercle, & par confequent toute cete figure eft égale a ce demi cercle. Car toutes les parties d'vne quantité eftant égale a toutes celles d'vnc 10 autre, le tout eft neceffairement égal au tout ; & c'eft vne notion fi euidente, que ie croy qu'il n'y a que ceux qui font en poflfeflion de nommer toutes chofes par des noms contraires aux vrais, qui foient capables de la nier, & de dire que cela ne conclud qu'a peu près. i5

Au refte, l'efpace compris entre la droite AC & la courbe A K F G C eftant égal au demi cercle, il eft euident que tout l'efpace AFCB eft triple du demi cercle; car le triangle rediligne ABC eft égal a tout le cercle, puifque la ligne A B eft fuppofée égale a la 20 moitié de fa circonférence, & BC a fon diamètre. Mais encore que cete ligne A B fuft fuppofée plus grande ou plus petite (comme lorfqu'on imagine que le point qui defcrit la courbe A F C eft au dehors ou au de- dans de la roulette, & non pas en fa circonférence), 2 5 l'efpace compris entre la droite AC & la courbe A F C ne lairroit pas d'eftre toufiours égal au demi cercle dont le diamètre feroit égal à BC, en forte qu'il n'y auroit v^ue le triangle rediligne ABC qui changeaft

3 : 4] quatre. — 27 lairroit] laifferoit. — 29 changeaft] chan- geroit.

�� � 111,370-375. CXXXI. — 27 Juillet 1638. 265

de grandeur. Ainfy qu'il eft affez manifefte de cela feul que, bien que la grandeur de la ligne A B foit changée, il ne faut rien changer pour cela en la de-

��10

���monftration que ie viens d'efcrire. Et ce que i'ay mis icy fort au long, affin de pouuoir eftre entendu par ceux qui ne fe feruent point de lanalyfe, peut eftre trouué en trois coups de plume par le calcul.

I Pour ce qui eft de Tobiedionde M^ Fermât contre ma Dioptrique*, il efcrit fi ferieufement, que ie commence a me perfuader qu'il croit auoir raifon, & ainfy ie ne le prens nullement en mauuaife part ; mais ie penfe auoir grand droit de luy rendre fes mots, a fçauoir, que ie ne fçaurois comprendre com- ment vn homme, qui eft d'ailleurs très habile & de très

��8 Clers. imprime ensuite l'ali- néa : Les deux feuillets prece- dens... {foir ci -après p. 266, 1. 8). — ce qui eft de omis

��(Clers., p. SyS, l 18). — W Fermât] Monfieur de Fermât. — 9 il] en aj. [rayé dans l'auto- graphe). — 12 fes] ces.

�� � 264 Correspondance. m. 375-376.

bon efprit, entreprend de réfuter vne demonftration qui eft très ferme & très folide, auec des argumens fi fragiles & aufquels il eft fi ayfé de refpondre. Car pour ce dernier, a fçauoir que, û la baie qui eft au point B eft pouffee par deux forces égales, dont Tvne s la porte de B vers D, & l'autre de B vers G, elle fe doit mouuoirvers I, en forte que l'angle GBI foit égal a I B D ; & que, tout de mefme, eftant poufTée de B vers N & vers I, elle doit aller vers L qui | diuife l'angle N B I en 10 deux parties égales ; ces premifles font vrayes, mais elles ne contienent rien du tout qui regarde les refradions, lefquelJes ne font point caufées par deux forces égales qui pouffent la baie, mais par la i5 rencontre oblique de la fuperficie ou elles fe font ; & ainfy ie ne fçay par quelle Logique il prétend inférer de la, que ce que i'en ay efcrit n'eft pas vray. Mais ie fuis bien ayfe de ce qu'il promet de refpondre a ce que i'ay cy deuant mandé a M' Mydorge, touchant 20 fes autres obiedions^; car i'efpere qu'en examinant mes raifons, il reconnoiftra que ce qu'il nomme main- tenant des fubterfuges, font des veritez très certaines, par lefquelles i'ay repondu a des fophifmes. Et fi ma

I des demonftrations . — 21 i'efpere] ie me promets. —

2 qui font. — fermes. — folides. l'examinant. — 22 mes raifons]

— i3 lefquelles] car elles. — de plus prés. — après recon- i5 après mais] feulement aj. noiftra] enfin a;". — 22-23 main-

— 19 promet] veut tafcher. — tenant ow. — 24 i'ay repondu] 20 i'ay cy deuant] i'auois. — ie répons.

a. Voir lettre CXI, p. 17-21.

��� � m, 376-Î77. CXXXI. — 27 Juillet 1638.

��265

��10

��i5

��20

��demonflration n'efl pas comprife par plufieurs, il ne doit pas conclure de la qu elle manque d'eflre eui- dente, mais feulement que la matière en eft difficile, ainfy qu'il en y a plufieurs dans Apollonius & Archi- mede qui ne laiffent pas d'élire fort euidentes, encore qu'il y ait quantité d'honneftes gens & très habiles en autre chofe, qui ne fçauroient les comprendre.

I Ceux qui reprenent le mot tantojl en la page j8o^ font le mefme que s'ils me blafmoient de ce que mon colet feroit de trauers, car l'vn ne touche pas plus a mon honneur que l'autre; & s'ils n'approuuent pas que i'aye efcrit ainfy qu'il a tantojl ejlé dit, ils y de- uroient auffy reprendre le mot dit, & m'obliger a mettre ainfy qu'il a ejlé cy deuant efcrit, ou plutoft ainfy qu'il a eflé cy deuant imprimé, a caufe que c'eft vn Hure imprimé & non pas efcrit a la main.

Pour le mot car ou bien la quantité &c. , en la page 381 , ceux la ne l'entendent pas qui iugent que cete difiondion ou bien auec les lignes fuiuantes foit fuper- fluë ; car elle y eft très neceffaire, comme on peut voir par l'exemple que i'y ay ioint, fi on en change feule-

��1-2 il... la] l'on ne doit pas iuger par là. — 4-5 qu'il... Archimede] que les demonftra- tioris d'Apollonius & d'Archi- mede. — 5 qui ont. — 6 après &] qui font a;'. — 7 après com- prendre] Vous pourrez enuoyer, s'il vous plaift, ces lignes à Mon- fieur de Fermât, lors que vous luy écrirez, aj. (Clers. continue par l'alinéa : Et Monfieur de

��Roberual me femble. . . Voir ci- après p. 2J4, l. i3). — 8 après mot] de aj. (Clers., p. Sjj, l. 24). — 12 y ont. — 18 iugent] ne Yoyent pas. — 19 auec] y eft très - neceffaire, auffi bien que. — fuiuantes] qui fuiuent. — 19-

20 foit... neceffaire om. — 20 on peut voir] ils connoiftront. —

21 ioint] mis. — fi... change] s'ils changent.

��a. Voir la Géométrie de Descanes. Correspondance. IL

��34

�� � 266 Correspondance. 111,37778-370-71.^

ment les fignes + & — , & qu'on | life + y + 8 j' — 12 4JJ+64 00 G. Carie binôme rationel, par lequel on peut diuifercete équation, eàyy-'r ï6, & toutefois la racine cherchée n eft pas 16, mais 4+ I/12 ,* ou bien 4 — |/i 2 . C'eft vne mifere d'eftre blafmé en ce qui eft 5 bien, pour cela feul que ceux qui fe meflent d'en iuger ne l'entendent pas.

I . I Les deux feuillets precedens ont efté pour les autres; icy ie commenceray a fuiure les articles de vos lettres. Le premier eft que le S"^ Petit" vous a dit 10 que les Capucins, eftans en leur affemblée générale, auoient tous vnanimement admiré ce qu'il a efcrit contre moy ; de quoy ie penfe auoir fuiet de me moc- quer, car il n'y a aucune apparence que la deuotion |de fes bons religieux les rende fi fimples, qu'ils ne «5 puiflent remarquer les impertinences & les fautes de iugement qui font en toutes les lignes de fon difcours, ny qu'ils approuuent fes impietez, qui font telles en quelques endroits, que s'il eftoit en vn pais ou l'inqui- fition fuft vn peu feuere, il auroit fuiet de craindre le 20 feu ; outre que la profeffion qu'ils font de reprendre les vices, les oblige a blafmer le defir de médire, dont

I on life] ils lifent. — 5 après Clers. — 9 icy ie commenceray]

mifere] que aj. — 7 après enten- ie viens icy. — a fuiure les] aux

dent pas] Clers. met la phrase diuers. — 10 voftre lettre, dont

l'auoisquafi oublié ('l'o/rd-ajprèi le premier. — S Petit] fieur N.

p. 2-] 6, l. 8) et termine la lettre. — 1 1 eftans. . . générale trans-

— 8 Les deux feuillets... a//?zea posé après admiré (1. 12). —

placé par Clers. ci-avant p. 263, i3-i4 mocquer] rire. — i5 fes]

/. 8. Tous les numéros des arti- ces. — i6 les impertinences &

des, I, 2, 3 à 17, manquent dans om. — 16-17 de iugement om.

a. Voir plus haut, p. 144, 1. i3 et p. 191, 1. 26.

�� � m. 37.. CXXXI. — 27 Juillet i6j8. 267

on void qu'il n a pas efté moins embrafé, que les plus fains d'entre eux fçauroient eflre de l'amour diuin. Pour moy, ie ne crains pas que ceux qui ont du iuge- ment, & qui me connoiffent, s'imaginent qu'il me fuft

5 malayfé de luy refpondre fi ie penfois qu'il fuft de la bienfeance que ie le fiffe ; mais ie vous diray que ie n aurois pas moins de honte d'efcrire contre vn homme de cete forte, que de m'arefter a pourfuiure quelque petit chien qui aboyeroit après moy dans vne rue.

,0 2. Ce qui n empefche pas que ie ne veuille tafcher d'efclaircir les raifons que i'ay données de l'exiftence de Dieu, mais l'en efcriray en latin.

j . Et pource que la plus part des obiedions qu'on m'a enuoyées, & que i'ay deffein de faire imprimer,

i5 lorfque l'en auray vn affez bon nombre, font auffy la- tines, ie ferois bien ayfe que ceux qui m'en voudront faire a l'auenir, les efcriuiffent en mefme langue.

4. Et pource que i'ay quafi opinion que les lefuites de la Flèche m'en enuoyeront, & que fi cela eft, ils

20 aymeront mieux les mettre en latin qu'en François, ie vous prie de les en faire auertir, mais comme fans deffein & par occafion, a caufe que peut-eftre ils ne penfent point a m'en enuoyer.

5 . le voudrois bien auffy fçauoir en quelle façon ils 25 traitent mes Météores en leur Philofophie, fçauoir, s'ils

les réfutent, ou s'ils s'en taifent ; car ie n'ofe encore

2 Saints. — le fçauroient.— que fi cela eft. . . François aj.

ly m'en enuoyeront] me feront (v. 1. 19-20). — après^r^axs] que

l'honneur de m'en enuoyer. — ce foit, s'il vous plaift, aj. —

19-20 & que... François ont. 24 fçauoir auffi. — en] de. — 2 1 après auertir] car ie croy

�� � 208 Correspondance. m, 371-371.

penfer qu'ils la fuiuent. Et cela fe peut voir par leurs thefes publiques qu'ils font enuiron cete faifon.

6. M' des Argues m'oblige du foin qu'il luy plaifl auoir de moy, en ce qu'il tefmoigne eftre marri de ce que ie ne veux plus eftudier en Géométrie. Mais ie 5 n'ay refolu de quitter que la Géométrie abftrade, c'eft

a dire la recherche | des quellions qui ne feruent qu'a exercer l'efprit ; & ce affin d'auoir d'autant plus de loy- fir de cultiuer vne autre forte de Géométrie, qui ie propofe pour quellions l'explication des phainomenes 10 de la nature. Car s'il luy plaift de confiderer ce que i'ay efcrit du fel, de la neige, de l'arc-en-ciel &c., il connoiftrabien que toute ma Phyfique n'eft autre chofe que Géométrie.

7. Pour ce qu'il defire fçauoir de mon opinion tou- i5 chant les petites parties des cors, ie vous diray que ie

ne les imagine point autrement que comme les pierres dont vne muraille eft compofée, ou les planches dont eft fait vn nauire ; a fçauoir, on peut plus ayfement les feparer les vues des autres, que les rompre, ou les 20 reioindre, ou leur donner d'autres figures ; mais on peut auffy faire toutes ces chofes, pouruû qu'on ait les outils qui font propres a cet effeâ:.

8. Pour vos difficultez touchant la page 2 58 de mes Météores, elles requerent vn long difcours, & c'eft l'en- 25 droit le plus difficile de tout le liure ; mais l'en ay elcrit affez amplement en ma refponfe^" a quelques ob- iedions venues de Louuain, lefquelles i'efpere que

t la] les. — 10 queftions] queftion. a. Lettre LXXXVIII, du 3 oct. 163;, t. I, p. 412.

�� � 20

��111,37.-373. CXXXI. — 27 Juillet 1638. 269

vous verrez imprimées- auant vn an. Et par prouifion ie vous diray 1° que les boules qui font peintes en la figure de cete page, ne feruent que d'exemple, & doiuent eftre prifes pour des boules de bois ou autre matière vifible, & non pour les parties de la matière fubtile; 2 qu'il feroit très malayfé & fort peu vtile de penfer a déterminer abfolument la viteffe du tour- noyement des parties de cete matière fubtile; & que ie l'ay feulement déterminée a comparaifon du mou- uement droit, a fçauoir que, fi le droit eft furpaffé par le circulaire, cela produit le rouge & les autres cou- leurs voy fines en forme de nuance, a raifon du plus ou du moins dont il en eft furpaffé; & que fi ceft le contraire, cela produit le bleu, &c.

9. le ne vous ay rien refpondu cy deuant touchant la penfée de M"^ Gaudais pour expliquer les refrac- tions, a caufe qu'elle ne fe rapporte point du tout

a la miene.

10. Pour le Geoftaticien% ie vous affure que ie me foucie fort j peu fi luy ou fes femblables efcriuent contre moy ; car plus il y en aura qui s'en acquiteront mal, plus la vérité paroiftra, & ie fçay bien qu'ils ne fçauroient s'en acquiter que très mal.

1 1 . Lorfque i'auois dit que le libraire luy deuoit en-

i vn anl la fin de l'année. - Gaudais] Monfieur Ga. - 22-

2 : .0] premièrement. - 4 autre] 23 qu'il ne fçauroit {l'autographe

autres. — 5 matière vifible om. porte qu'il. — 24 à 6, p. 270.

-6:2] Secondement. - 1 6 M' Lorfque ... la vente orrns.

a Voir la Correspondance de Descartes dans les inédits du fonds Libri, p. p. Paul Tannery (Paris, Gauthier-Villars. 189?), où sont pu- bliés (p. 36-55) trois pamphlets mathématiques anonymes qui paraissent l'œuvre de Jean de Beaugrand.

�� � 270 Correspondance. ru, 373.

uoyer vn fergeant% i'entendois parler de mon libraire, a qui vous m'auiez mandé qu'il deuoit vn exemplaire qu'il refufoit de payer.

12. le ferois bien ayfe de fçauoir a peu près com- bien il s'en eft débité a Paris ; car ie ne croy pas que le 5 libraire m'en die la vérité.

I ^ . Le raifonnement dont M"^ Fermât prétend prou- uer le mefme que le Geoflaticien, eft defeélueux en deux chofes : la première eft qu'il confidere B & C comme deux cors feparez, au lieu qu'eftant ioins par 10 ^ la ligne BC, qu'on fuppofe ferme comme vn baf- ton, ils ne doiuent eftre confiderez que comme vn feul cors, duquel le centre de grauité eftant au point A, ce n'eft pas merueille fi l'vne des parties de ce cors fe haufle, affin que les autres i5 s'abaifl'ent, iufques a ce que fon centre de gra- uité foit conioint auec celuy de la terre. Et la 2^ eft, qu'il fuppofe comme chofe certaine que cela eft, a fçauoir que le poids C, eftant paruenu au centre de la terre, doit palTer de l'autre cofté, affin de per- 20 mettre a l'autre de s'en approcher, ce qui auoit be- foin d'eftre prouué, a caufe qu'on le peut nier auec rai fon.

7 W Fermât] Monfieur F. — 77 ci-avant). — 18-19 comme...

9 après la première eft], qu'il fçauoir om. — 20 après paffer"

fuppofe... raifon {yoirl. i8-23 plus loin aj. — 20-21 affin...

ci-après). — 17 la 2'] la féconde. approcher om. — 21-22 qui. . .

— 17-18 après Et la 2^ eft] qu'il prouué] qu'il luy faudroit prou-

confidere. . . la terre [voir l. g- uer. — 22 a caufe qu'on] car on.

a. Voir plus haut, p. 146, 1. 23.

b. Propositio Geostatica Domini de Fermât (Œuvres de Fermât, t II, p. 6).

��GÔ

�� � m. 375-374- CXXXI. — 27 Juillet i6j8. 271

14. le n'ay point receu le pacquet que M"^ d'Igby auoit pris la peine de m'enuoyer; mais ce n eft pas grand perte.

I ^ . le n'ay pas aufly encore vu le Galilée*, bien que 5 i'aye mandé a Leyde qu'on me l'enuoyall.

16. le remercie M"" des Argues de l'obferuation qu'il dit auoir apprife des mineurs ; mais il eft malayfé de bien iuger de la caufe de telles expériences, lorfqu'on ne les fçait que par le raport d'autruy. Outre qu'il fau-

10 droit s'enquérir file femblable arriue aufly aux autres pais, & fi c'eft par tout a vne mefme heure; car fi cela eft, la chofe eft grandement confiderable, & elle me pourroit beaucoup feruir.

17. Encore que ce que i'ay efcrit touchant la Geo- i5 ftatique ne mérite en aucune façon d'eftre publié, fi

toutefois, fuiuant ce que vous me mandez, on defiroit qu'il le fuft, c'eft chofe qui m'importe fort peu, pouruû que mon nom n'y foit point mis, & s'il vous plaift aufly, qu'on en retranche ces mots : // tefmoi'gne en cela

îo qu'il n'a pas moins d'impudence & d'effronterie que d'i- gnorance^. Au lieu defquels on peut mettre: il tef- moigne par la qu'on ne doit pas adioujler beaucoup de foy a ce qu'il efcrit. Et plus bas, ou i'ay mis que ce Hure de Qeojlatique ejl fi impertinent .^ fi ridicule & fi mefpri-

25 fable, on peut ofter impertinent & ridicule &|laifler

1-5 le n'ay... l'enuoyaft ow. 17 c'eft chofe qui] il. — 21-

— 10 auffy otn. — 11 vne om. 22 t'efmoigné] fait voir. — 24 de

— 12 elle om. — i5-i6 fi... Geojlatique ora. fuiuant] toutefois, fi félon. —

a. Voir plus haut, p. 194, \. i3.

b. Voir ci-avant p. 188, 1. i-3, puis p. 189, 1. 8-9.

�� � 272 Correspondance. m, 374

feulement que ce Hure de Geojlatique ejl fi mefpri- fable &c. Ce n'eft pas que les epithetes ai impertinent &c. ne luy conuienent très bien, ny que i'aye aucune peur de l'offenfer, mr is c'eft qu'il ne me femble pas qu'il me conuiene de les efcrire ; & ils ne font efcha- 5 pez de ma plume qu'en faueur de fa friponnerie tou- chant nollre priuilege^.

l'en eftois paruenu iufques icy, lorfque i'ay receu voftre dernier pacquet du 20 de ce mois, lequel ne contient que des efcrits de M"" Fermât, aufquels ie n'ay 10 pas befoin de faire grande refponfe; car pour celuy ou il explique fa méthode ad maximas^, il me donne affez gaigné, puifqu'il en vfe tout autrement qu'il n'auoit fait la première fois, affin de la pouuoir ac- commoder a l'inuention de la tangente que ie luy i5 auois propofée; & félon ce dernier biais qu'il la prend, il eft certain qu'elle eft très bonne, a caufe qu'elle reuient a celuy duquel i'ay mandé cy-deuant qu'il la faloit prendre ^ En forte que, pour en dire entre nous la vérité, ie croy que s'il n'auoit point vu ce que i'ay 20 mandé y deuoir eftre corrigé, il n'eufl pas fceu s'en demefler. le croy auffy que toute cete chiquanerie de la ligne EB, fçauoir fi elle deuoit eftre nommée la

I de Geojtatique om. — 2 &c. — 9 du 20] du deuxième. —

om. — les] ces. — 2-3 d'imper- 10 M"" Fermât] Monfieur de Fer-

tinent &c. om. — 6 de fa fripon- mat. — 18 duquel] dont. —

nerie] du tour qu'il nous a joiié. 21 n'euft pas fceu] euft eu de

— 6-7 touchant noftre] pour le. la peine a.

a. Voir t. I, p. 354-355. Cf. t. II, p. 85, 1. 2.

b. Méthode de Maximis et Minimis expliquée et envoyée par M. Fer- mai à M. Descartes {Œuvres de Fermât, t. II, p. 154).

c. Voir la lettre CXXII ci-avant, p. 127-131, etle billet ajouté, p. i32-i34.

�� � plus grande, que fes amis de Paris ont fait durer vn demi-an, n’a efté inuentée par eux que pour luy donner du tems a chercher quelque chofe de mieux pour me refpondre. Et ce n’eft pas grande merueille 5 qu’il ait trouué en fix mois vn nouueau biais pour fe feruir de fa règle; mais on n’auroit pas de grâce de leur parler de cela, car il n’importe pas en combien de tems ny en quelle façon il l’a trouué, puifqu’il l’a trouué.

10 On n’auroit pas de grâce non plus de dire que le 4^ nombre dont les parties aliquotes font le double, qu’il vous a enuoyé en fa dernière lettre, eflant iuf- tement le mefme que ie vous auois enuoyé aupara- uant^, il efl fort vrayfemblable qu’il l’a eu de quel-

i5 qu’vn de Paris, a qui vous ou M"^ de S’^ Croix l’aurez fait voir ; & toutefois ie voudrois gager que cela eft, car il le donne affez a connoiftre par ce qu’il vous efcrit en vous l’enuoyant, a fçauoir | qu’il l’a trouué par vne méthode femblable a la miene &c. Et par-

20 ticulierement auffy, par ce qu’il met vn peu deuant touchant la 4^ queftion de Mr de Ste Croix, que i’auray peut eflre fait le mefme equiuoque qui luy arriua la pre- mière fois qu’elle luy fut propofée, & que i’auray creu qu’il fuffifoit que les nombres cherche:^ ne fuffent ny


1-2 vn demi -an] prés de 6 mois. — 5 après mois] de temps aj. (de tems rayé dans l’autographe). — 7 il om. — 8 et 9 trouuée. — 1 1 quatrième. — i5 a qui] auquel. — l’aurez] l’auez. — 16 toutefois om. — ie voudrois gager] ie m’affure quafi. — 21 la quatrième. — i’auray] i’y auray. — 22 le] la. — 23 luy om.

a. Voir plus haut page 167, 1. 17. Cf. Œuvres de Fermat, t. II, p. 154, note I. Cette partie de la lettre de Fermat est perdue. 2 74 Correspondance. 111,375-376.

quarre-^ ny compofe-^ de deux quarre:^, bien qu'ils fujfent compofe^ de 4, ce qui n ejl pas pourtant félon le fens de l'autheur, &c. Car comment auroit il deuiné que i'ay eu cete penfée, & comment oferoit il affurer qu elle n'eft pas félon le vray fens de l'autheur, fi cela mefme 5 ne luy auoit eflé efcrit de Paris par quelqu'vn*? Mais on n'a point droit d'accufer vn homme de telle chofe, fi ce n'ell qu'on le puiffe prouuer fort clairement ; il eft feulement permis de le penfer. Cependant toutes fes procédures indiredes me degoullent fi fort de leur 10 conférence, que ie ne demande pas mieux que de la finir.

|Et M"" de Roberual me femble aufTy vain, auec fon Galand ", qu'vne femme qui attache vn ruban a fes cheueux, affin de paroiflre plus belle; car il n'a eu i5 befoin d'aucune indufl;rie, pour trouuer la figure de cete ligne courbe, puifque i'en auois enuoyé la défini- tion ; & fon efcrit ne fert qu'a me faire connoiftre qu'ils l'ont fort examinée, & fort trauaillé, auant que d'en pouuoir trouuer la tangente ; car il y a 6 ou 7 mois 20 que ie leur auois propofée, & ils n'ont commencé a en parler que depuis vn mois. Mais ie vous prie de ne me brouiller plus auec luy ; car ie fuis entièrement degoufté de fa conférence, & ie ne trouue rien de rai-

2 de quatre. — 10 fes] ces. à Monfieur de Fermât, lorfque

— 12 après finir] Pour l'obiec- vous luy écrirez {voir ci-avant,

tien de Monfieur de Fermât. . . p. 265, l. 7, variantes). —

{voir ci-avant, p. 26J, L (?). — 17 courbe om. — i'en] ie luy

Les trois alinéas commençant L en. — 20 fix ou fept. — 23 plus

j3 sont placés par Clers. après brouiller.

a. Il s'agit ici du folium de Descartes. Voir t. I, p. 495, éclaircissement

sur p. 490, 1. 24.

�� � 111,376-377- CXXXI. — 27 Juillet ï6jS. 27^

fonnable en tout ce qu'il dit, comme lorfqu'il eftime la façon de conclure ad abfurdum plus fubtile que l'au- tre. C'eft chofe abfurde, & elle n'a eflé pratiquée par Apollonius & Archimede, que lors qu'ils n'en ont pu

5 donner de meilleure.

I Vous verrez clairement pourquoy vn cors pendu a vne chorde pefe moins, eftant proche du centre de fon arell, qu'en eftant plus loin, fi vous confiderez ce que i'ay efcrit du plan incliné^ ; car il fe meut comme fur

10 vn plan beaucoup plus incliné fur l'Horizon. le ne vous enuoye point le centre de grauité qu'ils deman- dent; car ie n'ay pas le loyfir a ce foir de la calculer ; & ie croy vous en auoir enuoyé affez d'autres il y a I ^ iours , & i'ayme mieux leur faire chercher par

i5 Gillot, lorfqu'il fera icy.

Or a propos de Gillot, ie vous diray qu'encore qu'il ne puft peut eftre pas tant gaigner a Paris qu'icy, ie ferois néanmoins bien aife qu'il y fuft, affin de faire entendre ma Géométrie ; & pouruu que ie fuffe feule-

20 ment affuré qu'il auroit moyen d'y fubfifter fans ne- ceffité, ie ne lairrois pas de l'y enuoyer ; car fans cela i'apprehende que malayfement elle fera entendue par

I après dit] icy aj. — lorf- — 14 quinze iours. — Siom. —

qu'il eftime] d'eftimer. — 3 vne leur] le. — par] a. — i5 après

chofe. — 4 & par. — n'en ont] icy] où ie croy qu'il viendra

n'ont. — 5 meilleure] meilleures dans cinq ou fix femaines, afin

demonftrations. — 9 après in- de leur enuoyer de fa part aj.

cliné] du leuier, & de la ba- — 16 Or a propos de] Et pour,

lance aJ . — 9-10 comme fur vn] — 21 lairrois] laiiferois. — cela]

fuiuant. — 12 le ont. — la] le. luy. — 22 fera] foit.

a. Voir plus haut page 232.

b. Lettre CXXX, p. 248-249 ci-avant.

�� � 2/6 Correspondance. ni, 377-378.

ceux qui n'ont point fceu auparauant d'analyfe, & ie voy que ceux qui en ont fceu ne luy rendent aucune iuftice, & qu'ils tafchent a la mefprifer le plus qu'ils peuuent. Que fi on trouue que l'introduélion que i'ay dernièrement enuoyée ^ y puifTe ayder, ie ne feray pas marri que les lefuites la voient auily ; car ie voudrois bien que plufieurs la pufTent entendre.

I l'auois quafi oublié a vous remercier de la peinture des couronnes que vous m'auez enuoyée, laquelle i'ay efté fort ayfe de voir, a caufe qu'elle fe raporte entiè- rement a celles que ie defcris.

le fuis de tout mon cœur,

Mon Reuerend Père,

Voftre très affedionné & très obligé feruiteur,

��DESCARTES.

��du 27 luillet i6j8.

��[en marge : ) le vous enuoye ma lettre pour M*^ de Fermât toute ouuerte ; mais vous la fermerez, s'il

��3 a] de. — 4 on] l'on. — 4- 5 que i'ay dernièrement] qui a efté. — 5 après enuoyée] d'icy aj. — 6-7 voudrois bien] ferois bien-aife. — 7 la puffent enten- dre] l'entendiffent. Vient ensuite l'alinéa: Ceux qui reprennent... [voir p. 265 ci -avant, l. S). — 8 l'auois... (voir ci-avant, p. 266, l. 7, variantes). —

��10 a caufe qu'elle] car elle. — 1 2 Clers. termine la lettre par le fuis, &c. et donne ensuite, p. S-jS-Sjg, sous ce titre : Ex- trait d'vne lettre de M. Descartes au R. P. Merfenne, un fragment qui appartient à la lettre CXIX du 3i mars : Si d'vn nombre mefuré par 8, ... [voir p. gi ci-avant, note c).

��a. Une partie le 27 mai, et le reste le i3 juillet. (voir plus haut, p. i52, 1. 10, et p. 246, 1. 8).

��10

��iS

�� � vous plaift, auant que de luy enuoyer, pour la bienseance.

Page 256, l. 6. — Il a déjà été fait allusion plus haut par Descartes (p. 194, 1. 6) à cette remarque de Bachet, qui fait partie des commentaires insérés dans son édition de Diophante de 1621 (page 179 de la réédition de 1670) :

« Omnem autem numerum vel quadratum esse, vel ex duobus, aut tribus, aut etiam quatuor quadratis componi satis experiendo de- prehendes. Mihi sanè perfectâ id demonstratione assequi nondum » licuit, quam qui proferet maxim.as ei habebo gratias, praesertim cùm » non soliim in hac quaestione [IV, 3i], sed et in nonnullis quinti libri » hoc supponere videatur Diophantus. Intérim libet id inductione confir- » mare, ostendendo proprium esse numerorum omnium ab i vsque ad » 120, vt constat ex sequenti diagrammate. »

Après avoir donné un tableau des décompositions possibles, en un, deux, trois ou quatre carrés, des nombres jusqu’à 120, Bachet ajoute : « Tu, si vacat, vlterius experiare licebit. Ego sanè de omnibus numeris » vsque ad 325 experimentum sumpsi. »

Page 256, 1. 12. — On appelle, en général, nombre polygone un nombre qui est la somme de n termes d’une progression arithmétique commençant à l’unité et ayant une différence égale a. a — 2, a étant le nombre des angles du polygone et n étant son côté.

L’expression générale de la valeur d’un nombre polygone peut être mise sous la forme : n/2[n (a — 2) — (a — 4]].

En faisant successivement « égal à 3, 4, 5, etc., on a les formules particulières des

Triangles : n(n+1)/2

Carrés : n2

Pentagones : n/2(3n-1)

Hexagones : n(2n-1)

Heptagones : n/2(5n —3),

Octogones : n(3n — 2),

Ennéagones : n/2(7n — 5),

Décagones : n (4n — 3),

et ainsi de suite.

Le théorème mis ici sous le nom de Ste Croix, à savoir que tout nombre entier est décomposable en 1, 2, 3. .. ou au plus a polygones de nombre d’angles a, constitue une très remarquable généralisation de la remarque de Bachet (voir l’éclaircissement qui précède). Mais ce théorème appartient, en réalité, à Fermat, qui, dès septembre ou octobre i636, le proposait à Sainte-Croix [Œuvres de F., t. II, 1894, p. 65), en affirmant posséder la démonstration.

La question n’a pas été résolue avant Cauchy ; mais la voie qu’il a suivie doit différer de celle de Fermat, car autrement ce dernier aurait très probablement donné une autre forme à son énoncé, que voici : ��« Omnis numerus aequatur uni, duobus aut tribus triangulis; uni, 2, 3 » aut 4 quadratis; 2, 3, 4 aut 5 pentagonis; uni, 2, 3, 4, 5 aut 6 hexagonis; n uni, 2, 3, 4, 5, 6 aut 7 heptagonis; et eo continue in infinitum progressu. »

Page 263, 1. 9. — Ces nouvelles objections de Fermat concernant la Dioptrique paraissent avoir formé un commencement de réplique à la lettre CXI (de Descartes à Mydorge). Par la lettre de Fermat à Mersenne du 20 avril i638 {voir tome I, p. 495, éclaircissement sur p. 493, 1. 20), nous savons qu’à cette date il n’avait encore eu communication, ni de cette réponse de Descartes à sa seconde lettre sur la Dioptrique (XCVI, t. 1, p. 463), ni du texte des attaques contre sa méthode De tnaximis (XCIX, t. I, p. 486, et ex, t. II, p. i). Nous avons déjà constaté (plus haut, p. 175, note a) qu’en mai, il écrivit à Mersenqe une lettre perdue sur le second sujet; il écrivit de même à Roberval, pour le remercier de son in- tervention en sa faveur, une lettre également perdue, à laquelle le géomètre de Paris répondit le i"’ juin [Œuvres de Fermat, t. II, 1894, lettre 29. p. i47-i5i). A cette date {ib., p. 148, note 4), Mersenne n’a pas encore envoyé à Toulouse la lettre de Descartes du 3 mai (ci-avant CXXII). Lorsque Fermat la reçut, probablement vers la fin de juin, il avait déjà (Œuvres de F., t. II, p. i52) rédigé pour Descartes une’ explication dé- taillée de sa méthode De maximis et minimis [ib., lettre 3i, p. 154- 162), qu’il envoya à Mersenne avec une lettre pour celui-ci, conservée seulement en partie [ib., lettre 3o, p. 1 62- 154), et une autre adressée à Descartes [voir plus haut, p. 25o, 1. 3), qui est perdue.

Voilà ce qui peut être constaté, mais il n’apparaît pas clairement si les nouvelles objections concernant la Dioptrique étaient contenues dans un écrit spécial, envoyé par Fermat à Mersenne vers le même temps, ou si elles avaient été simplement insérées dans la partie perdue de sa lettre de juin à Mersenne.

En tout cas, Clerselier crut à l’existence d’un troisième écrit de Fermat sur la Dioptrique; ne le retrouvant pas, et voulant, dans son édition, le joindre aux deux premiers (lettres LXXII et XCVI, t. I, p. 354 et 463), il s’adressa à l’auteur, qui n’avait pas gardé ses minutes, ni même conservé les copies qu’on lui avait envoyées des répliques de Descartes, puisque Clerselier dut lui en fournir de nouvelles. C’est ce qui résulte de la lettre de Fermat à Clerselier imprimée (avec quelques suppressions) par ce dernier (III, lettre 43, p. 198-199). En voici le début, d’après la copie de Despeyrous (Bibl. Nat., fr. n. a. 3280) :

« A Toulouze, ce 3 mars 1658.

» Monsieur,

» I’ay receu vostre Lettre auec les deux Copies des escrits de Monsieur » Descartes [à savoir les lettrés XCI et CXI, t. I, p. 45o, et t. II, p. i5] » sur le sujet de nostre ancien demeslé. le voudrois bien. Monsieur, vous CXXXI. — 27 Juillet 16 j8. 279

» satisfaire ponctuellement, en ce que vous seiublez souhaitter que ie » refasse mes responses d’allors, qui se sont esgarées. Mais comme ie hay » naturellement tout ce qui choque tant soit peu la vérité, et qu’il me » seroit aussy malaisé de rajuster ce vieux ouurage, qu’à vn Peintre de » refaire mon portraict d’allors sur mon visage d’à présent, i’ay creu qu’il » valoit mieux vous escrire tout de nouueau vne Lettre qui contiendra » mes raisons d’opposition, et vieilles et nouuelles, et c’est à quoy ie tra- » uailleray pour la huictaine »

Ce fut l’origine de l’échange des lettres sur la Dioptrique qui sont énumérées plus haut page 23.

Mais Fermat avait au moins gardé les deux lettres que Descartes lui écrivit (ci-après CXXXII et CXLVII) et il les communiqua à Clerselier. On lit, en effet, dans la même lettre du 3 mars i658 : «... la dernière lettre » de Monsieur Descartes dans laquelle il m’escriuit (comme vous verrez) » qu’il estoit satisfait de ma Géométrie. » Voir Œuvres de Fermat, t. II, p. 366, 1. 14-15. Clerselier a supprimé ce passage.

Page 274, 1. 6. — Au sujet des diverses insinuations que Descartes lance dans cette lettre contre Fermat, on doit faire les remarques suivantes :

i’ En ce qui concerne la méthode des tangentes, il ressort de l’exposé fait dans l’éclaircissement précédent que lorsque Fermat rédigea son expli- cation, envoyée à Descartes le 20 juillet par Mersenne qui la garda quinze jours, le géomètre de Toulouse n’avait pas encore eu communication de la lettre de Descartes du 3 mai (ci-avant CXXII). Or cette explication con- tient la construction de la tangente au /olium, que Descartes l’avait défié de trouver (voir t. I, p. 490-491) dans une lettre de janvier que Fermat ne connaissait pas encore le 20 avril; comme il avait offert, dès le mois de mai, d’envoyer cette construction (voir plus haut, p. 177, 1. 27), il est clair que le problème ne lui- présenta aucune difficulté. Les retards, assez peu compréhensibles, des communications de Mersenne à Fermat rendent le Minime en partie responsable des injustes soupçons de Descartes. Mais ce dernier, après avoir parfaitement choisi la pierre de touche sur laquelle il voulait voir éprouver la méthode de Fermat, ne se montra certainement pas beau joueur quand il vit que cette méthode fournissait une solution en fait plus simple et plus rapide que la sienne propre.

2» Pour les nombres qui sont moitié de la somme de leurs parties aliquotes. Descartes avait remarqué très justement (ci-avant, p. 148, 1. 22) que le procédé de Fermat, communiqué par ce dernier à Mersenne en i636 {Œuvres de F., t. II, p. 21), ne peut guère donner que les deux nombres 120 et 672. Sans aucun doute, Fermat avait construit ce procédé sur la connaissance du nombre 120, déjà signalé par Mersenne (voir t. I, p. 229, 1. 28), mais il en avait aussi incontestablement déduit le nombre 672, ainsi que Mersenne l’avait attesté dans son Harmonie universelle. C’était tout aussi bien, au reste, sur la connaissance du troisième nombre, 28o Correspondance.

probablement trouvé par Sainte-Croix, que Descartes avait construit le quatrième. Mais pour Fermât, à qui ces questions étaient familières de- puis longtemps, il était d'autant plus aisé d'affirmer que, pour trouver ce quatrième nombre, il avait la même méthode que Descartes, qu'en réalité il n'y a guère moyen d'en concevoir une autre.

3» Enfin, pour la quatrième question de Sainte-Croix, quand Descartes demandait comment Fermât avait eu connaissance du véritable sens de cette question, il ignorait que la correspondance de Fermât à ce sujet re- montait également à i636 (voir ses lettres à Mersenne du i5 juillet et du 2 septembre. Œuvres de F., t. II, p. 29 et 57). La supposition faite par Fermât était dès lors tout à fait naturelle.

��CXXXII.

Descartes a Fermât.

[27 juillet i638.]

Texte de Clerselier, tome III, lettre 63, p. 347-348.

Sans date dans Clerselier; mais le post-scriptum de la lettre précé- dente montre qu'elles ont été envoyées l'une avec l'autre, c'est-à-dire le aj juillet i638.

Monfieur,

le n'ay pas eu moins de joye de receuofr la Lettre par laquelle vous me faites la faueur de me pro- mettre voftre amitié % que fi elle me venoit de la part d'vne Maiftreffe, dont i'aurois paffionnément defiré les bonnes grâces. Et vos autres Efcritsqui ont précédé me font fouuenir de la Bradamante de nos Poètes, la- quelle ne vouloit receuoir perfonne pour feruiteur, qui ne fe fuft auparauant éprouué contre elle au combat.

a. Lettre perdue, mentionnée plus haut, p. 25o, 1. 3.

b. Cf. VOrlando inamorato de Berni, et VOrlando furioso de l'Arioste.

�� � 111,347-348. CXXXII. — 27 Juillet 1658. 281

Ce n'efl pas toutesfois que ie prétende me comparer à ce Roger, qui efloit feul au monde capable de luy refifler; mais tel que ie fuis, ie vous aflure que i'ho- nore extrêmement voftre mérite. Et voyant la dernière

5 façon dont vous vfez pour trouuer les tangentes des lignes courbes % ie n'ay autre chofe à y répondre, fi- non qu'elle eft très-bonne, & que fi vous l'eufTiez expli- quée au commencement en cette façon, ie n'y euffe point du tout contredit. Ce n'eft pas qu'on ne pufl

10 propofer diuers cas, qui obligeroient à chercher dere- chef d'autres biais pour les demeiler, mais ie ne doute point que vous ne les trouuaffiez auffi bien que celuy- là. Il eft vray que ie ne voy pas encore pour quelle raifon vous voulez que voftre première règle, pour

i5 chercher les plus grandes & les moindres, fe puift'e appliquer à l'inuention de la tangente, en confiderant la ligne qui la couppe|à angles droits comme la plus courte , pluftoft qu'en confiderant cette tangente comme la plus grande, fous les conditions qui la ren-

20 dent telle. Car pendant qu'on ne dit point la caufe pourquoy elle reùffit en l'vne de ces façons pluftoft qu'en l'autre, il ne fert de rien de dire que cela arriue, finon pour faire inférer de là que, mefme lors qu'elle reiiffit, elle eft incertaine. Et en effet, il eft impoffible

2 5 de comprendre tous les cas qui peuuent eftre propofez dans les termes d'vne feule règle, fi on ne fe referue la liberté d'y changer quelque chofe aux occafions, ainfi que i'ay fait en ce que i'en ay écrit, où ie ne me fuis aftujetty aux termes d'aucune règle ; mais i'ay

a. Dans la Méthode que Mersenne avait envoyée le 20 juillet. Voir plus haut page 272, 1. 12.

CoRRESPONOAKCE. II. 36

�� � 282 Correspondance. m, 34s.

feulement expliqué le fondement de mon procédé, & en ay donné quelques exemples, afin que chacun Tap- pliquaft après félon fon addreife aux diuers cas qui fe prefenteroient. Cependant ie m'écarte icy, fans y penfer, du deffein de cette Lettre, lequel n'eft autre que de vous rendre grâces tres-humbles de l'offre qu'il vous a plû me faire de voftre amitié, laquelle ie tafcheray de mériter, en recherchant les occafions de vous témoigner que ie fuis paffionnément, &c.

��CXXXIII. HuvGENS A Descartes.

Près de Berg-op-Zoom, 3o juillet i638.

Copie MS., Amsterdam, Académie des Sciences. Lettres françaises de Constantin Huygens, tome I, page 807.

Réponse à une lettre perdue, écrite à Huygens par Descartes, vers le 2j mai i638 {voir plus haut, p. i5 1, l. 6). Descartes répondit par la lettre CXLI ci-après, du 23 août.

Monfieur, lo

Il y a auiourd'huy vn mois, que ie me mis en deuoir d'exécuter ce qu'il vous auoit pieu me commander, a l'endroit de M. Heinfius, par vne voflre lettre fans date*, & ne me fut poffible de m'y employer plus promptement, accablé que i'eftoy d'affaires, au pre- i5 mier remuement de cette armée. Depuis i'ay roulé dans le tonnerre, que vous n'auez ouy que de loing; mais il n'y a point eu de temps perdu par ma faulte.

�� � CXXXIII. — jo Juillet 16^8. 285

L'extrait de la réponfe de M. Heinfius, datée du 18*, que ie viens de receuoir prefentement, vous en fera foy. Vous y trouuerez d'abondant l'abus où il s'en- laffe, s'imaginant que c'eft encore le profefleur Scio- 5 nita ^ qui luy demande ce prell. Quoi qu'il en foit, vous aperceurez, i'efpere, qu'en éclairciffant le dodeur re- doutable, il y aura moyen d'obtenir ce que demande M. Hardy, pouruu qu'il lui plaife d'y contribuer ce qu'on propofe, nempe vt obiter id manu propria tejîetur;

'o qui eft, a mon aduis, la forme de caution que les gens d'honneur ont a rendre en ces occurrences.

En ce qui eft de la querelle paflée entre MM. Hein- fius & Balzacq*, ie fuis fort pour le dernier, mais ne donne pas tout le tort au premier. Iliacos intra muros

i5 et extra peccatum fuit^. Il y en a cependant qui re- grettent d'auoir veu fi toft terminé le différend. M. de Charnacée eftoit de ce nombre, & fouftenoit qu'il im- portoit au bien des lettres de les agacer de plus en plus, pour ne ceffer d'en veoir tous les iours de plus

îo belles pièces. Mais dans cette modération ie ne fçais comment i'apprehende d'auoir defcendu de quelques degrés du fiege que M. de Balzacq m'auoit donné en fon amitié. Peut-eftre que mes apprehenfions foyent vaines, mais vn grand argument m'inquiète : c'eft. de

î5 l'auoir veu fe taire fur le fubied de ma grande afflic- tion domeftique*^, qu'il n'a pas ignorée. Si vous trou- uez ma crainte fondée, & ma difgrace iniufte, ie vous

a. Gabriel Sionita, ou Gabriel de Sion, savant maronite, professeur et interprète royal pour l'arabe et le syriaque à Paris.

b. Cf. Horace, £]pisf. , I, II, i6.

c. l-a mort de sa femme, le lo mai 1637 (voir tome I, p. 371).

�� � 284 Correspondance.

demande le pouuoir de voftre entremife a me reftablir d'où i'ofe dire n'auoir iamais mérité d'eflre débouté.

Vous voyez, Monfieur, par la prolixité dont ie m'a- uance a vous entretenir, combien i'ay Fimpreffion forte de ce que vous ayez pieça reuffi dans l'inuen- 5 tion de la vie alongée. Et pour m'en mettre donques hors de peine, ie vous fupplie de me dire ferieufe- ment a quoy vous en elles : fi vos contemplations voltigent encore, ou bien û vous en auez réduit quel- que chofe en art & par efcrit, & quand viendra le 10 temps que vous nous enfeignerez le temps a viure que nous doit la nature moyennant vos adreffes.

Pour comble de cette importunité, ie vous prie de fçauoir, de par le S' van der Straten% philo- fophe extrauagant dont vous auez ouy parler, qu'il i5 s'offre, a toutes les fois qu'il me plaira, de faire fondre dans la paulme de ma main vn diamant oriental ou bien de l'or (qu'il dit fe réduire en vne forte d'argent-vif iaune) ou quelqu'autre métal, hor- mis le plomb & le cuiure, û. ie ne me trompe, & ce 20 dans l'efpace qu'il faut a prononcer bien peu de patrenoflres ; au moyen dVne chofe très facile a recouurer, & fi peu corrofiue qu'infenfiblement on en fupporte fur la langue. Il y a longtemps qu'il me prefTe de vous en affeurer, en ayant, ce dit-il, 25 par deux fois fait efpreuue dans la main du Mar- quis Spinola, en prefence du P. Scribanius & autres lefuites, qui s'imaginoyent que la chofe tiendroit a quelqu'autre inuention auantageufe , au contraire

a Sic dans la copie MS. Descartes, dans sa réponse, l'appellera Van der Scotten (lettre CXLI, ci-après p. 35o, 1. 27).

�� � CXXXIII. — jo Juillet 1658. 28c

de ce que luy-mefme en fuppofe, defireux feule- ment d'entendre s'il vous plairoit l'inllruire, par raifons, de ce qu'il y peut auoir dans la nature de capable a ouurir û aifement les compolitions plus 5 folides & ferrées. le ne fuis pas encore tefmoing de l'expérience, mais tafcheray de l'eflre. Cela puis- ie auerer, qu'il a coupé en vn quart d'heure vne barre de fin acier, forgée exprés, d'vne trenche fi fubtile qu'a peine vn poil de cheual y euft entré;

10 & dit que nous ne fommes iamais fans porter fur nous ce de quoy il faid ce miracle, au moyen du- quel on fçait qu'il s'eft fouuent fauué des plus fortes prifons des Archiducs. Obligez-moy, s'il vous plait, de m'en dire vn peu voftre adiiis, au moins fi vous

i5 elles en train de viure plus que tous les hommes. A moins de cette fcience, i'abufe impudemment de vos heures precieufes, & en tout cas vous en de- mande pardon, demeurant,

Monfieur. . .

20 Au Camp, prés de Berg-op-Zoom, le 30^ de luillet i6j8.

Page 282, 1. 14. — C'était un3 commission dont Huygens avait bien voulu se charger pour Hardy, conseiller au Châtelet de Paris et ami de Descartes, auprès de Heinsius, professeur à l'Université de Leyde et bi- bliothécaire. (Voir plus haut lettre CXXIII, p. i5i, 1. 6). Comme Golius, un autre professeur de Leyde, Hardy était à la fois mathématicien et orientaliste, ce qui explique sa demande de livres arabes. Voici la lettre écrite par Huygens à Heinsius, sur la prière de Descartes :

« Huygens Heinsio, Noordgeest. » Nobilissime Domine, » Rogat me subtilis, neque, ut opinor, facile subvertendae philosophiae

�� � 286 Correspondance.

)> autor, D. Descartes, familiariiate mihi quâ glorior intima, et quali » paucos homines dignatur, conjunctissimus, ut precibus apud te expe- » riar an gratificari posses viris in Gallia eruditis, et in honore positis, » qui hoc summopere ab illo, et a me, nimirum apud Heinsium pro me- » ritis gratiose contendunt, ut ex Bibliotheca, quam Leidte régis, com- ï modato sibi ad paucos menses copia fiât librorum Arabicorum, quos » vocant Heronis Barulcon, et Ptolemœi Cceliim : utriusque de numéro » eorum, quos ex Oriente Golius noster attuiit, vadimoniis hoc quidem » Amsterodami interpositis, ad quaslibet pecunias summas... raptim, 3o Junii i638. « 

Des deux manuscrits arabes demandés par Hardy, le premier figure dans le Catalogue de Jong et Goeje, i865, sous le n" 98? = 5i (i) Gol. Heronis Barulci libri III. Le texte en a été récemment publié, avec une traduction française, par le baron Carra de Vaux (Les Mécaniques on l'Elévateur de Héron d'Alexandrie, publiées pour la première fois sur la version arabe de Qostà ibn Litqà. Extrait du Journal Asiatique, Paris, Imprimerie Nationale, 1894). Golius en avait laissé, dans ses papiers, une version latine qui paraît avoir été assez incompréhensible, et qui est perdue aujourd'hui. Il n'y a point de trace, au contraire, que Hardy ait jamais travaillé sur cet important ouvrage.

Le second manuscrit paraît être le 180 Gol. (n° 1046 du Catalogue pré- cité) : Ptolemcei OxoOent; rùiv TrXavwj*.Év(uv versa a Thâbit ben Corrah. Ce traité avait déjà été publié en grec, avec une version latine, par John Bainbridge, Londres, 1620.

P. 28?, 1. i3. — Voir Dissertât! )n sur une tragédie intitulée Herodes Infanticida, A Monsieur Huyger. Je Zulichem [Œuvres de Balzac, i663, t. II, p. 530-557).

��CXXXIV.

Mersenne a Descartes. I" août i638.

[A. Baillet,] La Vie de Monsieur Des-Cartes, I, 356-7, 363-4 et 366 ;

11,455 et 457.

[Tome I, page 356-35/) : « Le Père Mersenne qui semblait avoir » joint quelques-unes de ses difficultez avec les objections de M. Morin " trouva la réponse à ces difficultez dans celle que M. Descartes taisoit

�� � CXXXIV. — I" Août 1638. 287

» aux objections de M. Morin [lettre CXXVII ci-avant, du i3 juillet, » p. I g6]. Ils en parurent l'un et l'autre tellement satisfaits que le P. Mer- 1 senne luy en récrivit le premier jour d'Août suivant au nom des deux » en ces termes :

(En marge : Letîr. MS. du P. Mersenne, pag. i & 5, 6.) Vous nous avez tellement confolez & enrichis des excellentes réponfes que vous nous avez faites à M. Morin & à moy, que je vous affure qu'au lieu

5 de trente-huit fols de port qu'on a mis fur le pac- quet, voyant ce qu'il contenoit, j'en euffe volon- tiers donné trente-huit écus. Nous avons lu la ré- ponfe enfemble : & M. Morin a trouvé vôtre ftile fi beau, que je vous confeille de ne le changer jamais.

10 Car vos fimilitudes & vos raretez fatisfont plus que tout ce que produifent les autres . . . Vous avez , au refte, fait un grand coup dans la réponfe à M. Morin de montrer que vous ne méprifez pas, ou du moins que vous n'ignorez pas la Philofophie d'Ariftote. C'eft

i5 ce qui a contribué à augmenter l'eflime que M. Morin

témoigne avoir pour vous. C'eft auffi ce dont j'affûre

toujours ceux qui, trompez par la netteté & la facilité

de vôtre ftile, que vous fçavez rabaifler pour le rendre

- intelligible au vulgaire, croyent que vous n'entendez

20 point la Philofophie fcholaftique : mais je leur fais connoître que vous la fçavez auffi bien que les maîtres qui l'enfeignent, & qui paroiftent les plus enflez de leur habileté.

{Ib.,page 366, en marge) : « Le P. Mers, avoit écrit à M. Descartes » dés le I. d'Août pour le remercier de cet écrit [Examen de la Question » Géostatique, voir lettre CXXIX ci-avant, p. 222). »

[Ib., page 363-364) '■ « Le P. Mersenne en fut si content qu'il luy en » récrivit le premier jour d'Août, pour luy dire qu'à son sens il s'étoit

�� � •288 Correspondance. i. "■•

» surpassé luy-même dans cet écrit, et que ce petit traité renfermoit toutes » les méchaniques, excepté la seule force de la percussion [en marge : I' Lettre MS. du P. Mersenne). »

( Tome II, page 455) : « Sa maison étoit une école de vertu et de doctrine

» pour eux (ceux qui le servaient) : et le Maître, non content de les rendre

» sçavans et gens de bien, se chargeoit encore de faire leur fortune et de

» leur procurer de bons établissemens. {En marge : Lettr. MSS. de Mers.

» à Desc. du i . Août i638). C'est pourquoy il y avoit toujours beaucoup

» d'empressement et de brigue à se mettre à son service, et nous voyons

1) que lors qu'il étoit en Hollande, on alloit à Paris implorer le crédit du

1) Père Mersenne, pour obtenir une place parmi ses valets, comme une

» condition fort heureuse. De son côté il les traitoit avec une indulgence

» et une douceur, qui les assujétissoit par amour. »

(Ib., page 45-j) : « Après le sieur Gillot, M. Descartes eut le Limousin, » qui luy avoit été envoyé de France en i638 par le P. Mersenne.» (En marge : Lettr. MS. de Mers. Août i63S).

��cxxxv.

MoRiN A Descartes.

Paris, 12 août i638. Texte de Clerselier, tome I, lettre ôi, p. 221-234.

« Réplique de Monfieur Morin à la refponfe de M. Descartes », dit Clerselier. Voir la lettre CXXVII du 1 3 juillet ci-avant, p. ig6. Descartes répliqua à son tour, le 12 septembre ., par la lettre CXLIII ci-après.

Monfieur,

l'ay lu vos réponfes à mes objeélions fur voftre nouuelle dodrine de la Lumière, auec toute l'atten- tion qu'il m'a efté poffible, tant pour le mérite du fujet, que pour rendre l'honneur qui eft dû à tout ce qui part de voftre efprit, le plus fubtil & le plus

�� � i,».-2". CXXXV. — 12 Août i6j8.' 289

fécond qu'aucun autre de ce fîecle. Mais ie remarque d'abord que vous eftes marry" que ie n'aye pris vn autre fujet que celuy de la Lumière pour former des objedions, veu que vous n'auez point eu dcflein de 5 traiter encore cette matière, & vous en ouurir au public; et ne voulant point contreuenir à cette re- folution, vous dites que vous ne pourrez ù parfai- tement me fatisfaire que vous euffiez déliré. Sur quoy ie vous répons que i'ay choili ce fujet pour trois

10 raifons. La première, parce que i'ellois occupé fur la mefme fpeculation à caufe de mon AJlrologia Gal- lica , où ayant à traitter de modis agendi corporum cœlejîium in hcec inferiora, ie me vois obligé à bien déterminer ce que c'eft que la Lumière, comme elle

i5 agit, & quels effets elle produit. La féconde, parce que, voftre opinion de la Lumière eftant grandement nouuelle, & ce que vous en auez dit en plufieurs endroits de vos Liures eftant fuffifant | pour émouuoir des difficultez & des objedions, i'ay defiré d'eftre

20 mieux éclaircy de vous fur cette matière, fur la- quelle ie trauaillois. Et la troifiéme, parce que i'ay reconnu que la Lumière, & fa"^ matière fubtile, eftoient deux des principaux fondemens de voftre Phyfique; c'eft pourquoy i'ay voulu par mes objedions éproiiuer

2 5 la fermeté de fes fondemens.

Or fi ie ne fuis pas entièrement fatisfait par vos ré- pcnfes, ie vous prie de croire que ie n'en eftime de

a. Voir plus haut, p. 200, 1. 22.

b. Publiée seulement après la mort de Morin (i vol. in-f", La Haye, 1661).

c. Lire la?

Correspondance. II. 3/

�� � zço Correspondance. i, 221.

rien moins ny voflre doârine ny voftre efprit, qui me font d'ailleurs fuffifamment connus pour les reuerer. Vous parlerez plus ouuertement quand il vous plaira; on auroit mauuaife grâce de vouloir vous y forcer ; c'eft vne obligation publique, laquelle il faut attendre 5 auec vœux, prières & patience.

Outre le defir que i'ay eu d'aprendre de vous, i'ay vu que les chofes Phyfiques fouffrent bien plus de difficultez que les Mathématiques; ce que vous mel- me reconnoiffant, auez inuité les hommes fçauans à 10 vous faire des objedions, à deffein, comme ie croy, de mieux reconnoître par l'épreuue la force de vos principes & de vos raifonnemens, afin de les mieux établir contre toutes fortes d'attaques. Comme donc i'ay cy-deuant contribué de mon petit pouuoir à vos i5 louables intentions, auffi ie continue encore à pre- fent dans la mefme deuotion, par quelques répliques à vos réponfes, ainfi que par voftre lettre vous m'auez témoigné le defirer.

Et afin de couper court, laiffant à part tout pream- 20 bule, & mefme vos réponfes à mes trois premières objeftions du premier ordre, ie commenceray par voftre réponfe à la quatriefme.

Sur le 4 article : Outre qu'il faut remarquer &c.

Repliqve. Que le mot aélion fignifie proprement 25 inclination à fe mouuoir, difficilement trouuerez vous quelqu'vn qui vous lacorde. Mais que l'incli- nation à fe mouuoir foit vn mouuement a6luel (ce qui eftoit le fort de mon argument), pcrfonne ne vous l'accordera; aufn difFerent-ils comme la puif- 3o fance &. l'ade.

�� � 1,223. CXXXV. — 12 Août 16^8. 291

I Sur le 5. Lors qu'on dit qu'vn tel a fait cela comme fçauant^ &ic.

Repl. Les difficultez Phyfiques fe peuuent rare- ment vuider par des comparaifons ; il y a prefque 5 toufiours de la différence, ou de Tambiguité, ou de Vobfcurum per obfcurius. Quand on dit que quel- quVn tient vn tel rang dans les Eftats, comme Ba- ron d'vn tel lieu, le mot comme fignifie en tant que, & partant fupofe que tel efl Baron ; mais quand on

10 dit dvn Gouuerneur, qu'il eft comme Roy dans fon Gouuernement, le mot comme ne fignifie pas qu'il foit Rov. Or en voftre page 256, le mot comme (era. plutoft pris en cette féconde forte qu'en la pre- mière.

i5 Sur le 6. La Lumière, c'ejl à dire lux, &c.

Repl. Que lux foit, félon voftre réponfe, le mou- uement dans les cors lumineux, & lumen le mouue- ment dans les corps tranfparens, & lux première que lumen , comme la caufe eft première que l'effet ;

20 neantmoins pour ne point abufer du mot de mouue- ment^ & n'en pas faire vn équiuoque, il faut en tout mouuement admettre quatre chofes, à fçauoir : le mobile, le moteur, le mouuement, & la force acquife par le mouuement, qui eft la dernière des quatre, &

2 5 qui ne peut eftre que lux, dans les corps lumineux : d'où s'enfuit que formellement elle n'eft aucune des trois autres. Auffi confeffez vous ne point dire abfo- lument qu'elle eft le mouuement : ce qui fatisfait à mon objedion, que l'effence de la Lumière ne con-

3o fifte pas dans le mouuement.

Sur le 7. Mais il peut bien ejlre tranfmis &c.

�� � 292 Correspondance. i, aï3.ï24.

Repl. le l'acorde, mais non pas fans le mouue- ment local de quelque mobile; auffi ne le niez vous pas dans voftre réponfe : & tant en la page 272 des Météores, qu'en vofire réponfe à mes objections nombre 10 & 12, vous confefTez que les corps lumi- 5 neux pouffent la matière fubtile en ligne droite, ce qui ne fe peut faire fans le mouuement local de cette matière en ligne droite vers nos yeux, qui eftoit ce que ie pretendois. Au relie, ie ne voy pas fur ma copie que i'aye dit que le mobile, qui ejî dans les cors 10 lumineux, n'ejî | autre chofe félon vous que la matière fubtile^. Tattens que vous nous l'enfeigniez.

Sur le 8 & 9 article.

Repl. Nous aurons donc patience attendant la fo- lution de ces deux objeélions, iufques à ce que vous i5 donniez au public ce que vous vous referuez encore.

Sur le 10. Car chaque cors &c.

Repl. Donnez donc autant de mouuemens à la matière fubtile qu'il vous plaira, quand vous aurez prouué qu'elle eft; et en fuite donnez les caufes & les 20 effets de chaque mouuement.

Sur le II. Fauoûe bien que cette matière fubtile &c.

Repl. Vous nous dites icy vne chofe laquelle ie ne fçay comme vous prouuerez, quand il vous plaira de le faire. Car fi vn corps eft dit Lumineux de cela 25 feul [quod notandum) qu'il donne à la matière fubtile le mouuement ou l'adion qui eft requife pour eau- fer en nous le fentiment de la Lumière, il s'en enfui- ura deux chofes qui paroiffent entièrement contraires à la raifon. La première, que le fentiment de la Lu- 3o

a. Voir pourtant Tome I, p. 544, \. 5-6.

�� � I, »4-«5. CXXXV. — 12 Août i6j8. 29)

miere fera premier que les corps lumineux. La fé- conde, qu'il n'y auroit point de corps lumineux au monde, s'il n'y auoit point d'animal pour voir la Lu- mière, ou pour la fentir.

5 Sur le 1 2. Où le mot feulement ejî de trop, &c.

Repl. l'ay eu raifon d'adjouter le mot feulement, parce que vous ne faites mention que de deux mou- uemens de la matière fubtile, l'vn en rond, & l'autre en ligne droite ; fi vous luy en donnez encore d'autres,

10 ce fera à vous à les prouuer, enfemble leurs caufes & leurs effets. Mais donnez luy tant de mouuemens que vous voudrez, la queflion efl de fçauoir fi la ma- tière fubtile a ces deux mouuemens enfemble, à fça- uoir, çà & là de fa nature, & en ligne droite par les

i5 corps lumineux, qui efloit le but de mon objeélion, à quoy vous ne répondez point.

Sur le I j . £"« l'endroit que vous dites, ie ne parle nul- lement &c.

I Repl. Voflre texte vous condamnera deuant tous.

ao Car en la page 2^6 des Météores, parlant de petites boules de la matière fubtile, qui roulent, vous dites : l'ay connu que ces boules peuuent rouler en diuerfes fa- çons &c., leur donnant le mouuement en rond & en ligne droite. Et pour vous expliquer, en la page 257,

25 fans quitter les petites boules de la matière fubtile, vous dites : Pour mieux entendre cecy, penfe^ que la bouk I, 2, 3, 4 efipouffée &c., fans parler de boules de bois ou autre matière, ny là, ny ailleurs. loint que ce fe- roit chofe fuperfluë de fupofer que les boules de

3o voflre figure fuffent de bois, pour expliquer les mou-

a. dites] cite\ içy (plus haut, p. 208, 1. i3).

�� � 294 Correspondance. i, 225-216.

uemens des boules de la matière fubtile ; vu qu'ils fe peuuent pour le moins auffi bien expliquer, fupo- fant les boules de la figure élire les boules mefmes de la matière fubtile.

Apres auoir répliqué au premier ordre d'objedions, 5 qui contenoit les difficultez qui me paroiffent en voftre dodrine, pour la contrariété qu'elle fcmble auoir, ie viens maintenant au fécond ordre, qui ell celuy de mes propres objedions.

Sur le premier article. Car pour la matière, vous le 10 fonde"^ &c.

Repl. Quand vous di'tes, en la page 4 de la Diop- trique, que la Lumière nejî autre chofe, dans les corps quon nomme lumineux, quvn certain mouuemcnt, &c., et en la page 122, que la Lumière n'cjl autre chofe, i5 dans les corps tranfparens, que l'aclion, &c., vous deuez auoir donné les définitions vrayes de lux & de lumen; ou bien lux & lumen feroient quelque autre chofe que ce que vous auez dit dans les fufdites pages, l*v: ainfi vous vous contrediriez. Or fi à prefent vous 20 dites que vous n'auez eu intention d'en donner au- cune définition, donc vous n'auez pas vrayment dit ce que c'efl; car il n'y a que la définition qui le puifTe. Et partant lux & lumen font autre chofe que ce que vous auez dit, ce qui efl toufiours vne con- zS tradidion.

I Puis, pour la forme ^ &c. L'antécédent que vous ne voyez point efl bien éuident en mon texte, par ces mots : duquel il ejl la caufe efficiente. Car ne pouuant y auoir de mouuement fans moteur, qui en efl la caufe 3o efficiente, &. le moteur, félon vous mefme, eftant le

�� � I.aa6. CXXXV. 12 AOUT 1638. ZÇÇ

Soleil, de cet antécédent ie conclus que le Soleil eft premier que le mouuement ; car toute caufe efficiente eft première que fon aâion ou motion ; et enfin vous eftes contraint de l'acorder, mais feulement, dites- 5 vous, comme l'homme ejl premier que fa raifon. Sur quoy ie vous réplique que, fi vous prenez la raifon pour vne partie efïentielle de l'homme, & qui luy donne l'eftre d'homme, il eft certain que l'homme n eft pas premier que fa raifon ; mais fi vous prenez la raifon

10 pour l'aélion ou l'vfage que fait l'homme de fa rai- fon, l'homme eft premier que fa raifon ; et la raifon en ce fens ne fait pas l'homme raifonnable, mais le fupofe tel. Tout de mefme donc, pour ne pas chan- ger voftre comparaifon, fi lux n'eft autre chofe que

i5 l'adion du Soleil, ou le Soleil de fa nature n'a point de Lumière, ou fa Lumière n'eft pas formellement l'adion du Soleil.

Mais pour nous accorder, &c. Bien qu'il femble icy que vous leuiez vn peu le mafque, fi confefle-ie que

ao ie ne vous puis encore bien reconnoiftre. Car vous & moy demeurons d'acord qu'il y a de la Lumière dans le Soleil, & nous ne pouuons différer qu'en fa défini- tion, ou, à dire au vray, ce que c'eft que la Lumière en fon efience & en fa nature. Et neantmoins vous

2 5 dites : ie n'ay ny definy, ny mefme parlé en aucune façon de ce ie nefçay quoy que vous nomme:^ peut-ejlre du nom de Lumière, & que vous fupofe:^ dans le Soleil, outre fon mouuement ou fon aéîion. Mais ie vous répons que ie ne fupofe point dans le Soleil d'autre Lumière que

3o celle qui y eft ; & ie croy que vous en faites de mef- me. Tellement qu'il faut toufiours retomber fur le

�� � 296 Correspondance. i, 226-227.

premier & principal différent, à fçauoir, ce que c'eft que cette Lumière. Et puifque vous dites ne l'auoir definy, ny eu l'intention de la définir, donc, quand vous auez | dit : la Lumière, dans les corps lumineux & tranfparenSy n'ejl autre chofe que &c., vous n'auez pas 5 dit au vray ce qu'elle eft. Et ie ne penfe pas que vous la puiffiez définir par ces mots d'adion ou de mouue- ment, tant pour les raifons cy-deuant déduites qu'à caufe que la Lumière, bien qu'elle ne foit pas vn eftre plus réel que l'adion ou le mouuement, fi eft-ce 10 qu'elle eft vn eftre plus aduel & abfolu ; vu que Tac- tion & le mouuement tiennent de la puiffance & de la relation, mais non pas la Lumière, comme i'ay défia dit'. Finalement le Soleil n'agit pas par fon efifence : car cela ne conuient qu'à Dieu feul ; donc il agit par i5 quelque qualité ou faculté; et partant, puifque le So- leil illumine, qui eft vne adion, donc c'eft par fa fa- culté d'illuminer, laquelle n'eft autre que fa Lumière : donc la Lumière n'eft pas l'adion, mais la puifiTance ou faculté d'agir, & par confequent elle eft première que 20 l'adion. Et m'arreftant là, ie ne pafle point plus outre à vous demander quelle eft cette adion ou mouuement du Soleil que vous apellez lucem, fi c'eft vn mouuement reftiligne ou circulaire, &c., et comment il eft produit parle Soleil, qui font des cas à vous referuez. Mais 25 vous voyez bien les difficultez qu'il y aura à combatre.

Sur le 2. Nego confequentiam, tout de me/me qu'en l'article précèdent.

Repl. Probatur confequentia, tout de mefme qu'en l'article précèdent. 5o

a. Lettre CVIIIdu 22 fév. i638, t. I, p. 548,1. iS-i;.

�� � 10

��1, 227-"8. CXXXV. — 12 Août i6j8. 297

Sur le j. Il faut de necej/ité que la Lumière &c. Repl. l'accepte voflre diuifion de la Lumière in lucem pour les cors lumineux, & lumen pour les cors tranfparens ; et auffi ce que vous acordez , que lux 5 Jît eau/a luminis. Mais en ce que, pour renuerfer ce que ie vous objede dVne étincelle de feu, vous me répondez feulement par des comparaifons, ie vous ay défia auerty que rarement elles font pro- pres à bien terminer vne difficulté ; et en efiet, comme tant les goûtes de vin qui font au bas de la cuue, que celles qui font au haut, tendent toutes à for|tir par le trou, & s'y meuuent d'elles-mefmes, par leur propre pefanteur, en mefme inftant

1 5 fans aucun moteur externe ; de mefme auffi la goûte d'eau, adjoutée de furcroift au tuyau ABC, ne fait que rompre l'é- quilibre de la première eau ; quoy fait, la pefanteur de l'agrégé de l'eau, fauo-

ao rifée de la fluidité, remue toute cette eau pour la remettre en équilibre ; et partant le mouuement eft toufiours caufé par vn principe interne, auec inclination du mobile, & non par vn moteur, ou caufe efficiente

25 externe. Mais toute la matière fubtile contenue en vne fphere de ^o lieues de demy diamètre, n'a de foy aucun mouuement vers l'œil, & doit efl;re mue par vne caufe externe, à fçauoir par la lu- mière de l'étincelle. Voila donc bien de la diffe-

3o rence en ces comparaifons. D'où ie concluray touf- iours que la matière fubtile n'eftant pas dure

���Correspondance. H.

��38

�� � comme vn baſton, ny encline à ſe mouuoir à droit plutoſt qu’à gauche, il ne s’enſuit pas que, la plus proche du cors lumineux eſtant muë localement en ligne droite, la plus éloignée le ſoit auſſi, & en meſme inſtant. Quant à ce que vous dites, que ce 5 n’eſt qu’vne maxime fondée ſur la préocupation de nos ſens, d’aſſurer que toute matiere a reſiſtance au mouuement local, ie vous réplique que, pour l’eau & l’air dont nous parlons, cela eſt auſſi notoire que le nager des poiſſons & le vol des oyſeaux, qui ne 10 ſe pourroient faire ſans cette reſiſtance. Et pour voſtre matiere ſubtile, laquelle vous faites plus fluide incomparablement que l’air & ſans reſiſtance au mouuement local, lors que vous aurez prouué qu’elle eſt, & telle que vous dites, & meſme qu’elle peut eſtre 15 muë, l’air qui la contient demeurant immobile, j’auoüeray, nonobſtant tout ce que qu’on me pourroit objecter, que, ſi le mobile n’a point de reſiſtance au | mouuement, il ne faut point de force pour le moteur. 20

Sur le 4. Ie ne voy rien[57] &c.

Repl. Et ie ne voy point auſſi le different entre nous ſur cét article, ſinon que ie veux que lux ſoit vne qualité du Soleil, & vous voulez que ce ſoit vn mouuement ; à quoy i’ay répondu cy-deſſus. 25

Sur le 5. Ie ne trouue icy qu’vn équiuoque &c.

Repl. A la vérité vous faites la nature de la tranfparence grandement équiuoque, l’établiſſant d’vn coſté à auoir des pores, & de l’autre à remplir les pores. Mais quand vous dites que l’air eſt tranſpa-30 1,229-230. CXXXV. — 12 Août 1638. 299

rent en tant qu'il a des pores, puis quauoir des pores n eft quVn accident à l'air, donc il ne fera tranfparent que par accident, & non de foy ; donc de foy il fera opaque : car tout cors eil de foy ou

5 lumineux, ou tranfparent, ou opaque; & l'air n'ef- tant de foy ny lumineux ny tranfparent, il fera donc opaque. Et le mefme fe prouue encore ainfi : cha- cune des parties fubftantielles de l'air qui bornent les pores, n'ont pas d'autres pores, autrement tout

10 l'air ne feroit que pores fans fubflance ; donc aucune de fes parties, c'eft à dire, toute la fubftance de l'air ne fera point tranfparente de fa nature, donc opa- que. Tout de mefme, fi la matière fubtile eil tranfpa- rente, félon vous, en tant qu'elle eft dans les pores de

i5 l'air, puifque cela ne luy eft qu'vn accident local, donc elle ne fera point de foy tranfparente ; donc elle fera opaque, comme deffus. Or l'air eftant opaque de fa nature, & fes pores remplis d'vne matière aufli opa- que, tout le compofé ne peut eftre qu'opaque, & par-

20 tant incapable de tranfmettre la Lumière des cors lumineux.

Et ie ne dis en aucun lieu &c.

l'ay dit que la matière fubtile deuroit, en l'ordre de l'vniuers, auoir fa propre fphere, comme l'air &

2 5 l'eau, qui, bien qu'ils s'infinuent dans les pores de la terre, ne laiffent pas d'auoir leur propre fphere au deffus de la terre. A quoy vous ne répondez point, & mettez feulement cette matière dans les pores des autres corps, peut eftre pour éui|ter qu'elle ne nous

3o empefchaft la Lumière, fi vous luy donniez vne pro- pre fphere, où elle fuft pure : puifque, comme j'ay

�� � joo Correspondance. i, jîo.

remarqué cy-deflus, félon vous, elle n'efl tranfpa- rente qu'en tant qu'elle eft dans les pores de l'air, de l'eau, &c.

Sur le 6. Vous imagine'^ toujîours des contrarieîe:^&c. Repl. l'ay répondu cy-delTus à ce que vous dites 5 des boules de bois, & ne feray pas feul à recon- noillre la contrariété que i'ay alléguée. Or ie voy par voftre réponfe que la matière fubtile s'étend de- puis le Soleil iufques à l'œil, & que fon adion ou mouuement commence au Soleil; & que, bien que ce lo mouuement ne fe puiffe faire en vn inftant, nèant- moins il peut eftre tranfmis en vn inftant. A quoy ie vous répons que ie l'acorderois, fi la matière fub- tile contenue entre le Soleil & l'œil eftoit dure & continue comme vn bafton. Mais elle n'eft pas dure, i5 félon vous, ny mefme continue ou cantiguë en toutes fes parties : car bien que les boules i , 2, j foient contiguës, neantmoins les boules 4, 2, ^ ne le font pas; et par- tant, fi le rayon tend de 4 à ^ , le mou- 20 uement fera interrompu, ou ne fera pas rediligne, mais fe continiiera par les boules contiguës. Or fi chaque boule meut fa con- tigiië, & que tel mouuement fuffife pour le fentiment de la Lumière, on pourra voir le Soleil en pleine nuit; 25 veu mefmes que vous fupofez la matière fubtile fans refiftance au mouuement.

Sur le 7. Ce que vous objeéle:^ &c. Repl. Icy vous auancez tant de nouuelles difficul- tez, au moins pour mon efprit qui ne voit pas vos 3o fondemens, que ce feroit tirer en l'air que de m'amu-

��� � 1, 230-231. CXXXV. — 12 Août i6jS. 501

fer à y répondre. Seulement pour ce qui eft du vin & des grapes de la cuue, ie vous diray, toufiours comme deuant, que le vin a inclination naturelle à defcendre vers les trous fans y eftre mû par vne caufe 5 externe ; mais que la matière fubtile n'a de foy aucun mouuement rediligne à droit plutoft qu'à| gauche, & qu'elle le doit prendre de la çaufe la plus forte. Vous tenez que la Lumière d'vne étincelle foit plus forte qu'vn grand vent pour cet effet; & moy ie

10 tiens le contraire, puifque vous voulez que le mou- uement de la matière foit réel & local, lors que vous dites que la matière fubtile entre de l'air dans le verre, & en fort.

Sur le 8. La caufe qui empefche le verre ^^ &c.

i5 Repl. Pardonnez-moy, s'il vous plaift, vous ne ré- pondez pas à ma difficulté, laquelle n'a point d'égard à l'impureté du verre, mais feulement à fes pores. Car ie dis que la matière fubtile rencontre les mefmes pores en la fuperficie du verre épais d'vne

20 ligne, qu'elle rencontreroit en la mefme fuperficie, fi le verre eftoit épais de 10 pieds ; & que, félon vous, les pores eftant droits & vnis, & la matière fub- tile y coulant fans obftacle, il doit pafTer autant de matière fubtile à trauers l'épaifiTeur de 10 pieds de

25 verre, qu'à trauers l'épàilTeur d'vne ligne, & par con- fequent autant de Lumière : ce qui neantmoins eft contre l'expérience.

Mais celle de vos objeélions^qui ejl^a mon auis, la prin- cipale, &c.

3o Repliqve. le ne voy point que voftre réponfe y fa-

a. Page 218, 1. i ci-avant, on lit : que le verre.

�� � 202 Correspondance. i, 231-232.

tisfafïe, pour deux raifons. La première, parce que, tenant des baies ou des pommes enclofes dans vn rets (qui eft votre comparaifon), les efpaces vuides qui fe trouuent entre les pommes ou les baies font fort grans; & de plus, le fable que vous fupofez eftre 5 jette fur ces pommes eftant tres-delié & pefanl, il paffe librement à trauers, coulant en bas, par fa fubti- lité & pefanteur, dVn efpace en l'autre fans eftre ar- refté. Mais fi ce fable eftoit jette fur vn boiffeau de millet, il n'entreroit pas vn demy doigt d'épais dans 10 ce millet; bien qu'vn grain de ce fable ne foit pas la centiefme partie d'vn grain de millet. La féconde, parce qu'encore qu'on ne prenne point le mot de droit plus à la rigueur que vous le prenez en la page 8, lig. 2, toufiours n'y trouuerez-vous pas voftre i5 comte : car voicy ce que vous [ dites vn peu plus bas en cette page, ligne ij : Au rvjle^ ces rayons doiuent ejlre ainji toufiours imagine:^ exaclement droits, lors qu'ils ne pajjent que par vn feul corps tranfparent, qui eji par tout égal à foy-mefme ; mais lors qu'ils 20 rencontrent quelques autres corps, ils font fujets d'cfre détourne'^ par eux. Sur quoy ie dis que nous pou- uons fupofer vn verre ou cryftal fi pur qu'il foit par tout égal à luy-mefme, ou bien quelque partie de l'ether ou de l'air tres-pur. Et fur cette hypo- 25 thefe, laquelle ne fe peut refufer, les pores, félon vous, feront exaclement droits, & par confequent ma conclufion tiendra, à fçauoir, qu'ils ne pouront eftre droits en tous fens, ou qu'il n'y aura rien de folide dans le verre, dans l'air ou dans l'ether. C'eft pour- 3o quoy il me femble que cette feule objedion détruit

�� � �I, î3a-a33. CXXXV. 12 AOUT l6jS. JOj

entièrement l'hypothefe de la matière fubtile & de fes pores, bien que la fuiuante ne luy foit gueres plus fauorable.

Sur le 9. La coutume qu'on a de remarquer &c.

5 Repl. Bien qu'il femble que, par les trous de di- uers tuyaux en la boule AGB, on fe peut fauuer de mon objedion, parce que la matière qui eft au centre E eft liquide & di- uifible en parties, neantmoins il y

10 a vne certaine partie d'icelle , la- quelle eft en telle égalité au refpeâ: des trois tuyaux AC, BD, FG, & des trois foufleurs, que ie fupofe foufler également par les trous A,

i5 B, F, qu'il n'y aura aucune raifon qu'elle foit plus diuifée, eftant pouflee également par chaque tuyau, ny qu'elle foit mue plutoft vers D que vers G ou vers G. Mais pour vuider la difficulté plus clairement, ne fupofons qu'vn feul tuyau AC & deux foufleurs égaux,

20 l'vn en A & l'autre en C ; il eft certain que la matière centrale E ne bougera de fa place, ou qu'en mefme temps elle fera en diuers lieux. Et neantmoins, fi A & C eftoient deux corps lucides, C deuroit pouffer E vers A, & A le deuroit auffi en mefme inftant pouffer

25 vers I C, félon voftre doétrine. Car fi en A & C eftoient appliquez deux yeux de deux chats, qui font lucides, l'œil C verroit l'œil A, & l'œil A verroit l'œil C en mefme inftant; et par confequent la mefme matière fubtile feroit mue en mefme inftant vers deux coftez

3o oppofez : ce que toutesfois vous confeffez impoffible par voftre réponfe.

�� � ^04 Correspondance. i, »33.

le pourrois encore vous propofer plufieurs autres belles difficultez fur ce fujet, lefquelles répugnent grandement, ce me femble,à l'hypothefe de la matière fubtile ; mais en voila affez pour moy, iufques à ce que voftre Lumière me paroiffe plus claire. Peut-eftre 5 que d'autres vous les propoferont; & tout cela ne peut que feruir à la perfedion de voftre deffein, & à bien eftablir les principes de voftre nouuelle Phy- fique. Au refte, ie plains grandement le tems que vous auez employé à répondre à toutes mes objec- lo tions; ny elles ny leur auteur ne meritoient pas cet honneur, d'vne perfonne de fi grand mérite que vous : c'eft pourquoy ie ferois bien marry ^ d'en plus abufer, & vous importuner d'vne féconde réponfe à mes ré- pliques, mon defîein n'ayant efté que de feruir par ma iS déroute à vn plus grand éclairciftement de voftre doc- trine de la Lumière. Si donc vous eftes en deft'ein de faire imprimer voftre réponfe à mes objedions, vfez- en tout ainfi qu'il vous plaira. Vous ne manquez ny d'efprit ny de courage pour reconnoiftre celles qui 20 font les plus fortes, & pour les attaquer mefme iufques dans les retranchemens qu'elles fe font faits dans mes répliques; d'où fi vous les pouuez débufquer, ie feray le premier à m'en réjouir, vous defirant vne vidoire qui me rende vainqueur de mon ignorance, & qui 25 m'oblige ainfi à confirmer les vœux que ie fais d'eftre toute ma vie, &c.

l'ay oublié à vous dire que ie penfe auoir découuert par hazard voftre matière fubtile & fon mouuement, par le trou & la fente d'vne feneftre expofée au Soleil, 3o

a marris Clers.

�� � i.,33-,34. CXXXVI. — i8 Août 1638. }o^

à l'entour defquels fe fait vn certain bouillonnement lumineux d'air, où vous voyez voltiger vne matière fubtile ; mais ie croy | pouuoir rendre bonne raifon de cet effet par mes hypothefes de la Lumière, & que 5 cela n arriueroit pas en vn air pur. le fuis, &c.

A Paris, ce 12 Aoufl 16 j 8.

��CXXXVI. Regius a Descartes.

18 août i638. Résumé de A. Baillet, La Vie de M' Descartes, t. II, p. 7-8,

Henry de Roy, dit Regius, après avoir appris de Reneri à Utrecht, dès 1634, la philosophie de Descartes, l'enseigna à des disciples dans des leçons privées qui attirèrent l'attention sur lui. On dédoubla donc la chaire de Médecine à l'Université d' Utrecht, et le 6 sept. i638, il fut nommé professeur extraordinaire. La lettre, dont Bail- let donne la date, ainsi qu'un résumé, a été écrite un peu avant , lorsque déjà la nomination était assurée.

M. Descartes, dont la Philosophie avoit formé en luy ce mérite qui » l'avoit fait préférer aux autres concurrens. La place qu'il occupoit lui » donnant un degré de hardiesse plus qu'il n'avoit auparavant, il se défit . du scrupule qui l'avoit empêché jusques-là de luy écrire en droiture « pour luy présenter ses respects. Afin de ne pas rendre sa modestie ou sa » timidité suspecte d'ingratitude, il prit la liberté de lui écrire le XVIII I) d'Aoust (en marge : Lettre I. de Regius M5.) pour le remercier d'un » service qu'il lui avoit rendu sans le sçavoir. Il lui demanda la grâce , d'être reçu au nombre de ses serviteurs, avantage qu'il avoit recherché » et qu'il croyoit avoir mérité depuis qu'il s'étoit rendu son disciple. Et » pour ne luy point faire un mystère d'une chose qu'il ne pouvoit sçavoir, » c'est à dire de la manière dont il pretendoit que M. Descartes l'avoit fait I. Professeur dans l'Université, il luy fit un détail delà connoissance qu'il Correspondance. II. •'9

�� � 3o6

��Correspondance.

��» avoit acquise de sa Méthode et de sa Philosophie, premièrement par la

» bouche de M. Reneri, qui l'avoit amplement informé des qualités he-

1 roiques de son esprit, et ensuite par la lecture des Essais qu'il avoit

» publiés Tannée précédente. Il luy marqua ensuite comment il s'étoit

» heureusement servi detette Méthode pour enseigner sa Philosophie à

» quelques Particuliers suivant ses principes; et il luy apprit que le grand

« succès de cette entreprise avoit porté les Magistrats de la ville et les

» Professeurs de l'Université à le choisir pour remplir la chaire de nou-

>i velle érection. Il le conjura de ne point abandonner son propre ou-

» vrage, et de ne point luy refuser les assistances nécessaires pour sou-

» tenir cette première réputation. Il luy protesta que de son côté il feroit

» tout ce qui dependroit de luy pour ne rien faire qui fût indigne de la

» qualité de son disciple qu'il preferoit à tous les autres avantages de sa

» vie : et qu'il suivroit les pas de M. Reneri le plus prés qu'il luy seroit

n possible. »

« Pour se mettre d'abord en possession des droits attachez à cette qua-

» lité, il prit la liberté de lui envoyer ses Essais de Médecine, <\m n'étoient

» autre chose que des Notes assez courtes sur Trincavel, et le pria de les

» examiner avec toute la sévérité d'un Maître. Il passa même, appuie sur

» l'expérience que M. Reneri lui avoit donnée de ses bontez, jusqu'à luy

» demander les objections qui luy avoient été faites depuis peu contre la

■) Circulation du sang, avec les Réponses qu'il y avoit données ' . Et pour

> lui faire voir jusqu'où pourroit aller la confiance avec laquelle il vouloit

■I lui abandonner son esprit comme son cœur, il lui dit nettement qu'il

' ne lui viendroit aucune difficulté qu'il ne lui proposât, et dont il n'es-

)> perât de luy les solutions, comme d'un homme à qui il prétendoit tout

» devoir, et qu'il regardoit comme extraordinairement suscité pour con-

» duire la raison des autres hommes et les tirer de leurs anciennes

��» erreurs. »■

��CXXXVII.

Descartes a [Reneri] [20 août i638.]

Résumé de A. Baillât, La Vie de M" Descartes, t. Il, p. 8.

Réponse de Descartes aux ouvertures que lui faisait Regius dans la lettre précédente. Descartes ne parait pas avoir répondu à Regius

a. Lettres C et CVII, t. I, p. 496 et 52 1 ; CXV et CXVII, p. 52 et 62 ci- avant.

��

III. 350. CXXXVIII. — 23 Août 1638. 307

directement, mais à Reneri, et le jour même où il avait reçu les lettres de Regiiis et de Reneri.

« M. Descartes reçeut dés le XX du mois la lettre de cet inconnu dans » le paquet de M. Reneri, qui lui servoit d'introducteur pour cette pre- » miere entrée. Le plaisir que lui donnèrent ces beaux effets de sa Philo- » Sophie ne lui permit pas de différer de répondre à ses civilitez, et de lui » accorder son amitié avec tous les fruits qu'elle pourroit produire. 11 » récrivit en même temps à M. Reneri pour se rejouir avec luy du succès » avec lequel il introduisoit sa Philosophie dans l'Université, et pour luy » permettre d'amener M. Regius avec luy, lorsqu'il luy feroit l'honneur de » le venir voir. C'étoit répondre à la demande que M. Regius luy avoit fait » faire par M. Reneri. Mais les occupations de son nouvel emploi et les » incommodités de M. Reneri le privèrent de cette satisfaction pendant » plus de six ou sept mois. »

CXXXVIII.

Descartes a Mersenne

23 août 1638.

Autographe, Bibl. Nat., fr. n. a. 5160, fol. 15-20.

L'indication de l'autographe, 19 en bas et à gauche de la première page, est bien celle que donne l'exemplaire de l'Institut : n° 19 de la collection La Hire. L'autographe porte, en outre, le numéro (10) du classement de dom Poirier. Deux lettres de Clerselier, tome III, lettre LXV, p. 350-363, et lettre LXX, p. 404-408, correspondent à la première et à la troisième partie de cet autographe; celui-ci renferme, entre les deux, une seconde partie qui a été copiée sur une feuille de papier et insérée dans l'exemplaire de l'Institut; elle manquait sans doute dans les minutes, et sa disparition explique que Clerselier ait séparé la première et la troisième parties et en ait fait deux lettres différentes.

Mon Reuerend Père,

I'ay efté bien ayfe de voir les queftions que celuy

2 après les queftions que] vous dites que vos Géomètres, ny Monfieur de Roberual mefme,

qui eft aj. jo8 Correspondance, m, 350-351. 

que vous eftimez le principal de vos Géomètres con- feffe ne fçauoir pas; car ie pourray efprouuer,en les cherchant, fi mon analyfe ell aufly bonne que la leur. La première de ces queftions eft de trouuer les tan- gentes des courbes décrites par le mouuement d'vne 5 loulete. A quoy ie refpons que la ligne droite qui paffe par le point de la courbe dont on veut trouuer la tangente, & par celuy de la baze*auquel touche la rou- lete pendant qu elle le décrit, coupe toufiours cete

tangente a angles droits. En 10 forte que fi on veut, par exem- ple, trouuer la ligne droite qui touche au point B la courbe ABC, defcrite fur la baze AD par Tvn des poins de la circon- 1 5 ference de la roulete DNC, il faut mener par ce point B la ligne B N parallèle a la baze A D, puis mener vne autre ligne du point N, ou cete parallèle rencontre la roulete, vers le point D, ou cete roulete touche la baze, & après cela mener BO 20 parallèle a N D, & enfin BL qui la rencontre a angles droits; car cete ligne BL efl; la tangente cherchée.

De quoy ie ne mettray icy quVne demonflration qui efl: fort courte & fort fimple. Si on fait rouler vn po- lygone I rediligne, quel qu'il foit, fur vne ligne droite, 25 la courbe defcrite par Fvn de fes poins, quel qu'il foit, fera compofée de plufieurs parties de cercles, & les tangentes de tous les poins de chafcune de ces parties

i de vos Géomètres] d'en- parallèle] BN aj. — roulete", tr'eux. — 3 auffy bonne] meil- DNC aj. — 23 icy ont. leure. — i i on] l'on. — 19 apr-ès

��� � m. 35i. CXXXVIII. — 2j Août 1638. J09

de cercles couperont a angles droits les lignes tirées de ces poins vers celuy auquel le polygone aura tou- ché la baze en decriuant cete partie. En fuite de quoy, confiderant la roulete circulaire comme vn polygone

5 qui a vne infinité de coftez, on voit clairement qu elle doit auoir cete mefme propriété, c'eft a dire que les tangentes de chafcun des poins qui font en la courbe qu'elle décrit doiuent couper a angles droits les lignes tirées de ces poins vers ceux de la baze qui sont tou-

10 chez par elle au mefme tems qu'elle les décrit.

Ainfy, lorfqu'on fait rouler l'hexagone ABCD fur la ligne droite EFGD, fon point A defcrit la ligne courbe EHIA, compofée de l'arc EH, qu'il décrit

1 5 pendant que cet hexagone touche la baze au point F qui eft.le cen- tre de cet arc, de l'arc H I dont le centre eft G, de l'arc lA dont le centre efl D &c., par lefquels centres paffent toutes

20 les lignes qui rencontrent les tangentes de ces arcs a angles droits. Or le mefme arriue a vn polygone de cent mil milions de coftez, & par confequent aufly au cercle. le pourrois demonftrer cete tangente d'vne autre façon, plus belle a mon gré & plus Géométrique ;

25 mais ie l'obmets pour efpargner la peine de l'efcrire, a caufe qu'elle feroit vn peu plus longue.

Or il faut remarquer que, lorfque la baze de cete courbe eft égale a la circonférence du cercle qu'on imagine rouler fur cete mefme baze pour la defcrire,

3o ainfy que ie l'ay fupofée en l'exemple précèdent, cete 18 & de l'arc I A. — 22 mil oin. — 25 m'efpargner.

��� � MO

��Correspondance.

��m, 351-352.

��courbe n'a que la vouture d'vn demi cercle, ceil a dire qu'en chafcun de fes bouts la tangente de fon dernier point eft perpendiculaire | fur cete baze. Mais lorfque fa baze eft plus courte, fes deux bouts font repliez en dedans de part & d'autre, en forte que plufieurs de ces reuolutions font vne telle figure : 'CÏÏïJînïïTï'.

Or pour trouuer les tangentes de cete courbe, & fçauoir exademeat ou elle commence ainfy a fe re- plier, il faut imaginer que le point qui la defcrit eft au dehors de la roulete, & fuppofer deux bafes : l'vne fur laquelle eft defcrite la courbe, comme icy A E, fur

laquelle la courbe ABCD eft defcrite par le point D, ioint par dehors a la roulete F G, en telle forte qu'il defcrit le cercle ED autour de cete rou- lete au mefmc tems qu'il def- crit la courbe ABCD fur le plan AD; & vne autre bafe comme B G , fur laquelle fe meut la roulete F G, dont la demi-circonference doit eftre égale a la demi-bafe A E. Et les tangentes fe me- furent icy par le cercle D E & le point G, ou la roulete F G touche fa bafe BG, en forte que, pour trouuer la ligne qui touche cete courbe, par exemple au point C, il faut mener C N parallèle a la bafe, & ioindre le point N, qui eft dans le cercle DNE, au point G ou la roulete touche fa bafe, puis mener CP parallèle a NG, & cete CP eft perpendiculaire fur C L qui eft la tangente cherchée.

8 ainly om. — 16 E D] E N D. — après autour] du centre aj. — 23 après &] par a/.

���10

��i5

��20

��25

�� � III. 352-353. CXXXVIII. — 2j Août 1638. 31-1

En fuite de quoy on voit clairement que le point B, ou la féconde bafe B G rencontre cete courbe, eft ce- luy ou elle commence a fe replier en dedans ; car la tangente de ce point efl perpendiculaire fur la bafe AE.

5 Que û la bafe de cete courbe eft plus longue que la cirjconference du cercle que trace autour du centre de la roulete le point qui la décrit, fes deux bouts font repliez en dehors, en forte que plufieurs de fes reuo- lutions font vne telle figure -n^/^n^-^» . Et pour trou-

10 uer fes tangentes & fçauoir ou elle commence a fe re- plier, il faut imaginer que le point qui la décrit eft au dedans de la roulete, &

ainfy fuppofer vne féconde ^ l /^

bafe B G , fur laquelle fe ^^^^ ^-^^/n :^

i5 meut la roulete FG, dont /^ \...l.....' \

la circonférence eft égale ^ - ^X \ V . "^ >,,

a cete bafe, pendant que \ \ ^^

le point D , qui décrit la P g

courbe fur l'autre bafe A E, décrit autour du centre de

20 la roulete le cercle D E. Puis, pour trouuer la tangente du point C, pris a difcretion en cete courbe, il faut mener CN parallèle a la bafe, & ioindre le point N, qui eft dans le cercle D E, au point G, ou la roulete touche fa bafe, puis tirer C P parallèle a N G; & C L,

2 5 qu elle rencontre a angles droits , eft la tangente cherchée. |

En fuite de quoy, pour trouuer le point H, ou la partie de la courbe A H ceffe d'eftre concaue, & H C D d'eftre connexe, il ne faut que tirer du point G

3o vne ligne comme G R, qui touche le cercle DRE au point R, & de ce point R mener RH parallèle a la

�� � 112 Correspondance. 111,353-354.

baie. Et il eft a remarquer qu'il ne peut y auoir aucune ligne droite qui touche cete courbe A H C en ce point H, a caufe qu'il fait la feparation de fes deux parties, dont l'vne eft concaue & l'autre con- |uexe. Or ces déterminations fi fimples & fi faciles 5 peuuent eftre prifes pour la féconde chofe que M"^ voftre Géomètre a confefle * ne fçauoir pas ; car bien qu'il ait dit en auoir vne demonftration, mais qui eftoit longue^ & qu'il en defiroit feulement vne plus courte, il n'a pu toutefois en auoir qui determi- 10 naft exadement aucune de ces chofes, puifqu'il n'a pu trouuer les tangentes.

