Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le tangara nègre

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome VI, Histoire naturelle des oiseauxp. 261-264).

LE TANGARA NÈGRE[1]

Sixième petite espèce.

Ce petit oiseau[NdÉ 1] est d’un bleu si foncé qu’il paraît parfaitement noir, et que ce n’est qu’en le regardant de près que l’œil est frappé de quelques reflets bleus ; il a seulement des deux côtés de la poitrine une tache orangée qui est recouverte par l’aile et qui ne s’aperçoit pas, à moins qu’elle ne soit étendue : de sorte que dans son attitude ordinaire l’oiseau paraît entièrement noir.

Il est de la même grandeur que les précédents ; il vit dans les mêmes lieux, mais il est beaucoup plus rare dans la Guyane.

Voilà tous les tangaras grands, moyens et petits, dont il nous a été possible de constater les espèces ; il reste sept ou huit oiseaux donnés par M. Brisson, comme formant des espèces de ce genre ; mais comme il n’a pu les décrire que d’après des indications vagues et incomplètes d’auteurs peu exacts, l’on ne peut décider s’ils sont en effet du genre des tangaras ou de quelque autre genre ; nous allons néanmoins en donner l’énumération :

1o L’oiseau des herbes ou xiuhtototlt de Fernandez[2], qui a tout le corps bleu, semé de quelques plumes fauves, les pennes de la queue noires, terminées de blanc, le dessous des ailes cendré, et le dessus varié de bleu, de fauve et de noir ; le bec court, un peu épais et d’un blanc roussâtre, les pieds gris.

Cet auteur ajoute qu’il est un peu plus grand que notre moineau franc, qu’il est très bon à manger, qu’on le nourrit en cage et que son ramage n’est pas désagréable ; il ne nous est pas possible, d’après cette courte indication, de décider si cet oiseau est ou non du genre des tangaras : il est vrai qu’il se trouve au Mexique, et qu’il est de la taille de nos grands tangaras ; mais cela ne suffit pas pour prononcer, comme l’a fait M. Brisson, qu’il appartient en effet à ce genre[NdÉ 2].

2o L’oiseau du Mexique de Seba, de la grandeur d’un moineau[3] ; il a tout le corps bleu varié de pourpre, à l’exception des ailes, qui sont variées de rouge et de noir ; la tête est ronde, les yeux et le jabot sont garnis en dessus et en dessous d’un duvet noirâtre ; les couvertures inférieures des ailes et de la queue sont d’un cendré jaunâtre. On met cet oiseau au nombre des oiseaux de chant[4].

Cette indication est, comme l’on voit, beaucoup trop vague pour que l’on puisse décider, comme l’a fait M. Brisson, que cet oiseau est du genre des tangaras, parce qu’il n’a rien de commun avec eux que de se trouver au Mexique et d’être de la grandeur d’un moineau, car la planche de Seba, ainsi que toutes les autres planches de cet auteur, sont si imparfaites qu’elles ne donnent aucune idée nette de ce qu’elles représentent.

3o Le guira-perea du Brésil, de Marcgrave[5] ; il est de la grosseur d’une alouette : son bec est noir, court et un peu épais ; tout le dessus du corps et le ventre sont d’un jaune foncé tacheté de noir ; le dessous de la tête et du cou, la gorge et la poitrine sont noirs, les ailes et la queue ont leurs pennes d’un brun noirâtre, et quelques-unes sont bordées extérieurement de vert ; les pieds sont d’un cendré obscur[6].

Il nous paraît, par cette courte description, que l’on pourrait rapporter cet oiseau plutôt au genre du bouvreuil qu’à celui du tangara[NdÉ 3].

