Œuvres de Descartes/Édition Adam et Tannery/Correspondance/Lettre X

Œuvres de Descartes, Texte établi par Charles Adam et Paul TanneryLéopold CerfTome I : Correspondance, avril 1622 - février 1638 (p. 22-32).
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X.
Descartes a Mersenne.
8 octobre 1629.
Texte de l’exemplaire de l’Institut, t. II, lettre 112, p. 529-533.

Variantes d’après le texte de Clerselier. — La date n’est donnée que sur l’exemplaire de l’Institut, avec la note marginale. « I’ay la lettre manuscrite ». Cet original de Descartes, de même que nombre d’autres lettres de lui à Mersenne, n’a d’ailleurs jamais fait partie de la collection Lahire. Il a probablement été écrit à Amsterdam, comme l’affirme Baillet (t. I, p. 191).

Mon Reuerend Pere,

Ie ne penſe pas auoir eſté ſi inciuil, que de vous prier de ne me propoſer aucunes queſtions ; c’eſt trop d’honneur que vous me faites, lors qu’il vous plaiſt d’en prendre la peine, & i’apprens plus par ce moyen, que par aucune autre ſorte d’étude. Mais bien ſans 5 doute vous auray ie ſupplié de ne trouuer pas mauuais, ſi ie ne m’efforce pas d’y répondre ſi exactement, que ie tâcherois de faire, ſi ie n’étois tout à fait occupé en d’autres penſées : car ie n’ay point l’eſprit aſſez fort, pour l’employer en meſme temps à 10 pluſieurs choſes differentes ; et comme ie ne trouue iamais rien, que par vne longue traiſnée de diuerſes conſiderations, | il faut que ie me donne tout à vne matiere, lors que i’en veux examiner quelque partie.

2 car aj. av. c’eſt. — 7 exactement] preciſement. Ce que i’ay éprouué depuis peu, en cherchant la cauſe de ce Phainomene* duquel vous m’écriuez ; car il y a plus de deux mois* qu’vn de mes amis m’en a fait voir icy vne deſcription aſſez ample, & m’en ayant 5 demandé mon auis, il m’a fallu interrompre ce que i’auois en main*, pour examiner par ordre tous les Meteores, auparauant que ie m’y ſois pû ſatisfaire. Mais ie penſe maintenant en pouuoir rendre quelque raiſon, & ſuis reſolu d’en faire vn petit Traitté* qui 10 contiendra la raiſon des couleurs de l’Arc-en-Ciel, leſquelles m’ont donné plus de peine que tout le reſte, & generalement de tous les Phainomenes ſublunaires. C’eſt ce qui m’auoit donné occaſion de vous demander particulierement la deſcription que vous auiez du 15 Phainomene de Rome, pour ſçauoir ſi elle s’accordoit auec celle que i’ay veuë, & i’y trouue cette difference, que vous dites qu’il a eſté veu à Tiuoli*, & l’autre dit à Freſcati, qu’il nomme Tuſculum en latin. Ie vous prie de me mander ſi vous ſçauez aſſurément qu’il ait 20 paru à Tiuoli, & comment ce lieu là ſe dit en latin ; i’auray bien loiſir d’attendre vos lettres, car ie n’ay pas encore commencé à eſcrire, & ie ne me haſte pas. Au reſte ie vous prie de n’en parler à perſonne du monde ; car i’ay reſolu de l’expoſer en public, comme 25 vn échantillon de ma Philoſophie, & d’eſtre caché derriere le tableau pour écouter ce qu’on en dira. C’eſt


1 en cherchant] pour trouuer. 3 deux] trois. — 10 la raiſon] l’explication. — 14 auiez du] auez de ce. — 15 de Rome omis. — 16 i’ay] i’auois. — 17 et] ce que. — dit] ne dit pas,

  • mais bien. — 20 lieu] nom — latin], car ie ne le ſçay pas ; mais aj. — 22 eſcrire] l’écrire. — et ie ne me haſte pas omis. — 25-26 d’eſtre… écouter] latere post tabellam, afin de voir. vne des plus belles matieres que ie ſçaurois choiſir, &

ie taſcheray de l’expliquer en ſorte que tous ceux qui ſeulement entendront le latin*, puiſſent prendre plaiſir à le lire. I’aimerois mieux qu’il fuſt imprimé à Paris qu’icy ; & ſi c’eſtoit choſe qui ne vous fuſt point 5 du tout importune, ie vous l’envoyerois lors qu’il ſeroit fait, tant pour le corriger, que pour le mettre entre les mains d’vn libraire.

