Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Les tangaras

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome VI, Histoire naturelle des oiseauxp. 232-233).

LES TANGARAS


On trouve dans les climats chauds de l’Amérique un genre très nombreux d’oiseaux, dont quelques-uns s’appellent au Brésil tangaras[1], et les nomenclateurs ont adopté ce nom pour toutes les espèces qui composent ce genre. Ces oiseaux ont été pris par la plupart des voyageurs pour des espèces de moineaux ; ils ne diffèrent en effet de nos moineaux d’Europe que par les couleurs et par un petit caractère de conformation, c’est d’avoir la mandibule supérieure du bec échancrée des deux côtés vers son extrémité ; mais ils ressemblent aux moineaux par tous les autres caractères, et même ils en ont à très peu près les habitudes naturelles : comme eux ils n’ont qu’un vol court et peu élevé ; la voix désagréable dans la plupart des espèces ; on doit aussi les mettre au rang des oiseaux granivores, parce qu’ils ne se nourrissent que de très petits fruits ; ils sont d’ailleurs presque aussi familiers que les moineaux, car la plupart viennent auprès des habitations ; ils ont aussi les mœurs sociables entre eux. Ils habitent les terres sèches, les lieux découverts et jamais les marais ; ils ne pondent que deux œufs et rarement trois : les moineaux de Cayenne n’en pondent pas davantage, tandis que ceux d’Europe en pondent cinq ou six, et cette différence est presque générale entre les oiseaux des climats chauds et ceux des climats tempérés. Le petit nombre dans le produit de chaque ponte est compensé par des pontes plus fréquentes : comme ils sont en amour dans toutes les saisons, parce que la température est toujours à très peu près la même, ils ne font à chaque ponte qu’un moindre nombre d’œufs que les oiseaux de nos climats qui n’ont qu’une ou deux saisons d’amour.

Le genre entier des tangaras, dont nous connaissons déjà plus de trente espèces, sans y comprendre les variétés, paraît appartenir exclusivement au nouveau continent, car toutes ces espèces nous sont venues de la Guyane et des autres contrées de l’Amérique, et pas une seule ne nous est arrivée de l’Afrique ou des Indes. Cette multitude d’espèces n’a néanmoins rien de surprenant, car nous avons observé qu’en général le nombre des espèces et des individus dans les oiseaux est peut-être dix fois plus grand dans les climats chauds que dans les autres climats, parce que la chaleur y est plus forte, les forêts plus fréquentes, les terrains moins peuplés, les nourritures plus abondantes, et que les frimas, les neiges et les glaces, qui sont inconnues dans ces pays chauds, n’en font périr aucun ; au lieu qu’un seul hiver rigoureux réduit presque à rien la plupart des espèces de nos oiseaux. Une autre cause qui doit encore produire cette différence, c’est que les oiseaux des pays chauds, trouvant leur subsistance en toutes saisons, ne sont point voyageurs ; il n’y en a même que très peu d’erratiques, il ne leur arrive jamais de changer de pays, à moins que les petits fruits dont ils se nourrissent ne viennent à leur manquer ; ils vont alors en chercher d’autres à une assez petite distance : l’on doit donc cesser d’être étonné de cette nombreuse multitude d’oiseaux qui se trouvent dans les climats chauds de l’Amérique.

Nous allons diviser nos trente espèces de tangaras en trois ordres pour éviter la confusion, et nous n’emploierons que la différence la plus simple, qui est celle de la grandeur.


Notes de l’auteur
  1. Marcgrave, Willughby, etc.