4o L’oiseau plus petit que le chardonneret ou le quatoztli du Brésil, selon Seba[7] : il a la moitié de la tête ornée d’une crête blanche, le cou d’un rouge clair, et la poitrine d’une belle couleur pourpre ; les ailes d’un rouge foncé et pourpré ; le dos et la queue sont d’un noir jaunâtre, et le ventre d’un jaune clair ; le bec et les pieds sont jaunes. Seba ajoute que cet oiseau habite les montagnes de Tetzocano au Brésil[8].

Nous remarquerons d’abord que le nom quatoztli que Seba donne à cet oiseau n’est pas de la langue du Brésil, mais de celle du Mexique ; et, en second lieu, que les montagnes de Tetzocano sont au Mexique et non pas au Brésil : et il y a toute apparence que c’est par erreur que cet auteur l’a dit oiseau du Brésil.

Ensuite nous observerons que, tant par la description que par la figure donnée par Seba, cet oiseau pourrait se rapporter bien mieux au genre des manakins qu’à celui des tangaras ; et enfin nous avouerons que nous ne savons pas pourquoi M. Brisson l’a nommé tangara[9][NdÉ 4].

5o Le calatti de Seba[10], qui est à peu près de la grosseur d’une alouette, qui a une huppe noire sur la tête avec les côtés de la tête et la poitrine d’un beau bleu céleste ; le dos noir varié d’azur, les couvertures supérieures bleues avec une tache pourpre ; les pennes des ailes sont variées de vert, de bleu foncé et de noir ; le croupion est varié d’un bleu pâle et de vert, et le ventre est d’un blanc de neige ; sa queue est d’une belle forme : elle est brune sur sa longueur et rouge à l’extrémité.

Seba ajoute que cet oiseau, qui lui a été envoyé d’Amboine, est d’une figure très élégante (la planche qui le représente est fort mauvaise) ; il ajoute qu’il joint à la variété de son plumage un chant très agréable[11]. Cette courte indication doit suffire pour exclure le calatti du genre des tangaras, qui ne se trouvent qu’en Amérique, et non pas à Amboine ni dans aucun autre endroit des Indes orientales[NdÉ 5].

6o L’oiseau anonyme de Fernandez[12] : il a le dessus de la tête bleu, le dessus du corps varié de vert et de noir, et le dessous jaune, tacheté de blanc ; les ailes et la queue sont d’un vert foncé avec des taches d’un vert plus clair ; les pieds sont bruns, et les doigts et les ongles sont très longs.

Fernandez ajoute dans un corollaire[13] que cet oiseau a le bec noir et bien crochu, et que si la courbure du bec était plus forte et les doigts disposés comme ceux des perroquets, il n’hésiterait pas à le regarder comme un vrai perroquet.

D’après ces indications, nous nous croyons fondés à rapporter cet oiseau anonyme au genre des pies-grièches ; et il est étonnant que M. Brisson se soit si fort trompé sur les caractères de cet oiseau[14], et qu’il l’ait rapporté au genre des tangaras.

7o Le cardinal brun de M. Brisson[15], qui n’est pas un tangara, mais un troupiale. Cet oiseau est le même que celui dont nous avons parlé sous le nom de commandeur, page 33.