Au refte, il eft a remarquer que tant ce que i'ay icy efcrit des tangentes, que ce que ie vous auois mandé cy deuant touchant l'efpace que con^tienent ces lignes i5 décrites par vne roulete circulaire, fe peut aufly eftendre a toutes celles qui font décrites par des rou- letes qui ont d'autres figures, telles qu'elles puifTent eftre. Excepté feulement que, touchant l'efpace, il faut que les circonférences de ces rouletes foient 20 connexes & que leurs parties oppofées foient fem- blables, comme lorfqu'elles ont la figure d'vne Ellipfe ou de deux hyperboles aiuftées l'vne contre l'autre, &c. Et il eft fi ayfé de leur appliquer les demonftra- tions que ie vous ay enuoyées, que cela ne vaut pas 25 la peine que ie l'explique. Mefme il n'y faut changer que fort peu de chofe, lorfque les circonférences de ces rouletes ne font pas toutes connexes. Et ainfy ie ne croy pas qu'il y ait gueres rien a dire touchant

2AHCI AHCD. — 7 après voftre] habile aj. — 27 chofe] chofes.

��

III,354-355. CXXXVIII. — 23 Août 1638. 313

ces lignes, qui ne foit compris en ce peu que ie vous en ay efcrit.

Il faut auffy remarquer que les courbes defcrites par des rouletes font des lignes entièrement mechaniques, & du nombre de celles que i'ay reietées de ma Géométrie ; c'eft pourquoy ce n'eft pas merueille que leurs tangentes ne fe trouuent point par les règles que i'y ay mifes. Mais pour cette autre tangente qu'il auouë n'auoir pu trouuer, a fçauoir celle qui fait l'angle de 45 degrez auec l'aiffieu de la courbe que i'auois cy deuant propofée, il ne faut que fuiure ces règles tout fimplement pour la connoiftre. Et en voicy la façon.

Soit ACKFA l'vne des feuilles qui fait partie de cete courbe, dont l'aiffieu eft AH, & le plus grand diamètre de la feuille eft AK, & l'angle HAK eft de 45 degrez. Ie cherche la tangente FE ou CB parallèle au diamètre AK, pofant que la propriété de cete courbe eft telle que, menant FG a angles droits fur AH ,l'aggregat des cubes de FG & AG eft égal au parallelipipede des mefmes FG & AG, & d'vne autre ligne donnée qui eft double d'AH. Et ie fais AG = x, GF = y, & le double d' AH = n, d'où i'ay

10 et 17, etc. : 45] quarante-cinq.

— 14 la partie.

— 26 et 27 d'AH] de AH.

— 27 =] || (et de même dans tout ce qui suit).

a. L'autographe porte ici une figure où ne sont pas tracées les lignes LNL, lnl, comme dans celle-ci, qui se trouve au verso.

Correspondance. II. 40 ^14 Correspondance. 111,355.

x' +y^ 33 xyn. Puis ie fais AE oo v, de façon que EG eflx — V] & pource que l'angle EFG eft dç 45 degrez, GF eft auffy x — v, ce que ie fubftitue, au lieu d'j, en l'équation précédente, & au lieu d'j^ ie fubftitue fon cube, qui eft 5

X^ ^VXX+JVVX V^y

fi bien que i'ay pour mon équation

2x^ — ^ vxx + ^ vvx — v^ 00 nxx — nvx^

ce que ie compare auec

XX — 2 c AT + ee» G multiplié par 2 X — 2/200, ,0

& i'ay

ix^ — 4exx + 2 eex

— ifxx + 4 efx — le efx> o,

de mefme forme que

2 x' JVXX+JVVX — v^x> o. i5

— nxx -■ nvx

Et les termes multipliez par xx me donnent

2/x) ■^ V -\-n — 4e. Puis les termes multipliez par x me donnent

6eV'\- 2 en — 6ee X) -^ vv-\- nv^ 20

ou bien

vvvo j-nv'\- 2 ev -\-^ne — 2 ee,

c'eft a dire, a caufe que e eft égal a x, que v eft * X r " = V 36 "" + 1" "^ — ^^•

3, 4 etc. : dy] de^. — 6 Dans redoublées par une seule lettre cette ligne et dans tout ce qui suit, portant l'exposant 2. Clerselier remplace les lettres

■d. Dans les formules qui suivent, ie symbole = signifie plus ou moins.

�� � 111,355-356. CXXXVIII. — 2J AOUT l6j8. }I^

Ce qui determineroit entièrement la tangente cher- chée, û la quantité x efloit connue; mais pource qu'elle ne l'eft pas, il faut pourfuiure en cete lorte. Puifque y efl égal a x — v, & que v vient d'eftre 5 trouué, nous auons auffy

yzo-^n = \/-~nn + ^nx—xx,

ce qui eftant | fubftitué au lieu dy, & fon cube au lieu dj^ en la première équation, on trouue en la de- meflant qu'elle fe réduit a ces termes :

Et par la règle qui eft en ma Géométrie, page j8j, i'efcris en leur place :

��,6 2 4 I 6

��f-— 17 "' Il

��il

��n x> G.

��Puis (par la page 381) ie trouue la valeur de :^i, qui i5 eft "Y nn, & {» n \/~. Au moyen de quoy (par la page j8^), ie diuife l'équation

��^_^„3^ + _L„4^0

��en deux autres qui font

��20

��&

��4/1.1 n n

XX — nx \ -^-^ -^ nn ^-=: a? o.

» J ' 6 6 • 3

��XX + nx \/ -^ -^ -^ nn -^ --^^ co o.

��Et par la première de ces deux équations, ie connois la valeur d'x, qui eft

1 1 la] ma.

�� � }i6 Correspondance. 111,356-357

Enfin, a caufe que, cherchant en mefme façon la ligne AB par la tangente CB, il vient vne équation toute femblable, on apprent de la que la ligne AG eft

4/1 , . / »i « I

«V-rr + v^r — 7r"">

& que AD eft 5

& par confequent que DG eft & que CF eft

Ce qui eft la plus grande largeur de la feuille qu'on d emando it, en forte que, fi la ligne n eft 9, CF fera ^36\/f^^^ & fi n eft 3, C F fera \U v^t-Tc^ & ainfi des autres.

Au refte, puifque ie voy qu'il a pris plaifir a confi- i5 derer la figure de cete ligne, laquelle il nomme vn Galand ou vne fleur de lafmin, ie luy en veux icy donner vne autre qui ne mérite pas moins que celle la les mefmes noms, & qui eft néanmoins beaucoup plus aifée a defcrire, en ce que l'inuention de tous fes jo poins ne dépend d'aucune équation cubique. Celle cy donc eft telle, qu'ayant pris AK pour l'aiflieu de l'vne de fes feuilles, & en AK le point N a difcretion, il faut feulement faire que le quarré de l'ordonnée |LN foit au quarré du fegment AN comme l'autre 25 fegment NK eft a l'aggregat de la toute AK & du

23 fes] ces.

�� � 111,357. CXXXVIII. — 23 Août i6j8. 317

triple d'AN, & ainfy on aura le point L, c'eft a dire tous ceux de la courbe, puifque le point N fe prend a difcretion*.

le pourrois luy donner vne infinité d'autres lignes 5 qui ne feroient point d'vne nature plus compofée que celle la, & toutefois reprefenteroient des fleurs ou des galans beaucoup plus doubles & plus beaux; mais pour en parler ingenuement, ie fais û peu d'eftat de fes galanteries que i'aurois honte de m'amufer a les

10 efcrire. Et ie m'eflonne de ce qu'il femble prétendre quelque gloire, pour auoir remarqué en gros la figure d'vne ligne dont ie luy auois enuoyé la définition; car elle fe void a l'œil fans aucun efprit ni fcience , après qu'on a pris la peine de la tracer.

i5 II ne refle plus icy a refoudre que fa dernière quef- tion qui eft telle. Les collez AD & AE du quadrilatère AD CE ef- tant donnez, auec l'angle DAE & la longeur de la diagonale AC,

20 & enfin la proportion qui eft entre les deux lignes A G & AH, per- pendiculaires fur les coftez in- connus C D & C E, il faut chercher le refte.

2 5 A quoy ie refpons que ce pro- blème , eftant ainfy généralement propofé , n'eft ny plan ni folide, mais qu'il ne laiffe pas de pouuoir touf- iours eftre conftruit par les règles que i'ay données en ma Géométrie, a caufe qu'on le peut toufiours réduire

3o au quarré de cube, ou a moins. Et en voicy la façon.

I d'AN] de AN. — 6 toutefois] qui aj. — 9 fes] ces.

��d/ î

�' \ U

' à r

�Q A-

� ��B

�� � 3i8 Correspondance. 111,357-358.

Puifque les coftez AD, AE & l'angle DAE font donnez, la bafe DE eft aufly donnée, & fa perpendi- culaire A F & fes fegmens DF, FE. C'efl pourquoy ie fais A¥ 00 b, DF »c, ¥E cod. le fais aufly AC » a, & que la proportion d'AG à AH eft comme ^ à ^. Puis, 5 ayant mené A B parallèle a D E, ie cherche la perpen- diculaire CB, que ie nomme j. Et a cet effed ie pro- longe AB iufques a K & L, ou elle rencontre CD & CE, fur lefquelles ie mené les perpendiculaires LQ_& KN. Or puifque i'ay fait C A 1 00 a, & CB so j, i'ay AB 10 œ y aa — yy. Et comme C I, qui eft j — Z» , eft a I E, qui eu d — ^aa — yy, ainfy CB, qui eftjy, eft a B L, qui par confequent eft

dy — y \J aa — yy

��& AL eft

��y — b ' ,5

dy — b yj aa — yy

��& LC eft

—Tb \l — iby-\-bb'^dd-\- aa — 20?/

��:j^r:rb V — 2 o j -h fjp ^- aa -|- aa — 2 a v aa — yy. 20

Tout de mefme, comme CIcoj — ^eftaID»c-L \/aa — jj,ainfiCB co j eft a BK, qui par confequent eft

cy -\r y sj aa — yy

��& AKeft

��y-b

cy -\- b \] aa — y y

��y — h 5 proportion] raifon. — d'AG] de AG.

��25

�� � III. 358. CXXXVIII. — 2} Août 1638. 319

&CKeft

��X

��X

��V — 2 by-\- bb + ce + aa -\- 2 c [/aa-

��-yy^

��&KLeft ^±f.

��De plus, ie fais AGoo^i^^&AHoo h:^; & comme A K 5 eft a K L, ainfi A G eft a L Q, d'où i'ay

��LQ.CO

��'^rgy + crgy

��cy -^ hV aa — yy

Et comme AL eft a KL, ainfy AH eft a KN, ce qui m'apprent que KN eft

dyh:^ + cyh^ '° dy — b \J aa — yy

Enfin, comme LQ.eft a KN, ainfy CL eft a CK, d'où ie conclus que

àgy—'bg^J aa—yy^

multiplié? par

'* V — iby-\-bb-\-cc-\-aa-\-'i-c [/ aa — y y,

eft égal a

chy + bh yj aa — y y, multipliés par /

V — 2by-[-bb--dd-\-aa — 2 d [/ aa — yy.

jo Et en demeflant cete équation, on void clairement qu'il n'y peut venir de plus haut terme qu'j^ j en forte qu'on la peut toufiours refoudre par ma Géomé- trie, & il n'eft pas befoin que ie pafle outre, car il ne faut que le trauail d'vn apprentif pour l'acheuer. Mais

a 5 pour conclufion ie puis dire que, fi ie ne contente

�� � J20 Correspondance. 111.358-359.

vos Géomètres auec ces folutions, ie ne les fçaurois iamais contenter, non pas mefme û i'aiiois le don de faire des miracles. C'efl pourqiioy ie n'y tafcheray iamais plus.

Pour ce qui efl de Monfieur Fermât, ie ne fçay quafi 5 qu'y refpondre ; car après les complimens qui fe font faits entre nous de part & d'autre, ie ferois marri de luy déplaire. Mais il femble que l'ardeur auec laquelle il continue a exalter fa méthode, & vouloir perfuader que ie ne l'ay pas en ! tendue, & que i'ay failly en ce 10 que ie vous en ay efcrit*, m'oblige a mettre icy quel- ques veritez qui me femblent ne luy eflre pas auanta- geufes.

Vous m'enuoyaftes l'hyuer pafTé de fa part vne règle pour trouuer les plus grandes & les moindres en 1 5 Géométrie, laquelle i'affuray eflre defedueufe^, & ie le verifiay très clairement par l'exemple mefme qu'il auoit donné. Mais i'adioutay qu'en la corrigeant on la pouuoit rendre affez bonne, bien que non pas û géné- rale que fon autheur pretendoit, & qu'on ne pourroit 20 pas mefme s'en feruir, en la façon qu'elle efloit diélée, pour trouuer la tangente d'vne certaine ligne que ie nommay. l'aioutay auffy que plufieurs raifons me fai- foient iuger qu'il ne l'auoit trouuée qu'a taftons ; ik enfin que s'il auoit enuie de s'efprouuer en Geome- 25 trie, ce ne deuoit pas eflre en ce fuiet, lequel n'eft pas des plus difficiles, mais en j ou 4 autres que ie luy propofay; qui font toutes chofes aufquelles il auroit

5 Fermât] de Fermât. — 9 après &] à ai. — 27 trois ou quatre, a. Lettre XCIX. t. I, p. 486.

�� � 111,359-360. CXXXVIII. — 23 Août i6j8. 321

fans doute refpondu depuis, s'il euft eu de quoy. Mais au lieu de cela, quelqu'vn de Paris, qui fauorifoit fon parti, ayant vu mon efcrit entre vos mains, tafcha de vous perfuader que ie m'eflois meconté, & vous pria

5 de furfeoir a luy enuoyer. Vous me le mandaftes, & ie vous affuray que ie ne craignois rien de ce collé la. Vous m'enuoyaftes quelque tems après vne refponfe faite pour luy par ce mefme de Paris qui fouftenoit fon parti, en laquelle ne trouuant autre chofe finon

10 qu'il ne vouloit pas qu'vne certaine ligne E B pull eftre nommée la plus grande, il me fit fouuenir de fes auo- cats qui, pour| faire durer vn procès, cherchent a re- dire en des formalitez qui ne feruent de rien du tout a la caufe. le vous auerty, des lors^, que ie voyois bien

1 5 qu'il n'vfoit de cete procédure que pour donner plus de loyfir a ma partie de penfer a me refpondre ; car bien que vous ne luy euffiez pas encore enuoyé ma lettre, ie ne doutois point que d'autres ne luy en euflent mandé le contenu. Et l'euenement monllre

20 affez que mes coniedures ont eflé vrayes. Or après élire ennuyé de ce que la chiquanerie de la li^^e E B duroit trop long tems, ie leur ay enfin mandé tout au long ce qui deuoit élire aioufté a la règle dont il eftoit quellion, pour la rendre vraye, fans pour cela chan-

2 5 ger la façon dont elle eftoit conceuë, & fuiuant la- quelle i'auois dit qu'on ne pouuoit s'en feruir pour trouuer la tangente que i'auois propofée. Depuis ce

5 à le luy. — 8 ce mefme homme. — 1 1 fes] ces {mieux). — i3 a] en. — 21 eftre] auoir efté,

a. Lettre CXII, page 26 ci-avant, 1. 23.

b. Lettre CXXII ci-avant p. 127-128, et billet ajouté p. i32-i34.

Correspondance. IL 41

�� � 2 22 Correspondance. m, 36o-36i.

tems la, foit que ce que i'auois corrigé en cete règle luy ait donné plus de lumière, foit qu'il ait eu plus de bonheur qu'auparauant, enfin, quod fœlix faujîumque fit, après fix mois de delay, il a trouué moyen de la tourner d'vn nouueau biais par layde duquel il 5 exprime en quelque façon cete tangente". /o triumphe! Voyla pas vne chofe qui vaut bien la peine de chanter fi haut fa vidoire ? le ne m'areftray point icy a dire que ce nouueau biais qu'il a trouué eftoit très facile a rencontrer, & qu'il l'a pu tirer de ma Géométrie, ou lo ie me fers d'vn femblable moyen pour euiter l'emba- ras qui rend fa première règle inutile en cet exemple ; & que par la il n'a point fatisfait a ce que ie luy auois propofé, qui n'efloit pas de trouuer cete tangente, vu qu'il la pouuoit auoir de ma Géométrie, mais de la i5 trouuer en ne fe feruant que de fa première règle, puifqu'il l'ellimoit fi générale & fi excellente ; & en- fin, que ce n'eft pas trouuer parfaitement les tan- gentes que de les exprimer par les deux quantitez indéterminées x & j, comme il a fait; car ces quan- 20 titez X &. y ne, font point données feparement, mais on doit chercher l'vne par l'autre. Et ceux qui ont voulu depuis employer fa règle a chercher la tangente qui fait l'angle de 4^ degrez auec l'aifîieu de { cete courbe, ont afiTez pu connoiflre ce défaut par expe- 25 rience. le ne veux point, dis-ie, m'arefter a toutes ces chofes; mais ie diray feulement qu'il luy euft efl:é,

7 ne voilà. — 26 point] pas.

a. Méthode de maximis et minimis expliquée et envoyée par M. Fermât à M. Descartes {Œuvres de Fermât, i. II, p. 154-162J.

�� � m, 36.. CXXXVIII. — 2j Août 1638. 325

ce me femble, plus auantageux de ne point du tout parler de cete tangente, a caufe que le grand bruit qu'il en fait donne fuiet a vn chafcun de penfer qu'il a eu beaucoup de peine a la trouuer, & de remarquer 5 que, puifqu'il s'ell teu cependant de toutes les autres chofes que ie luy ay obieftees, c'eil vn tefmoignage qu'il n'a rien eu du tout a y refpondre; & mefme qu'il ne fçait pas encore bien le fondement de fa règle, puifqu'il n'en a point enuoyé la demonftration, non-

10 obllant que vous l'en ayez cy deuant preffé, & qu'il l'euft promife, & que ce fuft l'vnique moyen de prou- uer fa certitude, laquelle il a tafché inutilement de perfuader par tant d'autres voyes. Il eu vray que, de- puis qu'il a vu ce que i'ay mandé y deuoir eftre cor-

i5 rigé, il ne peut plus ignorer le moyen de s'en feruir; mais s'il n'a point eu de communication de ce que i'ay mandé depuis a M"^ Hardy ^ touchant la caufe de l'elifion de certains termes, qui femble s'y faire gratis, ie le fupplie très humblement de m'excufer, û ie fuis

20 encore d'opinion qu'il ne la fçauroit demonftrer. Au relie, ie m'eftonne extrêmement de ce qu'il veut taf- cher de perfuader que la façon dont il trouue cete tangente eft la mefme qu'il auoit propofée au com- mencement, & qu'il apporte pour preuue de cela qu'il

25 s'y fert de la mefme figure, comme s'il auoit a faire a des perfonnes qui ne fceufFent pas feulement lire ; car il n'eil befoin que de lire l'vn & l'autre efcrit, pour connoiftre qu'ils font très différents. le m'eftonne

1-2 parler du tout. — 24 & de ce qu'il, a. Lettre CXXV, page 169 ci-avant.

�� � J24 Correspondance. m, 36i-36».

aufly de ce que, nonobftant que i'aye clairement demonftré tout ce que i'ay dit deuoir eftre corrigé en fa règle, & qu'il n'ait donné aucune raifon a ren- contre, il ne laifle pas de dire que i'y ay mal reuffi, au lieu de quoy ie me perfuade qu'il m'en deuroit remer- 5 cier ; & mefme il adioufte que i'ay failly pour auoir dit qu'il faloit donner deux noms a la ligne qu'il nommée &c., ce qui ne reuffit, dit-il, qu'aux quef- tions qui font ayfées, au lieu qu'il deuroit dire que c'eft donc luy | mefme qui auoit failly, a caufe que i'ay lo fuiui en cela fon texte de mot a mot, ainfy que i'ay deu faire pour le corriger. Eft ce pas vne chofe bien admirable, qu'il veuille que i'aye trouué en fa règle, il y a fix mois, ce qu'il n'y a changé que depuis trois iours ? & que i'aye failly de ce que ie n'y ay pas cor- 1 5 figé vne chofe qui ne la rend nullement fauffe ? car, comme il dit, eftant prife en ce fens la, elle reuffit aux queftions ayfées, bien qu'elle ne reuffifle pas aux autres, ce qui vient de ce qu'elle ne leur peut eftre appliquée, & s'accorde entièrement auec ce que i'en 20 auois efcrit. Et affin qu'il fçache que fon nouueau biais ne s'eftend point fi loin qu'il s'imagine, qu'il tafche, s'il luy plaift, de s'en feruir a trouuer la tan- gente d'vne ligne courbe qui a cete propriété, que

l'aggregat des 4 lignes tirées de chafcun 25 A • D <^e f^s poins vers 4 autres poins donnez, ■ comme vers A, B, C, D, eft toufiours efgal

a vne ligne donnée, & ie m'affure qu'il ne s'y trouuera pas moins empefché que s'il fe fer-

11 texte mot pour mot. — 22 point] pas. — 25 : 4] quatre. — 26 id.

�� � III.36Ï-363. CXXXVllI. — 2} Août i6j8. }2^

uoit du premier, bien qu'elle foit incomparablement moins compofée que fon x'° + 5x9 &c. qu'il allègue, le m'eftonne auffy de ce qu'il s'attribue fi particu- lièrement cete méthode , qu'il femble , a l'en ouir

5 parler, quelle foit quelque grand fecret, qui n'ait iamais pu eftre trouué que de luy feul ; car a le bien prendre, il n'y a rien du tout en elle qu'il fe puiffe approprier a meilleur droit que le feu & l'eau & les grands chemins, finon les defeduoûtez auec lef-

lo quelles il l'a propofée : en tout ce qu'elle a de bon, elle eft fi fimple & û facile a rencontrer, qu'il n'y a perfonne qui fe meile de l'analyfe qui n'en foit ca- pable, pouruû feulement qu'on luy propofe, ou bien qu'il fe propofe luy mefme par hafard certaines quef-

1 s tions qui y conduifent ; & s'il y en a quelques vns qui

puiffent y prétendre plus de droit que les autres, ce doiuent fans doute eftre ceux qui en fçauent les fon- demens & les raifons, du nombre defquels ie n'ay pu iufques icy connoiftre qu'il fuft. 20 le n'adioufte point que ie m'eftonne de ce j qu'il con- tinue a vouloir foutenir les obiedions qu'il a cy deuant faites contre ma Dioptrique» ; car ie m'aiTure qu'il y en a plufieurs autres qui s'en eftonnent auffy bien que moy, & ie ferois marry de le détourner d'vn exercice

2 5 que ie fçay ne me pouuoir eftre qu'auantageux. Mais

i'admire furtout le raifonnement dont il vfe a la fin de fa lettre, dont voicy les propres. mots : pour ce que ie voy que ie n'ay rien encore propofe, a quoy fon efcolier

16 ce] fc. — 19 connoiftre iufques icy.

a. Lettre» LXXIIetXCVI, t.I, p. 354 et 463. Cf. plus haut, p. a63,l. 9-

�� � J26 Correspondance. m, 363.

n'ait fatisf ait, comme il vous efcrit^, il ejl iujle qu'il tra- uaille a/on tour aux propojitions fuiuantes . Et en fuite de ces mots il me propofe quatre problèmes, aufquels ie refpons, qu'encore mefme qu'ils valuflent la peine qu'on les cherchaft, ce que ie n'ay nullement iugé en 5 paffant les yeux par deflus ; ou encore que ie les fceuffe délia, ce que ie ne voudrois pas dire eftre vray, de peur qu'on penfaft que ie voululTe tirer de la vanité de fi peu de chofe; & enfin encore que ie n'aurois point d'autre meilleur exercice pour me diuertir, ie ne vou- lo drois pas toutefois luy en enuoyer les folutions, de peur de fembler par la luy accorder qu'il eft iufte que l'y trauaille, & donner ainfy le pouuoir de me faire perdre du tems a tous ceux qui en peuuent auoir en- uie. Au refle, ie ne lairray pas, s'il luy plaift, d'eftre i5 toufiours fon très humble feruiteur, auffy bien qu'a ceux qui ont tafché de le défendre. Et ie me promets qu'enfin la force de la vérité les conuertira. |

Vous m'auez auffy enuoyé quelques obiecElions contre ma Géométrie fans me nommer leur autheur , 20 aufquelles ie vais refpondre.

La première eft contre la page 381, ou après auoir dit qu'il faut chercher vn binôme par lequel fe diuife

8 tirer vanité. — 9 n'aurois] prefque du tout ceffé. (p. 826,

n'euffe. — 1 5 lairray] laifferay. — 1. 19 — p. 33o, 1. 22>) ne se trouve

1 8 a;?rès conuertira.] le fuis &c. nulle part dans Clerselier. Le

aj.f et la lettre LXV jînit icy. res/e .M'^Renery venant icy etc.

Ce qui suit : Vous m'auez aufly forme la lettre LXX, p. 404. enuoyé. . . jusqu'à : l'Echo a

a. Voir plus haut, page 179, 1- 1 1.

b. Sans doute Jean de Beaugrand, « le Géostaticien ». (Voir plus loin, p. 33 1,1. 12; Cf. p. 265,1. 17.)

�� � CXXXVIII. — 2j Août 16^8. ^27

la fomme d Vne équation cubique, i'adioufle que, ou bien la quantité connue de ce binôme eft la racine cherchée, ou bien l'équation eftant diuifée par luy fe réduit a deux dimenfionS; en forte qu'on en peut

5 trouuer après la racine plus ayfement. Et il reprend cet ou bien, pour ce, dit-il, que cete quantité connue fera toufiours l'vne des valeurs de la racine ou réelle ou imaginaire. Au lieu de quoy il euft deu dire ou vraye ou fauffe, car cete quantité connue ne peut iamais

10 eftre du nombre de celles que i'ay nommées imagi- naires. Mais ie laifle paffer cela très volontiers, & il me fuffit de l'auertir que ie parle feulement icy de la racine cherchée, laquelle ne peut iamais eflre imagi- naire ny faujTe, & mefme entre celles qui font vrayes

i5 & réelles, il n'y en a ordinairement qu'vne qui foit la cherchée. De façon que i'aurois grandement failly, fi i'auois oublié cet ou bien qu'il reprend.

Et i'admire fort fon raifonnement en fa féconde infiance, ou il dit que, fi par le mot de racine i'entens

20 feulement la valeur réelle &c., il ne laifTe pas d'y auoir a redire, d'autant qu'il arriue fouuent qu'après cete redudion il n'y a plus rien a faire. Car c'efl pour cela mefme que i'ay mis la difiondiue, difant que, ou bien la quantité connue efl la racine cher-

25 chée, ou bien &c. ; c'efl a dire que, ou bien il n'y a plus rien a faire, ou bien il y faut encore faire telle chofe &c.

Pour fa troifiefme infiance, qui efl que cete règle procède a taflons, ie refpons que ce n'efl nullement

3o procéder a taflons que d'examiner par ordre diuerfes chofes lorfqu'on les connoifl toutes, comme on fait

�� � jiô Correspondance.

icy, & que le nombre en eft déterminé, comme il eft icy, encore mefme qu'il y en euft mille, au lieu qu'il n'arriue icy que fort rarement qu'il y en ait plus de j ou 4, principalement aux queftions qui fe cher- chent par lettres & non par nombres ; & il doit con- 5 fiderer que i'ay efcrit vne Géométrie, & non pas vne Arithmétique. Outre que les règles qu'on peut donner pour s'exempter d'examiner toutes les quantitez auf- queHes fe diuife le dernier terme, font de fi peu d'vfage & fi ayfées a trouuer, que i'ay négligé de les efcrire. lo

Sa quatriefme & dernière inftance eft que la règle par laquelle ie refous les équations cubiques n'eft pas générale, a caufe que, pour l'appliquer aux équa- tions de quarré de quarré, il les faut réduire aux cubiques, & qu'elle ne fert point pour celles qui mon- 1 5 tent a plus de dimenfions. Mais ie n'auois iamais ouy dire qu'vne règle ne fuft pas générale, pource qu'elle ne s'eftendoit pas a des chofes aufquelles on n'auoit point eu deffein de l'appliquer, & ie n'ay prétendu appliquer celle dont il eft icy queftion qu'aux equa- jo tions cubiques toutes feules, car i'en ay donné vne autre pour le quarré de quarré. Et enfin en la page 389, ie mets en ^ ou 6 lignes la règle générale qui peut feruir pour toutes les autres équations ; non point a deffein de l'enfeigner a vn chafcun, car il a5 m'euft fallu faire vn trop gros liure, fi i'euffe voulu expliquer affez au long pour cet effed tout ce que i'auois a y mettre, & i'ay mieux aymé eftre fuccind en pluûeurs endroits, pour donner moyen a ceux qui auront le plus d'efprit d'y trouuer quelque chofe de 3o plus que les autres.

�� � CXXXVIII. — 2) Août i6}8. 329

Pour l'herbe fenfitiue que vous me mandez auoir veue chez M"^ de la Brofle, ie n'y trouue rien d'eftrange que la rareté ; car appres auoir defcrit le mouuement du cœur d'vne façon qui pourroit auffy bien conuenir 5 a vne plante qu'a vn animal, fi les organes s'y trou- uoii^nt de mefme, ie n'ay aucune difficulté a conce- uoir comment le mouuement de cete plante fe peut faire ; mais ie ne voudrois pas entreprendre de dire determinement comment il fe fait, fi ie ne l'auois

10 veue & examinée auparauant.

Il faudroit auffy que ie viffe la fale dont vous m'ef- criuez, pour iuger de l'Echo qui s'y rencontre ; mais il eft bien certain qu'vne mefme voix peut eftre plu- fieurs fois repouffée par les mefmes cors, ainfy qu'vne

i5 baie peut bricoller plufieurs fois^. contre vne mefme muraille. Pour cete voûte de porte, dont vous dites que l'Echo refpond a vn certain ton plutoft qu'aux autres, cela vient fans doute de ce que tout fon cors eft difpofé a branfler d'vne viteffe qui s'accorde auec

20 la viteffe des tremblemens d'air qui caufent ce ton, & non point auec celle des autres. A propos de quoy ie vous diray qu'il y a vn aueugle a Vtrecht, fort renommé pour la Mufique, qui iouë ordinairement fur les cloches de cete haute tour dont vous defirez

ï5 auoir les mefures, lequel i'ay vu faire rendre 5 ou 6 diuers fons a chafcune des plus groffes de ces clo- ches, fans les toucher, approchant feulement fa bouche de leur bord & y entonnant tout baffement le mefme fon qu'il leur vouloit faire imiter. Mais il

3o obferuoit que c'eftoit toufiours ou le fon naturel de la cloche, ou fon odaue, ou fa 1 2 &c. ; car autrement

CoaRfispoMOAMCB. II. 42

�� � j jo Correspondance. m 404.

elle ne luy euft point refpondu, & elle luy refpondoit toufiours fort dillinélement en forme dVn Echo, lequel duroit alTez long tems après fa voix. Mais ie rencontray icy dernièrement par hafard vn autre Echo, que vous trouuerez peut eflre affez rare; car 5 foit qu'on parlaft haut ou bas, ou qu on frapafl; des mains &c., il rendoit toufiours vn mefme fon, qui eftoit fort clair & fort aigu, femblable a celuy de la voix d'vn poulet, nonobflant que ceux qu'on faifoit en fuflent fort differens ; en forte que ie penfois du 10 commencement qu'il y euft quelque oifeau caché dans les herbes ou ie l'entendois. Mais i'apperceu auffy toft après que c'eftoit vn Echo qui fe formoit dans ces herbes, lefquelles, eftant des cors fort petits & déliez a comparaifon des tours & des ro- i5 chers, ou l'Echo a couftume de fe former, eftant frapées par la voix faifoient leurs tours & retours beaucoup plus frequens, & ainfy donnoient vn fon plus aigu. Car cet Echo eftoit dans vn coin de iardin, ou quantité de betes & autres herbes eftoient mon- 20 tées en graines a la hauteur d'vn homme ou dauan- tage, & la plus part de ces herbes eftant coupées, l'Echo a prefque du tout cefTé^.

I M"" Renery venant icy m'a apporté la hauteur de la tour d'Vtrecht très exadement mefurée; elle eft 25 de j^o pieds de Roy iuftement, en contant le coq qui

24 M' Renery] Mon Révérend p. 404. — venant] reuenant. —

Père, Monfieur le Roy (sic). Ce 25 & elle. — 26 iuftement om.

qui suit forme une lettre nouvelle — après le coq] ou la girouette

dans Clerselier, la LXX', t. III, aj.

a. Voir plus loin lettre CXLVI du 8 cet., Clers., II, 40-2.

�� � 111,404-405. CXXXVIII. — 2j Août 1638. jji

eft delTus, & ce coq auec la pomme qui le fouftient eft haut de 16 pieds & 7 pouces. Il vous en vouloit efcrire ; mais pource qu'il n'auoit rien de plus a vous mander, finon des complimens, ie luy | ay pro- 5 mis de vous les faire foigneufement, & ainfy i'ay déchargé mon pacquet d'autant de papier fuperflus. Or entre nous, quoy que vous ne me mandiez point qui eft l'autheur des obiedions aufquelles ie refpons en l'autre feuillet (lequel vous feparerez^, s'il vous

10 plaift, de cetuy cy, en cas que vous le veuillez faire voir a d'autres), ie iuge néanmoins qu'elles vienent du Geoftaticien ; car elles font iuftement de fa portée & contienent des raifonnemens dignes de luy, mais ie n'ay pas laiffé d'y vouloir refpondre ciuilement.

i5 Aflurez vous que i'apprehende fort peu fa cholere, & que i'ayme mieux que telles gens me foient ennemis déclarez, & qu'ils parlent auec animofité contre moy, que non pas que, faignant d'eftre mes amis, ils dient froidement qu'ils s'eftonnent de ce que i'ay efcrit fi

20 peu de chofe &c. Or ie vous enuoye icy les folutions de tout ce que le S"" de Roberual a dit ne fçauoir pas, dans la lettre dont vous m'auez enuoyé copie; mais ie

1 deffus] au-deffus. — ce coq] — 9 lequel] que. — 10 cetuy]

cette girouette. — le] la. — celuy. — le veuillez] vouliez

2 haut] haute. — 3 rien de plus] le. — 10-11 faire... d'autres]

autre chofe. — 4 finon des com- monflrer. — 19 efcrit] donné,

plimens om. — 5 les om. — foi- — 20 les] des. — aile S"^] Mon-

gneufement] fes baifemains. — fieur. — a dit] dit. — 22 la

6 fuperflus om. — 8 qui] quel. copie.

a. Cette séparation n'a pas été faite ; Vautre feuillet commence d'ail- leurs aux mots : Vous m'aue^ aussy enuoyé (p. 326, L 19), et finit avec l'alinéa qui précède celui-ci.

�� � 332 Correspondance. m, 405-406.

vous prie de les faire voir a plufieurs autres auant luy,

6 mefme de ne luy, en point donner l'original; car i'ay tant remarqué de procédures indiredes en ces gens la, que ie croy qu'il ne s'y faut pas trop fier ; & s'il n'auoit pu comprendre ma première demonftration 5 de fa roulete', il ne comprendra peut eftre pas non plus tout ce qui eft en celle cy; mais il m'euft fallu trop de peine a efcrire, pour efclaircir le tout pour des enfans. le feray bien ayfe de fçauoir ce qu'il aura dit de ma dernière explication de la demonftration de 10 fa roulete*"; car ie croy l'auoir rendue fi claire que, s'il

la nie, les moindres efcholiers feront capables de s'en moçquer.

Pour l'introdudion a ma Géométrie % ie vous afifure qu'elle n eft nullement de moy, & ie I'ay feulement a i5 peine ouy lire vn peu deuant que l'enfermafiTe en mon pacquet. Et i'ay honte de ce que vous auez efcrit a M"^ Fermât, que i'y ay refôlu fon lieu plan ; car il eft fi facile par ma Géométrie, que c'eft tout de mefme que fi vous luy auiez mandé que i'ay pu infcrire vn triangle 20 dans vn cercle. A propos de quoy, s'il vous fouuient que ie tefmoignay en faire eftat la première fois que vous me l'enuoyaftes, & que ie | vous manday que fon autheur deuoit eftre fort fçauant en Géométrie, & que i'efperois qu'il feroit l'vn de ceux qui iugeroient le 25

I autres om. — 6 fa] la. — 16 après que] ie aj. — en] dans.

7 celle] celles. — 11 fa] la. — — 18 M. de Fermât, l'auoir rendue] qu'elle eft. —

a. Lettre CXXIII, p. i35, 1. 9 ci-avant.

b. Lettre CXXXJ, p. 257, 1. 6 ci-avant.

c. Voir page 276, 1. 5, ci-avant.

�� � m, 406. CXXXVIII. — 23 Août 1658. jjj

mieux de la miene", vous pouuez connoiftre par la que ie fuis d'vne humeur fort différente de la leur, vu que ie loùois en eux vne chofe que i'eufTe creu eftre trop baffe pour moy; & eux, au contraire, ils mef- 5 prifent en moy des chofes qui font fi loin au delà de leur portée, qu'ils ne font pas feulement capables de les comprendre, lorfque ie les ay fuffifamment ex- pliquées.

l'ay confideré exadement la demonftration pre-

10 tendue de la roulete enuoyée par M' Fermât, laquelle commence par ces mots : Le centre du demi cercle N, le diamètre &c. ^ Mais c'eft le galimathias le plus ridicule que i'aye encore iamais vu. En effed il monftre par la que, n'ayant rien fceu trouuer de bon touchant cete

i5 roulete, & ne voulant pas pour cela demeurer fans refponfe, il a mis la vn difcours embaraffé qui ne conclud rien du tout, fur l'efperance qu'il a eue que les plus habiles ne l'entendroient pas, & que les autres croiroient cependant qu'il l'auroit trouuée. Si

20 le S"^ de Roberual s'eft contenté de cela, on peut bien dire en bon latin que mulus mulum fricat^. Vous m'a- uiez mandé, il y a vn an ou deux, qu'il auoit efcrit vn liure contre Galilée auec vn titre fort fattueux**, de

4 ils om. — 10 M' Fermât] i3 le galimathias... vu] à mon

Monfieur de Fermât. — 12 après fens la chofe la plus embrouillée

diamètre] diuifé aux parties du monde. — 20 s'eft] s'eftoit.

égales IK, KL, &c. aj. — 12- — peut] pourroit.

a. Lettre LXXVI, t. I, page 377, 1. 4.

b. Cette démonstration (sur l'aire de la cycloïde) est perdue.

c. Ou mutuum muli scabunt, titre d'une des Menippées de Varron.

d. Sans doute le Traité de Mechanique. Des poids soustenus par des puissances sur les plans incline^ à l'Horii^on. Des puissances qui sous-

�� � quoy ie n’ay plus ouy parler depuis ; ie voudrois bien ſçauoir ce qui en eft reuſſi.

En effect, que ces gens la facent ou dient ou eſcriuent tout ce qu’ils voudront, ie ſuis reſolu de les meſprifer. Et au bout du conte, ſi les François me font 5 trop d’iniuſtice, conuertam me ad gentes. Ie ſuis reſolu de faire imprimer bientoſt ma verſion latine pour ce ſuiet, & ie vous diray que i’ay receu cete ſemaine meſme des lettres d’vn Docteur que ie n’ay iamais vu ny connu, & qui néanmoins me remercie fort affectueuſement 10 de ce que ie Tay fait deuenir Profeſſeur en vne vniuerſité ou ie n’ay ny amis ny pouuoir ; mais i’apprens qu’ayant enſeigné en particulier quelque choſe de ce que i’ay fait imprimer, a des eſcholiers de ce lieu la, ils y ont pris tel goufl qu’ils ont tous prié 15 le magiftrat de leur donner ce profeſſeur. Il y en a d’autres auſſy qui enſeignent ma Géométrie, fans en

3 dient] difent. — 4-5 les mef- prétendre fans moy. Ce qui

prifer] ne m’en pas ibucier. — eft arriué, pour ce. — 14 de

6 trop d’ ont. — 7 ma] la. — ce. . . imprimer] de ma Phi-

9 mefme om. — 10 & om. — lofophie. — efcholiers] Eftu-

neanmoins om. — 10- 11 fort dians. — i5vntel. — tous ow.

affedueufement om. — 11 deue- — 16 Il y en a] l’en ay receu.

nir] eftre. — 1 2 après en] Mede- — 1 7 auffy om. — après qui] en-

cine dans aj. — i2-i3 ie n’ay... tendent & ^/. — 17 a 2, p. 335,

i’apprens] il n’euft iamais ofé fans. .. commentent o?7z.

tiennent un poids suspendu à deux chordes. Par G. Pers. de Roberval, Professeur royal es mathématiques au Collège de Maistre Gervais et en la chaire de Ramus au Collège de France, inséré avec une pagination spé- ciale (de I à 36), dans la Seconde partie de l’Harmonie universelle du P. Mersenne (1637).

a. Actes des Apôtres, XIII, 46 : a Ecce convertimur ad gentes », paroles de St Paul et de Barnabé.

b. Lettre CXXXVI, page 305 ci-avant, de Regius à Descartes. in,407. CXXXVIII. — 2) Août 1638. 535

auoireude moy aucunes inflrudions, & d'autres qui la commentent. Ce que ie vous efcris, affin que vous fçachiez que, û la vérité ne peut trouuer place en France, elle ne lairra peut eftre pas d'en trouuer 5 ailleurs, & que ie ne m'en mets point fort en peine, le vous prie de faire mes complimens a M'^ Morin, lequel ie remercie de fon obferuation de l'arc en ciel; ie luy ferois refponfe, mais puifqu'il m'enuoyera peut eftre encore quelques obiedtions j ie les at-

10 tendray.

l'ay receu lettre de M de Zuylichem , ou il me mande touchant M' Hardy, qu'il y aura moyen d'ob- tenir ce qu'il demande, pouruu, dit-il, qu'il luy plaife d'y contribuer ce qu'il propofe, nempe vt obiter id

i5 manu propria tejîetur, qui eft, a mon auis, la forme de caution que les gens d'honneur ont a rendre en ces occurrences. Ce font fes mots, & il m'a enuoyé l'ex- trait de la lettre que M"" Heinfius luy a efcrite fur ce fuiet, ou il met, ce me femble, quelque mot latin qui

20 fignifie vne promeffe iuridique ou pardeuant notaires ; ie l'ay efgaré entre mes papiers, fans cela ie vous l'enuoyerois. Tefcrirois auffy a M' Hardy, mais ie n'ay pas le tems ; ie fuis fon très humble feruiteur, & ie le prie de ne point faire voir ce que ie luy ay

2 efcris] mande. — 4 lairra] 14 il] on. — 17 fes] ces. —

laifiera. — 5 point] pas. — 18 M' Heinfius] Monfieur Har-

G M'] Monfieur. — 9 quelques dy. — a] auoit. — 19 meti met-

obiedions] quelque réplique à toit. — 21-22 vous l'I luy. —

mes Réponfes. — 1 1 la lettre. 22 AP] Monfieur. — M'] Monfieur. — 12 id. —

a. Lettre CXXXV, page 288 ci-avant.

b. Lettre CXXXIII, page 282 ri-avant; cf. lettre CXLI ci-après.

�� � J36 Correspondance. 111,407,

mandé cy deuant de la règle de maximis ', fi ce n'eft qu'il Tait défia fait; car i'ay mis cy defiTus, en ce que ie refpons a la letre de M"^ Fermât, que ie ne croy pas encore qu'il fçache la demonftration de fa règle, s'il ne l'a apprife de la. 5

Toubliois a vous dire que lanouuelle ligne que i'ay propofée au S"" Roberual a la fin de la 4* page de cete lettre, efl toute la mefme que l'autre, ce que ie fais pour me rire de luy, s'il ne le reconnoift pas, a caufe qu'il s'eft vanté de la connoiilre comme le cercle. 10

I'ay receu Fefcrit contre moy que M"" d'Igby auoit adrefiTé; mais ie ne I'ay pas encore décacheté, & fi vous ne me mandez derechef qu'il importe que ie le life, ie ne luy en veux pas faire l'honneur; mais ie vous le renuoyeray tel qu'il efl, lorfque M"" de Zuylichem i5 fera a la Haye, car ie n'ay point d'autre commodité.

I'ay aufly le liure de Galilée •=, & i'ay employé deux heures a le feuilleter; mais i'y trouue fi peu de quoy remplir les marges, que ie croy pouuoir mettre en vne fort petite lettre tout ce que i'y pourray re- 20 marquer, & ainfy que ce ne fera pas la peine que ie vous enuoye le liure.

3 M'] Monficur de. — 3- — 10 s'eft vanté de] dit. — 11-

4 que... fçache] qu'il n'en fçau- 16 I'ay receu... commodité om.

roit donner. — 4 de fa règle om. — 17 aufly] receu enfin de Levde.

— 5 de la] de ce que ie luy ay — &ay. — 18 fi] fort. — 19 quoy]

écrit. — 6-7 i'ay propofée] ie matière pour. — que] &. — 19-

propofe. — 78 Roberual] fieur 22 pouuoir. . . liure] que ie fe-

R. — 4'] quatrième. — 9 le] la. ray mieux de marquer feulement

a. Lettre CXXV, page 1 69 ci-avant.

b. Voir plus haut pages 192, 1. 20, et 271, 1. 1.

c. Voir plus haut page 194, 1. i3.

�� � I le fuis extrêmement obligé a M"^ de S" Croix du fauorable iugement qu’il fait de moy ; ie vous prie de m entretenir en fes bonnes grâces, & de celuy qui vous a donné les nombres dont les parties aliquotes font le triple ’ ; il doit auoir vne excellente Arithmetique, puisqu’elle le conduit a vne chose ou l’Analyse a bien de la peine a paruenir. le n auois point remarqué l’erreur de plume qui estoit au dernier de ses nombres, car i’auois feulement examiné le fécond, & l’ayant trouué bon, ie n’auois point douté des autres. Mais cecy me fait souuenir que ie me suis aussy mes- conté en ce que i’ay escrit touchant la dernière question de Mr de Ste Croix, que tous les nombres au delà de 33, qui font compofez de 3 quarrez, le font aussy de 4, excepté les quadruples de 6 & de 14; car au lieu de 33, ie deuois mettre 41 , & lors ce theoresme est vray , comme aussy qu’il n’y a point d’autres nombres qui ne foient compofez de 4 quarrez,

��tout ce que i’y trouueray de remarquable dans vn petit feiiillet de papier, & vous l’enuoyer dans vnelettre; carM.deZuitlyjchem n’eflant point à la Haye, ie ne fçay par quelle voye ie pourrois vous enuoyer le liure, & fes marges eftant toutes vuides vous ne le verriez peut eftre pas de bon œil. I’ay receu auffi l’Efcrit contre moy par l’Ambaffadeur d’Angleterre, lequel ie n’ay pas encore feulement décacheté & fi

��vous ne me mandez derechef qu’il importe que ie le life, ie ne luy en veux point faire l’honneur, mais ie vous le renuoye- ray tel qu’il eft. {Cf. p. 336, l. 11-16.) — I M de S"]Monfieur de Sainte. — 4 {av. parties) les ont. — 5 auoir] fçauoir. — iodes autres] que les autres ne le fuf- fent aufli. — 11 cecy] cela. — 12 touchant] fur. — i3 de M’ de S"] à Monfieur de Sainte. — 14 : 3] trois. — 18:4] quatre.

��a. Sans doute Frenicle {Œuvres de Fermât, t. II, p. i65, § 4).

b. Voir plus haut, page 256, 1. 16.

CORHBSPONDANCE. II. 43 5)8 Correspondance. m. 408.

excepté 8, p, 128, & les autres quadruples de deux, lefquels ne font ny quarrez, ny compofez de trois, ny de 4 quarrez, mais feulement de deux. le fuis,

Mon Reuerend Père,

Voftre très humble & 5

très obligé feruiteur,

DESCARTES.

le cr >y que vos lettres ne fe perdent point par Haerlem, car i'en ay defia receu" ç ou 6, & ie fais icy refponfe a j, dont la dernière eft di 12 de ce mois, 10 & nous fommes au 2^ d'Aouft i6j8. Mais ie vous prie de prendre vn peu garde a les bi^n fermer; car i'en ay receu 2 ou 5 qui auoient, ce m^ fembb;, elle ouuertes; il eft vray qu'il n'y a iamais rien dedans que tout le monde ne puifle bien voir. i5

Page 3o8, 1. 8. — Dans l'autographe, la troisième lettre du mot ba^e est surchargée, et l'on ne peut guère reconnaître si Descartes i voulu faire la correction de ba^e en base, ou inversement. En tout cas, apris avoir, au début de sa lettre, couramment adopté la graphe ba^^e, il l'a brusquement abandonnée (à partir de la ligne lo de la page 3io) pour écrire tase dans toute la suite.

Page 3 12, 1. 7. — Cet aveu de Roberval est-il bien réel en ce qu; con- cerne la construction de la tangente à la cycloïde? Pour la détermination du point d'inflexion dans la cycloïde raccourcie, il déclarait posséder une démonstration, mais en désirer une plus courte. Comme cette secorde question rentre dans la première, Roberval devait certainement, soit pos- séder une solution pour les deux, soit n'en avoir pour aucune. Sur h teneur de la lettre de Mersenne, probablement ambiguë, et dont, en tout cas, le Minime ne paraît jamais avoir rectifié l'interprétation donnée par

I après excepté] les quadru- 9 cinq ou fix. — 10 trois. —

pies de deux, comme aj. — &... douzième. — i3 deux ou trois,

deux] &c. — 3:4] quatre. — — i5 après voir.] le fuis, aj. 'i--j le fuis... Defcartes om. —

�� � CXXXVIII. — 2j Août 1638. 359

Descartes, ce dernier soutient ici, comme dans la suite de sa correspon- dance, la seconde alternative; mais la première n'en peut pas moins être \h véritable.

Dans le Bulletino di bibliografia e di storia délie science matematiche et fisiche, t. VIII (1875), p. 265 et suiv., Ferdinando Jacoli (article inti- tulé : Evangtlista Torricetli ed il metodo délie tangenti detto metodo di Roberval) a soutenu que, pour les tangentes, Roberval a d'abord usé, ce qui est vrai, d'une méthode analytique, et que celle qui est connue sous son nom, et qui est fondée sur la composition des vitesses, ne fut pas dé- couverte par lui avant 1640, date qui ne précède guère celle où l'on doit, d'après M. Jacoli, admettre la connaissance de la même méthode par Torricelli.

A cette thèse, surtout appuyée par les témoignages de Descartes, on peut opposer :

i" Les termes exprès de Biaise Pascal dans VHistoire de la Roulette :

« Ainsi la chose devint publique, et il n'y eut personne en France, de » ceux qui se plaisent à la Géométrie, qui ne sçut que M. de Roberval » étoit l'auteur de cette solution (la quadrature de la cycloïdej, à laquelle » il en ajouta en même temps deux autres : l'une fut la dimension du » solide à l'entour de la base; l'autre, l'invention des touchantes de cette » ligne, par une méthode qu'il trouva alors, et qu'il divulgua incontinent, » laquelle est si générale, qu'elle s'étend aux touchantes de toutes les » courbes; elle consiste en la composition des mouvements. »

« Le premier qui en a connu la nature (de cette courbej,tTou\é les

» touchantes, mesuré les plans et les solides, et donné le centre de gravité n du plan et de ses parties, a été M. de Roberval. r>

Quoique VHistoire de la Roulette présente une erreur de date, ainsi que nous l'avons constaté plus haut, p. i 35, note a, il est très improbable que, dans un écrit destiné à une grande publicité, Pascal ait admis à la légère la revendication de priorité de;Roberval, alors surtout que Fermât vivait encore; ce dernier, en effet, était intéressé dans la question, puisque sa construction de la tangente à la cycloïde fut envoyée à Mersenne en même temps que celle de Descartes, et avant que Roberval communiquât la sienne (voir ci-après lettre CXLVII).

2" La lettre de Roberval à Fermât du 4 août 1640, § ? à 7 {Œuvres de F., t. II, p. 200-201). Dans cette lettre, Roberval, qui, depuis le 1" juin i638, n'avait pas écrit au géomètre de Toulouse, s'exprime notamment comme suit :

« Cette opinion fut cause que, quand je vis que vous aviez trouvé les » touchantes de la roulette [c'est-à-dire vers la fin d'août ou le commence- » ment de septembre t63&) et que vous assuriez avoir la règle universelle » pour toutes les lignes courbes, je crus qu'elle ne pouvoit être autre que » celle que j'avois inventée au temps même que j'inventai cette roulette » [c'est-à-dire dès i635), laquelle règle ou méthode je n'avois encore » communiquée à personne, m'étant contenté d'en avoir démontré les effets

�� � J40 Correspondance.

» à M. Pascal en la tanger - de la quadratrice qu'il trouvoit des plus diffi- » elles, y joignant la démonstration géométrique, comme a fait Archimede » en celle de la spirale, laquelle par ma méthode s'expédie en deux mots. »

Dans sa réponse {ib., p. 2oi-2o3), Fermât n'élève aucun doute sur les assertions de Roberval, qui po ".valent être garanties par le témoignage d'Etienne Pascal.

3° Les lettres de Roberval à Torricelli :

Celle du i" janvier 1646, en partie inédite, contient le passage suivant (Bibl. Nat. lat. 1 1 196, f» 2 v») :

« Sed et rectarum trochoidem quamcumque in assignato puncto tan- » gentium inveniio simplicissima est, ex universali methodo invenienda- » rum tangentium jampridem a nobis excogitata. qua; per motuum com- » positionem procedit quamque publicè privatimque docendo ante decem » annos vulgavimus, additis exemplis ex nobilissimis curvarum, quadra- a ticisscilicet, cissoidis, conchoidum, helicum et multarum aliarum. qua- » rum tangentes apud antiques geometras aut nullae aut viis intricatis- » simis invents reperiuntur, cùm tamen hac methodo statim et ultro sese » offerant. »

On lit plus explicitement encore dans la dernière lettre {Mémoires de PAcadémie Royale des Sciences depuis 1666 jusqu'à i6gg, t. VI, p. 440- 478, et MS. Bibl. Nat. lat. 1 1 196, fol. 3o v») :

« Inventa infiniti doctrinâ (liceat adhuc eo nomine uti in hac epistolâ; » posthac absit), eàque pro tempore satis probe excultâ, ego ad tangentes » curvarum animum applicui. Ac primùm, vi analyseos methodum quam- » dam reperi, quaj etiamsi longé postea universalis deprehensa sit, tamen, » recens inventa, talis non apparuit; quaerebam vero universalem, et par- » ticulares methodos (ut adhuc) ubique dedignabar.At Trochoides nostras » occasionem dederant cur ad motuum compositionem respicerem; oc- » casio satis fuit, ac propositionem universalem tangentium inde deduc- » tam vulgavimus circa annum i636. Eistant adhuc et circumferuntur » hac de re lectiones nostrœ, a nobilissimo du Verdus', nostro disci- » pulo, collecta; atque a multis exscriptae. Itaque jamdudum fide publicâ » nobis asserta est talis docirina; nec alii testes quaerendi, qui omnes ha- » beamus. Circa hase tempora, nempe anno i6?5, mediante amplissimo » Senatore Domino de Carcavy, cœpi per epistolas commercium littera- » rum habere cum amplissimo senatore Tholosano Domino de Fer- » mat, etc. »

Il n'y a aucune raison sérijuse pour révoquer en doute les assertions précises de Roberval dans une lettre écrite vers 1647, et que d'ailleurs il n'envoya pas à Torricelli, mort le 23 août de cette année, mais fit circuler

a. C'est la rédaction, imprimée p. 1-89 du t. VI des anciens Mémoires de l'Académie des Sciences, sous le titre : Observations sur la compasition des mouvements et sur les moyens de trouver les touchantes des lignes courbes.

��

341
CXXXVIII. — 23 Août 1638.


pour maintenir ses droits de priorité sur ce point et sur d'autres vis-à-vis du géomètre italien.

Comment donc expliquer l'erreur de Descartes ?

Peut-être par la maladresse de Mersenne, de même que les malentendus entre Roberval et Torricelli. Ainsi, dans sa lettre en partie inédite du 7 juillet 1646 (MS. Bibl. Nat. lai. 1 1 196, f* 14 v), Torricelli cite à Roberval une phrase que Mersenne lui a écrite :

« Dubitat noster Robervallus an Mechanicè tantùm centra gravitatis » cycloidis et semicycloidis inveneris, qua; Geometricè falsa suspicatur. » Docebis num ipsius rei demonstrationem habeas. »

Sur quoi, il répond très justement :

« Quare ergo, Vir Clarissime, dubitabas et Geometricè falsum suspica- » baris quod ipse sciebas? »

Il est évident que, de même, en 1638, Roberval considérait comme mécanique sa méthode des tangentes; ayant construit par cette méthode la tangente à la cycloïde, il cun/essait ne savoir aucun moyen pour i parvenir géométriquement (voir ci-après lettre CXLVII), et pour cette raison gardait encore secrète cette construction, tandis qu'il faisait moins mystère des applications de sa méthode à d'autres courbes, quadratrice, cissoïde, etc , pour lesquelles il possédait des démonstrations géométriques. Mersenne ne pouvait guère distinguer exactement le point de vue auquel se plaçait Roberval et la signification de son aveu d'ignorance. D'autre part, celui-ci put s'expliquer assez mal, ce qui lui arrivait souvent, dans sa lettre vue par Descartes (p. 33 1, 1. 22).

Fermât, en montrant que sa méthode des tangentes s'appliquait à la cycloïde, surprit complètement Roberval; celui-ci semble avoir été moins frappé de la solution de Descartes, sans doute parce qu'il n'y reconnut pas un procédé général pour la construction des tangentes. Cette solution n'en contient pas moins en germe toute la théorie des centres instantanés de rotation, qui, pour la construction des tangentes, équivaut de fait à la méthode de Roberval.

Page 313, 1. 14. — En ce qui concerne la construction de la largeur maxima dufolium de Descartes, comme aussi celle du quadrilatère satisfaisant aux conditions énoncées plus loin (p. 317, 1. 16-24), Roberval était sans aucun doute arrivé à ramener le problème à une équation à une inconnue, mais d'un degré supérieur au second, et il ne possédait pas de méthode pour reconnaître, dans ces conditions, si le problème était plan (pouvant être résolu avec la règle et le compas), solide (exigeant l'emploi de sections coniques), ou encore plus compliqué. Pour le folium. Descartes va montrer que le problème est plan. Fermat, qui l'a traité dans sa lettre à Mersenne du 22 octobre 1638 [Œuvres de F., t. II, p. 169-171, et p. 174-175), commit une erreur de calcul [ib., p. 171, note 2), et le considéra comme solide.

On doit remarquer (1. 14) l'expression l'vne des feuilles; car, d'après la J42 Correspondance.

règle des signes telle qu'on l'attribue d'ordinaire à Descartes, la courbe x^ -}- j-^ =: nxy n'a qu'une feuille et deux branches infinies (ayant une même droite pour asymptote). Descartes admet, au contraire, ici, d'accord avec Roberval, quatre feuilles symétriques (voir plus loin, p. 3i6, 1. 17, le nom fleur de jasmin], comme s'il comptait toujours positivement l'ab- scisse A G, soit à droite, soit à gauche de l'origine A, et l'ordonnée GF, soit au-dessus, soit au-dessous de Vaissieu (axe) A H.

Page 3i7, 1. 3. — Comme le dira plus loin Descartes dans la même lettre (page 336, 1. 6-10), cette courbe n'est autre que son folium même, rapporté à AK et à la perpendiculaire en A comme axes. Soient, en effet, x' tiy' les nouvelles coordonnées, on a :

X = x' iy~ —jr' i^T, y = x' \y~ -\-y' \/'~.

Posant d'autre part n = 2 a \/~, on aura, pour transformée de l'équa- tion x3 +j'3 = nxy, la suivante :

x 4- 33y,_ = «ATj — ny^,

qui revient à celle que Descartes propose en fait.

Page 320,1. II. — Dans ce qui suit. Descartes répond à une lettre perdue de Fermât à Mersenne, probablement écrite en juillet i638, avant que lu Géomètre de Toulouse eût reçu la lettre de compliments de Descartes (ci- avant CXXXII, du 27 juillet), mais alors qu'il avait déjà connaissance de la lettre CXXVI de Descartes, du 29 juin (voir p. 326, 1. i). Fermât semble avoir repris ses objections sur la Dioptrique (cf. p. 2n3, 1. 9 et l'é- claircissement p. 278), mais avoir surtout discuté la lettre CXXII de Des- cartes à Mersenne, du 3 mai.

Le point le plus important paraît le~ reproche qu'il fait à Descartes de n'avoir pas bien compris sa méthode des tangentes, à lui Fermât, en disant qu'il fallait donner deux noms à la ligne qu'il nomme B (p. 324, 1. 7 8). Et, en effet, dans la lettre du 3 mai, pour appliquer la méthode de Fermât, Descartes exprime l'ordonnée, d'une part, en fonction de l'abscisse et de la différence de celle-ci, de l'autre enfonction de la sous-tangente et de la différence de l'abscisse, puis il égale ces deux expressions.

En langage moderne, soit j' = / (x) l'équation de la courbe, h la diffé- rence de l'abscisse x, u la sous-tangente, Descartes pose :

[u^h)L^=f{x+k). d'où

��Puis, après réductions, il fait h= o, et obtient la valeur de la sous-tan- gente.

L'objection de Fermât est que ce procédé suppose que l'on puisse tirer explicitement^^ en fonction de x, et ne s'applique pas aux équations impli- cites, que sa méthode permet de traiter directement, lorsqu'elles sont en-

�� � 11.456. CXXXIX. — Août i6j8. }4}

tières, comme l'exemple qu'il donnait (voir p. 325, 1. 2), où, par B, il faut entendre l'ordonnée j-. Le fait est que Descartes n'aurait pu appliquer la méthode de Fermât, comme il l'entendait, à la détermination de la tan- gente à son/otium, tandis que Fermât y était arrivé.

La réponse que fait Descartes est que la méthode de Fermât ne s'ap- plique pas aux équations compliquées de radicaux. C'était, en fait, de- mander à Fermât de trouver directement la dérivée d'une expression irra- tionnelle, problème auquel le géomètre de Toulouse ne s'attacha que

plus tard.

Quant aux insinuations que Descartes renouvelle -contre Fermât, on peut se reporter à l'éclaircirsement, p. 279, sur la page 274, 1. 6.

��CXXXIX.

Descartes a [Plempius]. [Août i638?]

Texte de l'édition latine, tome II, lettre 99, p. 325-326.

Sans nom ni date, pas plus que dans Clerselier, tome II, lettre XCIX, p. 456-45-] : « A Monûeur *" ». Mais on voit que la lettre s'adresse à Plempius de Louvain, l'auteur des objections sur la cir- culation du sang; il avait répondu le 20 avril (l. î ci-dessous) à la lettre de Descartes du zS mars i638 (lettre CXVII ci -avant), et Descartes lui écrit la présente probablement au mois d'août, lorsque Plempius n'a pas encore publié son livre De fundamentis Medicinœ fLoMi-a/M, typis Jacobi Zegersii, privilège du 16 juin, ap- probation du 28 août, et dédicace « proprid. Calend. Sept. » i638). — Une difficulté subsiste pour le texte : toutes les autres lettres de Descartes à Plempius (lettres LXXXVII, XCVII, CVII et CXVII) sont en latin; or Clerselier, qui donne un texte français, ne dit pas, comme il le fait d'ordinaire dans ce second volume, que c'est une « version ». C'est sans doute un oubli, et le texte de l'édition latine doit être ici, comme dans les autres cas semblables, l'original; outre qu'il n'a point çà et là les longueurs de l'imprimé français, il con- tient au moins un passage asse^ différent pour donner à le penser.

Equidem diu eft quod nouillimas tuas 20 Aprilis

�� � ^44 Correspondance. ii, 456-457

datas accepi, fed fiue quia nihil continebant, quod feftinationem pofceret, fiue quia alijs negotijs perpe- tuo diftridus fui, nefcio qui fadum efl vt ad te fcri- bere hadenus cundatus fuerim ; fane tamen magnam tibi gratiam debeo quod mihi facias poteftatem infe- 5 rendi obieéliones tuas alijs, quas typis mandate me- ditor. Qjuantum vero ad eas, quae fpeftant circulatio- nem fang^inis, quas velles me omittere, faciam om- nino in hoc prout tibi vifum fuerit ; verum certe illas pluris facio, quam tu, & merito poflum inter validiffi- 10 mas, quas acceperim, reponere; quapropter fi velles, mallem nihil immutari ; nifi fi verba quaedam hîc illic, prout erit in rem, inferantur, quibus profitearis te animi gratia, aut à me rogatum illas proponere, potius| quam quod illas veras exiftimes. Sed fatis fpa- i5 tij habebis ad confilium tuum mihi hac de re fignifi- candum, antequam quicquam excudendum curem; vix enim ante très menfes incipiam. Ex duobus autem iftis obiedionum fafciculis, quos ex Gallia accepe- ram, dum fuperiores meas ad te fcriberem*, grandior, ao quem ex charta & litera praecipuum fore iudicabam, repertus eft nihil continere praeter nugas magna cura congeftas, à quodam, qui dodus & ingeniofus haberi

I mais foit à caufe qu'elles ne aimez mieux que i'obmette (Ib.).

contiennent rien à quoy ie iu- — i5-i6 Mais t'aura/ encore

geaffe qu'il fuft neceffaire que tout loifir d'en apprendre voftre

ie répondiffe fort promptement volonté [Ib., II, 457). (Clers., II, 456). — 8 que vous

a. En se reportant aux indications de la lettre du 3i mars (voir, p. 82 ci-avant) sur les paquets de Mersenne des 12 et 22 mars, on verra que les objections dont Descartes parle ici avec dédain, doivent être celles de Petit (voir p. 86, 96, 97 et 144).

�� � 11,457 CXL. — Août 1658. J45

voluit, nec erat; ita vt indignum eum îudicauerim non modo impreffione, fed etiam refponfione mea; aliae autem iufto voluraini conficiendo non fufficiunt. Rogo te etiam vt gratias meis verbis agas Patri Cier-

5 mans, quod affentiatur impreflioni eorum, quse ad me fcribere dignatus eft^; nomen autem eius edere nequa- quam confilium eft, neque porro fperaui illum id per- miflurum, quandoquidem voluerat vt etiam à me igno- raretur. Sed fi quando tibi commodum erit, volupe

10 effet intelligere quid ille de refponfis meis dixerit, & vtrum ipûfatisfecerint. Quantum ad D. F(romondum)^, fcrupulus adhuc me tenet ne quicquam ex illo cum eius nomine in lucem edam abfque expreffo eius per- miffu; cum enim ne meum quidem in fcriptis meis

i5 infcribam, haud mihi videtur apponendum tam libère alienum, fed tuum in hoc confilium omnino fequar; nam fupponam illud ad voluntatem eius conformari. Vale.

CXL.

Descartes a ***.

[Août t638 ?] Texte de Clerselier, tome II, lettre loo, p. 458-460.

« A Monfieur *** », et sans date dans Clerselier, Mais cette lettre

4-5 le Reuerend Pere Cier- aife (Ib.). — lo-ii et comment mans {Ib.). — 9-10 ie feray bien elles l'auront fatisfait (Ib.).

a. Lettre CXVI, p. 55 ci-avant.

b. Voir lettre LXXXVI, 1. 1, p. 402.

CORRBSPOMOANCE. II. 44

�� � ?4^ Correspondance.

��II, 458.

��est imprimée, comme elle se trouvait sans doute dans les minutes, entre la précédente, à Plempius, d’août i638, et la suivante, à Huy- gens, également d’août i638; nous admettrons donc que c’est là aussi sa place.

Monfieur,

l’ay lu foigneufement le liure que vous auez pris la peine de m’enuoyer, & ie vous en remercie. L’au- theur témoigne eftre homme de bon efprit & de grande dodrine, & auoir outre cela beaucoup de probité & de zèle pour le bien public. Tout ce qu’il dit contre les fciences qui font en vfage, & la façon qu’on tient pour les enfeigner, n’eft que trop vray, & fes plaintes ne font que trop iuftes.

Le deffein qu’il propofe de ramafler dans vn feul lo liure tout ce qu’il y a d’vtile en tous les autres, feroit auffi fort bon, s’il eftoit prattiquable ; mais i’appre- hende qu’il ne le foit pas. Car outre qu’il efl fouuent tres-mal-aifé de bien iuger de ce que les autres ont écrit, & d’en tirer le meilleur, fans rien prendre auec i5 cela de mauuais, les veritez particulières, qui font par cy par là dans les liures, font fi détachées & û. indé- pendantes les vnes des autres, que ie croy qu’il feroit befoin de plus d’efprit & d’induftrie pour les affem- bler en vn cors bien proportionné & bien en ordre, 20 fuiuant le.defir de l’Autheur, que pour compofer vn tel cors de fes propres inuentions. Ce n’eft pas qu’on doiue pour cela négliger celles d’autruy, lors qu’on en rencontre d’vtiles ; mais ie ne croy pas qu’on doiue employer fon principal temps à les recueillir. 25 Enfin, fi quelques-vns eftoient capables de trouuer le fonds des fciences, ils auroient tort d’vfer leur vie à

�� � n, 458.459. CXL. — Août 1658. ^47

en chercher de petites parcelles qui font cachées par cy par là dans les recoins des Bibliothèques ; et ceux qui ne feront propres qu a ce trauail, ne feront pas capables de bien choifir & de bien mettre en ordre 5 ce qu'ils | trouueront. Il eil vray que l'Autheur aflure auoir défia fait ou commencé vn tel Liure, & ie veux bien croire qu'il s'en peut acquitter mieux que per- fonne, mais les échantillons qu'il en fait voir icy ne fuffifent pas pour en donner grande efperance. Car

10 pour les Aphorifmes, page ji &c., ils ne contiennent que des penfées fi générales, qu'il femble auoir beau- coup de chemin à faire, auant que de paruenir aux veritez particulières, qui font feules requifes pour l'vfage. Et outre cela, ie trouue deux chofes en fes

1 5 pretenfions que ie ne fçaurois entièrement approuuer. La première efl qu'il femble vouloir trop ioindre la Religion & les Veritez Reuelées, auec les Sciences qui s'acquièrent par le Raifonnement Naturel. Et l'autre, qu'il imagine vne Science vniuerfelle, dont les

20 ieunes Ecoliers foient capables, & qu'ils puiffent auoir apprife auant l'âge de vingt-quatre ans. En quoy il me femble ne pas remarquer qu'il y a grande diffé- rence entre les Veritez Acquifes & les Reuelées, en ce que, la connoilTance de celles-cy ne dépendant que

25 de la Grâce (laquelle Dieu ne dénie à perfonne, en- core qu'elle ne foit pas efficace en tous), les plus idiots & les plus fimples y peuuent aufîi bien reûffir que les plus fubtils ; au lieu que, fans auoir plus d'ef- prit que le commun, on ne doit pas efperer de rien

3o faire d'extraordinaire touchant les Sciences humaines. Et enfin, bien que nous foyons obligez à prendre garde

�� � 548 Correspondance. ii, 4*9-460.

que nos raifonnemens ne nous perfuadent aucune chofe qui foit contraire à ce que Dieu a voulu que nous cruffions, ie croy neantmoins que c'eft appliquer l'Ecriture fainte à vne fin pour laquelle Dieu ne l'a point donnée, & par confequent en abufer, que d'en 5 vouloir tirer la connoiffance des Veritez qui n'appar- tiennent qu'aux Sciences humaines, & qui ne feruent point à noftre falut. Mais peut-eftre auflî que cet Au- theur n'entend point vfer de (la) Bible en ce fens-là,ny mêler les chofes faintes aux profanes ; et en tout 10 le refte fes intentions paroilTent fi bonnes, qu'encore mefme qu'il manquaft en quelque chofe, il ne laifTe pas d'eftre grandement à eflimer. le vous remercie de l'auis I que vous me donnez des médifances de N. ; elles font fi foibles & û mal trouuées, que ie croy 1$ qu'elles luy font plus de tort, en ce qu'elles décou- urent la maladie de fon efprit, qu'elles n'en fçauroient faire à aucun autre. le fuis,

��CXLI.

Descartes a Huygens. [Août i638.]

Texte de Clerselier, tome II, lettre loi, p. 460-462.

« A Monfieur *** », et sans date dans Clerselier. Mais c'est la réponse à la lettre CXXXIII, du 3o juillet i638, p. 282 ci-avant. Elle est donc adressée à Huygens, et a été sûrement écrite en août i63S. Un passage {p. 35 o, l. 2 2-26) ferait croire qu'elle a été écrite après celle du a3 août {cf. p. 3ip, L ag,àp. 3ao, l. 4).

�� � Monſieur,

le n’ay iamais l’honneur de receuoir de vos lettres, que ie n’y trouue occafion de commencer ma réponfe par des remercimens ; mais i’ay peur de vous ennuyer 5 de ce ftile ; et pour ce que toutes les Mufes de France auront part à la faueur que vous m’auez faite, d’intercéder pour elles enuers celles de Leyde, touchant les Liures Arabes que M. Hardy defire voir’, ie leur veux laiffer le foin des paroles pour vous en rendre grâces,

10 & me contenter de reflentir en effet que c’eft moy qui vous en ay l’obligation.

le trouuerois étrange que M. de Balzac ne vous euft point écrit fur la perte qui vous arriua l’année paffée , s’il auoit fceu qu’elle vous touchafl au point qu’elle

i5 faifoit; mais eftant, comme il eft, fi amateur de la liberté que mefme fes jartieres & fes aiguillettes luy pefent*=, il n’aura pu fans doute fe perfuader qu’il y ait des liens au monde qui foient fi doux, qu’on ne fçau- roit en eftre déliuré fans les regretter. Et ie puis d’ail-

20 leurs répondre qu’il efl des plus conftans en fes amitiez, bien qu’il ne foit pas touûours des plus diligens à le témoigner par fes lettres.

Ie ne ſçaurois vous répondre de ce que i’ay fait tout

a. Voir plus haut pages 285-286, éclaircissement.

b. La mort de Madame de Zuylichem, le 10 mai 1637.

c. Tallemant {Historiettes, édit. P. Paris, IV, 96-97) raconte ceci de Balzac : « Les justaucorps luy ayant semblé commodes, il en avoit de toutes façons, de treillis, de tabis, de bleus et d’incarnats. » Lire ib. une anecdote sur la singularité de son accoutrement à la campagne : « Un jour le mareschal de Clairambauld, conduit chez lui par le chevalier de Meré, le trouva si extravagamment vestu qu’il le prit pour un fou, et ne vouloit pas avancer... » J^o Correspondance. ii. 460-461.

cet Efté, à caufe que ie n'ay prefque rien fait qui mé- rite d'eflre mis en conte. Il y a eu certaines gens qui fe piquent extrêmement de Géométrie, lefquels ne pouuant entendre la mienne, & ayant, ie croy, peur que ceux qui l'entendront | ne leur oftent l'auantage que ce 5 qu'ils fçauent de l'Analife de Viete leur donne fur le commun, ont cherché toutes fortes de moyens pour la decrediter ^er/a.î & ne/as; en forte qu'on m'a rendu le moins de iuflice, en ce où ie penfois qu'il fufl le moins poffible de me la nier. Mais pour ce qu'ils n'ont 10 rien fceu trouuer en particulier à y reprendre, & que fi-tofl qu'ils l'ont entrepris, i'ay pu par vn mot de réponfe faire voir qu'ils n'entendoient rien en ce qu'ils difoient, ils ont trouué vne autre inuention pour m'attaquer, à fçauoir en me propofant des i5 queftions touchant les matières où ils ont crû que ie me ferois le moins exercé, & bien qu'ils n'ayent pas eu de quoy me fort trauailler, cela n'a pas lailfé de me diuertir, en mefme façon que deux ou trois mouches qui volent autour du vifage d'vn homme qui s'eft cou- 20 ché à l'ombre dans vn bois pour s'y repofer, font quelquesfois capables de l'en empefcher. Mais i'ef- pere qu'ils y mettront bien-toft fin, ou s'ils y man- quent, ie l'y mettray ; car ie croy les auoir defia tant de fois defarmez, que ie ne feray pas mal fondé à leur 25 refufer le combat.

Pour la Philofophie de M. Van der Scotten% ie la trouue fort rare, & ne la iuge pas neantmoins im-

b ofte Clers. — 19 diuertir] détourner {Inst.).

a. Voir plus haut p. 284, 1. 14.

�� � Il, 461-46J. CXLI. — Août 1Ô58. 351

poffible. Les eaux fortes communes difloluent les métaux, bien que la cire leur refifle. Mefme elles dif- foluent plus aifément le fer ou Tacier que le plomb ; & le vif argent refoud l'or, Fétain & le plomb, bien 5 qu'il ne fe puifTe prefque pas attacher aux autres mé- taux, & encore moins aux cors qui ne font point métalliques. De quoy les raifons font affez faciles à imaginer, pour ceux qui fçauent que tous les cors font compofez de petites parties diuerfement iointes,

10 & de diuerfes groffeurs & figures. Car tout de mefme que, frappant à coups de ballon fur vn tas de verres ou de pots de terre, on les peut brifer en mille pièces, au lieu que, frappant du mefme bafton fur vft tas de foin ou de laine, on n'y fera aucun changement; &

i5 au contraire, auec des cifeaux ou des couteaux, qui ne fçauroient mordre fur le verre ny fur cette terre, I on peut aifément coupper cette laine ; il n'efl pas difficile d'imaginer quelque cors, dont les parties foient telles, & tellement mues, qu'elles puiflent agir

20 contre celles de l'or, plutofl que contre celles des autres cors. Mais ie trouue étrange qu'vne mefme matière férue à diffoudre de l'or & des diamans; et puis qu'il vous en offre Tépreuue, ie croy que, fans faire la dépenfe d'vn fin diamant, s'il peut feulement

25 diffoudre vne pièce de gros verre de vitre, ce fera beaucoup. le dis de gros verre, à caufe qu'il y a quel- quesfois tant de falicos dans le criflalin, que la feule humidité de l'air le peut fondre. Et quoy que s'en foit, s'il efl vray, comme ie n'en doute point, puis que vous

3o l'affurez, qu'il a coupé en vn quart-d'heure vne barre de fin acier affez groffe, le fecret qu'il a pour cela eft

�� � j ^ 2 Correspondance. i, 347.

fort rare, & vaut bien la peine que vous tâchiez d'en auoir la communication. le fuis,

��CXLII.

Descartes a Mersenne. 12 septembre i638.

Autographe, Bibliothèque de l'Institut.

Variantes de Clerselier, tome I, lettre LXXIV, p. 34^-354, qui donne comme titre : Lettre de M. Descartes au Reuerend Père Mer- senne, du 12 Septembre i638, pour démonstration du principe suposé cy-dessus (c'est-à-dire dans la lettre CXXIX ci-avant, p. 228). — L'auto^aphe était le n" ij de la collection La Hire, {11) du classement de dom Poirier.

Mon Reuerend Père,

le penfois différer encore 8 ou i ^ iours a vous efcrire, afïin de ne vous importuner pas trop fouuant 5 de mes lettres : mais ie vien de receuoir voflre der- nière du I" fept., laquelle m'apprent qu'on fait dif- ficulté d'admettre le principe que i'ay fuppofé en mon examen de la queflion Geoflatique ; & pourceque, s'il n'efloit pas vray, tout le refle que i'en ay déduit le 10 feroit encore moins, ie ne veux pas attendre vn feul iour a vous en enuoyer vne plus particulière expli- cation.

Il faut fur tout confiderer que i'ay parlé de la force qui fert pour leuer vn poids a quelque hauteur, la- i5

4 : 8 ou 1 5] huit ou quinze. — 7 : i" fept.] premier Septembre.

�� � 1,347-348. CXLII. — 12 Septembre 1638.' 55 J

quelle force a toujiours deux dimenjions, & non de celle qui fert en chafque point pour le foutenir, laquelle n'a iamais qu'vne dimenfion, en forte que ces deux forces différent autant l'vne de l'autre qu'vne fuperficie diffère 5 d'vne ligne. Carlamefme force que doit auoir vn clou, pour foutenir vn poids de 100 liures vn moment de tems, luy fuffit auffy pour le foutenir vn an durant, pouruû qu'elle ne diminue point. Mais la me/me quan- tité de cete force qui fert a leuer ce poids a la hauteur

lo d'vn pied ne fuffit pas eadem numéro jjoi/r le leuer a la hauteur de deux pieds ^ & il n'efpas plus clair que deux & \deuxfont quatre, qu'il efl clair qu'il y en faut employer le double. Or pource que ce n'eft rien que cela mefme que i'ay fuppofé pour vn principe, ie ne fçaurois de-

1 3 uiner fur quoy eft fondée la difficulté qu'on fait de le receuoir. Mais ie parleray icy de toutes celles que ie foupçonne, lefquelles ne vienent pour laplufpart que de ce qu'on eft défia trop fçauant aux Mechaniques, c'eft a dire, de ce qu'on eft préoccupé des principes

20 que prenent les autres touchant ces matières, lefquels, n'eftant pas du tout vrais, trompent d'autant plus qu'ils femblent plus l'eftre.

La première chofe dont on peut en cecy eftre préoc- cupé, eft que plufieurs ont couftume de confondre la

25 confideration de l'efpace auec celle du tems ou de la viteffe, en forte que, par exemple, au leuier, ou, ce qui eft le mefme, en la balance A B C D, ayant fuppofé que le bras A B eft double de B C, & que le poids en C eft double du poids en A, & ainfy qu'ils font en equi-

3o libre, au lieu de dire que ce qui efl caufe de cet équilibre

6 liures] liu. — 1 2^ omis. — 27 A B C D] B C D A.

Correspondance. II. 45

�� � �)54 Correspondance. 1,348-349.

eft que, Ji le poids Cfouleuoit ou bien ejîoit fouleué par le poids A, il ne pajjeroit que par la moitié d'autant d'ef-

pace que luy, ils difent qu'il iroit de la moitié plus len- tement, ce qui eft vne faute 5 d'autant plus nuifible qu'elle eft plus malayfée a recon- noiftre ; car ce n'eft point la différence de la vitefle qui fait que ces poids doiuent 10 eftre l'vn double de l'autre, jnais la différence de lefpace^ comme il paroift de ce que, pour leuer, par exemple, le poids F avec la main iufques à G, il n'y faut point employer vne force qui foit iuftement double de i5 celle qu'on y aura employée le premier coup^, fi on le veut leuer deux fois plus vifte ; mais il y en faut em- ployer vne qui foit plus ou moins grande que la dou- ble, I félon la diuerfe proportion que peut auoir cete viteffe auec les caufes qui luy refiftent ; au lieu qu'il 20 faut vne force qui foit iufement double pour le leuer auec mefme viteffe deux fois plus haut, ^fç<^- uoir iufques a H. le dis qui foit iufletnent double, G en contant qu'vn & vn font iujlement deux : car il faut employer certaine quantité de cete force pour 2 5 X. leuer ce poids d' F iufques a G, & derechef encore autant de la mefme force pour le leuer de G iufques a H. Que û i'auois voulu ioindre la confideration de la viteffe auec celle de l'efpace, il m'euft efté necef- faire d'attribuer trois dimenfions a la force, au lieu 3o 8 pointj pas. — 26 d'F] de F.

�� � I, 349-

��CXLII. — 12 Septembre 1638.

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que ie luy en ay attribué feulement deux, affin de l'exclure. Et fi i'ay tefmoigné tant foit peu d'adreffe en quelque partie de ce petit efcrit de ftatique^, ie veux bien qu'on fçache que c'efl; plus en cela feul qu'en tout le refte. Car il eft impôffible de rien dire de bon Si. de folide touchant la vitefTe, fans auoir expliqué au vray ce que c'eft que la pefanteur, & enfemble tout le fyfteme du monde. Or a caufe que ie ne le voulois pas entreprendre, i'ay trouué moyen d'omettre cete con- fideration, & d'en feparer tellement les autres que ie les peufle expliquer fans elle. Car encore qu'il n'y ait aucun mouuement qui n'ait quelque vitelTe, toutefois il n'y a que les augmentations ou diminutions de cete vitefiTe qui font confiderables, & lorfque, parlant du mouuement d'vn cors, on fuppofe qu'il fe fait félon la viteiTe qui luy efl la plus naturelle, c'eft le mefme que fi on ne la confideroit point du tout. L'autre raifon qui peut auoir empefché qu'on n'ait bien entendu mon principe, eft qu'on a creu pouuoir demonftrer fans luy quelques vnes des chofes que ie ne demonftre que par luy. Comme, par exemple, touchant la poulie ABC, on a penfé que c'eftoit afîez de fçauoir que le clou en A fouftient la moitié du poids B, pour conclure de la que la main en C n'a befoin que de la moitié d'autant de force pour foutenir ou fouleuer ce poids ainfy appliqué a

a. « Par cet écrit il entend la lettre précédente » (note de l'exemplaire de l'Institut), c'est-à-dire la lettre CXXIX ci-avant, p. 222.

��� � j ç6 Correspondance. i, 349-350.

cete I poulie, qu'il luy en faudroit pour le foutenir ou fouleuer fans elle. Mais encore que cela explique fort bien comment fe fait l'application de la force en C avn poids double de celuy qu'elle [ne] pourroit leuer fans poulie, & que ie m'en fois moy mefme feruy, ie nie 5 pourtant que ce foit Amplement a caufe que le clou A foutient vne partie du poids B, que la force en C, qui le fouleue, peut eftre moindre que s'il n'eftoit point ainfy foutenu : car fi cela eftoit vray, la chorde C E eftant pafTée autour de la poulie D, la force en E pourroit 10 tout de mefme eftre moindre que la force en C, a caufe que le clou A ne foutient pas moins ce poids qu'aupa- rauant, & qu'il y a encore vn autre clou qui le foutient, a fçauoir celuy auquel la poulie D eft attachée. Ainfy

donc, pour ne point faillir, de ce que le i5 clou A foutient la moitié du poids B, on ne doit conclure autre chofe fmon que, par cete application, l'vne des dimenfions de la force qui doit eftre en C, pour leuer ce poids, diminue de moitié, & que l'autre ao en fuite deuient double. De façon que, fi la ligne F G reprefente la force qu'il fau- droit pour foutenir en vn point le poids B, fans l'ayde d'aucune machine, & le rec- tangle G H, celle qu'il faudroit pour le leuer î5 a la hauteur d'vn pied, le foutien du clou A diminue de moitié la dimenfion qui eft reprefentée par la ligne F G, & le redoublement de la chorde ABC fait doubler l'autre dimenfion, qui

4 ne omis {ajouté d'ailleurs d'une autre main dans l'autog.). — 5 feruy moi-mefme.

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�� � 1,350-351. CXLII. — 12 Septembre i6j8. j^j

eft reprefentée par la ligne FH; & ainfy la force qui doit eftre en C, pour leuer le poids B a la hauteur d'vn pied, eft reprefentée par le redangle IK. Et comme on fçait | en Géométrie qu'vne ligne, eftant adiouftée

5 ou oftée d'vne fuperficie, ne l'augmente ny ne la di- minue de rien du tout, ainfy doit on icy remarquer que la force dont le clou A foutient le poids B, n'ayant qu'vne feule dimenfion, ne peut faire que la force en C, confiderée félon fes deux dimenfions, doiue eftre

lo moindre pour leuer ainfy le poids B que pour le leuer fans poulie.

La troifiefme raifon qui aura pu faire imaginer de Tobfcurité en mon principe, eft qu'on n'a peut eftre pas pris garde a tous les mots par lefquels ie l'explique ; car

i5 ie ne dis pas fimplement que la force qui peut leuer vn poids de 5o hures a la hauteur de 4 pieds, en peut leuer vn de 200 Hures a la hauteur d'vn pied, mais ie dis quelle le peut, fi tant ejî qu'elle luy foit appliquée^. Or eft-il qu'il eft impoffible de l'y appliquer que par le moyen

10 de quelque machine ou autre inuention qui face que ce poids ne fe hauffe que d'vn pied, pendant que cete force agira en toute la longueur de quatre pieds, & ainfy qui transforme le redangle par lequel eft repre- fentée la force qu'il faut pour leuer ce poids de 200 li-

2 5 ures a la hauteur d'vn pied, en vn autre qui foit égal & femblable a celuy qui reprefente la force qu'il faut pour leuer vn poids de Reliures a la hauteur de 4 pieds.

12 troifiefme] 3. — 21 ay. — 24 : 200] 400 (erreur com- cete] toute aj. — 22 quatre] 4. mune à l'autographe).

a. Voir ci-avant p. 238,1. 17-21.

�� � }^S Correspondance. 1,351-353.

Enfin, peuteftre qu'on a eu moins bonne opinion de ce principe a caufe qu'on s'efl imaginé que i'auois apporté les exemples de la poulie, du plan incliné & du leuier, affin d'en mieux perfuader la vérité, comme fi elle euft elle douteufe, ou bien que i'eulTe fi mal rai- 5 fonné que de vouloir prouuer vn principe, qui doit de foy eftre fi clair qu'il n'ait befoin d'aucune preuue, par des chofes qui font fi difficiles qu'elles n'auoient peutefl;re iamais cy deuant efté bien demonfirees par perfonne. Mais aufij ne m'en fuis ie ferui que pour 10 faire voir que ce principe s'eflend a toutes les ma- tières dont on traite en la ftatique, ou plutofl i'ay vfé de ce I prétexte pour les inférer en mon efcrit, a caufe qu'il m'euft femblé eftre trop fec & trop fterile, fi ie n'y eufi^e parlé d'autre chofe que de cete queftion de i5 nul vfage que ie m'eftois propofé d'examiner.

Or on peut afiTez voir de ce qui a défia icy efté dit, comment les forces du leuier & de la poulie fe demon- ftrent par mon principe, fi bien qu'il ne refte plus que le plan incliné, duquel on verra clairement la démon- 20 ftration par cete figure, en laquelle FG^ reprefente la première dimenfion de la force qui defcrit le redangle F H, pendant qu'elle tire le poids D furie plan BA, par le moyen d'vne chorde parallèle a ce plan & paf- fée autour de la poulie E ; en forte que G H, qui eft la 25 hauteur de ce redangle, eft égale a la ligne BA, le long de laquelle fe doit mouuoir le poids D, pendant qu'il monte a la hauteur de la ligne C A. Et N O repre-

a. La figure, au bas de la marge de la troisième page de l'autographe, comprend les deux tracés LMNPO et ACBDEFHG. Ces deux tracés sont répétés au haut de la marge de la quatrième page, avec adjonction, sur le second, des lignes A R et BR, comme sur la figure annexe p. 359.

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��1,351-353. CXLII. — 12 Septembre 16^8. ^59

fente la première dimenûon d'vne autre femblable force, qui defcrit le redangle N P, pendant qu'elle fait monter le poids L iufques a M- Et ie fuppofe que la ligne L M eft égale a B A, & double de C A ; & que N O 5 eft égale aFG, &OP aGH. Apres cela, ie confidere que, lorfque le poids D fe meut de B vers A, on peut imaginer que fon mou- uement ell compofé de deux autres, dont l'vn

10 le porte de BR vers C A, pour lequel il ne faut aucune force, ainfy que fuppofent tous ceux qui traitent des Mechani-

i5 ques,& l'autre le hauffe de BC vers RA, pour lequel feul il faut de la force, en forte qu'il n'en faut ne plus ne moins , pour le mouuoir fui-

20 uant le plan incliné B A, que pour le mouuoir fui- uant la perpendiculaire CA. Car ie fuppofe que les inegalitez &c. du plan n'empefchent point, ainfy qu'on a couflume de faire en traitant de telle matière. Ainfy donc toute la force F H n'eft employée qu'a

2 5 leuer le poids D a la hauteur de la ligne C A ; & pour- |ce qu'elle eft entièrement égale a la force N P, qui eft requife pour leuer le poids L a la hauteur de la ligne LM qui eft double de CA, ie conclus par mon prin- cipe que le poids D eft double du poids L. Car puif-

3o qu'on doit employer autant de force pour l'vn que 4 L M] ML. — av. double] & omis.

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��� � }6o Correspondance. i, 353.

pour l'autre, il y a autant a leuer en l'vn qu'en l'autre, & il ne faut que fçauoir conter iufques a deux pour connoiftre que c'efl: autant de leuer 200 liures depuis C iufques a A que d'en leuer cent depuis L iufques a M, puifque L M eft double de C A, &c. 5

Vous me mandez auffy que ie deuois plus particu- lièrement expliquer la nature de la fpirale qui repre- fente le plan également incliné ; & la façon dont fe plie vne chorde lorfqu'ayant efté toute droite & paral- lèle a l'Horizon, elle defcend librement vers le centre lo de la terre; & la grandeur de la petite fphere en laquelle fe trouue le centre de granité d'vne autre plus grande fphere. Mais, pour cete fpi- rale, elle a plufieurs proprietez qui la ren- dent affez reconnoiflable. Car fi A eft le i5 centre de la terre & que ANBCD foit la fpirale, ayant tiré les lignes droites AB, A C, AD, & femblables, il y a mefme pro- portion entre la courbe A N B & la droite

AB, qu'entre la courbe ANBC & la droite 20

AC, ou ANBCD & AD, & ainfy des au- tres. Et û on tire les tangentes DE, CF, GB

&c. , les angles A D E, A C F, A B G &c. , feront egaux^ Pour la façon dont fe plie vne corde en tombant, ie l'ay, ce me femble, affez déterminée par ce que i'en ,5 ay efcrit**, auffy bien que le centre de grauité d'vne

4 en leuer centjenleuer 100 liures. — 5 L M] M L.— 25 déterminé.

a. On voit qu'il s'agit de la spirale logarithmique. Il est très remar- quable que Descartes connaisse la proportionnalité de l'arc de cette courbe à son rayon.

b. c Dans la lettre précédente ez articles il est vray et au reste il est

��� � 1,353. CXLII. — 12 Septembre i6j8. j6i

fphere. Il eft vray que i'en ay omis la preuue ; mais ie vous diray que ce n'eft pas mon ftile de m'arefter a de petites demonftrations de Géométrie, qui peu- uent ayfement eftre trouuées par d'autres & que 5 ceux qui me connoiftront ne fçauroient iuger que i'ignore.

le trouue " plufieurs autres points dans vos lettres aufquels ie doy refpondre, mais il eft fort tard, & ie m'aflure que vous voulez bien que i'aye vn peu de foin

lo de moy mefme. le fuis enuironné de fieures de tous coftez ; tout le monde en eft malade en ces quartiers, & il n'y a que moy feul en ce logis qui en ait efté exempt iufques a prefent. M"^ Bannius en a bien eu fa part a Harlem, mais i'apprens qu'il fe porte mieux ; il

i5 y a fort long temps qu'il m'auoit dit qu'il vous efcri- roit, peuteftre que fon mal l'en a empefché. le refpon- dray au refte de vos lettres lorfque i'auray eu nouuelles de mes précédentes, ou ie vous enuoyois la folution de toutes les queftions qu'vn de vos Géomètres auoit

ïo confefle ne fçauoir pas**. Mais n'attendez plus rien de moy, s'il vous plaift, en Géométrie ; car vous fçauez qu'il y a long tems que ie protefte de ne m'y vouloir

6 i'ignore] Tout ce qui suit manque jusqu'à la fin.

a remarquer » (Exemplaire de l'Institut), c'est-à-dire lettre CXXIX ci- avant, p. 239, 1. 17, et p. 244, 1. 19.

a. Toute cette fin, qui manque dans Clerselier, se trouve (sauf les lignes 4-6 de la page 362) dans l'exemplaire de l'Institut, copiée sur une feuille de papier, et conforme à l'original, à part quelques rajeunissements d'or- tographe. — A la place de cette fin, Clerselier a imprimé la remarque : Il faut fe rejjfouuenir icy de ce que Monfieur Def cartes a defiré qui fut rayé. (Voir p. 245 ci-avant, 1. i3-25, et note a.)

b. Voir plus haut lettre CXXXVIII.p. 3o7-3o8.

CoRKtSPONDANCE. II. 4^

�� � j62 Correspondance. î, a34.

plus exercer, et ie penfe pouuoir honneftement y mettre fin. le fuis,

Mon Reuerend Père,

Voftre très humble & très obligé feruiteur, 5

DESCARTES.

du 12 fept. 1638.

CXLIII.

Descartes a Morin.

[12 septembre i638.] Texte de Clerselier, tome I, lettre 62, p. 234-243.

« Response de Monsieur Descartes à la réplique de M. Morin », ajoute Clerselier. Cette réplique est la lettre C XXXV ci-avant, du 12 août i638. Descartes ne l'avait pas encore reçue le 23 août [voir page 335 ci-avant, l. 8-10), et le i5novembre(Clers.,II,4i6)il avait reçu une nouvelle réplique à cette réponse, à savoir la lettre CXL VIII ci-après. Or comme on n'a de lui que deux lettres à Mersenne entre le 23 août et le iS novembre, celles du 12 septembre et du 1 1 octobre, sa réponse à Morin accompagnait sans doute l'une des deux, et plutôt la première; car nous savons ce qu'il a envoyé en même temps que la seconde iClers., II, 406-40J), et cette réponse n'en était pas. — On trouve au vol. II des Lettres à Mersenne {Bibl. nat., MS.fr. n. a. 62 oS), une copie sans titre, mais complète de cette lettre, insérée à deux endroits différents {p. go8-gog et pi^-prS); le texte est le même que dans l'imprimé, sauf deux particularités cu- rieuses : fonde, au lieu de fronde, un horologe, au lieu d'une horloge, et quelques variantes, que nous donnons.

Monfieur, Vos intentions paroiflent fi iuftes, & voftre cour-

�� � I, ïj4-a35. CXLIII. — 12 Septembre i6j8. j6j

toiiie fi grande, que ie penfe eftre obligé de faire mon mieux pour fatisfaire à tout ce qu'il vous a plû dere- chef me propofer.