Vous m’auez extremement obligé de m’aduertir de l’ingratitude de mon amy* ; c’eſt, ie croy, l’honneur 10 que vous luy auez fait de luy eſcrire, qui l’a ébloüy, & il a crû que vous auriez encore meilleure opinion de luy, s’il vous écriuoit qu’il a eſté| mon maiſtre il y a dix ans. Mais il ſe trompe fort ; car quelle gloire y a-t-il d’auoir inſtruit vn homme qui ne ſçait 24-15, & qui le confeſſe librement comme ie fais ? Ie ne luy en manderay rien, puis que vous ne le voulez pas, encore que i’euſſe bien de quoy luy faire honte, principalement ſi i’auois ſa lettre toute entiere. 20

Si vous pouuiez trouuer quelqu’autre lieu où mettre M. Ferrier mieux qu’il n’eſt, ie croy que vous l’obligeriez. Sur tout ie vous le recommande ; ie ſuis aſſuré de l’execution des verres, s’il y trauaille ſeul, & eſtant en repos ; & c’eſt choſe de plus grande importance 25

3 ſeulement… latin] entendront ſeulement le françois. — 6 du tout importune] à charge. — 9 extremement omis. — 10 ingratitude] impertinence — c’eſt, ie croy, omis. — 11 qui l’a] luy a ſans doûte tant donné de vanité qu’il s’eſt. — 12 encore omis. — 14-15 quelle… a-t-il] il n’y a pas de gloire. — 15-16 que très peu de chose] rien. — 16-17 librement… fais] partout librement. — 22 M. Ferrier] M. N.

que l’on ne s’imagine. Il y a tant de gens à Paris qui
perdent de l’argent à faire ſouffler des Charlatans ; n’y
en auroit-il point quelqu’vn qui en vouluſt employer
vtilement à le faire trauailler ſix mois, ou vn an, ſans
5qu’il fiſt autre choſe du tout que cela ? car il ne luy
faudroit pas moins de temps pour preparer tous ſes
outils ; et c’eſt comme à l’Imprimerie, où la premiere
feuille eſt plus longue à faire que mille autres.
Pour la Raréfaction, ie ſuis d’accord auec ce Mede-
10cin*, & ay maintenant pris party touchant tous les
fondemens de la Philoſophie ; mais peut-eſtre que ie
n’explique pas l’Æther comme luy.
Pour ce liure de Camoyeux & de Taliſmans*, ie iuge
par le titre qu’il ne doit contenir que des chimeres.
15De meſme, la teſte qui parle, couure ſans doute
quelque impoſture : car de dire qu’il y euſt des reſſorts
& tuyaux, pour exprimer tout le Pater noſter, comme
le chant du coq en l’horloge de Strasbourg, i’ay bien
de la peine à le croire.
20De diuiſer les cercles en 27 & 29, ie le croy, me-
chaniquement, mais non pas en Geometrie. Il eſt
vray qu’il ſe peut en 27 par le moyen d’vn cylindre,
encore que peu de gens en puiſſent trouuer le moyen ;

