Œuvres complètes de Frédéric Ozanam, 3e édition/Volume 01/Onzième leçon
Au milieu des ruines du quatrième et du cinquième siècle, nous avons vu commencer une puissance nouvelle que l’antiquité ne connut pas, qui gouverna le moyen âge : c’est la théologie. L’antiquité avait eu des sacerdoces savants, elle avait fait des tentatives pour mettre les traditions religieuses en ordre et en lumière, mais elle n’avait pas eu de théologie véritable, c’est-à-dire de science fondée sur une alliance sérieuse de la raison et de la foi, parce que dans le paganisme il y avait peu de foi et il n’y avait pas assez de raison. Ces deux principes, au contraire, faisaient l’âme du christianisme : la foi lui avait donné trois siècles de martyrs, et la raison, s’appliquant à l’intelligence du dogme, lui avait donné les Pères. Nous avons vu tout ce qu’il fallut de rectitude, de persévérance, de travail, pour maintenir le dogme chrétien et le préserver de ces deux périls : d’une part, de retourner au paganisme avec les gnostiques et les manichéens ; d’autre part, d’aller se perdre dans la philosophie avec Arius et Pélage.
Ces questions avaient droit de nous retenir, malgré leurs difficultés ; car le cinquième siècle travaille bien moins pour lui-même que pour les âges suivants ; et ici se découvre cette économie admirable dans les lois de la Providence, qui fait que rien n’est perdu dans la famille chrétienne et que chaque génération peut se rendre ce témoignage qu’elle plie, sous le poids du jour et de la chaleur, accablée du fardeau des générations suivantes. L’arianisme n’a pas péri à Nicée ou à Constantinople : banni de l’empire romain, il s’est réfugié chez les barbares où il a fait de rapides progrès ; il reviendra avec ces nuées de Goths, d’Alains, de Suèves, de Vandales, qui vont fondre sur l’empire encore cent ans, et il sera maître en Italie, dans la Gaule méridionale, en Espagne, sur les côtes d’Afrique ; et le plus grand des princes ariens, Théodoric, semblera suscité pour fonder, avec un nouvel empire, le règne de la civilisation arienne, qui s’écroulera bientôt après cependant sous le souffle providentiel qui va passer. Derrière ces ariens il en existe d’autres : les musulmans, qui professent une sorte d’arianisme nouveau, l’unité de Dieu avec le Christ considéré comme prophète, et c’est là la forme nouvelle sous laquelle cette hérésie reparaîtra pour envelopper l’Orient et l’Occident jusqu’à ce qu’elle recule devant ce petit royaume des Francs que les évêques, que la théologie avaient fondé, devant ce roi théologien qui s’appelait Charlemagne, devant ce siècle qui laisse une empreinte si profonde dans la chrétienté tout entière.
Le manichéisme n’a pas non plus disparu sans retour : refoulé par la parole puissante de saint Augustin, il s’est rejeté sur les confins de l’empire d’Orient et de la Perse, dans les montagnes de l’Arménie. C’est là que, au neuvième siècle, Petrus Siculus, évêque sicilien, envoyé par les empereurs grecs, découvrira une secte puissante qui a toute une hiérarchie, une véritable organisation, et qui cherche à se propager, sous le nom de Bogomiles ou Pauliciens, dans la Bulgarie. C’est encore le manichéisme qui, au onzième siècle, reparaîtra en France, en Italie, en Allemagne, dans les erreurs des Cathares, Patarins et Albigeois, et qui, enveloppant tout à coup, comme d’un filet, la plus grande partie de la chrétienté méridionale, suscitera les plus grands périls à la civilisation catholique. Au bruit de ces hérésies qui niaient le Dieu des chrétiens, qui attaquaient le principe de la propriété et de la famille, tous les éléments, en quelque sorte, de la société chrétienne, l’Europe s’émut et la chevalerie mit la main sur la garde de son épée : nous savons les excès à jamais regrettables de ces croisades albigeoises dont il faut déplorer les horreurs ; mais il ne faut pas que la fumée de ces incendies nous dérobe la vérité ; si la victoire de l’épée eut ses fautes, la victoire de la pensée et de la raison ne laissa pas de sujets de regrets ni de larmes. C’est de ce grand conflit du treizième siècle, c’est de cette lutte furieuse que vont sortir tous les grands théologiens dont ce siècle est rempli : saint Thomas d’Aquin, saint Bonaventure et ce grand poëte de l’Italie, Dante. C’est cette théologie qui, ayant profondément agité les esprits, fécondé la pensée, pénétrant dans la longue incubation du quatorzième siècle, au milieu du chaos de ces époques orageuses, jusqu’aux derniers rangs de la civilisation chrétienne, en fera sortir les merveilles du quinzième siècle et manifestera cette magnifique expansion du génie chrétien qui, en moins de cent ans, trouva l’imprimerie, sonda les secrets des cieux avec Copernic, et découvrit une moitié du monde avec Christophe Colomb, tout cela longtemps avant qu’eût paru le moine allemand Luther, auquel on a attribué cependant l’honneur d’avoir réveillé l’esprit humain. La théologie est donc l’âme du moyen âge, et quand je vois s’agiter toutes ces grandes pensées qui vont produire les croisades, la chevalerie, et ce prodigieux mouvement où furent entraînés nos pères, alors je me dis qu’au milieu de ce trouble il y a une âme qui fait sentir son impulsion… Mens agitat molem.
La théologie descend de la foi à la raison et la philosophie remonte de la raison à la foi. Ce retour de l’esprit vers des vérités qu’il a aperçues de loin, qui lui ont été manifestées dans l’ombre des mystères, mais qu’il veut contempler de nouveau et face à face, est un besoin irrésistible et impérissable de la nature humaine. Aussi, quelle est la religion vraie ou fausse du sein de laquelle ne soit sortie une philosophie pour la confirmer ou pour la contredire ? Ces deux grandes vérités, Dieu et l’immortalité de l’âme, ces deux vérités à la fois souverainement aimables et souverainement effrayantes, n’ont jamais cessé de poursuivre l’humanité, et par un chemin ou par un autre ont cherché à parvenir jusqu’à elle. De tout temps la philosophie a trouvé deux voies pour atteindre ces idées dont l’attrait la ravissait : l’une de ces voies est l’étude, le raisonnement laborieux qui, à chaque instant, s’arrête pour se rendre compte du pas qu’il a fait ; ce raisonnement méthodique c’est la logique, la science de lier les idées ; d’entasser l’Ossa sur le Pélion pour escalader jusqu’à Dieu ; mais les montagnes sont lourdes à soulever, la dialectique n’est pas un médiocre effort pour l’esprit humain, et souvent son ambitieux édifice s’est écroulé avant qu’il fût seulement à moitié construit. C’est pourquoi l’homme s’est retourné d’un autre côté, et, apercevant qu’à certaines heures il était illuminé par des vérités qu’il n’avait point cherchées, que l’inspiration avait ses instincts et la contemplation ses éclairs, il s’est demandé pourquoi il ne contemplerait pas ; il a cherché alors une autre méthode qui consiste dans l’effort de la volonté, dans la purification du cœur, dans le travail intérieur de l’amour, en un mot, au lieu de la logique, il a mis sa confiance dans la morale ; en se rendant digne de Dieu, il a pensé qu’il pouvait aussi se rendre capable de le contempler. Ces deux méthodes, l’une qui procède par le raisonnement, par la logique, l’autre qui procède par la contemplation, par l’amour moral, ont constitué deux philosophies : le dogmatisme et le mysticisme.