4. Vous commencez par le quatrième article de 5 mes réponfes, où ie ne nie pas que le mot d'aéîion ne

fe prenne pour le mouuement; mais ie dis que fa fi- gnification eft plus générale, & qu'il fe prend auffi pour l'inclination à fe mouuoir. Car, par exemple, fi deux aueugles tenans vn mefme bafton le pouffent fi

10 également, l'vn à l'encontre de l'autre, que ce bafton ne fe meuue point du tout, & auffi-toft après qu'ils le tirent fi également qu'ils ne le remuent non plus qu'auparauant; et ainfi que, l'vn faifant diuers efforts, l'autre en faffe en mefme temps de contraires, qui

1 5 leur foient fi iuftement égaux que le bafton demeure toufiours immobile; il eft certain que chacun de ces aueugles, par cela feul que ce bafton eft fans mouue- ment, peut fentir que l'autre aueugle le pouffe ou le tire|auec pareille force que luy; et ce qu'il fent ainfi

20 en ce bafton, à fçauoir fa priuation de mouuement en tels & tels diuers cas, fe peut nommer les diuerfes adions qui font imprimées en luy par les diuers ef- forts de Tautre aueugle. Car lors que ce dernier le tire, il ne fait pas fentir au premier la mefme aftion

25 que lors qu'il le pouffe, &c.

5 . Encore que le mot de comme puft eftre pris en quelque autre fens, on ne doit pas, ce me femble, me refufer de l'entendre au fens que i'ay expliqué, car il eft entièrement félon Tvfage.

3o 6. Le mobile dans les corps lumineux eft leur propre matière; le moteur eft le mefme qui meut tous les

�� � j6^ Correspondance. i, 135-236.

cieux ; le mouuement eft l'adion par laquelle les par- ties de cette matière changent de place : mais pour la forme" acquife par luy, fi ce n'eft que vous nommiez ainfi ce changement de place, elle eft vn eftre philofo- phique qui m'eft inconnu. 5

7. Vn corps en peut bien pouffer vn autre en ligne droite, fans fe mouuoir pour cela en ligne droite ; comme on voit qu'vne pierre qui tourne en rond dans vne fronde, pouffe le milieu de cette fronde, & par mefme moyen tire la corde fuiuant des lignes droites, 10 qui tendent de tous coftez du centre de fon mouue- ment vers fa circonférence. Or afin que ie me déclare icy vn peu dauantage que ie n'ay cy-deuant voulu faire, ie vous diray que, pour la Lumière du Soleil, ie ne conçoy autre chofe finon qu'il eft compofé d'vne 1 5 matière tres-flùide, laquelle tourne continuellement en rond autour de fon centre auec vne très-grande viteffe, au moyen de quoy elle preffe de tous coftez la matière dont le Ciel eft compofé, laquelle n'eft autre chofe que cette matière fubtile qui s'eftend fans inter- 20 ruption depuis les aftres iufques à nos yeux, & ainfi par fon entremife nous fait fentir cette preffion du Soleil, qui s'appelle Lumière : ce qui doit, ce me femble, faire ceffer la plufpart des difBcultez que vous propofez. le fçay bien que vous en pouuez tirer dere- 25 chef plufieurs autres de cecy, | mais i'aurois auffi plu- fieurs réponfes à y faire, qui font déjà toutes preftes,

9 fronde] fonde (les deux fois).

a. Dans le texte de la lettre de Morin, plus haut, p. 291, 1. 23, on lit force.

�� � 1,936. CXLIII. — 12 Septembre i6j8. 565

& nous n'aurions iamais acheué, fi ie n'expliquois toute ma Phyfique.

8, 9 & 10. le n'ay befoin, pour prouuer l'exiftence de cette matière, que de faire confiderer qu'il y a des 5 pores en tous les cors fenfibles, ou du moins en plu- fieurs, comme on voit à l'œil dans le bois, dans le cuir, dans le papier, &c.; et que ces pores eftant fi eftroits que l'air ne les peut pénétrer, ils ne doiuent pas pour cela eftre vuides; d'où il fuit qu'ils doiuent eftre rem-

10 plis d'vne matière plus fubtile que n'eft celle dont ces cors font compofez, à fçauoir de celle dont ie parle. Et pour les diuers mouuemens de cette matière fub- tile,. ils fe demonftrent aflez par ceux des cors dans les pores defquels elle pafle; car eftant tres-fluide

i5 comme elle eft, il faudroitdes miracles pour empef- cher qu'elle ne fe mûft en toutes les diuerfes façons qu'elle peut eftre pouflee par eux.

II. Vous pourriez ainfi objeder à ceux qui difent que le fon n'eft autre chofe hors de nous qu'vn cer-

20 tain tremblement d'air qui frape nos aureilles, que ce fentiment du fon eft donc premier que les cors fon- nants, & qu'il n'y auroic point de tels cors au monde, s'il n'y auoit point d'animal pour ouïr les fons, &c. Et il me fuffit de répondre que les cors lumineux ont en

î5 eux tout ce pour quoy on les nomme lumineux, c'eft à dire tout ce qu'ils doiuent auoir pour nous faire fentir la Lumière, auant qu'ils nous lafaflent fentir; et qu'ils ne lairroient pas d'auoir en eux la mefme chofe, en- core qu'il n'y euft point d'animal au monde qui euft

3o des yeux.

3 befoin] refolu.

�� � j66 Correspondance. 1,136-237.

12. Le mouuement, ou plutoft rinclination à fe mouuoir en ligne droite, que i'attribûe à la matière fubtile, fe prouue affez par cela feul que les rayons de la Lumière s'étendent en ligne droite. Et ie démontre fon mouuement circulaire en la page 2^7 auec les 5 fuiuantes. Et enfin les autres fuiuent tous de cela feul quelle eft tres-fluide.

1 1 ^ . Il me femble que mon texte monftre bien clai- rement qu'en la page 2^8, par les boules que i'y fais entrer dans l'eau, & élire détournées par la refiftance 10 de cette eau fuiuant l'ordre des chifres i, 2, 3,4, i'entens parler de boules qui font de quelque matière fenfible, & non point des petites parties de la matière fubtile. Car en ce mefme lieu, page 2^8, ie les fais tourner tout au rebours, en difant que, lors que les i5 boules Q_& R vont plus vifle que les autres, cela ex- plique l'adion du rayon D F, &c. Et i'ay dû me feruir de ces boules fenfibles, pour expliquer leur tournoye- ment, plutoft que des parties de la matière fubtile qui font infenfibles , afin de foumettre mes raifons à 20 l'examen des fens, ainfi que ie tafche toufiours de faire.

le passe icy aux articles du fécond ordre.

I & 2. le puis bien auoir donné diuerfes defcrip- tions ou explications de la Lumière qui foient vrayes, fans en auoir donné pour cela aucune exacte défini- 23 tion au fens de l'Ecole, per genus & differenîiam, qui eft ce que ie dis n'auoir point eu deffein de faire, afin d'éuiter par ce moyen les difficultez fuperflùes qui en pouuoient naiftre, aufquelles font fort femblables celles qui fuiuent. Car de dire que, y? lux n'ejl autre 3o

23 puis] peux.

�� � I, a37-338. CXLIII. — 12 Septembre 1638. 567

chofe que l'aéîion du Soleil, il n'a donc point de Lumière de fa nature; et que la Lumière ejl vn ejlre plus aéluel & plus abfolu que le mouuement ; et quV/ n'y a que Dieu feul qui agijfe par fon ejfence &c. *, c'eft former des difi- 5 cultez en paroles, où il n'y en a point du tout en efifet. Non plus que li ie difois qu'vne horloge à roues ne monftre les heures que par le mouuement de fon ai- guille, & que fa qualité de monftrer les heures n'eft point vn eftre plus aduel & plus abfolu que fon mou-

10 uement, & que ce mouuement eft en elle de fa nature & de fon effence, à caufe qu elle ceiTeroit d'eftre hor- loge fi elle ne Tauoit point, &c. le fçay bien que vous direz que la forme de cette horloge n'eft qu'artifi- cielle, au lieu que celle du Soleil eft naturelle & fub-

j5 ftantielle; mais ie répons que cette diftindion ne re- garde que la caufe de ces formes, &| non point du tout leur nature, ou du moins que cette forme fubftan- tielle du Soleil, en tant qu'elle diffère des qualitez qui fe trouuent en fa matière, eft derechef vn eftre philo-

20 fophique qui m'eft inconnu.

j . Il eft vray que les comparaifons dont on a cou- tume d'vfer dans l'Ecole, expliquant les chofes intel- leâuelles par les corporelles, les fubftances par les accidens, ou du moins vne qualité par vne autre d'vne

25 autre efpece, ninftruifent que fort peu; mais pource qu'en celles dont ie me fers, ie ne compare que des

I point] pas. — 3pIusabfolu] qu'il. — i i-r 2 horloge] horologe,

abfolu. — 6 vne horloge] un — 12 fi elle] s'il. — i3 cette hor-

horologe. — 9 plus abfolu] ab- loge] cet horologe, folu. — I o elle] luy . — 1 1 qu'elle]

a. Voir plus haut, p. 295,1. 14-16; p. 296, 1. 9-1 1, et 1. 14-15.

�� � 368 Correspondance. i, ass-as^.

mouuemens à d'autres mouuemens, ou des figures à d'autres figures &c., c'eft à dire, que des chofes qui à caufe de leur petitefle ne peuuent tomber fous nos fens à d'autres qui y tombent, & qui d'ailleurs ne dif- férent pas dauantage d'elles qu'vn grand cercle diffère 5 d'vn petit cercle, ie pretens qu'elles font le moyen le plus proprç, pour expliquer la vérité des queftions Phyfiques, que l'efprit humain puifTe auoir; iufques- là que, lors qu'on affure quelque chofe touchant la nature, qui ne peut eftre expliquée par aucune telle 10 comparaifon, ie penfe fçauoir par demonftration qu'elle eft fauffe. Et pour la comparaifon d'vn tuyau recourbé que i'ay mife icy, ie pretens qu'elle monftre tres-clairement qu'vne puiffance fort petite eft fuffi- fante pour mouuoir vne fort grande quantité d'vne i5

matière qui eft tres-fluide : car la pefanteur de l'eau con- tenue en ce tuyau ne fert point du tout pour la mou- uoir, vu qu'elle ne pefe point 20 dauantage d'vn cofté que d'autre. Et afin qu'on n'en puiffe douter, faifons que ce tuyau ABC foit courbé en rond tout autour de la terre 25 D , en forte qu'aucune de fes parties ne foit plus haut que l'autre, excepté feulement vn peu aux deux bouts, en au|tant d'efpace qu'il en faut pour contenir tant foit peu d'eau; car lors, en verfant vne feule goûte en l'vn de ces bouts, cela fuffira pour 3o

10 expliqué. — i5 après mouuoir] vne om. — 27 haute.

��� � 1,3 39. CXLIII. — 12 Septembre 1638. j6ç

mouuoir toute celle qui eft dans ce tuyau, nonobftant qu'elle ne foit d'ailleurs pas plus encline à fe remuer d'vn coflé que d'autre, & qu'elle foit en auffi grande quantité qu'efl la matière fubtile que meut vne étin- 5 celle. Au refte, le nager des poiffons, & le vol des oyfeaux, ne prouue point qu'aucune matière ait de foy refiftance au mouuement local, mais feulement que les parties de l'eau & de l'air fe tiennent en quelque façon les vues aux autres, & ne peuuent eflre feparées

10 fort promptement fans vne force allez notable.

4 & 5. Il importe fort peu de penfer que l'air foit tranfparent par fa nature ou par accident ; et à ce propos ie vous diray qu'vne perfonne digne de foy m'a dit auoir vu de l'air tellement prefTé & condenfé

i5 dans vn tuyau de verre, qu'il y eftoit deuenu opaque. Pour la matière fubtile, quand ie dis que le mot de tranfparent s'attribue à elle, en tant qu'elle efl dans les pores de l'air &; des autres tels cors, ie ne dis pas pour cela qu'il ne fe peut attribuer auffi à elle, lors

20 qu'elle eft toute pure : car au contraire il efl tres- euident qu'elle doit eftre d'autant plus tranfparente, qu'elle efl plus pure. Et il me femble que vous argu- mentez icy tout de mefme que, fi de ce que i'aurois dit, que le Roy a de grans reuenus en tant qu'il efl Duc de

25 Bretagne, vous en tiriez cette confequence que, s'il n'efloit point Duc de Bretagne, il n'auroit donc aucun reuenu. Puis à caufe que vous dites que ie n'ay peut- eflre point attribué de fphere particulière à cette ma- tière fubtile, de peur qu'elle ne nous empefchaft la

3o Lumière, ie vous demande fi, après auoir dit qu'elle

19 peut] peuft. — 25 et 26 Bretaigne.

Correspondance. II. 47

�� � 370

��Correspondance.

��1, 339-340.

���s'étend fans interruption depuis les aftres iufques à nous, il ell poffible de luy attribuer quelque autre lieu où cela fuft à craindre, encore mefme qu'elle fuft vn cors opaque.

6. l'ay aiïez expliqué, dés le commencement de la Dioptrique, page 6, comment vn cors fluide peut tranf- mettre|vne adion en vn inllant, auffi bien qu'vn cors dur comme vn bafton. Et pour voftre inftance des boules qui ne font pas contiguës, ie vous diray qu'il fufl[it qu'elles fe touchent par l'entremife SY 3 Y ^ de quelques autres, comme en voftre figure celles qui font marquées 4 & 2 s'entretouchent par l'entremife de celle qui eft mar- quée I & de fa compagne. Et afin que vous ne doutiez pas que cela ne fuffife pour tranf- mettre vne adion, & mefme pour la tranfmettre en ligne droite, voyez ces boules enfermées dans vn tuyau où, preffant la première marquée i , on prefTe par mefme moyen les fui- uantes 2 &j, par l'entremife des col- latérales 4, 5 & 6, 7 ; et mefme l'ac- tion dont on les preffe s'étend en ligne droite du point i vers le point 8, nonobftant que ces boules ne foient pas arangées en ligne droite. Or lors qu'elles ne font point ainfi contiguës en quelque cors, il ne peut eftre tranfpa- rent ; & par cela feul vous pouuez entendre pourquoy 3 fuft] feroit. — 20 marquée MS., marque Clers.

���10

��i5

��20

��25

��3o

�� � 1, 240-341 • CXLIII. — 12 Septembre i6j8. 371

il y en a plufieurs qui font opaques. Au refte, ces boules ainfi contiguës ne tranfmettent la Lumière qu'en lignes droites, ou équiualentes aux droites, ce qui eft caufe qu'on ne peut voir le Soleil en plaine nuit. 5 7. Icy vous dites que i'auance beaucoup de nou- uelles difficultez; mais pource que vous n'en deiignez aucune en particulier, vous ne donnez point occafion d'y fatisfaire.

8. Si ie n'ay pas icy affez répondu à voftré difficulté,

10 en difant que ce font les feules impuretez du verre, qui empefchent qu'il ne foit ainfi tranfparent en vne grande épaiffeur qu'en vne moindre, il n'y a qu'vn mot de plus à y ad jouter, qui eft que ie nie qu'il fuft moins tranfparent, s'il n'auoit point du tout d'impu-

i5 retez, encore mefme que|fon épaiffeur s'étendift de- puis le Soleil iufques à nous. Et ie m'étonne de ce que vous dites que cela eft encore contre l'expérience ; car il ne fe trouua iamais aucun verre fans impuretez. le m'eftonne auffi de ce que vous dites que ie n'ay

20 pas fatisfait au refte de cet article ; à caufe, dites-vous, que les efpaces qui font entre des baies ou des pommes font fort grans à comparaifon des grains de fable, &c. Car pourquoy ne voulez-vous pas qu'il puiffe y auoir autant d'inégalité entre les parties des cors terreftres

25 & celles de la matière fubtile ? Pour moy, ie croy qu'il y en a beaucoup dauantage; & puifque vous ne donnez aucune raifon pour rendre le contraire plus vray- femblable, ie ne voy point pourquoy vous l'alléguez, le ne voy point auffi que i'ayerien obmis, lors que i'ay

3o cité la page 8, lig. 2, où difant que les parties du vin

1 1 ainfi] auffy [mieux). — 17 encore om.

�� � JJ2 Correspondance, 1,241-14»,

ne fe peuuent mouuoir exadement en ligne droite, i'ay fait entendre le mefme des parties de la matière fubtile. Et i'ay diftingué le rayon materialiter fump- ium, qui ne peut prefque iamais eftre exactement droit, du rayon formaliter fumptum, qui ne peut ia- 5 mais manquer de l'eftre. Mais, au lieu de la ligne 2, vous auez pris la ligne 17, & citez des mots où ie ne parle que des rayons formels, lefquels ie dis deuoir eftre imaginez exaélement droits. Au refte, pour faire qu'vn cors tranf parent foit par tout auffi égal à foy- 10 mefme qu'il le fçauroit eftre, on ne doit point fupo- fer que ics parties foient arengées d'autre façon que comme les pommes ou les baies dont i'auois parlé ; & ainli i'auois, ce me femble, entièrement fatisfait à v^oftre objedion. "5

9. Voftre inftance de deux hommes qui fouflent à rencontre l'vn de l'autre dans vn mefme tuyau, ou de deux yeux qui fe regardent, eft, ce me femble, affez expliquée par ce que i'ay dit au commencement de cet écrit, touchant vn bafton qui eft pouffé par deux 20 aueugles ; car il faut , s'il vous plaift , vous fouuenir que i'ay fait entendre en diuers endroits que l'adion ou linclination à fe mou|uoir eft fuffifante, fans le mouuement, pour nous faire fentir la Lumière.

Mais ce que ie voy tout au bas de voftre Lettre, 25 à fçauoir que vous penfez auoir découuert ce que ie prens pour la matière fubtile, en voyant voltiger la pouffiere qui paroift en l'air vis à vis de la fente d'vne feneftre expofée au Soleil, me fait remarquer que vos

5-6 peut iamais manquer] ligne 21. — 11 le ont. — 23 ou manque iamais. — 7 ligne 17] inclination.

�� � 1, 24». CXLIV. — Septembre 1638. jjj

penfées & les miennes font en cecy fort diflferentes : car les moindres parties de cette pouffiere font beau- coup plus grofles que celles de l'air pur, & les moin- dres de l'air pur font beaucoup plus grofles que celles

5 que i'attribuë à la matière fubtile, laquelle ie con- çoy comme vne liqueur continue qui remplit tous les efpaces que les corps plus groffiers n'occupent point, & non pas comme eftant compofée de parties déjointes, ainfi que font celles de cette pouffiere.

10 Voila ce que i'ay crû deuoir répondre à vos dernières, afin de vous témoigner le deûr que i'ay de vous fatis- faire, & que ie fuis, &c.

��CXLIV.

Descartes a Ferrier. [Septembre i638?]

Texte de Clerselier, tome III, lettre 102, p. 582-583.

Sans date dans Clerselier. Mais nous savont qu'à deux reprises, de concert avec /)escartes, Hujgens a fait travailler à la taille des verres un tourneur d'Amsterdam, en 1 635-1 636 (lettres LXH à LXV), et en i63y-S {leltres Cil et CVI); il s'agit sans doute de cette s?conde tentative, puisque Descartes renvoie à sa Dioptrique, comme à un ouvrage imprimé. En outre [p. 3j6, l. 2), dans cette lettre comme dans la lettre CXLI (ci-avant p. 34g-35o), il parle de « cet esté », comme déjà fort avancé. La date est donc asseï vraisemblablement de septembre i638. — La lettre IX {t. I, p. 18], dont la date reste conjecturale, venait peut-être après celle-ci, comme Clerselier l'im- prime en effet, tome III, lettre CIII. — (C A.)

Le rang assigné à la présente lettre souffre, à vrai dire, une diffi- culté sérieuse. De la lettre CVI, il résulte en effet qu'en février i638,

�� � }J4 Correspondance. m, 582-583.

le modèle de la machine du « tourneur d'Amsterdam » venait seule- ment d'être terminé, tandis que ci-après (l. 7) Descartes parle de cette machine comme achevée « dès l'année passée ». C'est un puissant motif pour faire reporter vers la fin de l'été de i63g la date de la présente.

Que Ferrier ait effectivement recommencé , dès le commencement de i638, à s'occuper de la taille des verres, ce point est, à la vérité, bien établi par la lettre CXIX [voir plus haut, page 85, l. 16]. Mais, d'après ce passage même, Ferrier travailla alors satisfaire de nou- veau appel à Descartes, et il ne s'adressa probablement à son ancien maître qu après avoir obtenu des résultats plus ou moins appréciables, ce qui put exiger un temps considérable, étant donnée sa lenteur à aboutir à quoi que ce soit. L'échantillon qu'il montrait dès i638 et dont parle Niceron [voir l'éclaircissement qui suit la lettre) semble bien d'ailleurs avoir été une lunette à puces {tnicroscope], nullement une lunette d'approche, et pouvait dès lors remonter même à l'époque oii Descartes l'avait fait travailler à Paris sous ses yeux. — [P. T.)

Monfieur,

Puis que vous me faites la faueur de m'aduertir de ce que vous auez fait touchant la taille des verres hyperboliques, ie fuis obligé de vous mander auffi ce qu vn de mes Amis a fait faire par vn Tourneur 5 d'Amfterdam qu'il y a employé ^. La machine fut fort bien-faite dés Tannée palTée, & les lames ou cifeaux d'acier dont il a taillé la roue ; mais il n'a iamais fceu faire cette roue fi exade, qu'il ait pu tailler vn verre par fon moyen dont la figure fuft vniforme. Plufieurs 10 fe trouuent vifiblement plus efpais d'vn coilé que d'autre, & en la plufpart on y voit deux centres ; ce qui vient, comme ie croy, de ce qu'il tourne la roiie tantoft d'vn cofté & tantofl: d'vn autre, quoy que ie Taye auerty | plufieurs fois de ne le pas faire. Et pour i5 ce fujet, au lieu du tour qui efl décrit dans ma Diop-

" Cf. plus loin le post-scriptum de la lettre CLI (déc. i638).

�� � "1,583. CXLIV. — Septembre i6j8. 375

trique, auec vn arc qui va & reuient", i'ay fait qu'il fe fert d'vne grande roue, qui tourne touûours d'vn mefme fens. Mais il dit qu'il fe fait tant de cercles dans le verre, quand il ne tourne fa roue que d'vn

5 cofté, que ie n'ay fceu obtenir de luy qu'il en ache- uail aucun en cette façon ; & ayant efté voir fa roiie, i'ay trouué qu'elle eftoit fort inégale, & qu'elle n'ap- puyoit pas toujours de mefme force contre le verre, le I'ay conuié à la mieux polir; mais il dit qu'après

10 l'auoir rendue la plus iufle & exafte qu'il eft poffible, ces défauts s'y trouuent le lendemain ; ce qu'il croit venir de ce que le dedans de cette roue cft de bois, qui fait hauffer ou baiffer félon le temps le cuivre dont elle eft faite en fa circonférence ; & la poudre

i5 dont il fe fert pour tailler le verre, entrant dans ce cuivre, l'a rendu fi dur, qu'il luy eft prefque impoffible d'en ofter les défauts qu'il y voit. Nonobftant cela, il m'apporta icy dés l'année paffée deux ou trois verres qui me donnoient bonne efperance. Car encore qu'ils

ao fuffent fi troubles & mal polis que, lors qu'on n'en laif

foit qu'vne partie découuerte, de la grandeur des

verres des Lunettes ordinaires, on ne voyoit rien que

' de fort obfcur, neantmoins, quand ils eftoient tout

découuerts, ils auoient autant d'effet que les ordi-

2 5 naires; ce qui monftroit que, s'ils eufifent efté auflî polis, ils euffent eu d'autant plus d'effet qu'ils eftoient plus grands, qui eft tout ce qu'on peut efperer. Et leur diamètre, eftoit d'enuiron trois pouces, pour feruir dans vn tuyau d'enuiron deux pieds. Depuis il n'a

3o rien fait ; car l'hyuer il y a fort peu trauaillé, & celuy

a. Discours dixiesme, p. 142 et suiv.

�� � )j6

��Correspondance. m, 583.

��qui l’employoit" a quitté la demeure d’Amflerdam au commencement de cet Efté. Ce que vous m’auez fait efperer eft caufe que ie n’ay point voulu leur con- feiller de pourfuiure ; car s’il y a quelqu’vn au monde qui en puiffe venir à bout, ie ne doute point que ce ne foit vous. le fuis,

Que Ferrier se soit occupé de nouveau, en 1638, de la construction d’instruments d’optique, selon les règles de Descartes, en voici la preuve dans un ouvrage du temps : La Perspectiue curieuse, ou Magie artifi- cielle des effets merueilleux de l’ Optique, Catoptrique,Dioptrique e/c.,par le Père lean François Niceron, Parisien, de l’Ordre des Minimes (Paris, Pierre Billaine, in-f», 1638. Permission du Provincial, i5 avril 1638. Dédicace au Nonce Bologneti, 28 juillet 1638). On lit, p. 1 00- 1 o 1 , avant- propos du 1. IV : « Et cette inuention (des lunettes a longue veuë) a esté, » grâces à Dieu, assez bien cultiuée depuis sa naissance, en sorte que beau- » coup de bons esprits et sçauans hommes ont fait plusieurs belles specu- » lations et diuerses expériences sur ce sujet pour la perfectionner, comme » Galilée, Daza, de Dominis, Kepler, Sirturus, qui en ont escrii la pluspart, » et tout fraischement Monsieur des Cartes, lequel en sa Dioptrique, outre » la Théorie qu’il explique scientifiquement, nous a encore fait part de » pratiques tres-vtiles et extraordinaires sur ce sujet, dont nous espérons » veoir d’admirables effets, en bref, par le moyen de Monsieur Ferrier, » qui a entrepris d’y trauailler. Et de vray, si quelqu’vn est capable de » réussir en ce trauail de nouuelle inuention, il faut auoûer que cela luy » appartient, puis qu’outre l’excellence de sa main et la grande expérience » qu’il a en cette matière, il a encore vne intelligence particulière des » secrets de l’autheur : on en peut iuger par l’eschantillon qu’il a fait veoir » à ses amis, qui est d’vne lunette auec vn petit verre hyperbolique, qui » distingue et grossit tellement les espèces des moindres objets, qu’en » ceux mesmes qui, pour leur petitesse, eschapperoient aux yeux les plus » perçans, il y fait remarquer des particularitez, qui nous font dire que » non seulement nous receurons vn grand contentement de cette sorte de » lunettes, mais encore de grands auantages, pour faire de nouuelles des- r> couuertes en la science des choses naturelles, ayans le moyen de dis- » cerner les moindres parties de chasque sujet, et nous desabuser de » beaucoup d’erreurs que commettent nos sens, pour n’estre pas assez » subtils. »

a. Leçon douteuse. Clerselier imprime qu’il employait; et Huygens résidait à La Haye, non pas à Amsterdam. En tout cas, il s’absenta pen- lam l’été de 1638 et pendant celui de lôSg.

�� �

��lO

��11,389. CXLV. — 12 Septembre i6j8. J77

��CXLV.

Descartes a

[12 septembre i638.] Texte de Clerselier, tome II, lettre 90, p. 389-390.

Sans nom ni date dans Clerselier. Imprimée entre la LXXXIX [lettre CXXX, du 1 3 juillet i638), et la XC [lettre CXLVI, du II octobre), elle se trouvait sans doute ainsi dans les minutes. Mais elle ne semble avoir fait partie ni du volumineux envoi du i3 juillet [voir pages 246-24'] ci-avant), ni de celui du 1 1 octobre [Clers., II, 406 - 40 j). Admettons quelle ait été envoyée peut-être le 12 sep- tembre, comme les précédentes, asse:^ à temps pour que le père de famille qui demandait conseil pour l'éducation de son fils, pût en profiler lors de la rentrée d'octobre. — Une difficulté subsiste cepen- dant : M. le Roy, nommé à la fin de la lettre, n'était pas encore, en septembre i638, un « intime amj » de Descaries. Mais peut-être faut-il lire Keneri, Clerselier ayant pu compléter par conjecture l'initiale R., comme il Ta fait à tort dans une lettre précédente [page 33 0, l. 24).

Monûeur,

le vous fuis tres-obligé du fouuenir qu'il vous plaift auoir de moy, & ie tiens à honneur que vous veûilliez fçauoir mon opinion touchant l'éducation de M. voflre fils. Le defir que i'aurois,de vouspouuoir rendre quel- que feruice en fa perfonne, m'empefcheroit de vous dilTuader de l'enuoyer en ces quartiers, fi ie penfois que le deffein que vous auez touchant fes études s'y pût accomplir; mais la Philofophie ne s'enfeigne icy que tres-mal : les ProfeiTeurs n'y font que difcourir vne heure le iour, enuiron la moitié de l'aunée, fans dider

CORRESPONOAMCS. II. 48

�� � 3/8 Correspondance. 11,389-390.

iamais aucuns Ecrits, ny acHeuer le cours en aucun temps déterminé; en forte que ceux qui en veulent tant foit peu fçauoir. font contraints de fe faire in- flruire en particulier par quelque maillre, ainfi qu'on fait en France pour le Droit, lors qu'on veut entrer en 5 office. Or encore que mon | opinion ne foit pas que toutes les chofes qu'on enfeigne en Philofophie foient auffi vrayes que l'Euangile, toutesfois, àcaufe qu'elle eft la clef des autres Sciences, ie crois qu'il eft tres- vtile d'en auoir eftudié le cours entier, en la façon 10 qu'il s'enfeigne dans les Ecoles des lefuites, auant qu'on entreprenne d'éleuer fon efprit au deffus de la pédanterie, pourfe faire fçauantde la bonne forte. Et ie dois rendre cet honneur à mes Maiftres, que de dire qu'il n'y a lieu au monde, où ie iuge qu'elle s'enfeigne i5 mieux qu'à la Flèche. Outre que c'eft, ce me femble, vn grand changement, pour la première fortie de la mai- fon,quedepafïer toutd'vn coup en vn pais différent de langue, de façons de viure & de religion, au lieu que l'air de la Flèche efl voifin du voflre ; & à caufe qu'il 20 y va quantité de ieunes gens de tous les quartiers de la France, ils y font vn certain mélange d'humeurs, par la conuerfation les vns des autres, qui leur apprend quafi la mefme chofe que s'ils voyageoient. Et enfin l'égalité que les lefuites mettent entr'eux, en =5 ne traittant gueres d'autre façon les plus releuez que les moindres, efl vne inuention extrêmement bonne, pour leur ofler la tendreffe & les autres défauts qu'ils peuuent auoir acquis par la couftume d'eflre chéris dans les maifons de leurs parens. Mais, Monfieur, 3o i'apprehende que la trop bonne opinion que vous

�� � u,39o. CXLVI. — II Octobre i6j8. 379

m'auez fait auoirde moy-mefme, en prenant la peine de me demander mon auis, ne m'ait donné occafion de vous l'écrire plus librement que ie ne deuois. C'eft pourquoy ie n'y ofe rien adjoiifter, finon que, fi M.

5 voftre fils vient en ces quartiers, ie le feruiray en tout ce qui me fera poffible. l'ay logé à Leyde en vnc mai- fon où il pourroit eftre affez bien pour la nourriture ; mais pour les études, ie croy qu'il feroit beaucoup mieux à 'Vtrecht ; car c'eft vne Vniuerfité qui, n'eftant

10 érigée que depuis quatre ou cinq ans% n'a pas encore eu le temps de fe corrompre, & il y a vn Profeffeur, appelle M. le Roy^ qui m'eft intime amy, &qui, félon mon iugement, vaut plus que tous ceux de Leyde. le fuis,

,5 Monfieur,

��CXLVI.

Descartes a Mersenne.

[11 octobre i638.]

10 AuTOORAPHB, Bibl. Nat., MS. fr. n. a. 5i6o, f. 21 et 22. 20 Texte de Clerseliei, tome II, lettre 91, p. 397-406.

L'autographe, incomplet, ne comprend qu'une grande feuille pliée en deux feuillets, ou quatre pages d'écriture. L'imprimé de Clerse- lier qui j' correspond, tome II, lettre XCI, p. 3gi-3gj, comprend six pages et demie, puis continue par neuf pages encore, p. 3g';-4o6, et donne ainsi, d'après la minute qui était complète, toute la seconde partie de la lettre, de moitié plus longue que la première : il manque

a. Elle ne reçut le titre d'Université que le 16 mars i636, mais fut inaugurée le 20 août 1634 sous le nom d'École Illustre.

b. Voir lettre CXXXVI, p. 3o5 ci-avant.

�� � sans doute à l’autographe encore une feuille entière, plus une demi-feuille, ou trois feuillets, ou six pages d’écriture environ. La date a disparu avec la fin de la lettre. Mais la suivante de Descartes à Mersenne, du i5 nov. i638, ci-après CXLIX, renvoie à celle-ci comme ayant été écrite « cinq Semaines avant », donc le 1 1 octobre. C’était la I S* de la collection La Hire, qui ne fut pas comprise dans le classement de dom Poirier.

Mon Reu.’^'* Père,

le commenceray cete lettre par mes obferuations fur le liure* de Galilée^. le trouue en gênerai qu’il philofophe beaucoup mieux que levulgaire, en ce qu’il quitte le plus qu’il peut les erreurs de l’Efchole, & tafche a 5 examiner les matières phyfiques par des raifons mathématiques. En cela ie m’accorde entièrement auec luy & ie tiens qu’il n’y a point d’autre moien pour trouuer la vérité. Mais il me femble qu’il manque beaucoup en ce qu’il fait continuellement des digreffions & ne s’arefte point a expliquer tout a fait vne matière; ce qui monflre qu’il ne les a point examinées par ordre, & que, fans auoir confideré les premières caufes de la nature, il a feulement cherché les raifons de quelques effets particuliers, & ainfy qu’il a iS bafti fans fondement. Or d’autant que fa façon de philofopher eft plus proche de la vraie, d’autant peut-on plus aifement connoiilre fes fautes, ainfy qu’on peut mieux dire quand s’efgarent ceux qui fuiuent quelquefois le droit chemin, que quand s’efgarent ceux 20 qui n’y entrent iamais.

10 fait continuellement] ne fait que. — 1 1-12 tout a fait vne matiere] fuffifamment aucunes matieres, — 12 ap. point] toutes a/.

a. Voir plus haut p. 194, 1. i3; p. 371, 1, 4, et p, 336, 1. 17. II, 39I-39Î. CXLVI. — II Octobre i6)8. j8i

Page 2. Il propofe ce qu'il veut traiter, a fçauoir pourquoy les grandes machines, eflant en tout de mefme figure & de mefme matière que les moindres, font plus foibles qu'elles; & pourquoy vn enfant fe 5 fait moins de mal en tombant qu'vn grand homme, ou vn chat qu'vn cheual, &c. En quoy il n'y a, ce me femble, aucune difficulté ny aucun fuiet d'en faire vne nouuelle fcience*; car il eft euident qu'affin que la force ou la refiftence d'vne grande machine foit en

lo tout proportionnée a celle d'vne petite de mefme figure, I elles ne doiuent pas eftre de mefme matière, mais que la grande doit élire d'vne matière d'autant plus dure, & plus malaifée a rompre, que fa figure & fa pefanteur font plus grandes. Et il y a autant de

i5 difierence entre vne grande & vne petite de mefme matière, qu'entre deux également grandes, dont l'vne eft d'vne matière beaucoup moins pefante, & auec cela plus dure que l'autre.

Pag. 8. Il a raifon de dire que les filets d'vne chorde

2o s'entretienent, a caufe qu'ils fe preffent l'vn l'autre; mais il n'adioufte pas pourquoy cete preffion eft caufe qu'il s'entretienent, qui eft qu'il y a de petites inega- litez en leur figure, qui empefchent que chafcun d'eux ne puifTe couler entre ceux qui le preffent*.

25 L'inuention pour fe defcendre, (pa. ii), reuient a mefme chofe, & il n'y a rien en tout cela qui ne foit vulgaire. Mais fa façon d'efcrire par dialogues, ou il

4-5 en tombant fe fait moins — 22 s'entretienent] fe tiennent,

de mal. — 7 d'en] de. — 19 Cler- — 24 après preffent] fi ces pe-

selier imprime constamment page tites inegalitez ne fe rompent.

en toutes lettres ; l'autographe aj. — 25 Page 1 1 avant L'in-

abrège désormais plus ou moins. uention.

�� � ^82 Correspondance. 11,393-393,

introduit trois perfonnes qui ne font autre chofe que louer & exalter fes inuentions chafcun a fon tour, aide fort a faire valoir fa marchandife.

Pa(ge) 12. Il donne deux caufes de ce que les parties d'vn cors continu s'entretienent : l'vne eft la crainte 5 du vuide, l'autre certaine cole ou liaifon qui les tient, ce qu'il explique encore après par le vuide ; & ie les croy toutes deux très faufl'es. Ce qu'il attribue au vuide (pa. i^) ne fe doit attribuer qu'a la pefanteur de l'air; & il eft certain que, fi c'eftoit la crainte du 10 vuide qui empefchaft que deux cors ne fe feparaffent, il n'y auroit aucune force qui fuft capable de les feparer.

La façon qu'il donne pour diftinguer les effets de ces deux caufes (p. i^) ne vaut rien, & ce qu'il fait is dire a Simplicio (p. 16) eft plus vray, l^ (p. 17) l'ob- feruation que les pompes ne tirent point l'eau a plus de 18 brafl'es de hauteur ne fe doit point rappor- ter au vuide, mais ou a la matière des pompes ou a celle de l'eau mefme, qui s'efcoule entre la pompe 20 & I le tuyau, plutoft que s'efleuer plus haut*.

P. 19. Il examine la cole qu'il adioufte auec le vuide pour la liaifon des parties des cors, & il l'attri- bue a d'autres petits vuides qui ne font nullement imaginables. Et ce qu'il dit (p. 22), pour prouuer ^s ces petits vuides, eft vn fophifme ; car l'hexagone qu'il propofe ne laifle rien de vuide en l'efpace par ou il

3 fa marchandile.l ce qu'il mefme à la pefanteur de l'eau qui

veut dire. — 8 après fauffes.] contrebalance celle de l'air. <ij.

Caraj. — i6 & om. — 18 ; 18] — 24 nullement] aucunement, dix-huit. — 21 après haut], ou

�� � 11,393. CXLVI. — II Octobre 16^8. }Sj

pafle, mais chafcune de fes parties fe meut d'vn mou- uement continu, lequel defcriuant des lignes courbes qui rempliflent tout vn efpace, on ne doit pas les con- fiderer, comme il fait, en vne feule ligne droite. Et il 5 n'importe qu'en fa figure les parties de la ligne droite, 10, P Y, &c., ne foient point touchées par la circonfé- rence H I K L, car elles le font en recompence par d'autres parties de la fuperficie AB C, & ainfy ne font non plus vuides que les parties O P, YZ, &c*.

10 P(age) 28. C'eft auflyvnfophifme que fon argument, pour prouuer qu'vn point eft égal a vne ligne ou a vne fuperficie. Car in forma on ne peut conclure, finon que la ligne ou fuperficie n'eft pas vn plus grand cors folide que le point, & non qu'elle n'eft pas plus

i5 grande abfolument*.

P(age) j I . Il manque en tout ce qu'il dit de l'infini, en ce que, nonobftant qu'il confeffe que l'efprit humain, eftant fini, n'eft pas capable de le comprendre, il ne laifiTe pas d'en difcourir tout de mefme que s'il le

20 comprenoit.

P(age) 40. Il dit que les cors durs, deuenant liquides, font diuifez en vne infinité de points : ce qui n'eft qu'vne imagination fort aifée a réfuter, & dont il ne donne aucune preuue.

a 5 P(age) 42 . Il monftre n'eftre pas fçauant en la catop- trique, de croire ce qui fe dit des miroirs ardans d'Ar- chimede, lefquels i'ay demonftré eftre impoffibles en ma Diop., p. 1 19.

12 in] ex Clers.ttMS . l'm. — mais non pas. — pas] point. — a/>rè5 conclure] autre chofe a/'. — 23 &om. — 27-28en ma Dioptri- i3 après ou] la aj. — 14 & non] que, page 1 19, eftre impoffibles.

�� � 384 Correspondance. 11,393-394.

P(age) 4j . Son expérience, pour fçauoir û la lumière fe tranfmet en vn inftant, eft inutile : car les Ecclipfes de la lune, fe rapportant afTez exadement au calcul qu'on en fait, I le prouuent incomparablement mieux que tout ce qu'on fçauroit efprouuer fur terre". 5

P(age) 48. Il fait confiderer vne ligne droite, defcrite par le mouuement d'vn cercle, pour prouuer qu'elle eft compofée d'vne infinité de poins aéïu, ce qui n'eft qu'vne imagination toute pure.

P(age) 50. Tout ce qu'il dit de la raréfaction & con- 10 denfation n'eft qu'vn fophifme; car le cercle ne laifle point de parties vuides entre fes poins, mais il fe meut feulement plus lentement. Et pour moy, ie ne conçoy autre chofe touchant cela,fmon que, lors qu'vn cors fe condenfe, c'eft que fes pores s'eftreciffent, & i5 qu'il en fort vne partie de la matière fubtile qui les rempliffoit, ainfy qu'il fort de l'eau d'vne efponge quand on la prefTe. Et au contraire, quand vn cors fe dilate, c'eft que fes pores s'eflargilTent, & qu'il y entre dauantage de matière fubtile, ainfy que i'ay expliqué 20 en plufieurs endroits de mes Météores .

P(age) 54. Ce qu'il dit de l'or trait n'eft nullement a propos pour expliquer la rarefadion ; car cet or ne fe raréfie point, mais change feulement de figure.

P(age) 62. Il eft éloquent a réfuter Ariftote*, mais 25 ce n'eft pas chofe fort malayfée.

P(age) 69. Il dit bien que les corps defcendent plus

4 prouuent] prouue. — 20 ainfy que] comme.

a. Cf. lettre LVII, t. I, p. 3o9-3i2.

b. Discours Second, p. 172, et Discours Cinquiesme, p. 2o3, etc.

�� � 11,394-395- CXLVI. — II Octobre 1638. 585

inefgalement vifte dans l'eau que dans l'air ; mais il n'en dit point la caufe, & il fe trompe (p. 70), difant que l'eau ne refifte aucunement a eftre diuifée,

P(age) 71. Il dit ignorer la caufe qui foutient les 5 gouttes d'eau fur les choux, laquelle i'ay affez expli- quée en mes Météores ^.

P(age) 72. Tout ce qu'il dit de la viteffedes cors qui defcendent dans le vuide &c., eft bafti fans fonde- ment ; car il auroit deu auparauant déterminer ce que

10 c'eft que la pefanteur; & s'il en fçauoit la vérité, il fçauroit qu'elle eft nulle dans le vuide.

P(age) 79. Sa façon de pefer l'air n'eft pas mauuaife, fi tant eft que la pefanteur en foit fi notable qu'on la puifle apperceuoir par ce moyen; mais l'en doute*.

i5 |P(age) 85. Tout ce qu'il dit icy ne peut eftre déter- miné fans fçauoir ce que c'eft que la pefanteur. Et tout ce qu'il metiufques a la fin de ce dialogue, touchant la Mufique, eft vulgaire pour vous & pour moy .

P(age) loj . 11 dit que le fondes chordes d'or eft plus

ao bas que celuy des chordes de cuiure, a caufe que l'or eft plus pefant ; mais c'eft plutoft a caufe qu'il eft plus mol. Et il fe trompe, de dire que la pefanteur d'vn cors refifte dauantage a la vitefle de fon mouuement que fa groffeur*.

25 P(age) 1 14. Il compare la force qu'il faut pour rom- pre vn bafton de trauers, auec celle qu'il faut pour le rompre en le tirant de haut en bas, & dit que, de tra- uers, c'eft comme vn leuier dont le fouftien eft au

16 après pefanteur.] à la ligne, puis: Page 98. Tout ce. — 25 pour] à. a. Discours Cinquiesme, p. 204, etc., ei Discours Troisiesme, p. 188.

CORRESPONDAMCE. II. 49

�� � milieu de fon efpaifleur ; ce qui n’eft nullement vray, & il n’en donne aucune preuue.

P(age) 129. Sa confideration pourquoy les poiffons peuuent eflre plus grands que les animaux terreftres n’eft pas mauuaife. 5

P(age) 140. Ce qu’il dit des bois qui doiuent eftre coupez en demi-parabole, pour refifter par tout égale- ment, eft vraye a peu prés; mais tout le refte eft vulgaire.

P(age) 146. Ses deux façons pour defcrire la Para- 10 bole font du tout mechaniques, & en bonne Géomé- trie font fauffes*.

P(age) 157. Il fuppofe que la vitefle des poids qui defcendent, s’augmente toufiours efgalement, ce que i’ay autrefois creu comme luy^; mais ie croy mainte- 15 nant fçauoir par demonftration qu’il n’eft pas vray.

P(age) 166. Il fuppofe aufly que les degrez de viteffe d’vn mefme cors fur diuers plans font égaux, lorfque les eleuations de ces plans font égales, ce qu’il ne prouue point, & n’eft pas exadement vray; & pour ce 20 que tout ce qui fuit ne dépend que de ces deux fup- pofitionS; on peut dire qu’il a entièrement bafti en l’air. Au refte, il femble n’auoir efcrit tout fon j’^* dia|logue que pour donner raifon de ce que les tours & retours d’vne mefme chorde font égaux entre 25 eux, & toutefois iLne la donne point; mais il con- clud feulement que les poids defcendent plus vifte, fuiuant l’arc d’vn cercle, que fuiuant la chorde du

2 donne] aufli aj. — 8 vray. — 12 elles font. — 23 troifiéme. — 25 & les.

a. Voir Tome I, p. 72, et V éclaircissement p. 75. 11.396. CXLVI. — II Octobre 16^8. j8y

mefme arc, & encore n'a-t-il fceu déduire cela exacle- ment de fes fuppofitions.

P(age) 2 j6. Il adioufte vne autre fuppofition aux pré- cédentes, laquelle n ell pas plus vraye, a fçauoir que 5 les cors ietez en l'air vont efgalement vifte fuiuant l'horizon; mais qu'en defcendant leur vitefTe s'aug- mente en proportion double de Tefpace.Or cela pofé, il efl très aifé de conclure que le mouuement des cors ietez deuroit fuiure vne ligne parabolique; mais fes

10 pofitions eflant fauffes, fa conclufion peut bien auffy eftre fort efloignée de la vérité.

P(age) 269. 11 efl a remarquer qu'il prend la conuerfe de fa propofition, fans la prouuer ny l'expliquer; a fçauoir que, fi le coup tiré horizontale-

i3 ment de B vers E fuit la parabole BD, le coup tiré obliquement fuiuant la ligne D E doit fuiure la mefme parabole D B ; ce qui fuit bien de fes fuppofitions. Mais il fem-- ble n'auoir ofé l'expliquer, de peur que

o leur faufleté paruft trop euidenment. Et toutefois il ne fe fert que de cete conuerfe en tout le refte de fon quatriefme dif- cours, lequel il femble n'auoir efcrit que pour expliquer la force des coups de ca-

2 5 non tirez félon diuerfes eleuations. De plus il efl a remarquer qu'en propofant fes fuppofitions, il en a excepté l'artillerie, affin de les faire plus aifement re- ceuoir; & que toutefois, vers la fin, c'eft a l'artillerie

I n'a-t-il fceu] ne peut-il. — om. — 10 bien om. — 16 obli- 3 après autre] faufle aj. — 4 la- quement] de bas en haut, quelle... vraye omis. — 5 vifte

��� � j88 Correspondance. 11,396-397.

principalement qu'il applique fes conclufions. C'eft a dire, en vn mot, qu'il a tout bafti en l'air.

le ne dis rien des demonftrations de Géométrie dont la plus part de fon Hure eft rempli, car ie n'ay fceu auoir la patience de les lire, & ie veux croire qu'elles 5 font toutes vrayes. I l'ay feulement remarqué, en voyant les proportions, qu'il n'elloit pas befoin d'eftre fort grand Géomètre pour les trouuer; & iettant les yeux fur quelques vnes, i'ay apperceu qu'il s'en faut beau- coup qu'il n'y fuiue les plus cours chemins. 10

Au refte cecy ne fera vu, s'il vousplaill, que de vous feul, qui auez defiré que ie vous l'efcriuifTe, & a qui i'ay tant d'obligations que ie croy ne vous deuoir rien refufer qui foit en mon pouuoir. Sans cela ie ne me ferois pas amufé a reprendre les fautes d'vn autre, car i5 il n'y a rien de plus contraire a mon humeur. Et du moins, fi ie l'auois fait, i'y aurois adioufté les raifons de mon dire plus foigneufement que ie n'ay fait, affin que ceux qui ne me connoiflroient pas comme vous, ne fe peuffent imaginer que i'euffe iugé fans raifon. 20

le pafle aux articles de vos lettres, aufquels la vio- lence du fommeil m'empefcha dernièrement de ref- pondre^. Et premièrement, touchant Galilée, ie vous diray que ie ne l'ay iamais vu, ny n'ay eu aucune com- munication auec luy, & que par confequent ie ne 25 fçaurois en auoir emprunté aucune chofe. AufTy ne voy-ie rien en fes liures qui me face enuie, ny prefque

10 n'y] ne. — 17 i'y aurois mes iugemens, — 19 connoif- adiouité] i'aurois efté plus exad troient] connoifTcnt. à y adjoufter. — 18 mon... fait]

a. Voir page 36 1 ci-avant, 1. 7-8.

�� � 11.397-398. CXLVI. — II Octobre 16 j 8. 389

rien que ie voulufle auouer pour mien. Tout le meil- leur eft ce qu'il a de Mulique ; mais ceux qui me con- noiflent peuuent plutoft croire qu'il l'a eu de moy, que moy de luy : car i'auois efcrit quafi le mefme il y 5 a 19 ans, auquel tems ie n'auois encore iamais efté en Italie, & i'auois donné mon efcrit au S"^ Beecman% qui, comme vous fçauez, en faifoit parade & en écri- uoit çà & là, comme de chofe qui eftoit fienne.

Pour des Lunettes, ie ne voudrois pas confeiller à

10 des particuliers d'y faire aucune dépenfe, finon pour en acheter lors qu'elles feront faites ; & pour moy, ie ne croy pas qu'il fuft de bonne grâce que ie me mé- laffe de leur en vendre : c'eft pourquoy ie n'ay rien à faire en cela, fmon que i'aideray & donneray courage,

i5 autant que ie pourray, à ceux qui voudront y trauailler. Pour la nature des huiles, encore que ie n'aye pas employé vingt ans à en faire des expériences, ainfi que vous] mandez de Monfieur de la B(roire), ie croy pour- tant en auoir affez fait pour ne deuoir pas craindre

ao de m'eftre mépris ; et bien que ie n'aye parlé de plu- fieurs chofes qu'en paflant, & fans en faire aucun eftat, on ne doit pas iuger pour cela que ie les aye peu examinées, mais feulement que ce n'eft pas mon humeur de faire grand bruit de peu de chofe.

25 La corde I F K, dont ie parle à la fin de mon Ecrit de Statique*', ne fe doit point replier au milieu, comme

5 : 19] dix- neuf. — iamais] tout ce qui suit né se troupe que point. — 6 Beecman] N. — dansClerselier. — 18 B(rofre)] B. 7 faifoit] le MS. s'arrête là ;

a. Voir tome I, p. loo, 1. lo; p. i55, 1. 8; etc.

b. Lettre CXXIX ci-avant, p. z"}^, figure.

�� � jço Correspondance. h, 398.

vous mandez que tient Monfieur Hardy, fi ce n'eft lors que fes deux bouts s'entretouchent. Et il eft certain que la Spirale qui reprefente vn plan également incli- né, doit paruenir iufques au centre de la terre ^.

Tay ry de ce que vous a écrit Monfieur (Fermât) 5 touchant les centres de Grauité^, à fçauoir, que ce qui efl. de plus merueilleux, c'efl; qu'on les trouue par fa méthode : quand cela feroit, voila grande merueille ; & que cette méthode efl plus à luy qu'aux autres. Mais ie vous afifure qu'on les peut trouuer tous fans aucune 10 Analyfe, & mefme quafi fans mettre la main à la plume, en tirant feulement quelques confequences de ce qui eft dans Archimede, ainfi que ie vous ay mandé dès la première fois qu'il en écriuift*'.

le viens de lire le Traitté de Mechanique du fieur (Ro- 1 5 berual) '*, où i'apprens qu'il eft Profefleur, ce que i'auois ignoré, & iepenfois que vous m'eufliez autresfois man- dé qu'il eftoit Prefident en quelque Prouince, & ie ne m'eftonne plus tant de fon ftile. Pour fon Traitté, i'y pourrois trouuer quantité de fautes, fi ie le voulois 20 examiner à la rigueur; mais ie vous diray, en gros, qu'il a pris beaucoup de peine à expliquer vne chofe qui eft bien aifée, & qu'il l'a rendue plus difficile par fon explication, qu'elle n'eft de fa nature ; outre que

5 (Fermât)] N. — i5-i6 (Roberual)] N.

a. Ceci est inexact, puisqu'il s'agit d'une spirale logarithmique (voir plus haut, p. 36o, note a) ayant pour pôle (asymptote) le centre de la terre.

b. Lettre de Fermât à Mersenne, lo août i638, § 7 {Œuvres de Fermât, t. II, 1894, p. 166-167).

c. Voir ci-avant p. 94, 1. 25, et p. 139, 1. aB.

d. Voir plus haut p. 333, 1. 23.

�� � 11,398-399. CXLVI. — II Octobre i6j8. jçi

Steuin a demonftré auant luy les mefmes chofes", d'vne façon beaucoup plus facile & plus générale. Il eft vray que ie ne fçay pas, ny de l'vn ny de Vautre, s'ils ont eflé exa<5ls en leurs demonftrations ; car ie ne 5 fçaurois auoir la patience de lire tout du long de tels liures. En ce qu'il dit auoir mis, dans vn Corollaire, le mefme que moy dans mon Ecrit de Stati|que, aberrat toto Cœlo. Car il fait vne Conclufion de ce dont ie fais vn Principe, & il parle du Temps, ou de la Viteffe,

10 au lieu que ie parle de l'Efpace ; ce qui eft vne très- grande erreur, ainfi que i'ay expliqué en mes précé- dentes.

Pour le Sieur (Petit), de qui vous me mandez que ie vous écriue quelque chofe que vous luy puiffiez

i5 monftrer, afin qu'il ne fe fafche point, ie vous diray que ie n'ay nullement couftume de flatter mes enne- mis, & que, s'il fe fafche de mon filence, il fe fuft bien encore plus fafche de ma réponfe ; car ie ne l'aurois point épargné, & i'en aurois eu tres-ample matière.

20 Les raifons qu'il donne pour prouuer l'Exiftence de Dieu, font fi badines qu'il femble s'eftre voulu moc- quer de Dieu en les écriuant ; et bien qu'il y en ait vne qu'il a empruntée de moy, il luy a toutesfois ofté toute fa force en la mettant comme il l'a mife. Mais

2 5 vous luy pourrez dire, s'il vous plaift, que i'attens fes Objeélions contre ma Dioptrique, afin que, fi elles en valent la peine, ie puiffe répondre à l'vn & à l'autre

i3 (Petit)] N.

a. Voir plus haut, p. 247, note c.

b. Dans la Lettre CXLII, ci-avant p. 352-355.

�� � }92 Correspondance. 11,399-400.

enfemble; et que, pour ce qu'il a écrit de Dieu, ie craindrois qu'on fe mocquaft de nous en voir difputer l'vn contre l'autre, vu que nous ne fommes point Théologiens de Profeflion.

Pour mon Examen de la queftion Geoftatique', il 5 ne fera point imprimé, s'il vous plaift : car ie ne l'ay pas écrit à ce delTein, & il n'eft pas affez acheué ny aflez complet pour aller feul. Et de le ioindre aufli auecmon fentiment du LiuredeM. (Beaugrand)*', ce feroit luy donner vne tres-mauuaife compagnie : car 10 i'aurois honte qu'on eufl occafion de penfer que ie me ferois arreflé ferieufement à dire mon opinion de ce Liure ; outre qu'ellant ioints enfemble, ils ne feroient qu'vn Liure digne d'eftre couuert de papier bleu. Et fi mon écrit contient quelque chofe qui vaille la peine i5 qu'on le voye, ie croy qu'il pourra mieux eftre inféré dans le Recueil des Objedions qu'on m'a faites, ou qu'on me fera cy-aprés; car auffi bien ne fera-ce qu'vn ramas de toutes fortes de matières. S'il y a de la faute aux lettres de la dernière figure, vous les «o pourrez aifément corriger par le moyen du fens; I car il eft, ce me femble, aflez clair, & ie n'y trouue rien de manque en ma copie.

Pour l'Introdudion en ma Géométrie, l'en ay par- lé à celuy qui l'a compofée, qui eft vn Gentil-homme 2$ de ce pais, de tres-bon lieu; mais il ne defire point

9 (Beaugrand)] N.

a. Lettre CXXIX ci-avant, p. 222.

b. Lettre CXXVI ci-avant, p. 182-189.

c. Voir la figure p. 244 et les variantes p. 245.

d. Voir plus haut p. 276 et p. 332, 1. 14.

�� � Il, 4«o. CXLVI. — II Octobre i6)8. jç)

auffi qu'elle foit imprimée, fi ce n'eft qu'on en vouluft feulement faire tirer vne douzaine ou deux d'Exem- plaires, pour ceux à qui vous en voulez donner des copies, ce qui feroit peut-eftre plus commode que

5 de la faire tranfcrire. Et pour les charaderes, vos libraires les auront tous, ou s'il en manque quelques- vns, ils les peuuent faire fondre à fort peu de frais. Mais pour en faire vne impreflion publique, il dit qu'il aimeroit mieux la faire faire luy-mefme en ce païs, &

lo qu'en ce cas, il y voudroit encore adjoufter beaucoup de chofes ; ce qu'il offre de faire auec le temps.

Pour la force de la Percuffion, elle n'eft point fi mal-aifée à expliquer, par mes Principes, que Galilée la reprefente fur la fin de fon Liure ; mais ie n'en fçau-

i5 rois rien dire fans expliquer; mes Principes, c'eft à dire mon Monde.

Pour la queftion des quatre Globes^, ie croy bien que M. F(ermat)* peut voir de loin le moyen d'y par- uenir, mais la difficulté eft à en demefler le calcul, ce

ao que i'ay peine à croire qu'il puiffe faire par l'Analife de Viete ; & pour preuue de cela, vous pouuez le con- uier à vous enenuoyer le fait**; à fçauoir, pofantles quatre rayons des Sphères données eftre, par exem- ple, a, b, c, d, luy demander quel eft le rayon de la

2 5 plus petite Sphère Concaue dans laquelle elles puif- fent eftre enfermées ; car vous verrez bien s'il s'ac- corde auec le fait que vous auez.

le paffe à voftre Lettre du vnziefme Septembre, la- quelle i'ay receuë depuis que mes précédentes ont

a. Cf. 1. 1, p. i39, 1. i3; p. 280, éclaircissement, et t. II, p. 246, 1. 12.

b. Descartes a dû écrire « ïefacit ». (Voir p. 249, 1. 26).

CoRIWSrONOAMCE. II. So

�� � J94 Correspondance. ii, 400-401.

efté écrites. M. F(ermat) a fort bien trouué la Tangente de la Roulette, & elle fe rapporte à la mienne; mais s'il en enuoye la demonftration analyticè 8l fyntheticè , comme il offre, ie feray bien aife de la voir, pour con- noiftre par là de quel biais il s'y eft pris en effet. le 5 m'eftonne de ce qu'il en fçait beaucoup plus en | Géo- métrie que Monfieur (Roberual), lequel ne voit pas qu'il s'expofe en quelque façon à la rifée du monde, d'auoir voulu faire croire qu'il auoit trouué la Tan- gente de la Roulette, iuftement le lendemain après 10 auoir fceu que ie vous l'auois enuoyée. Mais ce qu'il adjoûte que celle de M. F(ermat) n'eft pas vraye, lors que la Baze de la Roulete eft plus grande que la Cir- conférence du Cercle, fait voir tres-clairement qu'il s'eft trompé, fi tant eft qu'il ait crû l'auoir trouuée. Et i5 s'il a feulement voulu que les autres le cruffent, il a fort mal pris fon temps, de le dire après que les autres l'auoient trouuée, à caufe qu'on peut iuger qu'il l'a feint, afin de monftrer qu'il ne cède à perfonne".

Il dit qu'il s'eftonne de ce que le Quadrilatère qu'il 20 propofoit monte fi haut qu'au quarré du cube; mais ie m'affure qu'en foy-mefme il s'eftonne de ce que ie Tay pu faire defcendre fi bas : car en le cherchant par les biais ordinaires, on s'embarraiTe en des calculs qui font infinis; & ce qu'il en dit n'eft que pour en faire 25 d'autant moins eftimer l'inuention, à caufe qu'elle eft mienne, au lieu qu'il exalte fi haut des chofes qui vien-

7 (Roberual)] N.

a. Voir plus haut, p. 3o8-3i2, et p. 338, V éclaircissement smt p. 3 i 2, 1. 7.

b. Voir plus haut, p. 317, i. i5 à p. 3i9, 1. 26.

�� � 11,401-40». CXLVI. — II Octobre 1638. 395

nent de luy, qui font fi faciles qu'elles ne valent pas feulement le parler ; ce qui fait qu'il fe rendroit mépri- fable à ceux qui en connoiffent le peu de valeur, fi d'ail- leurs on ne connoilToit fon mérite. Comme touchant ce

5 qu'il dit de la façon dont il a trouué fa Roulette, &c. Et en ce qu'il dit que ie n'aurois pas trouué l'efpace de fa Roulette, fi vous ne m'eufTiez mandé qu'il eftoit Triple du Cercle, il eft peu iudicieux. Car : i . il n'eft Triple qu'en vn feul cas, & la façon dont ie Tay trouué

10 s'étend à tous les autres, mefme lors que la Roulette eft vne Ellipfe, ou deux hyperboles,* &c. ; 2. ie n'ay point fi bonne opinion de luy que de m'eftre arrefté à ce quil difoit. Et enfin l'exemple de M. F(ermat), qui, après l'auoir fceu, comme moy, du Cercle, a nié au

1 5 commencement qu'il fuft vray *", monftre affez que cela n'aide gueres à en trouuer la demonftration ; comme en effet, à caufe qu'il n'eft vray que d'vn feul cas, il v peut plutoft nuire qu'y feruir, lors qu'on veut chercher généralement ce qui en eft.

20 I Le folide de la Roulette eft beaucoup plus grand

que vous ne mandez, & ie croy qu'on en peut trouuer

la iufte grandeur"; mais ie ne veux point m'arrefter à

la chercher, car, en effet, ie renonce à la Géométrie.

Les Objedions de Monfieur (Beaugrand)^ eftoient

2 5 femblables à fon Liure, & i'en euffe bien mieux monftré

2 le] la peine d'en {Inst.).

a. Cf. plus haut, p. 262-263, et p. 3i2, 1. ig-zS.

b. Voir Œuvres de Fermât, t. II, 1894, p. i35 (Lettre de février i638,

S7-)-

c. La solution communiquée par Mersenne devait provenir de Roberval.

d. « Monfieur N. » Clers. Il s'agit des objections réfutées ci-avant, p. 326, 1. 20 à p. 328, 1. 3i.

�� � 396 Correspondance. ii, 402,

les deffauts que ie n'ay fait, fi i'eufle efté afluré qu'elles venoient de luy. Mais, ie vous prie, ne le preflez point de m'en enuoyer d'autres ; ou plutoft ie vous prie, s'il vous en donne, de ne me les point enuoyer, car ie n'ay que faire de fes rêveries, & il ne me peut eftre que 5 defauantageux d'auoir affaire à vn tel homme.

Pour Monfieur (Boulliau), ie vous diray qu'on m'en- uoya fon Liure de Natura lucis', il y a cinq ou fix mois, auec le iugement qu'il faifoit de moi, à fçauoir que ie fuiuois la Philofophie d'Epicure, & ouurant fon Liure, 10 ie tombay par hazard fur l'endroit où il dit que lux eji mediumproportionaleinterfubjîantiam&accidens, en quoy ie ne trouuay pas beaucoup de folidité ; & pource que ie me trouuay auoir lors quelque deffein à acheuer, ie ne pu le lire tout entier, & le renuoyay peu de temps i5 après, en témoignant que ie ne voulois point m'arref- ter, ny à son jugement ny à fon Liure; mais ie ne fçauois point que ce fiift le mefme qui a écrit du mou- uement de la Terre.

Pour l'Echo % i'admire que vous m'eftimiez fi fimple, 20 que de penfer que quelque lean des vignes*^ m'ait abufé :

7 (Boulliau)] N.

a. Voir p. 5i ci-avant, 1. 11-26.

b. Philolai sive dissertationis de mundi systemate libri IV, ouvrage qui parut anonyme en «ôBg, à Amsterdam, chez les Blaeu. — Voir t. I, p. 290, éclaircissement sur p. 288, 1. 5.

c. Voir plus haut, p. 33o, 1. 5.

d. On trouve p. 33 1 des Curiosité:^ /rançoises , recueil de plusieurs belles propriété:^, avec vne infinité de Prouerbes et Quolibets, etc., par Antoine Oudin (A Paris, chez Antoine de Sommaville, 1640, in- 12), l'ex- plication de ce dicton populaire : « Le Mariage de lean des vignes, chacun » prend son pacquet le lendemain, i. coucher auec vne femme ou vne » garce, et s'en aller le matin sans la revoir. »

�� � ii,4«»-4o3. CXLVI. — II Octobre i6)8. 397

car ie vous aiTure que ie l'ay obfenié aux champs, en mon propre iardin, où il n'y a perfonne aux enuirons qui puiiTe y faire aucune fourbe, ny en donner le moin- dre foupçon qu'on puifle imaginer. Et encore mainte- 5 nant, il y a vne planche de Cicorée fauuage, dans la- quelle il répond vn peu quand on frappe des mains ; mais les grandes herbes où il répondoit le plus dif- tindement ont eflé coupées. Au refte, la raifon de cet Echo me femble fi claire, que ie ne doute point qu'on

10 ne le puifle rencontrer en plufieurs autres lieux, comme, par exemple, dans les bleds quand ils font fort hauts & prefts à coupper:

Pour les diuers Tons d'vne mefme Cloche, ce font, ie croy,|la quinte, l'oftaue, la 12, la 15, la 19, etpeut-

i5 eftre auffi la 17 Majeure.

l'ay lu enfin l'écrit du coufin de M. N^., pource que vous l'auez voulu, & ie l'ay trouué moins médifant, mais encore plus impertinent que ie ne penfois en effet. Le Dodeur d'vne Congédie Italienne, en jouant

20 le perfonnage d'vn Pédant, ne fçauroit dire de plus grandes fottifes que fait cet homme en parlant ferieu- fement. Et fi M. de Sainte Croix a iugé qu'il eufl quel- que objedion qui fuil forte contre moy, c'eft fans doute que, n'ayant pas vu ou bien ne fe fouuenant ,5 plus de ce que i'ay écrit, il a fuppofé que i'auois écrit les chofes que réfute cet homme, lefquelles font fou- uent fort mauuaifes, mais elles ne viennent que de fon efprit, qui a pris tout ce que ie difois à contre-fens, à caufe qu'il n'eiloit pas capable de l'entendre. Et le

a, « M. du Maurier ., d'après la lettre CLXXIV, Clers., II, i86. Cf. Lettre CLII ci-après, Clers., II, 437.

�� � )98 Correspondance. 11.403-404.

fieur N '. a fait le femblable, finon qu'il eft encore plus médifant, &. plus digne de ce à quoy M. d'Igby con- damnoit l'autre : car pour cettuy-cy, ie croy que c'eft feulement la paffion qu'il a pour Ariftote qui l'a émeu ; et ie m'eflonne de ce qu'il ri'efl Peripateticien plutoft 5 qu'Huguenot, vu qu'il eflime fi fort les Anciennes opi- nions, & les Nouuelles fi peu. le fuis tres-humble fer- uiteur de M. de Sainte Croix, & ie vous prie de m'en- tretenir toujours en fes bonnes grâces.

Vous me mandez que le fieur N ^ n'eft point fourbe, 10 & ie le veux croire, mais ie vous diray pourtant que ie n'ay trouué aucune franchife en fes procédez ; & ie ne m'eftonne pas de ce qu'il fe dédit quelquesfois, car il fait fouuent des iugemens û prompts & fi étourdis, qu'il y eft contraint. ,5

le ne fçay ce qu'il vousplaift que ie faffe de la pro- meffe du fieur (Petit), car outre que ie n'ay point de Lunettes à luy vendre, de que cela n'eft pas de mon meftier, elle contient vne condition que i'ay demonftré eftre impoffible, à fçauoir qu'on faffe voir beaucoup 20 d'objets, & enfemble qu'ils paroiffent fort gros. Mais ce qu'il euft dû demander, eft qu'ils paruffent enfem- ble fort gros & fort clairs, mais non pas en grande quantité, ou en vn grand efpace. Et il monftre en cela, ou bien qu'il ne fçait pas en quoy peut confifter la 25 bonté d'vne Lunette, ou bien qu'il a voulu fe referuer

17 (Petit)] N.

a. Petit ou Beaugrand ?

b. Voir plus haut, p. 336, 1. 11-14.

c. Fermât?

�� � II. 4«4- CXLVI, — II Octobre i6j8. J99

vne excufe pour ne point payer ; c'eft pourquoy i'ay iugé que ie deuois vous la renuoyer.

Ce que dit Galilée, que les Cors qui defcendent paflent par tous les degrez de vitefTe, ie ne croy point 5 qu'il arriue ainfi ordinairement, mais bien qu'il n'eft pas impoffible qu'il arriue quelquesfois. Et il y a du méconte en l'argument dont fe fert M. F^ pour le réfuter, en ce qu'il dit que acquiritur celeritas, vel in primo injîanti, vel in tempore aliquo determinato ; car ny 10 l'vn ny l'autre n'eft vray, & en termes d'Efcole on peut dire que acquiritur in tempore inadé- quate fumpto. Enfin tout ce qu'il dit des degrez de vitefle du mouuement, fe peut dire en mefme façon des degrez 1 5 de largeur du triangle A B C , & toutes- j fois ie ne croy pas qu'il veuille nier qu'entre le poind A & la ligne BC, toutes les largeurs qui font moindres que B C ne s'y rencontrent.

Vous remarquez fort bien en voftre lettre quelques- 20 vns des Paralogifmes de Galilée ; mais i'ay dit, au commencement de celle-cy, ce que ie penfois de tout fon Liure.

le vous remercie de voftre expérience du Cylindre

de chefne. le n'attribue rien du tout au Vuide, ny à la

25 crainte du Vuide ; & toutesfois ie vous diray que

l'explication de toutes les chofes dont traitte Galilée,

eft fort facile félon mes Principes.

le n'ay encore fceu voir M. B(annius), pour luy

a. Frenicle plutôt que Fermât, qui devait au contraire démontrer rigou- reusement l'assertion de Galilée {Œuvres de F., t. II, p. 267 et suiv. ; lettre à Gassend de 1646).

��� � 400 Correspondance. it. 404-405.

demander s'il n'a point la pièce de Mufique que vous auez égarée ; ce fera pour cette femaine.

le viens encore de receuoir vne de vos Lettres du dix-huitiefme Septembre, à la plufpart des articles de laquelle i'ay défia répondu cy deiîus, & i'ay feule- 5 ment à adjoufter que ie vous remercie tres-humble- ment de la peine que vous auez prife d'écrire à la Flèche & à Rome pour mon fujet, & ie vous en fuis tres-obligé. le fuis auffi obligé à Monfieur des Argues, de ce qu'il témoigne eftre bien aife que i'ay fatisfait 10 aux queftions de | Monfieur de R(oberual). le vous prie de m'entretenir en fes bonnes grâces.

le n'ay nullement changé de médium en ma de- monftration de la Roulette*, car il confille en l'égalité des triangles infcrits, ce que i'ay toufiours retenu; i5 mais ie l'auois trouué la première fois analyticè; et depuis, pour ce que i'ay vu qu'il n'en auoit fceu faire le calcul, ie I'ay expliqué Si^rés fyntheticè. Il de- uroit auoir honte d'auoir nié ma première demonftra- tion, c'efl; à dire de n' auoir fceu calculer les triangles ao infcrits dans cette Roulette & dans le Cercle. Il de- uroit auffi auoir honte de fe vanter qu'il a vn médium pour trouuer les Tangentes de la Roulette, qui s'ap- . plique à tous les cas ; car celuy que ie luy ay enuoyé eft fi gênerai, qu'il ne fert pas feulement pour tous a 5 ceux de la Roulette Circulaire, mais auffi pour les li- gnes décrites par tels autres Cors que ce puiffe eftre, qu'on fafife rouler fur vn Plan, foit Curuiligne, ou Rediligne, &c.

Au refte, ie vous fupplie de retenir entre vos mains 3o

a. Sur la quadrature, p. i35-i37 et p. 257-263 ci-avant.

�� � Il, 4o5-4o6. CXLVI. — II Octobre 1638. 401

tous les papiers que ie vous ay enuoyez qui contien- nent des folutions de Géométrie, fans leur en donner que des copies, s'ils en veulent; & fi vous leur en auiez prefté quelques-vns, qu'ils euflent refufé de vous ren-

5 dre, ie vous fupplie de me le mander.

Pour la queftion de M. N*. touchant vn Cylindre égal à vn Anneau, elle eft trop facile, & ie vous prie de luy dire que ie n'ay pas voulu vous répondre autre chofe là deffus, finon que ie voy bien qu'il a

10 défia vfé toute fa meilleure poudre contre moy, & que celle dont il tire maintenant a fort peu de force : car en effet ie ne veux plus du tout leur rien ré- pondre, & ie fuis las de leur Géométrie ; mais ie vous iure que, fans plume ny calcul, auec vn feul mo-

i5 ment d'attention, ie voy qu'il eft égal au Cylindre dont la bafe eft vn petit cercle égal à la grofljeur de cet Anneau, & dont la hauteur eft égale à la Circon- férence du Cercle qui pafiTe par le Centre de cette groffeur; et de plus la furface de cet Anneau eft égale

20 à celle de ce mefme Cylindre, fans fes bafes; & voila tout ce qu'il peut auoir trouué fur j ce fujet. Mais fçachez que ce n'eft rien qui vaille le parler; car d'au- tant qu'on ne fçauroit égaler vne ligne droite à vne circulaire, on ne fçauroit pour cela donner la hauteur

a5 de ce Cylindre, & ainfi il fe vante d'auoir trouué ce qui ne peut eftre trouué. Et ie vous diray que ie n'ay point voulu répondre touchant la furface d'vn Cône fcalene, à caufe que ie croy qu'ils ne la fçauent point, ny mefme fi elle eft poflible ou non, & qu'ils le veu-

3o lent apprendre de moy, fans m'en fçauoir gré. Car ie

a. Roberval?

Correspondance. II. 5i

�� � 402 Correspondance. 11,406.

penfe fçauoir fort bien maintenant iufques où va la portée de leur efprit, & s'il a eflé vn an à chercher quel eft le Cône qui a la plus grande folidité auec la moindre furface, qui eft vne chofe que ie viens de trouuer en vn trait de plume, ie vous affure qu'il luy 5 faudra plus d'vn fiecle à bien entendre ma Géomé- trie. Et pour la réfutation de l'opinion de Galilée tou- chant le mouuement fur les Plans Inclinez, M, F(er- mat) fe méconte, en ce qu'il fonde fon argument fur ce que les poids tendent vers le Centre de la Terre, 10 qu'il imagine comme vn poind, & Galilée fupofe qu'ils defcendent par des lignes parallèles. le fuis,

Page 38o, 1. 3. — Le dernier ouvrage de Galilée, désigné le plus sou- vent sous le titre abrégé de Dialoghi délie Nuove Science, fut confié par lui, en manuscrit, au duc de Noailles, ambassadeur de France à Rome, lequel se chargea de le faire imprimer en Hollande. Les interlocuteurs de ces dialogues sont les mêmes (Salviati, Sagredo, Simplicio) que ceux des Massimi Sistemi, et de même que dans ce célèbre ouvrage, ils conversent pendant quatre journées. Les deux premières sont consacrées à la cohésion des solides et à la résistance des matériaux, les deux dernières aux lois du mouvement uniforme, du mouvement uniformément varié des graves, et du mouvement parabolique des projectiles. Dans les éditions à partir de 171 8, on a ajouté, d'après les papiers de Galilée (en dehors de certains développements particuliers), deux nouvelles journées, l'une (incomplète) sur la théorie des proportions, l'autre sur la force de percussion.

La critique des Nuove Science, consignée par Descartes dans la lettre ci-dessus, a donné lieu à d'ardentes protestations et à de sévères juge- ments. On a un peu trop oublié que cette critique, faite au courant de la plume et pour Mersenne seul (voir p. 388, 1. 11), n'a nullement le carac- tère d'une attaque; mais il n'en est pas moins vrai que sa publication a fait plus de tort à la mémoire de Descartes lui-même qu'à celle de Galilée.

Son intérêt est aujourd'hui purement historique; elle peut servir à ap- précier, plus exactement que sur tout autre document, la différence entre les idées et les tendances scientifiques du grand penseur italien et du phi- losophe français. Mais il faut, pour cela, lire tout au long les pages (d'ail- leurs toujours intéressantes) auxquelles se rapportent les remarques de Descartes. Dans les éclaircissements qui suivent, nous ne pourrons donner que de brèves explications sur quelques points particuliers.

�� � CXLVI. — II Octobre 1638. 40}

Page 38 1, 1. 8. — Descartes vise le titre de l'ouvrage : Discorsi e di- mostra^ioni matematiche intorno a due nuove science, car la première question soulevée par Galilée n'est, pour ce dernier, qu'une occasion d'en- trer en matière, appropriée à la forme dialoguée qu'il a choisie; jamais il n'a parlé de faire de cette question l'objet spécial d'une nouvelle science. Mais il n'est pas moins certain que les deux premières Journées de son dialogue (en dehors des nombreuses digressions qu'elles renferment) suf- fisent pour lui assurer le titre de créateur de la théorie de la résistance des matériaux, de même que les deux dernières Journées constituent le fonde- ment inébranlable de la dynamique, dont on ne savait rien auparavant. Sur ce dernier point, le rôle de Galilée est universellement connu; sur le premier, comme les résultats de ses travaux n'étaient pas de nature à frapper aussi vivement les esprits, ce rôle est plutôt oublié. Il n'en con- vient que davantage de le rappeler.

Page 38 1 , 1. 24. — Galilée insiste, au contraire, sur ce fait d'expérience que plus on polit'deux surfaces planes, plus on augmente leur pouvoir adhésif.

Quant à l'invention dont il est fait mention 1. 25, elle est exposée par Sagredo comme un artifice imaginé par un jeune homme de ses parents; Galilée (qui se fait spécialement représenter par Salviati) ne donne donc nullement cette invention comme sienne, et il ne s'en sert que pour illus- trer sa doctrine. L'artifice consiste en un cylindre de bois, dont la surface est creusée en pas de vis; on engage dans les spires une corde suspendue suivant laquelle on doit descendre; on peut ensuite se suspendre par les mains au cylindre, qui glisse alors le long de la corde sous le poids du corps. En employant comme intermédiaire deux mâchoires concaves qui embrassent le cylindre, il est aisé, selon qu'on les serre plus ou moins, de ralentir ou d'accélérer la descente.

Page 382, 1. 21. — Quoique Descartes ait attribué avec raison à la pe- santeur de l'air (à la vérité ici avec quelques réserves) un effet que Galilée attribuait à l'horreur du vide, leurs deux conceptions n'étaient pas essen- tiellement contradictoires, puisque Descartes niait la possibilité du vide et que Galilée a admis, comme lui, la perméabilité des solides par une matière très subtile (qu'il appelle/ew); que, d'autre part, Galilée considère l'effet dont il s'agit comme mesuré par le poids d'une colonne liquide. Dans les apostilles qu'il dicta à Viviani sur les Nuove Science, il a même suggéré la célèbre expérience de Torricelli, plus aisée en tous cas que celle qu'il proposait dans son livre. Quant aux objections de Simplicio contre cette dernière expérience, elles se rapportent à la difficulté de se garantir contre la rentrée de l'air (ou d'une autre substance plus subtile) dans un espace clos où l'on produirait le vide apparent. Salviati y répond victo- rieusement.

Page 383, 1. 9. — Il s'agit ici, tout d'abord, de l'explication tentée par Galilée pour rendre compte des phénomènes d'adhésion et de cohésion, qu'il attribuait à la pression du feu sur les particules des corps. Mais le

�� � 404 Correspondance.

dialogue présente ensuite une longue digression destinée à faire concevoir, dans une étendue finie, une infinité de vides infiniment petits. Galilée considère un polygone régulier, par exemple un hexagone ABCDEF, roulant sur une droite A B X S , et un autre hexagone plus petit H I K L M N , concentrique au premier, et entraîné par son mouvement. Sur la droite HI, parallèle à AB, les côtés de ce second hexagone viennent successive- ment occuper des segments HI, OP, YZ, etc., séparés par des intervalles 10, P Y, etc. De même, le centre G des deux hexagones vient successive- ment occuper des points isolés G, R, etc. sur la parallèle GV à AB. Galilée suppose ensuite que le nombre des côtés des polygones soit indé- finiment multiplié, et il applique aux cercles limites les remarques qu'il a faites. Tandis que le cercle extérieur roule sur une droite égale à sa cir- conférence, le cercle intérieur s'applique sur une infinité d'éléments d'une droite égale à la précédente, mais ces éléments doivent être regardés comme discontinus et séparés par une infinité d'autres éléments vides. De même, la droite parallèle, passant par le centre, sera regardée comme constituée par une infinité de points isolés et une infinité de vides.

Il ressort de cette discussion qu'en parlant de petits vides physiques, Galilée les entend beaucoup plutôt comme étant en puissance que comme étant en acte. Au point de vue mathématique, son langage, que Descartes traite ici de sophistique, est pour le moins aussi rigoureux que celui des créateurs du calcul infinitésimal, et n'a rien qui puisse aujourd'hui nous choquer réellement.

Page 383, 1. i5. — L'argument visé repose sur les considérations sui- vantes :

Soient un cylindre circulaire droit, dont la hauteur est égale au rayon de la base; un hémisphère (inscrit) ayant pour base la base supérieure du cylindre; enfin un cône ayant, au contraire, pour base la base inférieure du cylindre, et pour sommet le centre de la base supérieure. Si l'on coupe les trois corps par des plans parallèles aux bases du cylindre et de plus en plus voisins de la supérieure, la section du cône (qui se rapproche indéfi- niment du sommet) est constamment égale à l'anneau circulaire compris entre la surface sphérique et la cylindrique (anneau qui se rapproche indé- finiment de la circonférence de la base supérieure du cylindre). De même, le volume au-dessus du plan sécant, compris entre l'hémisphère et la sur- face cylindrique, est constamment égal au volume du petit cône au-dessus du même plan sécant.

L'apparence paradoxale de la conclusion, appropriée à la forme dialo- guée des Nuove Science, ne diminue point l'intérêt de ces spéculations sur les infiniment petits, ou indivisibles, comme Galilée les appelle avec son disciple Cavalieri. Il a soin, en effet, et cela suffit, de distinguer leurs divers rapports de grandeur.

Page 384,1. 25. — Cette réfutation d'Aristote porte sur la thèse que, dans le vide, le mouvement aurait lieu avec une vitesse infinie. Galilée com-

�� � CXLVI. — II Octobre i6jS. 405

mence, en effet, à cet endroit l'exposé des premiers fondements de sa doc- trine de la chute des graves.

Page 385, 1. 14. — Galilée affirmait avoir fait l'expérience de la pesée de l'air (comprimé) d'après deux procédés différents et l'avoir trouvé 400 fois plus léger que l'eau.

Page 385, 1. 24. — Les remarques sur la musique, qui terminent la pre- mière Journée des Nuove Science, sont amenées par la comparaison des mouvements du pendule avec les vibrations des cordes sonores; c'est un sujet qui paraît effectivement, dès le début, dans la correspondance entre Descartes et Mersenne (voir tome I, p. 28-29, ^^^■) I' ^^t néanmoins sin- gulier que Descartes ne relève pas la loi de Galilée sur la proportionnalité de la longueur du pendule au carré de la durée des oscillations; ce qui semble le plus attirer son attention, c'est l'explication, semblable à la sienne, de l'agrément des consonances par la simultanéité des vibrations des cordes. En tous cas, ses deux objections sur la page io3 du dialogue sont incontestablement erronées.

Page 386, 1. 12. — Après s'être relativement étendu sur la première Journée du dialogue. Descartes a rapidement passé sur la seconde, rem- plie surtout par des propositions mathématiques sur la résistance des solides à la flexion. Les procédés indiqués par Galilée, à la fin de cette seconde Journée, pour tracer une parabole, sont les suivantes :

i» Sur un miroir métallique tenu incliné, on fait rouler obliquement une balle de bronze bien polie, mais maniée auparavant dans la main moite ; cette balle laissera sur le miroir une trace parabolique, conformé- ment à la doctrine développée dans la quatrième Journée.

2» On suspend à deux clous fixés à même hauteur une chaînette très mince, dont on marque la forme sur le mur. Galilée se trompait cette fois en croyant que cette forme était celle d'une parabole; mais son erreur n'a pas été reconnue mathématiquement avant Huygens,

Descartes va passer encore plus rapidement sur les deux dernières Journées, à chacune desquelles il ne consacre que deux remarques, malgré leur importance capitale. Il se contente de nier les postulats sur lesquels Galilée a fondé la dynamique, parce que désormais, quant à lui, il ne com- prend le mouvement que dans un milieu et qu'il se refuse à admettre que des abstractions, physiquement irréalisables, puissent servir au progrès de la science. Il lui manque le sentiment des conditions de l'application des mathématiques à des questions autres que celles des nombres, des formes et des grandeurs géométriques, sentiment que Galilée possédait, au con- traire, au plus haut degré.

Page 393, 1. 18. — Fermât avait déjà dû résoudre ce problème par la géométrie pure, puisque, dans le préambule de son traité De contactibus sphœricis [Œuvres de F., t. I, 1891, p. 52), il déclare ne connaître per- sonne qui ait abordé cette matière. Il ne semble pas, malgré l'invitation de Descartes, l'avoir traitée par l'analyse.

��

406 Correspondance. III, 348-349
CXLVII.
Descartes a Fermât.
[11 octobre 1638.]
Texte de Clerselier, tome III, lettre 64, p. 348-349.

Sans date dans Clerselier, mais envoyée en même temps que la précédente, cinq semaines avant la lettre CXLIX, à Mersenne du 15 novembre 1638 (Clers., II, 406).

Monfieur,

Ie fçay bien que mon approbation n'eft point neceffaire pour vous faire iuger quelle opinion vous deuez auoir de vous-mefme ; mais fi elle y peut contribuer quelque chofe, ainfi que vous me faites l'honneur de m'écrire, ie penfe eftre obligé de vous auoûer icy franchement, que ie n ay iamais connu perfonne qui m'ait fait paroiftre qu'il fceuft tant que vous en Géométrie. La tangente de la ligne courbe que décrit le mouuementd'vne roulette, qui eft la derniere chofe, que le Reuerend Père Merfenne a pris la peine de me communiquer de voftre part, en eft vne preuue tres affurée. Car d'autant qu'elle femble dépendre du rapport qui eft entre vne ligne droite & vne circulaire, il n'eft pas aifé d'y appliquer les règles qui feruent aux autres ; et Monfieur de Roberual qui l'auoit propofée, qui eft fans doute auffi l'vn des premiers Géomètres

de noftre fiecle, confeffoit ne la fçauoir pas, & mefme
III.349. CXLVII. — 11 Octobre 1638. 407

ne connoiflre aucun moyen pour y paruenir. Il eft vray que, depuis, il a dit auffi qu'il l'auoit trouuée, mais c'a efté iuflement le lendemain après auoir fceu que vous & moy luy enuoyïons; & vne marque certaine qu'il fe mécontoit, eft qu'il difoit auoir trouué en mefme temps que voftre conftrudion eftoit faufle, lors que la bafe de la courbe eftoit plus ou moins grande que la circonférence du cercle ; ce qu'il euft pu dire tout de mefme de la mienne, finon qu'il ne l'auoit pas encore veuë, car elle s'accorde entièrement auec la voftre. Au refte, Monfieur, ie vous prie de croire que, fi i'ay témoigné cy-deuant n'approuuer pas tout à fait certaines chofes particulières qui venoient de vous, cela n'empefche point que la déclaration que ie viens de faire ne foit tres-vraye. Mais, comme on remarque plus foigneufement les petites pailles des diamans que les plus grandes taches des pierres communes, ainfi i'ay crû deuoir regarder de plus prés à ce qui venoit de voftre part, que s'il fuft venu d'vne perfonne moins eftimée. Et ie ne craindray pas de vous dire que cette mefme raifon me confole, lors que ie voy que de bons efprits s'eftudient à reprendre les chofes que i'ay écrites, en forte qu'au lieu de leur en fçauoir mauuais gré, ie penfe eftre obligé de les en remercier. Ce qui peut, ce me femble, feruir à vous aflurer que c'eft véritablement, & fans fiction, que ie fuis, &c. 4o8 Correspondance. i, 24»-a43-

CXLVIII.

MoRiN A Descartes.

[Paris, octobre i638.]

Texte de Clerselier, tome I, lettre 63, p. 24Î-251.

Sans date dans Clerselier, et avec ce titre : « Réplique de Monfieur Morin, aux II. Réponses de M. Descartes », c'est-à-dire à la lettre CXLIJI ci-avant, p. 362. La première réplique de Morin [lettre CXXXV) étant datée du 12 août i638, entre les deux lettres CXXVII et CXLIII de Descartes, du 1 3 juillet et du [12] septem- bre, cette seconde réplique a certainement été écrite en octobre, entre la lettre CXLIII, du [12] sept., et la lettre CXLIX, du iS nov., où Descartes déclare qu'il ne ripostera plus [Clers., II, 416); on voit même (ib.) qu'elle a été envoyée 'de Paris avant le 2S octobre.

Monfieur,

le ne m'attendois pas à l'honneur que vous m'auez fait dVne féconde réponfe, tant parce que ie m'eftois efforcé de vous diuertir de cette peine, que parce que ie voy bien que ie ne fçaurois bien voir voftre Lumière, 5 que vous ne Texpofiez bien affife fur tous fes fonde- mens. Et en|core que vous vous déclariez vn peu da- uantage que vous n'auez fait cy-deuant, par la décla- ration que vous m'auez faite de voftre conception de la Lumière du Soleil", toutesfois, comme vous dites lo vous mefme, on en peut tirer plufieurs autres diffi- cultez que celles que i'ay touchées iufques icy, dont vous m'écriuez auoir les réponfes toutes preftes, qui

a. Voir plus haut, p. 364, 1. i5, à p. 365, 1. 2.

�� � I, Î43. CXLVIII. — Octobre 1658. 409

ne fe peuuent donner qu'en expliquant toute voftre Phyfique. C'efl donc iufques à ce temps-là que ie veux refenier mon efprit, fans le plus trauailler, ny le voflre aufl], par des objeélions tirées en l'air. Neantmoins ie 5 ne laifferay pas encore pour ce coup de faire, comme en pafTant, quelques remarques fur voflre réponfe à ma dernière, pour voflre plus grande précaution.

4. Bien que le mouuement aduel & l'inclination à fe mouuoir différent comme Tade & la puifTance, vous

10 voulez neantmoins que le mot d'aéîion foit pris non feulement pour le mouuement aéîuel, mais qu'en vne lignification plus générale & plus étendue^ il fignifie aujji l'inclination à fe mouuoir. Or il efl certain que, comme la puiiTance ne fe peut étendre iufques à eflre ade

i5 (car alors elle ne feroit plus puifTance), aufii l'ade ne fe peut étendre, ou pour mieux dire reflrecir, iufques à eflre puifTance à foy-mefme, & Tvn efl incompatible auec l'autre. Et pour la comparaifon que vous apportez de deux aueugles qui tirent & pouffent vn baflon d'é-

20 gale force, il efl bien vray que la priuation de fon mouuement en tels & tels diuers cas fe peut nommer, comme vous dites, les diuerfes allions qui font im- primées en luy par les diuers efforts de ces aueugles ; mais de là vous ne concluez pas que le mouuement

aS foit l'inclination à fe mouuoir, qui efl; le nœud de l'affaire, & ie ne voy pas que vous le puifïiez conclure par là.

6. Si le mouuement dans les cors lummeux efl Vaéîion par laquelle les parties de leur matière fubtile

3o changent déplace., ainfi que vous dites, donc la Lumière dans les cors lumineux, qui efl ce mouuement, fera

Correspondance. II. 5a

�� � 4IO Correspondance. i, 243-144.

l'aélion par laquelle | les parties de leur matière fub- tile changent de place, & non autre chofe. Sur quoy il y aura bien à conteller, fi vous n'y pouruoyez en voftre Phyfique.

8, 9, 10. Si, pour prouuer l'exiftence de voftre ma- 5 tiere fubtile, vous n auez point d'autre fondement que celuy que vous alléguez, à fçauoir que, les pores du bois, du cuir, du papier, &c. ejlant fi étroits que l'air ne les peut pénétrer, ils ne doiuent pas pour cela efire vuides; d'où, il fuit qu'ils doiuent efire remplis d'vne matière plus 10 fubtile que n'efi celle dont ces cors font compofer, a fça- uoir d'vne matière fubtile, il me femble voir bien clai- rement qu'elle eft tres-mal fondée. Car fi l'eau mefme pénètre toutes ces chofes, comme l'on peut aifément reconnoiftre par le bois flotté, qui eft tout moiiillé i5 intérieurement au fortir de l'eau, & dont mefme le fel eft entièrement diflbut par l'eau qui le pénètre (d'où vient que fes cendres ne valent rien à faire lefliues, faute de fel), combien plus facilement feront-elles pénétrées par l'air, qui eft incomparablement plus 20 fubtil & plus fluide que l'eau 1 & combien clairement fe voit-il par là, que votre matière fubtile eft fuper- fluë à remplir les pores des corps ?

Articles du fécond ordre.

I & 2. Quand, dans voftre première réponfe^, vous 35 àS^\Q.z n auoir eu intention de donner aucune définition de la Lumière, vous efiant contente' d'en donner quelques vrayes defcriptions ou explications, ie croyois que vous ne vouliez point encore publier voftre définition de la Lumière, & que vous la referuiez pour voftre Phyfique. 3o

a. Cf. plus haut p. 209,1. i2-i3; p. 366, 1. 23-24.

�� � 1,144-245- CXLVIII. — Octobre 16^8. 411

Mais difant à prefent que vous n auez point eu deffein d'en donner Texade définition par genre & différence^ afin d euiter les difficultez fuperfluës qui en pour- roient naillre, on prendra cela à mauuais augure. Et 5 vous ne deuiez donc point non plus donner vos def- criptions ou explications, puis qu'elles ne peuuent manquer à fournir plus de difficultez que ne feroit vne exade définition, qui dit clairement ce que c'eft que la chofe définie, ainfi que vous pouuez iuger par | mes

10 objedions, fur lefquelles d'autres meilleurs efprits pourront beaucoup enchérir. Et au fonds votre pre- fente réponfe ne touche en rien la contradidion que ie vous ay objedée, mais la confirme plutoft.

^ . le m'étonne que vous faflTiez tant d'ellat des com-

i5 paraifons pour prouuer les chofes Phyfiques, iufques

à dire que, lors qu'on ajjure quelque chofe touchant la

nature, qui ne peut ejlre expliqué par aucune comparai-

fon, vous penfe:^fçauoir par demonjîration que telle chofe

efi fauffe; veu qu'en la nature il fe peut trouuer tant

20 d'effets qui n'ont point de femblables, comme entre autres ceux de l'ayman. Et fi ie vous difois ce que ie fçay des influences celeftes, c'eft bien encore toute autre chofe, vu qu'elles ne reçoiuent en leur manière d'agir autre comparaifon que Dieu mefme . le ne nie pas

25 qu'on ne puiife prefque toujours trouuer des compa- raifons, pour les expliquer tellement quellement; mais il efl queftion de les fi bien expliquer, qu'on en- gendre vne fcience claire de la chofe qu'on traite. Et pour celles dont iufques icy vous vous efles feruy

îo auec moy, ie ne voy pas qu'elles fafifent cet eflfet, ny en moy ny en autruy : mefmes celle que vous prenez icy

�� � 412

��Correspondance.

��1, 345-246.

���d'vn tuyau plain d'eau, & courbé circulairement au- tour de *la terre, ne refout du tout point ma difficulté de l'étincelle de feu, non plus que voftre précèdent

tuyau. Car, au lieu que vous faites les deux bouts A & C 5 fort petits, faites en vn fort grand, pour rendre la chofe plus fenfible : il eft certain que, fi vous l'empliflez d'eau, fermant l'autre bout de peur 10 que l'eau n'en forte, les deux eaux ne font plus qu'vn cors & vne pefanteur; & que, fi vous venez à ouurir le bout qui eftoit fermé, ce cors ne peut plus demeurer en cet i5 eftat, à fçauoir, | partie dans le tuyau, partie dans le grand bout, n'eftant pas en fon affiette & équilibre à l'entour du centre de la terre. C'eft pourquoy tout ce cors, par fon interne pefanteur & fluidité, fe mouura pour fe remettre en l'équilibre auquel il tend par incli- 20 nation; & le mouuement commencera auffi-toft à vn bout de l'eau qu'à l'autre; or tout le mefme arriue, n'y ayant que les deux petits bouts de tuyau A & C. Vous voyez donc que ce tuyau ne refout non plus ma difficultéque le précèdent. A quoy i'adjoute que l'étin- celle qui 'meut la matière fubtile qui eft autour d'elle, ne fe fait pas vn mefme cors auec elle, & demeure im- mobile, tandis qu'elle meut effediuement & extrinfe- quement cette matière fubtile ; mais en la comparai- fon du tuyau l'on voit tout le contraire. 3o

2 point du tout {Inst.).