  • 3-4 en… trauailler] le voudroit tenir. — 4-5 ſans qu’il fit] à ne faire. — 5 ne omis. — 6 pas moins de] du. — tous omis. — 10 maintenant omis. — touchant] là deſſus, comme sur preſque. — 11 Philoſophie] Phyſique. — 12 luy] Lorſque i’auray l’honneur de vous voir, nous aurons moyen de nous
  • en entretenir plus particulierement, aj. — 14 par le] du. — 17-18 tuyaux… Strasbourg] des tuyaux, comme au coq de l’horloge de Strasbourg, pour exprimer tout le Pater noſter. — 20-21 ie le croy… geometrie] cela ſe peut mechaniquement, mais non point geometriquement.
mais non pas en 29, ny en tous autres, & ſi on m’en
veut enuoyer la pratique, i’oſe vous promettre de
faire voir qu’elle n’eſt pas exacte[1].
Si ie peux recouurer les liures que vous deſirés, ie
vous les enuoyeray ; mais ie ne l’eſpere pas, car i’ay5
icy fort peu de connoiſſance, & point du tout auec
ceux qui les pourroient auoir.
Pour voſtre queſtion de Muſique *, | ie ne trouue que
des conjectures à y répondre, & doute preſque ſi les
praticiens ont raiſon en cela ; ſeulement puis-ie dire10
que lors qu’on va ainſy de l’Vniſſon à la Tierce mi-
neure, ce n’eſt iamais pour finir, mais pour reueiller
l’attention & ſuſpendre l’oreille au milieu d’vn chant,
à quoy la varieté eſt principalement requiſe. Or cette
varieté ſe remarque en diuerſes choſes ; et premie-15
rement, lors que les parties vont par mouuemens con-
traires, ce qui n’eſt pas icy ; en apres donc, lorſ-
qu’elles montent ou deſcendent au moins par mouue-
mens inégaux : ce qui paroiſt bien au premier, où le

  • 1 ny en tous autres omis. — 2 pratique] demonſtration. — 3 qu’elle… exact.] que cela n’eſt pas exact. — 4-7 Si… avoir alinéa omis. — 8 Musique] touchant le paſſage (P. 532) de l’Vniſſon à la Tierce mineure aj. — 9 preſque] en cela aj. (et supprimé l. 10 après raiſon). — 11 ainſy omis. — 11-12 mineure omis. — 12 iamais] pas. — 12-13 reveiller l’attention et omis. — 13 surprendre p. e.
  • mieux. — 15 en diverſes] principalement en deux. — 15-16 et premierement] 1. — 16 les] deux aj. — par] des aj. — 17 pas] point. — en apres donc] car elles montent ou deſcendent toutes deux ; 2. — 18 montent... par] procedent par des. — 19 paroiſt bien] est fort ſenſible. — où] car vne partie montant d’vne Quinte et l’autre d’vne Tierce, on remarque grande difference, en ce que.
Deſſus, qui a accouſtumé d’aller par degrez conjoints, fait tout d’vn coup vn ſault iuſques à la Quinte, & la Baſſe, qui a de coûtume d’aller par de

plus grands interuales, montant ſeulement d’une 5 Tierce, ne va qu’à ſon ordinaire ; mais au dernier, il ſemble que les deux parties deſcendent également ; car le ſault d’vne Quinte à la Baſſe n’eſt gueres plus que celuy d’vne Tierce au Superius ; ainſi il n’y a pas grande varieté en ce dernier, ce qui le 10 rend triſte & mal plaiſant. Ajoutez que, les choſes étant égales, lors que les parties montent, elles réueillent bien plus l’attention, que lors qu’elles deſcendent. C’eſt tout ce qui m’en vient ſous la plume.

15 Pour l’autre queſtion*, il faudroit bien du temps pour y penſer, car il y a pluſieurs forces differentes à confiderer : premierement ſi le poids eſtoit en vn eſpace vuide, où l’air ne fiſt aucun empeſchement, et qu’on ſupoſe qu’il ne luy faut que la moitié 20 d’autant de temps pour faire le meſme chemin, lors qu’il eſt pouſſé par vne force deux fois plus grande, i’ay autresfois fait ce calcul : ſi la corde eſt longue d’vn pied, & qu’il faille au poids vn moment pour paſſer depuis C iuſques à B, la corde eſtant longue


  • Modèle:Refa27-2 vn] ſi grand aj. — 2-3 juſques à la Quinte omis. — 3 &] au contraire aj. — 3-5 qui… Tierce] montant d’vne Tierce. — 7 le ſault] l’interuale. — 8 plus] ſenſible aj. — 9 dernier] paſſage. — 10 mal plaiſant] déplaiſant. — 10-13 Ajoutez… deſcendent.] De plus, lors que le deſſus monte, il réveille bien plus l’attention que lors qu’il descend. — 13 m’en] me. — 15-16 il faudroit… penſer] il y faudroit penſer. — 19 ſupoſe] ſupoſaſt. — faut] falluſt. — 22 fait… ce calcul] demonſtré qu’il fuiuoit cette proportion.

| nombre = 2 }} 28

��Correspondance.