Je ne veux pas remonter à l’origine du mysticisme et vous montrer dans l’Inde, dès la plus haute antiquité, ces contemplateurs immobiles, résidant toute leur vie sur le point où ils ont établi leur premier séjour, s’interdisant tout mouvement, fixant leurs yeux devant eux et se livrant aux derniers efforts de la privation et de la mortification pour conjurer Dieu et le faire descendre en eux ; d’autre part, ces philosophes spéculatifs qui, éclaircissant les textes des Védas, imaginèrent plusieurs systèmes philosophiques pour éclairer la révélation qu’ils se supposaient donnée. Je laisse cette antiquité trop reculée, et, m’arrêtant à la Grèce, où paraissent aussi ces efforts, où les mystiques, avec Pythagore, font consister la sagesse dans l’abstinence et la continence, où d’un autre côté se montrent les dogmatiques avec Thalès, les sophistes et la moitié de l’école de Socrate, je me contente des résultats qu’aura pu obtenir le génie grec, le plus beau rejeton de l’esprit humain, et je me demande ce qu’Aristote et Platon, les deux plus vastes intelligences que la Grèce ait produites, auront obtenu sur ce point capital auquel tend la raison humaine : la science de Dieu.
Platon a poussé la science de Dieu plus loin qu’aucun des anciens ; il a conçu Dieu surtout comme l’idée du bien, par qui les êtres sont nécessairement intelligibles et par qui ils existent ; c’est un Dieu bon, qui par bonté a produit le monde, mais il ne l’a pas tiré du néant, il l’a produit avec la matière antérieurement existante qu’il a fait sortir du chaos dans lequel elle s’agitait, et il a combattu contre cette matière rebelle qui modifie, gâte et corrompt ses œuvres. Ce Dieu de Platon est bien grand, mais il n’est pas libre, il n’est pas seul, il vit éternellement côte à côte avec la matière indisciplinée, il est vaincu dans ses efforts par la résistance qu’elle lui oppose, il n’est maître qu’à demi ; ce Dieu grand, bon, mais qui n’est pas libre, qui n’est pas seul, ce n’est pas Dieu.
D’autre part, Aristote, dans les quatorze livres de sa Métaphysique, fait les derniers efforts pour surpasser Platon ; il réunit l’appareil scientifique le plus vaste qu’une main humaine ait jamais remué. Cet homme, qui savait l’histoire des animaux, qui avait posé les bases d’une république, qui avait étudié les lois de l’esprit humain et classé les catégories de la pensée, sent enfin le besoin de résumer tout son travail ; il étend les mains à droite et à gauche ; il rassemble toutes les connaissances qu’il a puisées dans l’étude de l’univers entier, et de ces notions les plus ardues de la substance et de l’accident, de la puissance et de l’acte, du mouvement et de la privation, il compose comme autant de degrés au sommet desquels, respirant à peine. et haletant de ce travail prodigieux auquel il s’est condamné, il croit enfin être arrivé jusqu’à Dieu. Il proclame un premier moteur nécessaire, éternel, un moteur éternel d’un monde éternel comme lui, qui meut tout l’univers, mais sans le vouloir, sans l’aimer, par une sorte d’attraction physique qu’il subit sans la diriger. Ce Dieu est puissant, intelligent, il trouve son bonheur dans la contemplation de soi-même, mais il n’est pas bon, il n’aime pas ses œuvres, il n’aime que lui : il est donc plus imparfait encore que le Dieu de Platon.
Voilà ce que l’esprit humain, aidé de toutes les lumières qu’avaient produites des siècles de travaux infinis, avec l’essor immense que lui avaient imprimé la faveur des temps, l’éclat et les splendeurs des siècles de Périclès et d’Alexandre, voilà ce que l’esprit humain avait obtenu. Vinrent Épicure et Zénon, l’un avec ses atomes, l’autre qui faisait de Dieu un grand animal, une substance corporelle ; puis Pyrrhon et avec lui le doute universel, que Cicéron essaya vainement de combattre en entourant des plus vives lumières les deux grandes vérités fondamentales de toute vraie doctrine, l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme. Mais atteint lui-même par le scepticisme, il finit par trouver Dieu probable et l’immortalité de l’âme souverainement désirable pour les gens de bien. Voilà la philosophie jusqu’au christianisme.
Le christianisme est venu renouveler les forces de l’esprit humain, surtout en lui donnant ce sans quoi l’esprit humain n’agit pas, en lui donnant des certitudes. Et remarquez que ce qui fait l’objection principale contre la philosophie chrétienne est précisément ce qui fait sa force, sa nouveauté, son mérite. — On dit sans cesse : le christianisme permet seulement de vérifier des dogmes qu’il déclare certains, il détermine le but, et c’est la route seule qu’il laisse chercher. — Mais je ne connais pas d’exemple de grands hommes, de profonds penseurs qui ne soient entrés dans la science avec l’idée ferme et arrêtée du but ; l’esprit humain ne se résigne pas à ce formidable travail de philosopher, de raisonner, s’il n’a d’avance un but où il tend. Je crois que le jour où Descartes allait en pèlerinage à Notre-Dame-de-Lorette, le pèlerin catholique avait la pensée bien arrêtée d’arriver à la preuve de l’existence de Dieu et de l’immortalité de l’âme. C’est dans cette fixité, dans cette certitude du but que se trouve la puissance du génie. Képler meurt en disant qu’il sait bien que ses calculs sont inexacts, mais que, Dieu aidant, tôt ou tard, un autre viendra qui corrigera ses calculs et constatera la vérité de ses recherches. Voilà bien le génie, la science, la philosophie ; voilà les illuminations, les éclairs, à la lumière desquels marche l’esprit humain ! Le christianisme apportait la certitude et, avec elle, il donnait la liberté pour choisir entre les voies diverses qui devaient y conduire. Il ne confinait plus la pensée humaine dans l’école des mystiques ou dans l’école des dogmatiques ; mais, s’adressant à la fois à l’esprit et au cœur, à l’intelligence et à l’amour, il faisait à l’homme un devoir de s’aider à la fois de l’amour et de l’intelligence pour arriver jusqu’à celui qui est souverainement aimable et souverainement intelligible, c’est à-dire jusqu’à Dieu. C’est là la nouveauté de l’éclectisme chrétien et la voie dans laquelle il précipite les Pères l’un après l’autre ; la plupart de ces grands hommes, entraînés dans les débats d’une polémique ardente, n’eurent pas le loisir d’en résumer la pensée, de la réduire en système et de construire une philosophie ; ce travail de la métaphysique chrétienne était réservé à l’un des trois ou quatre grands métaphysiciens que Dieu ait semés dans les temps modernes, je veux dire saint Augustin.
Saint Augustin devait ouvrir les deux routes, inaugurer les deux méthodes de la philosophie du christianisme : la philosophie mystique et la philosophie dogmatique.