��25

�� �

4 & 5. Ie ne ſçay pas à qui vous perſuaderez qu’il importe fort peu de penſer que l’air ſoit tranſparent de ſa nature ou par accident ; mais ie ſuis fort aſſuré que cela n’eſt pas bien connoiſtre la nature de l’air. Et ſur ce 5 que, ayant eſté dit par vous, en voſtre premiere réponſe[58], que la matiere ſubtile eſt tranſparente en tant qu’elle eſt dans les pores de l’air, ie concluois que, cela ne luy eſtant qu’vn accident local, elle n’eſtoit donc pas tranſparente de ſoy ; vous dites à preſent que ie 10 conclus tout de meſme que, ſi de ce que vous auriez dit que le Roy a de grans reuenus en tant qu’il eſt Duc de Bretagne, ie tirois cette conſequence que, s’il n’eſtoit point Duc de Bretagne, il n’auroit donc point de reuenu. Ie vous répons que le reuenu du Roy luy eſt vn accident 15 diuiſible & externe, qu’il tire de pluſieurs lieux de ſon Eſtat ; mais la tranſparence eſt naturelle à la matiere ſubtile, comme vous accordez icy, & par conſequent elle ne la tire d’aucun lieu ou choſe externe, comme vous auiez dit en voſtre premiere réponſe ; c’eſt pourquoy 20 la comparaiſon cloche fort, & contient meſme le ſophiſme de la partie au tout ; d’où vient que la conſequence eſt fauſſe. Mais ſi i’auois dit : Louys XIII eſt ſouuerain de Bretagne en tant que Roy de France, il s’enfuiuroit que, s’il n’étoit Roy de France, il 25 ne ſeroit point auſſi fouuerain de Bretagne : car icy le mot en tant que eſt accompagné de la dependance eſſentielle ou neceſſaire, qui luy eſt propre, quand il eſt bien appliqué. Mais pour reuenir à noſtre matiere ſubtile, puiſque vous accordez 30 maintenant qu’elle eſt tranſparente de la nature, ou en ſa 414

��Correspondance.

��1, 347.

��pureté, & qu'elle eft du nombre des cors qui nous en- uironnent, vu que, félon vous, elle s étend fans inter- ruption depuis les allres iufques à nos yeux, ie con- clus qu'elle a donc des pores ou interualles, qui doi- uent eflre remplis d vne autre matière plus fubtile, & 5 ainfi à l'infiny. Et ma conclufion eft fondée fur ce que vous dites dans les pages 2j, ^8&i22 de voftre Dio- ptrique, & dans la page 159 des Météores; lefquelles vous verrez, s'il vous plaift, & vous trouuerez que i'ay raifon. 10

6. Icy vous mettez pour voftre demonftrationvos pe- tites boules de matière fubtile dans vn tuyau ABCD^; mais en l'air elles ne font pas refler- rées & contraintes comme dans des tuyaux. Neantmoins voftre tuyau fer- 1 5 uira à mon deflein. Supofons que B A foit l'horifon, & le Soleil en E fous l'horifon, pouffant la boule i, & par les cen :res des boules i & 4, & auffi par ceux des boules ^, 2, 6, tirons 20 des lignes droites qui paffent fur l'ho- rifon ; il eft certain que la boule mar- quée I ne peut eftre mue vers 8 en ligne droite, qu'elle ne meuue celle qui eft marquée 4; & celle-cy ne peut 25 eftre mue qu'elle ne meuue fa contiguë & fuiuante en la ligne qui paffe fur l'horifon, & le mefme fe dira des boules ^, 2, 6. Donc, par ces lignes droites qui paffent

���a. La figure de Clerselier semble à compléter comme suit : le point A serait à marquer sur la perpendiculaire en B à B C ; un point E (lieu du soleil) vers le haut de la figure, directement au dessus de la boule i.

�� � ſur l’horiſon, on pourra, ſelon voſtre doctrine, voir le Soleil qui eſt ſous l’horiſon, meſme en plaine nuit ; veu que toutes les boules de chacune de ces lignes ſont mües par le Soleil iuſques à l’œil, & que cela 5 ſuffit pour le ſentiment de la Lumiere ; ou vous | ſerez contraint de reformer les deſcriptions que vous en auez données.

8. Puiſque l’opacité vient de la matiere, quelque pure qu’elle ſoit imaginée, il eſt certain que là où il y aura plus de matiere, cæteris paribus, là auſſi il y aura plus de denſité & d’opacité. C’eſt pourquoy prenez de l’eau & de l’air purifiez en perfection, l’eau ſera touſiours plus opaque que l’air en égale épaiſſeur ; & doublant l’épaiſſeur de l’eau, elle ſera encore plus opaque 15 en aparence au reſpect du meſme air : donc le double de l’épaiſſeur de l’eau eſt plus opaque que le ſimple. Et ainſi en eſt-il du verre ; car le double de l’épaiſſeur de l’eau ou du verre fera le meſme effet que le meſme double reduit au ſimple par condenſation ; mais la 20 denſité ſeroit double, & par conſequent l’opacité double. Et l’experience de cecy ſe voit dans les eſſences, huiles & eſprits purifiez par la Chymie juſqu’à telle perfection, qu’ils ne laiſſent plus aucunes feces ou impuretez. Au reſte, ie ne voy pas que les lignes 2 & 17 25 de la 8 page de voſtre Dioptrique parlent de diuers rayons, mais ſeulement du rayon materialiter ſumptum ; et le formel n’eſtant qu’imaginaire ne ſeroit pas propre à vuider noſtre difficulté, car il n’eſt pas ſujet à eſtre deſtourné par aucune rencontre, eſtant touſiours 30 imaginé droit à trauers tous les obſtacles.

9. Vous ayant propoſé deux yeux luiſans, comme 4i6 Correspondance. i, 348-249.

ceux des chats, fe regardans par les deux bouts d'vn mefme tuyau, & vous ayant objedé que, la matière fubtile contenue dans l'air du tuyau ne pouuant eflre mue plutoft par Fvn des yeux lumineux que par l'au- tre, elle demeureroit immobile, & par confequent vn 5 œil ne pourroit voir l'autre, puifque la vifion ne fe fait que par le mouuement de la matière fubtile vers l'œil qui voit; vous me répondez icy que l'inclination de la matière fubtile àfe mouuoir ejî fuffifante, fans le mouue- ment, pour nous faire fentir la Lumière. Et par l'inclina- 10 tion vous n'entendez pas, comme ie croy, la fimple ap- titude à élire miie ; car cette aptitude efl: perpejtuelle en la matière & indéterminée; mais vous entendez l'impreffion faite par le moteur lumineux, & receûe dans la matière fubtile, laquelle imprefîion incline la i5 matière, & la détermine plutoft d'vn cofté que d'autre. Et voila qui eft fort fubtil, puifque chaque œil incline la matière fubtile vers fon oppofé. Mais ie vous répons, en premier lieu, que ou la feule inclination de la ma- tière fubtile eft neceflaire pour nous faire fentir la 20 Lumière, & ainfi le mouuement fera fuperflus ; ou que le mouuement eft encore neceflaire, & ainfi l'inclina- tion feule ne fuffira point. Secondement, que, félon vous, la Lumière ne pourroit eftre veûe dans le vuide, où il n'y a ny matière fubtile, ny aucune autre chofe ; 25 lequel vuide, s'il ne fe donne en la nature, au moins on le peut imaginer, mefmes au deflus du premier Ciel. Or quand ie l'entreprendray, il me fera fort aifé de prouuer que, dato oculo & corpore l'uminofo in con~ grua dijîantia, non potefl non videri lux etiam in vacuo. 3o Finalement ie vous fuplie de croire que ie n'ay point

�� � I, a49-a5o. CXLVIII. OcTOBRE l6j8. 417

fait fi pauure iugement de voftre efprit, que de penfer que vous ayez pris la pouffiere ou les atomes qui pa- roiffent aux rayons du Soleil dans vne chambre clofe, pour la matière fubtile dont vous traitez ; et que moy- 5 mefme ie ne la prens pas pour telle, comme vous penfez. Ma conception eft d Vn ton plus haut; vous fçauez que l'atmofphere, ou inférieure région de l'air, qui finit à la hauteur du crepufcule, eft plus denfe que la fuperieure, tant à caufe des efprits & vapeurs qui

10 s'éleuent du globe terreftre & fe condenfent en cette région, qu'à caufe que le plus craffe de chaque élé- ment s'efface & fubfide toufiours en bas. D'où vient que cette région caufe les refradions des aftres, & réfléchit la Lumière du Soleil au crepufcule ; & mefme

i5 que les Chymiftes, auec le feul tartre calciné & par d'autres voyes, corporifient ou rendent fenfible cet air, & en tirent vne liqueur vifible, qu'ils nomment efprit vniuerfel. Et peut eftre eft-il arriué quelque chofe de femblable à celuy que vous dites auoir vu

20 de l'air opaque dans vn tuyau. Et vous fçauez auffi que c'eft le pro|pre de la chaleur de raréfier & faire boiiillir l'eau. Or l'air eft encore bien plus fufceptible de rarefadion & d'ébullition que n eft l'eau ; c'eft pourquoy le Soleil par fa chaleur raréfie & fait bouillir

2 5 l'air, & cette ébullition ou mouuement paroift en la bafife région de l'air, principalement en efté, à caufe qu'elle eft plus denfe ; ainfi mefmes que l'on peut ob- feruer fur les charbons qui ne jetteront ny flame ny fumée. Mais cela ne paroiffant qu'en prefence de la

3o Lumière, i'ay penfé, & peut-eftre auec raifon, que ce

1 après fait] vn aj. (Inst.).

CORRBSPOHDANCB. II. 53

�� � 4i8 Correspondance. i, jSo-ïs».

mouuement de l'air en prefence de la Lumière auoit donné lieu à vos conceptions de la matière fubtile. Quoy qu'il en foit, ie finis mes objeélions, iufques à ce que voftre Phyfique foit en lumière, & cependant ie veux demeurer a perpétuité ... 5

Relifant la prefente réponfe, i'ay veu qu'il eftoit be- foin d'y adjouter encore ce qui fuit, afin que vous y preniez garde :

ij du premier ordre.

Vous voulez que vos boules de la page 258 des Me- lo teores foient des boules de bois ou autre matière, & non des boules de voftre matière fubtile, comme tout le monde le croira, fi vous n'y pouruoyez ; et pour voftre raifon, vous dites que vous aue:^ voulu donner à entendre vojîre conception par quelque chofe de plus f en- i5 Jîble que ne font les boules de la matière fubtile^ & ainjî foumettre vos raifons au iugement de l'expérience. Mais, en premier lieu, il n'y a homme au monde qui puiffe faire l'expérience que vous dites fur des boules de bois. Secondement, pourquoy faites-vous la boule V 20 mobile en l'air feulement en ligne droite, & les autres encore en rond, vu que toutes les boules de la matière fubtile fe meuuent en l'air circulairement & en ligne droite tout enfemble, félon ce que vous dites en la page ijil En troifiéme lieu, pourquoy n'auez-vous 25 pas expliqué les propres mouuemens des boules de voftre matière fubtile, & les efiets qu'elles font quand elles viennent à rencontrer quelque fuperficie plus fo- lide, fans em|prunter des boules, lefquelles mefmes vous fupofez ne fe pas mouuoir comme la matière 30

�� � i, 35r. CXLIX. — i^ Novembre 1638, 419

fubtile ? Vous euffiez mieux contenté les efprits, puif- que ny les vnes ny les autres de ces boules ne fe peu- uent expérimenter. De plus, quand en la page 258 vous dites : ce qui explique l'aéîion du rayon DF & EHy

5 ie ne fçay pas qui verra clair dans voftre explication ; mais pour moy, ie confefle franchement en cela mon ignorance.

8 du fécond ordre.

Vous voulez qu'il puiiTe y auoir mefme proportion

10 entre la matière fubtile & les pores à trauers lefquels elle pafle, comme entre les grains de fable & les trous qui fe trouuent dans vn tas de baies ou de pommes. Voila qui va bien. Mais ie vous ay objedé que le fable couloit à trauers ces trous par fa pefanteur ou inclina-

i5 tion qui le porte en bas, & que la matière fubtile n'a de foy ny pefanteur, ny aucune inclination plutoit d'vn cofté que d'autre, & partant que la comparaifon eft nulle, qui eft le principal point de mon objection, auquel vous ne répondez point. le fuis, &c.

��CXLIX.

Descartes a Mersenne.

i5 novembre i638.

Texte de l'exemplaire de l'Institut, tome II, letrre 92, p. 406-421.

Variantes d'après le texte de Clerselier, l'exemplaire de l'Institut a été collationné sur l'original, aujourd'hui disparu, mais qui était la 20* lettre de la collection La Hire, ^a 12' du classement de dom Poirier.

�� � 420 Correspondance. n, 406-407.

Mon Reuerend Père,

Tay receu quatre de vos lettres depuis que ie vous ay écrit mes dernières, qui fuft il y a cinq femaines", & pource qu'aucune des voftres ne m'apprend que vous les ayez receuës, i'ay quafi peur qu'elles ayent 5 efté mal addreflees ; de quoy ie ferois marry, car elles font fort amples. l'y ay mis mon opinion du liure de Galilée, ma réponfe aux queftions de M. de Beaune*=, vne lettre pour M. de Fermât '^, | & la promeffe du fieur Petit que vous m'auiez enuoyée^ Si tant eft que vous 10 ne les ayez point receuës, ie vous prie de faire enqué- rir chez le Meflager à qui il les a données ; car elles doiuent auoir efté à Paris enuiron la my-odobre & ne peuuent eftre perdues, fi ce n'eft que quelqu'vn les ait demandées au Meflager en voftre nom, qui ait efté i5 curieux de les retenir.

Vous commencez la première de vos lettres par la difpofition de ce Bohémien qui faute cinquante fe- melles; ce que ie n'admire pas moins que vous, &on voit par là que l'exercice peut changer extrêmement 20 noftre nature.

6 tres-marry. — 8ajpresM.de — i3 doiuent... & ow. —

Beaune], & à tous les articles i b demandées au] prifes chez

de vos Lettres précédentes, i'y le. — i5-i6 qui... retenir] &

ay joint auffi aj. — 9 Fermate. elles doiuent auoir efté à Paris

— 10 Petit] N. — II faire] vous. enuiron la my-Oftobre.

a. La lettre CXLVL du 1 1 octobre, ci-avant p. 379.

b. Pages 38o-?88 ci-avant.

c. Pièce perdue. Voir ci-après p. 424, 1. 14, et lettre CLVL

d. Lettre CXLVn, p. 406.

e. Cf. p. 398. 1. 17.

�� � 11.407 CXLIX. — 15 Novembre i6)C. 421

L'Echo dont ie vous ay écrit cy-deuant^, ne répon- doit aucune fiUabe, mais feulement vn fon aigu tout femblable à celuy d vn poulet, & il répondoit mieux au frappement de mes mains qu'à ma voix. 5 Les fautes d'écritures qui efloient en l'introdudion à ma Géométrie^ ont efté bien remarquées, ainfi qu'a- uouë celuy qui Ta compofée ; mais il les excufe, fur ce qu'il a changé plufieurs chofes en la tranfcriuant, en forte que la copie qu'il en a eft fort diflferente de

10 celle qu'il vous a enuoyée. l'ay de l'obligation à ceux qui ont eu foin de la faire fi bien écrire, & il vaut mieux en lailïer prendre ainfi des copies à ceux qui en defireront, que de la faire imprimer.

le ne puis iuger autre chofe de TEcho que vous dites

i5 répondre mieux à deux certains tons qui font vne fexte qu'à aucuns autres, finon qu'il faut que le cors d'où il vient foit compofé de deux fortes de parties, dont les vnes s'accordent auec l'vn de ces tons, & les autres auec l'autre, ce qui peut aifément élire entendu

20 par l'exemple d'vn luth, dont la plufpart des cordes foient accordées à l'vnifTon, & les autres à la fexte de cet vnifTon. Car fi on entonne de la voix quelque fon, qui ne foit point accordant auec l'vn de ces deux, le ventre du luth ne laiffera pas de raifonner quelque peu

3 à celuy] au cry. — poulet] d'vne. — 16 aucuns] tous les. —

foufflet. — 6 ainfi qu'] comme. 17 deux fortes de] diuerfes. —

— 7 les] s'en. — 10 celle] ce. 20 plufpart] moitié. — 21 foient]

— enuoyé. — 1 1 écrire] tranf- feroient toutes. — 22 fi on cn- crire. — 12 ainfiow. — i5 cer- tonne] en entonnant. — 23 l'vn tairs om. — font vne] différent de ces deux] ces cordes.

a. Lettre GXXXVIII, page 33o ci-avant, 1. 3-23. Cf. p. 396, 1. 20.

b. Voir pages 3?2, 1. 14 ; 392, 1. 24, etc.

�� � 422 Correspondance. 11,407,410.

comme vn Echo ; mais û Ton entonne Tvn des deux fons aufquels fes cordes font accordées, il raifonnera beau- coup dauantage.

j le vous remercie des expériences que vous me man- dez auoir faites auec vn tuyau plein d'eau ; mais ie ne 5 les fçaurois entendre, à caufe que ie ne fçay point ce que vous prenez pour la longueur du iet perpendicu- laire, ou horifontal, &c. Mais celles qu'on peut faire auec ce tuyau, qui me femblent vtiles, & defquelles on pourroit déduire prefque tout ce qui appartient à 10 cette matière, font celles-cv.

Premièrement, il faudroit le diuifer par dedans en quatre parties égales ou dauantage, & laiffant couler par le robinet toute l'eau dont il feroit plein, mefurer exadement en combien de temps la première partie fe 1 5 vuideroit, en combien la féconde, & ainfi des autres : car il n'y a point de doute que les plus baffes parties employeroient plus de temps à fe vuider que les plus hautes ; mais c'eft l'expérience qui doit enfeigner com- bien. Il faudroit auffi mefurer l'eau écoulée de chaque 20 partie du tuyau, pour voir s'il auroit efté bien iufle- mentdiuifé.'

L'autre expérience que ie defirerois efl telle. Soit

��2 font] feront. — 4 Clerselkr intercale ici, d'abord, les trois alinéas commençant à : l'ay fceu il y a long-temps... [ci-après p. 42 j, l. iS),puis les deux an- térieurs, commençant à : Ce que vous dites auoir arrefté... (a- après p. 425, l. 14. — le vous remercie {Clers., p, 410, l. 5).

��— 5 plein] remply. — 8 celles] les Expériences. — 12 il fau- droit] ie voudrois. — par de- dans ow. — i3 parties égales om. — afrèj dauantage] départies^/".

— i8 employeroient] feroient, 20-2 1 de . . . tuyau om. — 2 1 s'il] fi le tuyau. — 21-22 iuflement om. — 23 Soit] Qu'.

�� � lO

��20

��11,410-411. CXLIX. — 15 Novembre i6j8.

��42?

��abcd le tuyau, def {on robinet, dont ie fupofe la partie e/eftre mobile, & que fon extrémité y eft enmefme plan que le fonds du tuyau cd; ie voudrois que, le bout du robinet eftant incliné de quarante - cinq degrez fur l'horifon, on traçaft fur vne muraille^ contre laquelle il

���faut mettre | ce tuyau, la li-

��gne que fait le filet d'eau fg, tant en montant qu'en def- cendant, iufques à 1 5 ou 20 piez plus bas que ce robinet. /, .' • ; • ■ Et afin qu'on ait tout loifir de ■ •

faire cela, fans que l'eau du tuyau fe diminue, il faut qu'il en coule cependant d'vn au- tre vaiffeau pofé au deflus, comme h, par vn trou plus large que ccluy du robinet ;

car ce qu'il y aura de trop s'écoulant par deffus les bords du tuyau, il fera toufiours également plein. Ayant ainfi tracé la ligne que décrit le iet de quarante- cinq degrez, il faut auffi décrire celle du iet hori-

��r - - — * *~-

��/

���I avant le] foit aj. — après tuyau] plein d'eau aj. — 5 après robinet] e/aj. — 7-9 traçaft. . . ce] décriuift fur vn mur contre lequel feroit le. — 9 av. la ligne] toute aj. — I o fait] reprefente. — 32 après tuyau] a b aj. — . il. . . plein] n'y nuira en rien. —

��23 Ayant] Apres auoir. — 24 iet] filet d'eau, lors que le robinet eft incliné, -r 24 à 3, p. 424, il faut. . . pour en] ie voudrois faire le mefme lors qu'il eft in- cliné de 3o & de 60, & lors qu'il eft Parallèle & Perpendiculaire à l'horizon, car de ces cinq poû-

�� � 4^4 Correspondance. w, 411.

zontal, du perpendiculaire, de celuy de 22 degrez & demy, de 30 degrez & de 60, ce qui fuffiroit, comme ie croy, pour en déduire tous les autres. Or après auoir tracé ces lignes fur vne muraille, en les com- mençant toutes par le mefme poind/, c'eft à dire en 5 mettant toufiours l'extrémité du robinet au mefme lieu, il fera aifé de fuiure les mefmes proportions pour les tracer en petit volume. Il feroit bon auffi par après de tracer les mefmes lignes pendant que le tuyau n'eft que demy plein, à fçauoir en y faifant vn trou vers k, 10 par lequel le vuide le furplus de Teau qui tombera du vaifleau h.

le fuis bien aife que M. de Beaune fe foit fatisfait touchant fes lignes. Il pourra voir fi ma réponfe^ s'ac- corde auec ce qu'il en a trouué ; mais ie m'étonne de i5 ce qu'après auoir remarqué que la définition que ie donne des lignes du premier genre, conuient à la pre- mière des liennes, il n'a pas pour cela reconnu qu'elle efl vne hyperbole ; car il eft très certain qu'elle en eft vne, & ie luy en enuoyerois la conflrudion^ finon que 20 ie veux croire qu'il l'a défia trouuée, depuis ma ré- ponfe.

Pour l'excufe de ceux qui vous mandent qu'ils ne me peuuent faire d'objedions, à caufe que ie ne dé- tiens, on peut. — 3 tous] toutes. — 9-10 n'eft plein qu'à demy. — — 4 après auoir] ainfi aj. — 1 1 tombera] tombe dedans. — après ces] cinq aj. — après \b et 20 ^n om. — 20 conftruc- lignes] en grand volume aj. — tion] façon de la conftruire. — 7 il fera aifé de] on pourroit 21 veux croire] me perfuade. — aifément. — 8 II feroit bon] On après depuis] qu'il a eu aj. — peut. — 9 de tracer] obferuer. 23 l'excufe de om.

a. Voir : plus haut p. 420, 1. 8 ; ci-après, p. 435, 1. 3, et p. 438, 1. 10.

�� � II.4M-4IÎ, 409- CXLIX. — i^ Novembre i6j8. 425

clare point mes principes , c'eft plutoft vn prétexte qu'ils prennent, qu'vne raifon qui foit valable. Car il n'eft point befoin de fçauoir dauantage de mes prin- cipes que i'en ay expliqué, pour entendre la plufpart 5 des chofes que i'ay écrites, & connoiftre fi elles | font faufles ou vrayes. Or s'ils les iugent fauffes, ie croy qu'ils font obligez de les réfuter ; car il y a allez d'au- tres perfonnes qui en font eftat, pour empefcher qu'ils ne les puiflent tant méprifer que de n'en daigner

10 prendre la peine. Et s'ils les iugent vrayes, & que neantmoins ils manquent de les fuiure en enfeignant leurs Météores, ils témoignent qu'ils ne font pas en- tièrement amateurs de la vérité.

|Ce que vous dites auoir arreflé M. de Rob(erual) en

i5 ma folution pour la tangente qui fait l'angle de 4^ de- grez ^, eft fort peu de chofe ; & la méthode de Viete doit élire moins parfaite que ie ne penfois, fi elle ne fe peut ellendre iufques-là. Voicy comment la mienne y procède :

20 n X j 00 Jc ' + y ^

eû l'équation qu'il faut démêler en y fubllituant -|-=v/^+^ — X* au lieu d'y,

1 1-12 en enfeignant leurs Me- i5 pour] de. — 18 avant voicy]

teores om. — 12 qu'ils ne font] Car aj. — 18-19 comment...

n'eftre. — i3 Clerselier conti- procède] ce que c'eft. *** Tom/ /e

nue par l'alinéa : Pour la fon- calcul qui suit (/. 21 à p. 426, /.

taine, etc. [ci- après p. 480, l. 23), connu par Cousin (t. VIII,

1 5) et les suivants jusqu'à la Jin p. S -g), manque aujourd'hui

de la lettre. — 14 Ce que vous dans les sources. dites {Clers., p. 40g, l. 24). —

a. Voir plus haut, p. 3i5, 1. 6 et suiv. — Dans les calculs qui suivent, on a restitué les notations habituelles de Descartes, tout en laissant l'expo-

CORRESPONDANCE. II. 5^

�� � 426 Correspondance. 11,409.

& le cube de cette femme, qui eft -S + ¥-"-f=(f + ^--'^^)v/f+?^^,aulieude/; fi bien que cette équation eft

-T-" V35+^ — ^ ^ ^ +!i + -6 - — r

= i7+"T~^ ^ V16 + 1 ^'

OU bien

& pour multiplier l'vne & l'autre partie par foy mefme, premièrement ie cherche le quarré de

qui eft

��'.nx n' T

��y ' t - " ■*

  • +-3 —7

��10

��^ "1" 3 I 9 27 "TSi'

puis ie multiplie ce quarré par — x* + ^ + 3^, & il vient :

^ 3 9 1"^^ "sT

, wjr* , 4n';>r* , 2n'x^ 4 n* x* , n' jr ,

I n' jr* ■ w^jr' . n* x' n'x . w* "1 36' ' s; 1 i6i ~ "245"» 3916'

ce qui eft égal au quarré de x ^ — ^ + "T"? lequel eft

i 4 I 27 54 "I 2916 '

& en tranfpofant ou effaçant les termes femblables, il refte 20

ce qui eft le mefme que

. A n'x , n* ^

sant a au lieu de redoubler la lettre affectée. On rappelle que le sym- bole ==, dans ces calculs, signifie +.

�� � "•îo?'4Ô8: CXLIX. — 15 Novembre 16 j8. 427

S'il fe trouue encore en cecy quelque chofe qui ne femble pas affez clair, ie ne doute point que celuy qui corrige les copies de l'introdudion ne le puiffe facile- ment éclaircir, & il pourra bien auffi acheuer i'opera-

5 tion du quadrilatère % car elle ne confifte qu'à faire des multiplications toutes fimples. Vous mandez que ie dois auoir employé plus de quinze iours à démêler cette équation ; mais ie vous iure que i y auois moins employé de temps cy-deuant qu'il ne m'en a falu à

10 écrire la moitié de cette page ; car | i'ay de telles ab- breuiations pour ces calculs, quand ie les fais pour moy feul, que ie mets ordinairement en deux ou trois lignes ce dont il me faut remplir vne page, quand ie les écris pour les autres.

i5 [I'ay fceu, il y a long-temps, que les Nombres, dont les parjties aliquotes font le triple, & qui font diuifi- bles par j , non par 9, eftant diuifez par trois, en pro- duifent vn, dont les parties font le double; & ceux dont les parties font le feptuple, eftant ainfi diuifez par

20 trois, en produifent vn, dont les parties font le quin- tuple ; ceux de 1 1 en produifent vn de 8; ceux de 1 5, vn de 1 1 ; & ainli à l'infiny "". Et ie vous diray que, par la

1 Que s'il. — après ne] luy ces opérations pour moy feul,

aj. — 4 bien om. — après auffi] qui me font mettre.— 1 3 quand]

fort aiferaent aj. — 8 i'y] ie n'y lors que. — 14 Clerselier conti-

— moins] point cy-deuant. — nus par h texte : le vous re-

9 après employé] tant aJ. — 9- mercic. . . {ci-avant p. 42 2, l.

12 cy-deuant. . . ordinairement] 4). — i5 I'ay fceu {Clers., p.

que ie viens de faire icy pour 40 y, ligne dernière). — 17 ar.

l'écrire, à caujfe que i'ay des non] & aJ. — ap. eltant] ainfi

. façons d'abréger, lors que ie fais aj. — 19 eflant om.

a. Voir plus haut, p. 3i8-3i9. Cf. p. 392,1. 24 et suiv.

b. C'est-à-dire, en désignant par P [a] la somme des parties aliquotes

�� � 428 Correspondance. h. 408.

façon dont ie cherche ces Multiples, chaque trait de plume m'apprend quelque Théorème femblable : ainfi ie compofay les ûx triples, que ie vous ay cy-deuant enuoyez'jdes quatre doubles que i'auois,par le moyen de deux Théorèmes; dont l'vn eft que tout nombre, 5 dont les parties font le double, qui eft diuifible par 5, fans l'eftre par 7, ny par 9, ny par 15, eftant multi- plié par 273 , en produit vn dont les parties font le tri- ple ; et l'autre, que tout nombre qui eft diuifible par } , fans l'eftre par 5, ny par 9, & dont les parties font le 10 double, eftant multiplié par 45, en produit auffi vn dont les parties font le triple. l'auois auffi auparauant ainfi compofé celuy que ie vous auois enuoyé^, dont les parties font le double, en y employant celuy qui auoit efté trouué par M' de Sainte-Croix, & fans auoir 1 5 aucun deffein de chercher le plus court. Car diui- fant Ç23776 par 31, & multipliant le quotient par 87^76, il vient 1476^04896. Etc'eftvne règle gène- • raie, que tout nombre qui eft diuifible par j i & par 512, fans l'eftre par le quarré de 3 1, ny par 1024, ny 20

2 ainfi] comme par exemple. 273. — 12 après triple.] Mais

— 6 ap. deux] tels aj. — 7 par ie ne laiffe pas d'eftre obligé à 7] par 5. — ny par i3 ont. — Monfieur de Beffy, de ce qu'il 8 : 273] 45. — 9 après nombre], auoit trouué fur ce fujet, &a/. — dont les parties font le double ay. 14-15 en y... auoit efté] du nom-

— 10 : 5] 7, ny par i3. — 10- bre. — i5 après Sainte-Croix,] II &... double, om. — 11 : 4^] qui fait le mefme aj. — & ont.

de a; sin n'est pas divisible par 3, et que l'on ait : P (3«) = (^p -\- 3) 3 k, on aura : P (n) = (3p + 2) n.

a. Voir plus haut, pages 25o-25i (lettre du i3 juillet). — Les quatre doubles sont ceux de la page 167, 1. 1 5-i8 (lettre du 3 juin).

b. Page 167, 1. 17.

c. Ce nombre est le produit de i6 par 43 et 127.

�� � 11,408-409. CXLIX. — 15 Novembre 1658. 429

par 4j, ny par 127, eftant diuifé par ji, & après mul- tiplié par 87^76, en produit vn, qui a mefme propor- tion auec fes parties qu'auoit le premier. Mais ie ne laifle pas d'eftre obligé à M"^ de Beffy de ce qu'il a voulu 5 me communiquer ce qu'il auoit trouué fur ce fuiet. Et fi la façon dont l'applique mon Analyfe à chercher ces multiples pouuoit aider à conuertir le fieur Pajot^, ainfi que vous écriuez, ie luy enuoyerois très- volon- tiers.

10 Pour ce qui eft des nombres parfaits, ie n'ay point veu le liure que vous dites en auoir eflé imprimé à Amfterdam, ny ne fçaurois le trouuer, fi vous ne me mandez le nom du Libraire*. Mais ie penfe pouuoir demonfl;rer qu'il | n'y en a point de pairs qui foient

1 5 parfaits, excepté ceux d'Euclide ; & qu'il n'y en a point aufil d'impairs, fi ce n'efl qu'ils foient compofez d'vn feul nombre premier, multiplié par vn quarré dont la racine foit compofée de plufieurs autres nombres pre- miers. Mais ie ne voy rien qui empefche qu'il ne s'en

20 trouue quelques vns de cette forte : car, par exemple, fi 2202 1 eftoit nombre premier, en le multipliant par 9018009, qui efl: vn quarré dont la racine efl: compofée

3-7 Mais... pouuoit] Que fi en l'enuoyeray. — 10 ce qui eft des]

vous enuoyant ces façons dont les. — j3 ap. Libraire] qui l'a

ie trouue ces Théorèmes, cela- imprimé aj. — 14 en om. — de

peut. — 7 Pajot] N. — 8 vous nombres pairs. — 17 vn nombre

écriuez. — luy enuoyerois] vous quarré.

a. Sans doute Jacques Pujos, dont nous retrouverons le nom à propos de M. de Laleu, lettre à Mersenne du 3o avril 1639 {Clers., III, 84, note).

b. Ce nombre est le produit de 61 par le carré de 19. Voir ci-après, sur le nombre impair faussement parfait de ce passage, la lettre CLIII {Clers. III, 434-436).

�� � 4JO Correspondance. 11,409,4»».

des nombres premiers j, 7 , 11 & i j , on auroit 198^85576189, qui feroit nombre parfait. Mais, quel- que méthode dont on puiffe vfer, il faut beaucoup de temps pour chercher ces nombres, & peut-eftre que le plus court a plus de 1 5 ou 20 notes. 5

le ne fçay point de règle pour connoiftre û vn nom- bre eft premier ou non, finon que ie regarde à fon der- nier chiffre qui doit eftre i , ou j , ou 7, ou 9 ; & s'il eft par exemple j , i examine s'il ne peut point eftre diuifé en 2 autres, dont l'vn ait ^ pour fon dernier chiffre & 10 l'autre i , ou bien l'vn 7 & l'autre 9, & ie fais cet exa- men en commençant à droite par le dernier chiffre ; de quoy l'opération eft véritablement affez longue, mais ie n'en fçay point de plus courte.

I Pour la fontaine qui a vingt-quatre fois le iour fon 1 5 flus &reflus, elle eft véritablement admirable^ lî ce flus eft entièrement réglé, en forte qu'il ne vienne iamais ny plus ny moins de vingt-quatre fois. Mais s'il n'eft point fi réglé, comme fans doute il ne l'eft point, ie ne iuge pas que fa caufe foit fi mal-aifée à découurir, & 20 i'en ay touché quelque chofe dans mon Monde, où i'ay expliqué tres-particulierement l'origine des fon- taines, & le flus & reflus de la mer ; ce qui eft caufe que ie n'en ay rien du tout voulu mettre dans mes Météores.

6 de] d'autre. — lo dont l'vn] i5 Pour la foiitaine [Clers., p.

chacun defquels. — ait 3] ait i. 412^ l. 8). — 16 & fon reflus.

— lo-i I & l'autre i] ou bien 9. — très -admirable. — i8 de]

— II l'vn 7 & l'autre 9] dont que. — 20-21 &.,. touché] I'ay l'vn ait 3 & l'autre 7. — 14 Cler- mis. — 21 après chofe] de fem- selier continue par le texte : Ce blable aj. — 21-22 où i'ay] car que vous dites auoir arrefté etc. i'y ay. — 24 du tout. . . dans] {voir plus haut P.42S, l. 14). — mis en.

�� � �ii,4««-4'3. CXLIX. — 15 Novembre i6j8. 4ji

La peniée de Monfieur des Argues, touchant le Centre de grauité d'vne Sphère, n'eft pas fort éloignée de ce que ie vous en auois écrit* ; mais nous nous fom- mes, ie croy, mécontez & Ivn & l'autre. Carie rayon 5 de la Sphère eftant AD, & le Centre de la Terre C, il eft certain que, fi A D eft moyenne proportionnelle entre A C & AB, le point B fera le Centre de grauité des deux parties oppofées D & E. Mais il n'eft pas pour cela

10 celuy de toute la Sphère, ny feulement de toute la fuperficie de cette Sphère : car ces deux parties D & E ne font que deux points de cette fuperficie. Il eft certain auffi que, faifant A F triple de F B , le point F eft le Centre de

1 5 grauité de toutes les parties oppofées qu'on peut ima- giner, les vues dans le rayon A D & les autres dans le rayon AE, qui ayeht entre elles mefme proportion que plufieurs fuperficies de Sphères mifes l'vne dans l'autre; mais ce n'eft pas pour cela le| Centre de gra-

20 uité d'vne Sphère, ainfi que i'auois penfé, & il y a beaucoup plus de difficulté à le trouuer. C'eft pour- quoy ie vous prie d'effacer les fept ou huit dernières lignes du petit écrit de Mechaniques que ie vous ay enuoyé, à fçauoir depuis ces mots : Et mefme on peut

2 5 demonjîrer &c.^.

4 comme ie croy. — 8 fera] infcrites. — 19 mais... le] ce

eft. — 10 celuy] le centre de qui n'eft non plus le vray. —

grauité. — 18 plufieurs] les. — 20 ainfi que] comme, de plufieurs Sphères. — mifes]

a. Voir la fin de la lettre CXXIX, p. 245, 1. 1 3-a5.

�� � 4P Correspondance. n,4i3.

Quandoque bonus dormitat Homerus^. En effet, ie n'a- uois iamais confideré que le Centre de Grauité d'vne Sphère fuft différent de celuy de fa figure, ny peut- eftre auffi iamais aucun autre, auant le dernier foir que i'acheuois cet écrit, & ie croy que ie commençois 5 à m'endormir, lors que iecriuis ces dernières lignes.

Vous auez enfin entendu le mot de force au fens que ie le prens, quand ie dis qu'il faut autant de force, pour leuer vn poids de cent liures à la hauteur d'vn pied, qu'vn de cinquante à la hauteur de deux pieds, lo c'eft à dire qu'il y faut autant d'aélion ou autant d'ef- fort, le veux croire que ie ne m'eftois pas cy-deuant affez expliqué, puis que vous ne m'auiez pas en- tendu ; mais i'eftois fi éloigné de penfer à la puiffance qu'on nomme la force d'vn homme, lors qu'on dit : vn i5 tel a plus de force qu'vn tel, &c., que ie ne pouuois aucunement me douter qu'on dûft prendre le mot de force en ce fens-là. Et lors qu'on dit qu'il faut em- ployer moins de force à vn effet qu'à vn autre, ce n'eft pas à dire qu'il faille auoir moins de puiffance : car 20 encore qu'on en auroit dauantage, elle n'y nuit point; mais feulement qu'il y faut moins d'adion. Et ie ne confiderois pas, en cet écrit, la puiffance qu'on nomme la force d'vn homme, mais feulement l'adion qu'on

4 auffi om. — 5 acheuay. — 5- cens vn feul pied &c. — lâveux

6 commençois à om. — 6 endor- bien croire. — 21 auroit] euft.

mir] endormois. — 9-10 à la. . . — 23 confiderois] confideré. —

d'vn pied] deux pieds de haut. pas] point du tout. — 10 cinquante... pieds] deux

a. Horace, Art poétique, v. SSg.

b. Lettre CXXIX, p. 228, 1. 17. Cf. lettre CXLII, p. 352-355.

�� � ir,4>3-4i4. CXLIX. — 15 Novembre 1638. 4jj

nomme la force par laquelle vn poids peut eftre leué, foit que cette adion vienne dVn homme, ou d'vn ref- fort, ou d'vn autre poids, &c. Or il n'y a point, ce me femble, d'autre moyen de connoiftre à ^r/on' la quan- 5 tité de cet effet, c'eft à dire combien & quel poids peut eflre leué auec telle ou telle machine, que de me- furer la quantité de l'aélion qui caufe cet effet, c'eft à dire de la force qui doit y eftre employée ; & ie ne doute point que M. des Argues ne l'accorde, s'il prend

10 la peine de relire le peu que i'ay écrit fur ce | fuiet ; car comme ie fuis tres-affuré de la bonté de fon efprit, ie croy auffi ne deuoir pas douter en cela de ma raifon.

Pour ce qu'a écrit Galilée touchant la balance & le

i5 leuier^, il explique fort bien quod itajiî, mais non pas cur itajît, comme ie fais par mon Principe. Et pour ceux qui difent que ie deuois confiderer la viteffe, comme Galilée, plutoft que l'efpace, pour rendre rai- fon des Machines, ie croy, entre nous, que ce font des

ao gens qui n'en parlent que par fantaifie, fans entendre rien en cette matière. Et bien qu'il foit euident qu'il faut plus de force, pour leuer vn cors fort vifte, que pour le leuer fort lentement, c'eft toutesfois vne pure imagination de dire que la force doit eftre iuftement

7 qui,., effet om. — 9 ne explique] véritablement aj. —

me l'accorde. — 10 relire] lire. mais] &. — 23 fort om. —

— le peu] ce. — 12 ie ne croy 24 que de dire, pas deuoir aufli, — i5 après

a. Il s'agit ici de l'ouvrage : Les Mechaniques de Galilée, publié par Mersenne {Paris, Guenon, 1634) comme traduit de l'italien.— Voir tome I, p. 397, note.

Correspondance, TI. 55

�� � 4H Correspondance. n, 414-

double pour doubler la viteffe, & il eft fort aifé de prouuer le contraire.

La façon dont Monfieur F(ermat) a examiné la Tan- gente de la Roulette , fe raporte à celle dont Archi- mede s'eft feruy pour la Tangente de la Spirale, & c'eft 5 prefque la feule qu'on peut auoir pour telles lignes. Sa première conftrudion eftoit générale ; car il y auoit adjoufté ces mots, ou femblables : Etji la bafe ejl dou- ble de la Circonférence du Cercle, on doit prendre le dou- ble de telle ligne ;Jî triple, le triple, &c. .• ce qui eftoit vray , 10 & fuffifoit pour faire connoiftre qu'il l' auoit trouuée généralement. Mais pour le Sieur (Roberual), quoy que vous m'ayez deûa enuoyé quatre ou cinq fois fa con- ftrudion pour cette Tangente, ie ne trouue pointtoutes- fois qu'elle vaille rien en aucune des façons que vous i5 me l'auez enuoyée ; & encore qu'elle fuft bonne, ie ne croirois point du tout pour cela qu'il l'euft trouuée, mais plutoft qu'il l'auroit tirée des noftres. Car il n'y a rien de plus aifé que de déguifer vne mefme con- ftruftion en cent façons; & s'il eftoit vray qu'il Teuft 20 trouuée, il donneroit fa demonftration accordante auec fa conftrudion, & par confequent différente des noftres, ce que ie ne croy pas quil puifTe faire. Et i'ay défia vu en tant d'occafions, que luy & quelques autres de vos Géomètres fe vantent à faux d'auoir 2 5 trouué des chofes qu'ils ignorent, que ie ne croy plus rien de ce qu'ils difent, s'ils ne le prouuent. Comme

4fe... celle] eft la mefme. — 18 auroit] a. — 22-23 & par

6 après lignes] qui ne font pas confequent... faire. Et] ainfi que

Géométriques a/'. — 12 (Rober- nous auons donné les noftres.

ual)] N. — 17 du tout om. — 24 luy & om. — 2b autres] vns.

�� � n, 4i4-4'5. CXLIX. — 15 Novembre i6j8. 4^^

luy & le geoftaticien' me femblent plaifans, en ce qu'ils fe vantent d'aluoir trouué les deux lignes de M. de Beaune, & toutesfois ils n'ont pas feulement fceu connoiftre que la première, qui eft incomparablement

5 plus aifée que l'autre, eft vne hyperbole.

le ne fçay point d'autre moyen pour bien iuger des notions qui peuuent eftre prifes pour Principes, fmon qu'il s'y faut préparer l'efprit, en fe défaifant de toutes les opinions dont on eft préoccupé, & reiettant comme

10 douteux tout ce qui peut eftre douteux. C'eft bien vne notion commune de penfer que, fi vne nature intel- ligente eft indépendante, elle eft Dieu : car fi elle a de foy-mefme fon exiftence,nous ne fçaurions douter qu elle ne fe foit donné autant de perfedions qu'elle

1 5 en a pu connoiftre, ny croire que nous en connoiffions aucunes qu'elle ait pu ne pas connoiftre. Mais fi on dit que quelque nature purement matérielle foit indé- pendante, il ne fuit pas pour cela qu'elle foit Dieu, l'ay cherché la lettre où vous m'auiez cité le paflfage

20 de faint Auguftin, mais ie ne l'ay encore fceu trou- uèr. le n'ay pu auffi encore auoir les Oeuures de ce Saint, pour y voir ce que vous me mandez, de quoy ie vous remercie.

I luy & le geoftaticien] auffi qu'elle. — 12 elle eft donc Dieu,

ils. — 5 après aifée] à trouuer — i3 de foy] d'elle. — exiftence]

aj. — 10 av. c'eft] Si vne Na- eftre. — i5 a] aura. — 18 pour

ture Intelled;uelle eft indepen- cela] de là. — 19 auiez] auez. —

dante, aj. — bien om. — 11- 20 a/>rès Auguftin] que vous de-

12 que fi. .. indépendante, elle] mandez aJ.

a. Jean de Beaugrand. — Pour les lignes de M. de Beaune, voir plus haut, p. 420, 1. 8, et p. 424, 1. i3, ainsi que la lettre CLVI ci-après, où il est parlé de quatre lignes [tiers., III, 415).

b. Voir tome I, p. 376, 1. 20.

�� � 4)6 Correspondance. ii. 4'5-4'6.

La propofition de Bonauenture*, Géomètre Italien, que vous auez pris la peine de tranfcrire en IVne de vos lettres, ne contient rien du tout de nouueau.

le n'ay point icy d'Ariftote, pour y voir la queftion que M. F(ermat) dit que Galilée n'a pas entendue; 5 mais ie n'y trouue pas plus de difficulté qu'à conce- uoir comment vn homme, qui marche lentement, eft vne heure à faire le mefme* chemin qu'il peut faire en demy-heure, lors qu'il va plus viile. Car les points qui font proches du centre d'vne roue ne font autre lo chofe, fmon qu'ils décriuent des lignes courbes, qui font plus courtes que celles que décriuent les points plus éloignez, & qu'ils fe meuuent à proportion plus lentement *.

Ce que i'ay vu autresfois de Campanelle^ ne me i5 permet pas de rien efperer de bon de fon liure, & ie vous remercie de | l'offre que vous me faites de me l'enuoyer; mais ie ne le defire nullement voir.

le vous remercie auffi du liure que vous dites auoir enuoyé au Maire pour moy; mais ie ne I'ay point en- 20 corereceu.

le m'étonne auec vous du procédé de mon frère en vous demandant vn de nos Hures, & vous pouuiez fort honeftement luy répondre que vous n'en auiez plus.

I propofition] proportion 11 finon qu'ils] que. — décri-

{Clers. et Inst.). — 47 ont, — uent] décrire. — [3 qu'ils] ils.

queftion] propofition. — 8 le — 18 le ow. — av. voir] de le

mefme] autant de. — peut faire] aj. — 19 à 3, p. 437, le vous...

en fait. — 9 après va] deux fois plaira om. aj. — lo-i I autre chofe om. —

a. Voir ci-avant, pages 47-48. — En i638, Campanella avait publie à Paris : Philosophiœ rational's et realis partes Y.

�� � ir, 4i6- CXLIX. — 15 Novembre 16^8. ' 4^7

S'il vous plaift de le reprendre en mon nom chez Soli, ie le paierai icy au Maire tres-volontiers, & autant d'autres qu'il vous plaira.

le ne feray plus de réponfe à M. Morin, puis qu'il 5 ne le defire point; auffi bien n'y a-t-ilrien, dans fon dernier Ecrit", qui me donne occafion de répondre quelque chofe d'vtile; & entre nous, il me femble que fes penfées font encore plus éloignées des miennes qu'elles n'ont elle au commencement; de façon que

10 nous ne tomberions iamais d'accord. le ne répons point auffi à plufieurs queftions que vous me faites touchant la matière fubtile, &c. Car ce font chofes fort aifées en expliquant tout mon Monde; mais elles ne peuuent eflre entendues fans luy, & ce que i'en

li dirois ne feroit que produire de nouuelles diffi- cultez.

M. Bannius m'a dit qu'il auoit répondu amplement à vos dernières par la voie de M"^ Zuytlichem*.

le penfois icy finir ma lettre, pour l'enuoyer demain

20 matin, qui eft le lundy, & ie n ay couftume de receuoir les voftres que le lundy au foir, ou le mardy; mais pource que ie n'auois point receu de vos lettres aux deux voyages precedens, i'ai enuoyé auiourd'huy ex- prés à Haerlem, afin de voir fi le MefiTager n'y feroit

2 5 point arriué de fi bonne heure que ie puflTe fçauoir,

5 bien] qu'il. — a-t-il] a. — qui. — 14 entendues] expliquées. II queftions] chofes. — faites] — 14-15 & ce que... produire demandez. — i3 fort... tout] qui de] qu'elles ne produifent touf- ne receuroient quafi point de iours d'autres. — 17-18 M. Ban- difficulté, fi on auoit vu. — elles] nius ... M' Zuytlichem om.

a. Lettre CXLVIII, page 408 ci-avant.

�� � 4^8 Correspondance. 11,416-417.

dés auiourd'huy, s'il n'y auoit point de lettres pour moy ; & voicy qu'on m'en apporte trois, l'vne du vingt- cinquiefme Odobre, l'autre du premier, & l'autre du feptiefme Nouembre, fans que ie fçache pourquoy la première a tant demeuré en chemin, ou la dernière fi 5 peu, & le femblable m'arriue fouuent. le tâcheray encore à ce foir à répondre à toutes, autant que la matière le permettra.

La première ne contient que la folution que donne Monfieur de Beaune pour fa 2^"' ligne % en laquelle ie 10 voy qu'il pratique parfaitement bien les plus difficiles opérations de mon Analife, & i'admire qu'il en ait peu tant apprendre du peu que l'en ay écrit. S'il eftoit icy, ou que ie fuffe où il eft, ie croy que ie luy pourrois faire entendre tout le peu que i'en fçay, en moins de i5 deux ou trois femaines, & ie le ferois tres-volontiers; mais encore que cela ne foit point, i'ofe alTurer que pourueu qu'il continué à s'y exercer, | il furpaffera tous ceux qui fe feruent des autres méthodes. Ce n'eft pas à dire pourtant que fa folution foit vraye, mais 20 ie vous prie de n'en rien dire à vos Géomètres : car ie fuis afTuré qu'ils n'en pourront connoiftre la faute, laquelle confifte en ce qu'il a employé la règle que ie donne pour trouuer la Tangente d'vne Courbe qui eft déterminée par quelques autres proprietez 25 données, à trouuer fes autres proprietez par la Tan- gente donnée; & que, cherchant la Tangente d'vne

I n'y auoit] n'auoit. — 7 à il eft] auprès de luy. — 16 & ie ce. . . toutes] ce foir à y répon- le] ce que ie. — 27 que om. dre. — i3 ^aj. av. sTl. — 14 où

a. Voir ci-après la lettre CLVI [Clers., III, p. 412-415).

�� � 10

��i5

��20

��25

��11.4,7. CXLIX. — M Novembre 1658. 4Î9

Courbe, fans en fçauoir d'autre propriété que celle de cette Tangente, il a fait vn Cercle en Logique ; de quoy vous l'auertirez, s'il vous plaift, en telle façon qu'il ne le puiffe prendre qu'en bonne part; car ie voudrois le pouuoir feruir, & ie luy fuis tres-obligé de ce qu'il tafche à faire valoir ce qui vient de moy.

Votre féconde lettre eft diuifée en trois parties, & la première contient diuerfes expériences, dont ie vous remercie; mais pour celles d-u tuyau, i'ay défia mis cy-deuant comment ie defirerois qu'elles fuffent faites"; & pour ce qui eft de rompre des Cylindres de long ou de trauers, ie croy que c'eft tout à fait peine perdue, & qu'il eft impoffible de trouuer aucune proportion entre l'vn & l'autre : car la plufpart des cors font beaucoup plus aifez à rompre en vn fens qu'en l'autre; comme, fi vous prenez la longueur d'yn Cylindre dans la largeur d'vne planche de bois, il fera incomparablement plus ayfé à rompre que fi vous le prenez dans la longueur de la mefme planche. Et vn mefme bois, eftant fort fec, fera plus ayfé à rompre de trauers qu'eftant humide; & au con- traire, en le tirant à plomb fuiuant fa longueur, ie croy qu'on le peut mieux rompre, lorfqu'il eft humide, que

lors qu'il eft fec.

La féconde partie contient vos remarques touchant Galilée, où j'auoùe que ce qui empefche la feparation

7 i-csonde(skInst.)] deuxiefme. -22a... longueur] perpendi-

— &1 dont — 9 celles] celle. culairement du haut en bas. —

_ ,0 cy-deuant] cy-deffus. - 23 lorfqu'il] quand il.- 26 par-

19 preniez. — la mefme] cette. tie om.

a. Voir plus haut, p. 422, 1. 4.

�� � 440 Correspondance. 11,417.418.

des cors terreftres contigus, eft la pefanteur du Cy- lindre d'air qui eft fur eux iufques à l'Athmofphere, lequel Cylindre peut bienpefer moins de cent liures. Mais ie n'auouë pas que la force de la continuité des cors vienne de là ; car elle | ne confifte qu'en la 5 liaifon ou en l'vnion de leurs parties. l'ay dit que, fi quelque chofe fe faifoit crainte du Vuide, il n'y au- roit point de force qui fuft capable de l'empefcher ; dont la raifon eft que ie croy qu'il n'eft pas moins im- pofTible qu'vn efpace foit vuide, qu'il eft qu'vne mon- 10 tagne foit fans valée

l'imagine les parties de la Matière fubtile auffi dures & auffi folides que le puifTent eftre des cors de leur grandeur; mais pource qu'elles ne peuuent mou- uoir nos fens, & que les noms de qualitez font relatifs i5 à nos fens, ils ne leur peuuent proprement eftre attri- buez; ainfi qu'on ne dit point que la pouffiere foit dure &pefante, mais plutoft qu'elle eft molle & légère, à comparaifon des caillous, & toutefois chacune de fes parties eft de mefme nature qu'vn petit caillou. 20

le n'accorde point que le bois pourri, ou vne chan- delle, puifTent eftre fans mouuement lors qu'ils don- nent de la lumière, mais bien qu'ils ne donneroient point de lumière, fi leurs petites parties, ou plutoft celles de la Matière fubtile qui eft dans leurs pores, 2 5 n'auoient vn mouuement extraordinairement fort. Et

5 après cors] durs aj. — con- citant. — 17 ainfi, . . que] & on

fifte qu'en] vient que de. — 6 en] nomme. — 17-18 foit. . . qu'elle

de. — 8 qui fuit om. — 9 dont la eft om. — 18 {ap. molle) &] ou.

railbn eft] à caufe. — i4-i5mou- — 19 & toutefois] bien que.

uoir nos fens] eftre fenties. — ■ — 20 eft] foit. — qu'vn petit

i5 & que les] tous ces. — font] caillou, om. — 25 fubtile om.

�� � Il, 418-419- CXLIX. — i^ Novembre 16^8. 441

pource que iay très -particulièrement expliqué la caufe de ce mouuement & toute la nature du feu dans mon Monde, ie n'en ay point voulu parler en mes Ef- fais, & ie ne fçaurois le faire entendre en peu de mots. 5 l'auouë ce que vous dites de la fouueraine Condenfa- tion & fouueraine Raréfaction, & qu'il ne fe peut faire aucune raréfadion en vn lieu, qu'il ne fe faffe autant de condenfation en quelqu'autre ; & il n'eft pas mal- aifé de trouuer où fe fait la condenfation compenfa-

10 tiue des cors qui fe dilatent dans vne fournaife, car l'air libre, qui eft autour, peut facilement eflre prefTé ; mais fi on allumoit du feu dans vne caue, dont toutes les ouuertures fuffent exadement fermées, ce feu ne pourroit deuenir fort grand, encore qu'il y euft eu

i5 quantité de bois ou de paille auprès, pour cela feul que l'air renfermé en cette caue ne fe pourroit pas affez condenfer.

Si la Matière fubtile ne fe mouuoit point, elle cef- feroit d'eftre Matière fubtile, & feroit vn cors dur &

20 terreflre.

I L'inégalité des defcentes eft autre dans l'eau que dans l'air, à caufe que l'air & l'eau ne différent pas feulement en folidité ou pefanteur, mais auffi en ce que les parties de l'eau, ayant d'autres figures que

25 celles de l'air, peuuent eftre, cœteris paribus^ plus ou moins difiiciles à diuifer. Pour la rondeur des gouttes d'eau, voyez page cent quatre-vingt deux & deux cens quatre des Météores.

2 dans] en. — 6 & de la fou- bouteille aj . — i5 quantité]

ueraine. — i3 exactement om. beaucoup. — auprès om. —

— après fermées] comme vne 16 en cette caue om.

Correspondance. II. 56

�� � 442 Correspondance. u, 4>9

Quand l'eau fe filtre par vn drap, il n'entre point d'air en ce drap, & il fe fait vne fuperficie de fes par- ties extérieures iointes à quelques-vnes de celles de l'eau, qui l'en empefche & fert comme de tuyau, par dedans lequel coulent les parties intérieures de cette 5 eau ; car elles font en continuel mouuement de leur nature. Et ce mouuement qu'elles ont leur aide auffi à monter dans vn morceau de pain, ou autre tel cors, dont les pores font de telle grandeur & figure, qu'ils font plus propres à receuoir les parties de l'eau que lo celles de l'air. Mais mon opinion n'eft pas qu'vn cors, eftant pouffé, ne puiffe continuer à fe mouuoir dans le Vuide, c'eft à dire dans vn efpace qui n'eft rempli que d'vne matière qui n'augmente ny ne diminue fon mouuement; car, au contraire, ie tiens qu'il n'y peut i5 iamais ceffer de fe mouuoir quand il a vne fois com- mencé ; mais bien qu'vn cors n'aura aucune pefan- teur dans ce vuide, c'eft à dire aucune inclination à fe mouuoir vers en bas plutoft que vers les autres coftez. 20

le croy bien que la viteffe des cors fort pefans, qui defcendent par l'air auec vne médiocre viteffe, s'aug- mente à peu prés en proportion doublée; mais ie

3 en ce drap] dedans. — &] aj. — iS-iy n'y... commencé]

car. — de fes] des. — 3 iointes... s'y doit mouuoir perpetuelle-

celles om. — 4 l'eau] cette eau, ment. — 17 après bien] pen^ay-

iointes à celles de ce drap. — ie aj. — 18 c'eft à dire... in-

&] & qui fert. — 5 dedans om. clination] qui l'incline.— 19 en]

— 6 car elles] qui de leur na- le. — 19-20 les autres coftez] vn mj-e. — 6-7 de leur nature om. autre cofté. — 22 defcendent. . .

— 1 1 Mais om. — 1 3 rempli] viteffe] ne fe meuuent pas trop plein. — \^après diminue] point vifte en defcendant dans l'air.

�� � n,4i9-4ao. CXLIX. — i^ Novembre 1638. 44}

nie que cela foit exad, & ie croy que cela n'arriue point lors que le mouuement eft fort vifte ou fort lent.

le crains auffi bien que vous que Monfieur de Beaune

5 fe méconte en fes Mechaniques, puis qu'il fuit les fondemens de Galilée.

Tay défia tantoft dit que l'air n'empefche pas feule- ment la defcente des cors, en tant que pefant, mais auffi en tant que fes parties eftant d'autre figure que

10 celles de] l'eau, elles peuuent eftre plus ou moins aifées à diuifer. Et voila tout ce que ie trouue à ré- pondre à cet article.

Le troifiefme eft touchant la Dioptrique. le vous re- mercie de ce qu'il vous plaift en corriger les fautes, &

i5 fi vous prenez la peine de les marquer toutes envoftre exemplaire, afin de nous l'enuoyer, en cas qu'on en faffe vne féconde impreffion, vous m'obligerez. Car en ce qui eft de la Langue & de l'Ortographe, ie ne defire rien tant que de fuiure l'vfage; mais il y a fi

20 long temps que ie fuis hors France, que ie l'ignore en beaucoup de chofes.

Pour les queftions que vous dites que i'y pouuois adjoufter, comme la différence de Diaphaneïté qui eft entre les cors durs & les liquides, & pourquoy le feu

25 rougiflfant vn cors diaphane le rend opaque, &c., ce font des matières de Phyfique, qui dépendent entiere-

1-2 cela n'arriue point] tout le mes Effais aj. — comme la]

contraire arriue. — 2-3 ou fort quelle. — qui eft] il y a. —

lent. ont. — 20 de France. — 2b &c.] & femblables. — 36 des

22 après dites] à fçauoir aj. — matières] queftions. i'y] ie. — aS après adjoufter] en

�� � 444 Correspondance. h, 420-421-

ment de ce que i'ay mis en mon Monde, & dont ie n'ay point voulu parler en ces EfTais.

le nomme les parties folides de Tair toutes celles qui le compofent, pour les diflinguer de celles de la Matière fubtile qui efl dans fes pores. Car ordinaire- 5 ment, en parlant de l'air, on entend tout ce qui rem- plit refpace où il efl, & ainfi cette matière fubtile y efl comprife. Si les pores de l'air, ou de quelque autre cors, n'efloient pas remplis de la Matière fubtile, ou de chofe femblable, ils cefTeroient d'eflre; car, félon 10 moy, vn efpace fans matière implique contradiélion.

le croy qu'il y a moins de pores, dans l'or & le plomb, que dans le fer, &c. I'ay défia dit que ie conçoy les parties de la Matière fubtile comme auffi dures & folides que puifTent eflre des cors de leur i5 grandeur; mais pour celles des cors terreflres, on les peut imaginer plus ou moins dures les vnes que les autres, à caufe qu'elles peuuent derechef eflre com- pofées de plufieurs autres parties, & ainfi i'ay dit aux Météores, p. 188, que les parties de l'eau douce efloient 20 plus molles & pliantes que celles du fel.

Ne craignez pas que ie me fois mépris, en difant que la première des lignes de M. de Beaune efl vne Hyperbole, & | fçachez que tous ceux qui l'ont exami- née fans le reconnoiflre, fe font grandement mépris^ : 2 5 car c'efl vne chofe fi claire^ & fi facile, qu'il ne faut

6enow. — 8 de quelque] d'vn. peuuent. — 19 aux] en mes. —

— 10 chofe femblable] quel- 20 p. j88 ow. — douce ont. qu'autre, — 12 ap. &] dansa;'. — 21 après fel], p. 188 aj. —

— i3 &c. ont. — i5 puiffent] 23 des lignes] ligne.

a. Voir plus haut, page 485, 1. 4.

�� � 11,4»'. CXLIX. — 15 Novembre 16)8. 445

pas feulement mettre la main à la plume pour le reconnoiftre.

Per quantitatem inadœquatè fumptam^ i'entens vne quantité qui, bien qu elle ait en effet toutes fes trois

5 dimenfions, ne fe confidere pas toutesfois au cas pro- pofé comme les ayant.

Ne croyez pas tout ce qu'on vous dit de ces mer- ueilleufes lunettes de Naples*; car la plufpart des hommes, & principalement les Charlatans, tel qu eft

10 fans doute voflre Maire*, font toufiours les chofes qu'ils racontent plus grandes qu'elles ne font.

le viens à voflre dernière lettre, où vous commen- cez par ce que vous a écrit M. (Fermât), de quoy i'apprens qu'il n'a point du tout entendu ce qu'il

i5 penfe auoir refuté en ma Dioptrique; car il dit que mon principal raifonnement efl fondé fur vne chofe qui efl entièrement contraire à mon opinion, & à ce que i'ay écrit. le m'étonne qu'il fe foit fi fort laiffé préoccuper par fa première imagination, que ie

20 n'aye pû#luy faire entendre ma penfée par mes ré- ponfes. Cependant ie vous remercie des reproches que vous luy auez fait pour les bruits qu'il a femez; mais ie luy en veux moins de mal, à caufe que ie voy qu'il n'en a parlé que félon fa créance.

I pas] point. — feulement om. félon elles. — 10 Maire] N. —

— 2 reconnoiftre] connoiftre. — i3 (Fermât)] N. — de quoy] &.

5 ne fe] n'efl pas. — confidere — 14 après i'apprens] icy aj .

pas toutesfois] toutesfois con- — 23 luy] ne luy. — moins]

fiderée. — 5-6 au cas., aj'ant.] point.

a. Voir plus haut, lettre CX.LVI, p. 1^99, 1. i i-i 2.

b. Dans une lettre perdue.

�� � 446

��Correspondance.

��II, 4ai>433.

��le fuis maintenant trop prefle pour m'arrefter à faire aucun calcul ; mais ie ne croy pas qu'il me falut beaucoup de temps pour examiner les furfaces des Cônes que vous demandez.

Pour entendre ce que i'ay dit des verres brûlans en la Dioptrique, page 119, il faut confiderer qu'il vient des Rayons formels de chaque point du cors lumi- neux fur chaque point du verre brûlant, en forte que ceux qui y viennent parallèles, eflant confiderez feuls, ne font, à comparaifon de tous les autres, que comme vne fuperficie à comparaifon d'vn cors folide. Par

exemple, fi le Diamètre du verre FG efl auffi grand que celuy du Soleil C D, ce verre peut bien raf- fembler en fort peu d'efpace les rayons qui viendront parallèles de tous les points du Soleil, & vn autre verre les peut rendre dere- chef j parallèles en ce peu d'efpace ; mais le rayon CF n efl rien à com- paraifon de tous ceux qui vien- nent vers F de tous les points de la fuperficie CD, ny le rayon DG à comparaifon de ceux qui viennent vers G, & ainfi des autres. Et il efl impoffible de raffembler tous ces rayons auec les parallèles.

le ne croy pas qu'il y ait mefme raifon de la vitefTe

���f

��I m'arrefter à otn. — 2 me fa- lut] en faille. — 3 de temps om. — lo de tous les] des. — 19 en ce peu d'efpace om. — 22-23 de

��tous... CD] des autres points du Soleil. — 23 le rayon ow. — 24 de ceux] des autres. — 24-23 &. . . autres] &c. — 26 rayons] autres.

��10

��i5

��20

�� � ii,42î- CXLIX. — i^ Novembre 16^8. 447

des cors qui montent dans l'eau, auec leur légèreté dans cette eau, qu'il y a de la viteffe de ceux qui def- cendent dans Tair, auec leur pefanteur dans ce mefme air, à caufe que Teau & l'air ne font pas également

5 fluides, cœteris paribus, ainfi que i'ay défia dit. Et la raifon qui empefche que ces cors ne montent plus haut que la fuperficie de l'eau, eft qu'eftant rares & légers, ils retiennent beaucoup moins l'impreflion du mouuement que les cors folides & pefans, qui rejail-

10 lifTent en haut, après eflre tombez contre terre; ce qui efl caufe auffi que leur viteffe ne s'augmente pas fi approchant de la raifon doublée, que fait la viteffe des cors qui defcendent en l'air.

le vous remercie des foins que vous prenez pour

i5 foûtenir monparty; mais ie n'ay pas peur qu'aucune

perfonne de iugement fe perfuade quei'aye emprunté

ma Dioptrique de Roger Bacon, & encore moins de

Fiorauenti *, qui n'a efté qu'vn charlatan italien.

Pour ce que vous me mandez que ie deuois adjoûter

20 à ma Dioptrique, touchant les Lunettes des vieillards, il me femble que i'en ay affez mis la Théorie en la page 1 2 j ; & pour la pratique, ie la laiffe aux Artifans. le fuis,

MonR. P.,

2 5 Voftre tres-humble & tres-obeïffant

feruiteur, descartes.

Mon Limoufin auoit fait écrire vne lettre pour fon

18 italien om. — 19 deuois] — 27 à G, p. 448, Mon... verrez deurois. — 22 laiffel dois laifler. om.

�� � 44^ Correspondance.

beau-pere; mais pource qu'elle eftoit trop grofTe &: mal pliée, & qu elle ne contient que des recomman- dations à luy & à toutes fes connoiffances de Paris, ie ne vous l'enuoye point ; car vous luy pouuez mieux dire cela mefme, s'il vous plaifl, quand vous le verrez.

��Page 429, 1. I?. — On ne connaît aucun livre sur les nombres parfaits (c'est-à-dire égaux à la somme de leurs parties aliquotes), qui ait été im- primé à Amsterdam. Au reste, tout ce qu'on savait alors sur ce sujet se bornait à la proposition IX, 36 des Eléments d'Euclide, d'après laquelle les nombres de la forme 2" (2"+' — 1) sont parfaits, lorsque le facteur (2"+' — i) est premier. Néanmoins on a signalé deux ouvrages spéciaux sur la matière, le Trattato di ntimeri perfetti, de Cataldi (Bologne, i6o3), et un Liber de numeris perfectis, qui fait partie des Opuscula de Charles de Boûelles (Carolus Bovillus, Paris, i5ii). Elle était également traitée dans le chapitre 28 d'un ouvrage qui a eu quatre éditions (1584, iSgi, i599, 1618). Voici le titre de la dernière :

« Pétri Bungi Bergomatis Numerorum Mysteria, ex abditis pluri- » marum disciplinarum fontibus hausta, opus maximarum rerum doc- » trina et copia refertum. In quo mirus imprimis idemque perpetuus » Arithmeticoe Pythagoricx cum Divinae Paginas Numeris consensus » multiplici ratione probatur. Postrema hac editione ab Auctore ipso co- » pioso indice et ingenti appendice auctum... Lutetias Parisiorum, apud » Reginaldum Chaudière, Via Jacobaea, sub signo Scuti Florenti. »

En 1644, dans ses Cogitata physico-mathematica (page 24 non numé- rotée), Mersenne devait remarquer que sur 28 nombres parfaits donnés par Pierre Bongo, 8 seulement l'étaient réellement. Il a affirmé en même temps que les trois suivants correspondaient aux puissances (valeurs de « + 1)67 (peut-être par erreur pour 61), 127 et 257. Jusqu'à présent cette assertion n'a pas été vérifiée.

Mersenne a dû efnprunter ces données à Frenicle, à qui est en fait des- tiné ce passage de la lettre de Descartes (Voir ci-après, lettre CLIII, Clers., III, 434). Il est reconnu aujourd'hui, conformément à l'opinion qu'avance ce dernier, qu'il n'y a point d'autres nombres parfaits pairs que ceux d'Euclide ; mais la question de l'existence d'un nombre parfait impair reste toujours douteuse.

Page 43 I, 1. 3. — Ce passage se rapporte à la dernière partie (ci-avant p. 242-245) de la lettre CXXIX du i3 juillet i638 [Examen de la Ques- tion Géostatique) , partie dont les conclusions avaient été dès le mois d'août (voir lettre CXLII, p. 36o, 1. ii-i3) signalées à Descartes par

�� � CXLIX. — iç Novembre i6j8. 449

Mersenne comme trouvées obscures et mal établies. Pour comprendre les explications qu'il donne, il faut se replacer, sans la discuter, dans la thèse du i3 juillet, à savoir que, dans un certain sens, la pesanteur peut être regardée comme dirigée vers le centre de la terre, et inversement propor- tionnelle à la distance de ce centre.

Soit une ligne ED, de milieu A, (voir la figure p. 43i), dirigée vers le centre C. Descartes suppose appliquées en E et D des forces parallèles, inversement proportionnelles aux distances E C et O C, et il appelle centre de gravité de D et E le point d'application B sur la ligne D E de la résul- tante de ces forces. Comme il le dit, ce point se trouve déterminé par la relation : âd* = ACXAB; mais il est tout à fait illusoire, soit au point de vue mathématique, soit au point de vue physique, de l'appeler centre de gravité. Toutefois, comme les contemporains de Descartes, y compris Fermât (voir Œuvres de F., t. II, 1894, p. 6 et 23), n'avaient guère, sur ce sujet, de notions plus exactes que lui, ce n'est pas sur ce point que por- taient les difiicuités.

En second lieu, Descartes considère les divers points b, centres de gra- vité, d'après sa définition, des couples d, e, de points situés entre D et E, à égale distance de A. En chacun de ces points b, il suppose une force, parallèle aux premières, et proportionnelle à la surface de la sphère de rayon AdouAc. Il appelle centre de gravité du système considéré le point d'application F sur DÉ de la résultante des forces parallèles. En donnant \ comme certain que ce centre de gravité est aux trois quarts de A B, il applique une proposition connue sur le centre de gravité de la pyramide. Mais il commet une double erreur: i» parce qu'il abandonne, pour cha- cune des forces en question, son hypothèse de la variation de la pesanteur d'après la distance au centré; 2* parce que la différentielle de Ab n'est point proportionnelle à celle de A d.

Dans sa lettre du i3 juillet (p. 245, 1. 16-19), ^ indiquant pour AF la valeur -r âc ' semble avoir alors voulu tenir compte de la variation admise pour la pesanteur, mais par un raisonnement également erroné. En tout cas, il reconnaît désormais l'inexactitude de ses calculs, en tant que concernant le centre de gravité de la sphère, pour lequel le problème aurait dû évidemment, d'après les hypothèses faites, être abordé tout autrement. A la vérité, il est d'apparence beaucoup plus compliquée; cependant il était possible, dès cette époque, avec une bonne méthode de quadrature, de le résoudre. On trouverait ainsi que la cfistance du prétendu centre de gravité au centre de la sphère est le cinquième de AB; mais, on le répète, ce résultat est illusoire, comme les diverses suppositions faites par Descartes, et, tout aussi bien, sa thèse sur la variation de la pesanteur relative.

P. 436,1. I. — Frate Bonaventura Cavalieri, alors professeur à Bo- logne, avait dès lors publié son Directorium générale uranometricum (i632), son Specchio Ustorio (i632), et sa célèbre Geometria indivisibi- libus continuorum nova quadam ratione promota (i635). Il était en rela-

CORRESPONDANCE. JI. .S7

�� � 45© Correspondance.

lions épistolaires avec Beaugrand, non avec Mersenne, auquel il n'a écrit qu'une lettre, le 23 novembre 1641, après la mort de Beaugrand. Mais la proposition envoyée à Descartes était plutôt tirée, par exemple, du Spec- chio Ustorio; il contient notamment des tracés de coniques, que Mer- senne pouvait signaler comme nouveaux.

Page 436, 1. 14. — Mersenne avait demandé à Fermât, comme à Des- cartes, son opinion sur les Nuove Science de Galilée (voir Œuvres de F., t. II, 1894, p. i66 et p. 176). D'après ce passage. Fermât, dans une lettre perdue, aurait au moins, de même que Descartes, critiqué les considéra- tions sur le roulement d'un cercle (voir plus haut, p. 403-404, éclaircis- sement sur p. 383, 1. 9), mais il les aurait aussi rapprochées, avec raison, du chap. 2 5 des Mechanica d'Aristote.

Page 437, 1. 18. — Voir une copie de cette lettre, j>rii. Kal. nov. i638, au tome III des Lettres MS. à Mersenne [Bibl. Nat., MS.fr. n. a. 6206, f. 6o-63 inclus). Mais cette longue épître ne paraît avoir été envoyée que plus tard à Mersenne, d'après les deux autographes suivants du même recueil :

1° du 12 avril 1639 (Harlemi, prid. Idus April.) : «paratussum alterum » calculum adjicere prioribus meis exactissimis instructionibus quas anno » elapso prid. Kal. Nouem. in tui gratiam conscripsi, et nuper D. de » Zulicom transmittendas dedi. . . Omnis illa Musica res mihi demonstra- » bilis est ». Et il le prie de faire parvenir une lettre pour Jean-Baptiste Doni à Rome.

2» du 17 avril : « Ecce in hoc fasciculo reserata tibi Musicas Flexanimae » mysteria,qux pênes te manere, sed diuulgari nolim,nisi specialiter istud » significauero. Qua in re te fidelem fore, fidejubente specialiter D. des » Cartes, nuUus dubito. Sunt in hoc fasciculo litera; totam rem musicam » enarrantes scriptae prid. Kal. nouemb. i638; deinde fasciculus musicaî » habens has cantiones {chants sacrés et odes d'Horace en musique)... » Salutem habe a Domino des Cartes et me. » {Ib., f. 174).

Page 445, 1. 8. — Il est aussi question de ces télescopes dans une lettre de Galilée, du i5 janv. 1639 (t. VII, p. 226, des Œuvres de Galilée, édit. Albèri). L'inventeur, Fontana, en rendit compte lui-même dans un ou- vrage intitulé : Novœ cœlestium terrestriumque rerum observationes et/or- tasse hactenus non vulgatce, a Francisco Fontana, specillis a se inventis et ad summamperfectionemperductis, editce (Neapoli, apud Gaffarum, 1646).

Page 445, 1. 10. — Sans doute Jean Le Maire, dont il est question dans plusieurs lettres de Mersenne à Peiresc et à Gassendi : « Il est si plein » d'inventions », dit-il dans l'une d'elles, le 17 nov. i636, « qu'il est diffi- » cile d'en rencontrer un semblable, mais il ne les veut nullement des- » couurir. » (P. i55 des Correspondants de Peiresc, fasc. XIX, p. p. Tamizey de Larroque, Paris, Picard, 1894.) Voir au tome I, Additions, p. 573.

�� � CL. — Nov.-Déc. 1658. 451

Page 447, 1. 18. — « Léonard Fioravantius, médecin italien », dit Bail- ler, p. 537 et 577, tome II de sa Vie de Mons. Des-Cartes. On connaît jusqu'à six ouvrages de cet auteur, imprimés à Venise, de 1571 à 1629, tous signés « dell' eccell. Dottore et Cavaliero Messer Leonardo Fiora- » vanti bolognese », sauf un où il s'intitule « Medico et Cirurgico ». Ce sont : /• Del compendio de i secreti rationali, iSdi; 2' Délia Fisica, i58i ; 3" Il reggimento délia peste, i5yi et i5g4; 4» De' capricei medi- cinali, 1602; 5" Dello specchio descientia universale, i6o3; 6" Il tesoro délia vi ta Humana, 162g. Les trois premiers, imprimés chez M.Sessa, les trois autres chez Lucio Spineda. C'est sans doute au dernier que Descartes fait allusion.

��CL.

Descartes a ***. [Nov.-Déc. i638?]

Texte de Clerselier, tome II, lettre 93, p. 423-425.

Sans nom ni date dans Clerselier; mais imprimée entre la lettre précédente, du i5 nov., et la suivante, du i5 déc. 16 38, sans doute comme elle se trouvait dans les minutes; nous la laisserons donc à cette place. Quant au destinataire, ce semble bien être le tourneur d'Amsterdam dont il a été question {lettres LXXXIX, Cil et CVI), et dont Descartes parlera encore dans la lettre CLI ci-après à Huy- gens. — (C. A.)

Du moins, la lettre semble être adressée à un artisan [cf. l. S); et en dehors de Ferrier, ici hors de cause, ou du tourneur d'Amsterdam, il n'y a point de trace que Descartes ait eu, avec un troisième, des rela- tions pour la taille des verres. Mais, dans cette alternative, le rang de la lettre souffre une grave difficulté; elle parait, en effet, écrite avant que Descartes eût jamais vu le tourneur d'Amsterdam, c'est-à- dire avant le 2S janvier i638, date de la lettre CIL Nous savons en particulier, par la lettre CVI, que ce tourneur se décida finale- ment à suivre les indications de la Dioptrique, après avoir cherché d'abord d'autres combinaisons, comme celles dont il est parlé dans la présente et dans la lettre CIL A^ous savons aussi {\oiT lettre CXLIV, prolégomène ci-avant, p. 373-374) qu'à la fin de 16 38 la machine du

�� � 4^2 Correspondance. ii, 4a3.

tourneur d'Amsterdam était achevée. Tout cela n'est guère compa- tible avec la teneur de la présente lettre.

Si, d'autre part, le critérium tiré de la place dans l'édition Clerse- lier a, cette fois, une valeur particulière, car la lettre appartient à une série des plus régulières (voir tome I, introduction, pages xxix- xxxii), il n'en est pas moins fort possible que Clerselier ait intercalé à lajin de cette série, entre deux lettres oit il est question de lunettes, une pièce isolée dont il pouvait lui paraître intéressant de ne pas dif- férer l'impression. En résumé, si la lettre est bien ici à sa place, son destinataire est inconnu; serait-ce, non pas un artisan, mais au con- traire F. de Beaune? Lettres CLVI et CLXI. — [P. T.)

Monfieur,

Vous eftes véritablement l'homme que i'ay fou- haitté en ma Dioptrique", pour la mettre en exécu- tion; ou plutoft vous en eftes plus capable que ie n eufle ofé fouhaitter. Les trois arts, aufquels vous me 5 mandez vous eftre exercé, font iuftement ceux qui y peuuent le plus feruir; & pour moy, qui n'en ay ia- mais pratiqué aucun, non plus que fi i'eftois venu au monde fans mains, ie n'ay garde d'eftre fi prefomp- tueux que de prétendre vous enfeigner aucune chofe ; lo mais ie croiray auoir aflTez fait, fi mon approbation aide tant foit peu à vous confirmer en voftre defiTein. Il n'y a point de doute que le rouleau & les deux plan- ches n'ont point befoin d'eftre mifes en la machine **, pourueu que les deux cubes Z & Y coulent chacun i5 entre deux barres, ainfi que vous mandez ; aufli ne les y ay-ie décrites, ny plufieurs autres chofes particu- lières, qu'afin d'en faire mieux conceuoir le fonde- ment, & non point afin qu'on les obferuaft de point en

a. La Dioptrique, Discours dixiesme, p. i53.

b. Ib., page 142 et suivantes.

�� � II, 4*3-424- CL. NoV.-DÉC. 1638. 4^3

point. Comme, au contraire, i'en ay obmis plufieurs qui doiuent y eftre obferuées, à caufe qu'elles ne fer- uent point à en faire entendre le fondement : comme ce que vous mandez de faire les pièces fort mafTiues,

5 crainte qu'elles ne faffent refTort, & au lieu de la pièce KL, d'en mettre deux ou plufieurs affez éloignées l'vne de l'autre ; car mefme ie voudrois, s'il fe pouuoit com- modément, qu'on en mift vne au delà du cube auquel eft appliqué l'inilrument qui couppe ; en forte que ce

10 cube full entre les deux pièces K L & M N. De plus, à caufe que ces deux cubes Z & Y doi- uent toufiours retenir exadement vne mefme fituation | & diftance au regard l'vn de l'autre, nonobflant

1 5 tous leurs mouuemens, ie voudrois qu'ils fuffent ioints parle moyen de deux anfes, comme ABC & DE F, qui ne fiffent qu'vn mefme cors auec eux, & fuffent fort fermes & folides, en forte qu'elles

20 ne pliaffent aucunement, & que ce fufl à ces anfes, aux endroits B & E, que deux hommes qui feroient, l'vn d'vn cofté de la machine & l'autre de l'autre, miffent les mains afin de la mouuoir, au moins fi elle efl fi ferme & fi maffiue qu'il faille employer deux hommes.

25 Pour l'inuention que vous propofez, au lieu de la Roue & du Tour que ie fais feruir à tailler le verre, ie ne doute point qu'elle ne foit plus facile, & mefme elle reùffira peut-eflre mieux, pour des verres de médiocre grandeur ; mais pour ceux qui feront fort grands, ie

3o ne voy pas qu'on puifTe fi bien l'y appliquer. Outre que ie ne fçay pas fi on peut, en tournant le verre auec

��� � �4^4 Correspondance. h, 424-4»^-

la main, faire qu'il retienne toujours exaâ;ement vne mefme diredion, & pour peu qu elle varie, cela em- pefchera que fa figure ne foit iufle ; ce qui eft caufe qu'encore qu'il me fuft venu cy-deuant quelque chofe de femblable en l'efprit, ie n'aurois toutesfois ofé 5 l'écrire. l'auois penfé, ayant creufé le baffin de def- fous, ainfi que vous le décriuez, entre les cercles

E F G & H I K , d'attacher le verre à vne petite roue à dents comme D, qui tournait entre deux autres 10 roues E F G & H I K, en forte que, l'intérieure EFG eftant immobile pendant qu'on feroit tourner l'ex- térieure H I K , la petite D feroit comme vn epicicle qui auroit deux i5 mouuemens, l'vn autour de fon centre & l'autre en l'efpace] ABC, qui feroit creufé en hyperbole, & que, y ayant vn poids fur cette roue D, qui la prefleroit contre le baffin, le verre fe tailleroit ainû de foy- mefme; mais i'ay eu peur qu'on ne pull faire ces 20 roues affez iuftes. Vous en pourrez iuger mieux que moy.

Pour les verres concaues, ie ne doute point qu'il ne fuffife de les tailler félon voftre façon ordinaire, excepté feulement que ie voudrois que les bords de 2 S la petite roue, dont vous vous feruez, euffent la figure d'vne hyperbole, & que le diamètre de cette roue doit élire extrêmement petit : car vous fçauez que tout l'auantage qu'on doit attendre de ces lunettes par delTus les vulgaires, ne confille qu'en ce que, le 3o verre connexe pouuant élire beaucoup plus grand, à

�� � II, 4ï5. CLI. — Décembre 1638. 455

raifon de leur longueur, il peut fouffrir vn verre con- caue plus petit.

Pour les verres EUyptiques, s'ils n'étoient pas plus difficiles à tailler que les Hyperboliques, ie croy

5 qu'ils feroient prefque auffi bons pour les Lunettes d'Approche, & vn peu meilleurs pour les Lunettes à Puces. Mais encore que la figure Spherique foit auffi aifée à faire que la plate, il y a toutesfois cela de plus, qu'il faut que le centre de cette Sphère foit au mefme

lo lieu que le point brûlant de l'EUypfe, ce qui me femble fort mal aifé à obferuer. le fuis,

Monfieur,

��CLI.

Descartes a [Huygens].

[Décembre i638.] Autographe, Collection Foucher de Careil.

Lettre acquise à la vente Van Voorst d'Amsterdam et publiée dans les Œuvres inédites de Descartes, t. II, 1860, p. 23 1-233. Le cata- logue de la vente indiquait Consia^ïiûn Huygens comme destinataire. La date, qui manque dans l'autographe, est ainsi déterminée : 1° la lettre fut écrite plus de six mois après l'ouverture de la cam- pagne dernière (p. 456, l. 4-5 et j-8). Or nous lisons dans le Dagboek de Huygens : « 28 Mai) [i638] Cum principe Vornam ad » exercitum appellimus. — 10 Junij. Cum omnibus copiis Vornâ » discedimus. » La visite de Gillot serait' celle dont il est question,

a. Le 27 mai i638 (plus haut, p. 146. 1. 3), Descartes écrit qu'il n'a pas vu Gillot depuis six mois. La visite qu'il mentionne ne peut, d'autre part, être antérieure au i5 juin. Mais en disant « auant la campaigne », Des- cartes entend probablement l'ouverture des hostilités.

�� � 4^6 Correspondance.

lettre CXXVI (p. jyg, l. 1 2) ; elle avait peut-être été précédée d'une visite de Hufgens lui-même, qui aurait parlé à Descartes du livre de Harriot, apporté ensuite par Gillot. Huygens dit en effet : « 4 Mai). Cum Doubletijs, sorore et cognatâ Zueriâ Harlemum et vicinos hortos lustro. » // n'aura pas manqué de visiter Descartes, qui demeurait parmi ces vicinos hortos. — 2" Dans le post-scriptum, Descartes parle des lunettes de Naples (p. 45 j, l. iS), sur lesquelles il n'a pas encore de détails. Or Mersenne lui en avait dit un moi le /"• novembre i638 (p. 445, L 8; cf. p. 489, l. ■j,et 488, l. S), et lui donnera des explications le i"" janvier i63g (lettre CLV ci- après, Clers., II, 444). Quant au tourneur, voir le prolégom'ene de la lettre précédente {lettre CL, p. 48 1-452).

Monfieur,

le vifite mes liures fi peu fouuent, qu'encore que ie n'en aye que demi douzaine, il y en a néanmoins vn des voflres qui s'eft caché parmy eux plus de fix mois, fans que ie m'en fois apperçu : c'eft Henriotti, 5 que ie penfois que Gillot euft emporté auec luy, dés le mefme tems qu'il me l'apporta, qui fut auant la campaigne dernière. l'auois eu defirde voir ce liure, a caufe qu'on m'auoit dit qu'il contenoit vn calcul pour la géométrie, qui eftoit fort femblable au mien ; 10 ce que i'ay trouué eflre véritable, mais il entre fi peu en matière & enfeigne fi peu de chofes en beaucoup de feuilles, que ie n'ay aucun fuiet de vouloir mal a fes penfées de ce qu'elles ont preuenu les mienes*. Et ie ne me fouuenois plus du tout de luy, lorfque, i5 cherchant quelque autre liure, ie I'ay rencontré par hafard, bien ayfe de m'en pouuair feruir pour pré- texte de vous efcrire ; car parmy les occupations que vous auez, il me femble ne deuoir pas vous importu- ner, fauf quelque prétexte, & l'égalité de ma vie ne 20 m'en fournit point. Et cependant ie craindrois que

�� � eu. — Décembre i6j8. 457

mon filence ne vous donnaft fuiet d'oublier enfin le nom d'vne perfonne, qui vous honore extrêmement & qui fera toute fa vie,

Monfieur. 5 Voftre très humble

& très paffionné feruiteur,

DESCARTES.

le croy que vous aurez vu le tourneur d'Amfterdam. le ne fçay quelle opinion vous auez de fes verres ; pour

10 moy, ie n'y trouue autre défaut, finon que leur figure n'efl pas encore affez exade & qu'ils ne font pas affez polis ; car c'eft vn ouurage ou il faut obferuer bien plus de iufleffe qu'a tailler des rofes fur de l'yuoire. Mais ie ne defefpere pas qu'il en viene a bout auec le

i5 tems. On m'a mandé que quelqu'vn de Naples auoit défia mis lachofe en exécution, mais ie n'en fçay en- core rien de certain.

��Page 456,1. 14. — Baillei écrivait en tôgi, 1. VIII, ex:» ... Ce qu'on » a prétendu que notre Philosophe avoit pris de Thomas Harriot, a fait » plus de bruit parmi les Sçavans. Harriot, Philosophe et Mathématicien » Anglois, étoit mort dés l'an 1622 : mais en i63i Guillaume Warner fit » imprimer à Londres un ouvrage postume de sa composition, sous le » titre â'Anis analyticœ praxis ad cequationes algebraicas nova, expe- » ditd, et generali methodo resolvendas. On ne peut pas nier qu'il n'ait » été facile à M. Descartes d'avoir la communication de ce livre, pendant » son séjour en Hollande. Cette considération, jointe à la conformité de » ses sentimens avec ceux de Harriot touchant la nature des Equations, a » paru un préjugé raisonnable, pour faire croire qu'il avoit quelque obli- n gation à cet Auteur, quoy qu'il ne l'eût point fait connoître en public. » Celuy qui découvrit le premier cette conformité fut Mylord Candische, » qui se trouva pour lors à Paris, et qui la montra à M. de Roberval avec » le livre de Harriot. M. de Roberval, au rapport de quelques Anglois

(en marge : J. Wallis, etc. . voyant 1 endroit, s'écria au sujet de M. Des-

��»

��Correspondance. II. 58

�� � 4^8

��Correspondance.

��» cartes, disant : // l'a vfl, il l'a vu. La chose devint ensuite toute publique » par le zélé que M. de Roberval falsoii paroître à diminuer par tout la » gloire de M. Descartes. Mais M. Pell, Mathématicien Anglois(c« marge: » Epist. Joh. Pellii ad Mersenn. 24 Januar. 1640], le Chevalier Ayles- » bury, qui avoit été l'exécuteur testamentaire de Harriot et le dépositaire » de ses papiers, et même Guillaume Warner, qui a fait imprimer son » livre, jugeoient plus favorablement de M. Descartes, rejettant tout » l'avantage de la conformité sur la personne de Harriot, à qui il étoit » assez glorieux que M. Descartes se fût rencontré avec lui. Cette occa- » sion fit connoître Harriot en France, où les Sçavans n'avoient pas en- » core ouy parler de luy : et un auteur Anonyme de la Compagnie des » Jésuites reprocha encore quelque tems après à M. Descartes, dans un » petit écrit d'Algèbre, qu'il avoit copié cet Anglois sur la formation des » Equations [en marge : Tom. 3 des lettr. de Desc. pag. 45/). C'est ce » que M. Carcavi eut soin de luy faire sçavoir, lors qu'il étoit sur son dé- » part pour la Suéde : et il n'y eut que l'indignité de la conduite de M. de » Roberval, qui empêcha M. Descartes de répondre sur ce point [en » marge : Lettr. MS. de Desc. à Clerselier. du 6 nov. 164g). Après la » mort de nôtre Philosophe, l'envie de ses jaloux, au lieu de mourir avec » luy, continua de persécuter sa mémoire pour ce fait, jusqu'à ce que l'on » eût découvert enfin que M. Descartes n'avoit jamais lu le livre de Harriot. » Le sieur J . Wallis, professeur en Géométrie dans l'Université d'Oxford, » n'a point fait difficulté de renouveller encore depuis cette accusation » frivole, sans en apporter néanmoins de nouvelles preuves. Cet Auteur, » prétendant que M. Descartes devoit toute son Analyse, c'est-à-dire ce » bel art de résoudre toutes sortes de questions, ou la méthode d'inventer » les sciences, à Harriot, songeoit à dépouiller la France d'une gloire légi- » timement acquise, pour en revêtir l'Angleterre. Mais après l'examen que » les Mathématiciens ont fait du livre de Harriot sur les écrits de M. Des- » cartes, ils y ont remarqué une disproportion si étrange, qu'ils n'ont pu y> voir sans indignation que le sieur Wallis ait osé les comparer en- » semble. Il est inutile de s'étendre sur ce sujet, après ce qui en a été » rapporté contre les Anglois à l'avantage de M. Descartes par le sieur » Jean Hudde Hollandois {en marge : J. Huddenii Epist. cum Geomet. » lat. cart.), et depuis encore par le Père Prestet de l'Oratoire {en marge: » J. Prestet, préf. du 2 tom. des N. Elem. des Mathém.). » {La Vie de y M. Des-Cartes, t. II, p. 540-542).

Leibniz, dans ses Notes sur la vie et la doctrine de Descartes, rapporte complaisamment l'anecdote deÇavendish et YKobervaX [Œuvres de Leibniz, édit. Gerhardt, t. IV, 1880, p. 3 1 1-3 12) et s'associe en d'autres endroits encore [ib., p. 3o6 et 347) aux insinuations de Wallis. Il les précise même en ces termes : o quant au 3"" (livre de la Géométrie de des Cartes), les » Anglois ont découvert que l'ouvrage posthume de Thomas Harriot, im- » primé l'an i63i, contient déjà presque tout ce qu'il y a de meilleur et » principalement l'adresse de poser une équation égale à rien et de la pro-

�� � CLI. — Décembre 1638. 459

» duire par la multiplication des racines, qui est le fondement de tout ce » livre 3"'. » (p. 3o6). Et plus explicitement encore : « Sane Harriotus » sequationem jam nihilo aequalem posuit, et hinc derivavit, quomodo » oriatur aequatio ex multiplicatione radicum in se invicem, et quomodo » radicum auctione, diminutione, multiplicatione aut divisione variari » aquatio possit, et quomodo proinde natura et constitutio xquationum et » radicum agnosci possit ex terminorum habitudine. » (p. 3ii-3i2).

Notons, d'autre part, que Baillet va trop loin dans sa défense de Des- cartes, lorsqu'il affirme que celui-ci n'a jamais vu le livre de Harriot. La présente lettre nous apprend le contraire. Mais Baillet n'en avait pas con- naissance, et il a conclu trop vite sur deux pièces du procès : la lettre de Carcavi, du 24 sept. 1649, qui ne contient qu'une insinuation, et celle de Descartes, du 6 nov. 1649, aujourd'hui perdue, où, de son propre aveu, le philosophe évitait de répondre sur ce point. On voit d'ailleurs, par la présente lettre de déc. i638, que sa Géométrie était publiée depuis un an, lorsque le livre de Harriot lui vint entre les mains.

Quant à la lettre de Pell à Mersenne, Londres, 24 janv. 1640, que cite Baillet, on y trouve, en effet, les noms de Harriot, Warner et Ailes- bury, mais il y est question seulement de la loi de la réfraction, et non pas de résolution d'équations. Voici le passage essentiel, extrait des Lettres MSS. à Mersenne :

«... Quod ais aliquem esse apud nos qui veram habeat demonstratio- » nem proportionis, per quam fit refractio radiorum in diaphano, prêter » illam quam assignavit D. de Cartes ; in eo haud ita plene satisfacere » libi possum, quamdiu nomen ejus ignore. Si conjecturis aliquid dan- » dum, fuerit is haud dubie Doctissimus SeUex Gu. Warnerus (lUust. . Comiti Leicestrensi Ser. Régis nostri apud vos Legato non ignotus), » qui, Anno i63i, librum Londini edidit, tibi fortasse nondum visum » cui titulus, Artis Analyticae praxis, ad aequationes algebraïcas nova, B expeditâ et generali methodo resolvendas : Tractatus e posthumis Tho- » mœ Harrioti, Philosophi ac Mathematici celeberrimi, schediasmatis » summa fide et diligentia descriptus est apud Robertum Barker (in-folio, » p. 186). Eum, duobus hisce mensibus, quibus hic non procul ab aedi- » bus meis agit, ssepius convenire soleo, nactusque inter alia ab ipso sum » tabulam refractionis radiorum per vitrum in aerem delapsorum,quae » tabula continet partim observationes ab ipso Warnero factas, partim ex » illis observatis deducta ope istius plane analogiae quam Cartesius tradit : » ille quidem analogiae hujus nudam sine demonstratione cognitionem » acceptam refert Harrioto (is obiit anno 1622, nullis editis libris, praeter » descriptionem Virginiae quam prassens lustrârat, eô profectus cum for- » tissimo juxta ac doctissimo équité Gu. Raleigho, ducendis eà coloniis » praefecto), seque postea ejus rei demonstrationem eruisse ait, quam » mihi sit aliquando communicaturus. Verùm <{,ao|j.aeé<iTaToç vir, Thomas » Ailesburiua, eques auratus, supplicum in Regiâ libellorum magister » etc., istiusque Harrioti Teswmenti Curator, non solum ab Harrioto

�� � 460 Correspondance.