��II, 53a-533.

���de 2 pieds , il luy faudra \ de moment ; fi elle eft de 4 pieds, ■— de moment; fi de 8 pieds, |*-; fi de 16 pieds, •^ 7 - j qui n'eft guère plus de j momens; et ainfi des autres. le ne vous dis pas pour cela combien la corde doit eftre longue, pour que le poids emploie deux momens iuftement à aller de C à B ; car il ne vien- drait pas de | nombre fi facile, & le calcul m'en feroit mal aifé à faire ; mais vous voyez à proportion des autres qu'elle de- uroit eftre plus de $ fois plus longue, fi bien que ce qu'elle a de moins, vient de l'empefchement de l'air, auquel il faut confiderer deux chofes : fçauoir, com- bien il empefche au commencement du mouuement, & combien par après; or il faut comparer l'vn & 1 autre à l'augmentation de la viteffe du mouuement qui fe feroit en vn efpace vuide, ce qui eft très difficile, & beaucoup plus en vn mouuement circulaire que fi vous fefiez defcendre le poids en ligne droite.

Quod attinet ad motus et reditus ponderis a C ad

��i moment] feulement aj. — elle] la corde. — 3-4 qui... au- tres] et ainfiàl'infiny. — 4-ioZ.a figure manque. — 6-9 pour... faire] pour répondre à deux mo- mens ; car elle ne fe peut expli- quer par (P. 533) nombre, au moins que ie croy. — 1 1 fi bien que] et. — i3 confiderer] efti- mer. — chofes] différentes aj. — 14 du mouvement omis. — 1 5 p»r après] lors qu'il est défia commencé à .émouuoir. — or il] ce qu'il — faut] encore aj.

��— l'un et l'autre omis. — 16-17 qui fe feroit en vn espace vuide omis. — 17-18 et beaucoup plus omis. — 18-19 que... droite] comme cettuy-cy. Il ne le feroit pas du tout tant, si vous fup- pofiez que le poids descendift tout droit de haut en bas. — 20- p. 29, 6 Clerselier donne une version française de cet alinéa latin. Il omet la fin de la lettre et continue par un fragment d'une autre : « le ne me fouuiens plus ... » (p. 533).

��10

��iS

��20

�� � h. su. X. — 8 Octobre 1629. 29

D, non ij minuuntur nifi a folo aère. In vacuo enim, fi quid moueretur, perpetuo & eodem plane modo moueretur. Sed non idem eft dicendum de corda tenfâ in teftudine*, quse digito adducta redit vi fibi interna ad priorem fitum, quem etiam fortaffe citius in vacuo recuperaret quam in aère.

Il ne me relie plus de papier que pour vous affurer que ie fuis,

Monfieur & Reuerend Père, Voftre très obeiffant & très affectionné & obligé feruiteur

DESCARTES.

��Page 23, 1. 2. — Phénomène des Parhélies ou faux soleils, observé à Frascati le 20 mars 1629 par le P. Scheiner, jésuite ; le cardinal Barberin en avait aussitôt envoyé une description à Peiresc. Celui-ci en tira plusieurs copies qu’il distribua aux savants. Gassend, qui voyageait alors en Hollande avec son ami Luillier, en reçut une. Il avait fait connaissance à Amsterdam avec deux amis de Descartes, un médecin, Waessenaer (dont nous retrouverons le fils en 1640 engagé dans une querelle de mathématiques), et Henry Reneri qui s’occupait surtout de philosophie. Il leur promit à tous deux, en partant pour Utrecht, le 10 juillet, une description du phénomène avec le discours envoyé de Rome, et son explication à lui. Waessenaer et Reneri reçurent la description d’abord, et Reneri l’envoya aussitôt à Descartes, en lui demandant aussi son explication, afin de la comparer à celle qu’il recevrait de Gassend. Celle-ci fut envoyée de La Haye, le 14 juillet [Gassendi opéra, Lyon, Laurent Anisson, i658, t. III, p. 65 1). Descartes mit plus de temps à donner la sienne (Baillet, Vie de M’ Des-Cartes, t. I, p. 188). La première rédaction de Gassend fut d’abord imprimée sous ce titre : Phœnomenon rarum Romœ obseruatum 20 Martij et eius causarum explicatio (Amstelod., Henrici Guerardi, 1629, in-4) ; puis l’année suivante, avec additions et corrections, sous ce second titre : Parhelia seu Soles IV spurij qui circa verum apparuerunt Romœ die 20 Martij 162g et de eisdem epistola ad Henricum Renerium (Parisiis, Vitré, i63o, in-4).