Aucune âme plus que la sienne ne fut travaillée de cet amour inquiet d’une vérité invisible, de ce qu’on a si bien appelé la nostalgie céleste, de ce besoin de la patrie éternelle, de laquelle nous sommes venus, et à laquelle nous tendons. Il semble, au premier abord, qu’aucune âme n’ait été jetée sur la terre plus loin de Dieu. Il naît, en 354, sur cette côte d’Afrique, vouée déjà aux derniers désordres, et sur laquelle il ne fallait pas moins que les torrents des Vandales pour laver les souillures dont elle était couverte. Son père n’était pas chrétien, et, ce qui paraissait plus dangereux encore, il destinait Augustin non pas seulement à l’étude, mais à l’enseignement de ces lettres dégénérées de la décadence ; il devait faire un jour marchandise de sa parole et enseigner l’art de mentir en bons termes. C’est dans les écoles de Madaure et de Carthage, où l’on trafiquait de l’éloquence, que le jeune Augustin commença à s’exercer aux jeux du langage, à cet art dangereux qui tient la pensée pour peu de chose, et cherche les vains plaisirs de l’oreille. Il eut pour condisciples les étudiants de Carthage, ces jeunes gens qui avaient une réputation de désordre et qu’on appellait eversores, ravageurs ; et, comme le dit saint Augustin, quand ils se présentaient au cours d’un maître en faveur, c’était en entrant par les portes et par les fenêtres, en brisant tout ce qui s’opposait à eux. Vous devez par là juger des périls que courait saint Augustin, au milieu de ces entraînements ; et le livre des Confessions nous dit, en effet, qu’il ne résista à aucune de ces tentations qui peuvent assaillir la première jeunesse. Cependant Dieu lui avait fait un cœur inquiet et qui ne pouvait trouver de repos qu’en lui. De bonne heure, cette inquiétude secrète d’une âme qui aspire à la pureté s’était réveillée au milieu de toutes les souillures ; tout enfant, il avait coutume de prier Dieu pour obtenir que ses maîtres ne le battissent pas de verges, et plus tard, lorsque le souvenir de la Divinité semblait devoir être banni de ses nuits de débauche et d’orgie, cependant elle le visitait sans qu’il la reconnût. Il éprouvait cette admiration de la beauté qui révélait chez lui une véritable vocation littéraire, qui lui arrachait des larmes à la lecture des malheurs de Didon, le faisait s’asseoir, non pas tant aux jeux du cirque qu’aux représentations de la scène, et surtout des tragédies qui lui mettaient sous les yeux les infortunes héroïques des grands hommes de l’antiquité. Cette passion infinie du beau le poursuit dans sa chaire d’éloquence, et, en présence de ses amis, il leur dit : « Quid amamus nisi pulchrum ? Quid est pulchrum ? » Et pour son premier ouvrage, il écrit trois livres sur le beau.
Ce n’est pas seulement le beau qui l’attire, c’est aussi le bien ; l’amitié, l’attraction d’une âme par une âme se révèle bien fortement à lui lorsque, ayant perdu un condisciple qu’il aimait, il nous représente sa douleur et les déchirements de son cœur que rien ne pouvait consoler : « Mes yeux le cherchaient de toutes parts, et on ne me le rendait point, et je haïssais toutes choses parce qu’elles ne me le montraient pas, parce qu’elles ne pouvaient plus me dire : Voici qu’il va venir tout à l’heure, comme lorsqu’il vivait, et qu’il était absent. Je portais donc mon âme déchirée et saignante, impatiente de se laisser porter ; et je ne savais où la poser : car elle ne se reposait ni dans les aimables bocages, ni dans les jeux et les champs, ni dans les lieux parfumés, ni dans les festins, ni dans les voluptés, ni enfin dans les livres et les vers[1]. »
Voilà comment saint Augustin aimait, et s’il aimait ainsi un ami, que devait-ce être des autres emportements de son cœur ? Aussi, au milieu de l’horreur que lui inspirent la fougue et les déréglements de sa jeunesse, on reconnaît que cette âme ne se précipitait ainsi dans de coupables amours que parce qu’elle était affamée d’un autre amour, et parce qu’une nourriture divine lui avait été retirée. À dix-neuf ans l’Hortensius de Cicéron tombe entre ses mains, et alors il prend en dégoût la fortune et jure de n’aimer que l’éternelle sagesse, et déjà, dit-il, je me levais pour retourner à « vous, ô mon Dieu[2] ! » Cependant l’Hortensius ne le satisfaisait qu’à demi ; il s’affligeait de n’y pas trouver le nom du Christ, mot qui était resté attaché, avec quelque chose de tendre et de doux, au fond de son cœur.
Les manichéens parlent du Christ, et c’est ce qui l’attire vers eux ; il était tourmenté de la pensée de Dieu et se demandait sans cesse : Qu’est-ce que le mal ? d’où vient la présence du mal ? Une secte qui lui promettait l’explication du mal devait donc le séduire. Les manichéens l’avaient entraîné jusqu’à ce point, qu’il admettait avec eux un Dieu corporel, une âme corporelle ; aucune notion d’esprit n’entrait dans son intelligence ; il croyait que le Christ résidait entre le soleil et la lune, qu’il n’avait eu qu’un corps fantastique, que l’homme primitif avait été mis en morceaux par l’esprit des ténèbres, que les plantes exhalaient différentes parties de l’âme du monde avec leurs parfums, et que la figue qu’on détache de l’arbre versait une larme de douleur. Voilà ce que croyait saint Augustin plutôt que de ne rien croire, tant cette âme avait besoin de se sacrifier, de se dévouer tout entière ! Ce n’est pas tout : les manichéens eux-mêmes finirent par le fatiguer de leurs exigences, des sacrifices qu’ils demandaient à sa haute raison, et, en même temps, les livres des néo-platoniciens étaient tombés entre ses mains, il y trouva une philosophie qui lui parlait encore de Dieu comme du souverain bien. Il se laissa attirer vers eux de préférence. Avec eux il commençait à comprendre Dieu autrement que sous des formes corporelles, comme une lumière sacrée, invisible, impalpable. Cependant ces notions avaient tant de peine à pénétrer dans son âme, qu’il hésitait encore : « Et je disais : La vérité n’est-elle donc rien parce qu’elle n’est répandue ni dans un espace fini, ni dans des espaces infinis ? Et vous m’avez crié de loin : Je suis, je suis celui qui est ; et j’entendis comme on entend dans le cœur, et il ne me fut pas plus possible de douter de la vérité que de ma vie[3]. »
Mais, au moment où cette révolution s’opérait dans l’esprit de saint Augustin, il quittait Carthage, en 385, et faisait voile pour Rome, laissant sa mère agenouillée sur le bord du rivage pendant que le vaisseau cinglait et emportait au loin ce fils de tant de larmes. À Rome, le préfet de la ville auquel on avait demandé un professeur d’éloquence pour Milan, où résidait la cour, ayant ouï parler du jeune Africain, le fit venir devant lui, et, l’ayant entendu, lui confia la charge nouvelle. Ce Mécène de saint Augustin, ce protecteur, c’était, par un bizarre rapprochement, le païen Symmaque !