» solà inductione inventam mihi affirmât, sed eriam in eâ haeresi est, ut » vix credat ejus rei demonstrationem inveniri posse, nisi qualem Des « Cartes adhibet » {Bibl. Nat.,fr. n. a. 6206, f» iSp, p. Sog).

D'autre part, il convient de remarquer que, dans le second volume de ses Opéra mathematica (Oxford, 1693, p. 7 non numérotée), Wallis, ré- pondant à Baillet, s'exprime comme suit au sujet de Pell :

« Quid PcHius ipse senserit, ego aliquatenus intelligo, ut qui me hac > de re sxpius compellavit; et ex cujus ore descripsi quod hac de re dixi; » eique, postquam erat descriptum, ostendi (examinandum, immutandum, » emendandum pro arbitrio suo, si quid alias dictum malit), antequam » prelo subjiceretur, totumque illud quod inde prodiit, assentiente et ap- » probante Pellio dictum est. »

D'après le récit de Wallis (ib., p. 204-205), c'est d'ailleurs à Pell qu'il devait l'anecdote sur Roberval, qu'il mit en circulation dans l'édition an- glaise de son Algebra (i685); Charles Cavendish lui-même l'aurait racontée à Pell. Le fait se serait passé opère tum nuper edito; mais on ne peut regarder, à cet égard, comme précis un témoignage postérieur de quarante ans. Charles Cavendish ne résida en France qu'à partir de 1645, après la guerre civile d'Angleterre ; c'est donc après cette date qu'il faut placer ses premières relations avec Roberval, et c'est ce qui fait que Des- cartes apprit l'accusation de plagiat, non pas par Mersenne, mais, après la mort de ce dernier, par Carcavi en 1649.

Or, le petit écrit anonyme d'algèbre, que Baillet, transformant en affir- mation un doute de Carcavi, anribue à un Jésuite, et qui contenait l'ac- cusation que nous discutons, cet écrit existe en manuscrit à la Biblio- thèque Nationale (fr. n. a. 5 161, f" i), et a été publié, avec deux autres auxquels il fait suite, par M. Paul Tannery dans la Correspondance de Descartes, etc. (Paris, Gauthier -Villars, 1893). On y lit effectivement (p. 5 1-52):

< Thomas Hariot, Anglois, dans un Livre intitulé : Artis Analyticœ » Praxis, que l'on imprima à Londres après son decés en i63i, rapporte » un grand nombre d'exemples semblables, où je te renvoie, si tu en de- » sires d'autres que les précédents; et, si tu prends la peine de le par- » courir, tu m'avoueras que le S' Desc. ne l'a pas négligée, ainsi qu'il est » aisé a reconnoltre par les termes dont il' se sert, que cet auteur avoit » employés auparavant lui. »

M. Paul Tannery a établi, d'autre part, que ce factum, où Roberval est également injurié, doit être attribué à Beaugrand (mort à la fin de 1640) et peut remonter à la fin de i638. Il dut ne circuler assez longtemps que sous le manteau, quoique Mersenne ait su de bonne heure que Beaugrand écrivait contre Descartes (voir plus haut, page 396, 1. 3).

Si donc l'envie d'un compatriote devança la jalousie nationale, en oppo- sant le nom d'Harriot à celui de l'auteur clés Essais, elle n'attira guère l'attention. Baillet exagère en tout cas l'inimitié de Roberval ; probable- ment il a pris trop à la lettre les termes sous lesquels Descartes parle de

�� � CLI. — Décembre 1638. 461

ce dernier dans sa correspondance. Il est notable que, dans le récit de l’anecdote de Cavendish par Wallis, Roberval professe son admiration pour Descartes.

« Miror ego (inquit Robervallius) Cartesii notionem illam de tota iEquatione in unam partem revocanda, ut nihilo aequetur; et quomodo in illam inciderit. »

C’est même cela qui amène Cavendish à montrer à Roberval, dans l’ouvrage d’Harriot, une équation égalée à zéro, fait qui n’y a d’ailleurs lieu qu’à titre d’exception et qu’on rencontre déjà, de la même façon, dans l'Arithmetica integra de Michel Stifel (1544).

Baillet n’est pas enfin beaucoup plus heureux en invoquant le témoignage de Hudde (p. 490 de l’édition latine de 1659 de la Géométrie de Descartes) :

« Adeô ut, judicio meo, ne quidem verisimile videatur, imprimis si » concinnam prscedentium cum sequentibus cohsrentiam spectemus, » ipsum ex uliis aliis authoribus, ut nonnulli opinantur, eam (Regulam) » desumpsisse. »

Il s’agit d’une toute autre question, de la méthode cartésienne pour la solution de l’équation du quatrième degré, méthode au sujet de laquelle personne ne pouvait parler d’Harriot. Hudde ne vise donc pas les Anglais, et tout ce qu’il ajoute prouverait plutôt qu’il n’a jamais eu connaissance des imputations de Beaugrand ou de Cavendish.

Si «c la chose devint toute publique », comme le dit Baillet, ce ne fut donc pas avant 1685, et ce fut du fait, non de Roberval, mais de Pell et de Wallis. (La seconde édition de l’ouvrage de Prestet, dans laquelle il parle de la question, est de 1692). Wallis n’accuse pas, au reste, formellement Descartes de plagiat (du moins il s’en défend), mais il prétend retrouver dans Harriot la plupart des nouveautés de la Géométrie. Il suffit de mentionner à cet égard le jugement de l’historien des Mathématiques le plus compétent et le plus impartial, Moritz Cantor [Vorlesungen, t. II, p. 722), sur VArtis analyticœ praxis :

« So der wesentliche Inhalt eines Werkes, von dessen Verfasser man » gewiss nicht behaupten wird wollen, er verdient nicht einen Platz in » der Geschichte der Algebra, aber von dem man noch weit ’veniger » behaupten darf, er sei Bahnbrecher auf diesem Gebiete gewesen, in » dessen Werk man nicht hineinlesen darf, was nun und nimmermehr » darin enthalten war. (En note : Diesem Fehler verfiel John Wallis in » seiner Algebra von 1685. Wer seinen Bericht mit der Artis analyticce » praxis vergleicht, muss glauben, Wallis habe ein ganz anderes Werk a vor Augen gehabt).

�� � 462 Correspondance. ii. 4a5-4a6.

CLII.

Descartes a Mersenne.

[Décembre i638.] Texte de Clerselier, tome II, lettre 94, p. 4a5-43i.

Sans date dans Clerselier. « i5 décembre i638. Voyez le nouveau cahier. » {Note de l'exemplaire de l'Institut). Cette lettre fait, en effet, partie d'une série où l'on trouve, comme dates fixes, avant elle la lettre XCII du i5 nov. i638, et après elle la lettre XCVI du gjanv. i63g; et comme la seconde renvoie à celle-ci, qui renvoie elle-même à la première, elle a été certainement écrite entre les deux, plus proche cependant du iS nov. que du g janv., Dfscartes s'exciisant à cette dernière date d'un certain retard [lettre CLIV ci-après).

Mon Reuerend Père,

le vous fupplie tres-humblement de ne pas croire que iamais vos lettres me puiflent eftre importunes, & bien | que ie ne fois pas véritablement fort curieux de voir les écrits de MeiTieurs vos Géomètres, ie ne 5 laifle pas de vous auoir beaucoup d'obligation de la peine que vous auez prife de m enuoyer copie de la Lettre Géométrique de M. (Fermât)^. Mais fçachez que tout ce qu'il a écrit de la Tangente du galand^ qui fait l'angle de 45 degrez, ne fert de rien que pour 10 nous monftrer qu'il ne l'a point trouuée ; car de la vou-

8M. N.

a. Il s'agit de la lettre de Fermât à Mersenne, du 22 octobre i638, im- primée Œuvres de Fermât, t. II, 1894, p. 169-176.

b. Voir plus haut, page 341, éclaircissement sur p. 3i3, 1. 14.

�� � 11,496. CLII. — Décembre 1638. 465

loir réduire, comme il fait, ad locos folidos, c eft vne grande faute, à caufe que le problefme eft plan. Et tout de mefme, en fa féconde façon, où il la réduit à vne équation de quarré de quarré, laquelle il ne dé- 5 mefle point, il s'arrefte iuftement au mefme endroit où s eftoit arrefté M. de (Roberual) en ma folution, & ainfi il ne touche point à la difficulté, comme auoûera M. de (Roberual), fi la paffion ne l'empefcbe point d'auoùer la vérité.

10 Pour les lieux ad fuperficiem & ce qu'il dit allonger grandement l'étriuiere aux lieux plans", ce neft rien qui ne foit très-facile. Enfin, pour ce qui eft des autres lignes courbes dont il parle , encore que ie ne l'en- tende pas parfaitement, foit qu'il y ait faute à l'écri-

i5 ture, ou qu'il ne fe foit pas aflez expliqué, ou bien que ie n'aye pas aflez d'efprit, toutesfois ie croy fer- mement qu'il fe méconte. Et bien qu'il dift vray, ce ne feroit pas grande chofe de donner les Tangentes de certaines lignes, qu'il a imaginées tout exprés pour en

20 pouuoir donner les Tangentes, & qui d'ailleurs ne font d'aucun vfage. De façon que ie ne voy rien en tout fon écrit que i'admire, finon les epithetes de mer- ueilleux, d'excellent & de miraculeux, qu'il donne à des chofes qui font ou fort fimples, ou mefme mau-

25 uaifes. Et pour ce qu'en plufieurs écrits que i'ay veus de luy, i'ay feulement trouué deux ou trois chofes qui eftoient bonnes, méfiées auec plufieurs autres qui ne l'eftoient pas, ie vous diray, entre nous, que ie les com-

3 l'a réduit. — 6 ef 8 M. de N.

a. Œuvres de Fermât, t. II. p. 174, 1. i.

�� � 464 Correspondance. h, 4a6-4ï7-

pare aux vers d'Ennius, defquels Virgile tiroit de l'or, i'entens dejîercore Ennij'^. Mais c'eft entre nous que ie le dis, car ie ne laiffe pas d'eftre fort fon feruiteur, s'il luy plaift.

I L'objedion de M. du M(aurier)* contre la Diop- 5 trique monftre qu'il n'entend point du tout la Diop- trique. Car vne partie de l'objet de la grandeur du verre n'y eft confiderée que comme vn point, & tous les rayons qui en viennent, s'affemblent en vn feul point du fonds de l'œil; mais il en vient d'autres des lo autres collez, qui s'affemblent aux autres, comme i'ay expliqué en mille lieux ^.

le tâcheray de voir le Philolaus de M. Bouillaut^ fi-toft que ie fçauray qu'il fe vendra, & vous en man- deray mon fentiment. 1 5

le vous remercie du foin que vous auez des Liures que i'auois deftinés pour l'Italie. l'auois écrit vne lettre à M. le CardinaLBaigné, qui deuroit eflre auec, & fi ie m'en fouuiens, i'auois eu deffein de luy en- uoyer deux exemplaires à luy feul, & vn autre à M. le 20 Cardinal Barberin, que ie penfois luy addreffer par M. de Pe(iresc). Mais fi M. le Nonce "^ en veut prendre la peine, cela feroit encore beaucoup mieux. Ce qui m'obligeoit d'en enuoyer à M. le Cardinal Barberin, eft que l'obferuation que i'explique à la fin des Me- 25

a. DoNAT, Vie de Virgile, XVIII, 71 : « respondit se aurum colligere de » stercore Ennii. » L. Diop trique, p. 38, etc.

c. Philolai siue dissertationis de vero systemaie mundi libri IV. (Ams- terdam, 1639, in-4), ouvrage anonyme. — Voir plus haut, p. 396, 1. 19.

d. Georges Bologneti, évêque d'Ascoli, « nonce de Sa Saincteté en France » en i638.

�� � n,4J7-4î8. CLII. — Décembre 1638. 465

teores' eft venue de luy. Et pour ce que M. Gaflendi l'a cy-deuant fait imprimer, cela me fait fouuenir de vous demander de fes nouuelles, & quel iugement il fait de ce que i'ay écrit là deffus, car vous ne m'en

5 auez iamais rien mandé*.

Pour voftre queftion de Mufique, fçauoir fi l'odaue eft plus agréable, aux momens que les tremblemens des cordes qui la font s'accordent enfemble, qu'aux autres, ie répons que ces diuers momens ne peuuent

10 aucunement eftre diftinguez par le fens, & que l'agrée- ment ne fe remarque qu'en tout le fon, lequel ne peut eftre fenfible, s'il n'eft compofé de plufieurs tremble- mens d'air.

le vous remercie de voftre obferuation touchant les

i5 forces qu'il faut pour rompre diuers Cylindres de mefme groffeur ; mais ie penfe vous auoir défia cy- deuant mandé ^ que ie ne croy pas qu'on puifl*e tirer aucune conclufion générale, à caufe que cette force varie félon la diuerfe forme de chaque cors, c'eft à

20 dire félon la grofifeur, la figure & l'arrangement de fes parties.

I L'eau ne demeure pas dans ces vaifleaux percez, dont on vfe pour arrofer les jardins, crainte du vuide, (car, comme vous dittes fort bien, la Matière fubtile

25 pourroit aifément entrer en fa place), mais à caufe de la pefanteur de l'air : car fi elle fortoit, & qu'il ne ren- traft que de la Matière fubtile en fa place dans le vaze, il faudroit qu'elle fift haufter tout le cors de l'air iuf- ques à fa plus haute fuperficie.

a. Page 288, Discours dernier. Cf. tome I, p. 23 et 29, lettre X.

b. Lettre CXLIX, p. 439, 1. 11-24.

Correspondance. II. $9

�� � 466 Correspondance. ii, 428.

Pour l'air qui eft preflé dans vn Balon auec vne Si- ringue, il ne dénient pas dur pour cela, bien qu'il rende le Balon plus dur; mais il faut penfer que les parties de cet air, qui différent de la Matière fubtile, & qui feules font enfermées dans le Balon, à caufe 5 qu elles ne peuuent paffer par fes pores, eftant pref- fées l'vne contre l'autre, & par ce moyen leurs figures eftant contraintes, elles font comme autant de petits arcs, ou reffors, qui tendent à reprendre leurs figures, & en fuite à occuper plus de place ; d'où vient qu'elles 10 prelTent le Balon de tous coftez, & par ce moyen le rendent dur. Car ce n'eft autre chofe eftre dur, finon eftre tellement difpofé qu'il refifte à l'attouchement, en quelque façon que cela fe faffe ; et l'or n'eft pas fi dur que le fer, encore qu'il foit plus pefant, à caufe i5 que fes parties ne font pas fi fermement jointes.

le n'ay rien dit fur Galilée de fes portées de Canon qu'il réduit en tables", à caufe qu'après auoir defa- prouué toutes les raifons fur lefquelles il les fonde, il m'a femblé qu'elles ne valoient pas feulement le 20 parler.

Vous verrez ce que ie répons à M. de Beaune^; mais ie croy qu'il n'eft point à propos que d'autres le voyent, au moins de ceux qui pourroient eftre de l'hu- meur de (Roberual). 25

le ne reconnois aucune Inertie ou tardiueté natu- relle dans les cors, non plus que M. Mydorge, et

9 arcs] ares. — 25 (Roberual)] N.

a. Dialogo délie Nuove Scien:{e, giornata quarta, prop. XIII.

b. Lettre perdue. — Cf. plus haut, p. 488, 1. 9, à p. 489, 1. 6.

�� � II, 428-4Î9- CLII. — Décembre lôjS. 467

croy que, lors feulement quVn homme fe promené, il fait tant foit peu mouuoir toute la mafle de la terre, à caufe qu'il en charge maintenant vn endroit, & après vn autre. Mais ie ne laiffe pas d'accorder à M. de 5 Beaune, que les plus grands cors, eflant poufîez par vne mefme force, comme les plus grands | bateaux par vn mefme vent, fe meuuent toufiours plus lentement que les autres ; ce qui feroit peut-eftre aflez pour éta- blir fes raifons, fans auoir recours à cette Inertie na-

10 turelle qui ne peut aucunement eftre prouuée. Ce que vous me fifles voir de luy à l'autre voyage, m'alOTure qu'il entend très-bien ma Géométrie, & qu'il en fçait plus que ceux qui fe vantent plus que luy. Et pour ce que vous me mandez qu'il demeure d'accord de ce

i5 que i'ay écrit des Mechaniques ^, ie ne doute point que fi nous conférions enfemble du refte, il ne s'ac- cordaft entièrement à la vérité. Il a raifon de trouuer rintrodudion trop briéue pour luy, à caufe qu'il fçait défia ce qu'elle contient; mais aufli n'eft-elle

20 faite que pour ceux qui en fçauent moins, & ce n'eft pas vn Commentaire, mais feulement vne Intro- dudion.

Vous expliquez fort bien la combuflion par les Mi- roirs ardens, en imaginant plufieurs petites boules de

25 la Matière fubtile, ou plufieurs pointes d'aiguilles, qui vont frapper vn mefme objet de plufieurs coflez. Et il efl aifé à répondre à ce que vous demandez comment ces boules pénètrent dans les cors opaques, puis qu'elles ne fe trouuent que dans les diaphanes •

a. Lettres CXXIX et CXLII, du i3 juillet et du 12 septembre i638.

b. Voir p. 276, 1. 5; p. 427, 1. 3, etc.

�� � 468 Correspondance. 11, 429-430.

car ie ne penfe nullement qu'elles ne fe trouuent que dans les diaphanes, mais feulement que, les pores des opaques eftant interrompus & inégaux, elles n'y paf- fent que par des chemins détournez, & non en lignes droites, fmon en tant qu'elles rompent les parties de 5 ces cors pour s'y faire paflage ; & c'eft par cela mefme qu'elles les brûlent. Car elles brûlent toufiours leur fuperficie, auant que de pénétrer plus auant, &, cœte- risparibus, elles brûlent plus aifément les cors noirs & opaques que les blancs & tranfparens. 10

Pour les cors qui font enfemble polis & colorez, ie répons qu'ils ne font polis qu'en quelques-vns des points de leur fuperficie, & que les petites boules, qui vont rencontrer les autres points, y trouuent la dif- pofition qui eft requife pour faire qu'elles tournent i5 plus ou moins autour de leur centre, félon la couleur qu'elles doiuent reprefenter; et des j cors qui feroient parfaitement polis en tous les points de leur fuperfi- cie, ne fçauroient auoir aucune couleur que celles des objets qu'ils reflechiflent. La différence des cou- 20 leurs ne dépend point de ce que ces boules font pouflées de droit à gauche, plutoft que de gauche à droit, ou &c., ny aufli de ce qu'elles font mues plus ou moins fort, mais feulement de la diuerfe propor- tion qui eft entre leur mouuement droit & le circu- 25 laire. Les rayons du Soleil ne pénètrent point les cors opaques, à caufe que leurs pores ne font pas affez droits & égaux pour ce fujet; et bien que la Matière fubtile ne laiffe pas de couler fans ceiTe par dedans, elle n'illumine point pour cela leurs parties inte- 3o rieures, à caufe qu'elle ne les pouffe pas fortement

�� � /i.43o.^,, CLII. — Décembre 1638. 469

en ligne droite, & c'eft ce feul pouffement en ligne droite qui fe nomme Lumière.

le vous décrirois tres-volontiers les proportions que vous demandez pour faire vn crochet, ou Ro-

5 maine, qui férue à pefer deux cens liures, car il ne faut point à cela grande fcience; mais encore quil auroit elle décrit par vn Ange, il eft prefque impoffi- ble qu'on obferue tout fi iuftement en le faifant, qu'il ne s'y trouue de la faute, & ainfi la pratique feroit

10 honte à la Théorie. C'eft pourquoy il vaut beaucoup mieux le faire premièrement de telle grandeur & grol- feur qu'on voudra, fans le marquer; & après cela, fi on veut qu'il porte deux cens liures, il faut pendre au crochet vn poids qui foit iuftement de deux cens li-

i5 ures, & ayant coulé l'anneau, auquel eft attaché le contre-poids, iufques au bout du manche, il faut ofter ou adjoûter à ce contre-poids, iufques à ce qu'il foit parfaitement en équilibre auec les deux cens liures ; car il n'importe pas qu'il pefe deux ou trois liures

20 plus ou moins. Apres cela, ayant mis la marque de deux cens au lieu où il eft, il faut mettre vn poids de cent nouante liures dans le crochet, & approcher le contre-poids, auec l'anneau, iufques à ce qu'il foit en équilibre, & marquer en cet endroit là cent nouante,

2 5 & ainfi de fuite iufques au bout; ] ce qui fera beaucoup plus iufte que ce qu'on fçauroit faire d'autre façon. le fuis,

��Page 464, 1. 5. — M. du Maurier. Lequel? Ce n'est pas Benjamin Au- bery, sieur du Maurier; il fut ambassadeur à La Haye de 1614 à 1624, et Descartes le connut sans doute en Hollande vers 1618 et 1619 ; mais il mourut le 10 août i636. C'est donc un de ses fils. L'un avait une fâcheuse

�� � 470 Correspondance.

réputation, s'il faut en croire Balzac dans une lettre à Chapelain du 3 oct. 1644 [Mélanges historiques, Impr. Nat., jSj3, t. I,p. 5<?/-5<?2). L'autre, Louis Aubery, sieur du Maurier, né le 24 juillet 1609, avait pu rencontrer Descartes dans un voyage qu'il fit à partir du 2 mai 1637 dans les pays du Nord, avec le comte d'Avaux. Il était de retour à Paris en i638, et y de- meura plusieurs années comme courtisan volontaire de Richelieu, dont il attendait un emploi : il fut question de lui pour accompagner Mazarin comme secrétaire dans une mission diplomatique (Lettres de Chapelain, t. I, 1S80, p. 6i8-6tg, lettre à Boisrobert du 8 mai 1640). Entre temps il s'occupait de sciences, comme en témoignent, outre les indications de Descartes, les deux textes suivants :

I» John Pell écrivit de Londres à Mersenne, le 24 janvier 1640 :

«... Telcscopia illa Maureriana novos Nuncios Sydereos, Italicis for- » san perspicaciores, polliceri videnturj nec de facie Veneris tantum, sed » et reliquorum planetarum, prorsus inaudita quaedam nobis allaturos, » Martis prssertim, hoc anno perigaei adeoque solito majoris, deniquè » ter intra paucos dies cum Saturno congressuri, licet duas posteriores » ffuvciSouc omiserit Duretus vester. » {,Bibl. Nat. MS. fr. n. a. 6206, f i5g,p.3og).

2* Le 24 octobre 1644, Balzac écrit à Chapelain :

«... Que vous me dites de belles et grandes choses de U^^ son frère » [le frère du M' du Maurier qui avait mauvaise réputation], et que les » magnifiques termes dont vous vous servez pour me les dire me font en- 1» vie de devenir mathématicien ! En sçauroit-il plus que M. Des-Cartes, w qui croit en plus sçavoir que les grands démons, car pour les petits » lutins, il leur fait leçon deux fois par jour ? > (Mélanges historiques, Impr. Nat., iSjS, t. I,p. 58 g).

Page 465, 1. 5. — Le 14 juin 1637, Gassend avait perdu son bon ami Peiresc, qu'il n'avait pas quitté pendant sa maladie, à Aix-en-Provence. « Cette mort », dit son biographe, le P. Bougerel, t dérangea le commerce a épistolaire de Gassendi; car de toute cette année « lôSya, il ne nous » reste qu'une seule de ses lettres, écrite à Galilée, au commencement n d'octobre » (p. 175 de la Vie de Gassendi, Paris, Jacques Vincent, 1737). En outre, dit le même biographe, « depuis le mois d'octobre 1637 jusqu'au » 3o juillet 1639, nous n'avons aucune de ses lettres; j'attribue son silence » à ses voyages, à sa maladie et à ses grandes occupations. »

�� � 11.43.. cuil. — 9 Janvier 1659. 47»

CLIII.

Descartes a Frenicle.

[9 janvier 1639.]

Texte de Clerselier, tome II, lettre gS, p. 43i-435.

« A Monsieur Fernicle (sic), Seigneur de Bessy », dit C^^'!;ff*^' sans donner de date. Mais la place de cette lettre, entre la XCIV, de déc. i638, et la XCVI', du gjanv. lôSg, dans me série où les lettres se suivent chronologiquement, est significative. De plus Descartes (p. 472, l. i) parle d'une question qui lui fut proposée « il n'y a pas encore un an .., et à laquelle il répondit le 3i mars i638 {lettre CXIX ci-avant), après l'avoir reçue vers la fin de février i638.St l'on ajoute enfin que, dans sa lettre à Mersenne, du g février lôSg, il renvoie à celle-ci {Clers., II, 45 2), tandis qu'il n'en dit mot dans celle du g janvier, on peut en conclure qu'elle a été envoyée en même temps que cette dernière.

Monfieuf, La lettre que vous auez pris la peine de m écrire m'oblige beaucoup, & tant ce que vous y mettez des nombres, que ce que le R. P. M(erfenne) m'en a cy- deuant communiqué de voftre part% m'a fait con- noiftre que vous y fçauez plus que ie n'aurois crû qu'il fuft poffible d'y fçauoir, fans le fecours de l'Al- gèbre, de laquelle on m'a dit que vous n'vfez point. Ce qui me feroit fort defirer d'en pouuoir conférer auec vous, fi ie penfois en élire capable, & que ce fuft vne étude où ie m'appliquaffe ; mais i'ay peur que vous n'en euffiez pas grande fatisfadion : car i'y fçay fi peu,

a. Cf. lettre du i5 nov. i638, p. 429, 1. 4.

�� � 472 Correspondance. ii, 43«-43».

qu'il n'y a pas encore vn an que i'ignorois ce qu'on nomme les parties Aliquotes d'vn nombre*, & qu'il me fallut emprunter vn Euclide pour l'apprendre, au fujet d'vne queftion qu'on m'auoit propofée, qui eftoit de trouuer vne infinité de nombres, qui pris deux à deux $ fuffent réciproquement égaux aux parties l'vn de l'au- tre*. Toutesfois, à caufe que le Problefme que vous propofez regarde la Dioptrique, ie penfe eftre obligé de faire mon mieux pour le refoudre ; & voicy comme iem'yprens*. lo

l'expofe les nombres 5, ij, 25,41,61,85, &c., lef- quels font compofez de ce que Monfieur de Sainte Croix nomme le milieu d'vn nombre quarré : à fçauoir 5 eft le milieu de 9, 13 le milieu de 25, 25 de 49, &c. Et ie ne commence point cette progreffion par l'vnité, i5 afin de faire que la diftance des | points brûlans de l'El- lypfe foit toufiours plus grande que celle de fon plus petit Diamettre. Puis ie multiplie autant de ces nom- bres l'vn par l'autre, que ie veux auoir d'Ellypfes ra- tionnelles, fans toutesfois qu'il foit befoin de réitérer 20 aucune multiplication. Comme, après auoir multiplié 5 par 13, au lieu de multiplier le produit par 25, il fuffit de le multiplier encore par 5 ; & au lieu de le multiplier par 85, il fuffit de le multiplier par 17, & ainfi des autres. Cela fait, i'ay vn nombre dont le i5 quarré, eftant multiplié par 4 (ou mefme par quel-

24 Après 17] {peut-eftre faut-il par i3) Clers. à tort.

a. Voir plus haut, p. 93-94. — La question avait été proposée dans l'Ecrit perdu de Roberval et Etienne Pascal.

b. Cette phrase (1. i5-i8) ne peut guère avoir été écrite sous cette forme que par une singulière inadvertance.

�� � 11.43»- cuil. — 9 Janvier 16)9. 47 j

qu'autre nombre pair, tel qu'on voudra, pourueu qu'il ne foit point le double d'vn nombre quarré, & qu'il ne rende point le produit diuifible par aucun nouueau quarré dont la racine foit en la progreffion des nom- 5 bres expofez), il peut eftre pris pour le plus grand Diamètre des EUypfes demandées, & fatisfait à la queftion. Par exemple, de 5, ij & 25, i'ay 52^, dont le quarré eft 10^62^, que ie multiplie par 4; & il vient 422^00, que ie dis eftre le plus grand Diamètre de

10 trois EUypfes, & non plus, defquelles les lignes I C, IK & FL s'expriment par des nombres entiers , &c . Et pour trouuer ces lignes en chaque ,--

EUypfe, ie diuife premiere-

i5 ment ce nombre 422500 par ^ t~~Ë le double de 5 ; il vient 42 2 50 '«.^ pour I C , ce que ie diuife de- rechef par 5 ; & il vient 8450 pour IK. Et ie multiplie ce mefme IC par le double

20 de la racine du quarré dont 5 eft le milieu, à fçauoir par 6 qui eft double de j , & il vient 2 5 j 500 pour F L ; voila pour la première EUypfe. le diuife après cela ce mefme nombre 422500 par le double de ij, pour auoir IC; puis I C par ij, pour auoir IK; & ie mul-

2 5 tiplie IC par 10, pour auoir F L en la féconde EUypfe. Enfin ie le diuife par 50, pour auoir IC; puis IC par 25 , pour auoir IK ; & ie multiplie IC par 14, pour auoir FL en la troifiefme EUypfe. Ainfi on peut ai- fement trouuer vn nombre qui férue de Diamètre à

3o tant de telles EUipfes qu'on voudra. Et ie pourrois donner vne autre règle, pour trouuer le mefme en

CORRBSPONDANCI. IL 6o

��� � 474 Correspondance. îi, 431-433

des nombres plus cours, à fçauoir, en faifant que D C fuft le double d'vn | nombre quarré. Mais, pour ce que ie croy qu'elle feroit plus longue, ie me fuis con- tenté de celle-cy.

Pour ce que vous écriuez touchant les Multiples, il 5 me fait iuger que vous y elles extrêmement verfé, & peut-eftre plus qu'aucun autre ne fuft iamais. Toutes- fois ie m'étonne de ce que vous femblez nier qu'il y ait des nombres non diuiûbles par 5 , dont les parties foient 7, ou 11, ou 17 fois plus grandes qu'eux, & 10 chofes femblables. Car ce n'eft pas affez de n'en auoir point trouué, encore mefme qu'on auroit cherché par tous les nombres iufques à ceux qui s'expriment par mille notes, pour affurer qu'il n'y en ait point en l'im- menfité infinie de ceux qui font au delà. Et ie ne voy i5 aucune raifon pour douter qu'il n'y en ait vne infinité de chacune de ces fortes. Il eft vray que peut-eftre ils font fi longs que la vie d'vn homme ne fuffiroit pas pour les écrire. Mais par l'a b c dont ie me fers, on ne laifleroit peut-eftre pas pour cela de pouuoir les jo exprimer.

le m'étonne auflî de ce que vous nommez fteriles les deux Théorèmes dont i'auois mandé m'eftre feruy pour trouuer les Triples ^ vu que, de quatre doubles, ils m'en auoient fourny fix Triples, & ce en vn temps 25 auquel le R. P. M(erfenne) m'auoit mandé qu'on pen- foit qu'il fuft impoflible d'en trouuer aucun. Toutes- fois i'auoùe que ces Théorèmes confiderez feuls fe- roient peu de chofe ; mais d'autant qu'on en peut trouuer vne infinité d'autres à leur exemple, ils don- 3o

a. Page 428, 1. 5.

�� � II, 433-434- CLIII. — 9 Janvier 1639. 47^

nent le moyen de trouuer vne infinité de Multiples. Et ce n'eft point par eux que i'opere, comme vous auez fort bien iugé ; mais la façon dont i'opere en cher- , chant quelque Multiple, me donne toufiours quelque 5 femblable Théorème, qui peut feruir à en trouuer d'autres. Et cette façon n'eft autre chofe que la mef- me dont i'vfe en ma Géométrie, fuppofant des Lettres pour les quantitez ou nombres inconnus, & cherchant à en faire des équations auec quelques-autres nom-

10 bres connus : ce qui fe fait en tant de diuerfes façons, qu'il me feroit mal-aifé de les expliquer icy plus en particulier. Et les nombres Equiualens qui fe trouuent par ces équations font de tel | vfage que, fi vous auez trouué deux cens Multiples fans vous en feruir, ie

i5 m'aflure qu'en confiderant feulement les parties fem- blables ou diffemblables dont ils font compofez, vous en pourrez trouuer deux fois autant de nouueaux fans aucun calcul ; comme, de l'vn des quadruples que le Reuerend Père Merfenne m'a cy-deuant enuoyé de

20 voftre part, compofé de nombres ^, 24^, 49, ij, 19, 2j, 89, 1024, i'en trouue vn autre plus court, corn? pofé de 5, 24), 49, 13, 19, 17, 128; car iefçay que 17 & 128 font icy le mefme que 2j,89& 1024; &ainû des autres.

25 Pour le nombre impair fauflement parfait, que ie vous auois enuoyé*, ie ne vous celeray pas que i'en tiens l'inuention pour vne des plus belles en cette ma- tière, ie ne diray pas que ie fçache, car ie n'y fçay prefque rien, mais que i'y puffe fçauoir, encore que ie

3o m'y appliquaiTe entièrement. Et ie ne fçay pourquoy

a. Page 429, 1. 21.

�� � 476 Correspondance. 11,434-435.

vous iugez qu'on ne fçauroit panienir, par ce moyen, à l'inuention d'vn vray nombre parfait. Que fi vous en auez vne demonftration, i'auouë qu'elle eft au delà de ma portée, & que ie l'eflime extrêmement : car pour moy, ie iuge qu'on peut trouuer des nombres 5 impairs véritablement parfaits, en la mefme façon que i'ay trouué celuy-là. Mais il eft à remarquer qu'au lieu des nombres 7, 11 & ij, dont i'auois compofé la racine du quarré, il faut que chaque nombre qu'on y employé, excepté celuy qu'on prend le premier de 10 tous, foit l'aggregé de deux nombres, qui expliquent la proportion qui eft entre le quarré & les parties ali- quotes de ceux qu'on a pris auparauant. Comme, ayant pris j pour le premier nombre, il faut que le fécond foit i^, qui eft l'aggregé de 9, quarré de ^, & i5 de 4, qui font fes parties, (ou bien ce peut eftre auifi le quarré de 1 3 , ou fon cube, ou fon quarré de quarré &c.; & ce pourroit eftre ce mefme nombre, s'il eftoit quarré; ou fa racine, s'il eftoit quarré de quarré, &c.). Après cela, pour ce que les quarrez de j & de 1 3 pro- 20 duifent vn nombre, qui eft à fes parties comme ^9 à 22, il faut que le troifiefme nombre qu'on prend foit l'aggregé de ces deux, à fçauoir 61 (ou bien | derechef fon quarré, ou cube, &c.) & ainfi de fuite. Au moyen de quoy, on peut enfin compofer vne racine, dont le 25 quarré foit à fes parties aliquotes en proportion fu- perparticuliere", & que l'aggregé des deux nombres qui expliquent cette proportion, foit vn nombre pre- mier, lequel eftant multiplié par le quarré trouué, produira vn vray nombre parfait. Il eft vray qu'on 3o

a. C'est-à-dire dans le rapport '^^-

�� � 11.435. CLIII. — 9 Janvier 1639. 477

effayera peut eftre quantité de nombres, auant que d'en rencontrer qui produifent ainfi vn nombre par- fait; à caufe que ces aggregez ne font pas toufiours nombres premiers, & qu'ils ne compofent pas tou- jours la racine d'vn quarré, qui foit à fes parties en proportion fuperparticuliere . Mais ie ne voy rien qui empefche que cela n'arriue quelquesfois , bien que la recherche en foit fort pénible & ennuyeufe. le fuis.

Page 472, 1. 2. — Si on divise un tout en un certain nombre de parties égales, chacune d'elles est dite aliquote, en tant que pouvant être dé- nommée d'après la quotité du nombre diviseur (pars dimidia, tertia, quarta etc.). Dans l'arithmétique théorique, où l'on ne considère, comme touts et parties, que des nombres entiers, chaque partie aliquote est dès lors un facteur ou diviseur du tout, et elle est dénommée d'après le facteur qui, en la multipliant, reproduit le tout. Réciproquement chaque divi- seur d'un nombre, y compris l'unité, mais en exceptant le nombre lui- même (le tout), est une partie aliquote dudit nombre.

Toute partie d'un tout, qui n'est pas aliquote, est appelée aliquanle. Mais en arithmétique un nombre, plus petit qu'un autre, et qui n'en est pas partie aliquote, peut être considéré comme une répétition de parties aliquotes (au moins de l'unité). Par suite Euclide, qui ne connaît pas de partie aliquante et qui, au lieu d<i partie aliquote, dit simplement partie (le terme |xépo<;, dans la mathématique grecque, impliquant toujours la division en parties égales), distingue le nombre plus petit qu'un autre sui- vant qu'il en est nnt partie ou des parties (à savoir la somme d'un certain nombre de parties aliquotes; Eléments, VII, déf. 3 et 4).

Cette terminologie resta, de fait, classique pendant le moyen âge. Mais comme, en raison du sens vulgaire du moi pars, elle donnait lieu à ambi- guïté, l'habitude s'introduisit, comme le témoigne Ramus [Scholarum ma- Ihematicarum Libr. IV, Bâle, iSôg, p. 126) de spécifier pars quota ou pars quanta. L'addition du préfixe ait ne devint donc de mode que plus tard. Ramus remarque avec raison que cette distinction, en Arithmétique, est vaine et inutile; elle a fini par disparaître de l'enseignement.

Mais les anciens avaient légué au moins deux questions curieuses (nombres parfaits et nombres amiables) sur les relations entre les nombres et les sommes de leurs parties aliquotes. Mersenne, en les rappelant et en en soulevant de nouvelles (voir plus haut, p. 169, éclaircissement, V), contribua au moins singulièrement à la vogue du mot aliquote, qui mérite d'être conservé.

�� � 478

��Correspondance .

��Ce que dit Descartes ici ne doit donc pas être entendu comme s'il avait ignoré le sens du terme; il le connaissait au moins depuis i63i, par Mer- senne (voir Tome I, p. 229, 1. 28 et note). Ce qu'il a cherché dans Euclide n'est donc pas une définition qui ne s'y trouve point, mais bien la cons- truction du nombre parfait (Éléments, IX, 36), c'est-à-dire la marche à suivre pour résoudre la question qui lui était proposée.

Page 472, 1. 10. — Pour le problème en question, il faut, à ce qui suit, ajouter ce qu'en dit encore Descartes, en se corrigeant, d'abord à la fin de la lettre CLV ci-après, du 9 février 1639 [Clers., II, 452-453), puis à la fin de la lettre CLX du 3o avril 1639 {Clers., III, 484-487).

Il en est également parlé dans unelenre de Fermât à Mersenne (Œuvres de F., t. II, 1894, p. 216) :

« Pour la question des ellipses, elle se déduira fort aisément de ce que n vous venez de voir, car la question va là à trouver un nombre qui serve » d'hypoténuse à 12 triangles et non plus, de telle qualité que ladite » hypoténuse ait plus grande proportion au plus grand des deux autres » côtés que ledit plus grand au moindre : c'est-à-dire que chacun desdits » triangles soit comme, par exemple, 29, 21, 20. Ce qui est aisé, et ayant » trouvé ledit nombre, son quarré sera le demi-diamètre des ellipses. Il le » faut quarrer, afin que la perpendiculaire sur le foyer soit un nombre » entier. J'en dis assez pour me faire entendre de M, Frenicle. »

Dans ce qui précède, Fermât a, de fait, donné les règles précises pour la construction d'un nombre entier a servant d'hypoténuse à un nombre déterminé quelconque de triangles rectangles, c'est-à-dire tel que la dé- composition (a' =: b* + c*) de son carré en une somme de deux carrés puisse se faire d'un nombre déterminé de façons différentes. C'est égale- ment le problème général auquel Des.artes ramène la question de Fre- nicle, sans s'arrêter au nombre particulier de 1 2 ellipses dont Frenicle de- mandait la construction.

Mais avec la limitation *'<c'<«*, les règles de Fermât ne sont plus applicables, et le problème sur un nombre donné ne peut plus guère être résolu que par des tâtonnements, qu'il est, à la vérité, aisé de faire métho- diquement, mais qui entraînent d'assez longs calculs. En tous cas, la ques- tion n'est plus toujours possible, et Descartes (lettre CLX) a renoncé à l'examiner sous cette forme.

Voici maintenant comment le problème, tel qu'il apparaît dans les lettres de Descartes, se ramène à l'énoncé de Fermât :

Soit, sur la figure p. 473, 2 a le grand axe CD d'une ellipse, 2 b son petit axe FL, 2 cla distance des foyers E, I. On aura IC:=a — c; d'autre part, l'arc passant par K et par les sommets des ordonnées au foyer I, étant décrit de l'autre foyer comme centre, on aura I K = -^ (a — c)^. Pour que cette dernière ligne soit, comme les autres, représentée par un nombre entier, il faut que c' soit divisible par a.

On satisfera à cette condition en posant a = ma', é =: m af, c = m» y,

�� � CLIV. — 9 Janvier 16^9. 479

avec a' = p* -j- y', et l'on conclura qu'à un facteur près qui n'introduise aucune décomposition en somme de deux carrés inégaux, a peut être pris égal à un carré, et que l'on pourra construire, sous les conditions exprimées, autant d'ellipses différentes qu'il y a de façons différentes de décomposer ce carré en somme de deux autres, premiers ou non entre eux.

D'après la lettre CLX et les indications de Fermât, Frenicle devait avoir, au reste, posé une condition, peut-être mal exprimée ou négligée dans sa lettre à Descartes, mais excluant, en effet, le cas d'imparité pour le grand axe de l'ellipse. Dans la présente lettre, Descartes admet aussi la parité; dans les suivantes, il envisage l'hypothèse contraire.

En ce qui concerne la condition è<;c posée par Frenicle (voir plus haut), elle n'a pour objet que de compter seulement une ellipse pour chaque décomposition différente en somme de deux carrés, en prenant pour c le plus grand de ces carrés. Autrement, comme è' et c* sont en même temps divisibles par a, on pourrait substituer t à c, et inversement.

On doit croire enfin que Frenicle avait proposé de construire le plus petit nombre a possible pour les conditions qu'il posait. Mais, cette fois au moins, Descartes ne se préoccupe pas de ce desideratum; il forme a en multipliant par 2 (ce qui est inutile) le carré du produit d'autant de fac- teurs de la forme (n -f" 1 )' + "*) qu'il y a d'ellipses à construire sur le même grand axe. Dès lors chaque facteur correspond à une ellipse pour laquelle a, b, c sont respectivement proportionnels à2n*-{-2n-}-it 2«  -f- I et2n (n-|- i).

Il n'a pas remarqué que la multiplication de ces facteurs introduisait la possibilité d'autres décompositions. Il s'ensuit que le nombre, 4. 5*. i3', qu'il donne pour le grand axe de trois ellipses « et non plus », peut servir à former jusqu'à sept ellipses avec les conditions qu'il considère.

Pour trois ellipses seulement, le plus petit nombre a serait 5'.

��CLIV.

Descartes a Mersenne.

g janvier lôSg.

AtJTOORAPHE, Bibliothèque V. Cousin, n» n.

La 21' lettre de la collection La Hire et le numéro i5 du classe- ment Poirier. Variantes du texte imprimé sur la minute par Clerse- lier, tome II, lettre XCVI, p. 435-444.

�� � 480 Correspondance. ii, 435-436.

Mon Reuerend Père,

I . Il faudroit que ie fufle fort las de viure fi ie ne- gligeois de me conferuer après aiioir leu vos dernières, ou vous me mandez que vous^& quelques autres per- fonnes de très grand mérite, auez tel foin de moy 5 que vous craignez que ie ne fois malade, lorfque vous elles plus de 1 5 iours fans receuoir de mes lettres. Mais il y a }o ans que ie n'ay eu, grâces a Dieu, au- cun mal qui meritafl d'eftre appelé mal. Et pource que l'aage m'a oflé cete chaleur de foye qui me fai- 10 foit autrefois aymer les armes, & que ie ne fais plus profeffion que de poltronnerie, & auffy que i'ay ac- quis quelque peu de connoifTance de la médecine, & que ie me fens viure, & me tafte auec autant de foin qu'vn riche goûteux, il me femble quafi que ie fuis i5 maintenant plus loin de la | mort que ie n'eftois en ma ieunefle. Et fi Dieu ne me donne alTez de fcience pour euiter les incommoditez que l'aage apporte, i'efpere qu'il me lairra au moins aflez long tcms en cete vie pour me donner loyfir de les fouâfrir. Tou- 20 tefois, le tout dépend de fa prouidence, a laquelle, raillerie a part, ie me foumets d'auiTy bon cœur que puifTe auoir fait le Père lofeph " ; & l'vn des poins de ma morale eft d'aymer la vie fans craindre la mort.

2 Le numéro i manque dans — 3 auez] ont vn . — 6 crai-

Clers., ainsi que tous les sut- gnez] auez peur. — 7 quinze.

rants, 2, 3, 4, etc. Ils se trou- — 8 trente. — i3 de] en. —

vent écrits en marge dans l'auto- i5 goûteux] vieillard. ■ — 19 lair-

graphe par Descartes lui-même. ra] lailTera.

a. Mort le i8 déc. i638.

�� � II, 436.

��CLIV. — 9 Janvier 1639.

��481

��10

��2 . le vous fuis extrêmement obligé de la peine que vous prenez de corriger les fautes d'impreffion de mes EfTais, mais i'ay quaû peur qu'elle foit fuperflue : car vu le peu d'exemplaires que le libraire dit en auoir vendu, ie ne voy pas grande apparence qu'il les doiue r'imprimer. Vous auez raifon qu'en la p(age) 66, 1.4, il faut lire œi7 pour oè/'er ; mais en la p(age) 12^, 1. I, i'ay mis mefure^ c'eft a dire tems on cadence ^ au fens qu'on le prend en la mufique.

y l'approuue bien la façon que vous propofez pour pefer la fphere de l'air, pouruu qu'elle foit prattiquable ; mais il ne me femble pas qu'on puifle auoir 2 cors plats d'aucune matière, qui foient fi durs, fi polis, & fe rapportent fi exadement l'vn a

i5 l'autre, qu'il ne demeure aucun air entre deux. Et ie ne voy point du tout de difficulté en voftre obiec- tion : car fi A efl parfaitement ioint a B, on ne l'en peut feparer, en le tirant en haut perpendiculairement, qu'on ne

20 face éloigner en vn mefme inftant toutes les parties de fa fuperficie inférieure de celles de la fuperficie fuperieure du cors B ; & pource que l'air ne peut en- trer en vn infliant en l'efpace qu'elles

a 5 laiflent entre elles, il en efl neceflfairement vuide en cet inftant la, & feulement rempli de matière fubtile,

��ff^

��B

��7, d'impreffion om. — 6 r'im- primer] imprimer vne féconde fois. — i3 deux. — 14 & oui.

— 19-20 qu'on... inftant] que.

— 21 fa] la. — après inférieure]

Correspondance. IL

��de ce cors A, ne s'éloignent en mefme inftant aj. — 25 il en] lors qu'on les fepare, cet ef- pace. — après vuide] d'air aj. — 26 &, . . fubtile om. 61

�� � 482 Correspondance. 11,436-437.

ce qui eft caufe qu'on doit alors fentir la pefanteur de toute la colomne d air, qui eil au defTus. Mais il n arriue rien de femblable, lorfqu'on tire de biais A vers D, car la fepara|tion de ces 2 cors fe faifant alors fucceffiuement, l'air entre fans difficulté en la place 5 qu'ils laiflent.

4. Si vous voulez conceuoir que Dieu ofte tout l'air qui eft dans vne chambre, fans remetre aucun autre cors en fa place, il faut par mefme moyen que vous conceuiez que les murailles de cete chambre fe vie- 10 nent ioindre, ou bien il y aura de la contradidion

en voftre penfée. Car tout de mefme qu'on ne fçau- roit imaginer qu'il applanifTe toutes les montaignes de la terre, & que, nonobftant cela, il v laiffe toutes les valées, ainfy ne peut-on penfer qu'il ofte toute forte i5 de cors, & que, nonobftant, il laiffe de l'efpace, a caufe que l'idée que nous auons du cors, ou de la matière en gênerai, eft comprife en celle que nous auons de l'efpace, a fçauoir que c'eft vne chofe qui eft longue, large & profonde, ainfy que l'idée d'vne 20 montaigne eft comprife en celle d'vne valée.

5. Quand ie conçoy qu'vn cors fe meut dans vn milieu qui ne l'empefche point du tout, c'eft que ie fuppofe que toutes les parties du cors liquide qui l'enuironne font difpofées a fe mouuoir iuftement 25 aufly vifte que luy, & non plus, tant en luy cédant leur place qu'en rentrant en celle qu'il quitte; & ainfy il n'y a point de liqueurs qui ne foient telles, qu'elles n'empefchent point certains mouuemens. Mais pour imaginer vne matière qui n'empefche aucun des 3o

4 deux. — 1 1 bien om. — i3 applanifle] aneantifle.

�� � 11.437-438. CLIV. — ç Janvier 16^9. 48)

diuers mouuemens de quelque cors, il faut feindre que Dieu ou vn Ange agite plus ou moins fes par- ties, a mefure que ce cors qu'elles enuironnent fe meut plus ou moins ville.

5 l'ay omis cy deuant a vous mander ce que ie croy qui empefche le vuide entre les parties de la matière fubtile, a caufe que ie ne le pouuois expliquer qu'en parlant d'vne autre matière très fubtile, dont ie n'ay voulu faire aucune mention en mes Elïais; affin de la

10 referuer toute pour mon Monde. Mais ie vous fuis trop obligé pour ofer vous taire quelque chofe. le vous diray donc que i'imagine, ou plutoft que ie trouue par demon- ftration, qu'outre la matière qui compofe les cors ter- reftres,il y en a de 2 1 fortes : Tvne fort fubtile, dont les

i5 parties font rondes, ou prefque rondes, ainfy que des grains de fable : & celle cy non feulement occupe tous les pores des cors terreftres, mais aufly compofe tous les cieux; l'autre, incomparablement plus fubtile que celle la, & dont les parties font fi petites, & fe meu-

20 uent fi ville, qu'elles n'ont aucune figure areftée, mais prenent fans difficulté a chafque moment celle qui efl requife pour remplir tous les petits interuales que les autres cors n'occupent point. Pour entendre cecy, il faut confiderer premièrement que, plus vn cors efl

25 petit (cœteris paribus), moins il faut de force pour luy changer fa figure : comme, ayant 2 baies de plomb d'inégale grofTeur, il faut moins de force, pour rendre plate la plus petite, que pour la plus grolTe ; & fi elles

14 deux autres fortes. — 25 faudra. — 28 après pour] rendre après luy] faire aj. — 26 comme] plate aj. par exemple. — deux. — 27 faut]

�� � 484 Correspondance. ", 438-439.

heurtent Tvne contre l'autre, la figure de cete plus petite changera le plus. Secondement, il eft a remar- quer que, lorfque plufieurs diuerscors font agitez tous enfemble [derechef cœîeris paribus)^\es plus petits re- çoiuent plus de cete agitation, c'efl a dire fe meuuent 5 plus vifte que les plus gros. D'où il fuit demonjîratiué que,puifqu'il y a des cors qui fe meuuent en Fvniuers, & qu'il n'y a point de vuide, il faut neceffairement qu'il s'y trouue vne telle matière dont les parties foient fi petites, & fe meuuent fi extrêmement vifte, que la 10 force dont elles rencontrent les autres cors, foit fuffi- fante pour faire qu'elles changent de figure & s'accom- modent a celle des lieux ou elles fe trouuent. Mais en voyla trop pour vn fuiet dont i'auois eu deflein de ne rien dire. «5

6. Il n'y a point d'expériences qui ne fe trouuallent vtiles a quelque chofe, fi on pouuoit examiner toute la Nature; mais il n'y en a point qui me femblent moins vtiles que d'examiner les diuerfes forces qui peuuent rompre diuers cylindres, de quelque matière 20 qu'on les face : car ne doutez pas que les diuers mé- taux n'ayent auffy diuerfes parties, qui font que les vns fe rompent mieux en tirant que les autres, bien que cela n'y foit pas fi vifible que dans le bois^

1 7. le n'imagine aucuns mouuemens dans la matière 25 fubtile que comme dans tous les cors que nous voyons ; mais ainfy que l'eau dvne riuiere fe meut en quelques endroits beaucoup plus vifl:e qu'aux autres,

j cete] la. — 24 n'y] ne. — que dans le] qu'aux, a. Voir ci-avant p. 439, 1. n, et p. 465, 1. 5.

�� � 11.439 ' CLIV. — 9 Janvier 1659. 48c

& qu'en vn lieu elle coule en droite ligne, en vn autre elle tournoyé &c., nonobftant qu'elle foit toute pouf- fée par mefme force & fe meuue comme de mefme branfle, il faut penfer le femblable de la matière 5 fubtile.

Pour la chaleur, bien qu'elle puifTe eftre caufée par l'agitation des parties de cete matière fubtile, toute- fois elle ne confifte proprement qu'en l'agitation des parties terreftres, a caufe que celles cy ont le plus de

10 force pour mouuoir les parties des autres cors & ainfy les brufler. Et d'autant qu'il y a plus de ces parties terreftres dans vn cors, d'autant peut il auoir plus de chaleur, comme le fer en peut auoir plus que le bois. Et elles peuuent bien eftre fort agitées & ainfy rendre

1 5 le cors qu'elles compofent fort chaud, fans pour cela que la matière fubtile qui eft dans les pores de ce cors, y foit pouflee de la façon qu'elle doit eftre pour faire fentir de la lumière. Et c'eft ainfy que le fer peut eftre fort chaud fans eftre rouge.

20 le ne mets point d'autre différence entre les parties des cors terreftres & celles de la matière fubtile, que comme entre des pierres & la pouffiere qui fort de ces pierres lorfqu'on les frote l'vne contre l'autre ; & ie croy qu'il y a continuellement quelques parties ter-

2 5 reftres qui en fe froiffant prenent la forme de la ma- tière fubtile, & quelques parties de cete matière fub- tile qui fe ioignent aux cors terreftres, en forte qu'il n'y a point de matière en tout l'vniuers qui ne puifle receuoir fucceffiuement toutes les formes.

I en] qu'en. — 1 1 d'autant 1 2 d'autant] plus auffi. — plus qu'il] plus il. — plus om. — om. — 1 5 fans que. — 22 & de la.

�� � 486 Correspondance. n, 4Î9-440.

8. Pour entendre d ou vient que le fer trempé éft plus dur & plus caflant que non trempé, il faut pen- fer qu eftant rouge de feu, tous fes pores font fort ou- uers & remplis non feulement de matière fubtile, mais aufTy des plus petites parties terreftres, telles qu'il 5 s'en trouue toufiours grand | nombre dans le feu & dans l'air; & qu'y eftant fort agitées, elles en fortent fans cefle fort promptement ; (car tout cors qui fe meut, tend toufiours a continuer fon mouuement en ligne droite; & ainfy il dertieure fort peu au lieu ou 10 il eft, s'il en peut fortir). Et pendant que ce fer eft dans le feu, il y en rentre continuellement d'autres femblables, d'où vient qu'il demeure rouge. Tout de mefme, lors qu'on le laifTe froidir dans l'air, il y rentre des parties de cet air, qui, n'eftant pas fort différentes i5 de celles qui en fortent, font que fes pores ne fe ré- treciffent que peu a peu, & que fes parties retie- nent cependant la liaifon ou entrelacement qu'elles ont entre elles : mais fi on le iette dans l'eau, lors qu'il efl rouge, elle n'empefche point que la matière 20 fubtile fort agitée, qui efl dans fes pores, n'en forte fort promptement, comme il paroift par le bouillon- nement de cete eau qu'elle caufe, & pour ce qu'il ne peut rentrer autre chofe en fa place, que la ma- tière fubtile qui fe trouue dans les pores de l'eau, & î5 dont les parties font trop petites pour retenir fes pores fi ouuerts qu'ils ont efté ; de la vient qu'ils s'eftrecifTent tous fort a coup, & par mefme moyen

4 de] de la. — 8-1 1 point de fortir.] fi rien ne l'y retient. — parenthèse. — 10 dem&uTe... au] 12 rentre] entre. — 14 refroi- fon incontinent du. — 11 s'il... dir.

�� � Il, 440-44»- CLIV. — 9 Janvier 1639. 487

toutes fes parties fe referrent, ce qui le rend dur; mais en fe referrant & changeant fort vifte de fitua- tion, elles perdent leur liaifon, & fe détachent les vnes des autres, ce qui le rend cafTant. 5 le n'adioufte point icy ce que deuiendroit vn grain de fable, fi vn Ange le froiflbit ou diuifoit en autant de parties qu'il feroit poffible, bien que ie fuiue par ordre tous les poins de voftre lettre : car vous pouuez affez entendre, de ce que i'ay dit cy deflus, que cela

10 luy donneroit la forme de cete matière très fubtile, dont i'ay parlé.

9. le trouue 2 raifons qui peuuent faire paroiftre, la nuit & de loin, la flame d'vne chandelle beaucoup plus grande qu'elle n'eft. La première eft que, n'en

i5 voyant point le vray efloignement, on l'imagine aufly efloignée que les eftoiles; & pource que fon image, qui fe peint au fonds de fœil, eft beaucoup plus grande que celle d'vne eftoile, on iuge auffi cete flame plus grande. L'autre eft qu'on ne void pas feule-

20 I ment la lumière qui vient diredement de la chan- delle, mais aufly celle qui vient de l'air efpais ou des autres cors voyfins qui font illuminez par elle, & ces 2 lumières fe diftinguent fort bien de près, mais de loin on les attribue toutes deux a la chandelle, dou

2 5 vient que fa flame femble plus grande. Comme, fi a eft la chandelle, fa lumière, donnant contre les par- ties de l'air qui font vers Z», fe reflefchift de la vers l'œil c. Elle donne bien auffy contre les parties de

12:2] deux. — i3 la flame tre] La féconde. — a3 : 2] deux, d'vne] vne. — 18 après on] la — 24 deux om. —■ aS que fa aj. — cete flame om.— 19 L'au- flame] qu'elle. — 27 font] eft.

�� � l'air qui font vers d ou vers e, mais pour ce qu’elle ne fe reflefchift pas de la fi diredement vers l’œil, elle n’y efl pas fi fenfible, non plus que celle qui fe reflefchift de plus loin, vers/. Il y a bien encore peut élire quelque autre caufe de cete augmentation, mais il faudroit voir la chofe pour en bien iuger, & ie m’affure qu’il n’y en a aucune que ie n’aye touché en quelque lieu de ma Dioptrique^.

10. Pour les miroirs ardens, ie penfois vous auoir defia mandé que ce ne font point les rayons qui s’affemblent en vn feul point mathématique , qui bruflent , mais ceux qui s’affemblent en quelque efpace phyfique, & qu’il n’y a que ceux qui tendent a s’affembler en quelque point mathématique, qui peuuent élire rendus parallèles a l’infini. De façon qu’encore que le verre C D full aulTy grand que le foleil AB, & qu’il fill que tous fes rayons parallèles s’alTemblalTent en vn point mathématique vers E, toutefois, û ces rayons n’elloient point aydez par ceux qui ne font pas paral-

5 au. vers] comme aj. — - ap. 11 touchée. 19 quelque] augmentation" apparente aj. — vn. — 26 ap. ne] leur aj. 9 en bien iuger] la remarquer.

a. Au-dessous de la figure et de la main de Descartes : Voyez p. 68 de la Diop. n, 44>-44ï- CLIV. — 9 Janvier 16^9, 4Ô9

leles, ils ne feroient nullement capables de bnifler : car I il n'y auroit pas plus de proportion entre leur force & celle des rayons qui s'affemblent en vn point phy- fique, qu'il y en a entre vne ligne & vne fuperficie, 5 c'efl a dire qu'il n'y en auroit point du tout.

II. Pour vos expériences du tuyau", ie fuis marry de vous auoir donné la peine d'en faire quelques vnes a mon occafion : car ie trouue qu'il efl prefque impof- fible de bien raifonner fur des expériences qui ont

10 efté faites par d'autres, a caufe que chafcun regarde les chofes d'vn biais qui luy eft particulier. Et au bout du conte, encore qu'on fceuft exadement quelles lignes defcriuent les iets de l'eau, ou les baies des canons &c., ie ne voy pas qu'on en tiraft grande vtilité.

1 5 12. L'expérience que vous me mandez vouloir faire, touchant la defcente d'vn cors qui eft retardé par vn autre, me femble encore moins vtile : car affurement toute la diâerence qui fe trouuera entre le mouue- ment de ce cors, lorfqu'il defcend en cete forte, •&

20 celuy du mefme cors, s'il defcendoit en l'air libre, après qu'on en auroit ofté autant pefant qu'eft le con- trepoids qui le retarde (cœîeris non niutatis), ne vient que des empefchemens de la matière, a fçauoir de ce que la chorde ne coule pas fans quelque difficulté

25 dans la poulie, &c.

1 3 . le n'ay point refpondu au papier de Monfieur

9 des] les. — 10 a caufe] pource. la poulie transposé av. fans quel- — 14 liraft]puft tirer. — 25 dans que difficulté. — 26 Monfieur] M.

a. Voir plus haut, p. 422, 1. 5. Ces expériences étaient provoquées par les Nuove Science de Galilée, de même que celle dont il est parlé plus bas, sous le n° 12.

CORRESPONbAMCE. U. ^2

�� � 490 Correspondance. n 442-443-

des Argues dans la lettre que ie luy ay efcrite^, a caufe qu'il n'en parloit point dans la fîene. Et aulïy ie vous diray qu'il n'a point affez expliqué fa conception, pour me la faire comprendre. La façon dont il com- mence fon raifonnement, en l'appliquant tout en- 5 femble aux lignes droites & aux courbes, eft d'autant plus belle qu'elle eft plus générale, & femble eftre prife de ce que i'ay couflume de nommer la Metaphy- fique de la Géométrie, qui eft vne fcience dont ie n'ay point remarqué qu'aucun autre fe foit iamais ferui, 'o finon Archimede. Pour moy, ie m'en fers toufiours pour iuger en gênerai des chofes qui font trouuables, & en quels lieux ie les doy chercher ; mais ie ne m'y fie point tant, que d'aflurer aucune chofe de ce que

i'ay trouué par fon moyen, auant que ie l'aye auffy ï5 examiné par le calcul, ou que i'en aye fait vne demonf- tration Géométrique. Car on s'y peut tromper fort ayfement & méfier quelque différence fpecifique auec les génériques, au moyen de quoy le tout ne vaut rien. Comme, en ce qu'il dit énoncer vn mefme raifonne- 20

ment de la ligne droite & de la courbe, il faut prendre garde qu'il n'y comprene rien de ce qui appartient a leur différence fpecifique. Car s'il y a quelque chofe de tel, il ne s'énonce de l'vne & de l'autre que par equiuoque. Pour ce qu'il conclud en fuite, outre qu'il î5

ne dit pas d'où il le conclud, ie vous ay affez mandé

I dans] en. — ay efcrite] écris. 24 l'vne] l'vn. — 25 après en

— i3 chercher] trouuer. — fuite] touchant le Centre de gra-

i5 auant] iufques à ce. — aufly uitéd'vne Sphère, a/'.— qu'il] que

om. — 23 comprene] ait. — ie. — 26 dit] voy. — le ont.

a. Lettre perdue.

�� � 11,443- CLIV. — 9 Janvier iôjç. 491

cy deuant» que i'en ay vne opinion très diflferente de la fiene. A quoy i'adioufte que toute la confideration du centre de grauité d'vne fphere me femble û peu réelle, que i'ay quafi honte d'en auoir fait mention le

5 premier : car après auoir demonilré (comme ie penfe auoir fait) qu'il n'y a point de centre de grauité dans les cors félon la définition des anciens, ie le deuois définir d'vne autre façon, auparauant que de dire quel il eft en vne fphere. Et ie pourrois le définir en telle

10 forte qu'il fe trouueroit plus efloigné du centre de la terre que n'en eft le centre de la figure ; mais ie ne luy fçaurois donner aucune définition fuiuant laquelle on puiffe dire qu'il en foit fi proche que le met Monfieur des Argues.

i5 l'auois négligé cy deuant de refpondre a ce que vous m'auiez mandé, qu'on reprenoit ce que i'auoisdit de la ligne droite en ma refponfe à M de Beaune ^ ; car ie voyois affez que cela ne pouuoit venir que de quelque efprit de fort bas alloy, & M"^ de Beaune y a

10 iuftement refpondu comme il falloit.

Au refte, mon R""* Père, i'ay a vous dire que ie me fuis propofé vne eftude pour le refte de cet hyuer, qui ne fouflfre aucune diftradion; c'eft pourquoy ie vous

1-2 de la fiene om. — 2 confi- — 10 forte ont. — 1 1 après luy]

deration] difpute. — 7 le] luy en. en aj. — 12 définition om. —

— 8 définir] donner. — d'vne] 17 en... M'] pour la féconde

vne. — façon om. — aupara- qu'auoit demandé Monfieur. —

uant] auant. — 9 en] dans. — 20 comme] ce qu'. — 21 R"^

le définir en] luy en donner vne. Père] R. P.

a. Cf. plus haut, p. 43i, 1. i-25, et V éclaircissement, p. 448-449.

b. Celle dont il est parlé p. 466, 1. 22.

�� � 492 Correspondance. n. 443-444-

fupplie très humblement de me permettre de ne plus efcrire iufques à Pafques; cela s'entend s'il n'inter- uient aucune chofe qui foit preffee ; & ie vous prie auffy de ne laiffer pas cependant de m'enuoyer les lettres | qui me feront adrefTées; & celles qu'il vous 5 plaira de m'efcrire feront toufiours les très bien ve- nues. Et affin que ie ne femble pas icy négliger la charité dont vous m'obligez, en ce que vous craignez que ie ne fois malade, lorfque vous eftes long tems fans receuoir de mes lettres, ie vous promets que, s'il '<> m'arriue en cela quelque chofe d'humain, i'auray foin que vous en foyez incontinent auerti, ou par moy ou par d'autres. Et ainfy, pendant que vous n'aurez point de mes nouuelles, vous croyrez toufiours, s'il vous plaifl, que ie vy, que ie fuis fain, que ie philofophe, i5 & que ie fuis paffionnement,

Mon R" Père,

Voftre très humble & très affedionné feruiteur, descartes.

du 9 lanuier 1639.

I après ne] vous aj. — i3 d'autres] quelqu'autre. — 16 après paflionnement] tout le reste omis.

��

II, 444.
493
CLV. — 9 Février 1639.
CLV.
Descartes à Mersenne.
9 février 1639.
Autographe, Bibliothèque V. Cousin, n° 3.

N°22 de la collection La Hire, et (i6) du classement de dom Poirier. — Variantes du texte de Clerselier, tome II, lettre XCVII, p. 444-4S3.

Mon Révérend Père,

Puisqu'il vous plait que je réponde encore a vos dernières du 28 jan., je m'en vais relire aussi vos précédentes, affin de n'en laisser aucune sans réponse.

I. En la première, qui est du 1er jour de l'an, vous m'apprenez ce qu'on vous a dit des lunettes de Naples, ce qui me donne grande raison de juger qu'elles xont Hyperboliques. Et il n'est point besoin pour cela que l'ouvrier ait vu ma Dioptrique ; car l'invention en ayant elle communiquée a Ferrier & a quelques autres, il y a plus de 12 ans, ce ne serait pas merveille que quelqu'un Feuft fait passer jusques à Naples. Quoi qu'il en soit, je serais très aise que ce qu'on vous en a dit fut véritable; mais les Italiens sont fort sujets a

2 encore om. — 3 du 28 lan. om. — vais] va. — 5 Le «m- criuez. mier. — 6 m'apprenez] me dé-

— 10 Ferrier] M. F. — 

méro I, ainsi que les suivants 2, 11:12] douze. — 12 après vn]

3, 4, etc. manquent dans Clers. d'eux aj. — 14 Italiens] Sçauans

— première] Lettre. — i"] pre- d'Italie.

a. Voir plus haut, p. 446, 1. 8, et p. 457, 1. 16.

b. Cf. tome I,'p. 335, 1. 29. 494 Correspondance. ii, 444-445.

faire les chofes dont ils parlent beaucoup plus grandes qu'elles ne font.

2. le vous remercie de vos expériences* pour les iets d'eau, & des autres qui font en vos autres lettres : car bien qu'elles ne me puiflent fuffire, & qu'il m'en 5 faudroit encore faire | moy mefme quelques autres pour m'en bien feruir, il n'y en a point toutefois qui ne me puiiTent eftre vtiles à quelque chofe.

j. le vous remercie auify des pierres hexagones, & l'en admire la figure en ce qu'elles font pointues 10 & ont 6 faces triangulaires a chafque bout, ce qui diffère des cellules des mouches a miel, qui n'y ont que j faces en rhombe, & auffy des criftaux & autres pierres hexagones, qui n'ont, ce me femble, couftume d'élire pointues que par vn bout. le tafcheray de i5 voir le Liure de lapidibus, ou vous me mandez qu'elles font décrites.

4. Pour les poiffons, il eft euident que la veflie ne leur eft pas neceffaire pour nager, puifque la plus part n'en ont point. Et il n'y a autre chofe qui les deter- 20 mine a monter ou a defcendre dans l'eau, que l'élan- cement ou l'impetuofité dont ils fe meuuent, tout de mefme qu'vn homme qui fçait fort bien nager entre 2 eaux, s'y peut aufly élancer vers tel cofté qu'il luy plaift. Et cela eft bien moins merueilleux que de fau- iS ter & fouleuer tout fon cors dans l'air, a comparaifon duquel il eft de beaucoup plus pefant, ce qui fe fait

1 1 : 6] ûx. — 12 des cellules] — s'y] fe. — 26 fon] noftre. — de celles. — i3 : 3] trois. — 27 de... plus] fi. rhombe] rond. — 24 : 2] deux.

a. Voir plus haut, p. 422, 1. 5 ; p. 439, 1. 8; p. 489, 1. 6.

��

II, 445.
495
CLV. — 9 Février 1639.

néanmoins aussi par cet élancement. Or on peut connaitre que les poissons en suent, de ce que, lors qu'ils dorment, ceux qui font plus pesants que l'eau demeurent au fonds, & ceux qui font plus légers flottent au dessus. Ceci était le dernier article de votre 1er lettre & le premier de votre 2e du 8 janvier.

2. C eft Ifjgoge ad locos folidos^ que vous m'avez ci devant envoyé, & je n'en désire point voir davantage, car je donne tous ces lieux au 2 livre de ma Géométrie, en y construisant la question de Pappus, ainsi que j'ai averti en la page 344; & ceux qui y cherchent quelque autre chofe, montrent par la qu'ils ne les entendent pas.

3 . l'admire la procédure de mes proches, & je vous suis très obligé de ce que vous me l'avez franchement écrite.

4. Le ciseau tranchant' dont parle M Gaudais est amplement décrit en ma Diop. & Mr de Beaune le sait assez.

5. l'accorde ce que dit Galilée, que l'eau n'a nulle résistance a être divisée, cela s'entend, au dedans de

5 Cecy eftoit] Cela eft. — 5- — 9-10 au... Geomet.] en ma 6 le dernier... illettré & om. — Géométrie au fécond Liure. — 6 ajt?rè5 premier] article a/. — 2'] 10- 11 ainfy que] comme. — féconde lettre. — 7C'eft] Ne vous i3 pas] point. — 14-16 : 3. l'ad- mettez pas en peine de cet. — ap. mire... efcrite om. — 17 Gau- /oco5]jD/anos(5aj.— 8 cy deuant dais] Gan. — 18 Diop." Diop- ow. — 8-9 &... dauantage om. trique. — 21 cela s'entend ow.

_ a. Voir plus haut, p. 28, Lu, l'annonce du renvoi à Mersenne de cet Écrit de Fermât, le [i" mars] i638.

b. Cf. plus haut, p. 436, 1. 22.

c. Tranchant, le second a récrit sur un e, semble-t-il.

d. Cf. p. 385. 1. 3. 49^ Correspondance. n, 445-446.

fon cors, parvn mouuement qui luy foit proportionné, & c'ell ce que ie penfe | vous auoir efcrit en quel- qu vne de mes précédentes", a fçauoir qu'il n'y a point de liqueur qui ne puifle feruir de médium aufly libre que le vuide, au regard des cors qui ne s'y meuuent que 5 de certaine viteJTe. Mais la fuperficie de l'eau ne laiffe pas d'auoir de la refiftence, ainfy que i'ay prouué dans le difcours du fel, & c'eft pour cela que les ai- guilles d'acier, les lames diuoyre &c., flotent deflus.

6. Vous m obligez de la peine que vous prenez de 10 corriger les fautes de l'orthographe, en quoy ie ne defire rien tant que de fuiure l'vfage ; & il y a long- tems que le Maire auoit enuie que ie vous en priafle, mais ie n'eulTe ofé vous le mander, fi cela n'eftoit venu de vollre mouuement. i5

7. La matière fubtile ne s'arefte iamais dans vn mefme cors eadem numéro ; mais il y en rentre conti- nuellement de nouuelle, autant qu'il en fort, excepté lorfqu'il fe condenfe, car tout l'vniuers en eft plein.

Et ce n'eft pas elle qui rend lair plus aifé a conden- w fer que l'eau, mais la figure de leurs parties ; car celles de l'eau font telles, qu'il ne leur faut gueres plus d'efpace, pour fe mouuoir fort vifle, que pour fe mou- uoir fort lentement, finon lorfque cete viteffe leur donne la forme des vapeurs, que i'ay expliquée en 25 mes Météores"; au lieu que celles de l'air font de telle

14 le mander] l'écrire. — i8-ig excepté lors] fi ce n'eft. — 24 finon lors] fi ce n'eft.

a. Dans la lettre immédiatement antérieure, p. 482, art. 5.

b. Météores, Disc. III, p. 182.

c. Météores, Disc. II, p. 167.

��

II, 446-447.
497
CLV. — 9 Février 1639.

figure que, pour peu qu'elles se meuvent plus ou moins vite que de coutume, elles requerent beaucoup plus ou moins d'espace.

8. le vous accorde que les parties de la matière, qui ont même figure, grosseur, situation & mouvement que celles de l'or, composent de l'or, & que lorsqu'elles ont le même que celles de l'eau, elles composent de l'eau, &c.

9. Et toutes les parties des liqueurs, & même aussi la plus part de celles des autres cors, font en mouvement continuel.

10. Mais il ne faut pas, de cela feul que celles d'un cors se meuvent fort vite ou fort lentement, inférer incontinent qu'elles font rondes ou quarrées, &c. Et

il y a tant d'autres choses a considérer pour en venir la, qu'il n'y a rien de plus difficile ; mais qui saurait parfaitement quelles font les petites parties de tous les cors, il connaitrait parfaitement toute la Nature.

11 Je me moque du Sr Petit & de ses paroles, & on n'a, ce me semble, pas plus de sujet de l'écouter, lorsqu'il promet de réfuter mes réfractions par l'expérience, que s'il voulait faire voir, avec quelque mauvaise équerre, que les 3 angles d'on triangle ne feraient pas égaux à 2 droits. Mais je ne saurais pas

2 vifte om. — 4 après les] mouvement elles ont, & | quelle

mefmes aj. [rayé dans l'auto- fituation elles gardent entr'elles

graphe). — la om. — 7 le] la. — aj . — 20 S' Petit] fieur N. —

celles] celle. — 14 Et om. — 21 pas aj. après n'a, om. après

i3 tant] bien. — 16 en forte aj. femble. — 24 : 3] trois. — 25 :

av. qu'il. — 18 après 00-3], quel 2] deux. — pas om.

Correspondance. II. 63 498 Correspondance, ii, 447.

empefcher qu'il n'y ait au monde des medifans & des crédules ; tout ce que ie puis, c'eft de les meprifer, ce que ie fais de telle façon que^ fi ie vous le pouuois auffy bien perfuader, ie m'affure que vous ne pren- driez iamais plus la peine de m'enuoyer de leurs pa- 5 piers ou de leurs nouuelles, ny mefme de les écouter. 12. le ne comprens point le fondement de celuy qui dit que le centre de granité dVne fphere eft en mefme ligne droite que les 2 poins ou elle efl tou- chée par 2 lignes qui tendent vers le centre de la 10 terre; mais ie fçay bien que la chofe ne peut eftre vraye. Et ie m'eilonne de ce que ce ou i'auois failly, touchant ce centre de granité, a eflé plutoft fuiui que quantité d'autres chofes que i'ay mieux prouuées. le vous prie d'effacer tout ce que l'en auois efcrit dans 1 5 mon examen delà queftion Geoftatique^.

1. le paffe à voflre j lettre du 15 lan. Et première- ment ie n'adioufte aucune foy aux vnguens fympa- thetiques, ny de Crollius, ny des autres; mais ie croy que la plus part des playes fe peuuent guérir dans vn 20 cors, qui eft d'ailleurs bien difpofé, en les tenant feu- lement netes & les couurant d'vn linge blanc.

2. le n'ay aucune enuie de voir les demonftrations du S'^ Roberual, que vous dites auoir conuié a me les enuoyer, ny généralement les efcris d'aucuns autres; 25 car encore qu'ils feroient les meilleurs du monde,

I au monde o??j. — 5 iamais iympathiques. — 21 qui eft d'ail-

om. — 9 vne aj. av. mefme. — leurs om. — 24 du S Roberual]

çf et 10:2] deux. — 17:3] troi- de Monfieur Rob. fiel'me. — 18-19 fympathetiques]

a. Voir plus haut p. 245, 1. 1 3-25. Cf. p. 431, 1. 22-25.

��

II, 447-448.
499
CLV. — 9 Février 1639.

ils ne sauraient servir qu'à me détourner, si ce n'est qu'ils traitassent iullement de la matière en quoi j'étudie, & qu'ils eussent été composez par des personnes qui fceuflent tous mes principes.

C'est pourquoi je vous supplie très-humblement, une fois pour toutes, non seulement de ne convier personne a m'enuoyer aucuns efcris, mais mefme de refuser, autant qu'il se pourra faire civilement, tous ceux qu'on pourroit auoir envie de m'enuoyer.

3. l'en excepte pourtant les coniques de Mr des Argues; car je luy ai tant d'obligation, qu'il n'y a rien que ie ne vouluffe faire pour le servir. Et cependant, entre nous, je ne saurais guères m'imaginer ce qu'il peut auoir écrit touchant les coniques. Car bien qu'il foit aisé de les expliquer plus clairement qu'Apollonius ni aucun autre, il est toutefois, ce me semble, fort difficile d'en rien dire fans l'Algèbre, qui ne se puisse encore rendre beaucoup plus aisé par l'Algèbre.

4. l'en excepte aussi les notes de Mr de Beaune sur ma Géométrie, pour mon utilité particulière; & les thèses d'optique des lefuites, pour ma curiosité Je ne trouue rien de plus en cete lettre qui ait besoin de réponse.

2 en quoy] que. — 7 aucuns] ciuilement om. — 10 pourtant] quelque chofe de leurs. — 8 a/7. toutesfois. — 14 ap. efcrit] de autant] ciuilement aj. — faire bon aj. — 22 lefuites] lef.

a. Voir ci-après lettre CLXVII.

b. Les notes qui furent imprimées en latin dix ans après, dans l'édition latine que François Schooten donna de la Géométrie de Descartes (Leyde, in-4, 1649).

c. Thèses du P. Bourdin. Cf. lettre du 3o avril 1639 [Clers., III, 480). 500 Correspondance. n, 448-449-

1 . Vous commencez la 4, en date du 2 <{ lan. , par les penfées de M"^ Gaudais touchant les fons de la trom- peté. Il faut que i'auoue que ie ne fçaurois com- prendre ce qu'il en efcrit, & ie ne me fouuiens plus auffy de ce que ie vous en auois autrefois mandé ^ ; 5 mais pour ce qu'il eft indubitable que le fon dépend des tremblemens de l'air, & que le redoublement de ces tremblemens fait l'odaue, & leurs autres répéti- tions les autres confonances & les tons, auant que de faire aucune diflbnance, il eft euident, ce me femble, lo que c'eft de la qu'il faut tirer la caufe de ce phaino- mene, A fçauoir que tout l'air qui eft dans la trom- peté eft ef branlé d'vne vitefle proportionnée a fa lon- geur, pour faire le plus bas de fes tons, & que, fes premiers tremblemens demeurant toufiours les mef- i5 mes, il s'en fait vn, ou 2, ou plufieurs autres entre chafcun d'eux, lorfqu'on fouffle plus fort, au moyen

de quoy elle fait des fons plus aigus, mais qui font tous accordans auec le i*^"", & par confequent auffy entre eux. 20

2. Vous me mandez qu'vn Médecin Italien a efcrit contre Herueus de motu cordis, & que cela vous fait eftre marris de | ce que ie me fuis engagé a efcrire de cete matière ; en quoy ie vous diray franchement que

ie ne vous fçaurois remercier de voftre charité en 25 mon endroit : car il faut que vous ayez bien mauuaife opinion de moy, puis que, de cela feul qu'on vous dit

I 14] quatriefme. — lan.] lan- — 14 que, fes] que ces. — 16: uier. — 2 Gandais. — 8 ces] fes. 2] deux. — 19 : i^'] premier.

a. Dans une lettre perdue ? Cf. tome I, p. 259, 1. 10.

b. Parisanus Venetus. Voir ci-après, lettre CLXXVI.

�� � H, 449- CLV. — 9 Février 16^9. ^01

qu vn autre a efcrit, non pas contre moy : (car, bien que ceux qui ne regardent que l'ecorfe iugent que i'ay efcrit le mefme qu'Herueus, a caufe de la circulation du fang, qui leur donne feule dans la veue, i'explique 5 toutefois tout ce qui appartient au mouuement du cœur* d'vne façon entièrement contraire a la fiene); mais de ce que quelqu vn a efcrit quelque chofe, que vous imaginez eftre contre moy, fans auoir oui fes raifons, ny mefme fçauoir s'il eft habile homme, vous

10 fuppofez incontinent que i'ay failly. le voy de là, & de plufieurs autres telles chofes, que les bonnes rai- fons ont fort peu de force pour perfuader la vérité, ce qui me fait prefque refoudre d'oublier tout a fait a efcrire, & n'elludier iamais plus que pour moy mefme.

i5 Cependant ie veux bien qu'on penfe que, fi ce que i'ay efcrit de cela, ou des refraâions, ou de quelque autre matière que i'aye traitée en plus de 3 lignes dans ce que i'ay fait imprimer, fe trouue faux, tout le refte de ma Philofophie ne vaut rien. Et ie vous iure qu'il

20 m'importe fort peu qu'on en iuge tout ce qu'on vou- dra, principalement a cete heure qu'on en a que des efchantillons, qui ne fçauroient feruir pour pafTer plus outre; car fi ie l'auois toute donnée, i'auoue que l'en aurois regret.

2 5 3 . 'Vous m'obligez de ne vouloir point enuoyer mes folutions à M"^ Fermât*, iufques a ce qu'il ait enuoyé les fienes, & ce, pour les raifons que vous me mandez. le

i^après &i]deaj. — 1 5 qu'on] 20 tout om. — 21 n'en. — que l'on. — 17 : 3] trois. — 22 pour] à. — 26 Fermât] F.

a. Discours de la Méthode, p. 47-55.

�� � ^02 Correspondance. 11,449-450.

ne trouue rien du tout de nouueau en fa lettre^. le vou- drois bien que vous ne fiffiez rien voir non plus, des autres chofes que ie vous ay efcrites, a ceux que vous fçauez ne m'aymer pas; car ie ne vous efcris iamais que fort a la hafte, & ces gens la ne cherchent qu'a 5 mordre.

4. le n'ay traité en ma Géométrie que de la quef- tion que Pappus dit que les Anciens n'ont pu trouuer. Car|pour celles qu'il dit qu'ils ont fceues, ie n'ay pas voulu m'y arefler. ,0

^ . le ferois bien marry que vous priffiez la peine de m'enuoyer le refte des de locis^ de M"" Fermât, car il me feroit impoffible de prendre la peine de le lire.

6. Il vous efcrira peut élire qu'il aura trouué la 2^ ligne de M' de Beaune (car c'eft fa couftume de n'igno- 1 5 rer rien); mais attendez, s'il vous plaift, a le croyre, que M' de Beaune ou moy ayons vu fa folution : car elle eft plus malayfée qu'ils n'imaginent. Et lorfque le

S"" de Roberual dit qu'il croit qu'elle eft vne hyperbole, il monftre eftre fort loin de la trouuer.

7. Les papiers du Geoftaticien*, que vous m'auez enuoyez, me font les plus inutiles que i'aye icy, & ie n'y trouue aucune chofe qui ne foit fort digne de luy.

2-3 non... que] aufli de ce féconde. — 17 ayons] ayent. — que. — 3 efcrites] écrit. — 18 ne s'imaginent. — ig S de 12 le... locis] les lieux. — Fer- Roberual] fieur N. — 21 Geo- mat] N. — i3 le] les. — 14 : 2'] ftaticien] fieur N.

a. La lettre de Fermât à Mersenne du 26 décembre i638 [Œuvres de F., t. II, 1894. p. 176-178).

b. Probablement VAppendix ad Isagogen topicam [Œuvres de F., t. I, 1891, p. io3-i 10).

c. Voir plus haut, p. 435, 1. 2.

��20

�� � II. 45«- CLV. — 9 Février 1639. ^o}

le me foucie û peu de ce que luy, ou Petit, ou leurs femblables diront de moy, que vous me ferez plus de plaifir de m'enuoyer dans vos pacquets de vieilles chanfons du pont neuf, qu'aucun papier qui viene 5 d'eux.

8. Pour les queflions de M' Dounot *, en la première., qui ell de trouuer vne quatriefme racine en cete équa- tion 1 C — 8Q_— 19 N eg. 14, c'efl demander ^ pieds de mouton ou il n'y en peut auoir que 4, ainfy que i'ay 10 très exprefferiient déterminé en ma Géométrie, page JJ2. Et en la féconde, qui efl que, donnant j —y 2 pour Ivne des racines de cete équation i C — ;pQ+ i} N eg. v/288 — 1 5 , il demande les deux autres, il ne faut que fuiure la règle que i'ay mife en la page }8i, & ' 5 diuifer 7^ — 9 }7 + i ) j — 1 2 y/ 2 + i ^ 00^0 par ;y;_— } + y/ 2 X) G : ce qui donne yy—ôy—ys/i -j- 3 \/ 2 — J. co o; dont les deux racines font j -j- js/ 2 &j — 2^/2, ou bien j + y/ 18 & j — y/ 8, qui font celles qu'il demande. 20 I . le viens a voftre dernière lettre, ou vous dites qu'on vous a propofé vne autre queflion, qui efl de trouuer géométriquement que la racine de i C — 6N eg. 40 efl 4; mais cela s' appelé nodum in fcirpo quœ- rere : car ce n'efl point chercher a taflons que de confi- as derer toutes les parties aliquotes dvn nombre, lorfque la queflion le requert ainfy que fait celle-cy, & ceux

] Petit] le fieur N. — 2 Dans i5 x o] égal à 10.— i6e/ 17x1 o

l'autog. ferez semble corrigé de om. — 19 demande.] demandoit.

feriez. — 8 eg.] égal à. — 5] — 23 eg.] ég. à. — 26 après la]

cinq. — g peut auoir] a. — nature de la aj. [rayé dans l'au-

4- quatre. — i3 eg.' égal à. — tog.).

�� � 504 Correspondance. 11, 450-451.

qui fçauent la con|iundion qui eft entre la Géométrie & r Arithmétique, ne peuuent douter que tout ce qui fe fait par Arithmétique, ne fe face auffy par Géomé- trie; mais de le vouloir faire entendre a ceux qui les conçoiuent comme des fciences toutes diuerfes, ce feroit oleum & opérant perdere. Sçachez auffy qu'il eft impoffible de trouuer 2 moyenes proportionelles par la Géométrie des plans.

2. Pour voftre difficulté de Mufique, il ne faut pas

imaginer que les tremblemens „, -^ de la chorde A B commencent

��* 4 7> B ^^ v^ point comme E & qu'ils

-^ "' finiflent en vn autre comme F,

mais qu'ils fe font circulaire-

ç ^ jj ment, & ainfy, qu'en quelque i5

lieu que puiffe eftre la chorde AB, lors qu'on commence a mouuoir la chorde CD, ils fe rencontrent toufiours enfemble en mefme façon. }. Si, ayant ietté vne pierre dans l'air, elle paffoit de la en vn efpace qui ne fuft plein que de la matière 20 fubtile, elle y continueroit fon mouuement plus libre- ment mefme que dans l'air, a caufe que cete matière efl: plus fluide.

4. Ses parties ont bien plus de mouuemens que celles des vapeurs; mais elles n'ont pas pour cela les 2 5 mefmes, a caufe qu'elles n'ont pas les mefmes figures.

5. Voftre expérience, que le tuyau quadruple en hauteur ne donne que le double de l'eau, eft la plus belle & plusvtile de toutes, & ie vous en remercie*.

3 l'Arithmétique. — 3-4laGeo- vers F. — 24 mouuement. — metrie.— 7:2]deux. — iBcomme 25 celles] celle. — 29 & la plus.

�� � n,45i-45î. CLV. — 9 Février 1639. 505

6. Pour ce que vous voulez efprouuer, touchant les iets des miffiles auec des reflbrs, ie le iuge du tout inutile ; car la force de ces reflbrts ne peut exade- ment eftre connue. Et ie croy que les iets de l'eau fuf-

5 fifent pour ce fuiet; car en ouurant & fermant le ro- binet par interuales, on peut voir fi des goûtes d'eau toutes feules iront aufly loin, ou prefque aufly loin, que fait vn filet continu.

7. Ce n'eft pas faute d'y auoir penfé, que i'ay omis, 10 en ma] Diop., de mettre qu'on peut examiner les re-

f radions en regardant par les trous de l'inftrument, au lieu d'y faire pafTer le rayon du foleil, mais pour ce que cete façon n'efl pas fi Géométrique : car le filet, ou quoy que ce foit qu'on mette fur la règle, pour

i5 marquer ou fe termine la veue, en accourcit tant foit peu la ligne. Et c'efl autre chofe d'efcrire que de pra- tiquer : comme, mefme pour la machine, i'ay confeillé à M"^ de Beaune de la faire tout autrement que ie ne I'ay defcrite' : a caufe qu'en efcriuant on doitprinci-

o paiement, ce me femble, auoir foin de faire entendre la chofe, & en pratiquant d'y chercher des facilitez, qui ne peuuent ou mefme ne doiuent point toutes eflre efcrites.

8. I'ay mis, en la p. 68 de la Diop., laraifon qui fait paroiflre les efloiles plus grandes qu'elles ne deuroient paroiftre; d'où il efl facile a déduire la caufe pour-

loDioptrique. — demettreom. aj. — 24 page. — Dioptrique. —

— i5 marquer] voir. — 18 M'] 25 ap. eftoiles] fixes rayé dans

Monfieur. — ig a caufe qu'en] l'autographe. car en. — 22 après mefme] qui

a. Dioptrique, Discours Dixiesme, p. 142. — Cf. lettre CL ci-avant. Correspondance. II. 64

�� � 506 Correspondance. ii. 457-453.

quoy les lunetes ne groffiffent pas tant les fixes, qui n'ont peut eftre aucun vray diamètre fenfible, que les planètes qui en ont vn.

9. Il eft certain que ce qui eft caufe que l'huile rend

le papier d'vn chaffis demi tranfparent, eft qu'elle 5 rend fes pores plus droits ; & la raifon m'en femble fort claire, bien que ie ne la puiffe ayfement expliquer, a caufe qu'on ne fçait pas mes principes.

10. Pour la clarté que la nege rend de nuit, elle ne vient que de ce que la nege reflefchift mieux tous les 10 rayons qu'elle reçoit qu'aucun autre cors qui foit moins blanc : car il y a toufiours de nuit en l'air quel- que lumière.

11. Il fe peut faire que ie me feray mépris en ma refponfe* a la queftion de M"^ de Beffy*; car l'ayant i5 trouuée fort promptement par mon calcul, ie ne m'a- reftay prefque point a en confiderer les diuers cas ; & ainfy il fe peut faire qu'il y en a quelque autre que celuy que i'auois choifi, qui tombe dans les nombres que i'auois donnez. Mais pource que ie n'ay point 20 retenu copie de ce que ie luy en ay efcrit, ie viens de chercher de nouueau la mefme chofe, & ie trouue qu'elle a 4 cas, qui font : Tvn, quand CD eft nombre quarré; l'autre, quand il eft le double d'vn nombre quarré ; le troi|fiefme eft quand, C D n'eftant ny quarré 25

5 à demy. — 7 après puiffe] figure manque dans Clers. — pas fort aj. — 10 que la nege] 24 il] CD. — 25 eft ont. — n'ei- qu'ellc. — 23:4] quatre. — La tant] eft nombre pair, fans eftre.

a. Lettre CLIII, p. 472-473.

b. La lettre CLIII aurait donc été imprimée par Clerselier sur une copie fournie par Frenicle, et non sur une minute.

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��11,453. CLV. — 9 Février 16^9. ^07

ny double d'vn quarré, il eft nombre pair; & le dernier eft quand CD efl nombre impair. Or ie pourrois, en déterminant tous ces cas, donner autant de ces Ellip- fes qu'on en voudroit, aux plus courts nombres qui puiffent eftre ; mais pour fatisfaire a ce qui eft deman- dé, il fuffit de prendre, fuiuant le -dernier cas, des nombres premiers qui furpaflent d'vne vnité des nom- bres quarrez, comme 17 qui pafle 16, 37, ici, &c., autant qu'on demande d'el- lipfes (d'où il faut toutefois excepter 2, & ^ affin qu'EI foit plus grande que F L) ; & ayant ^ multiplié tous ces nombres premiers l'vn par l'autre, il faut multiplier le quarré de leur produit par trois ou par quelque autre nombre impair & premier, qui diffère de tous les precedens ; & prenant ce qui vient pour la ligne CD, il eft certain qu'elle n'eft le plus grand diamètre que d'autant d'Ellipfes, qui ayent les conditions demandées, qu'elle eft compofée de nombres premiers qui paiTent des nombres quarrez d'vne vnité. Ainfy, multipliant 17 par ^7, il vient 629, dont le quarré eft J95641, & fon triple 118692^, qui eftant pris pour CD, il ne peut eftre le plus grand dia- mètre que de deux Ellipfes, &c. Mais pour vous en dire la vérité, ie fuis fi las des Mathématiques abf- trades, que ie ne fçaurois plus du tout m'y arefter, & ie me plais fi fort aux chofes a quoy i'eftudie mainte-

���i il. . . pair om. — 3-4 autant d'Ellipfes. — 4 en om. — 8 ap.

10 toute-

��37] qui paffe 36 aj.

��fois] toufiours. — 23 is: fon1 dont le. — ap. triple] qui eii. — qui om. — 25 &c. om, — 28 ie om.

�� � 508 Correspondance. ii. 453-

nant, que ie ne m'en fçaurois plus détourner que pour autant de tems qu'il m'en faut pour vous fupplier de m'aymer^ & de me croyre toufiours,

Mon Reuerend Père,

Voftre tres-humble & tres-afFedionné feruiteur,

��DESCARTES.

��Du 9 Feu. 16^9.

��Page 5oi, 1. 26. — Le 26 décembre i638, dans une lettre à Mersenne, Fermât écrivait : « le proposerai le reste après que vous m'aurez enuoyé les papiers de M. Descartes. » Il réclamait probablement les importantes lettres CXXXI, du 27 juillet i638, CXXXVIII, du 2? aoûts CXLIX, du i5 novembre, dont Mersenne avait dû lui promettre des extraits. Au reste, les nouvelles questions qu'il proposait étaient destinées non pas à Des- cartes, mais aux Messieurs de Paris ».

Page 5o2, 1. 21. — Dans V éclaircissement, p. 460, sur la lettre CLI, il a été fait mention de trois écrits de Jean de Beaugrand contre Descaries, publiés par M. Paul Tannory [La Correspondance de Descartes dans les inédits du fonds Libri, étudiée pour l'histoire des Mathématiques, Paris, Gauthier-Villars, 1893, p. 4i-55). Ces trois pièces portent les titres sui- vants :

Qu'il est faux que les équations qui ne montent que jusques au quarré soient toutes comprises en celles dont le Méthodique s'est serui en sa reso- lution prétendue du lieu ad quatuor lineas.

Erreurs du S^ Descartes touchant le nombre des racines de chaque équation.

Défauts de quelques règles du S' Descartes, et que sa distinction des racines en réelles et imaginaires est impertinente et ridicule.

Descartes pouvait, sans difficulté, mépriser les deux premiers écrits, et il est fort possible que ce soient les papiers dont il regrette que Mersenne lui ait fait l'envoi. Le troisième, au contraire, semble devoir être exclu, parce qu'il contient l'accusation de plagiat à l'égard d'Harriot, que Des- cartes aurait relevée sans aucun doute; parce que, d'un autre côté, Mer- senne, s'il a eu connaissance de cette pièce, a dû se garder de la com- muniquer à Descaites, à qui elle aurait surtout appris une maladroite

1 plus om. — après détourner] 6 affectionné] obeïffant. — 8 Date fans répugnance aj. — 4 R. P. omise.

�� � CLV. — 9 Février 1659. 509

indiscrétion du Minime. Beaugrand y cite en effet deux passages de la lettre confidentielle XCVII bis (tome I, p. 479, 1. 5-6, et p. 480, 1. io-i3).

Page 5o3, 1. 6. — Les deux questions de cet alinéa et celle du suivant ont été proposées par Mersenne à Fermât en même temps qu'à Descartes. Fermât répondit par une lettre du 20 février lôBg (Œuvres de F., t. II. 1894, p. 179-181). On y voit notamment que l'énoncé des deux problèmes de Dounot était en latin.

Ce Dounot avait publié en 1610 : Les Eléments de la Géométrie d'Eu- clide Megarien traduits et restitués selon l'ordre de Theon, le tout par Dounot de Bar-le-Duc. Paris, I. Le Roy. 4».

