Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Oiseaux étrangers qui ont rapport à la linotte

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome VI, Histoire naturelle des oiseauxp. 162-164).

OISEAUX ÉTRANGERS
QUI ONT RAPPORT À LA LINOTTE

I.La vengoline[1].

Tout ce que l’on sait de l’histoire de cet oiseau[NdÉ 1], c’est qu’il se trouve dans le royaume d’Angola, qu’il est très familier, qu’il est compté parmi les oiseaux de ce pays qui ont le ramage le plus agréable, et que son chant n’est pas le même que celui de notre linotte. Le cou, le dessus de la tête et du corps sont variés de deux bruns ; le croupion a une belle plaque de jaune, qui s’étend jusqu’aux pennes de la queue : ces pennes sont brunes, bordées et terminées de gris clair, ainsi que les pennes des ailes et leurs grandes et moyennes couvertures. Les côtés de la tête sont d’un roux clair ; il y a un trait brun sur les yeux ; le dessous du corps et les côtés sont tachetés de brun sur un fond plus clair.

M. Edwards, qui nous a fait connaître la vengoline, et qui en a donné la figure au bas de la planche 129, incline à croire que c’est la femelle d’un autre oiseau représenté au haut de la même planche : cet autre oiseau est appelé négral ou tobaque, et son chant approche fort de celui de la vengoline. Pour moi, j’avoue que le chant de celle-ci[2] me fait douter que ce soit une femelle ; je croirais plus volontiers que ce sont deux mâles de la même espèce, mais de climats différents, dans lesquels chacun aura été nommé différemment, ou du moins que ce sont deux mâles du même climat, dont l’un ayant été élevé dans la volière aura perdu l’éclat de son plumage, et l’autre n’ayant été pris que dans l’âge adulte, ou n’étant resté que peu de temps en cage, aura mieux conservé ses couleurs. Les couleurs du négral sont en effet plus riches et plus tranchées que celles de la vengoline. La gorge, le front, le trait qui passe sur les yeux, sont noirs ; les joues blanches, la poitrine et tout le dessous du corps d’une couleur orangée sans mouchetures, et qui devient plus foncée sous le ventre et sous la queue. Ces deux oiseaux sont de la grosseur de notre linotte. M. Edwards ajoute qu’ils en ont l’œil et le regard.

II.La linotte gris de fer[3].

Nous devons la connaissance de cet oiseau[NdÉ 2] à M. Edwards, qui l’a eu vivant, et qui en donne la figure et la description, sans nous apprendre de quel pays il lui est venu. Son ramage est très agréable. Il a les allures, la taille, la forme et les proportions de la linotte, à cela près que son bec est un peu plus fort. Il a le dessous du corps d’un cendré fort clair, le croupion un peu moins clair ; le dos, le cou et le dessus de la tête gris de fer : les pennes de la queue et des ailes noirâtres, bordées de cendré clair, excepté toutefois les plus longues pennes des ailes, qui sont entièrement noires vers leur extrémité et blanches vers leur origine, ce qui forme à l’aile un bord blanc dans sa partie moyenne. Le bec inférieur a sa base entourée aussi de blanc, et cette couleur s’étend jusque sous les yeux.

III.La linotte à tête jaune[4].

M. Edwards savait bien que cet oiseau[NdÉ 3] était nommé par quelques-uns moineau du Mexique, et s’il lui a donné le nom de linotte c’est en connaissance de cause, et parce qu’il lui a paru avoir plus de rapport avec les linottes qu’avec les moineaux : il est vrai qu’il lui trouve aussi du rapport avec les serins, et d’après cela on serait fondé à le placer avec l’habesch, entre les serins et les linottes : moins l’histoire d’un oiseau est connue, plus il est difficile de lui marquer sa véritable place.

Celui-ci a le bec couleur de chair pâle, les pieds de même couleur, mais plus sombre ; la partie antérieure de la tête et de la gorge jaunes, et, sur ce fond jaune, une bande brune de chaque côté de la tête, partant de l’œil et descendant sur les côtés du cou ; tout le dessus du corps brun, mais plus foncé sur les pennes de la queue que partout ailleurs, et semé de taches plus claires sur le cou et sur le dos : la partie inférieure du corps, jaunâtre, avec des taches brunes longitudinales et clair-semées sur le ventre et la poitrine.

Cet oiseau a été apporté du Mexique. M. Brisson dit qu’il est à peu près de la grosseur du pinson d’Ardennes ; mais, à juger par la figure de grandeur naturelle qu’en donne M. Edwards, il doit être plus gros.

IV.La linotte brune[5].

Comme cet oiseau[NdÉ 4] n’est connu que par M. Edwards, qui l’a dessiné vivant, j’ai cru devoir lui conserver le nom que cet habile observateur lui a donné. Presque toutes ses plumes sont noirâtres, bordées d’une couleur plus claire, laquelle tient du roussâtre sur la partie supérieure du corps : la couleur générale qui résulte de ce mélange est rembrunie, quoique variée. Il y a une teinte de cendré sur la poitrine et le croupion ; le bec est aussi cendré, et les pieds sont bruns.