Arrivé à Milan, saint Augustin voit saint Ambroise, il l’entend, il l’admire, il va l’écouter à l’église ; d’autres fois il va le contempler travaillant, lisant, compulsant des manuscrits, écrivant dans sa maison, ouverte à tout le monde, traversée sans cesse par les curieux, sans que saint Ambroise levât jamais les yeux, si ce n’est lorsqu’on venait réclamer quelque bon office de sa charité. Augustin contemplait sa méditation et se retirait sans avoir rien dit[4]. En même temps, il avait près de lui sa mère, qui n’avait pas craint de traverser les flots pour venir le rejoindre, comptant toujours sur sa conversion, et rassurée par cette parole d’un évêque qui lui avait dit : « Il est impossible que ce fils de tant de larmes ne vous soit pas rendu. » Il avait aussi autour de lui ses amis, ses auditeurs, qui ne l’avaient pas quitté, qui étaient venus d’Afrique, que rien n’avait pu détacher de ce maître aimé : c’est au milieu d’eux que son âme commençait à chercher un certain calme et le repos d’une vie plus réglée. Ils méditaient ensemble le projet de former une communauté philosophique, comme tant de philosophes l’avaient rêvé, comme Pythagore l’avait essayé : la plus grande difficulté, c’étaient les femmes ; Augustin, en effet, n’était pas résolu à s’arracher aux plaisirs de sa jeunesse, et ses anciennes voluptés le tiraient encore par son vêtement de chair. Il était dans cet état, lorsqu’un jour lui fut racontée l’histoire du rhéteur Victorin, qui avait tout quitté, au faîte de sa gloire et dans un âge bien mûr, pour suivre le Christ. Il se laissa captiver aussi par cette autre histoire de deux officiers de l’empire qui, se promenant aux environs de Trêves, et étant entrés chez des moines, avaient admiré leur vie, et s’étaient décidés à abandonner toutes choses pour vivre avec eux de la vie parfaite. Tous ces récits agitaient l’âme de saint Augustin et l’entraînaient insensiblement vers le christianisme, qu’il avait connu depuis peu de temps par saint Ambroise, et dont les merveilles dépassaient si fort celles qu’avaient racontées Platon et ses disciples. À la suite de la conversation où il avait entendu le récit de la conversion des deux officiers, il éprouva cette agitation décisive[5] dont il nous a laissé l’admirable tableau. Il faut vous le relire, car comment ne pas rappeler cette mémorable journée de la fin d’août 386, où ce grand homme fut arraché à ses erreurs, précipité aux pieds de la vérité, jeté dans le sein de cette doctrine qu’il allait désormais si glorieusement servir ? Je vais vous lire à ce sujet l’admirable version donnée par M. Villemain, à laquelle il n’a rien laissé à ajouter :
«… Je m’avançais dans ce jardin, et Alype me suivait pas à pas. Moi, je ne m’étais pas cru seul avec moi-même, tandis qu’il était là ; et lui, pouvait-il m’abandonner dans le trouble où il me voyait ? Nous nous assîmes dans l’endroit le plus éloigné de la maison ; je frémissais dans mon âme, et je m’indignais de l’indignation la plus violente contre ma lenteur à fuir dans cette vie nouvelle, dont j’étais convenu avec Dieu, et où tout mon être me criait qu’il fallait entrer…… Je me jetai à terre sous un figuier, je ne sais pourquoi, et je donnai libre cours à mes larmes ; elles jaillissaient à grands flots, comme une offrande agréable pour toi, ô mon Dieu ! et je t’adressais mille choses, non pas avec ces paroles, mais avec ce sens : « Ô Seigneur ! jusqu’à quand t’irriteras-tu contre moi ? Ne te souviens plus de mes anciennes iniquités. » Car je sentais qu’elles me retenaient encore. Je laissais échapper ces mots dignes de pitié : «Quand ? quel jour ? Demain ? après-demain ? Pourquoi pas encore ? pourquoi cette heure n’est-elle pas la fin de ma honte ? »
Je me disais ces choses, et je pleurais avec amertume dans la contrition de mon cœur. Voilà que j’entends sortir d’une maison une voix comme celle d’un enfant ou d’une jeune fille, qui chantait et répétait en refrain ces mots : « Prends, lis ; prends, lis. »
Alors je revins à grands pas au lieu où était assis Alype, car j’y avais laissé le livre de l’Apôtre, lorsque je m’étais levé. Je le pris, je l’ouvris, et je lus en silence le premier chapitre où tombèrent mes yeux : « Ne vivez pas dans les festins, dans l’ivresse, dans les plaisirs et les impudicités, dans la jalousie et la dispute : mais revêtez-vous de Jésus-Christ, et n’ayez pas de prévoyance pour le corps, au gré de vos sensualités. » Je ne voulus pas lire au delà, et il n’en était pas besoin. Aussitôt, en effet, que j’eus achevé cette pensée, comme si une lumière de sécurité se fût répandue sur mon cœur, les ténèbres du doute disparurent.
Alors, ayant marqué le passage du doigt ou par quelque autre signe, je fermai le livre et le fis voir à Alype[6]. »
Toutes les ténèbres s’étaient dissipées ; à dater de ce jour Augustin est en possession de ce Dieu qu’il avait poursuivi, qui le poursuivait depuis si longtemps, et qui, enfin, s’était emparé de lui. Il est avec lui en communication si parfaite, il le contemple si réellement, que, dans cet autre moment célèbre dont il nous a laissé la mémoire, dans ses entretiens avec sa mère, on sent qu’il est allé aussi loin qu’un mortel pouvait aller dans la rencontre de l’homme avec Dieu.
Bien peu de temps après le jour de cette conversion, Monique allait rendre son âme à Dieu ; mais le moment de sa mort n’était pas encore connu, et tous deux, la mère et le fils, étaient à Ostie, se disposant à s’embarquer sur le navire qui devait les ramener en Afrique. Comme un soir ils étaient tous deux appuyés sur le bord d’une fenêtre, considérant le ciel, ils se mirent à parler des espérances de l’immortalité ; et alors, dit saint Augustin, après avoir traversé tout l’ordre des choses visibles, considéré toutes les créatures qui rendent témoignage de Dieu, au-dessus des astres, au-dessus du soleil, ils arrivèrent jusque dans la région de l’âme, et là ils trouvèrent que leurs aspirations n’étaient pas satisfaites, et ils parvinrent jusqu’à la sagesse éternelle et créatrice ; « et tandis que nous parlions ainsi, continue saint Augustin, nous y touchâmes[7], » et, concluant, il déclare que si cette contemplation d’un moment eût duré toute l’éternité, elle aurait suffi, plus même qu’il était nécessaire, à son éternel bonheur.
