Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre/Tome 1/Appendice V (Discours sur les peines infamantes)



APPENDICE V


Prix proposés par la Société Royale des sciences et des arts de Metz pour les années 1785 et 1786[1].


La Société Royale n’avoit pas été pleinement satisfaite des Mémoires qui lui avoient été adressés pour le Concours de l’année dernière sur ce sujet :

« Quelle est l’origine de l’opinion qui étend sur tous les individus d’une même famille, une partie de la honte attachée aux peines infamantes que subit un coupable ? Cette opinion est-elle plus nuisible qu’utile ? Et dans le cas où l’on se décideroit pour l’affirmative, quels seroient les moyens de parer aux inconvéniens qui en résultent ? »

La Société s’étoit déterminée à remettre le Prix au Concours de cette année, en indiquant plus spécialement les points sur lesquels elle désiroit que les Auteurs portassent leur attention. Elle n’a eu lieu que de s’applaudir du parti qu’elle a pris. Elle a, en effet, reçu un grand nombre de Mémoires sur cette question intéressante, parmi lesquels il s’en est trouve plusieurs dont le mérite a longtemps balancé les suffrages. Enfin la comparaison de ces divers ouvrages a fait décerner unanimement le Prix au n° 22, portant pour épigraphe cette Loi du Code : Peccata suos teneant autores, nec ulterius progredialur metus, quam reperiatur deliclum, etc. ; dont l’auteur est M. Lacretelle, avocat au Parlement de Paris. Nous ne préviendrons point ici le jugement du public sur cet ouvrage ; nous observerons seulement que la Société a éprouvé une vive satisfaction en couronnant un auteur né dans nos murs et qui a déjà acquis parmi les gens de lettres une célébrité justement méritée par l’éloge du duc de Montausier pour lequel l’Académie française lui a décerné le prix en 1781 et par d’autres ouvrages généralement applaudis.

La Société Royale regrettoit de n’avoir pas deux médailles à distribuer, pour en décerner une à l’auteur du Mémoire no 17, portant pour épigraphe ce passage de l’Enéide :

« Quod genus hoc hominum queve hunc tam barbara morem
Permittit patria ?
............... »


mais le citoyen (M. Roederer, Conseiller au Parlement et membre de la Société) qui, les années précédentes, avoit fait les fonds du Prix proposé pour le Concours de cette année, sur la question de l’influence du canal qui joindroit la Meuse à la Seine par la Bar, l’Aisne et l’Oise, sur le commerce actif, passif et d’entrepôt de toutes les parties de la Province, ayant appris qu’il n’avoit été présenté aucun Mémoire sur ce sujet, avoit laissé à la Société la liberté d’en disposer. Elle n’a pas cru pouvoir en faire un meilleur usage qu’en décernant aussi une médaille de la même valeur à M. de Robespierre, avocat à Arras, auteur de ce mémoire no 17.

La Société a accordé l’accessit à trois ouvrages qui, par la profondeur des vues et la justesse du raisonnement, ont le plus approché du mérite des deux Mémoires couronnés. Le premier de ces ouvrages sous le no 19, porte pour épigraphe ces mots d’Horace : Adsit regula peccatis. Le second, sous le no 20, a pour devise cette loi du Code : Sancimus ibi esse poenam, ubi et noxia est ; et le troisième, sous le n° 7 bis, est désigné par ces mots d’Horace : Tollite barbarum morem ; l’on observera que ce Mémoire est différent d’un autre venu de Libourne, portant la même épigraphe et qui n’a pu être admis au Concours, parce que l’auteur s’est nommé dans une lettre d’envoi.

La plupart des autres ouvrages que la Société a reçus, contiennent en général des vues utiles ; mais, ou la question n’y est pas traitée sous tous les points de vue indiqués, ou plusieurs des auteurs se sont livrés à des discussions éloignées du sujet, ou d’autres enfin ont péché contre le style.

La Société a néanmoins distingué dans ce nombre cinq Mémoires qui ont des parties dignes d’éloges, et des idées intéressantes qu’elle pourra faire connoître à la suite. Ces Mémoires sont : 1o le no 6 ayant pour devise ce passage d’Horace : Hic murus ahenus esto, nulla pallescere culpa. 2o Le no 10, sous cette devise : Nox abüt, nec tamen orta dies, d’Ovide. 3o Le no 12, ayant pour épigraphe : Haud scio an possit ullum pejus induci institutum, quàm si nec malos è bonis genitos sequetur pœna, nec honos habebitur bonis qui ex malis parentibus nati sunt. Philo, de pietate. 4o Le no 15 portant pour devise : Quis honorem, quis gloriam, quis laudem, quis illud decus tam unquam expetit, quam ut ignominiam, infamiam, dedecus fugiat ? Cic. de orat. 5o Le no 18 dont la devise est : Non debet aliquis alicujus odio praevagari.



  1. L’original manuscrit du programme et du rapport lu dans la séance publique du 23 août 1784 existe dans les archives de l’Académie, vol. 6, n° 19