Notes de l’auteur
  1. « Tangara nigra, chalybis politi colore resplendens ; maculâ utrimque in pectore luteâ, ad aurantium vergente ; tectricibus inferioribus corpori finitimis sulphureis, reliquis candidis, rectricibus nigris, supernè chalybis politi colore resplendentibus… Tangara Cayanensis nigra. » Brisson, Ornithol., t. III, p. 29 ; et pl. 2, fig. 1.
  2. Xiuhtototlt seu herbarum avis. Fern., Hist. nov. Hisp., p. 39, cap. cxx. — « Tangara cyanea, fulvis maculis varia ; alis supernè cyaneo, fulvo et nigro variegatis, infernè cinereis ; rectricibus nigris apice albis… Tangara cærulea novæ Hispaniæ. » Brisson, Ornithol., t. III, p. 15.
  3. Seba, vol. Ier, p. 94. — Emberiza Mexicana magnitudine passeris. Klein, Avi., p. 92, no 8 ― « Tangara cærulea cum aliquâ purpurei mixturâ ; oculorum ambitu et gutture nigri cantibus ; alis supernè nigris ; minii colore variegatis ; rectricibus cæruleis, aliquid purpurei admixtum habentibus… Tangara Mexicana cærulea. » Brisson, Ornithol., t. III, p. 16.
  4. Seba, t. Ier, p. 94.
  5. Guira-perea Brasiliensibus. Marcgrave, Hist. nat. Brasil., p. 212. — Guira-perea Brasiliensibus. Jonston, Avium, p. 145. — Guira-perea Brasiliensibus Marcgravii. Willughby, Ornithol., p. 188. — Guira-perea Brasiliensibus Marcgravii. Ray, Syn. avi., p. 89, no 4. — « Tangara obscurè flava, ventre maculis nigris vario ; collo inferiore et pectore nigris : rectricibus fusco-nigricantibus, oris exterioribus thalassinis… Tangara Brasiliensis flava. » Brisson, Ornithol., t. III, p. 39. — Guira-perea, Salerne, Ornithol., p. 273, no 4.
  6. Marcgrave, Willughby, etc.
  7. Seba, t. Ier, p. 58. — « Tangara supernè fusco-nigricans, infernè dilutè flava ; syncipite albo ; collo inferiore dilutè rubro ; pectore et alis ex saturatè rubro purpurascentibus ; rectricibus fusco nigricantibus… Tangara Brasiliensis leucocephalos. » Brisson, Ornithol., t. III, p. 35.
  8. Seba, t. 1er, p. 58.
  9. Ornithol., t. III, p. 35.
  10. Avis Amboinensis calatti dicta formosissima. Seba, t. Ier, p. 63 ; et pl. 38, fig. 6. — Emberiza Amboinensis. Klein, Avium, P. 92, no 7. — « Tangara supernè ex nigro et cyaneo varia, infernè nivea ; genis et pectore cyaneis ; uropygio dilutè cæruleo, viridi mixte ; rectricibus saturatè fuscis, apice dilutè rufo-griseis… Tangara Amboinensis cærulea. » Brisson, Ornithol., t. III, p. 12.
  11. Seba, t. Ier, p. 63.
  12. Avis anonyma novæ Hispaniæ. Fernand., Hist. nov. Hisp., p. 710. — « Tangara supernè ex nigro et viridi variegata, infernè lutea, albicantibus maculis notata ; vertice cæruleoremigibus, rectricibusque saturatè viridibus, maculis dilutiùs viridibus hinc inde permixtis… Tangara varia novæ Hispaniæ. » Brisson, Ornithol., t. III, p. 27.
  13. Fernandez, page 712.
  14. Ornithologie, t. III, page 27.
  15. « Tangara supernè obscurè fusca, marginibus pennarum dilutiùs fuscis, infernè coccinea ; imo ventre et cruribus obscurè fuscis ; marginibus alarum coccineis ; remigibus, rectricibusque obscurè fuscis, oris exterioribus dilutioribus… Cardinalis fuscus. » Brisson, Ornithol., t. III, p. 51. — Greater-bult-finch, Rubicilla fusca major. Edw., Hist. of Birds, p. 82. — Shirlee. Glan., pl. 342.
Notes de l’éditeur
  1. Tanagra cayennensis L. [Note de Wikisource : actuellement Euphonia cayennensis Gmelin, vulgairement organiste nègre].
  2. Tanagra canora L. [Note de Wikisource : peut-être l’actuel Passerina caerulea Linnæus, vulgairement guiraca bleu].
  3. Tanagra flava L. [Note de Wikisource : il s’agirait d’une variété du calliste passe-vert].
  4. Tanagra leucocephala L. [Note de Wikisource : espèce douteuse].
  5. Tanagra amboinensis L. [Note de Wikisource : espèce douteuse].