Ainsi saint Augustin, par cette voie de la purification, de l’illumination, de la contemplation, était arrivé jusqu’à Dieu, et, sous ce rapport, ses Confessions ne sont qu’un grand livre de philosophie mystique ; il les considère ainsi, car il les achève par cet avertissement : « Et quel homme donne à l’homme d’entendre ces choses ? Quel ange à l’ange ? Quel ange à l’homme ? C’est à vous qu’il faut demander, ô Dieu ! c’est vous qu’il faut chercher, chez vous qu’il faut frapper. C’est ainsi qu’on trouvera, qu’on recevra, qu’on se fera ouvrir. Amen[8]. »
Ainsi, pour lui, ses Confessions ne sont autre chose qu’une méthode mystique pour arriver à Dieu ; et j’y trouve, en effet, tous les caractères du mysticisme : d’abord l’ascétisme, l’effort pour se faire une méthode non pas logique, mais morale, l’effort pour se purifier, se rendre digne, capable d’atteindre Dieu, et toute cette longue lutte contre les passions n’a pas d’autre but ; j’y trouve ensuite le soin d’épurer l’intelligence en en bannissant toutes les erreurs qui s’y sont glissées, les erreurs des païens et des manichéens comme celles des néo-platoniciens ; j’y trouve enfin les derniers élans du cœur désormais libre dans son aspiration vers Dieu, qui peut communiquer avec lui, entrer en union avec lui. Ce sont là les trois degrés, les trois phases par lesquelles les grands mystiques feront passer l’âme dont ils ont entrepris la conduite : la vie purgative, la vie illuminative et la vie unitive. En même temps, j’y vois une autre force : l’âme n’est pas livrée à elle-même comme quand il s’agit de conduire la raison ; car l’amour ne veut pas être seul, mais entouré ; la philosophie de l’amour ne peut pas marcher seule, mais accompagnée. Augustin est accompagné de sa mère, ange gardien de ses convictions, un des éléments vivants et nécessaires, et l’âme, en quelque sorte, de toute cette philosophie aimante et illuminante ; c’est sa mère qui le conduit et l’accompagne depuis les ténèbres de sa jeunesse jusqu’aux splendeurs de sa maturité ; ce sont ses amis si avides de sa présence, c’est saint Ambroise, c’est l’Église universelle, qui l’ont conduit et entraîné jusqu’aux pieds de la vérité.
Cette méthode ne condamne pas l’homme à un isolement qui n’est pas dans sa destinée ; elle fait appel à la nature, à la nature tout entière, avec ses splendeurs, ses erreurs et ses illusions. C’est la beauté qui aide Augustin à revenir à Dieu ; toutes les choses terrestres l’ont séduit, l’ont trompé ; mais sous ces séductions, ces erreurs, il y avait une vérité, une réalité qui se faisait sentir et qui seule était capable d’attirer son cœur. Il a fini par écarter tous les voiles pour arriver jusqu’à cette beauté profonde, essentielle, que les créatures cachaient sous leurs formes, jusqu’à cette beauté qui n’est autre chose que le rayon du Créateur. C’est là encore un des caractères du mysticisme, qui est symbolique, qui cherche dans la nature le reflet de la Divinité et les vestiges de l’invisible. Avec ces trois caractères, le mysticisme sera le même dans tous les temps, et pendant le moyen âge le mysticisme de saint Augustin deviendra celui de Hugues et Richard de Saint-Victor, de saint Bonaventure et de tous les grands maîtres de la philosophie mystique en Occident.
Mais il faut reconnaître que cette doctrine a ses périls ; elle l’avait prouvé par l’exemple de saint Augustin et elle le prouvera longtemps après lui. Le mysticisme est sans contrôle ; car l’amour a des élans et des bonds dont il ne veut rendre compte à personne : il peut s’égarer, se laisser entraîner dans des voies où les liens de ses ailes se rompront, et, voulant s’approcher du soleil, il se précipitera dans l’abîme. Il est donc nécessaire qu’il soit surveillé. Il ne fallait pas dans le christianisme une philosophie mystique seule, sans tutelle et sans règle ; il fallait, à côté du maître de la philosophie mystique, le maître de la philosophie dogmatique. Il fallait, à côté du mysticisme de saint Augustin, le dogmatisme de saint Augustin.
Dans la première partie de l’histoire intellectuelle de saint Augustin, Dieu le poursuit ; il le poursuit impitoyablement, et par les doutes de son esprit et par les luttes de son cœur, jusque dans les abaissements et dans les turpitudes de sa chair ; saint Augustin a beau échapper à sa patrie, à sa mère, il n’échappe pas à Dieu qui le rejoint à Milan, dans le coin de ce jardin, sous ce figuier où nous l’avons suivi. Après que Dieu l’a atteint une première fois, c’est saint Augustin qui va poursuivre Dieu, il le trouvera ; mais il a beau le posséder, il ne le possède jamais assez ; il en veut jouir davantage. Tout le travail de sa philosophie consistera donc à retourner, par un effort de la raison, à ce Dieu qu’il avait atteint par l’amour.
Au moment où fut prise cette grande résolution de se donner sans retour à Dieu, Augustin avait résolu aussi de quitter l’école dans laquelle il ne trouvait qu’un trafic de vanité. Il avait obtenu qu’un de ses amis, Verecundus, lui donnât un asile dans sa belle villa de Cassiciacum, à quelque distance de Milan, où il cherchait ce calme dont on a besoin après les grands orages du cœur. Il était malade, sa poitrine était menacée, mais l’invincible activité de son esprit ne pouvait se condamner au repos ; sa mère, son frère, son fils et quelques parents étaient avec lui ; entouré des amis qui l’avaient suivi, il passait ses journées tantôt à lire un demi-chant de l’Énéide tantôt à commenter l’Hortensius de Cicéron, auquel il était redevable des premiers mouvements honnêtes de son cœur ; tantôt enfin à philosopher avec Trygetius, Alypius, Licentius et d’autres bien obscurs si on les compare aux illustres interlocuteurs des dialogues de Cicéron, obscurité touchante si l’on admire cette philosophie chrétienne par laquelle il n’y avait pas de petits ; car, dit saint Augustin, les petits, même en s’occupant des grandes choses, se font grands. Aussi, sa mère venant un jour se mêler à ses entretiens philosophiques, il se garda bien de la repousser, et comme elle s’étonnait qu’une femme fût admise à philosopher, saint Augustin s’en fait gloire et il a raison. Ainsi la conversation s’engage, et ce sont ces conversations recueillies par des sténographes qui formeront les premiers traités philosophiques de saint Augustin, ses livres Contra Academicos, De ordine, De vita beata, auxquels il faut ajouter ses Soliloques, les livres De quantitate anime, De immortalitate animæ, De libero arbitrio, etc. Aucun de ces ouvrages ne présente un système de philosophie complet, ce système est plutôt disséminé dans tout l’ensemble des ses œuvres ; cela tient à la manière de composer et de travailler de cet homme si laborieux, disputé par des occupations infinies, occupé à résoudre des procès et des difficultés entre les bonnes gens d’Hippone, appelé à diriger toutes les grandes décisions de l’Église. Au milieu de ces occupations, de temps à autre il s’abandonnait à quelques discussions philosophiques. D’ailleurs, presque tout ce que nous avons de lui a été écrit à la hâte, recueilli par des sténographes, et n’a presque jamais été revu. Il commence des traités qu’il n’achève pas, ou bien il change le plan qu’il avait adopté d’abord. Mais sous un désordre apparent se trouve l’ordre intérieur le plus puissant qui fût jamais ; et ce n’est pas une des moindres satisfactions de l’esprit qui pénètre au milieu de ce travail, que d’y découvrir la puissance, l’unité d’un génie toujours maître de lui-même, qui, une fois chrétien, n’a jamais dévié du chemin droit où il marchait toujours pour arriver à Dieu.