Il me semble que M. Brisson n’aurait pas dû confondre cet oiseau avec le petit moineau brun de Catesby[6], dont le plumage est d’un brun uniforme sans aucune marbrure, et par conséquent assez différent ; mais la différence de climat est encore plus grande, car la linotte brune de M. Edwards venait probablement du Brésil, peut-être même d’Afrique, et le petit moineau de Catesby se trouve à la Caroline et à la Virginie, où il niche et reste toute l’année. M. Catesby nous apprend qu’il vit d’insectes, et presque toujours seul, qu’il n’est pas fort commun, qu’il s’approche des lieux habités, et qu’on le voit sautillant perpétuellement sur les buissons. Nous ne connaissons point les mœurs de la linotte brune.


Notes de Buffon
  1. C’est le nom que M. Daines Barrington, vice-président de la Société royale, donne à cette linotte d’Afrique, dans sa lettre à M. Maty, sur le chant des oiseaux, Trans. philos., vol. LXIII, part. ii, 10 janvier 1773. Il a beaucoup de rapport avec celui de Benguelinha, que lui donne M. Edwards. — « Passer supernè cinereo fucescens, maculis fucis varius, infernè spadiceus ; pectore dilutiore ; plumulis basim rostri ambientibus et gutture nigris ; genis et gutture albo maculatis ; uropygio luteo ; rectricibus fucis, cinereo albo in apice marginatis (Mas). » — « Passer supernè fusco rufescens, infernè rufescens maculis fuscis supernè et infernè varius ; tæniâ utrimque per oculos fuscâ ; genis dilutè rufescentibus ; uropygio luteo ; rectricibus fuscis, cinereo albo in apice marginatis (Fœmina)… Linaria angolensis », la linotte d’Angola. Brisson, t. VI, Supplément, p. 81. — Linnet from Angola, Tobaque, Negral, le mâle ; Benguelinha, la femelle. Edwards, pl. 129.
  2. M. Daines Barrington prétend que la vengoline est supérieure, pour le chant, à tous les oiseaux chanteurs de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique, excepté toutefois le moqueur d’Amérique.
  3. The Greyfinch d’Edwards, pl. 179.
  4. The Yellow-headed-linnet, linotte à tête jaune. Edwards, pl. 44. — « Passer supernè obscurè fuscus, maculis nigris varius, infernè dilutè fuscus, maculis obscuris, fuscis variegatus ; capite anteriùs, genis et gutture luteis ; tæniâ ponè oculos longitudinali fuscâ ; rectricibus nigricantibus… Passer Mexicanus », moineau du Mexique. Brisson, t. III, p. 97. — « Loxia grisea, fronte, gulâ, uropygio, superciliisque luteis. Loxia Mexicana. » Linnæus, Syst. nat., édit. X, g. 96, sp. 19. — Emberiza flava Mexicana. Klein, Ordo Avium, p. 92, no 9, d’après Edwards. — Le docteur Fermen, dans sa Description de Surinam, p. 199, 2e partie, fait mention d’une linotte à gorge et bec jaunes, dont le reste du plumage est cendré. « C’est, dit-il, un oiseau de savane qui est plus grand que le moineau… Il n’a pas un chant qui mérite qu’on le mette en cage, mais en récompense, on le regarde comme une espèce d’ortolan, parce qu’il est très bon à manger. »
  5. The dusky linnet. Edwards, pl. 270.
  6. The little-brown sparrow. Catesby, Caroline, t. Ier, p. 35. — Passerculus simpliciter, Brauner Zwerg, petit moineau de Catesby. Klein, Ordo avium, p. 89, no X. — « Passer in toto corpore fuscus, supernè saturatiùs, infernè dilutiùs, remigibus rectricibusque fuscis… Passer Virginianus », moineau de Virginie. Brisson, t. III, p. 101.
Notes de l’éditeur
  1. Fringilla angolensis L. [Note de Wikisource : actuellement Crithagra atrogularis Smith, vulgairement serin à gorge noire, Fringillidé mieux à sa place donc parmi les oiseaux étrangers qui ont rapport aux serins].
  2. Fringilla cana Lath. [Note de Wikisource : ou encore Loxia cana Linnæus, actuellement nomen dubium]. — Il est originaire de l’Asie.
  3. Fringilla mexicana Gmel. [Note de Wikisource : actuellement Haemorhous mexicanus Statius Müller, vulgairement roselin familier, de la famille des Fringillidés ; plus communément, les parties de cet oiseau indiquées ici comme jaune sont rouges ou rosées].
  4. Fringilla atra Gmel. [Note de Wikisource : espèce douteuse].