Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Les rolliers

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 601-603).

LES ROLLIERS


Si l’on prend le rollier d’Europe[NdÉ 1] pour type du genre, et que l’on choisisse pour son caractère distinctif, non pas une ou deux qualités superficielles, isolées, mais l’ensemble de ses qualités connues, dont peut-être aucune en particulier ne lui est absolument propre, mais dont la somme et la combinaison le caractérisent, on trouvera qu’il y a un changement considérable à faire au dénombrement des espèces dont M. Brisson a composé ce genre, soit en écartant celles qui n’ont point assez de rapports avec notre rollier, soit en rappelant à la même espèce les individus qui ont bien quelques différences, mais moindres cependant que celles que l’on observe souvent entre le mâle et la femelle d’une même espèce, ou entre l’oiseau jeune et le même oiseau plus âgé, et encore, entre l’individu habitant un pays chaud et le même individu transporté dans un pays froid, et enfin entre un individu sortant de la mue et le même individu ayant réparé ses pertes et refait des plumes nouvelles plus brillantes qu’auparavant.

1o D’après ces vues, qui me paraissent fondées, je me crois en droit de réduire d’abord à une seule et même espèce le rollier d’Europe et le shagarag de Barbarie, dont parle le docteur Shaw ;

2o Je réduis de même à une seule espèce le rollier d’Abyssinie[NdÉ 2] no 626, et celui du Sénégal[NdÉ 3], no 326, que M. Brisson ne paraît pas avoir connus ;

3o Je réduis encore à une seule espèce le rollier de Mindanao[NdÉ 4], no 285[NdÉ 5] ; celui d’Angola[NdÉ 6], no 88, dont Brisson a fait ses deuxième et troisième rolliers[1], et celui de Goa[NdÉ 7] no 627, dont M. Brisson n’a point parlé : ces trois espèces n’en feront ici qu’une seule par les raisons que je dirai à l’article des rolliers d’Angola et de Mindanao ;

4o Je me crois en droit d’exclure du genre des rolliers la cinquième espèce de M. Brisson, ou le rollier de la Chine, parce que c’est un oiseau tout différent, et qui ressemble beaucoup plus au grivert de Cayenne, avec lequel je l’associerai sous la dénomination commune de rolle ; et je les placerai tous deux avant les rolliers, parce que ces deux espèces me paraissent faire la nuance entre les geais et les rolliers ;

5o J’ai renvoyé aux pies le rollier des Antilles, qui est la sixième espèce de M. Brisson[2], et cela par les raisons que j’ai dites ci-dessus à l’article des pies ;

6o Je laisse parmi les oiseaux de proie l’ytzquauhtli, dont M. Brisson a fait sa septième espèce de rollier sous le nom de rollier de la Nouvelle-Espagne, et dont M. de Buffon a donné l’histoire à la suite des aigles et des balbuzards ; en effet, selon Fernandez, qui est l’auteur original[3], et selon Seba lui-même, qui l’a copié[4], c’est un véritable oiseau de proie qui donne la chasse aux lièvres et aux lapins, et qui par conséquent est très différent des rolliers. Fernandez ajoute qu’il est propre à la fauconnerie, et que sa grosseur égale celle d’un bélier ; 7o Je retranche encore le hoxetot ou rollier jaune du Mexique[5], qui est le neuvième rollier de M. Brisson, et que j’ai mis à la suite des pies, comme ayant plus de rapports avec cette espèce qu’avec aucune autre.

Enfin, j’ai renvoyé ailleurs l’ococolin de Fernandez[6], par les raisons exposées ci-dessus à l’article des cailles, et je ne puis admettre dans le genre du rollier l’ococolin de Seba, très différent de celui de Fernandez, quoiqu’il porte le même nom ; car il a la taille du corbeau, le bec gros et court, les doigts et les ongles très longs, les yeux entourés de mamelons rouges, etc.[7]. En sorte qu’après cette réduction, qui me paraît aussi modérée que nécessaire, et en ajoutant les espèces ou variétés nouvelles, inconnues à ceux qui nous ont précédés, et même le trente et unième troupiale de M. Brisson, que je regarde comme faisant la nuance entre les rolliers et les oiseaux de Paradis, il reste deux espèces de rolles et sept espèces de rolliers avec leurs variétés.


Notes de Buffon
  1. Voyez son Ornithologie, t. II, p. 69, 72 et 75.
  2. Voyez son Ornithologie, p. 80.
  3. Historia avium novæ Hispaniæ, cap. c.
  4. Seba, t. Ier, p. 97, no 2.
  5. Voyez Hist. avium novæ Hispaniæ, cap. lviii ; et Seba, t. Ier, p. 96, no 1.
  6. Hist. avium novæ Hispaniæ, cap. lxxxv.
  7. Voyez Seba, p. 100, no 1. Nouvel exemple de la liberté qu’a prise cet auteur d’appliquer les noms de certains oiseaux étrangers à d’autres oiseaux étrangers tout différents. On ne peut trop avertir les commençants de ces fréquentes méprises, qui tendent à faire un chaos de l’ornithologie.
Notes de l’éditeur
  1. Coracias Garrula L. [Note de Wikisource : actuellement Coracias garrulus Linnæus, vulgairement rollier d’Europe].
  2. Coracias abyssinica L. [Note de Wikisource : actuellement Coracias abyssinicus Hermann, vulgairement rollier d’Abyssinie].
  3. Coracias senegala L. — Simple variété du Coracias abyssinica.
  4. Coracias bengalensis Cuv. [Note de Wikisource : actuellement Coracias benghalensis Linnæus, vulgairement rollier indien]
  5. Planches enluminées de Buffon.
  6. Le jeune du Coracias abyssinica.
  7. Variété du Coracias bengalensis.