Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le magnifique de la Nouvelle-Guinée ou le manucode à bouquets

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 622-623).

LE MAGNIFIQUE DE LA NOUVELLE-GUINÉE

ou le manucode à bouquets[1]

Les deux bouquets, dont j’ai fait le caractère distinctif de cet oiseau[NdÉ 1] se trouvent derrière le cou et à sa naissance. Le premier est composé de plusieurs plumes étroites, de couleur jaunâtre, marquées près de la pointe d’une petite tache noire, et qui, au lieu d’être couchées comme à l’ordinaire, se relèvent sur leur base, les plus proches de la tête jusqu’à l’angle droit, et les suivantes de moins en moins.

Au-dessous de ce premier bouquet, on en voit un second plus considérable, mais moins relevé et plus incliné en arrière. Il est formé de longues barbes détachées qui naissent de tuyaux fort courts, et dont quinze ou vingt se réunissent ensemble pour former des espèces de plumes couleur de paille : ces plumes semblent avoir été coupées carrément par le bout, et font des angles plus ou moins aigus avec le plan des épaules.

Ce second bouquet est accompagné, de droite et de gauche, de plumes ordinaires, variées de brun et d’orangé, et il est terminé en arrière, je veux dire du côté du dos, par une tache d’un brun rougeâtre et luisant, de forme triangulaire, dont la pointe ou le sommet est tourné vers la queue, et dont les plumes sont décomposées comme celles du second bouquet.

Un autre trait caractéristique de cet oiseau, ce sont les deux filets de la queue : ils sont longs d’environ un pied, larges d’une ligne, d’un bleu changeant en vert éclatant, et prennent naissance au-dessus du croupion. Dans tout cela ils ressemblent fort aux filets de l’espèce précédente, mais ils en diffèrent par leur forme, car ils se terminent en pointe, et n’ont de barbes que sur la partie moyenne du côté intérieur seulement.

Le milieu du cou et de la poitrine est marqué, depuis la gorge, par une rangée de plumes très courtes, présentant une suite de petites lignes transversales, qui sont alternativement d’un beau vert clair changeant en bleu et d’un vert canard foncé.

Le brun est la couleur dominante du bas-ventre, du croupion et de la queue ; le jaune roussâtre est celle des pennes des ailes de leurs couvertures ; mais les pennes ont de plus une tache brune à leur extrémité : du moins telles sont celles qui restent à l’individu que l’on voit au Cabinet du Roi ; car il est bon d’avertir qu’on lui avait arraché les plus longues pennes des ailes, ainsi que les pieds[2].

Au reste, ce manucode est un peu plus gros que celui dont nous venons de parler à l’article précédent ; il a le bec de même, et les plumes du front s’étendent sur les narines, qu’elles recouvrent en partie : ce qui est une contravention assez marquée au caractère établi pour ces sortes d’oiseaux par l’un de nos ornithologistes les plus habiles[3] ; mais les ornithologistes à méthode doivent être accoutumés à voir la nature, toujours libre dans sa marche, toujours variée dans ses procédés, échapper à leurs entraves et se jouer de leurs lois.

Les plumes de la tête sont courtes, droites, serrées et fort douces au toucher : c’est une espèce de velours de couleur changeante, comme dans presque tous les oiseaux de Paradis, et le fond de cette couleur est un mordoré brun ; la gorge est aussi revêtue de plumes veloutées, mais celles-ci sont noires, avec des reflets vert doré.


Notes de Buffon
  1. Cet oiseau a du rapport avec le manucodiata cirrata d’Aldrovande, t. Ier, p. 811 et 814. Ce dernier a un bouquet pareil, formé pareillement de plumes effilées, de même couleur et posées de même ; mais il paraît plus grand, et il a le bec et la queue beaucoup plus longs.
  2. Je ne sais si l’individu observé par Aldrovande avait le nombre des pennes de l’aile bien complet ; mais cet auteur dit que ces pennes étaient de couleur noirâtre.
  3. Les plumes de la base du bec tournées en arrière, et laissant les narines à découvert. Ornithologie de Brisson, t. II, p. 130.
Notes de l’éditeur
  1. Cincinnurus magnificus (Paradisæa magnifica L.) [Note de Wikisource : actuellement Diphyllodes magnificus Pennant, vulgairement paradisier magnifique].