Page 23, 1. 3. — La leçon nouvelle s’accorde mieux avec les deux dates du 14 juillet (où Gassend envoya sa description) et du 8 octobre 1629 (date de cette lettre).

Page 23, l. 6.. — L’ouvrage dont il parlait au P. Gibieuf, lettre du 18 juillet 1629, et qui fut plus tard les Meditationes de prima philosophia (lettre à Mersenne, 15 avril 1630 ; cf. Baillet, t. I, p. 190).

Page 23, l. 9.. — Ce sera plus tard le traité des Météores, imprimé en 1637, comme un des Essais de la Méthode de Descartes. Il comprend dix discours ; le 8e a pour titre De l’arc-en-ciel, et le 10e De l’apparition de plusieurs soleils.

Page 23, l. 17.. — « Il se pouvoit faire que le bon Père Mersenne eût pris par inadvertance le mot de Tusculi, qui étoit dans l’original envoyé de Rome par le Cardinal Barberin, pour la ville de Tivoli. » (Baillet, t. I, p. 191). « Ou peut-être Tiburi pour Tusculi. » (Ib.).

Page 24, l. 3.. — Nouvelle leçon importante : Descartes, à cette date, écrivait plutôt en latin, surtout les choses philosophiques et scientifiques, comme en témoignent les Meditationes au moins ébauchées cette même année 1629.

Page 24, l. 10.. — Isaac Beeckman. Mersenne semble être entré en relations épistolaires avec lui vers le mois de juillet 1629 en lui posant sur la musique la même question qu’il adressa un peu plus tard à Descartes (voir lettre IX). Beeckman lui répondit, par une lettre perdue, aussi vaguement, semble-t-il, que le fit Descartes, mais en faisant déjà allusion à ce dernier en des termes que laisse deviner la lettre suivante de Beeckman à Mersenne (Bibl. Nat. fr. n. a. 6206, f° 43), écrite vers le mois d’août et répondant à de nouvelles questions. Voici le début de cette lettre, que Mersenne devait déjà avoir entre les mains quand il écrivit à Descartes au sujet de Beeckman : « Non miror, vir doctissime, virum doctum et studiis promouendis deditum vndique, etiam vbi nulla sunt, subsidia conquirere. Ipsissimus est D. des Chartes, quem dixeram : cuius ingenium vere laudas, quemque in Opticis tuis nobilem mathematicum a te vocari ex multis circumstantiis certissime colligo. Ipsus, inquam, is est cui ante decem annos ea quæ de causis dulcedinis consonantiarum scripseram communicaui, quemque tibi quæstionis huius occasiones dedisse putabam. Is nuper hue a vobis transiuit, ac rursus (vt est peregrinandi cupidus) hinc ad vos discessit. » Cette dernière phrase semble indiquer que Descartes avait laissé croire à Beeckman qu’il retournait en France.

Mersenne avait sans doute déjà aussi reçu la lettre suivante de Beeckman (même ms., f° 69) qui se termine comme suit :

« Salutaui tuis verbis per litteras D. des Chartes ; eodem enim die quo tuas accepi, illius etiam litteræ mihi sunt redditæ. Vivit, valet, tibique est amicissimus. »

Page 25, 1. 10. — Peut-être déjà Villiers, médecin de Sens, dont nous avons 44 lettres mss. à Mersenne ; quelques-unes (mais beaucoup plus tard, en 1640) ont été communiquées à Descàrtes. (Bibl. Nat. fr. n. a. 6205, fol. 365-43 7 et 3o8-356).