Mais il n’est pas vrai qu’il en soit venu jamais à mépriser la philosophie et à sacrifier la raison à la foi. Bien loin de là, il écrit à Romanien et l’excite à embrasser cette philosophie dans le sein de laquelle il s’est lui-même jeté, et qui lui a appris à mépriser Pélage, à repousser les erreurs manichéennes[9] ; c’est elle qui le soutenait dans ses recherches et lui promettait de lui montrer Dieu, qui le lui laissait apercevoir comme à travers de lumineux nuages. Quant aux philosophes de l’antiquité, il fait la part de leur faiblesse, mais aussi de leur gloire. Il admire le chef de l’Académie : pour lui, Platon a approché bien près de Dieu ; mais il ne méconnaît pas l’insuffisance de ces essais de l’esprit humain : il déclare qu’un petit nombre d’hommes, avec beaucoup de génie, de science, de loisir et de travail, sont arrivés jusqu’à Dieu et à l’immortalité de l’àme ; mais ils ont trouvé une vérité sans la charité, ils ne sont parvenus qu’à une vérité incomplète ; ils ont bien aperçu le but, mais ils n’ont pas pris le chemin qui devait y conduire[10] : « Autre chose est d’apercevoir la patrie de la paix comme sur le haut d’une montagne couverte de forêts hantées par les bêtes féroces et les esclaves fugitifs, sans en connaître le chemin ; autre chose est d’être sur la route tracée par le Maître souverain. » Voilà la différence qu’il établit entre la philosophie antique et la philosophie chrétienne, dont il est l’un des plus grands et des plus illustres représentants ; il ne la conçoit que par l’union de la raison et de la foi. Dieu lui-même, dit-il, ne peut mépriser la raison, car comment Dieu mépriserait-il en nous ce qui nous distingue des autres créatures ? Aussi ne veut-il pas que nous cherchions la foi afin de cesser de raisonner ; il veut, au contraire, que la foi obtenue nous fasse raisonner encore, qu’elle donne à la raison des ailes plus fortes et plus puissantes ; car, dit-il, nous ne saurions croire si nous n’étions raisonnables. La raison précède la foi pour constater l’autorité ; elle suit la foi, car, après que l’intelligence a trouvé Dieu, elle le cherche encore.
Saint Augustin est bien éloigné de vouloir désespérer la raison par le spectacle des contradictions philosophiques des anciennes écoles. Au contraire, il blâme la nouvelle Académie d’avoir cherché asile dans le doute entre Épicure et Zénon. Il détruit cette doctrine de la vraisemblance qu’elle avait adoptée ; il montre à ces philosophes que, par cela qu’ils parlent de vraisemblance, ils ont l’idée du vrai et supposent la présence de cette vérité qu’ils nient ; afin de réfuter le doute, il cherche la certitude dans la pensée, dans la méthode psychologique : « En effet, dit-il, ceux qui doutent ne peuvent point douter qu’ils vivent, qu’ils se souviennent, qu’ils veulent, qu’ils pensent ; car s’ils doutent, c’est qu’ils veulent être certains, c’est qu’ils jugent ne point devoir consentir sans preuve. Toi qui veux te connaître, sais-tu si tu es ? — Je le sais. — D’où le sais-tu ? — Je l’ignore. — Te crois-tu simple ou composé ? — Je l’ignore. — Sais-tu si tu es en mouvement ? — Je l’ignore. — Sais-tu si tu penses ? — Je le sais. — Donc il est certain que tu penses[11]. » C’est le Cogito ergo sum, dont vous voyez l’expression et la lettre dans le second livre des Soliloques de saint Augustin, dans ce dialogue entre sa raison et lui-même, où il a établi les premiers fondements de la certitude. C’est lorsque saint Augustin est encore dans tout le trouble de son esprit, comme philosophe, qu’il trouve en lui la ruine de tous les systèmes de philosophie, que, sur le point d’abandonner la raison, il cherche la pierre angulaire sur laquelle il pourra édifier le monument de ses connaissances ; c’est alors qu’il n’en trouve pas d’autre que le Cogito, ergo sum. Le progrès de Descartes ne consistera qu’à mettre cette idée plus en relief, qu’à s’en emparer pour ne plus la quitter et ne plus se laisser entraîner aux vaines spéculations de la raison ; il s’arrêtera sur le point que saint Augustin a marqué ; mais c’est lui qui a laissé là ce sceau et cette marque qui feront que les générations suivantes y reviendront pour méditer cette page et en extraire tant d’autres également immortelles.
Ainsi l’âme est au moins sûre de sa pensée, sûre qu’elle doute, qu’elle pense, qu’elle veut, sûre de tous les témoignages de sa conscience ; elle trouve des sensations : d’où viennent-elles ? Les platoniciens allèguent les erreurs des sens, la rame, qui paraît brisée lorsqu’on la plonge dans l’eau, et la tour, qui semble branlante lorsque de la mer on la regarde sur le rivage. Mais saint Augustin répond avec tout l’ascendant de la vérité philosophique : Les sens ne vous trompent pas ; ils vous tromperaient s’ils vous montraient la rame droite et la tour immobile ; c’est vous qui vous trompez en leur demandant des jugements lorsque vous ne devez leur demander que des impressions[12].
Saint Augustin s’élève plus haut : il trouve dans l’âme, dans la conscience, quelque chose de plus grand que le sens intime, de plus solide que les sensations ; il trouve des idées, des notions universelles, des notions évidentes, tout ce qui fait, par exemple, l’élément de la dialectique. Ainsi la même chose ne peut pas être et n’être pas. Il trouve les nombres qui sont les mêmes pour tous, et dont personne ne peut douter ; il trouve les vérités mathématiques, les principes de la morale qui sont partout les mêmes ; tantôt il les appelle nombres, comme les pythagoriciens ; plus souvent il les appelle idées, comme Platon, et voici ce qu’il écrit dans un temps où il était absorbé par tous les devoirs de la vie religieuse ; vous verrez comment le philosophe subsiste dans le chrétien, et comment se perpétue cette tradition excellente qui ne veut rien dédaigner de ce qu’il y a de bon dans la raison antique : « Les idées sont certaines formes principales, certaines raisons des choses, fixes et invariables, qui ne sont point formées elles-mêmes, qui, par conséquent, sont éternelles, qui agissent toujours de la même manière, et sont contenues dans l’intelligence divine ; et, comme elles ne naissent point, comme elles ne périssent point, c’est sur elles que se forme tout ce qui doit naître et périr. L’âme raisonnable peut seule les percevoir, et les perçoit par la partie la plus élevée d’elle-même, c’est-à-dire par la raison, qui est comme son œil intérieur et intelligible. Et encore, pour être capable de cette vision, faut-il que l’âme soit pure, que son œil intérieur soit sain et semblable à ce qu’elle veut contempler. Qui peut dire que Dieu ait créé sans raison ? Or la même raison, le même type ne pouvait servir à la création de l’homme et du cheval. Chaque être particulier a donc sa raison particulière. Mais ces raisons ne peuvent résider que dans la pensée du Créateur ; car il ne considérait pas un modèle placé hors de lui-même, et les raisons des choses produites étaient nécessairement contenues dans l’intelligence divine[13]. »
Ainsi la raison divine est présente à la raison humaine par ces vérités éternelles, par cette vue des nombres et des raisons essentielles de toutes choses. Ainsi, lorsque la parole nomme hors de nous ces choses invisibles et ces vérités absolues, ce n’est pas la parole qui nous porte l’idée, elle ne fait que nous avertir de consulter le maître intérieur, qui, lui, nous nomme le vrai, le beau, le juste, dans une autre langue qui n’est ni l’hébreu, ni le grec, ni le latin, ni le barbare, mais une certaine langue que tout le monde entend depuis le commencement des choses ; et ce maître qui nous parle cette langue éternelle n’est autre chose que le Verbe, que le Christ véritable qui est présent au dedans de l’homme.
