Œuvres complètes de Saint-Just/Tome 1/III. Lettre à Thuillier

Lettre à Thuillier., Texte établi par Charles Vellay, Eugène Fasquelle, éditeur (L’Élite de la Révolution)Tome premier (p. 222-223).


III

LETTRE À THUILLIER


Après de longs débats, l’Assemblée Constituante avait établi, au mois de mai 1790, les nouvelles bases de l’organisation judiciaire. Les juges de district devaient être nommés au scrutin individuel, par les électeurs de chaque district. Conformément aux décisions de l’Assemblée, les électeurs du district de Chauny furent convoqués : leur première réunion eut lieu à Blérancourt, mais, à la suite d’incidents tumultueux. les réunions suivantes furent transférées à Chauny. Saint-Just écrivit alors à son ami Thuillier la lettre suivante. L’adresse en est ainsi conçue : À Monsieur Decaisne, notaire royal à Blérancourt, chez M. Prijer, à Chauni. Mais, en tête du texte, on lit ces mots, qui indiquent le véritable destinataire : À Thuillier.

Vous ferez la motion qu’il soit fait une adresse, avant de se séparer, au Département, pour demander que la prochaine séance se tienne à Blérancourt. Tu tiendras cette adresse prête dès que tu la liras, et tu feras signer deux.

La voici, tu ne l’écriras pas toi-même :

« À MM. les Adm…

« Une faible portion de citoyens actifs du canton de Blérancourt s’est rendue à Chauni, conformément à votre respectable arrêté du… Les opérations vont encore trainer en longueur. Quatre lieues à faire découragent le pauvre. S’il se trouve dans le canton des ennemis du bien public ou des usurpateurs, eux seuls resteront pour l’élection, et le juge qui en sortira ne sera point l’élu du peuple. Comme le nombre de ceux qui troublèrent par leurs discours la première assemblée tenue à Blérancourt est fort petit, et que toute assemblée a le droit de mettre la police dans son sein, nous avons tout lieu de croire qu’ils se corrigeront de leur faute, et ne mettront point l’assemblée dans le cas d’employer contre eux la force publique. Nous sommes frères, Messieurs, et nous ne pourrions jamais être que des frères ennemis, mais ils s’embrassent et se réconcilient.

« Qu’il vous plaise, Messieurs, vu l’éloignement de la ville de Chauni, vu le peu d’aisance des gens de campagne, accorder le pardon au petit nombre de ceux qui font le mal, peut-être aveuglément, en faveur de cinq cents qui veulent le bien, et permettre que la prochaine séance se tienne à Blérancourt. »