Œuvres complètes de Lamartine (1860)/Tome 1/Le Passé/Second commentaire

SECOND COMMENTAIRE

DE LA PREMIÈRE MÉDITATION



Cette ode est adressée au plus intime et au plus cher de mes amis, le comte Aymon de Virieu, dont j’ai beaucoup parlé dans les Confidences, et surtout dans l’histoire de Graziella. J’ai fait là son portrait ; je ne le referai pas. Vers l’âge de trente ans, nos jeunesses finies, nous nous séparâmes pour prendre chacun nos routes diverses dans la vie. Nous entrâmes l’un et l’autre dans la diplomatie. Il alla à Rio-Janeiro, ce Constantinople du nouveau monde, avec l’ambassade de M. de Narbonne, homme aussi modeste qu’excellent. Mais nous restâmes aussi liés après la séparation que nous l’avions été depuis le collége. Notre correspondance formerait des volumes d’intimités et d’excursions de cœur et d’esprit sur tous les sujets. Nous aiguisions nos intelligences l’une contre l’autre. Il était la meule, moi le tranchant.

Dans un de ces moments où la vie devient sombre sous le passage de quelque nuée, et où l’on fait involontairement des retours sur le passé, jonché déjà de tombeaux et de feuilles mortes, je lui adressai ces vers. Lui seul me comprenait bien ; il avait été le confident de toutes mes plus secrètes émotions d’esprit et de cœur. Il m’entendait à demi-mot ; sa pensée achevait la mienne.

Cela fut écrit en Italie en 1824.