Œuvres complètes de Saint-Just/Tome 1/VIII. Réponse à une accusation

Réponse à une accusation, Texte établi par Charles Vellay, Eugène Fasquelle, éditeur (L’Élite de la Révolution)Tome premier (p. 410-411).


VIII

RÉPONSE À UNE ACCUSATION


Les ennemis de la Révolution profitaient de la misère qui régnait alors pour nouer d’incessantes intrigues à la faveur du mécontentement public. C’est à un mouvement de cette sorte qu’il faut attribuer les incidents qui troublèrent, le 11 et le 12 février 1793, les séances de la Convention. Des pétitionnaires demandèrent d’un ton menaçant à être introduits à la barre. Éconduits le 11, ils revinrent le 12, et furent admis. Marat parla avec violence contre cette manifestation désordonnée : « Ne vous y trompez pas, citoyens, dit-il : c’est ici une basse intrigue. Je pourrais nommer ici des individus notés d’aristocratie ; mais les mesures que je propose serviront à les faire connaître et à couvrir de honte les auteurs. Je demande que ceux qui en auront imposé à la Convention soient poursuivis comme perturbateurs du repos public. » Au cours des explications qu’il présenta, l’orateur de la députation fit une allusion à Saint-Just. Il dit : « Ce matin, arrivé dans cette enceinte, nous nous sommes entretenus avec un de vos membres ; il nous a dit qu’après la lecture de la pétition, il faudrait demander que la Convention s’occupât, toute affaire cessante, de faire une loi sur les subsistances pour la République entière… » Comme on demandait le nom de ce député, le pétitionnaire répondit : « On m’a dit qu’il s’appelle Saint-Just ; mais je ne le connais pas. » Ainsi représenté comme un des organisateurs de cet incident tumultueux, Saint-Just monta à la tribune pour s’expliquer et rétablir la vérité des faits.


Quand je suis entré ce matin dans cette assemblée, on distribuait une pétition des quarante-huit sections de Paris, dans laquelle je suis cité d’une manière désavantageuse. Je fus à la salle des conférences, où je demandai à celui qui devait porter la parole, si j’avais démérité dans l’esprit des auteurs de la pétition : il me dit que non ; qu’il me regardait comme un très bon patriote. Je lui demandai les moyens qu’il voulait proposer : une personne me présenta du blé noir dans sa main, et me dit qu’il y en avait beaucoup de cette espèce débarqué au port Saint-Nicolas. Je lui dis : « Quelle que soit votre position, je vous invite à ne point agir avec violence : calmez-vous, et demandez une loi générale. Si la Convention ajourne votre proposition, alors je demanderai la parole, et je suivrai le fil des vues que j’ai déjà présentées. » Citoyens, je n’ai point dit autre chose.