Page 25, l. 13. — Curiositez inouyes, sur la sculpture talismanique des Persans, horoscope des Patriarches et lecture des Estoilles, par M. J. Gaffarel (Paris, Herué du Mesnil, in-12, 1629, privilège du 24 mars). Livre où il est, en effet, question de camaieux artificiels et naturels, de sculptures et engravures talismaniques, etc. Mersenne l’enverra aussi à J.-B. de Helmont, qui lui répondra de Bruxelles par une longue critique, 26 septembre 1630 (Bibl. Nat. fr. n. a. 6205, fol. 218). Cf. Gassend à Peiresc, 11 sept. 1629 (Lettres de Peiresc, t. IV, 1893, p. 216).

Page 26, l. 8. — Mersenne avait posé à Beeckman une question analogue (passage de l’unisson à la tierce majeure, au lieu de la mineure). Dans une lettre du 1er octobre 1629 (Bibl. Nat. fr. n. a. 6206, f° 34), Beeckman renvoie Mersenne à ses propres écrits, et en même temps il cite textuellement tout un passage du Compendium Musicæ de Descartes, dont il avait le manuscrit depuis 1619, mais qui ne fut imprimé qu’en 1650 :

« De transitu in contrapuncto ab vnisono ad tertiam maiorem et contra, ipse tu tibi libro I, theor. 21 de Musicâ satisfecisse videris. Qui enim ab vnisono ad tertiam maiorem transit, per tua præcepta contra 8am duntaxat regulam peccat ; qui verò transit ab eâ tertiâ ad vnisonum, peccat contra 8am et 7am regulas simul. D. des Chartes (en interligne : amicus noster) in libello suo quam de Musicâ conscriptum ad me misit de hac re ita scribit :

» Ratio quare id potius seruetur in motu a consonantiis imperfectis ad perfectas, quàm in motu perfectarum ad imperfectas, est quia, dum audimus imperfectam, aures perfectiorem expetunt, in quâ magis quiescant, atque ad id feruntur impetu naturali : vnde fit vt magis vicina debeat poni, cùm scilicet illa sit quam desiderant : contra vero, dum auditur perfecta, imperfectiorem nullam expectamus, ideoque non refert vtra sit quæ ponatur. »

Page 27, 1. i5. — Cette question avait sans doute été posée aussi par Mersenne à Beeckman. Celui-ci répond, dans la plus ancienne lettre qu’on ait de lui : « Sententiam verô nunc rogatus, video in eâ re summam » difficultatem. Nam pendulum pondus tuum non mouetur in vacuo, sed » in aère ; ideoque aliter globosum, aliter pyramidale, aliter magnum, » aliter paruum, aliter ligneum, aliter plumbeum mouetur, quorum » omnium occursus varius cum aère esset supponendus. » (Bibl. Nat. fr. n. a. 6206, fol. 43}.

Page 29, 1. 4. — Cette autre question des vibrations d’une corde de luth avait aussi été posée par Mersenne à Beeckman, qui la traite dans la lettre qui précède celle du i OT octobre 1629. La figure de Beeckman (fig. 1) fait bien comprendre celle qui est ajoutée à la main sur l’exemplaire de l’Institut (fig. 2).

a c (fig. 1), ainsi que ab ex a’b’(fig. 2), représentent des cordes au repos ; en les pinçant au milieu on les amène de d en b (fig. 1), ou de B en A et

�� � de D en C (fig. 2). Il y a d’une part deux cordes a b et a’ b’(fig. 2), et de l’autre une corde a c et une demi-corde d c (fig. 1). — En outre, le principe allégué sans doute par Mersenne, et que Descartes admet, bien qu’il refuse d’en faire ici l’application, se retrouve, mot pour mot, dans la même lettre de Beeckmann : « Nec alaa est ratio cur hæc pergant moueri, quàm quia nihil impedit. In vacuo enim quod semel mouetur, perpetuo eodem modo mouetur ; quâ ratione nihil vnquam certius in mentem mihi venit, nec viginti annis quicquam legi, audiui, aut meditatus sum quod minimam erroris suspicionem mihi hic mouere potuerit. » (Bibl. Nat. fr. n. a. 6206, p. 70.)

  1. Voir ci-après Lettre XIV, deuxième alinéa.