Voilà la psychologie de saint Augustin : je l’abandonne pour le voir traiter les deux thèses de la spiritualité et de l’immortalité de l’âme, et franchir par là l’espace qui nous sépare du second point de sa métaphysique : la recherche de Dieu. Car saint Augustin ne se laisse pas arrêter par ce scrupule qu’il serait inconvenant, qu’il serait coupable de commencer par la connaissance de soi-même pour arriver à la connaissance de Dieu : au contraire, il dit que la science de l’âme est l’introduction légitime et nécessaire de la science de Dieu. Par là même qu’il entend la psychologie à la manière des anciens, il dépasse Socrate, qui avait dit : Γνῶθι σεαυτόν, Connais-toi toi-même ; saint Augustin va plus loin et dit à Dieu : Noverim me, sed noverim te[14] ! Mais comment connaîtra-t-il Dieu ? Il veut le connaître par lui-même, le connaître plus que les vérités mathématiques. Il se gardera bien de faire une science froide et glacée de la connaissance de Dieu, dont il ne se promet pas seulement la lumière, mais le bonheur ! Comment donc et par quelle voie va-t-il chercher Dieu ? par la voie dans laquelle a passé David lorsqu’il faisait entendre ce sublime cantique : Cœli enarrant gloriam Dei, et Xénophon dans les Entretiens mémorables de Socrate : il va développer la vieille preuve, la preuve éternelle de l’existence de Dieu, et lui aussi dit avec ce langage passionné de l’amour chrétien : « Voici donc le ciel et la terre : ils sont, ils crient qu’ils ont été faits ; car ils varient et ils changent. Or ce qui est sans avoir été créé n’a rien qui n’ait toujours été. Ils crient donc : Nous sommes parce que nous avons été faits, nous n’étions donc pas avant d’être pour nous faire nous-mêmes. Et leur voix est l’évidence. Vous les avez donc faits, Seigneur ; vous êtes beau, et ils sont beaux ; vous êtes bon, et ils sont bons ; vous êtes, et ils sont. »
Voilà toute la preuve physique de l’existence de Dieu ; mais où saint Augustin innove et porte toute la force d’un génie qu’on n’avait pas encore vu, c’est dans la preuve métaphysique.
Par l’étude de l’âme, saint Augustin a reconnu des principes immuables de beauté, de bonté, de vérité, auxquels il lui est impossible de refuser l’adhésion de son esprit et de son cœur. Mais cette beauté, cette bonté, cette vérité ne se contentent pas de se montrer à lui, elles le poussent vers quelque chose d’inconnu dont il sent les manifestations ; il ne résiste pas à cette impulsion, et voilà comment il insiste sur cette pensée de la beauté, dont il a été épris dès son enfance, sur laquelle il a beaucoup médité ; car c’est lui qui, le premier parmi les chrétiens, a posé les fondements de la philosophie esthétique, et écrit des traités sur le beau ; c’est lui qui a dit : « Omnis pulchritudinis forma unitas est. »
Voilà comment saint Augustin arrive à Dieu par le chemin du beau ; mais ce n’est pas assez, il ne sera jamais lassé dans cette voie, il faut encore qu’il arrive à Dieu par le chemin du bon : « Vous n’aimez, dit-il, que le bon. Vous aimez la terre parce qu’elle est bonne avec ses hautes montagnes, ses collines et ses plaines ; vous aimez la figure de l’homme parce qu’elle est bonne par l’harmonie des formes, de la couleur et des sentiments ; vous aimez l’âme de votre ami, bonne par le charme d’une intime harmonie et d’un fidèle amour ; vous aimez la parole, bonne parce qu’elle enseigne avec douceur ; les vers, bons par la mélodie du nombre et la solidité de la pensée. Dans tout ce que vous aimez, vous retrouvez le caractère du bien ; supprimez ce qui distingue les choses, et vous trouverez le bien lui-même. Nous comparons ces biens, et comment, si ce n’est par une idée du bien parfait et immuable, par la communication duquel tout est bon ? Si, dans tous ces biens particuliers, vous ne voyez que le bien suprême, vous voyez Dieu[15]. »
Ainsi, par le chemin du bon, nous arrivons au même but que par le chemin du beau. Mais le regard du philosophe se défie encore de cette idée du beau et du bon ; il craint de se laisser dominer par le prestige, de se laisser aller à ces entraînements des imaginations charmées et séduites ; sa raison sévère ne veut être convaincue que par elle-même, et il veut arriver à Dieu surtout par l’idée du vrai pur, absolu, mathématique, afin de prouver qu’il ne s’est pas trompé. Dans son traité De libero arbitrio, il recommence la démonstration de l’existence de Dieu, et, pour que sa démonstration soit complète, il pénètre jusqu’aux dernières profondeurs de la nature humaine. Il reprend l’homme et il le considère comme ayant ces trois qualités d’être, de vivre et de comprendre ; il s’attache à l’intelligence, laisse de côté la vie et l’être, et il y trouve les sens externes, le sens intime qui en est le modérateur et le juge, et la raison, « La raison, dit-il, surpasse tout le reste : s’il y a quelque chose au-dessus d’elle, c’est Dieu. »
C’est ainsi que, par un troisième effort et pour ainsi dire par un troisième assaut, il fait brèche dans la métaphysique et entre en possession de l’idée de Dieu ; mais cette idée de Dieu, dont il est maître, il sait combien il est périlleux de la confier au langage humain, et au moment où il semble sûr de posséder Dieu, il déclare que peut-être il vaudrait mieux ne pas tant savoir : Scitur melius nesciendo[16], et il reconnaît l’inexactitude de tous les mots humains pour rendre les attributs de la Divinité. Il aperçoit à droite et à gauche les périls du dualisme et les périls du panthéisme, et comment ne les craindrait-il pas, lui, si longtemps mêlé aux manichéens ? Il évite le danger en disant que le mal ne forme pas un principe opposé au bien, qu’il n’y a pas deux principes contraires, que le mal n’est pas, que ce n’est qu’une privation, une défection du bien, une infériorité dans le bien, que les êtres n’ont d’être que ce qui leur est donné par Dieu, que par conséquent, hors de Dieu, il n’y a rien, et ainsi il écarte à tout jamais les périls du dualisme. Mais il semble alors qu’il tombe dans le panthéisme, surtout lorsqu’il laisse échapper ces fortes expressions que les êtres ne sont pas…… Mais ne craignez point qu’il retourne à ses anciennes erreurs et qu’il voie dans les êtres une émanation de la Divinité…… Non, Augustin se tire du péril par ce qui était une nouveauté en philosophie, par le dogme de la création ; c’est là ce qui le sauve du panthéisme. Les anciens avaient considéré, avec Platon, la matière comme éternelle, comme existant à côté de Dieu ; ou bien ils pensaient, avec les philosophes alexandrins, que Dieu