Page 504, 1. 29. — Cette expérience, comme toutes celles qu'entrepre- nait alors Mersenne, quoique Descartes, à vrai dire, ne l'y encourageât guères, avait été évidemment provoquée par les Nuove Scien:{e de Galilée. Mais elle est remarquable en ce qu'elle eût dû permettre de devancer quelque peu Torricelli pour la découverte de la loi sur l'écoulement des liquides à laquelle son nom est resté attaché, et qu'il publia en 1644.

Page 5o6, 1. i5. — Voir p. 478, Y éclaircissement sur p. 472, 1. 10. — Dans la nouvelle solution qui suit. Descartes construit le grand axe des ellipses demandées par Frenicle, en élevant au carré le produit de m fac- teurs impairs et premiers de la forme w-+ i (m est donc nécessairement pair). S'il multiplie ensuite par 3 ou « par quelqu'autre nombre Impair et premier », c'est par suite d'une bévue, comme il le dira dans la lettre CLX, du 3o avril 1639 (Clers., III, 485). Il ne donne d'ailleurs cette solution que comme particulière.

Le carré du nombre ainsi formé ne devrait être décomposable que de m façons différentes en une somme de deux carrés. Descartes n'a donc pas encore reconnu que la multiplication de facteurs différents entraînait de nouvelles décompositions. Il montrera lui-même, le 3o avril {ib., III, 486) que le nombre 629 ', qu'il donne ici comme se prêtant à deux décomposi- tions seulement, peut servir à quatre.

Contrairement à l'intention de Frenicle, Descartes se pose cette fois la condition que le grand axe soit impair. Soient donc a,b,c, les deux axes et la distance des foyers d'une ellipse (a' — b'+ c^);'û veut satisfaire en outre aux conditions que b,c,lC = 2-=^ et I K = '^~'" ' soient entiers et que l'on ait b <.c. Chaque facteur premier de la forme «» + i correspond à un système de valeurs de a, b, c, proportionnelles à n- -\- i,2 n,n- — \. Pour que a et c soient de même parité. Descartes doit donc faire corres- pondre è à 2 «, et pour avoir 2 « < n ' — 1 , exclure la valeur n = 2, c'est- à-dire le facteur premier 5.

Les valeurs entières des éléments de chaque ellipse sont, en appelant k le produit des autres facteurs premiers introduits :

CD =/f»(n» + i)», FL=fc»(«»-l- I) 2«, EI = A-=(«4— i), IC = /c»(nî'-|-i), IK = 2fc».

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510
III, 409.
Correspondance.
CLVI.

Descartes à M. de Beaune.

20 février 1639.

Texte de Clerselier, tome III, lettre 71, p. 409-416.

Monsieur,

J’ai été extrêmement aisé de voir vos Notes sur ma Géométrie[59] ; et je puis dire, avec vérité, que je n’y ai pas trouvé un seul mot qui ne soit entièrement selon mon sens. En sorte que j’ai admiré que vous ayez pu reconnaitre des choses que je n’y ai mises qu’obscurément, comme en ce qui regarde la généralité de la méthode, et la construction des lieux plans et solides, etc.

Et par tout je prends garde que vous ayez plutôt eu dessein d’excuser mes fautes, que de les découvrir ; de quoi j’ai véritablement sujet de vous remercier, à cause que c’est un grand témoignage de votre bienveillance ; mais je ne vous aurais pas moins remercié, si vous les aviez remarquées, à cause de l’utilité que j’en aurais pu retirer. Et afin que vous sachiez que je ne me flatte pas tant que je n’y reconnaisse beaucoup de manquements, je vous en dirai ici quelques-uns.

Premièrement, au lieu de m’être employé, depuis la page 324, jusqu’à 334, à construire la question de Pappus,

et de n’avoir parlé des lieux après cela qu’en forme de corollaire, j’eusse mieux fait d’expliquer par
III 409-410,
511.
CLVI. - 20 février 1639

ordre tous les lieux, et de dire ensuite que, par ce moyen, la question de Pappus était construite.

De plus, j’ai omis le cas où il n’y a point d’yy, mais seulement xy, avec quelques autres termes, ce qui donne toujours un lieu à l’hyperbole, dont la ligne que j’ai nommée AB est asymptote, ou parallèle à l’asymptote.

Et en l’équation de la page 325, dont je fais un modèle pour toutes les autres, il n’y a aucun terme qui soit composé de quantités connues ; ce qui est bon pour la question de Pappus, à cause qu’il ne s’y en trouve jamais par la façon que je l’ai réduite ; mais il y en fallait mettre un, pour ne rien omettre touchant les lieux. Et les deux constructions que j’ai données pour l’hyperbole, page 330 et 331, se pouvaient expliquer par une seule.

Je n’ai point donné l’analyse de ces lieux, mais seulement leur construction, comme j’ai fait aussi de la plupart des règles du troisième Livre.

Et au contraire, pour les tangentes je n’ai donné qu’un simple exemple de l’analyse, pris même d’un biais assez difficile, et j’y ai omis beaucoup de choses qui pourraient y être ajoutées pour la facilité de la pratique.

Toutesfois je puis assurer que je n’ai rien omis de tout cela qu’à dessein, excepté le cas de l’asymptote que j’ai oublié. Mais j’avais prévu que certaines gens, qui se vantent de savoir tout, n’eussent pas manqué de dire que je n’avais rien écrit qu’ils n’ayent su auparavant, si je ne fusse rendu assez intelligible pour eux ; et je n’aurais pas eu le plaisir, que j’ai eu depuis, de voir l’impertinence de leurs objections.

Outre que ce que j’ai omis ne nuit à personne ;

car pour les autres, il leur sera plus profitable de ta
512 Correspondance. III, 410-411.

cher à l’inventer d’eux-mêmes, que de le trouver dans un Livre. Et pour moi, je ne crains pas que ceux qui s’y entendent m’imputent aucune de ces[60] omissions à ignorance ; car j’ai par tout eu soin de mettre le plus difficile, et de laisser seulement le plus aisé.

Quand on a x²y ou x²y² dans une équation, le lieu est d’une ligne du second genre ; et j’ai mis, en la p. 319, que lors que l’équation ne monte que jusqu’au rectangle des deux quantités indéterminées, c’est à dire lors qu’il n’y a que xy, le lieu est solide ; mais que, lors qu’elle monte à la troisième ou quatrième dimension des deux ou de l’une, c’est à dire lors qu’il y a xxy, ou bien x3 etc, le lieu est plus que solide.

Je vous remercie de la proportion des Réfractions que vous m’aurez envoyée ; je ne doute point qu’elle ne soit très exacte, et je fais si peu d’état de celui qui dit avoir fait des expériences qui montrent le contraire[61], que j’ai seulement honte de notre siècle, de ce que de telles gens en trouvent d’autres qui daignent les écouter ; mais je ne crois pas qu’il y ait personne, que les raisons dont vous le réfutez ne persuadent.

Je n’ai rien à dire touchant ce que vous trouvez bon de changer en la machine pour les Lunettes, car c’est chose dont vous pouvez mieux juger que moi[62]. Mais pour ce qui est de commencer par les Lunettes à puces, je crains qu’elles ne fassent pas voir si claireni,4i>. CLVI. — 20 Février 1659. 51)

ment l'vtilité de la figure hyperbolique comme les Lunettes de longue veuë; car vous fçauez que pour les verres qu'on met proche de Toeil, il n'importe pas tant que leur figure foit exade. C'eil pourquoy ie me

5 perfuade que vous receurez plus de contentement de voftre trauail, fi vous commencez par vne machine qui puiffe auoir au moins vn pied ou vn pied & demy de hauteur entre les lignes A B & R Q. (p. 145 de la Diop.), & que vous vous en feruiez à tailler des

10 verres qui ayent quatre ou cinq pouces de diamètre, pour des Lunettes de deux ou j pieds de longueur. Car y adjoûtant feulement des verres fort concaues, taillez au hazard, ie ne doute point que vous ne les rendiez beaucoup meilleures que les ordinaires, qui

i5 ne peuuent auoir des verres û grands, encore qu'elles foient beaucoup plus longues. Et vous pouuez faire aifémentque cette mefme machine férue pour diuerfes hauteurs.

Si ce qu'on a dit au Reuerend Père Merfenne de la

20 Lunette apportée de Naples" eft vray, à fçauoir que le verre conuexe en eft extraordinairement grand, & que, bien qu'il foit plus mal poly que les ordinaires, il ne laifTe pas d'auoir plus d'efiet, ie iuge qu'il doit auoir la figure de l'hyperbole, mais i'apprens qu'on com-

2 5 mence à en diminuer le bruit.

Pour vos lignes courbes, la propriété dont vous m'enuoyez la demonftration me paroift fi belle, que ie la préfère à la quadrature de la parabole trouuée par Archimede. Car il examinoit vne ligne donnée, au lieu

3o que vous déterminez l'efpace contenu dans vne qui

a. Voir plus haut, p. 446, 1. 8, et p. 457, !. i5.

Correspondance. II. C5

�� � 5 14 Correspondance. 111,411-413.

n'ell pas encore donnée*. le ne|croy pas qu'il foit pof- fible de trouuer généralement la conuerfe de ma règle pour les tangentes, ny de celle dont fe fert Monfieur de Fermât non plus, bien que la pratique en foit en plufleurs cas plus aifée que de la mienne. Mais on en 5 peut déduire à pojîeriori des Théorèmes, qui s'efteri- dent à toutes les lignes courbes qui s'expriment par vne équation, en laquelle l'vne des quantitez x ou y n'ait point plus de deux dimenfions, encore que l'autre en euft mille; & ie les ay trouuez prefque tous en 10 cherchant cy-deuant voftre deuxième ligne courbe ; mais pour ce que ie ne les écriuois que dans des brouillons que ie n'ay pas gardez, ie ne vous les puis enuoyer. 11 y a bien vne autre façon qui eft plus géné- rale, & à priori, à fçauoir par l'interfeélion de deux iS tangentes, laquelle fe doit toufiours faire entre les deux points où elles touchent la courbe, tant proches qu'on les puiiTe imaginer. Car en conûderant quelle" doit eftre cette courbe, afin que cette interfedion fe faffe toufiours entre ces deux points, & non au deçà ^o ny au delà, on en peut trouuer la conftrudion ; mais il y a tant de diuers chemins à tenir, & ie les ay fi peu pratiquez, que ie n'en fçaurois encore faire vn bon conte. Toutesfois vous verrez icy en quelle façon ie m'en fuis feruy pour vos trois lignes courbes. 25

En la deuxième, A"VX, dont le fommet eil A, au lieu de confiderer l'axe A Y auec fon ordonnée XY, i'av confideré Tafymptote B C, vers laquelle ayant mené des ordonnées parallèles à l'axe, comme P'V, RX, &c. , & des tangentes comme AC, ZVN, GXM, &c., i'ay trouué 30

a Clers, : qu'elle.

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��III, 41Î-413. CLVI. — 20 Février 1659. ^15

que la partie de rafymptote qui eft entre Tordonnée & la tangente d'vn mefme point, comme PN,ou RM,&c., efl toufiours égale à BC, ainfi que vous verrez faci- lement par le calcul *. Or d'autant que les deux li- gnes ZVN & GXM tou- chent la courbe aux points V & X, elles doiuent ne- ceffairement s'entrecoup- per en l'efpace qui eft entre ces deux points, tant pro- ches qu'ils puiflent eftre, comme, par exemple, au point D, par lequel ie mené FD parallèle àPV.Et ie nomme ABooè, UPoobVz, PF = £, FR = to, I PVoj ^*, & RXoo '^^*, entendant par m vn nombre de parties égales, aufquelles ie fuppofe que toute la ligne b eft diuifée ; & par n vn autre moin- dre nombre, qui exprime combien la lig(ne) P v con- tient de telles parties; en forte que, fi m eft 16, & /i eft i^, i'ayPV»^/», &KXx>!^b] car ie fuppofe RX moindre que PV d'vne de fes parties feulement. Apres cela ie procède en cette forte.

Comme N Pa^ Z> F2 eft à P Vao ^ , ainfi N F^d ^ Vi—t eft à FDoo^ — jj^j etcommeMR=o^F2eftà^^ ainfi^F2 + ioeftàFD3o^*-f;^^-^^.Sibienque i'ay FD en deux façons, qui me donnent : ^od ""~'^^"' , ou bien bVi^o no) — w + n e. Ce qui monftre que PR,

��bVi+u

��ou bien

��bVz — t

��que i'ay nommée e -f w, eft

à dire que PR eft neceffairement plus grande que

��c'eft

bV2

��3o & plus petite que ^7— , ou bien, afin de rejetter le nom-

�� � fi6 Correspondance. m, 4>3-4M.

bre fourd Vi, que la ligne a|3 eft plus grande que-, & plus petite que ^^~. Et pour ce que le mefme fe doit entendre de toutes les ordonnées parallèles à Taxe, qui ne différent IVne de l'autre que d'vne des parties de la ligne AB, cecy fuffit pour demonftrer 5 que, fi on diuife cette ligne A B en 8, & que P V con- tienne par exemple -b, Aol fera plus grande que ^ b I + ^ ^, & moindre que ^b + ^b; et que, fi on diuife A B en i6, A a fera plus grande que i^^ + Tj^ + iî^^ + ^^b, & moindre que j^b -^ ^b + ^^b •}- ^^b, Sl ainfi 10 des autres. De façon que, diuifant A B en plus de par- ties, on peut approcher de plus en plus, à Tinfiny, de la iufte longueur des lignes Aa^ A^, & femblables, & par ce moyen conftruire Mechaniquement la ligne propofée*. i5

De plus, à caufe que, RX eflant ^Z>, on ne fçauroit imaginer, en la ligne A ^, aucun point au deflus de ^, comme y^ qui foit fi proche de p qu'il ne fe demonftre, par cecy, que l'interualle y (3 eft moindre que le dou- ble de la différence qui fera entre l'ordonnée RX & ao l'ordonnée qui paffera par le point y ; et qu'au con- traire on ne fçauroit imaginer aucun point au def- fous de (3^ comme S, qu'il ne fe demonftre que l'in- terualle pS eft plus grand que le double de la diffé- rence qui eft entre l'ordonnée RX & celle qui pafTe 25 par â ; et que tout de mefme que, P V eflant ^ ^% on ne fçauroit mener aucune autre ordonnée au deffus d'elle, comme par le point x, que la ligne ar, ne foit moindre que y de leur difierence ; ny aucune au def-

a. Clers. : 3 t, et plus bas, ligne 28, n au lieu de t,.

�� � m, 4i44'5. CLVI. — 20 Février 1639. ^17

fous, comme par 0, que a 9 ne foit plus grande que j de leur différence, & ainfi des autres* ; cela monflre que, pour décrire exactement cette courbe AVX, il faut mouuoir deux lignes droites en telle forte que,

5 l'vne eftant appliquée fur la ligne A H, & l'autre fur AB, elles commencent à fe mouuoir en mefme temps également vifte, A H vers B R, & A B vers R H ; & que celle qui fe meut de A H vers B R retienne toujours la mefme vitefle ; mais que l'autre, qui defcend de B A

o parallèle a RH, augmente la fienne en telle propor- tion que, fi elle a vn degré de vitefTe en commençant, elle en ait l lors que la première a parcouru la hui- tième partie de la ligne A B, & g ou |, lors que la pre- mière a parcouru le quart de A B, & | , ^ , | , ^ & 8, &

1 5 1 6 & 3 2 , &c . , lors que la première arriue à | , g , | , ^ & ^, & ^ & "^ , &c. de la ligne AB, & ainfi à Tinfiny ; et linterfeclion de ces deux lignes droites décrira exaélement la courbe AVX,lqui aura les proprietez demandées. Mais ie croy que ces deux mouuemens

10 font tellement incommenfurables, qu'ils ne peuuent eilre réglez exadement Tvn par l'autre ; et ainfi que cette ligne eft du nombre de celles que i'ay rejettées de ma Géométrie, comme n'eftant que Mechanique ; ce qui eft caufe que ie ne m'eftonne plus de ce que ie

j5 ne l'auois pu trouuer de l'autre biais que i'auois pris, car il ne s'eftend qu'aux lignes Géométriques.

Pour voftre troifiéme ligne courbe, vous voyez ajTez qu'elle eft de mefme nature, & fe décrit de mefme façon que cette féconde, fans qu'il y ait autre diffe-

3o rence, fmon qu'au lieu qu'en celle-cy l'angle B A H eft

�� � 5i8 Correspondance. «1,415-416.

de i^^ degrez, & H A Y de 4 5, ils doiuent eftre tous deux droits en l'autre.

Pour la quatrième, ie ne l'ay point du tout exami- née, & ie n'en pourrois auoir le loifir, û ie ne differois à vn autre voyage à vous écrire ; mais ie m'affure que 5 vous aimerez mieux en faire la recherche.

Les petites remarques que iay faites fur le Liure de Galilée^, ne valent pas la peine que vous les voyez; mais, puis qu'il vous plaift, ie ne laifferay pas de prier le Reuerend Père Merfenne de vous les enuoyer. l'ay 10 bien pris garde que Galilée ne diftingue pas les di- uerfes dimenfions du mouuement ; mais cela luy eft commun auec tous les autres dont iay veu quelques écrits de Mechanique.

Pour la difficulté qu'on a, de conceuoir comment i5 plufieurs diuerfes aélions peuuent pafler en mefme temps par vn mefme efpace fans s'empefcher, comme, par exemple, toutes les couleurs d'vne prairie par le trou de la prunelle de l'œil, elle vient principalement de ce qu'ayant remarqué, dés noftre enfance, que les 20 corps durs empefchent fouuent les mouuemens les vns des autres, au lieu de prendre garde que la caufe n'en doit eftre attribuée qu'à leur dureté & à leur groffeur, nous auons iugé qu'vn mefme corps neftoit pas capable de receuoir tout enfemble les impreffions 25 de plufieurs diuers mouuemens. Et toutesfois il eft très-certain [qu'il en peut receuoir vn nombre innom- brable, nonobftant que chacune de fes parties ne puiffe pas pour cela fe mouuoir en plus d'vne forte ; comme on peut voir aifément plufieurs tuyaux F G, 30

a. Lettre CXLVI, du 1 1 oct. ib38, p. 3/9 ci-avant.

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���iii.4'6. CLVI. — 20 Février 16^9. 519

HI, KL qui foient ioints par le milieu, & que plufieurs hommes foufflent en mefme temps, l'vn d'F vers G, l'autre d'H vers I, & l'autre de K vers L, &c. : car bien que les parties de l'air contenues en l'efpace N, qui leur eft commun à tous, ne fe puif- fent mouuoir chacune que vers vn cofté en mefme temps , elles ne laiflent pas de pou- uoir feruir à transférer toutes les adions qu'elles reçoiuent ; & l'on peut dire que l'adion qui vient d'F pafle en ligne droite vers G, no- nobftant qu'il n'y ait peut-eftre aucune partie de l'air qui vient d'F, laquelle, eftant paruenuë à l'efpace N, ne tourne de là vers I & vers L ; car, en ce faifant, elles transfèrent l'adion qui les determinoit vers G à d'autres parties d'air, qui viennent d'H & de K & qui tendent vers G, tout de mefme que fi elles venoient du point F; & ainfi des autres.

Au refle, afin que ie ne laifle aucuns points de voftre lettre fans quelque réponfe, ie vous diray que, fi tout le monde vouloit receuoir mes penfées aufli fauora- blement que vous, ie ne ferois aucune difficulté de les publier; mais pour ce que i'éprouue que la plufpart, & mefme de ceux qui caufent^ le plus, font d'autre humeur, ie ne le iuge pas à propos. le fuis, Monfieur,

Voftre tres-humble & fidèle feruiteur,

DESCARTES, a. Lire : comptent (que Descartes écrivait content) ?

�� � 520 Correspondance.

Page 514, 1. I. — D'après ce passage, Florimond de Beaune aurait déterminé, en fonction algébrique des coordonnées, l'aite de l'une des quatre lignes courbes proposées par lui, tandis qu'il n'avait pu, au con- traire, établir de relation algébrique entre les coordonnées de cette ligne. La première des quatre se trouve exclue dès lors, puisque nous savons (voir p. 444, l.»24) que c'était une hyperbole (définie par une propriété de sa tangente), et qu'en tous cas l'aire de l'hyperbole n'est déterminable qu'en employant une fonction logarithmique ; ce qui n'était point reçu à cette époque, ainsi que le montre précisément la solution de Descartes relative à la seconde ligne (p. 514, 1. 26, à p. 517, 1. 26). Quant à la qua- trième ligne, dont nous ne savons rien, il est improbable que la détermina- tion faite par Beaune l'ait concernée; car, dans ce cas. Descartes aurait sans doute pris le temps d'examiner cette ligne, ce qu'il n'a pas fait (p, 5i8, 1. 3). Restent donc la seconde et la troisième ligne; nous allons voir que, pour l'une et l'autre, la quadrature, dans les conditions indiquées ci-dessus, est effectivement possible.

La seconde ligne est devenue classique, parce qu'elle a fourni le plus ancien exemple du traitement d'une équation différentielle. Toutefois le véritable énoncé du problème n'est pas connu. Descartes l'ayant trans- formé. Voici celui que donne Duhamel {Eléments de calcul infinitésimal, U II, 2* éd., 1861, p. 154) :

« Trouver une courbe telle que la sous-tangente soit à l'ordonnée comme » une ligne constante esta l'ordonnée de cette même courbe diminuée de • celle d'une ligne droite inclinée d'un demi-angle droit sur l'axe des x. »

Cet énoncé dérive du texte latin qu'on trouve dans une lettre écrite « cinq ou six ans » plus tard par Descartes {Clers., III, lettre LXXIX, p. 459-460). Mais pour être d'accord avec la figure p. 5x5, où les axes rec- tangulaires sont AC pour les x, A Y pour lesj', il eût fallu dire :

« Trouver une courbe telle que la sous-tangente soit à l'ordonnée comme » une ligne constante est à l'ordonnée de la bissectrice [A H] de l'angle des » axes, diminuée de l'ordonnée de la courbe. »

Voici un autre énoncé peut-être plus voisin de la forme primitive :

« Etant donné un axe A Y et un point C [AC = è] sur la perpendicu- laire en A, trouver une courbe telle que la tangente en l'un quelconque X de ses points soit parallèle à la droite joignant le point C au point de ren- contre de l'axe A Y et d'une droite menée par le point X parallèlement à C B, qui est inclinée de 450 sur l'axe. »

L'équation différentielle de la courbe proposée est : \^ = ~^, et l'on en

déduit facilement : jf ydx = - jr« — by,ct qui donne l'aire de la courbe.

La troisième ligne (voir p. S\j, 1. 27) proposée par Beaune était proba- blement définie par la propriété d'avoir, en coordonnées rectangulaires, sa sous-tangente constamment égale à b. De la relation ydx =: bdy, on tire

ydx = by.

�� � La simplicité de ce dernier cas doit incliner à croire que c’était là la propriété trouvée par Beaune.

Quoi qu’il en soit, les questions qu’il avait posées offrent les premiers exemples connus de ce que l’on a appelé le problème inverse des tangentes, et on voit que leur inventeur a eu la notion très nette de l’identité de ce problème avec celui des quadratures. Descartes a dû apercevoir cette iden- tité tout aussi clairement; les théorèmes dont il parle p. 514, 1. 6, et qu’il n’a pas conservés, concernent évidemment des intégrations obtenues, non pas directement, comme on avait fait jusqu’alors, mais comme inverses de différentiations portant sur diverses classes d’expressions rationnelles ou sur leur racine carrée. Il n’y avait plus qu’à combiner une notation com- mode pour constituer le calcul infinitésimal tout entier, et l’on peut dire que le principe essentiel en était dégagé.

Ce qui retarda l’invention, c’est que les fonctions logarithmiques et circulaires n’étaient pas encore introduites en algèbre, ne valaient que comme nombres tabulaires ou relations mécaniques, ainsi que disait Descartes. Or l’introduction de ces fonctions ne devint possible que lorsqu’on arriva à les représenter sous forme de séries indéfinies. Tout ceci est aisé à constater, précisément à propos de la façon dont Descartes va traiter la seconde ligne de Florimond de Beaune, qu’il choisit au lieu de la troisième, sans doute parce que le problème était plus compli.q^ué. Après avoir fait des essais qui l’ont convaincu que la relation entre les coordonnées de la courbe ne pouvait être algébrique, Descartes arrive incontestablement, par le procédé qu’il expose comme plus général (p. 514, 1. 14), à recon- naître la véritable nature (logarithmique) de cette relation. Si, par une coquetterie d’analyste, il évite de prononcer le mot de logarithme, il ne faut pas s’y tromper ; sa description de la courbe (p. 517, 1. 3) a trop de rapports avec la façon dont Napier avait conçu les logarithmes, pour que l’on ne doive pas croire que Descartes avait une exacte connaissance de cette conception.

Si, d’autre part. Descartes n’arrive pas à représenter réellement le logarithme par une série indéfinie de termes exprimés analytiquement en fonction de l’inconnue, il parvient au moins, comme on le verra dans les éclaircissements qui suivent, à comprendre le logarithme d’un nombre rationnel entre deux suites dont le nombre des termes peut croître indéfiniment et dont la différence peut devenir aussi petite que l’on veut. Il a donc conscience, dans une certaine mesure, de la lacune qui arrêtait les progrès de la science, et que sans doute il eût été capable de combler, s’il ne s’était pas consacré à d’autres travaux.

Page 5i5, 1. 4. — Si, comme Descartes, on prend pour axes BM et BY {x’,y’) au lieu de A C et A Y (x,jr), les anciennes coordonnées s’expriment, en fonction des nouvelles, par les relations : J22 Correspondance.

��L'équation dinérentielle de la seconde ligne de Florimond de Beaune,

ix — b

��à savoir : ^^- = ^^-y^ [voir l'éclaircissement qui précède), devient dès lors

��^ = — ^-p^- Elle correspond, sous cette forme, à la propriété trouvée par Descaries, que, pour les coordonnées obliques qui ont été choisies, la sous-tangente est constamment égale à B C.

Le problème est dès lors ramené à une quadrature simple, et nous tire- rions immédiatement aujourd'hui : p^. = ô L — . • En d'autres termes, si Ton prend pour unité la ligne AB, la distance A« à l'axe des j^ d'une ordonnée P V est représentée par le logarithme naturel de cette ordonnée.

Page 5 1 6, 1. : 5. — Le procédé que Descartes a appliqué sur un cas par- ticulier, mais qu'il présente comme général, peut se représenter de la façon suivante.

Supposons que la sous-tangente soit donnée, par exemple, en fonction de l'ordonnée^, et que l'on ait, en conséquence: -f'= F^. Faisons croître j' par différences égales, et supposons j' = mt^y correspondant

m

à jf_ = o ; posons X — x = ^.x Si, dans un intervalle considéré,

il n'y a pas de point d'inflexion, Ax» sera compris entre \.y

¥y m

et ^^\y, et par conséquent x =2 A x sera compris entre

Jti— I "+i

m Yy m-i Yy l Fj^

2) — ~ t^y et Yi — ^ ^y- La différence des deux limites, 1 —

"+ • -^ » ^ \ -'m

V y^\

A^, pourra être rendue aussi petite que l'on voudra, en prenant

�� ��bky suffisamment petit, c'est-à-dire m suffisamment grand.

Le problème est donc bien ramené à une quadrature, et la possibilité d'obtenir en tous cas celle-ci par une sommation de termes, avec une approximation indéfinie, est démontrée.

Dans le cas particulier où Y y est constant, L - sera compris entre A ! — et — ^ — A î — + ...+-■ La propriété caracté-

��«'n + i' 'm — I H+i'K + 2

ristique de la fonction ressort d'ailleurs immédiatement de l'exposition de Descartes, quoiqu'il ne l'ait pas mise en évidence. On voit en effet que a^ ou AXrt est la même fonction de — ^ que A« ou x» l'est de -.

Page Si-, 1. 2. — Les inégalités posées par Descartes au commence- ment de cet alinéa reviennent à

OU bien

^^<L»-i<îi^.

�� � 11,454 CLVIl. — 20 Février 1639. pj

Elles se déduisent de celles qui ont été précédemment établies :

n + i ' «+ ^ 1^ H, ^-1- n^~n ^^« + i^^i^ n,— i,

puisque le nombia des termes de chaque suite est tii — «, et que le plus grand est - pour la limite supérieure, le plus petit — pour la limite infé- rieure.

On remarquera le détour dont use Descartes pour arriver à la considé- ration des vitesses dans la description de la courbe, tandis que dans la Mirifici logarithmorum canonis constructio, Napier l'aborde directement. Mais en tous cas, de même que l'inventeur des logarithmes dans son célèbre opuscule, Descartes, contrairement à l'usage introduit par Briggs, considère la fonction comme croissant tandis que la variable (le nombre) décroit.

��CLVII.

Descartes a Mersenne.

[20 février i63g.] Texte de Clerselier, tome II, lettre 98, p. 454-456.

Sans date dans Clerselier, mats imprimée après la XCVII', du g février i63g [lettre CLV,p. 4g3, ci-avant), et envoyée en même temps que la précédente à M. de Beaune, du 20 février [voir plus bas l. 4). Cette lettre « n'est point parmy celles de M. de La Hire ». [Note de l'exemplaire de l'Institut.)

Mon Reuerend Père,

le n'ay gueres de matière pour vous écrire à ce voyage ; mais ie n'ay pas voulu différer de répondre à Monfieur de Beaune, tant pour le remercier de fes Notes fur ma Geometrie% que pour luy mander ce que i'ay trouué touchant fes lignes courbes ; car ie croi-

a. Voir plus haut, p. Sic, 1. 2.

b. Pages 5i3 à 5 18 ci-avant.

�� � 524 Correspondance. 11,454-4.55

rois qu'il iroit du mien, fi quelqu'autre luy pouuoit en cela fatisfaire, ou mieux, ou plutoft que moy. Il n'y a pas vn feul mot en fes Notes qui ne foit entière- ment félon mon intention, & il a fort bien vu en ma Géométrie les conftrudions & les demonftrations de 5 tous les lieux plans & folides, dont les autres difoient que ie n'auois mis qu'vne fimple analyfe.

le n'ay aucune connoifTance de ce Géomètre dont vous m'écriuez, & ie m'étonne de ce qu'il dit, que nous auons eiludié enfemble Viete à Paris; car c'eft 10 vn liure dont ie ne me fouuiens pas auoir feulement iamais vu la couuerture, pendant que i'ay efté en France.

Pour l'expérience des œufs, des verres, ou des noix &c., qui, eflant entaflez, ne caflent point ceux de def- i5 fous par leur pefanteur, elle ne contient rien d'admi- rable, que pour ceux qui la fuppofent autre qu'elle n'ell. Car il eft certain qu'on peut mettre tant d'œufs l'vn fur l'autre, que ceux de deflbus feront caffez par la pefanteur de ceux de deffus; mais, pour bien faire 20 fon compte, il faut confiderer que, fi on met, par exem- ple, ^0000 œufs dans vn tonneau, qui foit fi large qu'il y en ait mille qui touchent le fonds, chacun de ces mille n'a que la charge de 49 à fouftenir, lefquels ne pefent, comme ie croy, que j ou 4 liures tout au plus. De | fa- 25 çon que fi chacun de ces" œufs peut fouftenir vn poids de 5 ou 4 liures fans fe rompre, ils ne fe doiuent nul- lement cafler, eftant au fond de ce tonneau ; & s'ils ne le^'peuuent foûtenir, ils s'y cafferont certainement,

a. Clers. : fes.

b. Clers. : la.

�� � 11,455. CLVII. — 20 Février 1659. ^25

quelque expérience qu'on die auoir faite. Et pour des noix, elles font fi dures, que ie croy que chacune en pourroit foûtenir plus de 10 000, & ainfi qu'on en pourroit remplir la plus haute tour qui foit au monde, 5 fans que pour cela elles fe cafTafTent.

La multitude & l'ordre des nerfs, des veines, des os & des autres parties d'vn Animal, ne monftre point que la Nature n'eft pas fuffifante pour les former, pourueu qu'on fupofe que cette Nature agit en tout

10 fuiuant les loix exades des Mechaniques, & que c'eft Dieu qui luy a impofé ces loix. En effet, i'ay confideré non feulement ce que Vezalius & les autres écriuent de l'Anatomie, mais auffi plufieurs chofes plus parti- culières que celles qu'ils écriuent, lefquelles i'ay re-

1 5 marquées en faifant moy-mefme la diffedion de di- uers animaux. C'eft vn exercice où ie me fuis fouuent occupé depuis vnze ans*, &ie croy qu'il n'y a gueres de Médecin qui y ait regardé de fi prés que moy. Mais ie n'y ay trouué aucune chofe dont ie ne penfe

20 pouuoir expliquer en particulier la formation par les caufes Naturelles, tout de mefme que i'ay expliqué, en mes Météores, celle d'vn grain de fel, ou d'vne petite étoille de neige. Et fi i'eftois à recommencer mon Monde, où i'ay fupofé le corps d'vn animal tout

2 5 formé % & me fuis contenté d'en monftrer les fon- dions, i'entreprendrois d'y mettre auffi les caufes de fa formation & de fa naiifance. Mais ie n'en fçay pas

a. Cf. tome I, p. 102, 1. 18, et p. 137, 1. 6.

b. Météores, Discours troisiesme, p. 184, etc., et Discours sixiesme, p. 221, etc.

c. Cf. lettres XLV et XLVI, t. I, p. 254 et 263.

�� � ^20 Correspondance. 11,455-456.

encore tant pour cela, que ie pûfle feulement guérir vne fièvre. Car ie penfe connoiftre l'animal en gêne- rai, lequel n'y eft nullement fujet, &. non pas encore l'homme en particulier, lequel y eft fujet.

Monfieur de Beaune me mande qu'il defire voir ces 5 petites obferuations fur le liure de Galilée que ie vous ay enuoyées^ ; et puis que vous luy auez fait voir toute noftre difpute de M. (Fermât)^ & de moy, touchant fa règle pour les] Tangentes, ie ferois bien aife qu'il vift auffi ce que i'en ay vne fois écrit à M. Hardy % où i'ay 10 mis la demonftration de cette règle, laquelle M. (Fer- mât)*^ n'a iamais donnée, quoy qu'il l'euftpromife, & que nous l'en ayons aflez preiTé, vous & moy. Vous en aurez ayfément vne copie de M, Hardy, & ie feray bien aife que M. de Beaune iuge par là, qui c'eft qui a i5 le plus contribué à l'inuention de cette règle.

l'écriray à Leyde auiourd'huy ou demain, pour faire que le Maire vous enuoye les Hures que vous deman- dez, le fuis,

CLVIII.

Regius a Descartes.

[Utrecht], 9 mars 1639. [A. Baillet], La Vie de Monsieur Des-Cartes, tome H, p. 8-9.

Cette lettre, la 2* de celles de Regius à Descartes qui ont été vues

a. Lettre CXLVI du 11 oct. i638, p. 379 ci-avant.

b. Clers. ; M. N.

c. Lettre CXXV, p. 169 ci-avant.

d. Clers. ;• M. N.

�� � CLVIII. — 9 Mars 1639. 527

par Baillet, était en latin, comme toutes les autres. « Ne pouvant y » renvoyer le lecteur, » dit Baillet, « parce quelle n'est pas encore » publique, il est à propos de lu/ en représenter le sens en abrégé a pour des raisons dont on luj laissera ensuite l'examen. »

Je n'ay point de termes pour exprimer la joie que m'a donnée la lettre admirable que vous me fîtes l'honneur de m'écrire au mois d'août dernier^. Elle a tellement augmenté le peu de réputation dont j'étois

5 redevable d'ailleurs & à vous & à M. Reneri, qu'elle a attiré à mon école non feulement plufieurs étudians en Médecine, mais même des Philofophes, des Jurif- confultes, des Théologiens & d'autres Auditeurs étran- gers, pour écouter les leçons publiques & particulières

10 que je fais de la Médecine fuivant les principes de vôtre Philofophie, que j'ay puifez dans vos excellens ouvra- ges, ou appris de la bouche de M"^ Reneri Cela

pouvoit fuffire, ce femble, pour me réhaufler le cou- rage, & pour me faciliter de plus en plus les voyes de

i5 la Nature. Cependant vôtre bonté vous fait faire en- core bien d'autres démarches en ma faveur, & au lieu que vous m'aviez accordé la grâce de vouloir bien me fouffrir à la compagnie de M. Reneri, toutes les fois qu'il vous rendroit vilite, vous me permettez mainte-

10 nant de vous aller voir feul à caufe de fes fréquentes indifpofitions. J'efpére profiter de mapermifTion dans cette fémaine qui finira nos vacances : & fi je ne vous fuis point à charge, je pafTeray deux ou trois jours prés de vous, afin de pouvoir vous confulter fur divers

2 5 defTeins que je me fuis propofez etc.

a. En réponse à la lettre CXXXVI, p, 3o5 ci-avant. Voir p. 3o6 la lettre CXXXVII, dont le prolégomène est à rectifier, puisque nous voyons ici que Descartes avait directement répondu à Regius.

�� � j 28 Correspondance.

CLIX.

Regius et Emilius a Descartes.

Utrecht, 19 mars lôSg. [A. Baillet], La Vie de Monsieur Des-Carles, tome II, p. 20 et p. 22.

Ces deux lettres, qui ont été certainement écrites (le texte de Baillet en fait foi), sont perdues l'une et l'autre; Baillet lui-même ne les connaissait que par les récits de ce qui s'était passé à Utrecht au sujet de la philoso- phie de Descartes. Il avait les lettres de Regius numérotées : or entre la 2«  du 9 mars 1639 {lettre CLVIII ci-avant) et la 3» du 17 mai (lettre CLXIV ci-après), celle-ci, du 19 mars, manquait; nous verrons même (lettre du 17 mai) que vraisemblablement Descartes ne l'a pas reçue.

Reneri étant mort à Utrecht le jour même de ses noces, i5 ou

16 mars 1639 :

« On lui fit dans la grande Eglise de la Ville de splendides funé- railles, ausquilles le Sénat ou les Magistrats assistèrent en corps avec r Université environnée d'une grande multitude de peuple. Le lendemain (en marge : le 18 jour de mars) l'on se rassembla pour entendre l'Oraison funèbre du défunt. Elle fut prononcée au nom de l' Université par le sieur Antoine Emilius, Professeur en éloquence et en histoire. On admira la beauté du discours, et on fut touché des réflexions de l'Orateur. Mais on s'apperçut bien-tôt que ce n'étoit pas moins le Panégyrique de M. Descartes vivant, que l'Oraison funèbre de feu M. Reneri... Tout cela se passa sans la participation de M. Descartes, qui n'apprit la mort de M. Reneri que par une lettre que M. Regius luy en écrivit le lendemain. » (Voir, pour le passage qui fait immédiatement suite à celui-ci, lettre CLXIV ci-après, du

17 mai 1639.)

« [M. Emilius] n'eut pas plutôt prononcé l'Oraison funèbre que, non content de luy en faire donner avis (à Descartes) par M. Regius, il lu/ en envoya une copie manuscrite, avec des lettres pleines de respect et d'estime, sous prétexte que ce discours le regardant per- sonnellement, et qu'ayant reçu ordre du Magistrat de le donner à r Imprimeur de l'Université pour le rendre public, il étoit à propos qu'il vît ce qu'il j' avait à changer avant l'impression. »

�� � CLX. — jo Avril 1639. 529

Sur les circonstances particulières de la mort de Rcneri, Baillet n'a d'autre autorité qu'une addition imprimée : Gassendi Opéra, VI, 3i, à la suite d'une lettre à Reneri, et comme glose de l'éditeur : « Is Rcnerius » eo ipso die, quo vxorem duxit Vltraiecti, cœpit per conuiuium maie » habere, et ex eo eductus paucis post horis interijt, sicque non thala- » mum, sed feretrum inuenit. Narrauit Bornius, qui sub ipso suum Phi- 1) losophiae curriculum iam absoluerat. » Or, nous avons vu, p. 527, 1. 20- 21, que Reneri était sujet à de fréquentes indispositions; et nous verrons, lettre CLXII à Pollot, du 6 mai 1639, que la maladie dont il mourut a duré plusieurs jours, puisque Descartes averti eut le temps de venir voir une dernière fois son ami (ci-après, p. 545, 1. 2?-28).

Notons aussi que le jour même, 18 mars i6?9, de l'Oraison funèbre, et ce fut une nouvelle marque de la faveur avec laquelle était accueillie la philosophie cartcsienne à Utrecht, Regius, qui était Professeur extraordi- naire depuis le 6 sept. i638 seulement, fut nommé Professeur ordinaire : u Ita omnibus CoUegis impense faventibus ac gratulantibus, in Professo- » rem extraordinarium Medicinx adscitus fuit D. Regius, et primo anno » nondum exacto, in Ordinariorum numerum adoptatus, nemine Colle- » garum ringente, nec verbulo in Conventu academico, aut apud Sena- » tores, aut alicubi, ipsius progressum impediente. » {Not. van den Senaat der Utr. Akad., t. I, p. 44, cité par A.-C. Duker, p. 71, Strijd tusschen Voetius en Descartes, Leiden, 1861.)

��CLX.

Descartes a Mersenne

3o avril 1639. Texte de la Copie Boncompagni, P» 40.

Variantes du texte de Clerselier, tome III, lettre LXXXIV, p. 480-48 j. — Cette lettre était la 23' de La Hire, (/y) du clas- sement de dom Poirier.

D'après le principe adopté, on a suivi, pour le texte ci-après, l'or- thographe de la copie, qui est, dans son ensemble, plus voisine de celle de Descartes que ne l'est celle de l'édition de Clerselier. Toute- fois on n'a pas reproduit certaines particularités propres au copiste: la finale es au lieu de ez, régulièrement adoptée dès lors par Des- cartes; fy au lieu de fi; ceft pour cet, et cefte pour cete [cette); moityé ou moytié; partyes; pluftot.

Correspondance. II. f>7

�� � j^o Correspondance. 111,480.

Mon Reuerend Père,

l'ay receu 4 pacquets de voftre part defpuis 8 ou 10 iours, fans auoir toutesfois receu qu vne de vos let- tres. Car le i*"^ ne contenoit que les liures de Monfieur Morin *, de Monfieur Hardy *, & les Thefes du Père 5 Bourdin*; le 2""= que la Perfpediue curieufe*, & le liure de Monfieur de Laleu*; le j'*' que des lettres de Bretaigne. Mais enfin dans le 4'"'= i'ay trouué voftre lettre, auec vne de Monfieur de Beaulne, & vne que Monfieur de Befij vous a efcrite. le refpondray icy par 10 ordre aux articles de la voftre.

1. Ce que i'ay dit, aux pages 175 & 179, àe la pe- fanteur" & de l'origine des fontaines, eft fort peu de chofe au regard de ce qui s'en peut dire, & vous ver- rez quelque chofe de la pefanteur dans ma refponfe à 1 5 Monfieur de Beaulne*'.

2 . l'admire que vous n'ayez peu faire geler de l'eau auec du fel & de la glace ; car l'expérience en eft fi aifée, qu'il eft prefque impoflible de la mal faire ; & ie l'ay faite plus de 100 fois. Il eft vray qu'il faut afifez 20 bonne quantité de neige ou de glace pilée ; mais la neige y eft meilleure, à caufe qu'elle fe mefle mieux auec le fel, qui,doibt eftre aufly en afl*ez bonne quan- tité, enuiron le tiers ou le quart de la neige ; & il faut

2 : quatre — huit. — dix. — aj. — ap. & vne] autre encore

4 premier. — 6 lecond. — 7 Mon- aj. — 1 2 Les numéros des alinéas

fleur Laleu. — troifiéme. — 8qua- /, 2, etc. sont omis. — 20 cent,

triéme. — 9 ap. auec vne] autre — ap. faut] vn {lise\ vne) aj.

a. Météores, Disc. III.

b. Lettre CLXI ci-après (C/eri., //, 167).

�� � iii,48o-4«i. CLX. — jo Avril 16^9. ^ji

enfeuelir le vafe où eft l'eau douce dans cette mixtion, &ry laifler iufques à ce qu'elle foit quafi toute fondue. Car à mefure que la neige fe fond, l'eau fe glace, & cela fe peut faire en toute faifon ; mais l'efté il faut 5 que ce foit dans vne caue, afin que la chaleur de l'air ne face point trop toft fondre la neige.

1 ) . Ce qui empefche la lumière de pénétrer iufques au fonds de la mer, ou au trauers d'vn verre fort efpais, n'eft pas l'eau ou le verre en tant que diaphanes; mais

10 ce font des impuretez qui y font méfiées, & qui ne font point diaphanes.

4. Si vous ne mettez pas plus de fel dans de l'eau douce qu'il s'en peut tirer de pareille quantité d'eau de mer, ie m'affeure qu'elle ne deuiendra point plus

1 5 pefante que celle de mer. Mais toute la mer n'eft pas efgalement falée ; car aux emboucheures des riuieres, aux riuages, & vers les pôles, elle l'eft beaucoup moins qu'aillieurs.

^ . Les tangentes de deux lignes courbes de diuerfe

ao efpece ne peuuent auoir les mefmes proprietez fpeci- fiques, telles que font celles que vous marquez de la parabole & de l'ellypfe ; mais il y a des proprietez génériques qui peuuent conuenir à plufieurs, & mefmes à plufieurs de diuers genres. Comme, fi AD eft la tan-

2 5 gente de la courbe ED, & DC per- t>

pendiculaire fur AC, & qu'il faille __„,^--^/^| feulement que A E foit à E C comme ^ ^ c

nombre à nombre, on peut trouuer des courbes d'vne infinité de diuers genres, qui auront cete mefme pro-

2 iufqu'à. — 23 génériques] gnes courbes. — d'vne] d'vn. Géométriques. — 28 des li- — 29 mefme om.

�� � çp

��Correspondance.

��m, 481-481.

��prieté*. Pour celuy de vos Géomètres qui fait le fin fur ce fubiet, il a monftré, touchant les lignes de Monûeur de Beaulne, qu'il eftoit du nombre de ceux qui fçauent le moins ce qui en eft ; car il maintenoit que les pro- prietez des tangentes données ne fufifoient pas pour les déterminer. Et cela mefme, qu'il dit en auoir la de- monftration, mais qu'il ne la dira qu'à bonnes enfei- gnes, eft vn tefmoignage qu'il l'ignore; car c'eft vne chofe fi claire &. fi ayfée pour ceux qui la fçauent, que cela ne mérite rien moins que d'eftre cachée comme vn myftere.

6. Il faut que ie rie de ce que vous m'auez defia enuoyé <j ou 6 fois la façon pour trouuer la tangente de la Roulette *, toufiours différemment, & toufiours auec faute, ce qui ne fçauroit venir de voftre plume. Car vous auez pris la peyne de m'enuoyer copie de plufieurs autres chofes de Géométrie qui eftoyent bien, & vous auez exprelTement pris garde | à cete dernière, où la faute eft, qu'ayant tiré GI perpendiculaire fur

l'axe CD, &EF qui c touche le cercle au

point E, il dit que, fi le cercle eft efgal à la ligne AB, EF doibt eftre prife ef- gale à GI, & que G F fera la tan- gente cherchée, ce qui eft très-faux ; car il faut prendre EFefgale àGE, & lors cete conftrudion ne diffère point de la mienne, & ie croy qu'il penfoit traiter auec des 10 caché mieux. — i3 cinq ou fix.

���10

��i5

��20

��25

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�� � III, 48i. CLX. — }0 Avril 1659. $3J

grues, de vouloir par là perfuader qu'il a trouué cete tangente. le dis, mefme en fupofant qu'il n'y ayt point de faute en fa conflrudion, & qu'il ayt fait EF efgale à GE; car il debuoit monftrer, outre cela, le médium

5 qui l'a conduit à cete conftrudion, ainfy que ie vous ay défia mandé il y a long-temps % & qu'il fuft dif- férent de ceux qui luy ont efté enuoyez, ou pluftoll fe taire; car enfin cela mefme, qu'il vous a donné ^ ou 6 fois fa prétendue conflrudion pour m'en-

10 uoyer, fans que ie l'aye iamais demandée^, me fait iuger qu'il affede de faire croire vne chofe qui n'efl: pas vraye.

7. le croy que vous faites trop d'honneur au fieur Petit de luy contredire; il faut laiÂer abbayer les petitz

1 5 chiens fans prendre la peyne de leur refifter, & ie m'af- feure qu'il eft plus fafché de ce que ie n'ay pas daigné luy refpondre, que fi ie luy auois dit tout le mal que i'euffe peu, bien qu'il m'en ayt donné ample matière. Vous auez fort bien auifé de vouloir enuoyerfon traité

20 contre ma Dioptrique à Monfieur de Beaune pluftoft qu'à moy ; car ie m'afifeure que par ce moyen il ne fera point de befoing que ie le voye, & ie recognois tant de capacité & de franchife en M. de Beaune, que ie fuis preft de foufcrire dés à prefent à tout ce qu'il en

a 5 iuger a.

8. Il eft vrayfemblable que l'arbalefte " du Padre Bene-

3 en] dans. —9 cinq ou fix,— — 14 Petit] N. — 18 ap. donné] Il ap. affedel par là aj. (Inst.). vne aj. — 19 auez] vous elles.

a. Voir plus haut, p. 434, 1. 21.

b. Voir plus haut, p. 32-33, éclaircissement.

c. Probablement un instrument astronomique (de Benedetto Castelli ?j.

�� � 5H

��Correspondance.

��III, 48J-485

��detto\eû auffy excellente que la lunette de Naples" ; car l'vn & l'autre vient d'Italie.

9. Vous verrez dans ma refponfe à Monfieur de Beaune pourquoy ie ne croy plus que les corps pefans augmentent efgalement leur vitefle en defcendant.

10. Sa raifon, pourquoy il faut vne force quadruple pour faire monter vne chorde à l'odaue, eft très-excel- lente, & voicy comme elle s'entend. Que les chordes ABC & E F G foyent en tout efgales, fmon que ABC foit plus tendue que EFG, en forte qu'elle ayt vn fon plus aigu d'vne odaue, & qu'elles foyent efgalement

��10

���efloignées de leur diredion, c'eft à dire que B D & F H foyent efgales, il eft certain qu'il ne faut ny plus ny moins de force & de temps, en contant l'vn auec l'autre, pour faire que ABC reuienne iufques à D, que pour faire que EFG reuienne iufques à H ; c'eft à dire que, fi ABC a plus de force, il luy faudra moins de temps à proportion ; car toutes les autres chofes eftant efgales, cete inégalité de la force ne peut eftre recompenfée que par celle du temps. Il eft certain aufly que, puifque ABC fait l'oftaue au deflus de EFG, elle n'employé que la moitié d'autant de temps à paf- fer de B à D, que E F G à pafl'er de F à H ; fi bien qu'il

I lunette] Lancette. — 2 l'vne & l'autre viennent. — 14 forces, a. Cf. p. 445, 1. 8, et p. 457, 1. i5.

��iS

��20

�� � 111,483-484- CLX. — 30 Avril 1639. 535

ne refte plus qu'à fçauoir finon combien la force qui la meut doibt élire plus grande que celle qui meut l'autre, afin que cete force & ce temps contez enfemble facent en toutes deux la mefme fomme. Or pour ce que I1 5 force agit toufiours efgalement (au moins à peu prés, & on ne confidere point icy ce qui s'en faut), & que l'impreflion, qu'elle fait à chafque moment, demeure iufques à la fin du mouuement, on peut reprefenter le temps par vne ligne comme KL ou KN, & la force par

10 vne autre comme N O | ou L M ou N P; en forte que l'vn & l'autre enfemble foit reprefenté par le triangle K N O ouKLMouKNP;à fçauoir, puifque ABC n'employa que la moitié d'autant de temps à aller de B à D, que fait EFG à aller de F à H, il reprefenté le temps de

i5 ABC par KL prife à difcretion, & celuy de EFG par KN, qu'il fait double de KL; puis il reprefenté la force de E F G par NO, prife derechef à difcretion, & celle de ABC par NP en vn

20 temps efgal, & par LM en vn temps de la moitié moindre, & cete L M doibt eflre telle (fuy- uant ce qui a efté pofé) que le triangle KLM foit efgal au triangle K N O ; mais à cet efieâ: elle doibt

25 eftre double de NO, & en fuite NP doibt eflre qua- druple de NO; donc la force qui meut ABC doibt auffy eftre quadruple de celle qui meut EFG; car lors qu'elles font confiderées en elles-mefmes, & fans auoir efgard à aucun temps, elles ont mefme raport l'vne

I après fçauoir] finon supprimé dans l' Errata. — 24 elle] L M.

��� � îjô Correspondance. 111,484.485.

à l'autre, que lors qu'elles font confiderées au regard d'vn temps efgal.

le ne fçache point auoir receu cy-deuant aucune lettre de Monfieur de Beffy à laquelle ie n'aye fait ref- ponfe; & pour ce qu'il mande en celle qu'il vous a 5 efcrite, ie n'ay autre chofe à dire, finon qu'il eil vray que ie me fuis mefpris faute d'attention. Car, ayant trouué d'abord tout ce qui me fembloit contenir de la dificulté en la queftion*, qui efloit de donner autant dellypfes rationeles qu'on voudroit, qui euffent vne 10 mefme ligne pour plus grand diamètre^, & ayant d'au- tres penfées en l'efprit, ie ne me fuis pas arreflé à conûderer toutes les exceptions qu'il falloit faire, afin que cete ligne ne feruift point à plus grand nombre d'ellypfes qu'à celuy qui feroit demandé; & penfant i5 prendre vn biais qui m'en exempteroit, ie me fuis trompé. 'Voicy mon procédé. Prenant a pour le nom- bre qui exprime la ligne 1 K , & ^ pour | celuy qui exprime la ligne IC, i'ay trouué que DC debuoit eflre neceffairement ^*, & F L eftre 2b V'J^. En fuite de ao quoy il m'a elle ayfé de voir quels nombres ie debuois prendre pour a & pour i>, afin que 2 b V^ — i fuft vn nombre rationel, & que DC puft eftre expliqué en au- tant de diuerfes façons par ^qu'on auroit demandé d'ellypfes. Mais pour ce que ie voyois que, prenant vn 25 nombre quarré, ou double d'vn quarré, pour DC ou ^3 ^^ — I pouuoit eftre vne fradion, & que neant- moins F L ou 2e V^-^ — i feroit vn nombre entier, i'ay

5 pour] quant à. — en] dans. — 9 en] dans, a. Voir plus haut, lettre CLIII, p. 472-474.

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��111,485-486. CLX. — jo Avril 16^9. 537

penfé que, multipliant DC par j, ou par quelqu autre tel nombre qui empefchaft qu'il ne fuft quarré ou double de quarré, i'excluerois toutes les ellypfes qui peuuent naiftre de ces fradions ; & c'eft en quoy i'ay 5 failly ; car comme Monûeur de Beiïy remarque fort bien, cete multiplication efl fuperfluë, à caufe que toutes les autres lignes font auffy multipliées par j . Mais c'eft vne faute fi groffiere, que ie m'affeure qu'il ne la prendra que pour vne beueùe, qui monftre que i'ay eu l'efprit diuerty aillieurs.

Et afin qu'il ayt d'autant plus de raifon de m'excufer, ie vous diray qu'il me femble n'auoir pas pris garde à tout non plus que moy : car 1° : il dit que, fi DC

i5 eft vn quarré impair, il ne pourra feruir à aulcune el- lypfe dont les lignes requi- fes s'expriment par nom- bres entiers. 2° : & qu'il n'y

20 a aucun nombre qui puifle

feruir de grand diamètre à vne ellypfe qui ayt les lignes telles qu'on demande, qui ne férue aufi[y à 2 telles ellypfes, l'vne defquelles aura fon petit diamètre plus grand que la diftance des points bruflans, | & l'autre

25 l'aura plus petit. j° : & que c'eft pour cela qu'il a de- mandé que l'ellypfe euft vne de ces conditions. 4° : & que ie n'ay point deu pour cela exclurre le nombre de 5. Or i" : fi, par exemple, DC eft 2^, IK fera 2, IC 5,

���7 ap. aufly] par ce moyen aj. (Inst.). — 14: i°] premièrement. — 18-19 par des nombres. —

CORaESPONOANCE. II.

��19 Secondement. — 22 k deux. — 25 Troifiémement. — 26 Qua- trièmement. — 28 premièrement.

68

�� � 5^8 Correspondance. 111,486.

& FL 20. Item, fi DC ell 289, IK fera 1, IC 17, & FL 1 36, & ainfy des autres où il ne fe trouue que des n'om- bres entiers. 2° : & ny 2 ^, ny 289 ne feruent que chaf- cun à vne ellypfe ; mais 2 5 à vne qui a fon plus petit diamètre plus grand que la diftence de fes points bruf- lans, & 289 à vne qui l'a moindre. 5° : fi bien qu'il n'eftoit pas befoing pour ce fubiet d'exclurre l'vne de ces conditions. 4° : & moy i'ay deu exclurre le nom- bre ^ pour refoudre la queftion aux termes qu'elle eftoit propofée. Et il me femble que la meilleure folu- tion eft de faire que DC foit vn nombre quarré im- pair, dont la racine ou fes parties fe puiffe diuifer en deux quarrez, autant de fois qu'on demande d'ellypfes. Ainfy, DC eftant le quarré de 629, il feruira à 4 el- lypfes, & non plus, à caufe que 629 ne fe diuife qu'en 4 & 62 5 ; item en 100 & ^29 ; item ^7 fe diuife en vn & 36; et 17 fe diuife en i & 16 : qui font quatre ellypfes, & non plus. Et il eft aifé à déterminer la plus grande

& la moindre proportion entre lefquelles doibt eftre celle de ces quarrez, afin que E I foit plus grande que FL & que neantmoins l'aire de l'ellypfe foit plus grande que celle du cercle qui aura El pour diamètre. Mais ie ne voy pas qu'il foit aifé de donner reigle pour trouuer vn nombre qui fe diuife ainfy, luy ou fes parties, en

���10

��i5

��20

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��3 Secondement. — 4 vn el- lypfe. — ap. 25] fert aj. — 6 ap. 289] fert aj. — Troifiémement.

��— 8 Quatrièmement. — 14 à quatre. — 16 en i. — 27 donner vne règle.

�� � m. 486-487. CLX. — jo Avril 1659. 5)9

autant de quarrez qu'on voudra , & non plus , fi ce n'eft qu'après en auoir trouué autant qu'il faut, on en ofte ceux qui s'y trouueront de plus ] en taftonnant. Il m'enfeignera, s'il luy plaift, fi ie me trompe ; et

5 cependant ie demeure fon tres-humble feruiteur.

le reuiens aux liures que vous m'auez enuoyez, def- quelz ie vous remercie, & vous prie de remercier de ma part ceux qui vous les ont donnez pour moy. len'ay encore eu aucun temps pour les lire, ce qui eft caufe

10 que ie ne vous en puis dire autre chofe à cete fois, fmon que ie fuis,

Mon Reuerend Père,

Voftre très humble & très affedionné feruiteur,

, 5 DESCARTES.

Du 30 Auril 1639.

Page 53o, 1. 5. — Le quatrième volume de l'ouvrage intitulé : Longi- tudinum terrestrium necnon cœlestium nova et hactenus optata scientia, pars VIII et IX (Parisiis, apud lôannem Libert, lôSg; dédicace du I" janv., achevé d'imprimer le 3 janv.). Cf. tome I, p. 3i3.

Page 53o, 1. 5. — On ne connaît de livre de Hardy que son édition Euclidis Data, qui est de i625. Descartes a pu vouloir parler d'un livre envoyé par Hardy, mais publié par un autre; il a pu aussi commettre une inadvertance, comme lorsqu'il a écrit Bal:[ac pour Roberval (plus haut, p. 90, 1. 2). Dans ce cas, on peut croire qu'il s'agit du Traité des Sections Coniques de Desargues, que Descartes dut recevoir vers cette époque par l'intermédiaire de Mersenne (voir ci-après, lettre CLXVII, prolégomène). Mais, en 1639, un autre Traité des Coniques fut publié par Mydorge et dut également être envoyé à Descartes ;

Claudii Mydorgii Patricii Parisini Prodromi Catoptricorum et Diop- tricorum sive Conicorum operis ad abdita radii reflexi et refracti mysteria

!0 dire autre chofe] rien dire. — 11 finon que om. — 14 affec- tionné] obeïffant.

�� � 540 Correspondance.

praevii et facem praeferentis Libri quatuor priores. D. A. L. G. — Parisiis, Ex typographia I. Dedin, via Nucum, sub insigni parvi Scuti. M.DC. XXXIX. Cum Privilégie Régis.

C'était un ouvrage dont les deux premiers livres avaient paru en i63i, et qui ne fut pas terminé.

Page"53o, 1. 6. — Ce ne sont pas encore les thèses que soutiendra Po- tier, le 3o juin et le i" juillet 164c (Baillet, II, 73), et dont il sera question dans les lettres de Descartes (22 et 29 juillet, 3o août 1640, etc.). mais d'autres thèses qu'il avait demandées le 9 février 1639 (p. 499, 1. 22\

Page 53o, 1. 6. — La Perspective curieuse, ou Magie artificielle des effets merveilleux de V Optique par la vision directe, la Catoptrique par la reflexion des miroirs plats, cylindriques et coniques, la Dioptriqiie par la reflexion des Crj-staux, etc , par le Père F.-Iean-François Niceron, Parisien, de Tordre des Minimes (Paris, Pierre Billaine, i638; permission du provincial, i 5 avril 1 638 ; dédicace au nonce Bologneti, 28 juillet 1 638).

Page 53o, 1. 7. — Propositions mathématiques de Monsieur de Laleu, demonstrées par I. Puios (Paris, Louis Sevestre, i638, in-f"). Soit 24 pro- positions, p. 1-64 inclus, suivies de deux lettres du 27 sept. i632 et du i«" mars 1634, signées Paul Yvon sieur de Laleu.

Page 532, 1. i. — Soit jc = E C, _>' = CD,-~- = -^, c une constante arbitraire, l'équation générale des courbes satisfaisant à la condition pro- posée est : x" = 0^" + ". C'est celle des paraboles de degré quelconque. que Fermât fut le premier à considérer. Il connaissait la propriété en ques- tion, ainsi que Roberval, au moins dès i636 [Œuvres de Fermât, t. II. 1894, p. 81, § 4 et 5).

Descartes dit que ce sont des courbes de divers genres, d'après la défi- nition qu'il donne en sa Géométrie, où il entend, par courbes de genre n, celles que nous disons être des degrés 2/1 et 2n — 1.

Le « Géomètre » dont il est fait mention dans ce passage parait être Roberval.

Page 532, 1. 14. — Voir, au sujet des contestations de Descartes relatives à l'invention de la tangente à la cycloïde par Roberval, Véclaircissement pages 338-341 sur p. 3 12, 1. 7. — Le présent passage est le seul grave, parce qu'il est le seul précis, qui puisse être invoqué à l'appui de la thèse que Roberval n'aurait inventé la méthode des tangentes que vers 1640. Il est certain, en effet, que, d'après cette méthode, la tangente G F au point G de la cycloïde doit être la résultante de deux droites d'égale longueur, portées parallèlement, l'une à la base suivant GI, l'autre à la tangente au cercle, au point où la circonférence en est rencontrée par G I. On doit donc avoir E F = G E (non pas E F = GI;. La construction de Roberval, exposée dans les anciens Mémoires de l'Académie des Sciences, t. VI, p. 58-63, est étendue aux cycloides allongées et raccourcies; à cet eriét, il construit les composantes dans le rapport de la base et de la circonférence du cercle générateur.

�� � 11. .66. CLXI. — 30 Avril 1639. 541

Mais précisément, si Roberval connaissait les solutions de Fermât et de Descartes, la bévue est improbable de sa part et ne peut être mise que sur le compte'de Mersenne. Descartes se garde, d'ailleurs, d'insister et il con- cède que la construction de Roberval peut être exacte. Si, d'un autre côté, il réclame le médium, en cela il avait incontestablement raison; car le ton de Roberval a été surtout, à cette époque, de ne pas vouloir faire connaître sa méthode, probablement parce que, ne se sentant pas capable de l'ex- poser avec lucidité, il craignait de donner une nouvelle prise à Descartes.

Page 536, 1. 9. - Voir, sur la question des ellipses de Frenicle, les éclaircissements, pages 477-479. sur p. 472, l- 10, et page Sog, sur p. 5o6, 1. i5. Cf. plus loin, p. 56i. — Cette fois Descartes reconnaît 1 insuffisance de ses solutions précédentes, en particulier de celle de la lettre CLV.

Sur le premier des quatre points qu'il énonce comme ayant donné lieu à des critiques de Frenicle, on peut remarquer qu'il est tout à fait impro- bable que ce dernier ait commis l'erreur que lui impute Descartes; il doit y avoir eu un malentendu. Ce point commande les suivants.

En fin de compte. Descartes maintient la position du problème tel qu'il l'a envisagé dans la lettre CLV, c'est-à-dire qu'il suppose l'axe CD repré- senté par un nombre impair. S'il reconnaît que 629' = 1 7' X 3;», peut ser- vir d'hypoténuse à quatre triangles rectangles, il ne cherche plus à énoncer une règle pour déterminer le nombre des décompositions de cette sorte, ce qui était précisément la partie intéressante du problème de Frenicle.

��CLXI. Descartes a [M' de Beaune].

[3o avril 1639.] Texte de Clerselier, tome H, lettre iS, p. 166-168.

Sans nom ni date dans Clerselier; mais c'est la « réporisc à Mon- sieur de Beaune », envoyée en même temps que la lettre précédente, où Descartes en parle à deux reprises {p. 53o, 1. 1 5- 16, et p. 534, l. 3-4).

Monfieur, le croy le temps que i'ay mis à confiderer vos lignes courbes très -bien employé % non feulement à caufe

a. Voir ci-avant lettre CLVI, p. 5i3, 1. 26, à p. 5 18, 1. 6.

�� � (^2 Correspondance. ii, 166-167.

que i'y ay beaucoup appris, mais particulièrement auffi à caufe que vous témoignez en auoir quelque fa- tisfadion. le vous remercie de voftre exade mefure des Refradions ^; la précédente en eftoit fi peu éloi- gnée, qu'il n'y a perfonne que vous qui euft pu y trou- 5 uer à redire. Pour l'écrit du fleur N. ^ que vous auez vu, i'en ay fait tant d'ellime, qu'il fe peut vanter d'eftre le feul de tous ceux qui m'ont enuoyé quelque chofe, auquel ie n'ay point fait de réponfe. Car, en eflfet, ie croirois auoir mauuaife grâce de m'arrefter à 10 pourfuiure vn petit chien, qui ne fait qu'abbayer con- tre moy, & n'a pas la force de mordre. le craindrois que voftre indifpofition ne vous détournaft du trauail des Lunettes, fi elle eftoit autre que la goûte; mais ce mal me femble ne pouuoir eftre mieux furmonté que 1 5 par exercice.

le voudrois eftre capable de répondre à ce que vous defirez touchant vos Mechaniques ; mais encore que toute ma Phyfique ne foit autre chofe que Mechani- que, toutesfois ie n'ay iamais examiné particulière- 20 ment les queftions qui dépendent des mefures de la vitefte. Voftre façon de diftinguer diuerfes dimenfions dans les mouuemens, & de les reprefenter par des li- gnes, eft fans doute la meilleure qui puifte eftre; et on peut attribuer autant de diuerfes dimenfions à chaque 25 chofe, qu'on y trouue de diuerfes quantitez à mefu- rer. Voftre diftindion des trois lignes de diredion, qui font parallèles, ou qui tendent à vn centre ou à plu|fieurs, eft fort méthodique &vtile. L'Inuention de

a. Voir page 5 12, 1. 14.

b. « Petit» [Inst.]. Voir, en effet, lettre CLX. p. 533. 1. 11-25.

�� � II. i67. CLXI. — 30 Avril 1639. 54J

vos Lignes Courbes eft très belle; et la raifon que vous donnez pour la tenfion quadruple d'vne corde qui fait l'odaue, eft très -ingénieuse & tres-vraye. Il ne me refte plus à vous dire que ce qui me donne de la 5 difficulté touchant la Vitefle, & enfemble ce que ie iuge de la nature de la Pefanteur, <&> de ce que vous nommez Inertie Naturelle".

Premièrement, ie tiens qu'il y a vne certaine Quan- tité de Mouuement en toute la Matière créée, qui n'aug-

10 mente, ny ne diminue iamais; et ainfi, que, lors qu'vn corps en fait mouuoir vn autre, il perd autant de fon mouuement qu'il luy en donne : comme, lors qu'vne pierre tombe dVn lieu haut contre terre, fi elle ne retourne point, & qu elle s'arrefte, ie conçoy que cela

i5 vient de ce qu'elle ébranle cette terre, & ainfi luy transfère fon mouuement ; mais fi ce qu'elle meut de terre' contient mille fois plus de matière qu'elle, en luy transférant tout fon mouuement, elle ne luy donne que la milliefme partie de fa viteffe. Et pour ce que, fi

20 deux cors inégaux reçoiuent autant de mouuement l'vn que l'autre, cette pareille quantité de mouue- ment ne donne pas tant de vitefle au plus grand qu'au plus petit, on peut dire, en ce fens, que plus vn cors contient de matière, plus il a d'Inertie Naturelle; à

25 quoy on peut adjoufter qu'vn cors, qui eft grand, peut mieux transférer fon mouuement aux autres cors, qu'vn petit, & qu'il peut moins eftre mû par eux. De façon qu'il y a vne forte d Inertie, qui dépend de la

a. Si l'on n'ajoute pas « & » au commencement de cette incise, ainsi que nous l'avons fait, il faut la considérer comme un titre inscrit par Descartes en marge de l'alinéa suivant, et introduit à tort dans le texte {Ed.).

�� � 544 Correspondance, ii. 167-168.

quantité de la matière, & vne autre qui dépend de Teftenduë de fes fuperficies.

Pour la Pefanteur, ie n'imagine autre chofe, finon que toute la Matière fubtile qui eft depuis icy iufques à la Lune, tournant très promptement autour de la 5 Terre, chafle vers elle tous les cors qui ne fe peuuent mouuoirfi vifle. Or elle les chafle auec plus de force, lors qu'ils n'ont point encore commencé à defcendre, que lors qu'ils defcendent defia; car enfin, s'il arriue qu'ils defcendent aufli vifte qu'elle fe meut, elle ne les 10 pouffera plus du tout, & s'ils defcendent | plus vifte, elle leur refiftera. D'où vous pouuez voir qu'il y a beau- coup de chofes à confiderer, auant qu'on puilfe rien déterminer touchant la Vitelfe, & c'eft ce qui m'en a toujours détourné ; mais on peut aufli rendre raifon de 1 5 beaucoup de chofes p^r le moyen de ces Principes, aufquelles on n'a pu cy-deuant atteindre. Au refte, ie ne vous écrirois pas fi librement de ces chofes, que ie n'ay point voulu dire ailleurs, à caufe que la preuue en dépend de mon Monde, fi ie n'efperois que vous les 20 interpréterez fauorablement, & fi ie ne defirois paflion- nément vous témoigner que ie fuis.

CLXII.

Descartes a Pollot.

Santpoort, 6 mai iGSg. Copie MS., Genève, collection Budé, Lettr. de Pollot à Desc, n° 2.

Publiée par E. de Budé, dans ses Lettres inédites de Descartes, p. 5 et 6 (Paris, Durand et Pedone-Lauriel, brochure in-8, 1868).

�� � CLXII. — 6 Mai 16^9. ^4^

Monfieur,

le n'ay receu la lettre que vous m auez fait l'hon- neur de m'écrire que le 4 de ce mois, bien qu'elle foit dattée du i ^ du précèdent ; ce que ie marque, afin que

5 vous fçachiez que ie n'ay point différé a y répondre a deffein de vous ôter l'occafion de me faire la faueur de venir icy, fuiuant l'offre que vous en faites. Il eft vray que i'aurois trez mauuaife grâce de vous conuier a prendre de la peine pour vous rendre en vn lieu, ou

10 vous ne fçauriez être fi bien receu que vous méritez ; & les règles de la bienfeance me le deffendent, mais ne peuuent m'empécher de vous témoigner que, fi néanmoins il vous plaît de le faire, i'en feray trez aife & vous en auray obligation. Ce que ie vous eufife

i5 écrit dez hier, finon que i'ay voulu prendre ce iour, pour voir le liure qu'il vous a pieu m'enuoyer.

le m'affeure que vous attendez que ie vous en mande mon opinion; mais ie m'en difpenferay, s'il vous plaift, iufques a ce que i'aye l'honneur de vous

20 voir. Car ie n'en fçaurois rien dire de vray, qui ne foit

trop au defauantage de l'autheur ; & fi c'eft vn homme

que vous aimiez, ie ferois très marry de luy déplaire.

I'ay fort plaint la mort de M"^ Renery. l'allay pour le

voir, fi toft que i'eu apris que fon mal auoit pafiTé les

25 bornes d'vne fimple fleure ; mais i'en auois efté auerti fi tard, que ie ne le trouuay plus en eftat de receuoir aucune affiflance de fes amis% & mon voyage fut en tout fi peu heureux, que mefme ie ne vous trouuay

a. Voilà qui ne concorde guère avec le récit de la mort presque subite de Reneri, le jour même de ses noces. Voir plus haut, p. 529, i" alinéa. Correspondance. II. 69

�� � 54^ Correspondance.

point a Vtrecht, ou ie penfois que vous fiffiés voftre demeure.

le croirois vous faire vn mauuais compliment, û ie plaignois icy l'incomodité que vous eûtes l'année paf- fée ; car tout Philofophe que ie fuis, i'aimerois mieux 5 auoir efté pris auec vous, fi ie m'eftois trouué en mefme occafion, que de m'eftre retiré auec les autres". Mais ie me reioùis de ce que vous eftes en bonne dif- polition, & fuis

Voftre, &c. ^ 10

De Santporte^, a vne lieue de Harlem vers Alkmaer, le6""'may 1639,

CLXIII. HuYGENs A Descartes.

La Haye, i5 mai iGSg.

Copie MS., Amsterdam, Académie des Sciences. Lettres françaises de Constantin Huygens, tome I, page gjS.

Monfieur, le ne mafche pas fi lentement que peut-eftre vous croyez, les bons morceaux qui partent de voftre main. 1 5

a. Cf. Dagboek de Constantin Huygens, 26 août i638 : « Sex tormenta » aenea inter Principiset Comitis Henrici castra amittimus. Princeps Por- » tugallix, cornes Fredericus Nassavius et alii capiuntur. » L'armée hol- landaise campait alors près de Gueldre (du 21 août au 5 sept.), et Alphonse de Pollot, qui y commandait sans doute une compagnie, aurait été fait prisonnier dans cette échauffourée.

b. Descartes [aj. Budé).

c. « Hantporte » (Budé), selon la copie MS. Mais l'/f est une mauvaise lecture pour 5. Actuellement, on écrit aussi Zandpoort.

�� � CLXIII. — 15 Mai 16^9. 547

Il y a longtemps que i'ay auallé ceux dont vous me redemandez les plats, que ie vous renuoye. Monf"^ le RefidenFd'Ang"^ ^ a voulu eflre du feftin, cum taa'tus pafci non poffem cornus^ ; & c'eft la caufe pourquoy ie 5 fay fi tard ce que i'euffe eu meilleure grâce de faire fansvoftre fommation. Mais comme i'ay bien accouf- tumé de forfaire en voftre endroit, ie fçay que vous eftes en habitude de me pardonner, & m'y repofe, pour tout compliment.

10 Vous me chatouillez, au refte, de la mention que vous faides, de vouloir arranger vos obiedions & fo- lutions pour les donner au public ; obligez-moy, fans le publiq, de ne branfler point de cefte délibération. Et fi c'efl; l'acheminement a de plus fortes refolutions,

i5 ie dis a mettre le Monde au monde, fçachez que tout le monde lettré en receura des fatisfadions indicibles, & vous rixœ multo minus^, au contraire de ce qu'il fem- ble que vous en imaginez. Il eft vray qu'autrefois ie me fuis auancé a vous en prefTer, & que peut-efl:re

20 mes lettres vous en auront efl;é moins bien venues; mais fi vous fçauiez de combien d'endroits on me pouffe a rebatre toufiours ceft enclume, vous en ag- greeriez l'importunité encore pour cefte fois, qui fera la dernière, fi vous me le commandez aueq ce que vous

25 auez d'authorité fur moy, qui fuis autant & plus que perfonne,

Monfieur. . . A la Haye, le 1 5= de may 1639, au cœur des faf-

a. William Boswell. Cf. lettre CXXIII, éclaircissement, p. i5? ci-avant.

b. Horace, Epist., I, xvii, 5o-5i.

�� � ^48 Correspondance.

cheufes occupations que me donne la fortie de nos troupes en campagne*.

CLXIV.

Regius a Descartes.

Utrecht, 17 mai 1639. [A. Baillct], La Vie de Monsieur Des-Cartes, tome II, pages ii (A) et 23 (B).

Ce texte résumé de Baillet fait suite immédiatement à celui de la lettre CLIX, p. 539 ci-avant.

A « ... Il parut même qu'il (M. Descartes) ?i'e7t reçût la nouvelle (de la mort de Reneri) que plujieurs jours apre's^, lorfque M. Regius, s'étant douté que fa lettre d'avis (du 19 mars) avoit été perdue, luy récrivit le xvii de May i63g (en marge : Lettr. 3 MS. de Regius à Descartes). // luy manda de nouveau une partie de ce qui le regar- dait dans l'oraifon de M. Emilius. Il luy demanda en même tems la permijjion de l'aller voir à Egmond aux Fêtes de la Pentecôte (12 juin 1639) pour l'informer de ce qui s'étoit pajfé, & pour fe faire injîruire de diverfes chofes dhnt il avoit befoin. Enfin il le conjura de vouloir luy donner auprès de luy la place de feu M. Reneri,

ajoutant que, s'il la luy accordait, il s'eflimeroit auffi heureux que s'il étoit élevé jufqu'au troifiéme Ciel. . . »

R « Après s'être a^ûré des bontt'i de M. Defcartes, il continua le dejfein qu'il avoit entrepris de renfermer dans des propof lions courtes tout ce qu'il croyoit fçavoir touchant la Phyjîologie. Il étoit prefquefur la fin de cet ouvrage, lors qu'il en écrivit à M. Defcartes (en marge : le 17 May 1639',, pour luy communiquer les difficulté'^ qu'il y trouvait : ayant pris un chemin qui luy paroifj'oit nouveau, et

a. Dagboek de Const. Huygens : « 6 Maij iG3r). Hagam redimus. — » l'j Maij. Cum Principe Hagd discedo. « 

b. Le contraire ressort de la lettre CLXII, de Descartes à PoUot. p. 545, 1. 3?-27 ci-avant.

�� � CLXV. — 28 Mai 16^9. 549

<}ut pouvait être dangereux à un homme qui n'était pas encore asse\ expérimenté dans les voyes de la Nature. Il le pria par avance (en marge : Lettr. 3 de Reg. à Defc.) de prendre la peine de le revoir quand il l'aurait achevé, et d'ufer de fon droit, en y réformant tout ce qu'il jugerait avoir befoin de réforme. »

Tout récemment, le 22 avril lôSg, Regius, qui_ n'était jusque-là que Professeur de Médecine et de Botanique, avait été, en outre, chargé de l'enseignement de la Physique. Voici, à ce sujet, deux textes cités par A.-C. Duker, p. 72, Strijd tusschen Voetius en Descartes {Leyde, 1861) : « D. Regius a D. Voetio aliisque nonnullis Professoribus efflagitavit, ut se » ad Professionem Physicam vel totam, vel saltem pancm ejus spccialem » (quae maxime affinis esset Medicinae) commendarent. » [Not. van den » Senaat der Utr. Akad., t. I, p. 45). — Et Not. der Utr. Vroedschap, 22 avril 1639 : n By de Heere eerste Burgermr. verhaelt synde, dat by de » Professoren alhier beraemt was dat D. de Roy, Medicinae et Botanices » Professor, met ter tijdt oock lessen ende demonstratien doen soude in » Horto Academico op Sonnenburch geapproprieert, daervoor haer E. de » magistraet dienstelick bedancken. >

��CLXV. HuYGENs A Descartes.

Fort de Nassau, 28 mai lôSg.

Copie MS., Amsterdam, Académie des Sciences. Lettres françaises de Constantin Huygens, tome I, page gît.

Monfieur,

le vous ay promis par ma dernière* de ne vous im- portuner plus fur le fubied de voftre Monde ; mais, comme ie fuis rarement fans y penfer, vn argument 5 nouueau m'a faid veoir que ie ne vous ay encore entretenu que du penultiefme. Ceft qu'affurement vous mourrez quelque iour; car, comme il a elle

a. Lettre CLXIII, p. 546 ci-avant.

�� � ^^o Correspondance.

répliqué plaifamment par vn HoUandois a vn autre, celle fafcheufe couftume de mourir prendra fin vn iour, maer gy noch ick en fullent niet beleven ^ . Enfin vous mourrez ; & après cefte mort, ce monde verra le Monde. le fouhaitte que ce foit d'icy a longues an- 5 nées ; mais pofons que ce fufl demain : combien d'ob- ieélions penfez-vous que noftre enuie ou noftre igno- rance y faffe faire après demain? quis non infultabit mortuo leoni?^ Et fi vous voulez de la Sainte Efcri- ture, Jî hœc in viridi, quid in Jîcco?'^ Mais pour venir lo a mon argument, qui foudra les doubtes des bons, & les fophifmes des malicieux ? Auez-vous foin d'vne des branches, & abandonnez -vous l'arbre.? Allez- vous protéger vos pièces imprimées par des folutions publiques, & lairrez-vous le chef d'œuure orphelin? i5 Et quant a ce qui nous regarde, mettez-vous peine a nous faire entendre la Lumière & les Météores, & foufirirez-vous que, fans vous, nous aillons taftonnant dans voftre Monde, iufques a nous fouruoyer, & enfin vous imputer trente opinions aufquelles vous n'aurez 20 iamais fongé ? En vn mot, voulez-vous que voftre Monde foit inutile au monde, & preiudiciable a fon au- teur ? Rendez-moi raifon, s'il vous plaift ; du refte, ie ne fais quelle refolution*^ ; car il me femble n'auoir rien dit hors de propos; ou bien, fi vous n'eftes de loifir, 25 laiflez-moy caufer, & vous taifez. Car dés a cefte

a. Mais ni vous ni moi ne vivrons jusque-là.

b. Cf. Ptièdre, Fables, I, ixi,et Martial, Epig. X, 90.

c. Etfafiff. secundum Lucam, XXIII, 3i : « Quia si in viridi ligno haec faciunt, in arido quid fiet ? »

d. Le texte est ambigu et semble incomplet. Faut-il ajouter, par exemple ./eroit apropos «, pour imiter le style de Const. Huygens ?

�� � II, i68. CLXVI. — Juin 1639. 5^1

heure ie fçay que ie ne feray pas exaucé; & fi, vous affeure que, quand ce ne feroit que pour la faueur que vous m'odroyez de vous entretenir de loin ou de prés, quand il m'en prend fantaifie, comme il a faiâ pre- 5 fentement emmy le tintamare de ces armées, ie ne cefferay iamais d'eftre, que ie ne cefle d'eftre,

Monfieur, &c.

Au fort de Naffau, dans l'ifle de Voorn, rendé-vous de l'armée, 28' de May 1639 *.

��CLXVI.

Descartes a [Huygens].

[Juin lôSg.] Texte de Clerselier, tome II, lettre 36, p. 168-169.

« A Monsieur de Beaune. Lettre XXVI. Version », dit Clerselier. Mais : i" cette lettre n'est sans doute pas une version : pourquoi Des- cartes, dont les autres lettres à M. de Beaune sont en français {lettres CLVI et CLXI ci-avant), lui aurait-il écrit cette fois en latin? 2° Il déclare, dans la lettre du ig juin i63g {plus loin, p. 565, art. 7), qu'il n'a rien répondu à M. de Beaune touchant la publica- tion de son Monde, qui est précisément le sujet de la présente lettre; en revanche, elle répond à merveille aux deux lettres de Huygens, du j5 et du 28 mai [p. 546 et 54g ci-avant). Elle est donc vraisem- blablement adressée à Huygens en juin i63g.

\o Monfieur,

Vous auez vn extrême pouuoir fur moy, & i'ay

a. Dagboek de Const. Huygens : « 26 maij i63g. Vornam ad exerci- tum appellimus. »

�� � 5^2 Correspondance. 11,168-169.

grande honte de ne pas faire ce que vous témoignez délirer. Mais il faut, s'il vous plaill, que vous excufiez ma defobeïffance, puifque c'efl l'eftime que ie fais de vous qui la caufe ; et que vous me permettiez de vous dire que, bien que les raifons pour lesquelles vous me 5 mandez que ie dois publier mes réueries foient tres- fortes pour l'intereft de mes réueries mefmes, c'eft à dire pour faire qu elles foient plus aifement receuës & mieux entendues, ie n'examineray point celles que vous apportez, car voftre authorité eft fuffifante pour 10 me les faire croire tres-fortes; mais ie diray feule- ment que, les raifons qui m'ont cy-deuant empefché de faire ce que vous me voulez perfuader, n'eflant point changées*, ie ne fçaurois auffi changer de refo- lution, fans témoigner vne inconftance qui ne doit i5 pas entrer en l'ame d'vn Philofophe. Et cependant ie n'ay pas iuré de ne permettre point que mon Monde voye le iour pendant ma vie ; comme ie n'ay point 1 auffi iuré de faire qu'il le voye après ma mort; mais que i'ay deflein, tant en cela qu'en toute autre chofe, de me 2< régler félon les occurrences, & de fuiure, autant que ie pourray, les confeils les plus feurs & les plus tran- quilles. Et pour la mort, dont vous m'auertiffez, quoy que ie fçache afTez qu'elle peut à chaque moment me furprendre, ie me fens toutesfois encore, grâces à Dieu, les dents fi bonnes & û fortes, que ie ne penfe pas la de- uoir craindre de plus de trente ans, fi ce n'eft qu'elle me furprenne. Et ccunme on laifle les fruits fur les arbres

Lettres XLIX et LU, tome I, p. 270 et 280. . Nous voilà loin des cetit ans annoncés (lettre Cil, t. I, p. Soj, l 7-8).

�� � y

��a, 169 CLXVII. — 19 Juin 1639. 55)

auffi long-temps qu'ils y peuuent deuenir meilleurs, nonobflant qu'on fçache bien que les vents & la grefle, &plufieurs autres hazards, les peuuent perdre à cha- que moment qu'ils y demeurent, ainfi ie croy que 5 mon Monde eft de ces fruits qu'on doit laifler meurir fur l'arbre, & qui ne peuuent trop tard eftre cueillis. Apres tout, ie m'affeure que c'eft plutoft pour me gratifier, que vous m'inuitez à le publier, que pour aucune autre occafion : car vous iugez bien que ie

10 n'aurois pas pris la peine de l'écrire, fi ce n'eftoit à deffein de le faire voir, & que par confequent ie n'y manqueray pas, fi iamais i'y trouue mon compte, & que ie le puifle faire fans mettre au hazard la tran- quillité dont ie iouïs. C'eft pourquoy, encore que cela

i5 n'arriue pas fi toft, vous ne laifferez pas, s'il vous plaift, de me croire,

CLXVII.

Descartes a [Desargues].

[19 juin i63g.] Texte de Clerselier, tome II, lettre 37, p. 169-171.

Sans nom ni date dans Clerselier. Mais c'est une réponse à l'auteur d'un Projet de Traité des Sections Coniques (/. 4-5), qui ne peut être que celui de Desargues. Quant à la date. Descartes avait demandé ce projet à Mersenne dans sa lettre du g fév. i63g (p. 499, l- 10) et l'avait sans doute reçu avec les autres ouvrages dont il parle dans sa lettre du Sa avril lâSg {ci-avant p. 53o, l. 4-7)' Et comme la pré- sente lettre se trouve imprimée entre cette XXV' du tome II de Cler- selier, du Sa avril, et les XXVIII' et XXIX', du 19 juin, sans qu'il y en ait d'autres à Mersenne dans l'intervalle, elle a sans doute été

COKRBSroNDAMCK. II. 70

�� � 554 Correspondance. 11,169-170.

envoyée avec celle du ig juin, où Descartes d'ailleurs parle des ouvrages reçus en même temps, de Nicéron {ci-après, p. 564), de Laleu [ib.), et de Morin {p. S6y, l. 2S).

Monfieur,

La franchife que i'ay pu remarquer en voftre hu- meur, & les obligations que ie vous ay, me conuient à écrire icy librement ce que ie puis conjedurer du Traité des Seéîions Coniques^ dont le R. P. M(erfenne) 5 m'a enuoyé le Projet*. Vous pouuez | auoir deux def- feins, qui font fort bons & fort louables, mais qui ne requièrent pas tous deux mefme façon de procéder. L'vn eft d écrire pour les Dodes, & de leur enfeigner quelques nouuelles proprietez de ces Sedions, qui ne 10 leur foient pas encore connues ; & l'autre eft d'écrire pour les Curieux qui ne font pas Dodes, & de faire que cette matière qui n'a pu iufques icy eflre enten- due que de fort peu de perfonnes, & qui eft neant- moins fort vtile pour la Perfpediue, la Peinture, l'Ar- 1 5 chitedure &c., deuienne vulgaire & facile à tous ceux q«i la voudront eftudier dans voftre Liure. Si vous auez le premier, il ne me femble pas qu'il foit necef- faire d'y employer aucuns nouueaux termes : car les Dodes, eftant defia accouftumez à ceux d'Apollonius, 20 ne les changeront pas aifément pour d'autres, quoy que meilleurs, & ainft les voftres ne feruiroient qu'à leur rendre vos Demonftrations plus difficiles, & à les détourner de les lire. Si vous auez le fécond, il eft cer- tain que vos termes qui font François, & dans l'inuen- iS tion defquels on remarque de l'efprit & de la grâce, feront bien mieux receus, par des perfonnes non préoc-

�� � 11,170-171. CLXVII. — 19 Juin 16^9. 5^^

cupées, que ceux des Anciens ; & mefme ils pourront feniir d'attrait à plufieurs, pour leur faire lire vos Ecrits, ainfi qu'ils lifent ceux qui traittent des Armoi- ries, de la Chaffe, de l'Architedure &c., fans vouloir 5 eftre ny Chaffeurs, ny Architedes, feulement pour en fçauoir parler en mots propres. Mais fi vous auez cette intention, il faut vous refoudre à çompofer vn gros Liure, & à y expliquer tout li amplement, û clairement & fi diftindement, que ces Meffieurs, qui n'eftudient

10 qu'en baaillant, & qui ne peuuent fe peiner l'imagina- tion pour entendre vne Propofition de Géométrie, ny tourner les feuillets pour regarder les lettres d'vne figure, ne trouuent rien en voftre difcours, qui leur femble plus mal-aifé à comprendre qu'eft la defcrip-

i5 tion d'vn Palais enchanté dans vn Roman. Et à cet efiet il me femble que, pour rendre vos Demonftra- tions plus triuiales, il ne feroit pas hors de propos d'vfer des termes & du calcul de l'Arithmétique, ainfi que i'ay fait en ma Géométrie : car il y a bien plus de

20 I gens qui fçauent ce que c'eft que Multiplication, qu'il n'y en a qui fçauent ce que c'eft que Compofition de raifons, &c.

Pour voftre façon de confiderer les Lignes Paral- lèles, comme fi elles s'afifembloient à vn but à diftance

25 infinie*, afin de les comprendre fous le mefme genre que celles qui tendent à vn point, elle eft fort bonne, pourueu que vous vous en feruiez, comme ie m'af- fure que vous faites, pour donner à entendre ce qui eft obfcur en l'vne de ces Efpeces, par le moyen de

3o l'autre où il eft plus clair, & non au contraire.

le n'adjoûte rien de ce que vous écriuez du Centre

�� � Ïî6

��Correspondance. ii, 171.

��de grauité d'vne Sphère : car i'ay affez mandé cy-de- uant au R. P. M(erfenne) ce que i'en penfois% & vous mettez vn mot à la fin de vos corredions, qui monllre que vous voyez ce qui en eft. Mais ie vous demande pardon, fi le zèle m'a emporté à vous écrire fi libre- ment toutes mes penfées, & ie vous prie de me croire,

Page 554, 1. 6. — Il s'agit du célèbre opuscule : Brouillon proiect d'vne atteinte aux euenemens des rencontres d'vn cône auec vn plan, par le sieur G(irard) Desargues Lionois, Paris, i638, dont les exemplaires sont introuvables, et qui a été réimprimé par Poudra [Œuvres de De- sargues, Paris, Leiber, i865, t. I, p. 97-230), d'après une copie faite par La Hire en 1679, et conservée à la Bibliothèque de l'Institut.

Au moment où il écrit la lettre ci-dessus, Descartes ne paraît point avoir encore examiné avec grande attention le livret de Desargues au point de vue mathématique; peut-être le fit-il plus tard, puisque, le 1" avril 1640 [Clers., II, lettre XXXVIII, p. 217), il écrira à Mersenne : « I'ay » receu aussi l'Essai touchant les Coniques du fils de M. Pascal, et auant » que d'en auoir lu la moitié, i'ay iugé qu'il auoit apris de Monsieur des » Argues. » En tout cas, cette fois, il ne s'attache guère qu'à la termino- logie du Brouillon proiect. En dehors des mots français, choisis d'une façon très intéressante^ auxquels Desargues donne un sens technique pour exprimer ses concepts singulièrement nouveaux, il avait essayé de substi- tuer à la nomenclature classique, dérivée du grec, des termes empruntés à la langue courante (c'est ainsi qu'il dit cornet pour cône, colonne pour cylindre, etc.). Descartes prévoit l'échec de cette tentative, qu'on traita de jargon, comme Mersenne l'écrivait à Fermât {Œuvres de F., t. II, 1894, p. 186).

Il signale également à Desargues (p. 555, I. i5-22) une autre cause de mauvais accueil pour son travail. La Hire devait dire de même, à propos de la copie qu'il en fit : « Toutes les démonstrations qui sont icy sont si » fort remplies de compositions de raisons et sont prises par des détours si » longs qijie, si on les compare à celles que i'ay données des mesmes » choses, où il n'y a aucune de ces compositions. .., il ne sera pas malaisé » de iuger de l'auantage de ma méthode par dessus celle-cy. » [Œuvres de Desargues, t. I, p. 23i-332.)Le fait est qu'il manque au livret de Desar-

a. Voir plus haut, p. 431 et p. 498, art. 12. — Cf. Œuvres de Desar- gues, t. I, p. 239. Le Brouillon proiect était, en effet, suivi d'une annexe (Atteinte aux euenemens des contrariété:^ entre les actions des puissances ou forces), dont il ne subsiste qu'un fragment, précisément sur le centre de gravité de la sphère.

�� � II. ,74. CLXVIII. — 19 Juin 1639. 557

gués un algorithme approprié, facile à manier, comme, par exemple, celui de l'analyse cartésienne.

Page 555, 1. 25. — {Œuvres de Desargues, t. I, p. 104). « Ordonnance » des lignes droites. — Pour donner à entendre de plusieurs lignes droites » qu'elles sont toutes entr'elles ou bien parallèles, ou bien inclinées à » mesme point, il est icy dit que toutes ces droites sont d'une mesme a ordonnance entr'elles : par où l'on conceura, de ces plusieurs droites, » qu'en l'une aussi bien qu'en l'autre de ces deux espèces de position. » elles tendent toutes à un mesme point. »

On dit d'ordinaire aujourd'hui /awccaM de droites; mais la signification de ce dernier terme ayant été appliquée à un concept beaucoup plus géné- ral, celui de la congruence, l'expression de Desargues pourrait être reprise.

��CLXVIII.

Descartes a Mersenne. 19 juin 1639.

Autographe, Bibliothèque Victor Cousin, N» i5.

Variantes d'après le texte de Clerselier, tome II, lettre XXIX, p. i']4-i']8, et lettre XXVIII, p. 171-173. Clerseliera donc séparé cette lettre en deux, et imprimé la seconde moitié avant la première, sans compter mainte transposition de l'une à l'autre. Toutes ces er- reurs se trouvent déjà signalées et corrigées dans l'exemplaire de l'Institut. Cette lettre était la 24* de la collection La Hire et le n" {18) du classement de dom Poirier.

Mon Reuerend Père, I . Vous commencez l'vne de vos lettres par l'ombre du cors de S' Bernard qui paroift fur vne pierre ; tou- chant quoy ie m affure qu il eft ayfé, en la voyant, d'exa-

2: 1 ainsi que tous les numéros manquent dans Clerselier. — suivants 2, 3, etc., ajoutés par 3 S'] S. Descartes lui-même en marge.

�� � 558 Correspondance. n, 174-175.

miner fi elle eft miraculeufe, ou bien fi ce font feu- lement les venes de la pierre qui reprefentent cete figure ; mais il eft malayfé d'en deuiner les moyens en ne la voyant pas, & ie n'en puis dire autre chofe finon que, fi elle eft miraculeufe & qu'on la regarde 5 auec deflein d'examiner fi les venes de la pierre la peuuent reprefenter fans miracle, il me femble qu'on y doit remarquer quelque circonftance qui fera voir qu'elles ne le peuuent : car pourquoy Dieu feroit-il vn miracle, s'il ne vouloit qu'il fuft connu pour miracle ? 10

2. le ne fçache point que vous m'ayez cy deuant efcrit que la hauteur de l'eau foit en raifon double du tems qu'elle eft a fortir par vn robinet^; mais il me femble qu'on peut le prouuer, en la mefme façon que M' de Beaune a prouué que la tenfion des chordes eft i5 double de leurs fons. Jar, puifque la quantité de l'eau qui coule par le robinet | dépend du tems qu'elle

eft a couler & de la hauteur du tuyau, on la peut repre- fenter par les aires des trian- 20 gles ABC&DGHouDEF, faifant que AB, DG, DE re- prefentent les tems, & BC & EF les forces qui font propor- tionees aux hauteurs des tuyaux, en forte que, fi la 25 hauteur reprefentée par EF eft quadruple de la hauteur

10 fuft] puft eftre. — 14 le dans l'autographe. — 2 2qu'AB. peut. — i5 M] Monfieur. — — 23 le temps. — av. BC] Si. om. Les deux figures sont en marge — -ib après tuyaux] &c. aj.

a. Voir pourtant page 504, art. 5.

b. Lettre CLX, p. 534, art. 10.