avait tiré et tirait de lui-même, par une émanation continuelle, tous les êtres ; saint Augustin le premier professe la création après le néant, car hors de Dieu il n’y avait rien dont le monde pût être formé, et, s’il avait été tiré de Dieu, il serait Dieu lui-même[17]. Ainsi saint Augustin établit le dogme de la création, et si vous lui opposez les difficultés philosophiques de cette doctrine, si vous lui dites : Mais la création est dans le temps et Dieu dans l’éternité ? mais pourquoi Dieu a-t-il créé ? quand a-t-il créé ? Dieu, avant de créer, qu’a-t-il fait ? Augustin répond avec une supériorité infinie : Dieu a créé le monde librement, mais non sans raison ; le Dieu bon a fait le monde pour faire le bien. « Il ne faut pas demander quand il a créé, ni s’il est sorti de son immutabilité en créant, ni ce qu’il faisait avant de créer, Il a éternellement voulu ; mais il a produit le temps avec le monde, parce qu’il a produit le monde en mouvement, mouvement dont le temps est la mesure.[18]. »
Il s’abandonne ainsi aux considérations les plus élevées, les plus hardies, les plus judicieuses, avec la plus grande rectitude et sans la moindre subtilité. Et, après avoir établi que le temps est la mesure du mouvement, il conclut par cette admirable parole : « Ainsi toute ma vie n’est que succession, dissipation. Mais votre main m’a rassemblé dans le Christ, mon Seigneur, médiateur entre votre unité et notre multitude, afin que, ralliant mon être dissipé au caprice de mes anciens jours, je demeure à la suite de votre unité, sans souvenance de ce qui n’est plus, sans aspiration inquiète vers ce qui doit venir[19]. »
Ainsi, vous le voyez, la raison le ramène à l’amour, tout comme l’amour l’a ramené à la raison ; toute la philosophie mystique de saint Augustin, conduite par l’amour, aboutirait à l’idée rationnelle et pure de Dieu, et toute la philosophie dogmatique de saint Augustin, conduite par la raison, aboutirait à l’amour de Dieu. C’est le caractère de la philosophie chrétienne de ne pouvoir séparer ces deux grandes puissances de l’âme : l’amour et la raison. L’antiquité nous représente le vieil Œdipe coupable, puni et aveugle, s’avançant péniblement appuyé sur ses deux filles, Antigone et Ismène, qui guident ses pas : l’esprit humain, ce vieil et royal aveugle, qui s’en va, depuis le commencement des temps, pour chercher son Dieu, n’a pas trop de ses deux filles, l’amour et la raison, pour arriver à son terme, pour arriver jusqu’à Dieu ; ne lui ôtons ni l’une ni l’autre.
Tout ce progrès de la philosophie obtenu par saint Augustin, ce dogmatisme nouveau, qui arrive à un Dieu véritable, c’est-à-dire à un Dieu créateur, seul, libre, ce dogmatisme, qui arrive à un Dieu aimable et réellement aimé, ne s’arrêtera pas à saint Augustin. Je vous ai dit que la vérité était comme épaisse dans le nombre infini de ses livres, et que, si l’on peut reprocher quelque chose à ce grand génie d’Hippone, c’est la diffusion inévitable de ses pensées au milieu de ses œuvres innombrables, interrompues par les devoirs d’une vie si remplie. Mais ces germes ne seront pas inutiles, ils fructifieront, ils seront emportés à travers les siècles orageux du moyen âge, et le vent qui les emporte les jettera dans des terres fécondes, dans ces terres de France, d’Italie, d’Espagne, où vont se lever tant de grands esprits, et un jour paraîtra saint Anselme, cet autre grand métaphysicien, ce profond penseur, qui ne fera pas autre chose que resserrer les preuves de l’existence de Dieu données par saint Augustin, que les rassembler et les mettre sous une forme plus méthodique et plus rigoureuse.
À son tour, saint Thomas d’Aquin développera les théories de saint Anselme sur les preuves de l’existence de Dieu ; enfin, quand viendra le dix-septième siècle, qui peut-être avait quelque droit d’être difficile en matière de génie, de philosophie, de vérité, le dix-septième siècle ne trouvera rien de plus grand à faire que de remettre en lumière, sous une autre forme, les doctrines de saint Augustin ; et Descartes, Leibnitz, ne feront pas autre chose que reproduire sa métaphysique pour lui donner plus de rigueur et de correction. Ce sera tout l’effort de ces grands hommes et tout le travail de Malebranche dans son ouvrage de la Recherche de la vérité, de Malebranche qui, dans l’épigraphe de ses œuvres, se fera gloire, comme saint Augustin, d’écouter le maître intérieur qui nous parle une langue éternelle, de Malebranche enfin qui fera profession de tout voir en Dieu.
C’est cette grande et puissante métaphysique chrétienne à laquelle a été suspendu, depuis le cinquième siècle jusqu’à nos jours, tout l’ensemble de la civilisation moderne. Son action reste inaperçue au milieu des passions et du tumulte des affaires présentes ; mais, chez les nations sérieuses, éclairées, des temps modernes, c’est la métaphysique qui est au fond de toutes choses et qui les conduit ; c’est elle qui a fermé l’opinion publique des peuples chrétiens ; c’est elle qui gouverne tout, qui a donné la raison première de toutes les institutions au milieu desquelles nous vivons. Dante, arrivé au sommet du paradis, voit Dieu comme un point mathématique, qui n’a ni longueur ni largeur, mais autour duquel roulent les cieux :
Da quel punto
Dipende il cielo e tutta la natura.
La métaphysique, l’idée de Dieu, est ce point auquel est suspendu tout le ciel de nos pensées, de notre nature, de nos éducations, toute la société, toute la civilisation chrétienne. Tant qu’on n’aura pas ébranlé ce point, tant qu’on n’aura pas touché à cette idée de Dieu, je n’ai pas peur pour cette civilisation.
- ↑ Confessiones, l. IV, c. iv.
- ↑ Confessiones, 1. III, c. iv.
- ↑ Confessiones, l. VII, c. x.
- ↑ Confessiones, l. VI, c. iii.
- ↑ EXTRAIT DES NOTES DE LA LEÇON.
Heure décisive. — Qu’eût été Augustin si à cette époque il avait résisté ? Et combien d’autres, irrésolus, flottants, qu’eussent-ils été si un jour ils se fussent rendus ! À partir de ce moment, les yeux d’Augustin s’ouvrent, il connaît Dieu, il entre en communication avec Dieu.
- ↑ Confessiones, l. VIII, c. XII.
- ↑ Confessiones, l. IX, c. IV.
- ↑ Confessiones, l. XIII, c. XXXVIII.
- ↑ Contra Academicos, l. I, c. II.
- ↑ De vera religione, initio.
- ↑ Soliloquia, l. II, c. i.
- ↑ Contra Academicos, l. III, c. XI.
- ↑ Liber de diversis quæstionibus, c. XLVI.
- ↑ Soliloq., l. II, c. I.
- ↑ De Trinitate, l. VIII, c. III.
- ↑ De ordine, l. II, c. XLIV.
- ↑ De civitate Dei, l. XII, c. XV. XVI, XVII.
- ↑ Confess., l. IX, c. XXIV
- ↑ Confess., l. XI, c. XXIX