��� � 11,175. CLXVIII. — 19 Juin 16^9. ^^9

reprefentée par BC, le tems DG doit eftre la moitié du tems AB ou DE, affin que l'efpace DGH, qui re- prefente l'eau qui coule par le tuyau quadruple, foit égal a l'efpace ABC, &c. 5 En marge, avec renvoi de Descartes : Mais ie doute icy de l'expérience, & i'y trouue bien plus a confi- derer que ces 2 dimenfions; c'eft pourquoy ie vous prie de ne vous point arefter a ce que i'en efcris en me ballant & ayant d'autres penfees en l'efprit.

10 j . le ne fçache point aufly auoir efcrit que ie ne conçoy la matière fubtile que iufques a la lune^, mais peuteftre bien que ie ne conçoy fon mouuement cir- culaire autour de la terre que iufques a la lune ; car au deflus de la lune ie luy en attribue d'autres qui

i5 peuuent eftre imaginez fuiuant l'hypothefe de Tycho Brahe par ceux qui reietent celle de Copernic.

4. Les lunetes que vous propofez auec des miroirs concaues ne peuuent eftre fi bonnes ni fi commodes que celles qu'on fait auec des verres : i pource que

ao l'œil n'y peut eftre mis fort proche du petit verre ou miroir, ainfy qu'il doit eftre ; 2 qu'on ne peut y exclure la lumière collatérale, comme on fait aux autres auec vn tuyau; j qu'elles ne deuroient pas eftre moins longues que les autres pour auoir les mefmes

î5 efiets, & ainfy ne feroient gueres plus faciles a faire ; 4 que s'il fe perd des rayons fur les fuperficies des

b-gTout ce qui est K en marg-e » , 21 : 2] Secondement. — nej

om. — II et i3 iufqu'à. — n'en. — y ont. — 22 on fait

18 concaues om. — 19 que om. — 23 : 3] Troifiémement.

l'on. — 1] Premièrement. — — 26 : 4 que] &c. Et.

a. Cf. Lettre CLXI, p. 544, 1. 4-5.

�� � 560 Correspondance. 11,175.176.

verres, il s'en perd aufly beaucoup fur celles des mi- roirs, &c.

5 . Pour la dureté de la glace, i'ay dit, vers la fin d 3 la page 16 j, que fes parties ne font pas droites comme des ioncs, mais courbées en diuerfes fortes, ce qui 5 peut feruir pour ayder a entendre fa dureté. Et toute- fois, encore qu'on les fuppofe toutes droites, pouruû feulement qu elles fe touchent immédiatement en quelques endroits, cela fuffit pour la rendre dure ; car pour faire le cors le plus dur qui puifTe eftre imaginé, 10 il faut feulement que toutes fes parties s'en|tretouchent

de toutes pars , & ne foient point en adion pour fe mouuoir diuerfement.

6. Les agitations de nos mains & celles du feu, & mille autres, empruntent leur mouuement de la ma- i5 tiere fubtile, qui n'en perd gueres pour cela, d'autant

qu elle eft en grande quantité : tout de mefme que la terre n'en reçoit gueres, quand vne pierre qui tombe luy donne tout le fien, & ainfy ce n'eft pas merueille qu'on n'apperçoiue pas d'où vienent, ny comment fe 20 perdent ces mouuemens.

7. Suiuant la théorie exade de la Dioptrique, les lunetes deuroient a peu près groffir les obiets en mefme proportion qu'elles augmentent le diamètre

de l'œil, comme on peut voir de ce que i'ay efcrit en js la page 79. Mais pource que celles qu'on fait au hafard ne repondent iamais exadement a cete théo- rie, il eft bien plus ayfé a déterminer leur force par expérience, que par raifon.

I celle. — 2 &c. om. — 14 agi- raifon] l'acheuois cette Lettre, tations] avions. — 29 ap. par lors que etc. (c. a. d. l'alinéa ci-

�� � n, 173. '76- CLXVIII. — 19 Juin 1639. 561

I le n ay rien a repondre a la dernière lettre que M" de BeiTy vous a efcrite, finon que ie ne croy point m'eflre mépris en ce que ie vous ay mandé la dernière fois* touchant fa queftion, & que, la façon par laquelle

5 ie vous ay efcrit que ie la refoluois eftant générale, elle ne comprend pas feulement le cas ou le plus grand diamètre eft nombre impair, mais auffy tous les autres, en forte que, telle méthode qu'il puiffe auoir pour ce fuiet, fi elle eft vraye, ie m' afleure qu'elle en

10 peut ayfement eftre déduite. Mais il femble que tout le différent ne procède que de ce que i'ay interprété fa propofition fuiuant fes paroles, & non fuiuant fon intention : car, puifqu'il auoit exclus les Ellipfes dont la diftance des poins brûlans eft moindre que le plus

i5 petit diamètre, i'ay creu qu'il faloit chercher vn nom- bre ou il n'y euft point de telles Ellipfes, au lieu qu'il veut bien qu'il y en ait, mais feulement qu'on ne les conte point. Et quand ie dis que le quarré de 629 fert a 4 Ellipfes, i'entends tant de celles qui ont cete dif-

20 tance plus grande, que des autres, lefquelles ie dis eftre difficiles a exclure, &c.

1 1 . l'en eftois en cet endroit, lorfque i'ay receu voftre dernière du 4 de Juin, auec le deuelopement de mes folutions, qui a efté fait par M"^ de Beaune, & qui fert

après, p. 561,1.22). — I len'ay uiteur, Descartes, aj. {la lettre

rien {Clers., lettre XXVIII, p. XXVIII se termine ici, p. ij3).

1 yS, l. g). — 3 M'] Monfieur. — 22 l'en eftois en cet endroit]

— 6 elle om. — plus om. — 19: l'acheuois cette Lettre {Clers.,

4] quatre. — 21 après exclure, lettre XXIX, p. /ytf, /. 17).

iScc]. le fuis, Monfieur, Voftre — 23 du 4 luin. tres-hun^hle, & tres-acquis fer-

��a. Lettre CLX, p. 536-539. Correspondance. II.

��7"

�� � ^02 Correspondance. h, »?«•

a demonftrer 2 chofes, l'vne, que M"^ de Beaune en fçait plus que ceux qui n'en ont fceu venir a bout, & l'autre, que les règles de ma Géométrie ne font pas inutiles, ni fi obfcures qu'on ne les puifle entendre, ni fi defedueufes qu'elles ne fuffifent a vn homme d'ef- prit pour faire plus que par les autres méthodes ; car il les a entendues fans aucun interprète, & s'en fert a faire ce que vos plus grans Géomètres ignorent.

2. Ce qui vous efl arriué en obferuant l'Eclipfe auec vn verre connexe, fans aucun concaue, n'efl pas

��10

���HH I*

���étrange, & la raifon en efl claire par la page 1 14 de ma Dioptrique, ou le diamètre du foleil efl reprefenté par l'efpace I G K, le verre conuexe par A B C ou D E F, & limage du foleil qui paroifl en la chambre obf-

��I : 2] deux. — i3 par ABC] eft ABC. — 14 l'image] fon image. — du foleil om. — Les deux figures ne se trouvent pas

��dans l'autographe. Clerselier les aura prises sans doute page 114 de la Dioptrique.

�� � n, 176-177. '7'- CLXVIII. — 19 Juin 1639. 565

cure par M H L : car on void là que le raion qui vient du point I vers A ou D, éclaire la partie L de l'image, & celuy qui vient du mefme point I vers C ou F, éclaire la partie M, & ainfy que ce feul point I fuffit pour

5 peindre l'image toute entière. Et ce que ie dis du point I, ce I doit entendre de chacune des parties du foleil, encore que les autres foient eclipfées. Mais ce n eft pas le mefme, quand on fe fert d'vne lunete ; car elle a vn verre concaue qui redreffe les raions

10 & empefchent qu'ils ne fe croifent, au moien de quoy tous ceux qui vienent du point I tendent vers M, & tous ceux qui vienent du point K tendent vers L, &c.

I. le reuiens a vne autre de vos lettres ou vous

i5 mandez m'auoir enuoyé ce carefme 2 lettres de mon frère, l'vne par Cramoifi & l'autre par le Maire, def- quelles ie n'en ay receu qu'vne qui eft venue, ie croy, parle Maire ^

I 2 . le fuis bien ayfe que M' de Beaune ait refufé de

20 faire voir au S"" Roberual ce que ie luy ay enuoyé touchant fes lignes courbes^; car il fera affez a tems

��I par] eft. — 6 ce] fe. — 9 elle a vix] le. — qui] de la Lunette. — lo-i I & empefchent... de quoy] en forte que. — 11-12 après vers M] après qu'ils font fortis de la Lunette, aj. — i3 &c. om. Vient ensuite l'alinéa : le viens à vne autre de vos Lettres (voir ci-après p. 566, l. 12, variante).

��— 14-18 le reuiens... le Maire om. — 19 le fuis etc. Commen- cement de la lettre XXVIII, Clers., t. II, p. 171, avec l'en- tête : Mon Reuerend Père, aj.

— 20 S' Roberual] fieur de Rob. & aux autres. — 21 fes lignes courbes] la Ligne courbe.

��/

��a. Cf. Lettre CLX du 3o avrU 1639, p. 53o, 1. 7-8.

b. Lenre CLVI du 20 février 1639, p. 5i3-5i8.

�� � ^64 Correspondance. n, 171-17».

de leur monftrer, lorfqu'ils auoueront qu ils ne le peu- uent trouuer.

j . le vous prie de laifler caufer le S"^ Petit, & de ne me point enuoyer fon antidioptrique,fans que M"" de Beaune l'aye veue, s'il luy plaift d'en prendre la peine, 5 & qu'il ait iugé qu elle mérite que ie la voye^ En efFed, i'ay vn puiffant defenfeur en M' de Beaune, & dont la vois eft plus croyable que celle de mille de mes aduer- faires : car il ne iuge que de ce qu'il en | tend très bien & eux de ce qu'ils n'entendent point. 10

4. le croy vous auoir efcrit cy deuant, touchant les parties de la matière fubtile, que, bien que ie les imagine rondes ou prefque rondes, ie ne fuppofe aucun vuide autour d'elles, mais que i'ay voulu re- feruer a mon Monde a expliquer ce qui remplit leurs 1 5 angles .

5. le n'ay nullement trouué mauuais que le père Niceron ait imprimé mon nom*^ ; car ie voy qu'il eft fi connu que ie femblerois vouloir faire le fin a contre- tems, fi ie tefmoignois auoir enuie de le cacher. 20

6. Vous m'auez obligé de m'excufer enuers M"" de laLeu'*, car enfin ie ne fçaurois en bonne confcience luy mander aucune chofe de fon liure, qui ne le defo- bligeaft dauantage que mon filence.

I le] la. — 3 S"^ Petit] fieur 19-20 a contre-tems] de mau- P. — 5 aye] ait. — 8 celles. — uaife grâce. — 22 la Leu] La- 9 très] fort. — 17 père] P. — leu.

a. Cf. page 533, 1. i3-25 et page 542, 1. 6.

b. Voir plus haut, p. 483, 1. 10.

c. La Perspective curieuse, p. 101, avant-propos du quatrième livre. Voir tout le passage cité dans V éclaircissement p. 376 ci-avant.

d. Voir lettre CLX, p. 53o, 1. 7, et V éclaircissement, p. 540.

�� � lO

��11, .72. CLXVIII. — 19 Juin 1639. ^6^

7. le n'ay rien repondu à M*^ de Beaune touchant la publication de mon Monde; car ie n'auois rien a re- pondre, finon que, les caufes qui m'en ont empefché n'eftant point changées, ie ne doy pas changer de re- folution^.

8. Mais, a ce propos, ie vous prie de me mander fi les exemplaires que M*^ le Nonce vous auoit promis de faire tenir au cardinal de Baigné &c., ont efté enfin adreffez ; car i'ay fuiet de me douter que la difficulté qu'ils ont eu a eftre portez, vient de ce qu'on a craint qu'ils ne traitaffent du mouuement de la terre, & il y a plus de 2 ans que, le Maire ayant offert d'enenuoyer a vn libraire de Rome, il fit reponfe qu'il en vouloit bien vne doufaine, pouruû qu'il n'y euft rien qui tou-

i5 chaft le mouuement de la terre, & depuis, les ayant receus, il les a renuoyez en ce pais, ou du moins avoulu les renuoyer.

9. Touchant ce que vous m'efcriuez de la pefan-

teur, la pierre C eil pouffee en rond par ....

20 la matière fubtile, & auec cela vers le „ / \

. E ,

centre de la terre; mais le premier eft • Ao i

infenfible, a caufe qu'il efl commun a '\ /

toute la terre & a l'air qui l'enuironne, "i>'*

fi bien qu'il ne refte que le fécond qui fait la pefan-

25 teur. Et cete pierre fe meut plus vite vers la fin de

fa defcente qu'au commencement, bien qu'elle foit

pouffée moins fort par la matière fubtile : car elle

3 af. empefché] cy-deuant aj. deux. — id ou om. — 19 C om. — 10 craint] crainte. — 12 : 2] {la figure manque dans Clers.).

a. Voir lettre CLXI ci-avant, p. 552 1. ii-i5.

b. Page 464, 1. 22 (lettre CLII de décembre i638).

�� � ^66 Correspondance. 11,171-173,177.

retient l'impetuolité de fon mouuement précèdent, & ce que l'aélioii de ce] te matière fubtile y ad- ioufte l'augmente. Au refle, encore que i'aye dit que cete matière fubtile tourne autour de la terre, ie n'ay point befoin pour cela de dire û c'eft d'Orient 5 en Occident, ou au contraire, puifque ce mouue- ment eft tel qu'il ne peut nous eflre fenfible ; ny de conclure qu'elle doit faire tourner la terre auec foy, puifque on n'a point cy deuant conclu, de ce que tous les cieux tournent, que la terre deufl tourner 10 auec eux.

[le n'ay point encore receu le liure de veritate ; mais ie l'ay leu en latin, il y a plus d'vn an, & i'en efcriuis alors ce que i'en iugeois a M"^ Eding, qui me l'auoit enuoyé^ le n'ay point aufly encore vu le liure de i5 M*" Bouillau de motu terrœ^. Pour la lettre que M de Befly m'auoit efcrite il y a trois ou 4 mois*^, il eft vray que ie l'ayreceuë; mais, entre nous,ien'auois plus en-

9 puifqu'on. — 1 1 après auec vne autre de vos Lettres). —

eux] vient l'alinéa : le n'ay rien i3 i'efcriuis. — 14 alors om. —

a repondre etc. {voir p. 56 1, l. i "W Eding] Monfieur Hefdin. —

ci-dessus). — 12 le n'ay point i5-i6 de M] du fieur. — 16-

encore (Çlers., tome II, lettre 17 M^ de Befly] M. de B. — 17 :

XXIX, p. 777, /. 7, avec ces 4] quatre. — 18 ay] auois. mots qui précèdent : le viens à

a. De la Vérité, en tant qu'elle est distincte de la Reuelation, du Vrai- semblable, du Possible et du Faux, par Edouard Herbert, baron de Chcr- bury, etc., troisiesme édition (s. 1., 1639, in-4). — Les deux éditions anté- rieures sont en latin : De veritate prout distinguitur a reuelatione, a veri- simili, a possibili et a /also [Paris, 1624; Londres, i633).

b. Philolai sive Dissertationis de vero systemate mundi libri IV (Ams- terdami, apud Guil. et Johannem Blaeu, lôSg, in-4).

c. Voir page 5o6, 1. i5, page 536, L 4, et page 56i, 1. 2.

�� � II, .77-178. CLXVIII. — 19 Juin 1639. ^67

uie de luy repondre, car fa queilion n efl ny belle ny induftrieufe, & ce m'eft vne pénitence infupportable de m'amufer a telles chofes. Outre que, me l'ayant propofée d'vne façon, il veut que ie Faye entendue 5 d'vne autre, comme fi i'auois deu iuger de fon inten- fion autrement que par fes paroles; & il fe trompe de dire qu'on ne la peut refoudre au fens que ie l'ay prife, & bien qu'il foit très vray qu'il s'efloit mépris en ce que i'ay coté en mes dernières, il n'en | veut toute-

10 fois rien auouer; mais ie ne veux point contefter,car il paroift eflre, aufly bien que M' Morin, du nombre de ceux qui veulent, a quelque prix que ce foit,auoir gai- gné & parler les derniers, en quoy ie luy cède très volontiers. Toutefois i'efcris cecy feparement,a caufe

i5 qu'il n'eftpas befoin qu'il le voye.

lè vous prie d'adreffer au plutoft ma lettre pour Renés ; car mon frère a coutume d'en partir vers la fin du mois de Juillet, & ie ferois bien ayfe qu'il la receuft auparauant. Pour celle que i'efcris a M de 'Villar-

20 non, ie ne fçayfivous la pourrez adreffer; mais vous la garderez, s'il vous plaift, iufques a ce qu'il s'en pre- fente occafion ; ie le conuie a m'enuoyer des obiec- tions qu'il m'a mandé que quelques vns de fes amis ont fait contre moy. le n'ay point receu de lettres de

25 M"" Eding; mais cela n'importe, car ie m'affure qu'il n'a rien a m'efcrire que des complimens ; & û vous le voyez, ie vous prie de l'aflurer que ie fuis fort fon fer- uiteur. le remercie M"" Morin de la peine qu'il a prife

3 me o)n. — 7 on ne la peut] M. N. — i5 après le voye]. le elle ne peut le. — 9 ie cottois. fuis aj. et ici se termine la lettre — en] par. — 1 1 M' Morin] XXIX. La suite manque.

�� � ^68 Correspondance. 11,178.

de m'enuoyer fon appendix". Et ie fuis de tout mon cœur,

Mon Reuerend Père,

Voftre très humble & très affeâionné feruiteur,

DESCARTES.

Du 19 luin 16^9.

CLXIX.

Regius a Descartes.

Utrecht, 14 juillet 1639. [A. Baillct], La Vie ie Monsieur Des-Cartes, tome II, p. 34.

Seule la seconde partie du passage ci-dessous est un résumé et même un extrait de la lettre de Regius. La première, empruntée à une autre source, n'est là que pour expliquer et compléter le récit d'un même fait.

« M. Regius ne s'ajfujettij/ant pas afe^ (hors de fes Ecrits et de Jes Leçons) à prendre l'efprit de M. De/cartes, qui étoit un efprit de douceur et de modération, donna encore à fes Collègues un nouveau fujet de mécontentement par un trait de légèreté qu'il fU paroitre à une Théfe de Philofophie foûtenuë le neuvième de Juillet 1 63g par le Jieur Florent Schufl, fous le Profeffeur Senguerdius. L'Aggreffeur qui difputoit, avoit compofé fes argumens félon les opinions de la Philofophie nouvelle, et avoit choifi la nature et les propriété^ de l'aiman pour en faire le fujet. Le Répondant, quoique fort bien exercé fur les cahiers de fon Maître, parut un peu embarafjé; mais le Profeffeur ayant pris la parole pour le dégager, M. Regius fe leva, et fans refpecter ni l'Affemblée ni la Profefjion, l'interrompit, luy in- fulta mal-à-propos, et voulut ajuger à l'Aggreffeur une victoire que l'honnêteté et la coutume l'obligeoient de laijfer au Répondant (en

a. Voir lettre CLX, page 53o, 1. 5, et Véclaircissement, p. SSg.

�� � CLXX. — 27 Août iôjç. 569

marge : Narrât. Historié. Acad. Ultr, pag. 14). Cette action, que nous n'afons apprife que par le canal de Voetius, choqua généralement tous les Profeffeurs de l'UniverJité, et les difpofa la plupart à écouter ce que Voetius voulait leur injînuer contre les nouveauté^. »

« Les exercices finirent peu de jours après cette Théfe; et M. Re- gius écrivant à M. De/cartes le quatorzième de Juillet (en marge : Lettre 4 MS. de Reg. à Desc.) qui commençait les vacances, fe garda bien de luy mander ce qu'il avoit fait à la Théfe. llfe contenta de luy

faire fçavoir qu'il avoit achevé fon Cours public de Mé- decine cette année; qu'il étoit toujours demeuré for- tement attaché à fes principes & à fa métode ; & qu'il fouhaitoit avec paffion de conférer avec luy fur la meilleure manière de faire un nouveau Cours l'année fuivante, qui commençoit après la foire du mois d'Aouft% félon le règlement de l'Univcrfité.

Baillet ajoute ensuite, II, 34-35, comme explication de cette der- nière phrase : « M. Descartes lu/ avoit fait espérer de l'aller voir en un voyage qu'il semblait avoir promis de faire à Utrecht au temps de la foire. » Suit une énumération des amis que Descartes avait en cette ville et dans le voisinage : Messieurs Wassenaer, Parmentier, Van-Dam, Van-Leew, Van-Sureck, Godefroy de Haestrecht (au château de Renoude à une dcmi-lieue d'Utrecht), le sieur Jean Alphonse, oÉScier dans les armées, et M. Van der Hoolck, l'un des principaux Magistrats de la ville.

��CLXX.

Descartes a Mersenne.

27 août 1639. Autographe, Bibliothèque de l'Institut.

Variantes de Clerselier, tome II, lettre XXX, p. ij8-iSo.

a. Depuis 1614, la foire annuelle d'Utrecht commençait le t5 juillet pour finir le 4 août.

Correspondance. II. 7*

�� � Ç70 Correspondance. h, 178.

La aS* de la collection La Hire, et «• (ig) du classement de dom Poirier.

Mon Reuerend Père,

l'ay efté bien ayfe d'apprendre voftre retour, & ie commençois d'eflre en peine pour voftre fanté, a caufe que ie ne receuois point de vos nouuelles. Il eft mort icy depuis peu deux hommes que vous connoiffiez, 5 Heylichman* & Hortenfius*, fans conter mon bon amy M"" Renery, qui mouruft ce carefme* ; ainfy on n a que faire d'aller a la guerre pour trouuer la mort.

l'ay enfin receu les deux exemplaires du Hure de ve- ritate^, que vous m'auez fait la faueur de m'enuoyer, 10 l'vn defquels ie donneray a M"^ Bannius en voftre nom a la première commodité, pource que c'a efté, ce me femble, voftre intention. le n'ay maintenant aucun loyfir de le lire : c'eft pourquoy ie ne vous en puis dire autre chofe, finon que, lorfque ie l'ay leu cy de- i5 uant en latin, i'y ay trouué au commencement plu- fieurs chofes qui m'ont femblé fort bonnes, & ou il tefmoigne eftre plus fçauant que le commun en Meta- phyfique, qui eft vne fcience que prefque perfonne n'entendt ; mais pource qu'il me fembloit en fuite qu'il 20 mefloit la religion auec la philofophie, & que cela eft entièrement contre mon fens, ie ne le leu pas iufques .

3 à eftre. — a caufe] pource. n'entendt] fçauoir plus de Me-

— 7 Reuerty. — 1 1 M. Ben- taphyfique que le commun. —

nius. — i5 leu] vu. — 16 i'y 21 & que cela] ce qui. — 22 leu]

trouuay. — 17 qui m'ont femblé] lus. — iufqu'à. que ie iugeois. — 18-20 eftre...

a. Voir lettres CLIX, p. 528, et CLXII, p. 545.

b. Voir plus haut, p. 566, 1. 13.

�� � lO

��i5

��II, 178-179- CLXX. — 27 Août 1659. 571

a la fin, ce que i'efpere faire fi toft que i'auray le loy- fir de lire quelque liure, & ie verray auffy alors le Philolaus^, mais pour | maintenant i'eftudie fans au- cun liure.

L'eflincelement des eftoiles fe peut fort bien rap- porter a la viuacité de leur lumière qui les fait auffy paroillre plus grandes quelles ne font; mais i'en ay encore quelques autres raifons dans mon Monde.

le tiens voftre expérience, que l'eau qui fort dVn tuyau de 9 pieds de hauteur, doit fortir prefque trois fois plus vifte que celle qui fort d'vn tuyau d Vn pied, très véritable, en y adiouflant toutefois prefque a caufe de l'air, & de l'opinion que i'ay de la nature de la pefanteur, fuiuant laquelle, lors que le mou- uement d'vn cors qui defcendt a caufe de fa pefan- teur, efl paruenu a certain degré de vitefïe, il ne s'aug- mente plus du tout. Mais i'ay enuie d'examiner plus

��I ce... faire] & ce fut tout ce que i'en écriuis à M. Efding {Inst. : Hefdin) qui me l'auoit enuoyé. I'ay deflein de le relire.

— le om. — 2 lire] voir. — quel- ques Liures. — verray] liray. — alors om. — 3 après Philolaus] en ce temps-là aj. — 6 auffy om.

— 7 après paroiftre] beaucoup aj. — 7-8 mais... Monde om.

— 10 : 9] neuf. — de hauteur] par vn trou de mefme grandeur, que celle qui fort d'vn tuyau d'vn pied. — presque om. après fortir, aj. après fois (1. \i). — II que... pied] etc. — i3 de

��l'air, & om. — 1 5 après cors] pe- fant aj. — i5-i6 a caufe. . . pe- fanteur om. — 17 après du tout] tout un alinéa ajouté, qui manque dans l'autographe : Mais laiffant cela à part, & fuppofant, comme Galilée & plufieurs autres, que la viteffe des cors qui defcen- dent, s'augmente en mefme rai- fon que i'efpace qu'ils parcou- rent, voftre expérience eft aifée à demonftrer; & en voicy la 'a- çon. Soit le tuyau ABC, plein d'eau iufques à C ; il faut confi- derer que l'eau, qui fort par A, vient du haut C, & que fi tout

��a. Voir plus haut, p. 566, 1. 16.

�� � S7'

��Correspondance.

��U, 179-180.

��particulièrement a quelque heure tout ce qui appar- tient a cete matière des mouuemens de l'eau'; c'eft pourquoy ie n'en diray pas ici dauantage.

La façon dont ie conçoy que la flame d'vnej chan- delle, ou la lumière d'vn ver luifant &c., prefle la ma- tière fubtile en ligne droite vers nos yeux, eft la mefme dont ie conçoy qu vne pierre qui eft tournée en rond dans vne fonde, prefle le milieu de cete fonde, & tire la chorde en ligne droite par la feule force de fon mouuement circulaire. Car la matière fubtile qui eft autour d'vne chandelle ou vn ver lui- fant, fe meut aufly en rond, & tend a s'elloigner de la & y laifler vn efpace vuide, c'eft a dire vn efpace qui ne foit rempli que de ce qui pourra y venir d'ail- leurs. On peut conceuoir en mefme façon comment la matière fubtile preflie les cors pefans vers le

��ce tuyau eftoit vuide, & qu'il y euft feulement vne goutte d'eau vers C, qu'on laiffaft tomber vers A, & vrie autre vers B, qu'on laif- faft auflî tomber vers A, dont la partie AB foit -^ d'AC, & qu'il y ait feulement deux^outtes d'eau dans ce tuyau, l'vne vers C, & l'autre ^ vers B, qui defcendent feparément , en telle forte qu'elles fe rencon- & fe ioignent enfemble, lors qu'elles arriuent au poind A, il eft euident que là goutte

��B

A

trcnt,

��d'eau qui viendra du poinft C, eftant paruenuë au poind A, aura neuf fois plus de vitefle, que celle qui viendra du poind B, & en fuite que la vitefle de ces deux gouttes iointes enfemble au poinfl; A fera moyenne propor- tionnelle entre i & 9, c'eft à dire triple. — 2-3 c'eft pourquoy] & afin que ie ne fois pas contraint cy après de me dédire de ce que i'aurois icy écrit. — 3 ici ont. — 5 ou om. — 8^/9 fonde] fronde. — 1 1 d'vn. — 1 5 En mefme façon on peut conceuoir. — 16 pefans] terreftres.

��10

��a. Voir lettre à C. Huygensdu [18] février 1643 {Clers., t. II, p. 540-55:

�� � II, ,80. CLXX. — 27 Août 1639. ^7}

centre de la terre, par cela feul qu elle fe meut cir- culairement autour de cete terre, laquelle na pas befoin d'eftre au milieu du monde pour ce fuiet, & il fuffit qu'elle foit le centre du mouuement circulaire

5 de toute la matière fubtile qui eft depuis la lune

iufques a nous, pour faire que tous les cors moins

fubtiles qui font en cet efpace tendent vers la terre.

le veux bien croyre qu'on fera monter l'eau de

18 toifes, ou plus, & on a defia plufieurs inuentions

10 pour cet effed*; mais ce ne font pas de ûmples pom- pes. C'eft bien fans doute que les mouuemens perpé- tuels, dont vous m'efcriuez, font impoflîbles; ainfy que la proposition de ce faifeur d'efcreuifles, qui veut demonftrer les mylleres de la religion par la Chymie,

i5 eft ridicule. le fuis,

Mon Reuerend Père,

>

Voftre très humble & très affedionné feruiteur,

DESCARTES.

20 Du 27 Aouft 1639.

Page 570. 1. 6. — Heylichman ou Elichmann, médecin silésien, que Descanes connut lors de son premier séjour à Amsterdam (voir t. 1, p. 401, éclaircissement), grand ami de Saumaise et, comme lui, érudit, surtout dans les langues orientales : « Quis enim hoc uno felicius Orien- » talis Sapientiae sacrarium nobis reserare potuisset? « dit de lui M"* de Schurman en guise d'oraison funèbre.

3 &] mais. — 6-7 moins fub- de plus durables ou plus com-

tiles] Terreftres. — 9 : 18] dix- modes pour l'vfage, que celles

huit. — a defia] peut trouuer. qui font defia trouuées.— 16M.

— 10 cet effea] ce fujet. — R. P. — 18 affedionné] acquis,

lo-i I ce. . . pompes] ie ne croy — 20 Date omise. pas qu'il foit aifé d'en trouuer

�� � 574 Correspondance.

Page 570, 1. 6. — Hortensius mourut le 17 août lôSg. Voir Véclaircis- seinent, p. loi ci-avant.

Page 573, 1. 10. — Le 26 août 1639, Huygens, qui était au camp à Reynberck, écrivait à Mersenne, en réponse à des lettres qu'il avait reçues en même temps que Descartes : a Quant à l'expédient de faire monter » l'eau morte que vous proposez, il y a longtemps que nous en sçavons la » théorie et la prattique. Mais voyez s'il pourroit servir qu'à faire passer » l'eau, par exemple, par dessus une maison, qui cassus labor est, si ce » n'est qu'une partie en puisse estre arrestée la hault, pour après la faire » descendre et rejaillir d'en bas, en fontaine vive. Et si pour cest effect » vous percez le tuyau vers le hault, estimant de conserver quelque partie » de ceste eau par ce moyen, voyez si la fuga vacui, qui est le ressort de la » machine, ne s'en va pas interrompue et morte. Si cela n'estoit, le monde » se verroit bien embelli à peu de fraiz, et grand gré en auroit l'inventeur, » aux prix des auteurs de noz moulins, qui sont machines opereuses » (onéreuses?) de matière, de façon et d'usage. Aussi y en a-t-il une diver- » site infinie, qui toute revient à la force du vent, ou du cheval, ou de » l'homme, ou de quelque ruisseau mouvant, choses ordinaires, et prou » cognues par tout le monde, non que de vous, Monsieur, qui n'en voulez » point ignorer. »

Et il ajoute : « Le livre de la Vérité est à la Haye : si je n'estoy chargé » d'affaires, ie l'envoyeroy quérir; mais il me reste peu de loisir icy pour » la lecture de quelque grande pièce; et si Ciceron a dit vray, que nisi I) quietum, nihil beatum est, je suis bien loin de la félicité. » (p. 7-8, Cor- respondance et Œuvre Musicales de Constantin Huygens, p. p. Jonck- bloet et Land, Leyde, 1882).

��CLXXI.

Descartes a Schooten.

[Septembre lôSg?] Texte de Clerseiier, tome III, lettre 82, p. 469-472.

« La lettre LXXXII est de M. Desc. à M. Schooten; elle n'est point » datée. L'on voit bien, parce qu'il parle des Notes de M. de Beaune, » au commencement de la lettre, qu'elle est postérieure à la LXXI' de » ce 3' volume, datée du 20 février i63g. Mais comme M. D., sur la » Jin de la lettre, p. 4J2, parle d'une affiche du S^ Stampioen, j'ay » cru qu'il fallait reculer cette letire au i septembre i63g. » (Note

�� � 111,469- CLXXI. — Septembre 1639. Ç75

de l’exemplaire de l’Institut). — La raison invoquée n’est nullement décisive {voir, à la suite de cette lettre, la fin du dernier éclaircisse- ment). Descartes a pu envoyer immédiatement les Notes de Florimond de Beaune à Schooten, si celui-ci avait déjà commencé son travail sur la Géométrie, en vue d’une édition latine. La lettre peut donc re- monter à mars ou avril i63g.

Monfieur,

le n’ay pas examiné soigneusement ce que vous me mandez des Notes de Monfieur de Beaune*, pour ce que ie ne croy pas qu’il en soit besoin, ny qu’il ait

5 manqué dans son calcul. Mais ie me persuade que tout ce qui vous donne de la difficulté, vient de ce qu’il nomme l’axe de l’hyperbole dans une figure la ligne A Y, & dans l’autre la ligne AN, qui est la mesme, ce qui est véritablement contre l’usage, & qui toutes-

10 fois se peut excuser. Car comme, dans l’hyperbole & aux autres sections coniques, lors qu’elles sont connues, on nomme leur axe la ligne qui rencontre à angles droits les appliquées par ordre, ainsi dans cette ligne courbe, qu’il ne considere pas encore comme

i5 une hyperbole, mais comme une courbe dont il cherche la nature, il a pu appeller son axe la ligne A N ou A Y, pour ce qu’il y applique par ordre les lignes LM & YX, qui la rencontrent à angles droits. Et cela n’empesche pas que, par après, lors qu’il reconnoist que

20 cette ligne courbe est vne hyperbole, dont AL eft vn diamètre auquel XL eft appliquée par ordre, il n’ait raifon de dire que A M eft fon cofté trauerfant, au regard de ce diamètre A L ; car vous fçauez qu’en vne mefme hyperbole il y a autant de diuers coftez tra-

2 5 uerfans que de diamètres.

�� � 57^ Correspondance. 111,469-470.

Pour la remarque de N*., elle eft impertinente, en- core qu'elle ne foit pas tout à fait fauffe. Car on fçait bien que, les mefmes lignes droites eftant pofées & la queftion n'ëftant point changée, le lieu ne peut pas eftre tout enfemble au cercle & à l'hyperbole. Et il ne 5 faut pas auffi auoir grande 1 fcience pour connoiftre que la ligne courbe doitpaffer en cet exemple par les quatre interférions qu'il remarque. Car, dans la figure de la page p^, on voit à l'œil que, puifque CB mul- tipliée par CF doit produire vne fomme égale à CD 10 multipliée par CH, le point C fe rencontre neceffai- rement aux quatre interfedions fusdites, à fçauoir : en l'interfedion A, pour ce qu'alors les lignes BC & CD font nulles, & par confequent, eftant multipliées par les deux autres, elles compofent deux riens, qui i5 font égaux entr'eux; tout de mefme, en l'interfeélion G, les lignes CH & CB font nulles; & ainfi, en l'vne des deux autres interfedions qui ne font pas marquées dans la figure, CD & C F, & dans l'autre, CH & CF font nulles. Mais on peut chan^,>;r la queftion, en forte ao que le mefme n'arriu point ; & cela n'empefche pas que, voulant vfer de brieueté & rapporter tous les cas à vn feul exemple, comme i'ay fait, (à fçauoir, ie les ay tous rapp'^rtez à l'exemple propofé dans la figure de la page } 1 1), ie n'aye eu raifon, après auoir 25 donné le vray lieu de cet exemple, qui eft vn cercle, d'y appliquer auffi l'hyperbole, afin que, toutes les lettres IKLBCD &c. s'y trouuant aux mefmes lieux qu auparauant, on puft entendre le peu que i'en vou- lois dire, plus facilement qu'on n'euft fait fi la figure 3o euft efté changée. Il me femble donc que vous ne de-

�� � m, 470-47'. CLXXI. — Septembre 16^9. «77

uez point y mettre d'autre figure ; car il faudroit auffi changer le difcours, & la folution en feroit plus em- brouillée. Mais vous pourrez mettre cet aduertiffe- ment dans la page ^ j i , ou quelqu'autre femblable. 5 Notandum hîc applicatam ejfe hyperbolam ei pojîtioni linearum, cui folum circulum quadrare paulo poft ojîen- detur; quod perfpicuitaîis & Jïmul hreuitatis Jîudio fac- tum; faciliùs enim ejl quœ hîc fcripîa funt intellïgere, cum notes ABCD &c. in ijfdem omnium Jigurarum locis

10 reperiuntur, quamjî nunc in vno, nunc in alio ejjfent quœ- rendœ. Nec eîiam hinc fequiîur vllus error ; tota enim quœjîio nondum ejl determinata^ fed in pagina 333 de- mum determinaîur ; potejlquefieri, paucis ex ea mutatis, vt eidem pojîtioni linearum, cui competit circulus, \ qua-

i5 dret hyperbola , & quidem hyperbola quœ non tranfeat per vllas interfeéliones datarum linearum^ quemadmodum hîc reprefentatur : vt, exempli* caufa, fi reéîangulum ex FC in CD debeat eJfe majus quam reéîangulum ex CB in CH quadam data quantitatc, vel quid fimile. Eiiif-

20 dem breuitatis fiudio, nulla etiam hîc ment io fit oppofi- tarum hyperbolarum, non quod ab authore ignorentur, vtpote qui paulo pofi, in pagina 336, quatuor lineas hy- perboles affines inter fe oppofitas expofuit. Sed notandum efi illum faciliora ferè femper in hac Geometria ne-

2 5 glexijfe, nihil autem ex difficilioribus, inter ea quœ trac- tanda fufcepit , omifiiffe ; atque idcirco ipfum maluijjfe hîc exhibere pofitionem linearum, cui quadrat circulus, quam alias, quibus quadrent ellypfes aut hyperbolœ , quia eius inuentio peculiarem habet difficultatem.

3o Pour l'Annotation de Konfieur Haeftrech * à la page J78, elle ne me femble pas affez claire; mais

Correspondance. II. ji

�� � Ç78 Correspondance. 111,471-472.

vous la pourriez mettre en cette forte : Notandum eft nos vti pojje hoc exemplo tanquam régula vel canone ad quantitaîem, quâ radiées augendœ funt^ inueniendam. Si enim propojîta Jit, exempli caufa, hœc œquatio :

x^ --ax^-\-b X'* — c x^ — dxx --ex-^-foo o, 5

negleéîis omnibus ijs terminis in quitus notes -\- & — alicefunt quam in canone, nempe hîc negleéîis terminis b, c & f, oportet tantum conjîderare omnes alios vt a, d & e, quia hîc habetur + ax^, vt in canone + nx^; & — dxx^ vtincanone — 216 n"^ xx; &-- ex, vt in canone 10 I2g6 n^ X. Oportet autem Jingulos ex his terminis conjî- derare feorjim, & quœrere quantitatem n, quœ non fit minor quam a, quia in canone habetur w, vbi in data œquatione efi a. Item cuius quadrato-quadratum non fit minus quam ^ d, quia in canone habetur 216 n"^, vbi in i5 data œquatione efi d. Item denique cuius fuperfolidum (vel, vt Vieta nominat, quadrato-cubus) non fit minus quam -^. e, quia in canone habetur 1 2g6 n^, vbi in data œqua- tione efi e. Quantitate n ita inuentd, manifefiè demon- firatur ex ipfa operatione, faciendo y — 6 n -x) x, pro- 20 dire œquationem in quâ nulla radix falfa efie potefi. Hocque authori tam facile \ vifum efi, vt fufiiis explicare neglexerit.

Au relie, i'ay veu depuis peu vne affiche du fieur S(tampioen)*, qui contient trois queftions propofées 25 à fa façon ordinaire ; il y auroit bien moyen de le con- fondre, s'il meritoit qu'on en prit la peine, mais il ne le mérite pas. le fuis,

I après vous] laom., maisaj. dans V Errata Clers. — 14 quadratae quadratum Clers,

�� � CLXXI. — Septembre 16^9. 57c

Page 575, 1. 3. — Il s'agit, comme dans la lettre CLVI (ci-avant, p. 5 10, 1. 2) de l'opuscule Florimondi de Beaune in Geometriam Renati Descartes Notœ brèves, dont l'original français est perdu, mais dont une version latine a été insérée par Schooten dans les éditions qu'il publia de la Géumétrie en 1649 ^'^ lôSg.

On lit dans la préface de la première (pages 8-9 non numérotées) : « Cumque cognovissem Virum Amplissimum atque Clarissimum D. Flo- » rimondum de Beaune, Consiliarium Blaesensem, in hanc Geometriam » notas quasdam Gallicâ Linguâ conscripsisse, quas Autori, ut ex eo cer- » lior fieret utrum mentem ejus rectè assecutus esset, transmisit; placuit » eas in Latinam linguam similiter convertere, atque permissu ejus huic » Geometriae subjungere. Quamvis enim ab eo in illum fînem ut ederen- » lur non conscriptas esse certô sciam, nec diuturnus morbus, quo etiam- « num, proh dolor ! detinetur, permittit ut de iis edendis cogitare possit, » tamen quia ab insigni profectas Geometrâ novi, easque huic Geometriae » non parùm lucis allaturas esse credidi, non dubito quin omnibus gra- » tissimae sint futurx, »

La préface de lôSg (pages lo-ii non numérotées) atteste que Florimond de Beaune revisa ultérieurement la traduction de Schooten :

« Porro ne quid déesse videretur, unde haec Geometria majorem adhuc » lucem sortiretur, additce etiam sunt Notae à Clarissimo atque Amplis- i> simo Viro D. Florimondo de Beaune, Consiliario Blaesensi, in eandem » olim Gallicè conscriptas. Quae eodem modo in Latinam linguam à me » translatae, postquam huic Geometriae primo ejus permissu essent » annexas, dein ab ipso recognitas et emendatae, nunc denuo vel hoc » nomine, ni fallor, acceptiores sunt accessurae. »

Le texte des deux éditions présente en effet quelques légères différences; mais, rapproché de la prése;ite lettre de Descartes, il prouve, ou bien que l'auteur avait remanié ses Notes après 1639, mais avant la traduction, ou bien, ce qui est plus probable, que le traducteur a fait disparaître au moins une des expressions qui l'avaient choqué.

Les figures visées sont en effet certainement celles des pages i32 et 147 de la première édition, 119 et i3i de la seconde. A Y dans la première de ces figures, AN dans la seconde, est ce que nous nommons l'axe des _>' pour une hyperbole dont l'équation &sxy^ = x_x-\- bx. Mais le mot d'axis ne se retrouve dans aucun des deux passages.

D'autre part, sur la première des deux figures, AL est le diamètre y = j jr, XL la demi-corde conjuguée y bx-\- -, enfin AM la distance,

2 bi^b, des deux points où le diamètre rencontre les deux branches de l'hyperbole. Cette distance est régulièrement appelée par Descartes côté traversant (latus transversum, t) TcXa^îa nXeupi), conformément à la défini- tion des Coniques d'.'^poUonius (1, prop. 12), tandis que Schooten semble avoir cru que cette définition n'était applicable qu'à Vaxe transverse, erreur sans doute assez fréquente au reste, puisque Michel Chasles lui-

�� � 580

��Correspondance.

��même l'a commise dans son célèbre Aperqu historique sur l'histoire et le développement des méthodes en Géométrie (page 18 de l'édition de 1875). Dans le texte latin des Notes de Florimond de Beaune, la première édi- tion porte (p. 134, 1. 5) : « erit ipsa (A M) instar lateris transversi ». La seconde, revue par l'auteur, donne, au contraire (p. 120, 1. 5) : « erit ipsa latus transversum ». Cette divergence semble bien indiquer que la sup- pression de l'expression axe de l hyperbole dans les mêmes Notes est une liberté que Schooten aura prise, sans que Florimond de Beaune ait jugé intéressant de la corriger.

Page 576, 1. I. — N. peut désigner Roberval qui, du moins, a fait une critique toute semblable, mentionnée dans la lettre de Descartes à Mer- senne du i3 octobre 1642 :

t Et de vouloir, p. 33 1, qu'on marquast tous les points ou la ligne droite » rencontre l'hyperbole, c'est vouloir une chose impettinente, a cause que » ces intersections ne seruent de rien au suiet, et, l'hyperbole estant vne » ligne sans fin, on ne la peut iamais tracer toute entière. »

Le fait est que, dans la figure de la page 33 1 de la Géométrie de Des- cartes, le lieu aux quatre droites est représenté par une branche d'hyper- bole qui coupe une seule de ces droites, et ailleurs qu'aux points où elle devrait la rencontrer. C'est sur cette circonstance que semble uniquement porter la critique visée dans la présente lettre. Mais elle eût pu suffire pour faire reconnaître à Descartes une lacune de sa discussion que Roberval signala en tous cas plus tard, et qu'il avait peut-être déjà constatée à ce moment. C'est en effet à tort que Descartes dit ici que « le lieu ne peut estre tout ensemble au cercle et à l'hyperbole ». Les mêmes lignes droites étant posées et la question n'étant point changée, le lieu à quatre droites, au sens de Pappus, se compose en réalité d'un système de deux coniques :

AA' — XBB'=o, AA' + XBB' = o,

si A = o. A' = o, B = o, B' = o, sont les équations des quatre droites.

Ces deux coniques (transformées homographiques de deux cercles ortho- gonaux) peuvent très bien être, l'un un cercle, l'autre une hyperbole.

La note latine rédigée par Descartes a été insérée par Schooten, avec quelques changements de forme et diverses additions, dans ses Commen~ tarii in Geometriam Renati Descartes (In librum II, E : pages 196-197 de l'édition de 1649, 224-225 de celle de 1659).

Page 577, 1. 3o. — Sur Godefroi de Haestrecht, voir le prolégomène de la lettre XCIV, tome I, p. 458. — Dans ses Commentarii (in librum III, H, p. 25i-252 de l'édition de 1649 ; p. 293-294 de celle de 1659), Schooten a inséré, avec quelques modifications, la note de Descartes, en la présentant comme de Haestrecht. Après inueniendam{p. 578, 1. 3), il a en effet ajouté: « sicut annotavit Vir Nobilissimus D. Gothofridus ab Haestrecht, Mathe- matum cultor eximius, hujusque scientiîe peritissimus ». — Le change- ment de texte le plus notable est la suppression de la parenthèse {vel, vt

�� � CLXXI. — Septembre 16^9. 581

Vieta nominat, quadrato-cubus), p. 578, 1. 17, et pour le mot qui précède, le barbarisme sursolidum. D'ordinaire Schooten lui donne une autre forme : surdesolidum, et traduit ainsi notamment le mot français surso- lide de la Géométrie de Descartes.

Dans une nomenclature d'origine grecque, mais étrangère à Diophante et transmise à l'Occident latin par l'intermédiaire des Arabes, les surso- lides sont, en général, les puissances dont l'exposant est premier et supé- rieur à 3. Le premier est donc la puissance cinquième, que désigne le terme simple de sursolide; pour les suivantes, la septième, la onzième, etc., on ajoute l'épithète second, troisième, etc., ou une lettre de classement, B,C, etc. Wallis, dans son Algèbre [Wallisii Opéra omnia, t. II, Oxford, 1693, p. 70-71) dit :

« Quod alii sursolidum vocant, aut supersolidum (nam Gallorum sur r> est Latinorum super), aut (minus apte) surdesolidum. »

Wallis se trompe ; car l'expression surdesolidus est la forme primitive qu'emploie Stifel (Arithmetica intégra, 1 544), et où l'adverbe surde, tra- duit de l'arabe, doit être entendu dans le sens d'ir rationnellement et cor- respond ainsi au terme grec âXo^o? (Diophanti opéra omnia, vol. II, Leip- zig, Teubner, i895,p. 38). La forme corrompue sursolidus a été introduite chez les Cossistes allemands (Adam Riese), à une date où l'on ne peut constater l'influence française. D'autre part Clavius note déjà la syno- nymie des expressions surdesolidus, sursolidus, supersolidus , relatum primum (cette dernière propre aux algébristes italiens).

Le barbarisme sursolidus est donc très antérieur à Descartes, et il a pu l'employer comme courant, ainsi que le ferait soupçonner sa reproduction par Schooten dans le passage dont il s'agit. Dans ce cas, la leçon super- solidum serait une correction de Clerselier.

Page 578, 1. 25. — lan lansz. Stampioen de longe {le jeune), ainsi sur- nommé pour le distinguer de son père, qui portait les mêmes prénoms, et qui fut également mathématicien.

Stampioen le père a publié : Nieuwe Tafeln der Polus-hooghte, 16 18; Cœlestum Planum, 1619. Pour le premier de ses ouvrages, il reçut des Etats-Généraux un privilège et une gratification le 10 avril 1618 ; pour le second, il fut également récompensé le i" nov. 16 19 par les Etats-Géné- raux, puis, le 25 mai 1621, par les Etats de Hollande, qui le nommèrent en même temps Arpenteur [Landmeter) de la Province. En 1624, il devint jaugeur-juré (Ijkmeester) à Rotterdam, et exerça cette charge pendant trente-six ans, jusqu'au jour où il fut révoqué pour abus de confiance (28 juillet 1660).

Stampioen le jeune, né à Rotterdam en 1610, y professait à V Ecole Illustre, lorsqu'il fut mis en relations avec Descartes vers la fin de i633 (voir lettre LI, tome I, p. 275 et 573-578). En 1639, il vint s'établir à La Haye et dédia au prince Frédéric-Henry un ouvrage qu'il avait annoncé longtemps d'avance et dont le privilège est daté du 25 mars :

�� � ��€ Algebra ofte Nieuwe Stel-Regel, tuaer door ailes ghevanden wordt, inde Wis-Konst, wat vindtbaer is. Noyt voor desen bekendt. Door lohan Stampioen d’Ionghe, Mathematicus, Residerende in *5 Graven-Hage.

» Matth. 10. Want daer en is niet bedeckt, het welck niet en sal ontdeckt worden : ende verborgen, ’t welck niet en sal gewêten worden.

j» ’s Gravcn Hage, ghedruckt ten Huyse van den Autheur, in Sphaera- » Mundi. — 1639, Jn-4, 366 pages *. »

Cet ouvrage avait été précédé de plusieurs placards, proposant des problèmes que seule, disait l’auteur, sa nouvelle méthode, permettait de résoudre. Dès 1638 (voir le premier éclaircissement de la lettre CLXXV ci-après, d’octobre 1639), un jeune ami de Descartes, Jacob van Waessenaer, avait répondu à l’un de ces placards. Rien ne prouve donc que l’affiche de trois nouvelles questions, vue par Descartes, soit aussi tardive que l’a supposé l’annotateur de l’exemplaire de l’Institut, en fixant la présente lettre au i"’ septembre lôSg. En tout cas, les trois questions ne paraissent pas avoir suffisamment intéressé Descartes pour qu’il s’en préoccupât, lorsqu’il s’engagea personnellement dans la querelle entre Stampioen et Waessenaer (voir ci-après les lettres CLXXV et CLXXXIV). Il reprit au contraire une question d’un placard antérieur :

Problema astronomicum et geometricum voorghestelt door Iohan Stampioen i>’lotiGE, Mathematicus, residerende in’s Graven-Hage, aen de uytgevers van het Antjverpsche Vraegh-Stuck [i638].

Voir Clerselier, III, 459, et Schooten, éditions latines de la Géométrie de Descartes, Additamentum : 164g, p. 295; 1659, p. 369.

��CLXXII.

Regius a Descartes-

Utrecht, mi-sept. lôSg. [A. Baillet], La Vie de Monsieur Des-Cartes, tome II, page 35.

Le texte de Baillet vient après un alinéa qui se rapporte à la fin d’une précédente lettre de Regius, du 14 juillet lôSg (lettre CLXIX, page 568 ci-avant).

a. Algèbre ou Nouvelle Méthode, par laquelle on trouve en mathématiques tout ce qui est trouvable, chose qui, jusqu’ici, n’a jamais été connue. Par Jean Stampioen le jeune, Mathématicien, demeurant à La Haye.

St Mathieu, X, 26 « Car il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni rien de secret, qui ne doive être connu. »

A la Haye, imprimé chez l’auteur, à la Sphaera Mundi. II. .8.. CLXXIII. — Octobre 1639. 585

« M. Regius vid pajfer la foire (d'Utrecht), et finir le tems de fes vacances fans avoir eu l'avantage qu'il avoit efpérê. Il fallut re- prendre les Leçons publiques avant que de pouvoir réparer la chofe par un voyage qu'il aurait fouhaité de faire à Egmond. Et comme il luy falloit au moins deux jours libres pour cette courfe, il ne les put trouver que vers le milieu de Septembre (en marge : Lettr. 5 MS. de Reg. à Desc), auquel fa femme ne permit point qu'il s'éloignât d'elle à caufe d'une groffeffe de huit mois et demi où elle avoit befoin de lui. »

��CLXXIII.

Descartes a [Huygëns].

[Octobre lôSg.]

Texte de Clerselier, tome II, lettre 3i, p. i8i-i83.

Sans nom ni date dans Clerselier, mais imprimée entre la lettre XXX, du 27 août lôSg, et la lettre XXXII, du 16 octobre, dans une série qui paraît régulière. Ce serait donc bien là sa place, en sept, ou oct. 1639. Quant au destinataire, c'est certainement Huy- gëns, ami de Bannius aussi bien que de Descartes, et à qui on pou- vait s'adresser pour obtenir une faveur du Prince d'Orange. D'après le Dagboek de Constantin Huygens, il a été absent de la Haye, faisant campagne avec l'armée, du 23 mai au 12 oct. i63g. Descartes ne lui aura sans doute écrit qu'à son retour.

Monfieur,

Si vous n'auiez iamais dit aucun bien de moy, ie n'aurois peut-eftre iamais eu de familiarité auec au- cun Preftre de ces quartiers ; car ie n'en ay qu'auec deux, dont l'vn eft M. Bannius, de qui i'ay acquis la connoifTance par l'eftime qu'il auoit oûy que vous fai- fiez du petit traitté de Muûque qui eft autresfois ef-

�� � chappé de mes mains ^; et l’autre eft fon intime amy, M. Bloemert, que i’ay auffi connu par mefme occaſion. Ce que ie n’écris pas à deffein de vous en faire des reproches : car, au contraire, ie les ay trouuez fi braues gens, fi vertueux, & fi exempts des qualitez 5 pour lefquelles i’ay couftume en ce pais d’éuiter la fréquentation de ceux de leur robe, que ie conte leur connoiflance entre les obligations que ie vous ay. Mais ie fuis bien aife d’auoir ce prétexte, pour excu- fer vn peu l’importunité de la prière que i’ay icy à 10 vous faire en leur faueur.

Ils défirent vne grâce de fon Altefle, & penfent la pouuoir obtenir de fa clémence par voftre interceſſion. le ne fçay point le particulier de leur affaire ; mais fi vous permettez à M. Bloemert de vous en en- i5 tretenir, ie m’aflure qu’il vous l’expofera en telle forte, que vous ne trouuerez rien d’inciuil en fa Requefte, ny moins de prudence & de raifon en fes difcours, qu’il y a d’art & de beauté dans les airs que compofe fon amy. Et ie diray feulement icy, que ie croy les auoir 20 allez fréquentez, pour connoiftre qu’ils ne font pas de ces fimples qui fe perfuadent qu’on ne peut eftre bon Catholique qu’en fauorifant le party du Roy qu’on nomme Catholique, ny de ces feditieux qui le per- fuadent aux fimples ; & qu’ils font trop dans le bon a5 |fens & dans les maximes de la bonne Morale. A quoy i’adjoufl:e qu’ils font icy trop accommodez & trop à leur aife, dans la médiocrité de leur condition Eccle- fiaftique, & qu’ils cheriffent trop leur liberté, pour n’eflre pas bien affedionnez à l’Efliat dans lequel ils 3o

a. Voir tome I, page 396, 1. 23, et tome II, p. 1 53, éclaircissement.

�� � II. i8î. CLXXIII. — Octobre lôjp. ^8^

viuent. Que fi on leur impute à crime d'eftre Papifles, ie veux dire de receuoir leur miffion du Pape, & de le reconnoiftre en mefme façon que font les Catholiques de France & de tous les autres Pais où il y en a, fans 5 que cela donne de ialouûe aux Souuerains qui y com- mandent, c'eft vn crime fi commun, & fi effentiel à ceux de leur profeffion, que ie ne me fçaurois per- fuader qu'on le veuille punir à la rigueur en tous ceux qui en font coupables; et fi quelques -vns en

lo peuuent eftre exceptez, ie m'affure qu'il n y en a point qui le méritent mieux que ceux-cy, ny pour qui vous puiffiez plus vtilement vous employer enuers fon Al- teffe ; et i'ofe dire que ce feroit vn grand bien pour le Pais, que tous ceux de leur profeffion leur refiTem-

i5 blaflent.

Vous trouuerez peut -eftre eftrange que ie vous écriue de la forte de cette affaife, principalement fi vous fçauez que ie le fais de mon mouuement, fans qu'ils m'en ayent requis*, & nonobftant que ie iuge

20 qu'ils ont pluûeurs autres amis, dont ils peuuent pen- fer que les prières auroient plus de force enuers vous que les miennes, & mefme que ie fçay que l'vn d'eux vous eft tres-connu; mais ie vous diray, qu'outre l'eftime très particulière que ie fais d'eux, & le deûr

a 5 que i'ay de les feruir, ie confidere auffi en cecy mon propre intereft : car il y en a en France, entre mes faifeurs d'objeélions, qui me reprochent la demeure de ce Païs, à caufe que l'exercice de ma Religion n'y eft pas libre* ; mefme ils difent que ie ne fuis pas, en

3o cela, fi excufable que ceux qui portent les armes pour la deffenfe de cet Eftat, pource que les interefts en font

CORRBSPONOANCB. II. 74

�� � 586

��Correspondance. 11,182-183.

��ioints à ceux de la France, & que ie pourrois faire par tout ailleurs le mefme que ie fais icy. A quoy ie n ay rien de meilleur à répondre, finon qu'ayant icy la libre fréquentation & l'amitié de quelques Eccle- fiaftiques, ie ne fens point que ma confcience y foit 5 contrainte. | Mais û ces Eccleûaftiques eftoient eftimez coupables, ie n'efpere pas en trouuer d'autres plus innocens en ce Pais, ny dont la fréquentation foit plus permife à vn homme qui aime fi paffionnément le re- pos, qu'il veut éuiter mefme les ombres de tout ce qui 10 pourroit le troubler, mais qui n'eft pas pour cela moins paffionné pour le feruice de tous ceux qui luy témoignent de l'affedion, & vous, m'en auez deûa té- moigné en tant d'occafions, qu'encore que ie ne pour- rois rien obtenir de vous en celle-cy, ie ne laifîerois i5 pas d'eflre toute ma vie, &c.

p. 585, 1. 19. — Dans la Correspondance et Œuvre musicales de Constantin Huy gens, p. p. Jonckbloet et Land (Leyde, E.-J. Brill, 1882), on trouve, en effet, deux lettres de Bannius à Huygens, de la même date environ, et où il n'est pas question de cette affaire. La première, p. lxvi- Lxvii, datée de Harlem, 4 Nonas Oct. lôSg, est curieuse par ce jugement de Huygens et de Descartes sur Mersenne : a Sed hominem (Mersennum) » tam accurate mihi delineasti, ut cuilibet, lectis tuis literis, praecipue » heroi Descartio, clarissime innotuerit. Solet ille mihi fréquenter dicere, » hominem esse omnigenae, sed indigestae eruditionis; aliis tamen verbis, » longe lateque, sed non profunde doctum, et qui ungere potius, non pun- » gère valeat. n H parle ensuite de ses théories musicales : Rem omnem » Heroi Descartio mihi amicissimo proposui : qui post varia colloquia » ante paucos menses asseverabat, me rem sasculis omnibus inauditam » facturum, si praxin illam ex unico ac necessario systemate (cujus dia- B gramma etiam in libris Mersenni exstat) demonstratam juris publiai n fecerim. Sufficit mihiistius oraculi vel minimus nutus. »

La seconde lettre, p. lxvii-lxvui, de Harlem, i5 oct. 1639, commence ainsi : « Heri cum Heroe Descartio mediam diem in colloquiis musicis » consumpsi : qui me mire acriterque instigabat, ut Theoriam ad praxim » illam redigam, qua vocalis atque instrumentalis Musicae Flexanimae mo- » dulatio inclarescat. »

�� � n. i83. CLXXIV. — i6 Octobre 1639. 587

Page 585, 1. 29. — On retrouve des traces de ces reproches dans deux lettres de Descartes à Mersenne, 16 oct. et i3 nov. lôSg {ci-après p. 5g3 et p. 6ip-62z), ce qui confirme la date que nous donnons à celle-ci.

��CLXXIV.

Descartes a Mersenne.

16 octobre i63g. AtrrocRAPHE, Bibliothèque V. Cousin, n» 4.

La 26' lettre de la collection La Hire et le n" (20) du classement de dont Poirier. Variantes du texte publie' par Clerselier sur la minute, tome II, lettre XXXII, p. 1 83- 188.

Mon Reuerend Père,

l'ay receu ) de vos lettres, IVne du i*% l'autre du 10, & l'autre du 20 de Septembre.

1 . Pour refponfe a la première, ie croy que les cors 5 qui montent dans l'eau augmentent leur viteffe en

femblable proportion que ceux qui defcendent, foit dans l'eau, foit dans l'air; ie dis en femblable & non égale proportion : car l'vn refifte plus que l'autre, &c.

2. le ne me fouuiens pas de la raifon de Steuin, 10 pourquoy on ne fent point la pefanteur de l'eau quand

on eft deffbus ; mais la vraye eft qu'il ne peut y auoir qu'autant d'eau qui pefe fur le cors qui eft dedans, ou deffous, qu'il y en auroit qui pourroit defcendre, en

2 : 3] trois — 1"] premier. — par Descartes lui-même, man-

3 : 10] dixiefme — 20] ving- quentdans Clers.). — 8 en égale,

tiefme. — 4: i] Sa [Les numéros — i3 en om. — après auroit]

des articles, ajoutés en marge d'eau aj.

�� � �^88 Correspondance. n, 183-184.

cas que ce cors fortill de fa place. Ainfy, par exemple, s'il y auoit vn homme dans le tonneau B, qui bouchait tellement de fon cors le trou marqué A, qu'il erapef- chaft que l'eau n'en puft fortir, il fenti- roit fur foy la pefanteur de tout le cy- 5 lindre d'eau ABC, dont ie fuppofe la bafe de mefme grandeur que le trou A, d'autant que, s'il defcendoit en bas par |ce trou, tout ce cylindre d'eau defcen- droit auffy ; mais s'il eft vn peu plus 10 haut, comme vers B, en forte qu'il n'empefche plus l'eau de fortir par le trou A & que ce trou foit bou- ché, il ne doit fentir aucune pefanteur de celle qui eft fur luy entre B & C, d'autant que, s'il defcendoit vers A, cete eau ne defcendroit pas auec luy, mais au i5 contraire vne partie de l'eau qui eft fous luy vers A, de mefme groffeur qu'eft fon cors, monteroit en fa place, de façon qu'au lieu de fentir que l'eau le prefle de haut en bas, il doit fentir qu'elle le fouleue de bas en haut : & cela s'accorde a expérience. 10

j. L'eau des pompes monte auec le pifton qu'on tire en haut, a caufe que, n'y ayant point de vuide en la nature, il ne fe peut faire aucun mouuement, qu'il n'y ait tout vn cercle de cors qui fe meuue en mefme tems. Comme icy, le pifton A eftant tiré en haut, il faut 25 que l'air qui eft vers B aille vers C, & que celuy qui eft vers C aille en la place de l'eau qui eft vers D, & que cete eau monte en la place de celle qui eft vers E, & celle cy en la place du pifton A. Ce qui arriue lors

n-i3 & que. . . bouché ont. — 20 &. . . a] ce qu'on voit par. — 23 fe] s'y. — 26 eft] eftoit.

�� � IB

��C :^ C

��II, .84-183. CLXXIV. — 16 Octobre 16^9. 589

que l'eau n'a pas befoin, a cet efFed, de monter trop haut; mais lorfqu'on la veut faire trop monter, la force dont cete eau, qui eft dans le tuyau E, tend a defcendre, eft 5 û grande qu'elle fait que l'air qui eft vers B, au lieu d'aller vers C & vers D , prend fon cours entre le pifton A & le tuyau F, quelque peu d'efpace

10 qu'il puifle y auoir; & ainfy au lieu d'eau on ne tire que de l'ef- cume, c'eft a dire de l'air meflé auec de l'eau.

4. 1 le croy bien que, pouffant l'eau de bas en haut,

i5 on la peut faire monter fans interruption 20 toifes ou plus; mais ie ne croy pas qu'il foit fi commode, ny que la machine puiffe eftre fi durable, que û on la fait monter avec interruption par le moyen de plufieurs pompes ou autrement".

20 5 . Vos difficultez touchant les lunetes par reflexion vienent de ce que vous confiderez les rayons qui vienent parallèles d'vn mefme cofté de l'obiet & s'affemblent en vn point, fans confiderer auec cela ceux qui vie- nent des autres coftez,& s'affemblent aux autres poins

25 dans le fonds de l'œil, ou ils forment l'image de l'obiet : car cete image ne peut eftre auffy grande par le moyen de vos miroirs que par les verres, fi la lunete n'eft auffy longue; & eftant fi longue, l'œil fera fort éloigné

14 que] qu'en. — i5 : 20] à vingt.

a. Voir plus haut, p. 573,1. 8-10, et V éclaircissement.

�� � ^ço Correspondance. n, iss.

du petit miroir, a fçauoir de toute la longeur de la lunete^, & le miroir ou verre doit élire d'autant plus grand a raifon de la prunelle de l'œil, que la lunete efl plus longue a raifon du diamètre de l'œil ; comme, en celles de Chorez, qui ne font que 5 ou 6 fois plus Ion- 5 gués que le diamètre de l'œil, le verre n'a befoin d'eftre que ^ ou 6 fois plus grand que la prunelle. Et on n'exclut pas fibien la lumière collatérale, par voftre tuyau ouuert de toute la largeur du grand miroir, que par les tuyaux fermez des autres lunetes &c. 10

En voftre 2^ lettre, vous m'auertiffez de quelques en- droits que vous iugez deuoir eftre corrigez en ma Dioptrique, de quoy ie vous remercie très humble- ment.

I . Il eft très certain que la lumière s'amortift con- i5 tre les cors noirs, en tant que noirs ; mais cela n'em- pefche pas qu'elle ne fe reflechiffe contre le marbre noir & autres tels cors; car il n'y en a peut eftre pas vn en la nature, qui foit fi purement noir qu'il ne con- tiene en foy plufieurs parties qui compoferoient vn 20 cors blanc, fi elles eftoient feparées des autres. Et la preuue que la plus part de celles du marbre qu'on nomme noir font telles, eft qu'il paroift beaucoup moins noir n'eftant pas poli qu'eftant poli; & ce qui le fait paroiftre plus noir eftant poli,c'eft que toutes fes 25 parties blanches reflefchiffent la lumière vers vn mef- me cofté, ou l'œil ne fe trouuant pas, elles font le mefme a fon regard que fi elles l'amortifl'oient ; mais lorf-

2-7 & le... prunelle om. — ii : 2*] féconde. — 18 &] ou. — 28 regard] égard.

a. Voir page SSg, 1. 17.

�� � II. 185-186. CLXXIV. — i6 Octobre léjç. 591

qu'il s'y trouue, il voit cete lumière dans ce marbre, auec les couleurs & la figure des obiets d'où elle vient, ainfy que dans vn autre miroir, & mefme mieux, a caufe que les parties qui ne font pas dans la fuperficie 5 polie, eftant noires, ne renuoyent aucune fauffe lu- mière, comme font celles du marbre blanc.

2. Le ceux de la page 50, 1. 10, fe raporte au ceux qui fuit, ligne i ) , & ainfy ne me femble pas fuperflus.

3. La mefme, 1. 18, | par le mot àe peinture, ie n'en- 10 tens autre chofe que les diuers mouuemens des par- ties du cerueau 7 8 9 ; comme auffy les peintures du fonds de l'œil, des miroirs, &c. ne font autre chofe que tels mouuemens,

4. Vous ne douterez point de ce que i'ay efcrit i5 pa. 62 vers la fin, fi vous confiderez qu'vn homme qui

eft a 2 pas de vous, ne vous paroift point notablement plus grand, que lorfqu'il eft a 20 ou 30 pas, quoy qu'il deuft paroiftre 10 ou 15 fois plus grand, fi la règle de l'anciene optique de angulo vijionis eftoit vraye.

20 ^. Pa. 78 a la fin. Il n'eft pas ayfé, lorfqu'on fçait que l'obiet eft fort proche, de l'imaginer fort éloigné ; mais pour vn qui ne le fçait point, on peut le tromper, en l'empefchant de voir par le dehors de la lunete la puce qu'on a mis dedans, & feignant de la mettre au

25 bout de quelque long tuyau, qu'on adiouftera a cete lunete, ou d'autre façon.

6. P. 84. le ne dis pas que le verre conuexe doiue

3-9 & mefme. . . 1. 18 ont. — que. — 19 eftoit vraye] eft gran-

11-12 des miroirs du fonds de dément faufl'e. — 20 Pa.] Page,

l'œil. — i5pa.]page. — 16 deux. — 22 pour om. — 24 qu'on a

— 17 vingt... trente. — 17- mis] qui eft. — Sa om. — 27 P.]

18 quoy... fi] et vous verrez Page.

�� � 59^ Correspondance. ii, 186-187.

eftre grand pour groffir les obiets, mais pour les faire voir plus clairement ; car chafque partie de ce verre conuexe peint l'image auffy grande que fait tout le verre ; mais elle ne tranfmet pas tant de lumière.

7. Au refte, vous m'obligerez, s'il vous plaift, de 5 continuer a remarquer tout ce que vous iugerez de- uoir eftre corrigé en ce que i'ay fait imprimer ; & ie garde foigneufement la feuille que vous m'auez cy deuant enuoyée, ou, û vous l'aymez mieux, ie vous la renuoyeray, affin que l'exemplaire que vous corrigez ,0 foit complet.

8. le fuis bien ayfe que M' du Maurier trauaille aux lunetes : car foit qu'il y reuffiiTe, foit qu'il n'y reufRffe pas, cela me vangera du mauuais efcrit de fon imper- tinent parent\ Pour le verre concaue qu'il dit auoir is taillé, ce n'eft point de merueille, car ces concaues eftant mis fort prés de l'œil, les defaus de leur figure

ne fe remarquent prefque point fuiuant ce que i'ay efcrit a la fin de la page i p .

9. Nous m e(cnuez que M. Mydorge foutî'ent qu'vne 20 pierre, ou autre mij/île meu de quelque mouuement que ce foit, iroit d'vne infinie vitejfe ; mais vous auez oublié

a dire en quel | cas, a fçauoir fi c'eft in vacuo, ou ail- leurs, qu'il entend que cela arriueroit : ce que ie ne puis deuiner, ny par confequent le réfuter. Et ie puis feule- 25 ment dire qu'il implique contradidion qu'il y ait vne

I plus grand. — 8 la première 1 2 de ce que M. — 17 eftant] de- feuille. — 9 fi... mieux] bien uant eftre. — 20 Mydorge] Myd^ s'il vous plaift. — 10 corrigez] — 23 a fçauoir ow. — 23-24 ail- prenez la peine de corriger. — leurs] autrement. — 25 Et que.

a. Voir plus haut lettre CLII, p. 397, 1. 16.

�� � n, isy. CLXXIV. — i6 Octobre 1639. 595

vitefle infinie en la nature, fi ce n'eft qu'a l'imitation des penfées de M"^ des Argues touchant les coniques, on die que la ligne A B, fans mouuement, eft la mefme

^ A B

chofe qu'vn point meu d'vne vitefle infinie d'A iufques

5 a B : car, fi la vitefl'e eft infinie, ce point fe trouuera en

mefme inftant en toute la ligne, & ainfy la compofera.

1. En vne j lettre du 20 fept., vous m'auertiflez de celuy qui dit qu'il croit que ma Philofophie a bien aydé a troubler la ceruelle &c.; de quoy ie vous re-

10 mercie.Cet homme monftre par la que, s'il pouuoit trouuer occafion de calomnie, il ne s'efpargneroit pas ; mais ie le connois il y a longtems, & le méprife au- tant, luy & fes femblables, qu'ils me peuuent haïr. Cependant i'ay a me pleindre de ce que les huguenots

1 5 me haïfl*ent comme papifte, & ceux de Rome ne m'ay- ment pas, comme penfant que ie fuis entaché de l'he- refie du mouuement de la terre.

2. Pour entendre comment la matière fubtile qui tourne autour de la terre chafle les cors

20 pefans vers le centre, rempliflez quel- que vaiflTeau rond de menues dragées de plomb, & méfiez parmi ce plomb quelques pièces de bois, ou autre ma- tière plus légère que ce plomb , qui

25 foient plus grofles que ces dragées ; puis, faifant tour-

5 la] fa. — ce point] il. — — 22 & méfiez] ayant mêlé. —

6 toute cette ligne. — 7 vne 3] 23 autre] de quelqu'autre. —

voftre troifiéme. — vingtième de 24 ce] le. — 24-25 qui... dra-

Septembre. — 10 par la] bien. gées om. — 25 puis] &. Correspondance. II. jS

��� � ^94 Correspondance. n, 187-188.

ner ce vaiffeau fort promptement, vous efprouuerez que ces petites dragées chafleront toutes ces pièces de bois, ou autre telle matière, vers le centre du vaif- feau, ainfy que la matière fubtile chaffe les cors ter- reftres, &c. 5

j . le croy que les Briques font plus pefantes cuites, I que crues, a caufe que les pores des crues font les vns plus larges & les autres plus eftroits que ceux des cuites. Pour les plus larges, ils ne font remplis que d'air, lors qu'elles ont eflé bien feichées, qui eft le 'o tems auquel elles font le plus légères, & les plus ef- troits ne font remplis que de matière fubtile ; mais lorfqu'elles font cuites, elles ont quantité de pores qui ne font iuftement que de la grandeur qu'il faut pour receuoir les parties de l'eau, lefquelles y en- i5 trent, lorfqu'on les laifle refroidir a l'air : car il y en a toufiours quantité dans l'air, & elles n'en peu- uent pas aifement eftre chafTées ; mais , s'incorpo- rant auec la brique, elles adiouftent a fa pefanteur. Et pour preuue de cecy, ie m'affure qu'vne mefme 20 brique, eftant pefée toute chaude a la fortie du four- neau, fe trouuera moins pefante que lorfqu'elle au- ra eflé a l'air quelque tems, & que, û on la fait par après bouillir dans de l'eau, elle pefera encore dauan- tage, quoy qu'on la laifTe bien feicher a l'air, après 25

I fort otn. — après prompte- foient beaucoup plus greffes que

ment] autour de fon centre a/'. — les menues dragées de plomb,

efprouuerez] trouuerez. — 2 ces par lefquelles ie reprefente la

petites.. . toutes ces] ce plomb Matière fubtile, &c. — 6 eftant

chaffera les. — 3 autre... ma- cuittes. — 11 le plus] les plus,

tiere] les pierres. — 3-5 du. . . — 18 après mais] en aj. — 22 fe

&c.] de ce vafe, quoy qu'elles trouuera] pefera. — pefante om.

�� � qu’elle aura ainsi bouillie : car les parties de l’eau qui seront entrées dans ses pores, n’en pourront plus ressortir.

Je viens de recevoir encore un mot de vôtre part du 25 Septembre, où

1. Vous parlez de certaines carrières près de Rome, où les pierres se changent en bois : touchant quoi je n’ai rien à dire, sinon que ces pierres peuvent bien avoir quelque ressemblance à du bois, mais non pas être bois pour cela, ainsi que les veines des pierres de Nogent sur Seine peuvent naturellement ressembler à des arbres peints.

2. Vous m’offrez de la graine de l’herbe sensitive, et je l’accepte, en cas que vous en ayez de reste ; car j’ai maintenant une partie de mes spéculations touchant les plantes.

3. Je juge que les bluettes de feu, que vous dites avoir vu en l’air, le soir du 10 septembre, le ciel étant fort rouge et enflammé, n’étaient autre chose que de grosses gouttes d’eau qui commençaient à dégoutter du haut des nues, et au travers desquelles passaient les rayons du soleil, qui se venaient rendre à vos yeux par réfraction, nonobstant que le soleil ne parut peut être déjà plus sur la terre.

Il y a environ six mois que je donnai au Maire un exemplaire de ma Géométrie pour Mr de Beaune, et je vous l’adressais auec un mot de lettre ; le Maire m’a


17 vous me dites.

— 18 le 10 de Septembre au soir.

— 23 nonobstant] bien.

— 24 défia om.

— après terre.] Je suis. et la lettre finit ici dans Clers. 59^ Correspondance.

dit depuis qu'il l'auoit donné au S' Pelé^ pour vous le porter. Si vous ne l'auez point encore receu (comme il eft vrayfemblable, vu que vous ne m'en auez rien mandé), ie vous prie de luy en demander des nou- uelles. le vous prie auffy, en cas que mon neueu, qui s eflfils de ma fœur du Creuis, vous retourne voir, de luy dire qu'il me fera plaifir de me mander quelquefois de fes nouuelles & de celles de fes parens, & que, s'il m'apprent l'adrelTe de fon logis, ie luy donneray vne partie des commiiïions dont ie vous importune, comme lo ie luy donnerois maintenant celle d'adrefler la lettre que ie vous enuoye pour M' de M., C. au P. de P. ^, a caufe que ie ne fçay û vous le connoiflez ; ie l'ay vu autrefois demeurer vis a vis du petit S' Antoine, ie ne fçay s'il y fera encores . 1 5

Au refte, depuis mes dernières, i'ay pris le tems de lire le liure que vous m'auez fait la faueur de m'en- uoyer', & pourceque vous m'en auez demandé mon fentiment & qu'il traite d'vn fuiet auquel i'ay trauaillé toute ma vie, ie penfe vous en deuoir icy efcrire. l'y 20 trouue plufieurs chofes fort bonnes, fed non publici faporis ; car il y a peu de perfonnes qui foient capables d'entendre la Metaphyfique. Et pour le gênerai du liure, il tient vn chemin fort différent de celuy que i'ay fuiui. Il examine ce que c'eft que la Vérité ; & pour 2 5

a. On trouve dans une lettre de J. Dupuy à Saumaise, écrite de Paris le 16 sept. 1639 : « Pelé libraire a receu quelques balles venues de vos quar- » tiers. • (Bib!. nat., MS. fr. 3934, p. 1 1 verso).

b. Sans doute M. de Martigny, Conseiller au Parlement de Paris. Voir lettre du 25 déc. 1639 [Clers., II, 198).

c. Le livre De la Vérité, de Herbert de Cherbury. Cf. p. 566, 1. 12, et p. 570, 1. 9.

�� � CLXXIV. — i6 Octobre 16)9. 597

moy, ie n'en ay iamais douté, me femblant que c'eft vne notion fi tranfcendentalement claire, qu'il eft im- poffible de l'ignorer : en efFed, on a bien des moyens pour examiner vne balance auant que de s'en feruir, 5 mais on n'en auroit point pour apprendre ce que c'eft que la vérité, fi on ne la connoiflbit de nature. Car qu'elle^ raifon aurions nous de confentir a ce qui nous l'apprendroit, fi nous ne fçauions qu'il fuft vray, c'eft a dire, fi nous ne connoiffions la vérité ? Ainfy on peut

10 bien expliquer quid nominis a ceux qui n'entendent pas la langue, & leur dire que ce mot vérité, en fa propre fignification, dénote la conformité de la penfée auec l'obiet, mais que, lors qu'on l'attribue aux chofes qui font hors de la penfée, il fignifie feulement que ces

i3 chofes peuuent feruir d'obiets a des penfées véri- tables, foit aux noftres, foit a celles de Dieu ; mais on ne peut donner aucune définition de Logique qui ayde a connoiftre fa nature. Et ie croy le mefme de plu- fieurs autres chofes, qui font fort fimples & fe con-

«o noiffent naturellement, comme font la figure, la grandeur, le mouuement, le lieu, le tems &c., en forte que, lors qu'on veut définir ces chofes, on les obfcurcift & on s'embarafle. Car, par exemple, ce- luy qui fe promené dans vne fale, fait bien mieux en-

2 5 tendre ce que c'eft que le mouuement, que ne fait celuy qui dit : ejlaéîus entis in potentia prout inpotentia, & ainfy des autres.

L'autheur prend pour règle de fes veritez le confen- tement vniuerfel; pour moy, ie n'ay pour règle des

3o mienes que la lumière naturelle, ce qui conuient bien

a. Sic dans l'autographe. Lire quelle.

�� � 598 Correspondance.

en quelque chofe : car tous les hommes ayant vne mefme lumière naturelle, ils femblent deuoir tous auoir les mefmes notions ; mais il eft très différent, en ce qu'il n'y a prefque perfonne qui fe férue bien de cete lumière, d'où vient que plufieurs (par exemple 5 tous ceux que nous connoiflbns) peuuent confentir a vne mefme erreur, & il y a quantité de chofes qui peuuent eflre connues par la lumière naturelle , auf- quelles iamais perfonne n'a encore fait de reflexion.

Il veut qu'il y ait en nous autant de facultez qu'il y 10 a de diuerfitez a connoiflre, ce que ie ne puis entendre autrement que comme fi, a caufe que la cire peut re- ceuoir vne infinité de figures, on difoit qu'elle a en foy vne infinité de facultez pour les receuoir. Ce qui eft vray en ce fens la; mais ie ne voy point qu'on i5 puiffe tirer aucune vtilité de cete façon de parler, & il me femble plutoft qu'elle peut nuire en donnant fuiet aux ignorans d'imaginer autant de diuerfes petites entitez en noftre ame. C'eft pourquoy i'ayme mieux conceuoir que la cire, par fa feule flexibilité, reçoit 20 toutes fortes de figures, & que l'ame acquert toutes fes connoiflances par la reflexion qu'elle fait, ou fur foy mefme pour les chofes intelleéluelles, ou fur les diuerfes difpofitions du cerueau auquel elle eft iointe, pour les corporelles, foit que ces difpofitions depen- 25 dent des fens ou d'autres caufes. Mais il eft très vtile de ne rien receuoir en fa créance, fans confiderer a quel titre ou pour quelle caufe on l'y reçoit, ce qui reuient a ce qu'il dit, qu'on doit touûours confiderer de quelle faculté on fe fert &c. 3o

Il n'y a point de doute qu'il faut auffy, comme il dit,

�� � CLXXIV. — i6 Octobre 16^9. ^99

prendre garde que rien ne manque de la part de l'ob- iet, ny du milieu, ny de l'organe &c., affin de n'eftre pas trompé par les fens.

Il veut qu'on fuiue furtout l'inftinc naturel, duquel il

5 tire toutes fes notions communes ; pour moy, ie dif- tingue deux fortes d'inftincs : l'vn eft en nous en tant qu'hommes &eft purement intelleduel; c'eftla lumière naturelle ou intuitus mentis^ auquel feul ie tiens qu'on fe doit fier ; l'autre eft en nous en tant qu'animaux, & eft

10 vne certaine impulûon de la nature a la conferuation de noftre cors, a la iouiflance des voluptez corpo- relles &c., lequel ne doit pas toufiours eftre fuiui.

Ses Zetetiques font fort bons pour ayder a faire les denombremens dont ie parle en la page 20 ; car, lorf-

i5 qu'on aura deuëment examiné tout ce qu'ils contie- nent, on pourra s'affurer de n'auoir rien omis.

Pour ce qui eft de la religion, i'en laifTe l'examen a M" de la Sorbonne, & ie puis feulement dire que i'y ay trouué beaucoup moins de difficulté en le lifant en

20 françois, que ie n'auois fait cy deuant en le parcou- rant en latin ; & qu'il a plufieurs maximes qui me fem- blent fi pieufes & fi conformes au fens commun, que ie fouhaite qu'elles puiffent eftre approuuées par la théologie orthodoxe. Enfin, pour concluûon, encore

2 5 que ie ne puifTe m'accorder en tout aux fentimens de cet autheur, ie ne laifle pas de l'eftimer beaucoup au deflus des efprits ordinaires. le fuis, Mon Reu"*^ Père, Voftre très humble & très affedionné feruiteur,

3o DESCARTES

Dui60a. 1659.

�� � 6oo Correspondance.

��CLXXV. Descartes a [Huygens?]

[Octobre lôSg.] Texte de Clerselier, tome III, lettre 7a, p. 417-424.

Sans nom ni date dans Clerselier. Une note MS. de Vexemplaire de l'Institut propose « M. de Zuylichem ou M. Schooten ». Dans le bateau de Harlem [voir p. 601, l. 3), Descartes pouvait aussi bien revenir de Leyde, où professait Schooten, que de la Haye, où Cons- tantin Huygens était rentre' le 12 octobre après avoir été' absent pendant l'été'. A première vue, on est conduit à penser qu'une lettre aussi exclusivement mathématique doit plutôt être adressée à unpro- fessionnel qu'à un amateur, et que l'occasion qui l'a fait écrire s'est plutôt présentée pour Descartes, che^ Schooten que che\ Huygens. Par contre, il y a à noter une curieuse coïncidence : dans son Dagboek, Huygens écrit à la date du 12 octobre i63g : Incipio febricitare ; or, à la fin de sa lettre. Descartes souhaite au des- tinataire une m parfaite délivrance de sa fleure ». D'autre part, les détails minutieux dans lesquels entre Descartes, contre son habitude ordinaire sur de pareils sujets, sont de nature à faire croire qu'il cherche à épargner toute peine à un correspondant qui ne l'entendra pas à demi-mot. Enfin Stampioen, demeurant à la Haye, pouvait avoir déjà,au moins indirectement, quelques relations avec Huygens, qui, cinq ans plus tard, devait lui confier la première instruction mathématique de ses deux fils aînés, Constantin et le célèbre Chris- tian Huygens. Il n'y a donc rien d'invraisemblable à ce qu'il ait reçu la réplique de Stampioen à Waessenaer, et que, si Descartes lui ren- dit visite sur ces entrefaites, il lui ait donné ce « papier ».

Quant à la date de la lettre, elle semble devoir être fixée vers la fin d'octobre i63g. Car Stampioen (voir page 610, l. 25) n'a pas encore consigné les « cent richedales » de la gageure, ce qu'il fit le S novembre; mais il les avait déjà offertes avant l'engagement pris devant notaire, le 20 octobre. Il faut cependant observer que Des- cartes parle (p. 604, l. 10) de la Nieuwe Stel-Regel de Stampioen (voir p. 582, l'éclaircissement sur p. SjS, l. 2S), comme si cet ou- vrage n'avait pas encore paru.

�� � III, 417-

��CLXXV. — Octobre 16)9.

��601

��Monfieur,

l'employay dernièrement vn quart d'heure, eftant dans le bateau de Harlem, à lire le papier que vous m'auiez donné en partant de chez vous ; & pour ce que vous ne l'auiez pas, ce me femble, encore lû^ & que ie promis de vous en écrire mon fentiment, ce fera le fujet de cette lettre.

Premièrement, la queftion du ïohanne Baptîila Ant. * eft tres-mal propofée. Car outre <que> la

���10

��première condition, à fçauoir que le canon ait autant de force contre le flanc ED" que contre la face DC, eft ambiguë, ou pluftoft n a point de fens intelligible,

a. La figure, qui manque dans Clerselier, est empruntée aux Aenmer- ckingen de Waessenaer (voir le premier éclaircissement, p. 612). Correspondance. II. 76

�� � 6o2 Correspondance. 111.417-418.

fi ce n'efl au regard de celuy qui l'a propofée, ce qui monftre clairement que c'eft le fleur (Stampioen)^; car il dit que cette force égale fignifie que Tangle E D C doit eftre diuifé en deux également par <la> ligne DA : ce qui ne peut toutesfois eftre vray, fi on ne fuppofe la 5 ligne ED égale à DC, ce qu'il ne fait pas. Et il eft éui- dent que, DC eftant plus longue que DE, & l'angle CD A eftant égal à EDA, le canon a moins de force contre le point C que contre aucun de ceux de la ligne ED, à caufe que l'angle DCA eft plus aigu que 10 l'angle DE A; & au contraire qu'il a plus de force contre toute la ligne D C que contre E D, à caufe que l'angle DAC eft plus grand que DAE; de façon que la proportio œqualis qui eft demandée ne s'y trouue point. i5

De plus, cette ligne DA qui diuife l'angle EDC en deux parties égales, ou en telle autre façon qu'on voudra, eftant trouuée, & le cercle CDGI qui paffe par le point A eftant aufli décrit, ce point A eft entiè- rement déterminé. | En forte que ce qui eft adjoûté par 10 après, a fçauoir que la ligne M N eft de trente-quatre verges fept pieds fept pouces, & que CA n'eft pas plus grande que foixante verges, ne peut feruir pour le trouuer, mais feulement pour connoiftre la gran- deur des lignes & des angles de l'ouurage à corne, 25 comme CD, CDE, &c. Et c'eft chofe entièrement im- pertinente, pour faire connoiftre la grandeur de ces lignes & de ces angles, de dire que C A ne doit pas excéder foixante verges; car cela n'empefche pas

a. (Stampioen)] N. Clers.; de même p. 6o3, 1. 2.

b. Mot omis par Clerselier; de même pour que, p. 601, 1. 9.

�� � III, 4>8- CLXXV. — Octobre 16^9. 60)

qu'elle ne puifle élire d'vne infinité de diuerfes gran- deurs au delTous de celle-là. Et le fieur (Stampioen) ayant derechef donné à cecy vne interprétation à fa mode, & qui ne peut aucunement élire tirée des

5 termes de la quellion, à fçauoir que ces foixante verges doiuent élire prifes pour le diamètre du cercle qui pafle par les points C, D, G, I, A, non feulement il fait voir que c'ell luy-mefme qui Tauoit propofée, mais auffi qu'il ne fçait pour tout" ce que c'eft que de

10 propofer ny de refoudre des queflions. Car, en cas que ce n'eu-l pas elle luy qui eull propofé celle-cy, il de- uoit, pour la refoudre, premièrement remarquer Tam- biguité de la première condition, & ayant dénombré tous les fens qu'on luy peut donner, l'expliquer félon

i5 chacun d'eux. Apres cela, il deuoit monllrer l'imper- tinence de la troifiéme, à fçauoir que la ligne AC ne doit pas élire de plus de foixante verges, & dire qu'elle ne fert de rien à la quellion, qui eft feulement de trouuer le point A, & non de mefurer l'ouurage à

20 corne ; car ce point A fe trouue fans elle. Mais, au lieu de cela, il s'en fert pour déterminer la grandeur de la ligne EF ou DC, laquelle n'elloit pas demandée, & s'en fert d'vne façon fort ridicule, en fuppofant que le diamètre du cercle C D G 1 A ell de foixante verges ;

25 comme fi le Capitaine qui veut drefler vne batterie au point A, pouuoit fuppofer ce diamètre, & en fuitte faire la grandeur des lignes EF & DC à fa volonté. Car, en fuppofant ce diamètre de cinquante -neuf verges, ou bien de quelque peu plus de foixante, il

3o fatisferoit tout auffi bien aux termes de la quellion,

a. Lir? pourtant ? \Ed.)

�� � 6o4 Correspondance. 111,418-419.

qu'en la fuppofant | iuftement de foixante ; mais ces lignes EF & DC fe trouueroient autres. C'eft pour- quoy, pour bien faire, il deuoit fuppofer, non le dia- mètre du cercle CY, mais l'infcrite CA de foixante verges, & par là chercher C D, & dire en fuitte que 5 CD ne pouuoit eftre plus grande que la quantité qu'il euft trouuée par ce moyen, mais qu'elle pouuoit bien eftre moindre. Or toute fa folution prétendue ne con- tient autre chofe que cela, excepté qu'il promet de monftrer en fon nouueau Liure*, tant par les fedions 10 d'vn cube que par les feétions d'vn cône, que la face

IG eft 28-^ v^26j-!-, ce qui eft derechef tres-im-

pertinent*; car fi elle s'explique par ces nombres, il n'eft nullement befoin de fedions coniques, ny de cubes, pour la trouuer, & mefme ce feroit vne faute i5 que de les y employer, d'autant que le problème eft plan. Et le bon homme fait affez voir par là qu'il ne fçait pas feulement la difterence qui eft entre les pro- blèmes plans & les folides; mais qu'ayant oûy dire que d'autres refoluoient les équations cubiques par 20 les feftions des cônes, il a mis cela pour faire croire qu'il en fçauoit la façon. En quoy il s'eft tellement mépris, que cela mefme fait voir qu'il l'ignore.

L'autre queftion, fuppofant les mefmes chofes que la première, contient auffi les mefmes erreurs ; & ie ne «5 voy rien du tout, ny en la propofition, ny en la folu- tion de l'vne ou de l'autre, qui témoigne tant foit peu d'efprit ou de fçauoir; mais elles font entièrement ineptes & puériles.

Pour ce qui eft du fîeur Waflenaert, il n'y a rien à îo

a. Algebra o/te Nieuwe Stel-Regel {i6ig). Voir plus haut p. 583, 1. i.

�� � in, 4i9-4»o- CLXXV. — Octobre 1659. 605

redire en fon Efcrit, linon qu'il a elle trop courtois enuers le fieur lean Baptifte & le fleur St(ampioen), en ce que, fans s arreller à reprendre leurs fautes, il a receu pour bon tout ce qu'ils auoient dit, & s'ell con- 5 tenté d'adjoûter ce que le dernier auoit obmis; de quoy il s'ell très-bien acquitté; & ce, en fuiuant de mot à mot les règles de ma Géométrie, pages j8o, 381, J82, &c., comme il a voulu faire paroillre, en fe feruant mefme de mes notes*. De façon que, s'il a

10 failly, c'ell à moy à en répondre, & ie n'y auray pas beaucoup de I peine; car tout ce dont on l'accufe, efl feulement qu'il n'a pas donné la façon de trouuer le nombre 57 en la première folution, & tout de mefme, en l'autre, les nombres 2,3, &c.* Touchant quoy, il

1 5 faut premièrement remarquer le bon iugement du fieur St(ampioen) qui , n'ayant rien du tout à dire contre le fieur Waflenaer, finon qu'il auoit obmis quelque chofe en fa folution, 'appelle cela*...., fans con- fiderer que, fi l'autre doit receuoir tant d'injures pour

20 auoir obmis quelque chofe, luy mérite pour le moins le fouet, pour en auoir obmis beaucoup dauantage en fa prétendue folution, qui ne contient rien du tout que le fait^ qui fuit de fes faulTes fuppofitions; & tou- tefois il la nomme wifconjlighe ^ &c. De plus, s'il re-

2 5 prend fi rigoureufement vne fimple omiffion, que luy doit-on faire pour deschofes^'fi lourdes & fi groflieres, comme celles que i'ay remarquées cy delTus? le dis, pour des fautes qui font tres-apertement fautes, au lieu que ce qu'il reprend ne peut élire appelle vne

a. Descartes a dû écrire « le/acit », c'est-à-dire la construction.

b. choses] fautes (Inst.).

�� � 6o6 • Correspondance. 111,420-421.

omiffion, qu'au regard de ceux qui font extrêmement ignorans. Tout de mefme que, lors qu'on fuppofe des Théorèmes d'Euclide, fans les demonftrer, en quelque propofition de Géométrie, ce font véritablement des omiffions au regard de ceux qui les ignorent, mais 5 elles ne font nullement reprehenfibles pour cela, & celle-cy ne l'eft pas dauantage. Car tout ce que le fieur Waflenaer auoit à faire, puis qu'il entreprenoit feulement d'adjoûter ce que le fieur St(ampioen) auoit obmis, & non point d'examiner ce qu'il auoit mis, 10 c'eftoit de donner l'équation x^ — 2700.V+ 3 129^ co o, & de connoiftre qu'encore que cette équation fuft cubique, le Problème ne laiiToit pas d'eftre plan, à caufe qu'elle fe pouuoit diuifer par x+ 57, & en fuitte d'en donner les vrayes racines 28-^+ ^ lôj —, & i5

284 s/26^ -, ce qu'il a fort bien fait.

Et le principal de cette folution confifle en ce que, lors que, l'équation eflant cubique, le Problème eft plan, l'vne des racines, vraye ou faufle, doit necef- fairement eflre vn nombre rationel ou abfolu (à fça- 20 uoir la fauffe en tel cas que | celuy-cy); ce qui eft vn Théorème que ie ne m'eftonne pas que le fleur St(am- pioen) ait ignoré ; car ie ne fçache point qu'il ait efté remarqué par perfonne, auant la publication de ma Géométrie. Mais ie m'eftonne de ce qu'il dit, que c'eft 25 en l'inuention de ce nombre abfolu que confifte la difficulté. Car, encore que le refte de fon difcours fafl^e affez voir qu'il ne manque point de hardieft'e, ie ne croy pas neantmoins qu'il en euft affez eu pour dire cela, s'il auoit fceu qu'il y a vne pratique vulgaire 3o pour trouuer les racines de toutes fortes d'équations.

�� � m. 4î'. CLXXV. — Octobre 1639. 607

lors qu'elles font des nombres rationaux, qui a elle receuë depuis trente ans par tous ceux qui fe font mêliez de l'Algèbre; en forte que "WafTenaer a eu au- tant de raifon de la fuppofer, fans la mettre dans fa fo-

5 lution, qu'on en a d'obmettre les demonllrations des Théorèmes d'Euclide. Mais ie iuge à peu prés ce que le fieur St(ampioen) a voulu dire, à fçauoir que cette pratique vulgaire procède à tâtons, à caufe qu'elle fait examiner les parties aliquotes du nombre abfolu^,

10 pour effayer fi la diuifîon de toute l'équation fe peut faire par quelqu'vne d'elles ; & il voudroit qu'on luy donnait quelque règle, par laquelle on paniinft direc- tement à l'inuention de cette racine. A quoy on peut répondre que ce n'eft point procéder à tâtons, que de

i5 confiderer les parties aliquotes d'vn nombre, lors que c'eft d'elles que dépend la queftion, ainfi qu'il arriue en ce cas ; car les racines des équations cubi- ques, ou plus hautes, ne font point des nombres ra- tionaux de leur nature, mais feulement quelquefois

20 par accident, lors qu'il arriue que les termes de cette équation font des nombres qui ont certaines parties aliquotes ; et qu'il arriue fouuent aux opérations d'A- rithmétique, qu'il faut ainfi effayer plufieurs nom- bres, comme en la diuifion, en l'extraélion des racines

ï5 quarrées, en l'inuention des nombres parfaits, qui eft mefme vne règle d'Euclide. Et enfin, bien qu'on pull donner d'autres règles, pour trouuer ces racines rationelles, aufquelles on ne pourroit rien objeder de femblable, toutesfois, à caufe qu'elles ne font

3o point neceffaires, & mefme qu'elles font fouuent

a. C'est-à-dire du terme indépendant de x.

�� � 6o8 Correspondance. ni, 411-4»».

plus I difficiles à pratiquer que la commune, on les néglige.

Pour fon inftance, à fçauoir que le fieur Waflenaer luy donne donc tout de mefme vn nombre abfolu pour la racine de x' — 2700 x -\- j 1 28) ", (ou bien en l'autre 5 équation, y ayant mis 1 18801 , au lieu de 1 18800), elle efl hors de propos : car on peut bien, par la mefme façon qu'on a trouué la racine 57, trouuer qu'il n'y en a point de rationelle en ces équations, mais non pas faire qu'il y en ait; & fa nouuelle règle fera fort 10 merueilleufe, fi elle peut trouuer ce qui n'eft point dans la nature.

Mais il eft aifé à voir que ce ieune homme tafche à acquérir de la réputation à faufles enfeignes, & fans auoir aucune fcience pour la mériter. Car, defirant fe 1 5 îaire valoir, comme fon Efcrit témoigne affez qu'il le defire, & Waflenaer luy en ayant offert quelque occa- ûon, en propofant vne petite queftion qu'il a mife à la fin de fa folution, & qui fe peut aifément refoudre par ce qui eft défia dans les Liures, fans fa nouuelle règle, 20 il s'excufe d'y répondre, en difant qu'elle a efté pro- pofée au fieur lean Baptifte, & non pas à luy, c'eft à dire, à fon mafque, & non pas à fa perfonne. Ce qui me fait fouuenir du Capitan de la Comédie, qui, après auoir menacé quelqu'vn de le tuer de fon regard, 2 5 comme vn bafilic, ou de le poufler du pied iufqu'aux enfers, en reçoit patiemment des coups de bafton fans fe défendre, difant qu'il ne fait que chaflTer la

a. Clerselier donne le nombre 3 1293, c'est-à-dire le même que plus haut, p. 606, 1. Il, ce qui ne convient point. Pour la restitution 3iî83, voir plus loin p. 610, 1. i3.

�� � iir.4ïj-4i3. CLXXV. — Octobre 1639. 609

pouffiere de fes habits^ & qu'il ne touche point à fa peau.

Au refte, fi le fieur Waffenaer veut mériter les cent richedales que l'autre luy oâfre*, en cas qu'il luy 5 monftre en gênerai cette règle pour trouuer le nombre abfolu par lequel on doit diuifer l'équation cubique propofée, pour ce qu'il ne fe contenteroit peut-eftre pas de la vulgaire, & qu'il diroit qu'elle procède à tâ- tons, il luy peut enfeigner celle-cy :

10 Lors qu'on a vn cube, — certain nombre de racines, 4-vn nombre abfolu, égal à rien, ainfi qu'au cas pro- pofé, il faut prendre la racine du premier nombre cube qui efl plus grand que le nombre abfolu adjoûté au nombre des racines, & par elle multiplier le nom-

i5 bre des racines; puis derechef | prendre la racine du premier nombre cube qui excède le nombre abfolu adjoûté au nombre produit par cette multiplication, & repeter cette opération, iufques à ce que le nombre abfolu, adjoûté au nombre produit par la multiplica-

2û tion du nombre des racines, fe trouue ou égal ou moindre que le cube du nombre par lequel le nombre des racines a elle multiplié : car on ne peut manquer de paruenir enfin à vn nombre égal, ou moindre ; & s'il eft égal, ce nombre eft le cherché; mais s'il efl moin-

25 dre, on connoift par là qu'il n'y a aucune racine ratio- nelle en l'équation, ny par confequent auffi aucune autre qui fe puiffe expliquer fans les corps folides, ou chofes équiualentes.

Ainfi, ayant x^ — 2700 x -f- 3129^ 00 o, i'adjoûte

3o } 1 295 auec 2700, ce qui fait j 399^ , dont la racine cu- bique eft plus grande que j 2 ; c'eft pourquoy ie prens

Correspondance. II. -rr

�� � 6ïO Correspondance. m, 413-424.

jj, qui eft la racine du premier nombre cube plus grand que ^3993, & ayant multiplié 2700 par 33, il vient 891CX), que iadjoûte auec }i2^y, ce qui fait 120^9), & la racine du premier nombre cube plus grand que celuy-là eft 50. C'eft pourquoy ie multi- 5 plie derechef 2700 par 50, & i'adjoûte le produit à ^1293, ce qui fait 166293 *** & la racine du premier nombre cube plus grand que celuy-cy eft ^7. C'eft pourquoy ie multiplie 2700 par 57, & adjoûte 31293, ce qui fait 185 193, dont la racine cubique eft iufte- 10 ment 57 ; & par là ie connois que l'équation propofée fe peut diuifer par x ■{- i^j. Que fi on a x^ — 2700 x -f 3 1283 ^ co G, on multipliera tout de mefme, fuiuant cette règle, 2700 par 33, puis par 50, par 'j<j,&. enfin par ^7; mais à caufe que le nombre produit par i5 laderniere multiplication & addition, à fçauoir 18 5 183 , eft moindre que le cube < de> ^7, cela monftre qu'il eft impoiTible de diuifer cette équation par aucun nombre rationel.

Et on peut aifément appliquer cette mefme règle à ?o tous les autres cas des équations cubiques, & mefme aufli à toutes les autres équations, en y adjoûtant quelque peu de chofe pour^ les varietez des fignes + ou — , en forte qu'elle eft tres-generale. Et fi le fieur St(ampioen) eftoit aifez hardy pour mettre ces cent 2 5 richedales entre les | mains de perfonnes neutres*, qui fuifent capables de iuger des coups, il eft certain qu'il les perdroit; mais ie m'affure qu'il ne s'yhazar-

a. Clerselier imprime ?i28 et plus loin il. i6). i8i83 au lieu de i85i83. Les corrections apportées sont nécessaires.

b. Clers. par.

�� � 111,424. CLXXV. — Octobre 1639. 611

dera pas ; & en effet il n’en tireroit pas grand profit. Car, bien que cette règle foit entièrement méthodique, & propre à fermer la bouche de ceux qui difent qu’on ne trouue ces racines rationelles qu’à tâtons, elle eft

5 toutesfois d’ailleurs inutile, à caufe qu’on les peut toufiours facilement trouuer fans elle. Et i’aurois crû fort mal employer le papier de ma Géométrie, fi ie l’auois remply de telles chofes ; auffi que c’eftoit de la Géométrie que i’écriuois, & non pas de l’Arithmetique, à laquelle seule appartient cette règle. le ne pensois pas vous deuoir entretenir û long temps sur cette matière; mais il me semble qu elle n’est point serieuse, ny ne requiert point tant d’attention, qu’elle puisse augmenter le mal de voftre fiéure, de laquelle ie vous fouhaitte vne parfaite déliurance, & fuis, de tout mon cœur,

Monsieur,

Vostre tres-humble & tres-obeissant seruiteur,

DESCARTES.

Page 601, 1. 9. — Clerselier imprime Art. Il taut lire Ant., c’est-à-dire Antverpensis, d’après le titre du placard visé par Descartes :

« Questie aen de Batavische Ingénieurs, voorgestelt door lohan Bap- » tista Antverpensis. Volghens het spreech-jvoordt : Laet Konst blijcken, » Met goet betvys. [i638] ’. »

Stampioen le jeune (voir plus haut, p. 58 1, éclaircissement sur p. 578, 1. 25) répondit aussitôt à la double question qu’il avait posée lui-même, en se cachant sous le masque du Jean-Baptiste d’Anvers :

« Solutie op de Questie aen de Batavische Ingénieurs voorghestelt door » lohan Baptista Antverpensis [1638] ". »

a. Question aux Ingénieurs bataves, proposée par Jean-Baptiste d’Anvers, selon le dicton : « Montre ton art, avec bonne preuve. »

b. Solution de la Question aux Ingénieurs bataves proposée par Jean-Baptiste d’Anvers. Une autre réponse, empruntée aux règles de la Géométrie de Descartes, y fut faite la même année par Waessenaer ; c’est l’écrit (perdu), dont parle plus haut Descartes (p. 604-607).

Stampioen répliqua par un papier qui est probablement celui que Descartes lisait sur le bateau d’Harlem.

« Openbaeringe der Valscker Practycken ghepleeght door lacobits a » Waessenaer, Landmeter ’s Hoofs Provinciaal van Utrecht, over Met » on-wis-constigh nae-botsen der Solutie, ghedacn door Inhan Stampioen » de longhe, op het Antwerpsch Vraeghstiick anno i638’. » (La Haye, i638, 12 pages in-8).

Il compléta aussi sa propre solution dans un opuscule auquel Descartes peut faire allusion, (p. 6o5, 1. 24) :

« Wis-constige Ontbinding over het Antwerpsch Vraegstuck to-ge- » eyghendt aile Lief-Hebbers der Wis-Const. Door lohan Stampioen » d’ longhe Mathematicus : s’ Graven-Hage, ghedruckt ten Huyse von den » Autheur, anno 1636’". »

Entre temps, parut VAlgebra ou I^iemue Stel-Regel de Stampioen (voir plus haut, page 582), qu’il avait annoncée et vantée dans les opuscules mentionnés ci-dessus. Pour riposter à son adversaire, ’Waessenaer devait naturellement s’attaquer à cet ouvrage ; c’est ce qu’il fit, postérieurement à la date de cette lettre, dans un opuscule auquel Descartes a collaboré et qui par suite, sera reproduit dans cette édition :

« Iacobi a Wassenaf.r Aenmerckingen op den Nieuwen Stel-Regel van » lohan Stampioen d’Jonge. Cortelick vervattende ende uytlegende aile ’t » gène te leeren is uyt den voorsegte nieuwe Stel-Regel ende aile andere » Schriften door den selven Stampioen tôt nu toe uytgegeven’ (Tôt Ley- » den by lan Maire, 1639, 59 pages in-4). »

Suivirent, au cours de la dispute :

I. I. Stampioenii Wis-KONSTiGH ENDiî Reden-M AETiGH Bewijs. Op den Re- ghelfol. 2 5, 26 en 2j van sijn Boeck ghenaemt den Nieutuen Stel-Regel (s’Graven-Hage, ten Huyse van den Autheur in Sphera Mundi, 1640, in-4).

a. Mise au jour des fausses pratiques employées par Jacob von Waessenaer, Arpenteur de la Cour provinciale d’Utrecht, à l’occasion de sa contrefaçon non-mathématique de la solution fournie par Jan Stampioen le jeune pour la Question d’Anvers de i638.

b. Analyse mathématique de la question d’Anvers, dédiée à tous les amateurs de la Mathématique, par Jan Stampioen le jeune. Mathématicien (La Haye, imprimé chez l’auteur, 1638).

c. Jacob van Wassenaer. Remarques sur la nouvelle Méthode de Jan Stampioen le jeune, comprenant et exposant brièvement tout ce qu’il y a à savoir de la nouvelle méthode précitée et de tous les autres écrits publiés jusqu’à présent par le même Stampioen (Leyde,chez Jan Maire, 16391.

d. J. J. Stampioen. Démonstration mathématique et rationelle de la règle f’ 25, 26 et 27 de son livre intitulé Nouvelle Méthode. ;La Haye, chez l’auteur, à la Sphœra Mundi, 1640.1 CLXXV. — Octobre 1639. 613

Enfin un second écrit de Wacssenaer, auquel Descartes collabora comme au premier et que nous reproduirons également :

« DtlN On-wisskn Wis-konstenaer I. I. Stampioenius ontdf.ckt. Door y sijne ongegronde Weddinge ende mis-lucte Solutien van sijne eygene » Qtiestien. Midtsgaders Eenen generalen Regel om de Cubic-wortelen « ende aile andere te trecken uyt twee-namighe ghetallen : dcwelcke voor I) dcsen nict bckent en is geweest. Noch de Solutien van twee sware Geo- » metrische Questien door de Algebra : dienstich om aile andere te leeren " ontbindcn. Door lacobus à Waessenaer, Landmeeter tôt Vytrecht. (Tôt » Leyden, gedruckt by Willem Christiaens voor lohannes Maire, 1640, )i 88 pages in-4) '. »

Les Aenmerckingen de Waessenaer fournissent des renseignements très complets sur le sujet de la présente lettre ; on y trouve en effet : p. ?o, la figure que nous avons reproduite (ci-dessus, p. 601) et les deux ques- tions posées; p. 3i-39, la solution de la première; p. 39-42, celle de la seconde. Nous ne donnerons ci-après que des traductions, le texte hol- landais devant être intégralement reproduit dans cette édition, à titre d'Œuvre de Descartes, ainsi que nous l'avons dit.

Voici donc la première question de lean-Baptiste d'Anvers, la seule que Descaries examine :

« I. Un officier, conduisant une approche vers un ouvrage à cornes » sans défense d'eau, figuré ci-contre sous la lettre H [voir la figure » p. 601], est arrivé avec ses tranchées très près du fossé, et veut établir » une batterie royale sur la droite de l'ouvrage en A, pour battre de flanc n E D et D C, de telle manière que la forc€ du canon fasse autant sur la » face que sur le flanc, à savoir : proportio œqualis. Que, de plus, les » deux tracés CD et GI et l'intervalle D G, qui sont tous trois égaux » entre eux, puissent être battus d'autant de coups ; et qu'enfin la distance » de la batterie A au point C ne soit pas supérieure à 60 verges, soit 600 » pieds. La largeur de l'ouvrage à cornes, MN ou OP, est donnée de » 34 verges, 7 pieds, 7 pouces. Question. Que faut-il faire ?

La seconde question, à laquelle Descartes se contentera de faire une brève allusion (p. 604, 1. 24), est la suivante (les puissances sont exprimées par la répétition de la lettre) :

« Item. La /ace du même ouvrage à cornes fait autant que les deux » grandes valeurs de a, dans l'équation

a. La sottise du mathématicien J. J. Stampioen révélée par son impru- dente gageure et ses solutions manquées de ses propres questions. Comme aussi une règle générale pour extraire les racines cubiques et toutes autres des expressions binômes; laquelle règle n'a pas été connue jusqu'à pré- sent. Enfin les solutions par l'algèbre de deux difficiles questions de Géo- métrie, utiles pour apprendre à résoudre toutes autres. (Leyde, imprimé chez Willem Christiaens pour Jan Maire, 1640.)

�� � u" -j- 875 a’ + 3470 a* -\- 20604a’ -|- 104040 a — 5 a’ + 147a» + 28182 a’ + 1 18800.

» et la distance ACest inférieure à 600 pieds; les autres conditions res- » tant les mêmes que ci-dessus. Question. Quelle est la largeur de l’ou- » vragc à cornes, et quels sont les autres éléments, comme dessus ? »

En fait, les conditions, dont Descartes critique à bon droit 1 énoncé, sont les suivantes : i" le point A doit cire situé sur la bissectrice de l’angle EDC; 2" on doit voir du point A sous le même angle les droites CD, D G. GI, supposées égales et formant entre elles des angles, C D G. D GI, égaux. A doit dès lors être sur le cercle passant par les quatre points C, D, G, i.

Soit rf le rayon de ce cercle, p la distance CI. ^ la longueur C D. ? l’angle CAD = DAG = GAI. On a immédiatement : p = 1/ sin 3 p. q ^= d sin 9 ; d’où l’on tire :

(l) ^q’’-^qd’+pd*^0

D’autre part : A C = <f sin (? -j- &) = ph (? + ï^à^ ^—ï^ ) •

��^4

��Si l’on pose la condition AC <C m, on est conduit, en éliminant d, à l’iné- galité :

(2) ?’ — (3 miy-T+p) q-+ m{3 m --pl/’T) q — m* p’>o,

sous les hypothèses 3 p < ? < w 1/2-

Descartes ne s’exprime donc pas très exactement en disant (p. 604, 1. 6) que CD ne peut être plus grande que la quantité trouvée par ce moyen, c’est-à-dire en égalant (2) à o, et en résolvant par rapport à q. L’équation a en effet trois racines positives, dont la plus petite est supé- rieure à -j p,ei la plus grande seule supérieure à m \^2 . Par suite q pourrait varier arbitrairement entre la plus petite racine et l’intermédiaire. Mais sa limite supérieure doit être abaissée à p {y’i — i), pour que A ne vienne pas tomber entre I et G.

P. 604, 1. i3. — Aa lieu de procéder comme nous venons de l’indiquer, Stampioen se donnait d = 60 exp = 34,77 (’^ verge valant 10 pieds, et le pied io pouces). L’équation (i) ci-dessus devient dès lors :

(3) q^ — 2700 q + 3i 293 — o.

Stampioen avait choisi p de façon que cette équation eût une racine entière, — Sy, à écarter comme négative. L’équation se rabaisse donc au second degré, et devient :

^ ’ — 37 </ -f 349 — o. d’oii </ — 28 ^ + 1/263 i.

Le signe -f doit être écarté, pour la possibilité de la figure. C’est ainsi que kampioen arrivait à la valeur indiquée par Descartes.

P. 6o5, 1. 9. — C’est-à-dire « de mes notations ». Au reste, dans la preCLXXV. — Octobre 1639. 615

mière partie des Aenmerckingen, Waessenaer, tout en respectant l'ano- nymat des Essais, mentionne fréquemment (p. 4, 10, n, i5, 21, etc.) la Fransche Géométrie gedruckt lot Leyden by lan Maire 'tjaer lôSj.

Page 6o5 1 14. — Waessenaer indique en effet la racine entière, — 5;, de l'équation (3) ci-dessus, sans dire comment il l'a trouvée. Quant aux « nombres 2, 3, etc. », il s'agit de même des solutions entières de 1 équa- tion en a qui constituait la seconde question de Stampioen (voir plus haut). Cette équation, évidemment composée à plaisir, admet en effet les racines: -a, + 3, 4- 5,-6,+ 10,- .i,et3 ±1/3.

P 6o5 1 18. — Nous avons remplacé par des points une parenthèse de Clerselier : « [c-esioit du Flamand) ». Comme il a, un peu plus bas (1. 24), conservé un mot de cette langue, msconstighe, il devait ici y en avoir plusieurs. Et de même que msconstighe dérive, à ce qu'il semble bien, du titre, commençant par ce mot, d'un opuscule de Stampioen (voir plus haut, p. 6.2, al. 5), on peut admettre que Descartes avait cité les expres- sions les plus injurieuses (Valscher Practycken et on-ms-constigh nae- botsen) du titre des Openbaeringe {ib., al. 3).

P 609 1 4. — Waessenaer rapporte tout au long ce défi de Stam- pioen, p. '42 des Aenmerckingen. Stampioen alla plus loin; le 20 octobre i639 il s'engagea, par devant notaire, à mettre entre les mains de Nicolas Dede'l, professeur de droit à l'Université de Leyde, et alors Recteur ma- gnifique, une somme de 600 guldens (240 rixdales), pour les pauvres de la ville, en cas qu'il perdît sa gageure. L'acte notarié a été publié par Bierens de Haan, p. 80-81 de ses Bouwstoffen voor de Gef^chiedenis der Wis-en- Natuurkundige Wetenschappen (Amsterdam, MûUer, 1887).

p 610 1 7 _ Il y a ici une lacune, non apparente dans Clerselier, et qui doit provenir soit d'une omission à l'imprimerie, soit d'une faute de copiste, plutôt que d'une inadvertance de Descartes. Car 1 existence d une signature à la fin de la lettre fait supposer qu'elle n'est pas donnée d après la minute, et en tout cas, il n'y a certainement pas eu d'erreur de calcul de la part de Descartes, qui indique plus loin la multiplication par 55 (1. 14). Voici au moins comme sens ce qu'il faut restituer :

& la racine du premier nombre cube plus grand que celuy-cy ell ^ 5. C'est pourquoy ie multiplie 2700 par 5 ^ , & i'adioufte le produit à } 1 29^ ; ce qui fait 179793 •

Le procédé indiqué ici par Descartes, pour la recherche, par approxi- mations successives, de la valeur d'une racine entière de l'equation : r^-ax + b = o, n'est applicable que si cette racine est négative. Il est aisé de le modifier pour le cas où la racine cherchée est positive. Mats il n'offre pas d'intérêt pratique.

�� � 6i6 Correspondance.

CLXXVI.

Regius a Descartes.

Utrecht, [octobre-novembre lôSq]. [A. Baillet;, La Vie de Monsieur Des-Caries, tome II, p. 36 et p. 54-55.

D'après les résumés de Baillet, il était question au moins de deux choses dans cette lettre : A, une publication récente sur la circulation du sang; B, l'affaire Stampioen-Waessenaer , dont on trouvera le détail lettre CLXXXII, à Mersenne, du 29 janvier 1640, (Clers., t. II, lettre XXXV).

A '< L'opinion de M. De/cartes fur la circulation du fang l'avoit mife en grand crédit parmi les Sçavans; et elle avoit merveilleufe- ment contribué à rétablir fur ce fujet la réputation de Guillaume Harvée, qui s'était trouvée mal-traitée par les fatyres et le décri de divers Médecins des Pays-Bas, la plupart ignorans ou entête'^ des anciennes maximes de leurs Faculté^. C'efî ce qui fit que le Public reçût ajfei mal ce que deux Médecins, nomme\ Parifanus et Prime- roftus, firent imprimer à Leyde che- le Maire (en marge : Lettr. 6 MS. de Reg. à Desc), 7'ers le mois de Septembre de cette année, tou- chant la circulation du fang, contre lefentiment de Harvée*^. » (Baillet rappelle ensuite le débat qui eut lieu à ce sujet entre Plempius et Descartes en i638. Voir lettres C et CVII, t. \, p. 496 et 52 1, et lettres CXV et CXVII, p. 52 et 62 ci-avant).

B « Cependant il étoit arrivé un fâcheux contre-tems au fieur Waeffenaer, lorfqu'il fut quefiion de fe rendre à I.cyde, oit l'on avoit tranfporté le bureau de cette affaire. (En marge : Lettre 6 de Reg. MS.) // étoit tombé dangereufement malade fur la fin d'Octobre d'une fauffe pleur éfte, accompagnée d'une très-grande difficulté de refpirer. Le mal le réduifit fort bas, et le conduifit fort avant dans le mois de Novembre. De forte que M. Regius, qui étoit fon Médecin, fe crut

a. Guilielmi Harveii, Angli, medici Regii, in Londinensi medicoriim collegio professoris anatomice, de motu cordis et sanguinis in animalibus anatomica e.xercitatio. Ciim refittationibus .Emilii Parisani, Romani, philosophi, ac medici Veneti ; et Jacobi Prîmirosii, in Londinensi collegio doctoris medici. (Lugduni Batavorum, ex officina .Toannis Maire, lôBq).

�� � II, i89- CLXXVII. — ij Novembre 16^9. 617

obligé d'en écrire à M. De/cartes, et d'en informer même Mejjieurs de Leyde, afin qu'on ne crût pas qu'il eût pris ce prétexte pour ne pas fe trouver à V ajjïgnation donnée de fa part au fieur Stampioen, et qu'il fe fût défié de la bonté de fa caufe. Il ne luy fut pas aujji aifé de confoler fon Malade, que ce contre-tems chagrinait plus que la dou- leur du mal. Il n'en pût venir à bout qu'en luj repréfentant que M. WaeJfenaer,fon Père, pourrait aller à Le/de, s'il en était befain, pour la conjignatian de fan argent, et pour y tenir toutes chofes en bon état devant les Juges et la Partie, jusqu'à ce qu'il fût rétabli. »

��CLXXVII.

Descartes a Mersenne.

[i3 novembre lôSg.] Texte lie Clerselier, tome H, lettre 33, p. 189-193.

Sans date dans Clerselier; mais elle a été écrite, comme elle se trouve imprimée, entre la lettre XXXII, du 16 octobre 1 63 g, et la lettre XXXIV, du sS décembre. Déplus, Mersenne ne l'avait pas en- core reçue le jz nov.; mais ily répondit le 4 décembre [lettre CLXXIX ci-après, Clers., II, ig5-ig8). Enfin, Descartes parle d'un fait qui s'est passé le g tiov. (p. 620, l. ijS-18), « depuis vajire lettre écrite », ajoute-t-il. En admettant qu'il ait répondu à Mersenne aussitôt sa lettre reçue, la présente serait du dimanche i3 au lundi 14 novembre. En tout cas, elle ne saurait être postérieure de plus de huit jours.

Mon Reuerend Père,

L'Inuention de la Pompe, dont vous m'écriuez", ne m'a point trompé ; car elle fera fans doute moins du- rable & moins vtile pour Tvfage, que fi on faifoit monter l'eau à vingt toifes par interruption, c'efl à dire qu'on employaft vne pompe ou autre machine

a. Voir plus haut page Djlî, 1. 8, et p. 389, 1. 14.

Correspondance. li. 78

�� � 6i8 Correspondance. n, 189-190.

pour les deux ou trois premières toifes, puis vne au- tre pour les deux ou trois fuiuantes, &c. Et la force qui feroit mouuoir toutes ces machines; pourroit eftre au haut en F ou D, tout de mefme qu'en voftre fi^re^. La raifon pourquoy l'interruption vaudroit mieux, eft 5 que le cuir qui eft au deffous doit porter toute vne co- lomne d'eau de la hauteur de vingt toifes ; ce qui eft vn li grand poids, qu'il ne peut durer long-temps fans fe creuer.

Pour les Cors noirs, vous fçauez que ie ne conçoy 10 autre chofe, par la Lumière qui donne contre ces cors, que l'aftion, ou l'inclination à fe mouuoir vers eux, qu'ont les parties de la Matière fubtile qui font pouf- fées, par les cors qu'on nomme lumineux, vers ces cors qu'on nomme noirs. Or cette adion peut eftre amortie 1 5 parles parties de ces cors noirs, à caufe qu'elles la reçoiuent en elles-mefmes& nela renuoyent point, au lieu que les parties des cors blancs ne la reçoiuent point en elles, mais la renuoyent : ainfi qu'vne tapif- ferie reçoit en foy le mouuement de la baie qu'on 20 pouffe contre elle, & pour ce fujet ne la renuoye point; mais vne muraille dure, qui n'eft aucunement ébran- lée par cette baie, ne le reçoit point; c'eft pourquoy elle la fait réfléchir.

Vous auez très bonne raifon de maintenir que'^, 25 dans le Vuide mefme, s'il eft poffible, vne pierre iroit plus lente I ment ou plus vifte, félon quelle auroit efté

3 ces] les (Clers.}.

a. Voir plus loin Iciiru CLXXIX. [Clers., II. 197,.

b. Voir plus haut, lettre CLXXIV, page Sgo, art. 1 .

c. Voir plus haut, page 592, art. 9.

�� � II. Kjo. CLXXVIl. — ij Novembre 1659. 619

mue lentement ou ville. Et il n'y a nulle apparence de dire que fon mouuement ne peut élire déterminé à élire plus lent ou plus ville, que par les diuers empef- chemens du milieu : car fi cela elloit, la mefme pierre 5 iroit toufiours d'vne mefme vitefie dans le mefme air, à caufe qu'elle y trouue toufiours les mefmes empef- chemens; mais cela ell contre l'expérience &c.

Pour les Pierres qui femblent du bois brun*, ce n'ell rien d'extraordinaire ; & il y a des endroits en

10 Bretagne, où i'en ay veu quantité de cette forte.

le vous remercie de voftre offre pour la graine de l'Herbe Senfitiue. Ils ont eu de cette Herbe au lar- din de Leyde; mais la graine n'y a pu meurir, & on dit qu'il feroit maintenant temps de la femer. le ne fe-

i5 rois pas marry aulfi d'auoir vn Catalogue des Plantes rares qui font dans le lardin Royal, s'il fe pouuoit auoir facilement ; & fi on en veut vn, en reuanche, de celles qui font au lardin de Leyde, on m'a offert de me le donner.

îo Pour les Bluëttes d'Air ou de Feu*^, vous en pou- uez mieux iuger que moy, à caufe que vous les auez veuës ; mais il faut remarquer que la Refraélion ou Reflexion, qui arriue en quelques nues fort hautes, peut faire que les rayons du Soleil paruiennent à l'œil

a5 plus d'vne heure ou deux après qu'il ell couché.

Pour celuy qui dit que ie vais au Prefche des Calui- niltes*^, c'eft bien vne calomnie très pure ; & en exami-

a. Lettre CLXXIV, p. bgb, art. i.

b. Ib., art. 2.

c. Ib., art. 3.

d. Cf. p. 585, 1. 27, et p. 5gi,art. i.

�� � 620 Correspondance. n. 190-191.

nant ma confcience, pour fçauoir fur quel prétexte on l'a pu fonder, ie n'en trouue aucun autre, finon que i'ay^flé vne fois auec M. de N. & M. Hefdin à vne lieuë de Leyde, pour voir par curiofité raffemblée d'vne certaine Sede de gens, qui fe nomment Pro- 5 phetes*, & entre lefquels il n'y a point de Miniftre, mais chacun prefche qui veut, foit homme ou femme, félon qu'il s'imagine eftre infpiré ; en forte qu'en vne heure de temps, nous ouïfmes les Sermons de cinq ou fix païfans ou gens de métier. Et vne autre fois nous 10 fufmes entendre le Prefche d'vn Miniflre Anabaptiflc, qui difoit des chofes fi impertinentes, & parloit vn françois fi extrauagant, que nous ne pouuions nous empefcher d'éclater de | rire; & ie penfois eftre plutoft à vne farce qu'à vn prefche. Mais pour ceux des Cal- i5 uiniftes, ie n'y ay iamais efté de ma vie que depuis voftre lettre écrite, que me trouuant à la Haye le neu- fiéme de ce mois, qui eft le iour qu'on remercie Dieu & qu'on fait des feux de joye pour la défaite de la Flotte Efpagnole", ie fus entendre vn Miniftre François 20 dont on fait eftat ; mais ce fut en telle forte, qu'il n'y auoit là perfonne qui m'apperceuft, qui ne connuft bien que ie n'y allois pas pour y croire ; car ie n'y en- tray qu'au moment que le Prefche commençoit; i'y demeuray contre la porte, & en fortis au moment qu'il 25 fut acheué, fans vouloir affifter à aucune de leurs cé- rémonies. Que fi i'euife receu voftre lettre aupara- uant, ie n'y aurois pas efté du tout : mais il eft impof-

3 Hefdin] ou E{ding (Inst.).

a. Au combat naval de Duins, 21 octobre 16.^9.

�� � Il, igi-igî CLXXVII. — \j Novembre lôjp. 621

fible d'éuiter les difcours de ceux qui veulent parler fans raifon.

Et celuy dont vous m'écriuez doit auoir refprit bien foible, de m'accufer d'aller par les villages, pour 5 voir tuer des pourceaux ; car il s'en tue bien plus dans les villes que dans les villages, où ie n'ay iamais efté pour ce fujet. Mais, comme vous m'écriuez, ce n'eft pas vn crime d'eftre curieux de l'Anatomie; & i'ay efté vn hyuer à Amfterdan % que i'allois quafi

10 tous les iours en la maifon d'vn boucher, pour luy voir tuer des beftes, & faifois apporter de là en mon logis les parties que ie voulois anatomifer plus à loi- fir; ce que i'ay encore fait plufieurs fois en tous les lieux où i'ay efté, & ie ne croy pas qu'aucun homme

i5 defprit m'en puifle blâmer.

Voftre raifon pourquoy vn Tableau femble regar- der de tous coftez eft fubtile, mais elle ne me femble pas fuffifante ; car encore que la prunelle foit ronde en vn tableau, elle n'y paroift pas ronde pour cela,

20 lors qu'elle eft regardée de cofté. Il eft vray qu'elle n'y peut paroiftre fi fort en ouale que celle d'vn homme viuant : c'eft pourquoy cela y fait quelque chofe. Mais ie croy qu'on y peut adjoufter que, de quelque cofté qu'on regarde vn tableau, on y voit toufiours toutes

25 les mefmes parties de l'œil qui y eft peint, & que ces parties font celles qu'on voit auffi dans l'œil d'vn homme] viuant, lors qu'il regarde vers nous, & qu'on n'y voit pas fi bien que dans vn tableau, lors qu'il re- garde d'vn autre cofté; à caufe qu'eftant releué en

a. I, 'hiver de 1629-1630. Voir t. 1, p. 137, I. 6. Cf. t. II, p. 86, n" 9. Voir aussi Jettre à Mersennc du i" avril 1640. {Clers., II, 218-219.)

��

622 Correspondance. II, 192.

62 2 Correspondance. ". '9»

boffe, fes parties fe couurent ou fe découurent beau- coup dauantage, que celles d'vne platte peinture.

l'ay receu le Philolaùs^; mais ie ne me fuis pas en- core donné le temps de le lire, ny ie ne croy pas le faire de plus de fix mois, à caufe que ie m'occupe à 5 d'autres eftudes.

Les opinions de vos Analiftes*, touchant l'Exiftence de Dieu & l'honneur qu'on luy doit rendre, font, com- me vous écriuez, très-difficiles à guérir; non pas qu'il n'y ait moyen de donner des raifons affez fortes pour lo les conuaincre, mais pource que ces gens-là, penfant auoirbon efprit, fontfouuent moins capables de rai- fon que les autres. Car la partie de l'efprit qui aide le plus aux Mathématiques, à fçauoir l'imagination, nuit plus qu'elle ne fert pour les Spéculations Metaphy- i5 fiques. l'ay maintenant entre les mains vn Difcours, où ie tafche d'éclaircir ce que i'ay écrit cy-deuant fur ce fujet; il ne fera que de cinq ou lix feuilles d'im- preffion; mais i'efpere qu'il contiendra vne bonne par- tie de la Metaphyfique. Et afin de le mieux faire, mon 20 deflein eft de n'en faire imprimer que vingt ou trente Exemplaires, pour les enuoyer aux vingt ou trente plus fçauans Théologiens dont ie pourray auoir con- noiffance, afin d'en auoir leur iugement, & apprendre d'eux ce qui fera bon d'y changer, corriger ou adjouf- 25 ter, auant que de le rendre public.

le croy bien que dans le Vuide, s'il efloit poffible, la moindre force pourroit mouuoir les plus grands cors, auffi bien que les plus petits, mais non de mefme vi-

a. Voir plus haut p. 464, 1. i3. et p. :'>G6, 1. lô.

b. Voir lettres LXX et LXXI. tome I, p. 349. 1. 24, et p. 353. 1. 2. u, .02-10?. CLXXVII. — \j Novembre 16^9. 625

teffe. Car la mefme force feroit mouuoir vne pierre double en grolTeur, de la moitié moins vifte que la fimple.

Ce n eft pas raerueille que nous puiffions ietter vne

5 pierre fort haut, fans que le torrent de la Matière fub- tile qui eft dans F Air nous en empefche; car la force de noftre bras dépend d'vn autre torrent de Matière fubtile, qui eft encore beaucoup plus rapide, à fça- uoir celuy qui agite nos efprits| animaux, & qui diff"ere

10 de l'autre en force & adiuité, autant que le Feu diffère de l'Air.

Voftre expérience que le trou d'vne demie ligne donne quatre fois moins d'eau que celuy d'vne ligne, mais que celuy-cy n'en donne que deux fois moins

i5 que celuy de deux lignes, me femble du tout incroya- ble, cœteris paribus, c'eft à dire faifant que le tuyau demeure toufiours plein iufques au haut. Car, fi on ne le remplift point à mefure que l'eau s'écoule, il eft eui- dent que, d'autant plus que le trou fera grand, d'autant

20 plutoft elle s'abaiflera dans le tuyau ; & vous fçauez

qu'elle coule d'autant moins vifte qu'elle eft plus baffe.

Voftre voyage d'Italie me donne de l'inquiétude, car

c'eft vn pais fort mal fain pour les François; fur tout

il y faut manger peu, car les viandes de là nourriffent

25 trop; il eft vray que cela n'eft pas tant confiderable pour ceux de voftre profeffion. le prie Dieu que vous en puiffiez retourner heureufement. Pour moy, fans la crainte des maladies que caufe la chaleur de l'air, i'au- rois paffé en Italie tout le temps que i'ay paffé en ces

3o quartiers^, & ainfi ie n'aurois pas efté fujet à la calom-

a. Voir lettre XXXIII, t. I, p. 204, l. 17-27.

�� � 624 Correspondance. h, 193.

nie de ceux qui difent que ie vais au Prefche ; mais ie n'aurois peut-ellre pas vécu û fain que i'ay fait. le fuis,

M. R. P.

Page 620, 1. 6. — On lit dans le recueil intitulé : Sorberiana sive Ex- cerpta ex ore Samuëlis Sorbiere (Tolosas, Colomyez et Posuel, in- 12, 1691), p. 22-23 : « Il y a certaines gens qu'on nomme Prophetantes, qui !> s'assemblent de toute la Hollande à Warmont, près de Leyde, les pré- » miers Dimanches du mois, et vaquent tout ce jour à la lecture de la » Sainte Ecriture, proposant chacun leurs difficultez, et usant de la liberté » de prophétiser, c'est-à-dire de l'exercice du raisonnement que l'Evan- » gile permet. Mais c'est une troupe de fort honnêtes gens, dont la plû- » part entendent le Grec et l'Hébreu, et qui ne diférent des Remonstrans » qu'en une plus étroite, discipline sur le fait de la guerre, qu'ils con- j> damnent sans aucune exception. » Suivent, sur les Anabaptistes, quelques anecdotes que Sorbiere rapporta de son séjour en Hollande à partir de 1642. La visite que leur fit Descartes remonterait aux années i636-i637, lorsqu'il était à Leyde pour l'impression de son livre. Celui de ses deux compagnons, dont le nom manque, ne serait-il pas M. de Hooghelandc, un catholique comme lui ?

Page 622, 1. 7. — Descartes désigne sous ce nom dAnalistes les Géo- mètres de Paris, et sans doute Roberval. On trouve, dans un livre de Y. Cousin : Fragments de Philosophie Cartésienne (Paris, Charpentier, in-i2, 1845), tout un chapitre intitulé : Roberval philosophe, p. 229-269, avec un fragment philosophique, antérieur pour le moins à 1647, et qui a pour titre : Les principes du debvoir et des cognoissances humaines.

��CLXXVIIÏ.

Regius a Descartes.

3 décembre lôSg. [A. Baillet], La Vie de Monsieur Des-Cartes, tome 11, p. 47-48.

« Mr De/cartes avait quitté le féjour d'Egmond depuis quelque tems, et il s'étoil retiré à Harderwick ', peut-ejlre dans le dejfein de

a. Harderwyck, sur le Zuyderzee, entre Deventer et Utrecht, à sept lieues environ de l'une et de l'autre.

�� � Je dérober à ceux qui s’accoutumoient à l’importuner. M. Regius fe trouvant encore trop éloigné de luj, crut qu’étant une fois hors de fa chère folitude de Nort-Hollande, toute autre demeure tuy/eroit affe^ indifférente. C’est ce qui le porta à luj en écrire au commencement du mois de Décembre (en marge : le 3 de ce mois), pour le conjurer de vouloir fe rapprocher d’Utrecht, tant pour fon intérêt particulier qui luyfaifoit confidérer la commodité qu’il aurait de conférer avec luy plus fouvent, que pour la fatisfaâion de quantité d’amis qu’il avoit dans la ville, et fur tout de M. le Colonel Alphonfe, qui l’avoit chargé de luy marquer fa paffwn làdeffus. Il prit cette occafton pour luy faire le récit de ce qui s’étoit pajfé àfon fujet en une célèbre com- pagnie, où il s’étoit trouvé dans la ville de Leyde. Il y était allé au mois de Novembre, après que fa femme fut relevée defes couches qui luy avoient produit un fils qui ne vécut que trois jours, pour être préfent à la réception d’un de fes parents au rang des Doâeurs en Droit. Durant le Fejin que le nouveau Doâeur donna aux Profef- feurs et à plufeurs autres perfonnes, la plufpart gens de lettres, le difcours ne manqua pas de tomber fur M. Def cartes, dont plufieurs des convie\fe difoient amis. Il en fut parlé comme du plus rare génie du fiécle, et comme d’un homme extraordinairement fufcilé pour ouvrir les voyesde la véritable Philofophie. Les plusardens à publier fon mérite furent M. Golius, Profeffeur des Mathématiques & des Langues Orientales, et le fieur Abraham Heidanus, Minifîre, et célèbre Prédicateur de la ville. (Suivent quelques détails sur Hei- danus, tirés de Sorbière, Lettr. et Rel., in-S, pag. 137). Ces deux Meffieurs ne fe laffoient pas de faire admirer à la Compagnie la grandeur de l’efprit de M. Defcartes et la beauté de fes découvertes. Mais fur ce que M. Regius les interrompit, pour dire qu’il n’y avoit point eu de Philofophes dans toute l’Antiquité, 7iy dans les tems poflèrieurs, que M. Defcartes ne surpassât infiniment, M. Heidanus luy demanda ce qu’il penfoit des Pythagoriciens et de leur Philosophie. A quoi M. Regius répondit que le fort de la Philosophie Pythagoricienne consistoit principalement dans la science des Nombres, mais que, si le plus habile d’entre eux pouvait revenir dans le monde, il ne paroitroit rien auprès de M. Descartes. » 626 Correspondance. n, 193-194.

CLXXIX.

Descartes a Mersenne.

a5 décembre lôSg. Texte de la Copie Boncotnpagni, f* 41 \*.

Cette copie, prise sans doute sur l'original, donne la date, qui manque dans Clerselier. C'était la lettre 27 de la collection La Hire, n" (21) du classement de dom Poirier. Clerselier, tome II, lettre XXXIV, p. ig3-202 (entre la XXXIII', du i3 nov. lôSg, et la XXXV', du 2g janvier 1640), imprime, d'après la minute, un texte qui ne fournit que très peu de variantes. Avant lui, Pierre Borel, dans son Compendium Vitas Renati Cartesii, i653, avait publié plusieurs fragments de cette lettre, traduits en latin, avec la mention : Haec epistola erat anni 1639 in fine (p. 32-38 de la 2* édition, i6j6). — Pour l'orthographe de cette lettre, vofe\ le prolégomène de la lettre CLX ci avant, p. 52g.

Mon Reuerend Père,

le doy refponce à j de vos lettres, Tvne du 12 No- uembre, les autres du 4 & 10 Décembre, & i'ay receu ces deux dernières en mefme iour.

I. En la i"^^!, vous demandez pourquoy vn arc ou reflbrt perd fa force lors qu'il eft fort longtemps tendu, dont la raifon eft facile par mes principes*. Car les pores, que i'ay cy-deuant dit auoir la figure d'ouales,

2 à trois. — du douzième. — ceux des suivants, 2, 3, etc., sont 3 des quatre & dixième. — 5 Le omis. — prelmiere. numéro i de cet alinéa, comme

a. Lettre LIV, tome I, p. 295, 1. i-8. Cf. t. I, p. 341, 1. i3-i6, et 58o- 58i, n" 3. Cf. Principia Philosophice, IV, i?3.

�� � 11,194- CLXXIX. — 25 Décembre 16^9. 627

deuiennent ronds peu à peu, à caufe des petites par- ties de la matière fubtile qui coule fans cefle par de- dans.

2. Cete matière fubtile nous empefche bien de ietter 5 vne pierre en haut, ou de fauter ; car fans elle qui re- pouffe en bas les corps pefans, lors qu'on iette vne pierre en haut, elle monteroit iufqu'au ciel; & lors qu'on s'eileue vn peu en fautant, on continueroit touf- iours à monter fans redefcendre.

10 J ■ Pour Y inertie, ie penfe auoir defia efcrif qu'en vn efpace qui n'eft point du tout empefchant, fi vn corps de certaine grandeur, qui fe meut de certaine vitelïe, en rencontre vn autre qui luy foit efgal en grandeur, & qui n ayt point de mouuement, il luy communiquera

i5 la moitié du fien, en forte quilz iront tous deux en- femble de la moitié auffy ville que faifoit le i"; mais, s'il en rencontre vn qui luy foit double en gran- deur, il luy communiquera les deux tiers de fon mou- uement, & ainfy ils ne feront tous deux enfemble

20 pas plus de chemin en trois momentz, que le i^'^ faifoit en vn moment. Et généralement, plus les corps font grands, plus ilz doibuent aller lentement, lors qu ilz font pouffez par vne mefme force.

4. le ne trouue pas eflrange qu'il y en aye qui demonf-

25 trent les Coniques plus ayfement qu'Apollonius; car il efl extrêmement long & embarraffé, & tout ce qu'il a demonftré efl de foy affez facile. Mais on peut bien

2 coulent. — 5 elle] cette Matière. — 16 premier. — 20 premier.

— 24 aye] ait.

a. Cf. lettre CLXI, du 3o avril !6?9, p. 543. — En marge de la Copie MS., on lit : « Cela est contraire à ses principes. •>

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'

�� � 628 Correspondance. h, i94-!95.

propofer d'autres chofes, touchant les Coniques, qu vn enfant de 16 ans" auroit de la peyne à demefler.

ç, 6, 7. Le defir que chafcun a d auoir toutes les perfedions qu'il peut conceuoir, & par confequent toutes celles que nous croyons eflre en Dieu, vient 5 de ce que Dieu nous a donné vne volonté qui n'a point de bornes. Et c'eft principalement à caufe de cete volonté infinie qui eft en nous, qu'on peut dire qu'il nous a créez à fon image.

8. 1 C'eft vne très mauuaife raifon, pour prouuerqu'vn 10 homme qui eft foubs l'eau ne fent point la pefanteur de cete eau, que de dire : Tout prejfement qui blejfe le corps pouffe quelque partie de ce corps hors de fon lieu na- turel. Or l'eau, prejfant ef gaiement de tous cojle:^ vn corps qui ejî foubs elle, ne poujfe aucune de /es parties hors de i5 fon lieu naturel. Ergo, &c.Cslt la mineure fe doibt nier. Et il feroit très-faux, fi toutes les parties du corps d'vn homme qui eft foubs l'eau eftoyent preffées affez fort par cete eau, qu'elles ne pourroient eftre poufTées par elle hors de leur lieu naturel, encores que toutes 20 celles de la peau de cet homme fuffent pouflées efgale- ment. Car ce feroit eftre affez pouffées hors de leur lieu naturel que d'eftre toutes efgalement pouffées au dedans, en forte que cet homme deuft occuper moins de place qu'il n'a de couftume. Mais il eft faux auffy 25

2 de feize ans. — a3 au] en.

a. Biaise Pascal, né le 19 juin 1623. Mersenne avait parlé de lui à Des- cartes pour la première fois, dans sa lettre du 12 nov. i63g, en annonçant un placard intitulé : Essais pour les Coniques. Voir lettre à Mersenne d'avril 1640 (C/erj., II, 217).

b. Discours de la Méthode, p. 36.

�� � ri, igs. CLXXIX. — 25 Décembre 1659. 629

que toute l'eau qui eft au deflus du corps d vn homme le prefle ; & il eft plus vray de dire qu'elle le fouleue, de quoy ie penfe vous auoir cy-deuant mandé la vraye raifon". 5 9. Ce qui fait qu'on s'efleue en haut lors qu'on faute, n'eft qu'vne reflexion de la force dont on poufïe la terre des pieds auant que fauter, laquelle force cef- fant, il faut qu'on retombe, fans qu'il foit poffible de fe fouftenir en l'air, fi ce n'eft qu'on le peuft fraper

10 des bras ou des pieds auec telle viftefle, qu'il ne peuft céder fi promptement, ce qui feruiroit às'efleuer dere- chef; et c'eft ainfy que volent les oyfeaux.

10. l'ay bien remarqué que M"^ Herbert prend beau- coup de chofes pour notions communes qui ne le

i5 font point; et il eft certain qu'on ne doibt receuoir

pour notion, que ce qui ne peut eftre nié de perfonne.

le pafle à voftre lettre du 4 Décembre, & vous

remercie des aduis que vous me donnez touchant

mon Eflay de Metaphyfique'^. Mais pour les raifons

ao de Raymond LuUe, ce ne font que fophifmes dont ie fais peu d'eftat. Pour les objedions de vos ana- lyftes, ie tafcheray à les foudre toutes fans les expo- fer, c'eft à dire ie mettray les fondemens, dont ceux qui les fçauront en pourront tirer la folution"^, & ne les

7 que de fauter. — 14 pour des Notions. — 17 quatriefme. — 22 foudre] refoudre.

a. Lettre CLXXIV, du i6 cet. lôSg, p. 587 ci-avant, art. 2. Cf. tome I, p. 208, éclaircissement.

b. Herbert de Cherbury. Voir plus haut page 596, 1. 18, etc.

c. Voir plus haut page 622, 1. 16.

d. En tête des Méditations, dans sa Préface au Lecteur, Descartes parle, en effet, de deux objections principales, auxquelles il répond.

�� � 6jo Correspondance. n. igs-'gô.

aprendray point à ceux qui les ignorent; car il me fem|ble que c'efl en cete façon qu'on doibt traiter cete matière. Du relie, ie ne fuis point fi depouruû de liures que vous penfez, & i'ay encore icy vne Som- me de S. Thomas, & vne Bible que i'ay aportée de 5 France.

I . La force de la percuffion ne dépend que de la vi- ilefle du mouuement, & ce, fuyuant le calcul dont i'ay parlé cy-deflus nombre j. Car il faut fçauoir, quoy que Galilée & quelques-autres dient au con- lo traire, que les corps qui commencent à defcendre ou à fe mouuoir, en quelque façon que ce foit, ne pafTent point par tous les degrez de tardifueté, mais que dés le I moment ilz ont certaine viftefTe, qui s'aug- mente après de beaucoup ; 1 5 & c'eft de cete augmenta- tion que vient la force de la percuffion. Par exemple, fi le marteau A pefe loo li- M ures, & qu'il ayt feulement

vn degré de vifteffe lors qu'il commence à defcen- dre de foy-mefme, il ne preffera l'enclume B que de la force que donne ce degré de viftefTe à loo liures. 2 5 Et fi vn autre marteau, qui ne pefera qu'vne liure, ac- quiert loo degrez de viftefTe en tombant fur cete en- clume de ^ ou 6 pieds de haut, il la preffera aufîy fort que le marteau A. Or il eft certain que la main, en

3 Au refte. — 9 Nombre troi- (de même ib et 27). — 28 cinq lîéme. — 14 premier. — 19 cent ou fix.

��..%

�� ���20

�� � 11,196-197 CLXXIX. — 25 Décembre 16^9. 631

conduifant ce marteau, n'en peut pas feulement aug- menter la vifteffe de 100 ou 200 degrez, mais de pluûeurs milles. Car, premièrement, elle fe peut mouuoir plus vifte qu vn corps pefant qui defcend na-

5 turellement, comme on void par expérience, en pour- fuyuant de la main vne baie qui defcend de haut en bas ; car on la peut ayfément attraper en l'air. Et de plus, à caufe de la longueur du manche du marteau, la main n'abefoing de fe mouuoir que fort peu, comme

10 de D à C, pour faire que le marteau fe meuue beau- coup dauantage, à fça|uoir de E à A. Et il eft certain que, û le marteau A, eftant élancé de la main fur l'en- clume B, a dix mille fois plus de force que lors qu'il y eft pofé tout doucement, cela ne vient que de ce qu'au

i5 moment qu'il rencontre cete enclume, il eft en train pourfe mouuoir 10,000 fois plus vifte. Voyla donc la folution de cete dificulté dont les autres font tant de bruit. Mais il y a, outre cela, diuerfes chofes à con- fiderer en la percuffion, comme la durée du coup,

20 qui fait qu'on rendra vne baie de plomb plus plate en la frapant d'vn marteau fur vn coiffin que fur vn en- clume, & chofes femblables, que ie n'ay pas icy le loifir d'efcrire*. le n'ay receu aucunes de vos lettres aufquelles ie n'aye fait refponfe.

a5 2 . La façon que ie dis eftre la meilleure pour efleuer l'eau fort haut, eft qu'au bout d'vne toife ou deux il doibt y auoir vn réceptacle pour l'eau, duquel derechef elle fera efleuée, par le moyen d'vne pompe ou autre

3 cent ou deux cens. — i4tout] Couffin. — 23 d'efcrire] de dé- fort. — 16 dix mille. — 18 di- crire. — 23-24 ïe n'ay... rcf- uerfes autres chofes. — 21 vn ponfe ow.

�� � 6j2 Correspondance. 0,197-198.

artifice, à vn autre réceptacle ; & ainfy de fuite : à quoy ie trouue la vis d'Archimede plus propre qu'au- cun autre infiniment : car, pour la pompe, il y a trop de force perdue. Par exemple, l'eau qui 5 eft vers A fera efleuée iufques à B par la vis A B, & de B iuf- ques à C par vne autre vis, & de C iufques à D par vne autre, & toutes ces vis feront meues 10 par le moyen de la roue F qui fera tourner Teffieu FE, ce qui coufteroit véritablement plus que des pompes, mais aufTy feroit-il incomparablement de plus de durée*.

j . Si vous conliderez pour- quoy le mouuement d'vne baie I s'amortift pluftoft contre cer- tains corps que contre d'autres, vous verrez par mefme moyen ce que ie conçoy par les cors noirs ; car c'efl entièrement le femblable. Et il ne faut point pour cela que la matière fubtile perde tous fes mouuements (car elle en a plufieurs) contre ces cors noirs, mais feule- ment celuy qui fert à faire fentir la lumière. i5

4. Lors qu'vne pierre defcend en l'air, s'il n'y auoit que cet air qui l'empefchat de defcendre d'infinie vi-

��� ��I av. artifice] femblable aj. ■àvn] dans vn. — 27-1 p. 633,

��d'infinie viftefle] d'vne vitefle infinie.

��i5

��30

��a. Voir plus haut, p. 617, 1. 25, à p. 618, 1. 9.

b. Voir plus haut, page 618, 1. 10-24.

�� � 11.198- CLXXIX. — 25 Décembre 16)9. 6jj

ftefle,elle deburoit aller plus ville, ou du moins aufly vifte, au commencement qu'à la fin, & c'eft ce que i'auois voulu dire en ma précédente'.

5 . le vous remercie de la graine que vous m'offrez ^, 5 & ie vous enuoye icy vn Catalogue de plantes, dont on voudroit bien fçauoir û les graines fe trouuent à Paris, & ii on en pourroit auoir; mais ce n'eft pas pourtant dont ie vous prie, qu'autant qu'il fe pourra fans peyne. 10 6, 7. Il y aura eu fans doubte de la faute dans vos robinetz pour vos expériences de l'eau *=.

8. le me feruiray de l'adreffe du Frère Valentin pour les lettres que ie vous efcriray, puis qu'il vous plaift ainfy; mais fi ie doy efcrire à quelques autres, i'en- i5 uoieray mes lettres à M. de Martigny, quand ie fçauray où il demeure, & ie luy efcris à ce voyage afin de le fçauoir.

le fuis bien aife que M. du Morier ayt bonne efpe-

rance de fon trauail des lunettes'; mais pour moy, ie

20 ne m'attends qu'à M. de Beaune, ou, s'il ne reùffit,

i'y donneray peuil-eftre moy-mefme vne atteinte cet

efté.

le vous remercie de l'afiedion que vous me tefmoi- gnez, en ce que vous voulez porter auec vous en Italie

5 de] des. — 7 fi l'on. — 8 ap. faire aj. — 10 eu ont. — i5 et pourtant] chofe a/'. — ap. pourra] i8 Monfieur.

a Page 6i8, 1. 25, à page 619, 1. 7.

b. Page 6ig, 1. 1 1.

c. Page 623, 1. 12 3 21.

d. Page 623, 1. 23. — Mersenne devait partir pour un voyage dans les provinces de France et en Italie, mais il semble l'avoir différé.

e. Page 592, 1. 12.

CORRESPONDANCC. H. 80

�� � 6j4 Correspondance. ii, 198-199.

quelque chofe de ce que ie vous ay efcrit; mais ie ne croy pas qu'il y ayt rien qui mérite d'eftre veu de per- fonne. Car ie vous mande fouuent mon opinion de beaucoup de chofes, aufquelles ie n'ay iamais penfé auant que de vous efcrire ; & ayant quelquesfois à 5 vous refpondre à 20 ou 30 chofes différentes en vne aprés-foupée , il eft impoffible que ie penfe bien à toutes.

I, 2. le viens à voftre dernière lettre du 10 Dé- cembre. Vous la commencez par la defcente de l'eau 10 dans vn tuyau, à quoy ie refpons que, fi ce tuyau eft par tout efgalement large, | toute l'eau qui eft dedans coule efgalement vifte; mais s'il eft deux fois plus large en vn lieu qu'en l'autre, elle ira deux fois plus lentement, &c. Or la viftefTe de toute cete eau dépend i5 ^ de fa pente & de fa longueur :

comme, par le tuyau AB, elle ira de mefme viftefîe que par le tuyau AC. Et pour fçauoir de quelle viftefTe elle ira en cetuy- 20 cy, il faut penfer que la goûte d'eau, qui eft vers C, a inclina- tion à defcendre aufïy vîfte que fi elle auoit defia def- cendu en l'air libre defpuis A iufques en C, & que la goûte qui eft vers D n'a inclination à defcendre que 25 de la mefme viftefTe qu'elle auroit aquife en defcen- dant en l'air libre defpuis A iufques à D, & ainfy des autres. Et que, d'autant que toutes ces gouttes fe meu- uent enfemble, & ne peuuent aller plus vifte l'vne que l'autre dans le tuyau, leur viftefTe eft compofée de 3o 6 vingt ou trente. — 9 dixième. — 24 en C] à C.

��� � n. .99-200. CLXXIX. — 25 Décembre 1659. 655

toutes ces diuerfes inclinations, & comme moyenne proportionnelle entre toutes celles qu elles auroyent eftant feparées.

î. Mais cecy ne fe peut raporter au cours des ri-

5 uieres, à caufe qu'il eft fort retardé par la rencontre de la mer en leur emboucheure, & qu'en beaucoup de lieux leur pente eft infenfible, & enfin qu elles reçoyuent des eaus de diuers endroitz, & ne font point par tout efgalement larges.

10 4. Il eft certain (au moins fuyuant mes principes) que, fi la Matière fubtile qui tourne autour de la Terre n'y tournoit point, aucun cors ne feroit pefant,& que, fi elle tournoit autour de la Lune, ils deuroient tous eftre portez vers la Lune, &c.

i5 ^ . le croy auffy qu'il y a continuellement quelques parties des cors terreftres qui fe conuertift en Matière fubtile, & vice ver/a, &c.

6. Cete Matière fubtile qui eft dans nos cors% ne s'y arrefte pas vn feul moment; mais elle en fort, &

ao il y en rentre continuellement de nouuelle. Il eft vray que ce n eft pas immédiatement elle feule qui donne la force à nos mouuements, mais | ce font nos ef- pritz animaux, enfermez dans nos nerfs, & mefmes comme dans des tuyaux agitez par cete Matière

a 5 fubtile.

7. Il s'en faut beaucoup qu'vn morceau de liège qui flote fur l'eau, n'en monftre la viftefle; car l'air ou

16 conuertiffent. — 23 av. /«sf. — 24 font agitez C/ers., & enfermez] qui eftant aj. — & agitez Inst. [Le texte de tout'ce mefmes] om. Clers., & mufcles passage reste incertain).

a- Voir plus haut page 623, 1. 4 à 1 1 .

�� � 6j6 Correspondance. m, mo.

le vent qui l'enuironne peut augmenter ou retarder fon mouuement. Mais balancez tellement vne boule de cire, ou chofe femblable, qu'elle foit quafi toute cachée fous l'eau, & lors elle en monftrera à peu prés la vifteffe ; mais ce ne fera encores qu'à peu 5 prés.

8. le ne fçay point de meilleure façon pour fçauoirla hauteur des montaignes que de les mefurer de deux ftationsjfuyuant les reigles de la Géométrie pratique. Ainfy vous pourrez mefurer le Mont Cenis, eftant au lo delà de Suse dans le Piedmont; car la plaine en eft fort efgale.

9. le ne m'eftonne pas de ce qu'il s'eft trouué des bouletz de canon dans des pierres ; mais ie m'eftonne

de ce qu'ilz ne fe font pas aufly pétrifiez. i5

10. Si le refte de ce que vous me mandez de Danne- marc n'efl pas plus vray qu'il eft vray que Longomon- tanus a trouué la quadrature du cercle, il n'en faut pas beaucoup croire.

11. le vous remercie de vos obferuations de l'ay- 20 mant^; s'il eft vray qu'il décline maintenant moins en Angleterre qu'il n'a fait cy-deuant, cela mérite bien d'eftre remarqué, & fi ce changement eft arriué peu à peu, ou en peu de temps.

12. L'hiftoire de M. Riuet n'eft qu'vne foltife**, & j5 elle n'eft pas encores terminée; quand elle le fera,

ie vous l'efcriray ; il n'a gueres de quoy vous entre-

a. Voir pour plus de détails la lettre CLXXXII, du 29 janvier 1640 (Clers., II, 2o3-2o4).

h. Il s'agit de l'affaire Stampioen-Waessenaer. Voir la lettre CLXXXII, du 29 janvier 1640, et aussi les lettres CLXXVet CLXXVI qui précèdent, p. 600 et p. 616.

�� � n,îoo-joi. CLXXIX. — 25 Décembre 1639. 6)j

tenir, ou pluiloft il a bien enuye de me mefler dans vos lettres.

i^. Vos Géomètres n'ont gueres non plus à repren- dre dans mes efcritz, s'ilz s'attachent à la demonftra- 5 tion touchant la propriété de l'EUypfe & de l'Hyperbole, que i'ay mife en ma Dioptrique. Car cete propriété n'ayant iamais elle trouuée par aucun autre que par moy, & eftant la plus importante qui fe fçache tou- chant ces figures, il me femble quilz n'ont pas grande

10 grâce à dire qu'il y a quelque chofe en cela qui ref- fent fon apprentif ; car ilz ne fçauroient nier que cet aprentif ne leur ayt donné leçon en cela mefme. 11 eft vray pourtant que l'explication s'en peut faire beaucoup plus briefuement que ie ne l'ayjfaite ; ce que

i5 ie pourrois dire auoir fait à deflein, pour monftrer le chemin de l'Analyfe, que ie ne croy pas qu'aucun de vos Géomètres fçache, & à laquelle les lignes BF, NM des figures aux pages 94 & 105 font necef- faires ; car c'eft le feul employ de ces lignes qui rend

30 mon explication trop longue. Mais la vérité eft que i'ay manqué par vne négligence qui m'eft fatale en toutes les chofes faciles, aufquelles ne pouuant ar- refter mon attention, ie fuis le premier chemin que ie rencontre : comme icy, la vérité eftant trouuée par

a5 l'Analyfe, l'explication en eftoit bien facile, & le che- min le plus à ma main eftoit celuy de cete mefme Analyfe.Toutesfois ie me fuis aperceu de ma faute dés auant que le liure fuft publié, & I'ay corrigée dés-lors en mon exemplaire, en eâaçant tout depuis la V iuf-

a vos] fes Inst. — 18 ap. ià- 638, depuis... inclus] ce qui eft gures] (mifes) aj. — 29 à a, p. inclus depuis la première iuf-

�� � 6^8 Correspondance, ii, joi-201.

ques à la 2<j"^^ ligne inclus en la page 9^, & defpuis la 9""^ iufques à la 28"^^ inclus en la page 104. l'ay remis en l'vne & en l'autre ces mefmes motz en la place des effacez : Premièrement, à caufe que tant les lignes AB & NI que AL & G I font parallèles, les 5 triangles ALB & IGNfontfemblables, d'oii il fuit que A L ejl à I G comme A B ejîà NI ; ou bien, pource que AB & BI font efgales, comme BI efi a NI. Puis fi on tire, &c. Et en la page 94, ligne 6 & 7, i'ay effacé ces motz : BF à NM, & BF à NM comme. Mais ça efté 10 pour vne féconde impreffion ; car cela ne me fembla pas valoir la peyne d'eftre mis dans les Errata, & il n'y a iamais eu perfonne qui ayt efcrit de Géométrie, en qui on ne puiffe trouuer de telles fautes. le n'attens plus, après cela, finon qu'on reprenne aulïy les fautes i5 de l'orthographe & de l'impreffion, que le libraire & moy auons commifes en très-grand nombre.

14. len'ay point deflein ny occafion de faire imprimer les Notes que M. de Beaune a ^ris la peyne de faire fur ma Géométrie "" ; mais s'il les veut faire imprimer luy- 20 mefme, il a tout pouuoir; feulement aymerois-ie mieux qu'elles fuffent en latin, & ma Géométrie aufly, en laquelle i'ay deffein de changer quafi tout le fécond Liure, en y metant j l'Analyfe des lieux, & y efclair- ciflant la façon de trouuer les tangentes; ou pluftoft 25 (à caufe que ie me defgoufte tous les iours de plus en plus de faire imprimer aucune chofe), s'il luy plaift

ques à la vingt-cinquième ligne tiefme. — lo ap. motz : BF] eft en la page gS Et depuis la neu- a;'. — 14 on] l'on, fiefme iufques à la vingt- hui-

a. Voir plus haut, p. 579. éclaircissement.

�� � ii.aoa. CLXXX. — 28 Décembre 16^9. 659

d'adiouxter cela en fes Notes, ie m'offre de luy ayder en tout ce qui fera de mon pouuoir. le fuis,

Mon Reuerend Père,

Voftre très humble & très affedionné feruiteur,

DESCARTES.

Du Jour de Noël 1659.

Page 63 1, 1. 23. — Cette question se retrouve tout au long dans une lettre du médecin de Sens, Villiers, à Mersenne, qui la lui avait aussi adressée. Cette lettre, du 4 oct. 1640, fut communiquée par Mersenne à Descartes, qui y répondit le 28 octobre 1640, lettre CCXII (Clers., II, 259- 260). Nous en donnerons un extrait comme éclaircissement à cet endroit.

��CLXXX.

HuYGENs A Descartes.

La Haye, 28 décembre 1639.

Copie MS., Amsterdam, Académie des Sciences. Lettres françaises de Constantin Huygens, tome I, page 885.

Monfieur,

Apres la remife de quelques iours, dont i'aduoue ,0 que moy ou mes occupations font coupables, i'ay en- uoyé quérir Stampioen pour luy faire figner le Com- promis*. Mais bien loin de la, il m'a dit qu'il conte- noit des chofes ou il trouuoit a redire. De quoy m'ef- tant formaliféj comme ie ne debuois pas (car ie con-

I fcs] ces. — 2 le fuis (derniers mots de Clerselier).

�� � 640 Correspondance.

fefle qu'vn peu de cholere me le fit mener d'vn air qui n'eft pas de ma couftume), i'ay refufé de lire feule- ment ce qu'il dit auoir conceu, pour y adioufter, fur les formes de l'arbitrage, & en fomme luy ay promis de ne me mefler plus de fon affaire, le voyant chicaneur 5 impertinent & iniufte, qui venoit fe retrader 1 5 iours après la ratification d'vn aéle qui fe pouuoit con- certer entre gens d'honneur en vne heure, & fur la délibération duquel il n'auoit efté preflé ni précipité. Confus de cefte honte, il s'eft rendu a Leiden des le 10 lendemain, ou ayant entretenu M. Golius fur les dites formes d'arbitres, il m'efl venu redire qu'il ne faifoit plus difficulté de figner le Compromis, mais qu'enfin nous ne difpofions des iuges plus auant qu'ils ne fe trouueroyent contens de s'entremettre en l'affaire. i5 C'eft ce qu'il m'a voulu fpecifier en beaucoup de cir- conftances; mais i'ay perfiilé en ce qu'il me femble que la cholere ne m'a pas faid refoudre mal a propos, & par conclufion I'ay enuoyé vers fa partie ou au moins encore vers Leiden, pour y accorder & y ar- 20 refier de bouche ce dont ie voyois bien qu'on ne vien- droit point a bout aueq luy par efcrit; pour moy, que depuis la frafque qu'il m'auoit faide, ie me tenois auffy deftaché de luy que l'en eftoy defgouilé, &.c. Vous voyez , Monûeur, ou nous en fommes ; & s'il vous 2 5 plaiil d'entendre mon aduis deffus, ie vous rediray qu'affeurement il fera neceffaire que les parties, ou bien leurs amiz autorifez, s'entendent de bouche fur ces formes; en quoy, comme par les difcours que St(ampioen) dit que Golius luy auroit tenuz, i'apper- çois qu'après beaucoup d'allées & venues on pourroit

�� � CLXXX. — 28 Décembre 1639. 641

auoir compté fans 1 hofte. l'eftime que cefte concerta- tion fe pourroit faire en prefence ou aueq communi- cation de Golius & mefme de Schooten*, le refte n'ayant a faire gueres de difficulté de fe conformer a

5 leurs fentimens. C'en font, tant y a, les miens. le les foubfmets aux voftres; & pour le refle, quelque renon- ciation que i'ay faide a St(ampioen),fi vous continuez a me recognoiftre capable de vous feruir en cefte brouillerie, ie vous prie de croire que quod diéîum

10 indiéîum erit, & que ie fuis très content de vous y tef- moigner, comme en tout autre chofe plus digne de vous, que ie fuis fans referue,

Monfieur,

Voftre feruiteur,

i5 A la Haye, ce 28= de décembre 16^9, au bout du quel Dieu vous donne l'entrée d'vne année très heu- reufe.

Monfieur, ie me trouue extremem.ent édifié de l'ap- probation que vous donnez a mes defences contre

20 M. de Saumaife, faifant le mefme fondement en voftre probité que fur voftre iugement, après lequel, & celuy de Mad^ confcience, ie n'en confidere point d'autres, le vous renuoye fa lettre, ou il continue de pofer, contre la vérité, que i'auroy prins parti. Mais le def-

25 plaifir que i'ay de ce cofté la s'adoucit tout a faid par l'ingénuité de fa confefilon en voftre endroid, lors que, fubmittendo fafces tibi\ comme il debuoit, il ad- uoue combien il y a a dire entre voftre Philofophie & fa Literature. Il eft grand perfonage en fon meftier, &

Correspondance. II. 8i

�� � 642 Correspondance.

pour tel ie le reputeray toufiours; mais depuis cefte modeilie fi franche, ie m eftime obligé de l'honorer encor plus que ie n'ay toufiours faiâ*.

Page 639, 1. 12. — Voir pour cette lettre les éclaircissements de la let- tre CLXXV ci-avant, à Huygens, p. 611, et de la lettre CLXXXII ci-après, dit 29 janvier 1640, à Mersenne. Trois arbitres avaient été désignés pour régler l'affaire entre Stampioen et Waessender, après qu'ils eurent déposé leur enjeu de 600 florins entre les mains de Dedel : Jacob Gool (ou Golius) et Frans van Schooten, tous deux professeurs de mathématiques à Leyde, et Andréas van Berlicom, secrétaire de Rotterdam (Stampioen avait été professeur à Rotterdam jusqu'en lôSg). Huygens, qui se trouvait à La Haye, comme Stampioen, était tout désigné pour lui faire entendre raison. Le Compromis dont il est question a été publié par Bierens de Haan [Verslagen en Mededeelingen der Koninklijke Akademie van Wetenschappen, 3"" Reeks, Deel III, p. 84-86, Amsterdam, MuUer, 1887).

Page 641, 1. 3. — « Et mesme de Schooten > . Stampioen le jeune avait donné, en i632, une nouvelle édition d'un ouvrage de Frans van Schoo- ten, le père, intitulé : Sinustafels. Le fils était donc un peu l'obligé de Stampioen, et de là peut-être l'hésitation qu'il aura à se prononcer contre lui. Descartes s'adressera à Golius (lettre CLXXXVII ci-après du 3 avril 1640), et la sentence ne sera rendue que le 20 mai suivant.

Page 642, 1. 3. — Dans une lettre déjà citée (tome I, p. 265, éclaircis- sement) à J. du Puy, datée de Leyde, 4 avril 1637, Saumaise parle ainsi de Descartes : « Je ne vous dirai rien du personnage, parce que je m'ima- » gine que vous en avez ouy parler. Il suit tout une aultre philosophie ■> que celle d'Aristote, principalement pour la phisique. En la géométrie

» mesme il a une autre méthode de l'enseigner Il se dict estre gentil-

» homme de Poictou. 11 est catholique Romain et des plus zelez. Je l'ai i» veu, et paroist fort honneste homme et de bonne compagnie. Les sça- » uantz d'icy le tiennent pour le non pareil. Je vous envoyeray son escript » sitost qu'il sera en vente... » (Les Correspondants de Peiresc, V, Lettres de Claude de Saumaise, p. p. Tamizey de Larroque, Dijon, 1882, p. i65). — Sur le différend entre Saumaise et G. Huygens, voir la lettre de Descartes à Mersenne, du 10 (?) décembre 1640 {Clers., II, 274).

�� �


ADDITIONS
ADDITIONS

��LETTRE CXXVI, pages 182-189.

Les énoncés des trei:{e propositions de la Geostatice de Beaugrand sont

les suivants :

I. « Si rectarum parallelarum extrema duabus rectissibi-occurrentibus

» coniungantur, rectae ductœ sibi mutuô proportionaliter occurrunt. » — Cf. Euclide, VI, 2.

II. « Si à punctis A, F rectarum A C, C F angulum in puncto C cons- » tituentium, deducantur rectae AD, FBqui sibi mutuô in puncto E et » rectis AC, CF in punctis B, D occurrunt. Dico quod ratio rectx AC » ad rectam BC composita est ex ratione rectae AD ad rectam D E et » ratione rects EF ad rectam BF. o — Théorème dit de Ptolémée (voir Composition mathématique, livre I, chap. 11).

III. « Si rectae AC, CF angulum in puncto C constituunt, diuisâque » AC bifariàm in puncto B, ducatur BF, necnon et recta AD rectis BF, » CF in punctis E, D occurrens. Dico quod recta AE ad rectam ED » eandem habebit rationem quam recta CF ad rectam DF. » — Corol- laire de la proposition précédente.

IV. « Omne graue prope Terrae centrum minus pondérât quàm procul, » et eiusdem grauis varia pondéra eandem habebunt rationem quam à » Terrae centro distantiae. » — C'est la seule proposition à laquelle s'at- tache Descaries.

V. (Problema). « Proposito graui cuius in data à Terrae centro distantiâ » notum sit pondus, inuenire punctum in quo siapponatur.sit dati cuius- » libet ponderis. »

VI. « Corpora grauia quorum pondérai sunt in eadem ratione quam à » Terrae centro distantiaî, in aequali à Terrae centro distantiâ sunt eiusdem » ponderis. »

VII. « Grauia in quâlibet aequali à Terrae centro distantiâ semper ean- » dem retinent ponderis rationem. »

VIII. « Si grauia ita à Terrae centro distiterint, vt ratio interuallorum

�� � 646 Correspondance.

» sit reciproca rationi ponderum in aequali à Terrae centre distantiâ, » grauia in dictis distantijs erunt ponderis eiusdem. »

IX. « Si duo grauia in quibusdam à Terrae centro distantijs fuerint » eiusdem ponderis, ratio distantiarum erit reciproca rationi ponderum in » aequali à Terras centro diastemate. »

X. (Problema). « Datas rationes simul addere, atque datam rationem è » data ratione subducere. »

XI. Ratio ponderis corporum grauium in quibuslibet à Terrae centro » distantijs, est composita ex ratione distantiarum à Terrae centro et » ratione ponderis in aequali à Terrae centro distantiâ. »

XII. <c Grauia in Terrae centro nullam habent grauitatem. »

XIII. « Sphaera terrestris nullam habet grauitatem. ï

Ces énoncés justifient immédiatement les appréciations de Descartes {plus haut page iSa, lignes ly et suivantes), à la condition d’apporter au texte la correction indiquée aux variantes pour la ligne 20.

La seconde figure des pages 184 et 186 est bien celle de la proposi- tion IV de Beaugrand, sauf que, dans cette dernière, autour des points F, D, E sont décrits des cercles figurant des poids et marqués le premier I, les deux autres B [voir page 186, ligne 1 1 et note a). De plus, du point A part une droite oblique A C, égale à AE, et dont l’extrémité porte un poids également marqué B. Enfin, en dehors de la figure, est représenté un der- nier poids marqué K.

En fait, Beaugrand suppose que les poids I et B, à égale distance du centre de la terre, seraient dans le rapport de EA à AD. Il conclut en- suite que ce rapport est le même que celui de EH à FH, en vertu de sa proposition III. Il admet, en effet, que F G est égal à GD (mais non que A G soit perpendiculaire sur FD, comme on pourrait le croire d’après la figure). Mais tous les raisonnements qu’il fait ensuite forment un tissu de paralogismes, que Descartes n’a pas trop sévèrement relevés et qualifiés.

Page 188, note a, au nom de Castelli, aurait dû être joint celui de Galilée. Voici, au reste, in extenso le passage de Beaugrand après sa prétendue démonstration de sa proposition IV :

« Hanc demonstrationem cum viro toto terrarum orbe celeberrimo et » vt in caeteris Matheseos partibus ira in Mechanicis versatissimo, Galileo » Galilei,Magni Hetrurise Ducis Mathematico, examinandam Florentiae » scripto dedissem, se in eâ nihil desiderare et proposiiionis veritati pror- » sus acquiescere asseuerauit, vti et Romae vir excellentissimus Abbas » Benedetius Castelli, Summi Pontificis Mathematicus, qui eam, vt est » peracuti ingenij, propriâ ratiocinatione etiam confirmauit. n

Dans une lettre de Castelli (reproduite Œuvres de Fermât, II, 1894, p. 26), on lit, en effet : « e perché il Sig" di Beaugrand mi disse di havere » dimostrata una simile proposizione, cioè che il medesimo grave, posto in diverse lontananze dal centro délia terra, io mi applicai a pensare a Additions. 647

» questa materia e pretesi allhora di havere ritrovata la dimostrazione, » ma dopo, essendo mi state promosse alcune difficoltà, mi raffreddai in » questa speculazione. »

On sait, au reste, que si l'on suppose la terre immobile et formée de couches concentriques homogènes, la pesanteur d'un corps à son intérieur, d'après la loi de Newton, varie conformément à l'énoncé de Beaugrand. Il est très curieux que non seulement Castelli, mais aussi Fermât (ce der- nier tout en reconnaissant parfaitement les paralogismes de Beaugrand) aient vu dans cet énoncé la formule probable de l'attraction des corps pesants vers le centre de la terre et qu'ils aient cru à la possibilité de le démontrer a priori; qu'enfin Galilée n'ait pas été éloigné de la même pensée. Car c'est dans ce sens que l'on doit entendre son assentiment, dont Beaugrand s'est targué.

Page j88, ligne 14. La tigure de la page 1 1 de la Geostatice de Beau- grand représente un levier BC, aux extrémités duquel agissent deux poids égaux tendant vers le centre A de la terre. D est le point où BC est coupé par la bissectrice AD de l'angle BAC; ce point est donc également dis- tant des droites AB et BC; Beaugrand en conclut que, suivant l'opinion qu'il prétend réfuter, le levier BC, suspendu en D, sera en équilibre, tandis que, d'après lui, un tel équilibre entraîne que, si AB < AC et par conséquent BD < DC, le poids en B soit supérieur au poids en C. Quant au point E, c'est le milieu de BC.

��LETTRE CXL, pages 845-348.

La lettre CXL présente une double énigme. Quel en est le destinataire? Surtout, quel est l'ouvrage sur lequel Descartes y porte un jugement?

La solution semble, à première vue, indiquée par deux passages posté- rieurs de la Correspondance, lettre CLXVIII, à Mersenne, du 19 juin 1^39, ci-avant page 566, 1. 1*2-1 5, et lettre CLXX, à Mersenne. du 27 août i6?9, page Sjo, 1. 9, à p. 571, 1. 2. Le Minime ayant annoncé, en juin, à Descartes l'envoi de deux exemplaires [dont l'un destiné à Ban- nius) de l'édition française du livre De la Vérité', d'Herbert de Cherbury, Descartes lui écrit qu'il l'a déjà lu en latin, il y a plus d'un an, l'ayant reçu d'un M. Eding, et qu'il en a alors envoyé son jugement à ce dernier. En août, il accuse réception des deux exemplaires et résume son opinion antérieure : en somme, il a apprécié dans l'auteur des connaissances mé- taphysiques peu ordinaires, mais il n'a pas lu complètement l'ouvrage. parce qu'il y trouvait un mélange de religion et de philosophie. Cela con- corde assez avec la teneur de la lettre CXL.

Plus tard, le 16 octobre 1639 (lettre CLXXIV, pp. 596-600), après avoir lu le texte français et y avoir, dit-il, trouvé beaucoup moins de difficultés

�� � 648

��Correspondance.

��que lorsqu'il avait vu l'ouvrage latin, il enverra à Mersenne son sentiment, assez longuement développé. Enfin, le 25 décembre (lettre CLXXIX, p. 629, 1. i3-i6), il dira encore un mot d'Herbert de Cherbury, pour ap- prouver une critique de Mersenne.

Eding (ou Esding ou Hesdin, comme l'imprime aussi Clerselier') ne semble pas, d'après son nom (peut-être, au reste, défiguré), avoir été un Français. Ce pouvait être un Hollandais, mais aussi bien un Anglais, en tout cas catholique; Descartes paraît s'être lié avec lui à Leyde en i636- 1637, mais, en juin 1639, Eding se trouvait à Paris, et il pouvait avoir quitté la Hollande depuis plus d'un an. En tout cas, s'il envoya, en i638, à Descartes (de Londres?) l'ouvrage de Cherbury, ce dut être, semble-t-il, non la première édition (Paris, 1624), mais la seconde, dont voici le titre complet :

a De Veritate, prout distinguitur a Revelatione, a Verisimili, a Possi- » bili etaFalso. Hoc opus condidit Eduardus Baro Herbert de Cher- » bury in Anglia, et Castri Insulae de Kerry in Hibernia, et Par utriusque » regni. Et lectori cuivis integri et illibati iudicii dicavit. — Exe. Lutetiae » Parisiorum, MDCXXIV. lam denuô sed auctius et emendatius recud. » Londini per Augustinum Matthaeum, M DC XXXHI. » (Bibl. Nat. Inv. D» 1542.)

Cependant l'examen de cette édition ne nous a permis ni de recon- naître sûrement dans l'ouvrage de Cherbury celui auquel est consacrée la lettre CXL, ni d'exclure ce livre avec certitude.

Descartes s'étend assez longuement sur « le dessein de ramasser dans » vn seul liure tout ce qu'il y a d'vtile en tous les autres « (p. 346, 1. 10, à p. 347, 1. 9). A-t-il pris prétexte de l'idée de Cherbury d'adopter pour règle des vérités le consentement universel? On ne trouve pas, en effet, dans le De Veritate, l'exposition formelle du « dessein » visé par Des- cartes.

La véritable pensée de Cherbury ressort, par exemple, de ce passage (p. 160) : « Veritas quae in aliorum scriptis invenitur, nisi tua, nisi com-

>' munis utique fuerit, Auctori permittenda est ad te ipsum igitur

» regredere, ut ad facultates proprias universas Auctorum sententias » reducas; quas utilissime evolvi comperies, quatenus notitias communes » excitant; restât ut ex hac Methodo nostrâ Verum kfalso,.in proposi- » tione quacumque data, sépares : alia enim ad veritatem non superest » via; neque igitur vel operosa videri débet doctrina nostra, vel molesta, » quibus Veritas cara est, praesertim cùm Zeteticorum nostrorum ope ï indoctissimus quisque intégra volumina conficere possit, et quidem » circa objectum quodcumque. »

Si l'auteur examiné par Descartes annonçait un livre (plus haut, p. 347, 1. 6), Cherbury répond bien à cette condition. On Ht, en effet, dans son

I. Voir ci-avant p. 571, 1. i, variantes, et p. 620, 1. 3, lettre du i3 no- vembre 1639.

�� � Additions. 649

Epistola ad lectorem : « Neque erit igitur, ut ita accuratum hoc in Argu- » mento expectes scrutinium . . . quôd libro nostro De errorum caussis » quae heic obscura tam rationibus quam exemplis illustrare (prxsertim » ubi ista grata fuisse inielligam) juvante Deo, propositum habeamus. » Il a, d'ailleurs, rempli cette promesse dans l'édition de 1645'.

Si le « mélange de la religion et des sciences » (p. 347, 1- 25 ; cf. p. 348, 1, 8) est bien une marque de l'ouvrage de Cherbury et paraît en tout cas indiquer un livre conçu dans le même esprit et venant également d'Angle- terre, nous avons vainement cherché dans le De Veritate cette mention précise de « l'âge de vingt-quatre, ans » (p. 347, 1. 21), auquel les jeunes écoliers pourraient avoir acquis une science universelle. A-t-il suffi, pour cette indication, que Cherbury (p. 201-202), après avoir dit : « Vsus deni- » que quaestionum nostrarum est, ut earum ope homo quicumque sive » doctus, Sive indoctus, sive Graecus, sive Barbarus, ex puris naturalibus » et experientia doctrinam certissimam conficere possit », ait recommandé de s'aider des a Auctores qui saniores ex commuai sententia sunt habiti » et d'étudier à cet effet la Grammaire (les langues) et la logique ?

Quant aux « Aphorismes, page 3i, etc. » (p. 347, 1. 10), cette citation ne convient guère à l'édition de i633. Il est vrai que, si l'on entend apho- risme dans le sens originaire de définition, et si l'on suppose une erreur d'impression, on trouve, à la page i3, le commencement de l'exposé des conditions de la vérité, et, à la page 37, un classement des facultés cogni- tives, qui pourrait très bien aussi avoir été visé par Descartes.

Peut-être serait-il utile, avant de porter un jugement définitif, d'exa- miner la première édition, celle de 1624. Mais nous n'avons encore pu la rencontrer; celle que l'on trouve d'ordinaire est d'ailleurs celle de 1645.

��LETTRE CLXVII, page 556.

Le fragment de Desargues, mentionné dans la note a, est donné en ces termes par Beaugrand.

« ...le surplus des conséquences qu'on peut déduire de cette pensée, » erque de la suit que, si les graues de ce monde tendent au centre de la » terre, le centre de grauité d'vne boule permanente en vne position est » en la diamétrale commune a la terre. et a la boule, au poinct couplé au » centre en inuolution auec les deux poincts que donne la surface de la

I. De Veritate, prout distinguitur a Revelatione, a Verisimili, a Possi- bili, et a Falso. Gui operi additi sunt duo alii tractatus : primus. De causis errorum; alter. De religione laici, unà cum Appendice ad sacerdotes De religione laici, et quibusdam poematibus. — Autore Edoardo Barone Herbert de Cherbury in Anglia, et Castri Insulœ de Kerry in Hibernia, et Pari utriusque Regni. — Londini, 1645.

Correspondance. II. °*

�� � boule ; et s’ils tendent a vn but a distance infinie, le centre de grauité de la boule et son centre sont vnis entre eux. »

D’après ce texte, ce serait Desargues qui aurait dit que « le centre de gravité d’une sphere est en mesme ligne droite que les deux poins ou elle est touchée par deux lignes qui tendent vers le centre de la terre » (lettre CLV du 29 février 1639, p. 498, l. 7-11). Il est difficile de faire, sur cette assertion, une remarque plus pertinente que celle qu’ajoute Descartes. C’était lui, en somme, qui avait malencontreusement inspiré Desargues ; cf. lettre CXLIX, du 15 novembre 1638, page 431, et l’éclaircissement sur la ligne 3, pages 448-449.



TABLE DES MATIÈRES

—————

Avertissement 
 V
I. Inventaire de Vicq d’Azyr et Poirier 
 VII
II. Arbogast. — La Copie Boncompagni 
 XI
III. Pièces manquantes de la collection La Hire 
 XIV
IV. Sur la concordance des deux classements 
 XVII
V. Sur l’orthographe du texte de la Correspondance 
 XIX


—————


LETTRES
N°. DATES. ADRESSES. PAGES.
CX 1 mars ? 1638 Descartes contre Roberval et E. Pascal. 1
CXI » » ? — à Mydorge 15
CXII » ? — à Mersenne 24
CXIII » ? — à *** [Pour S. P***, réponse à la lettre CIV) 34
CXIV » ? — à [Huygens] 47
CXV » ? Plempius à Descartes 52
CXVI » ? Ciermans à Descartes 55
CXVII 23 » Descartes à Plempius 62
CXVIII »  » — à Ciermans 69
CXIX 31 » — à Mersenne 81
CXX avril Roberval contre Descartes 103
CXXI 28 » Mersenne à Descartes 116
CXXII 3 mai Descartes à Mersenne
122
Billet ajouté à la lettre précédente 132
Nos. DATES. ADRESSES. PAGES.
CXXIII 27 mai? 1638 Descartes à Mersenne 134
CXXIV 3 juin ? — à Mersenne

Réponse aux questions numériques de Sainte-Croix

154
CXXV » ? — à Hardy 169
CXXVI 29 » ? — à Mersenne,

Réponse du Sr Gillot au théorème de Fermat

174 et 645
CXXVII 13 juillet Descartes à Morin 196
CXXVIII » » - - 221
CXXIX » » Descartes à Mersenne {Examen de la question géostatique) 222
CXXX » » — — 246
CXXXI 27 juillet Descartes à Mersenne 253
CXXXII » » — à Fermat 280
CXXXIII 30 » Huygens à Descartes 282
CXXXIV 1 août Mersenne à Descartes 286
CXXXV 12 » Morin à Descartes 288
CXXXVI 18 » Regius à Descartes 305
CXXXVII 20 » ? Descartes à [Renery] 306
CXXXVIII 23 » — à Mersenne 307
CXXXIX » ? — à [Plempius] 343
CXL » ? — à *** [Esding?] 345
CXLI » ? — à [Huvgens] 348
CXLII 12 septembre — à Mersenne 352
CXLIII » » ? — à Morin 362
CXLIV » ? — à Ferrier 373
CXLV 12 » ? — à *** (sur l’éducation de son fils) 377
CXLVI 11 octobre ? — à Mersenne 379
CXLVII » ? — à Fermat 406
CXLVIII » ? Morin à Descartes 408
CXLIX 15 novembre Descartes à Mersenne 419
CL nov.-déc. ? — à *** [Fl.de Beaune ?] 451
CLI décembre ? — à [Huygens] 455
CLII » ? — à Mersenne 462
CLIII 9 janvier 1639 — à Frenicle 462
Nos. DATES. ADRESSES. PAGES.
CLIV 9 janvier 1639 Descartes à Mersenne 479
CLV 9 février — à Mersenne 493
CLVI 20 » — à FI. de Beaune 510
CLVII » » ? — à Mersenne 523
CLVIII 9 mars Regius à Descartes 526
CLIX 19 » Regius et Æmilius à Descartes 528
CLX 30 avril Descartes à Mersenne 529
CLXI » » ? — à [FI. de Beaune] 541
CLXII 6 mai — à Pollot 544
CLXIII 15  » Huygens à Descartes 546
CLXIV 17  » Regius à Descartes 548
CLXV 28  » Huygens à Descartes 549
CLXVI » juin ? Descartes à [Huygens] 551
CLXVII 19  » ? — à [Desargues] 553 et 649
CLXVIII » » — à Mersenne 557
CLXIX 14 juillet Regius à Descartes 568
CLXX 27 août Descartes à Mersenne 569
CLXXI septembre ? — à [Schooten] 574
CLXXII mi-sept. Regius à Descartes 582
CLXXIII octobre ? Descartes à [Huygens] 583
CLXXIV 16 » — à Mersenne 587
CLXXV fin oct. ? — à [Huygens] 600
CLXXVI oct.-nov. Regius à Descartes 616
CLXXVII 13 novembre ? Descartes à Mersenne 617
CLXXVIII 3 décembre Regius à Descartes 624
CLXXIX 25 » Descartes à Mersenne 626
CLXXX 28 » Huygens à Descartes 639
Additions 643

Nota. — Dans la Table qui précède, le point d’interrogation, après les indications de dates, signifie seulement que celles-ci ne figurent point dans les sources ; elles n’en peuvent pas moins, dans certains cas, reposer sur des déductions assurées.





Achevé d’imprimer
par LÉOPOLD CERF
12, rue Sainte-Anne, à Paris
le 2 août 1898


  1. Lettre LXXII, t. I, p. 354.
  2. Lettre XCI, t. I, p. 45o.
  3. Reproduit t. L P. 493-495.
  4. Lettre XCIX, t. I, p. 486.
  5. Perdu.
  6. Lettre CX, p. i, ci-avant.
  7. Lettre XCVI, t. I, p. 463.
  8. Voir t. I, p. 464, 1. 2 1 , à p. 465, 1. 4.
  9. Voir t. I, p. 452.
  10. Art. 5 : t. I, page 466, 1. 16.
  11. Tome I, p. 467, 1. 14-17.
  12. Tome I, p. 468, art. 8.
  13. De la Dioptrique. Nous reproduisons ici la figure que donne Clerselier ; III, 185, et à laquelle il renvoie en ce passage.
  14. Voir t. I, p. 488, la lettre XCIX, (Réponse à l'Écrit de Fermat).
  15. Cp. t. I, p. 488, 1. 2, l'addition de la Copie MS., qui peut venir de ce passage.
  16. Lire omise ?
  17. Voir plus haut, pages 8 à 10.
  18. Voir éclaircissement de la lettre précédente, p. 13-15.
  19. Un fragment de cet écrit, dont Descartes parlera dans les lettres suivantes comme d’une Introduction à sa Géométrie, a été retrouvé, parmi les papiers de Leibniz, à la Bibliothèque Royale de Hanovre, avec ce titre : « Calcul de Mons. Descartes ». Il a été publié par M. Henri Adam dans le Bulletin des Sciences Mathématiques, 1896.
  20. Litures] ratures (Exemplaire de l’Institut).
  21. Meteores, Disc. I, p. 164, « plutost que d’autre » (Desc.).
  22. Lettre CI, t. I, p. 502, l. 10.
  23. Lettre CX, p. 1.
  24. Lettre perdue.
  25. Jean de Beaugrand,
  26. Voir tome I, page 479, I. 20.
  27. Voir tome I, p. 248, éclaircissement de p. 245, 1. 3.
  28. Il s’agit probablement du cas où le lieu se réduit à un point.
  29. Ce billet n’a pas été envoyé : voir le dernier alinéa de la lettre.
  30. Voir plus haut, lettre CXII, p. 25, 1. 3.
  31. La lettre CVIII, du 22 février, tome I, p. 536.
  32. Cf. lettre XLVI, 1. 1, p. 262, 1. 5.
  33. Pour les cardinaux Barberini et Bagni. Voir lettre du 19 juin 1639
    (Clers., II, 172).
  34. Dans sa Dioptrique, 1611.
  35. Voir lettre CXII ci-avant, éclaircissement, p. 32-33.
  36. Disc. V, p. 35 et suiv.
  37. La lettre CXII ci-avant, p. 26, 1. 15.
  38. Voir lettre CXI ci-avant, p. 23, 1. i.
  39. L'autographe donne Balzac, que Descartes a sans doute écrit par distraction. Mais Clerselier imprime Roberual, qu'il a dû lire sur la minute.
  40. Voir plus haut lettre CX, éclaircissement, p. 13-14.
  41. Lettre XCIX, tome I, p. 493.
  42. L'écrit perdu auquel répond la lettre CX ci-avant, p. 1.
  43. Ici commence, pour se terminer avec le paragraphe 5, le passage
  44. p. 94, 1. 6. : fi fumatur... Ie n'ay] Si on prend le nombre deux, ou quelqu'vn de ceux qui fe produifent en les multipliant par deux à l'infiny. Pour euiter la perte du temps, ie n'ay que faire.
  45. Méthode de construction
  46. Voir lettre CX ci-avant, p. 6, col. 2, 1. 6-8.
  47. Voir ci-avant, p. 86, 1. 13.
  48. les amis de Gibieuf
  49. Jacques de Serisay, et non pas Habert de Cerisy, comme on l'avait supposé tome I, p. 369, prolég., 1. 13-15.
  50. Dans la lettre CXXVII ci-après [Clers., I, 218).
  51. Disc. I, p. 163.
  52. Lettre XCIX, tome I, p. 486.
  53. Ecrit perdu. Voir plus haut p. 1.
  54. Voir t. I, p. 548, l. 4-7.
  55. Voir t. I, p. 538, l. 10-12.
  56. empeſche Clers.
  57. Ce mot rien est omis page 213, l. 17, ci-avant.
  58. Cf. plus haut p. 213, l. 27-28.
  59. Voir ci-avant, p. 499, 1. 21.
  60. Clers. : ses.
  61. Probablement Petit, dont en tout cas les mesures confirmèrent la loi de Descartes. (Voir Œuvres de Fermat, t. II, 1894. p. 486-487.)
  62. Voir lettre CLV, p. 505, 1. 18. Cf. lettre CL, p. 454, 1. 21-22.